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Le contrôle du climat intérieur dans les bâtiments
Résumé
L’exposé milite pour une formulation rigoureuse de l’antagonisme entre le confort des occupants d’un
bâtiment et la consommation énergétique de ce bâtiment. L’intermittence des occupations, des usages,
des sollicitations environnementales, des tarifs du gaz et de l’électricité, rend cette formulation
particulièrement subtile.
Après un rappel des effets souvent contre-intuitifs des capacités thermiques du bâti et des équipements
de génie climatique, l’exposé passe en revue les modèles mathématiques des moteurs de calcul
thermique les plus utilisés (en France). Plus les informations sur le bâti sont détaillées, plus ces moteurs
sont capables de calculer avec précision l’état thermique du bâtiment pour une stratégie de chauffage ou
de climatisation donnée.
Ces modèles mathématiques sont au cœur de la théorie du contrôle optimal, la seule théorie qui permette
de mener les calculs « à l’envers », c’est-à-dire de trouver la meilleure commande de chauffage ou de
climatisation possible pour une exigence de confort et de consommation souhaitée. La commande
prédictive sur un horizon de temps glissant est plébiscitée par les automaticiens pour mettre le contrôle
optimal en pratique, dans les bâtiments les plus modernes.
Au premier rang des anticipations utiles pour la commande prédictive figure la météo (température,
ensoleillement, vent). La discussion sur les prévisions à court terme permet d’introduire la théorie des
séries temporelles et des modèles de régression qui rencontre un succès foudroyant dans de très
nombreux domaines dont l’économie et la finance.
Il faut cependant admettre que le déficit criant de données de structures comme celles de la maquette
virtuelle (BIM), ou de séries chronologiques de mesure suffisamment locales et précises, rend les mises
en œuvre concrètes d’une commande prédictive absolument dérisoires au regard des promesses
d’efficacité énergétique des bâtiments et de révolution digitale.
Le contrôle du climat intérieur dans le grand tertiaire neuf est sûrement le bon sujet pour démarrer la
commande prédictive. Dans le résidentiel, sans doute faut-il attendre un gain avéré sur les coûts de
conception, de fabrication, de mise en service et de maintenance des matériels de génie climatique (dont
électronique et informatique), pour constater une percée de la commande prédictive comme technique
de régulation.
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Introduction
Le Grenelle Environnement de 2007 et sa loi Grenelle 1 de 2009 fixent un seuil de consommation
énergétique ambitieux pour les bâtiments neufs, en France. Aucun choix d’équipement de Chauffage,
Ventilation et Climatisation (CVC) ne dispense l’enveloppe du bâti d’être très isolante. De fait, la
réglementation thermique RT 2012 suscite des choix architecturaux et de matériaux de construction
particulièrement innovants.
Si l’isolation est bien le premier poste d’économie de chauffage, la régulation en fonction de
l’occupation des locaux vient immédiatement derrière. Dit très simplement, il s’agit d’éviter de chauffer
un local inoccupé.
Le pouvoir réglementaire aurait pu mettre à profit les trois années séparant la loi (2009) de ses décrets
d’application (2012) pour fixer une doctrine sur la modélisation des bâtiments résidentiels et tertiaires
en régime thermique varié. La doctrine aurait pu bénéficier à tout le parc de locaux existant.
Fixer une doctrine sur la régulation thermique, c’est rendre quantifiable le gain énergétique d’une
modulation de la température intérieure des locaux en fonction de leur occupation et/ou usage.
Le calcul réglementaire du « besoin de chauffage », avec un scénario d’occupation conventionnel, donne
en fait un résultat arbitraire. On peut facilement s’en convaincre en lisant les références [1] et [2] de la
bibliographie et les explications données dans la suite de ce document. Le plus surprenant, c’est l’omerta
d’une majorité de bureaux d’études thermiques et d’organismes scientifiques.
Le silence des scientifiques est d’autant plus incongru que, plus de 15 ans avant la RT 2012, la plupart
d’entre eux avaient déjà posé le problème de l’optimisation d’un chauffage intermittent. A cet égard, le
premier chapitre de la thèse de doctorat de Mr Gilles Fraisse de 1997 [3] est lumineux.
En 2012, c’est un Américain, Tony Fadell, qui rompt l’omerta avec son thermostat à apprentissage Nest.
Tony Fadell lui-même emprunte l’idée du Neurothermostat aux chercheurs de l’Université du Colorado
[4]. Ces derniers utilisent le terme commande prédictive (predictive control), comme Monsieur Fraisse,
dès l’année 1997 !
A l’issue de son programme HOMES (Habitat Optimisé pour la Maîtrise de l’Energie et des Services,
2008-2012) l’électricien Schneider-Electric [5] marche dans les pas de Google/Nest. Il creuse
sérieusement la piste de la commande prédictive qui fait évidemment partie de l’arsenal technique d’un
grand automaticien.
3
La commande prédictive appliquée au génie climatique est donc choisie comme fil conducteur de ce
document.
Pour autant, l’auteur ne cherche pas à convertir la communauté professionnelle du CVC à la
cybernétique.
En chauffage par exemple, l’intérêt collectif bien compris peut être de renforcer préalablement
l’isolation des bâtiments puis de considérer l’influence des réduits de température comme du deuxième
ordre (en pourcentage de l’énergie totale, pas spécifiquement de chauffage, injectée dans le local).
Cependant, dès lors qu’une majorité d’acteurs du secteur trouve son intérêt dans l’affichage d’une forme
de modernité (transition énergétique, révolution digitale, intelligence artificielle, connectivité…), il faut
comprendre où on met les pieds.
Là où le secteur de l’automobile réussit plutôt bien (bibliographie [6]), le secteur du CVC risque de faire
un fiasco.
Nous montrons qu’on peut espérer contrôler le « micro climat » à l’intérieur d’un bâtiment avec des
algorithmes largement empruntés aux concepteurs de produits structurés financiers ! Il s’agit
d’équilibrer un risque d’inconfort avec un gain sur la facture énergétique. Mais qui souhaite prendre le
risque de spéculer sur la météo et de jouer avec le confort des occupants quand l’espoir de gain est
éminemment contestable ?
A la fin, l’auteur suggère que seul le cloud, comme point de rencontre d’une théorie thermique du
bâtiment, de services en ligne d’accès aux données d’environnement, et du contrôle à distance des
équipements CVC, peut déclencher le succès de la commande prédictive.
4
Les limites de l’intuition sensible
Le schéma-blocs ci-dessous correspond assez bien à ce que notre intuition sensible nous enseigne sur la
thermique d’un logement pendant la saison de chauffe. Le logement est soumis à travers son enveloppe
extérieure à des sollicitations du climat Te (en °C). Il traduit la puissance thermique P (en watt) injectée
par le système de chauffage en une température intérieure Ti (en °C) supérieure à Te.
Pour chauffer la salle d’armes du château, il faut une flambée dans la cheminée d’autant plus intense
que la salle est grande, les murs peu isolants et le climat froid.
La réalité est évidemment plus complexe. La puissance injectée est la somme d’une puissance de
chauffage et d’apports dits « gratuits » dont le rayonnement solaire à travers les ouvertures. Le vent est
une composante du climat extérieur, la température intérieure est une combinaison de la température de
l’air à différentes hauteurs et des températures de surface des parois et du mobilier…
Cependant, même dans sa forme la plus dépouillée, le schéma fonctionnel permet de poser énormément
de bonnes questions. L’entrée P, la sortie Ti et la perturbation Te sont trois fonctions du temps (celui qui
s’écoule, pas celui qu’il fait…).
Ces trois fonctions du temps sont-elles synchrones ou déphasées ?
Le climat peut varier d’un jour à l’autre mais la température extérieure, diurne et nocturne, est
essentiellement cyclique avec un minimum au lever du soleil et un maximum un peu après la mi-journée.
A puissance de chauffe constante, comment est-ce que le cycle de température extérieure se traduit à
l’intérieur, tout du moins en température de paroi ?
Pour une « passoire » thermique la réponse est simple. La température de surface intérieure reproduit
fidèlement et intégralement les fluctuations de la température de surface extérieure.
Les enveloppes minces à base de vitrage simple, plaque métallique ou fibrociment, sont des passoires.
La principale résistance au transfert de chaleur à travers l’enveloppe est la résistance de contact
(résistance superficielle est plus rigoureux scientifiquement) entre l’air intérieur et les parois. La
résistance de contact vers l’ambiance extérieure est plus faible à cause du vent.
P
Te
Ti
Figure 1
5
En toute rigueur maison « passoire » n’est pas exactement synonyme de maison « mal isolée ». Une
maison en pierre calcaire peut être raisonnablement résistante au flux de chaleur et néanmoins
transmettre telles quelles les oscillations de la température extérieure.
En règle générale cependant, l’enveloppe d’un bâtiment raisonnablement isolante propage les
oscillations de la température extérieure en les atténuant et en les décalant dans le temps.
Les équations de la thermique montrent que l’atténuation et le décalage vont de pair. Ils croissent avec
l’épaisseur des murs et décroissent avec la diffusivité du matériau. Le tableau ci-dessous donne des
ordres de grandeur d’atténuation (en %) et de retard (en heures) pour un mur homogène de 20 cm
d’épaisseur en blocs de différents matériaux de construction.
U est le coefficient de transmission thermique du mur. Plus sa valeur est faible, plus le mur est isolant
(inverse de la résistance).
C’est toutefois la capacité du mur à « retenir » la chaleur et non sa résistance thermique qui est
responsable de l’atténuation et du retard.
Le déphasage de plusieurs heures qui figure dans le tableau est largement diminué en pratique par
l’influence des ouvertures et des divers ponts thermiques de l’enveloppe du bâtiment.
Autant l’inertie thermique des murs est ressentie au coucher du soleil par grande chaleur en été, autant
elle échappe à notre intuition sensible pendant la saison de chauffe en hiver. La faute à la régulation du
système de chauffage ! Le b.a.-ba du confort d’un système de chauffage, qu’il soit électrique ou central,
à air ou à boucle d’eau, c’est de maintenir la température intérieure la plus constante possible autour
d’une consigne Tc. Il ne peut le faire qu’avec un régulateur.
Ainsi, pour être réaliste, notre première représentation fonctionnelle (figure 1) doit être corrigée comme
suit (figure 2).
Matériau U (W/m2K) Atténuation (%) Retard (heures)
Béton cellulaire 0.8 50% 7
Terre paille 2.3 55% 6
Béton lourd 3.5 56% 5
Terre cuite 2.4 55% 6
Cendres volantes 1.4 40% 8
P
Te
Ti Bâti + chauffage Régulateur
Tc
Figure 2
6
Le système de chauffage assure un flux de chaleur à travers l’enveloppe du bâti. Par ailleurs,
l’enveloppe atténue les oscillations de température en provenance de l’extérieur. Le régulateur du
système de chauffage essaie d’annuler les oscillations résiduelles de température intérieure.
Pour un observateur enregistrant les températures mais manquant d’information sur le système de
chauffage et son régulateur, il est impossible de faire la part des choses entre qualité du bâti et qualité
du régulateur.
Toutefois, si l’observateur dispose en plus d’une mesure de la puissance injectée P, alors le principe de
superposition permet de trouver assez facilement la résistance thermique totale de l’enveloppe et de
donner une appréciation générale sur l’isolation du bâti.
Le régime thermique global est la superposition d’un régime lentement variable dont l’échelle de temps
est la semaine ou plus et d’un régime cyclique de période 24 heures et de moyenne nulle. Une autre
présentation consiste à dire que le stock de chaleur capturé par le bâti est dérisoire par rapport au cumul
des flux qui traversent ce même bâti pendant une semaine de chauffe par exemple. Si on écrit Pmoy, Ti
moy, Te moy, les valeurs des variables sur une période où leurs composantes cycliques sont de moyenne
nulle, on a la relation (1) de définition de la conductance totale L(1) de l’enveloppe du bâti (en watt par
degré).
(1) Pmoy + X = L (Ti moy - Te moy)
Attention, le terme à gauche est la totalité du flux de chaleur qui traverse l’enveloppe, qu’il soit injecté
par le système de chauffage proprement dit ou par le soleil à travers le vitrage, par les équipements
électriques ou par les occupants. Les apports sont rarement mesurés mais il existe des méthodes pour
les estimer.
La relation (1) obtenue par régression statistique d’un lot de mesures s’appelle la signature énergétique
simple du bâtiment.
Les raisonnements propres aux « passoires » s’appliquent aux régimes lentement variables pour tous
les bâtis. Ils peuvent donner des indications sur les défauts d’isolation mais ne permettent pas
d’optimiser la conduite du système de chauffage.
Voyons pourquoi un modèle de signature énergétique simple est néanmoins utilisé dans beaucoup de
régulateurs de chauffage central à boucle d’eau dits « avec compensation de température extérieure ».
[1] L coefficient de déperditions statiques globales, GV en France, UA aux Etats-Unis. Pour fixer les
idées, un pavillon peut avoir un L de 200 W/°C, les occupants et équipements apporter 200W, le soleil
injecter 300W, le chauffage injecter 2500 W.
7
Les limites du régulateur climatique
Pour annuler les fluctuations résiduelles de température intérieure, notamment celle des parois, il est
logique d’organiser une boucle de contre-réaction en faisant varier à contre sens la température des
émetteurs muraux ou d’un plancher chauffant. Quand la température intérieure tend à baisser, on monte
la température de l’eau de chauffage, quand elle tend à monter, on baisse la température de l’eau.
Pour que ça marche, l’expérience prouve que le gain du régulateur doit être élevé. Sans un traitement
spécifique des transitions, une telle installation est incompatible avec la programmation d’un réduit de
nuit par exemple. Plus grave encore, la même eau de chauffage irrigue tous les radiateurs d’une même
colonne c’est-à-dire plusieurs pièces voire plusieurs logements. Où placer la sonde d’ambiance et
comment espérer qu’une même correction convienne à toutes les pièces ?
La seule température susceptible de mettre tout le monde d’accord, c’est la température extérieure. La
régulation de température d’eau par compensation de température extérieure est mise en œuvre par une
gamme de régulateurs climatiques très populaires comme la gamme Siemens, dont un extrait est
reproduit à la figure 4.
ΔTeau Ti Régulateur
proportionnel
Tc Emetteur
ε
Sonde
d’ambiance
+ _
Figure 3
8
L’algorithme mis en œuvre, c’est la relation (1) écrite avec des températures courantes et non plus des
moyennes. La puissance de chauffage injectée par les émetteurs fait intervenir les températures d’eau,
départ et retour, et la température intérieure, conformément à une norme européenne, la EN 442. Tous
calculs faits, la température de départ est une fonction explicite de la température intérieure souhaitée et
de la température extérieure. On appelle cette fonction « courbe de chauffe » ou encore « loi d’eau ».
La température extérieure est mesurée par une sonde extérieure. Sans sonde d’ambiance, il est
impossible de détecter les fluctuations de la température intérieure, donc de tenir compte des apports X
de la relation (1). Le régulateur documenté à la figure 4 propose d’en tenir compte dès lors qu’un appareil
d’ambiance est installé.
Il n’en demeure pas moins qu’un régulateur à compensation de température extérieure prétend contrôler
des températures courantes à partir de relations qui ne s’appliquent qu’à des régimes complètement
établis. Tous les termes capacitifs responsables d’atténuation et de déphasages sont ignorés.
Un régulateur climatique peut réguler les organes de chauffage pour assurer la stabilité du système
thermo-hydraulique. Il n’a pas la complexité requise pour garantir le confort interne en régime varié et
encore moins pour optimiser la consommation énergétique.
N1 Régulateur
Y1 Vanne mélangeuse avec servomoteur
M1 Pompe du circuit de chauffage
E1 Générateur de chaleur (chaudière)
E1
E2 Emetteur de chaleur (radiateur)
A6 Appareil d’ambiance
B1 Sonde de température de départ
B9 Sonde extérieure
Figure 4
9
La variété requise d’un modèle thermique de bâtiment
Pour connaître l’aptitude d’un bâtiment à retenir la chaleur, il suffit de couper le chauffage et mesurer à
quelle vitesse baisse la température intérieure. Ce genre d’approche empirique permet d’enrichir le
modèle de signature énergétique simple avec des paramètres dynamiques comme une constante de temps
du bâtiment.
Toutefois, l’identification des paramètres dynamiques est difficile quand on a la main ni sur le chauffage,
ni sur les apports intermittents. La méthode de la signature énergétique reste donc cantonnée à sa version
simple qui sert de socle théorique à toutes les méthodes dites « professionnels de l’énergie ».
Chez les ingénieurs, la mode est plutôt à l’approche analytique qui consiste à résoudre les équations
de la physique sur une maquette architecturale décomposée plus ou moins finement en murs, cloisons,
fenêtres, planchers, gaines, équipements CVC, etc…Le tableau ci-dessous nomme quatre logiciels en
vogue en France.
Des tests ont montré que, sur une même maquette architecturale, les quatre logiciels donnent grosso
modo les mêmes résultats. C’est heureux car leurs moteurs de calcul qualifiés de « modèles nodaux
multizone » font tous exactement le même bilan thermique pour chaque composant (on dit aussi maille
ou nœud) de la maquette.
(2) C dT/dt = P + ∑ in - ∑ out
La seule variante notable concerne le traitement mathématique des murs composites.
Des bilans comme l’équation (2), il peut y en avoir des dizaines, un par volume d’air homogène en
température (on dit aussi zone ou groupe), un ou plusieurs par mur extérieur, plancher, plafond, un par
cloison intérieure… Le talent combiné du logiciel et de l’utilisateur doit favoriser la réduction du
modèle, c’est-à-dire une accélération du calcul sans perte significative de précision.
Logiciel Origine Point fort (à débattre)
EnergyPlus USA DoE Intégration dans la galaxie Autodesk
COMFIE France Armines Réduction de modèles très efficace
SIMBAD France CSTB Intégration dans la galaxie Matlab
BuildSysPro France EdF R&D Le plus moderne…
Symbole Nature Unité
C Capacité thermique du noeud joule par degré
T Température du noeud degré
C dT/dt Taux de chaleur retenue watt
P Puissance injectée dans la masse watt
∑ in Courants de chaleur entrant par la surface watt
∑ out Courants de chaleur sortant par la surface watt
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Une forme extrême de réduction de modèle consiste à résumer le bâtiment à un volume d’air intérieur
unique isolé de l’air extérieur par la combinaison d’une enveloppe capacitive et résistive dite lourde
(murs extérieurs) et d’une enveloppe purement résistive dite légère (baies vitrées). Par pur souci
pédagogique, ce modèle est dessiné comme un circuit électrique à trois résistances et deux capacités
(R3C2) ou trois résistances et une seule capacité (R3C) si on néglige la chaleur de l’air ambiant.
Le moteur de calcul Th-BCE de la RT 2012 introduit deux résistances de plus (R5C) pour tenir compte
des apports solaires par les vitrages et du renouvellement d’air par la ventilation.
Les modèles mono zone R-C sont strictement de même nature que les modèles nodaux précédents. Le
bilan (2) ressemble à une loi de courant de Kirchhoff écrite à la borne d’un condensateur de capacité C
portée au potentiel T.
Dressons la liste des modèles disponibles et de leur emploi majoritaire. La quatrième ligne est citée pour
mémoire.
(*) Computational Fluid Dynamics
Les automaticiens appellent « modèle d’état d’un système analogique linéaire multi variables » ce que
les bureaux d’études appellent modèle thermique nodal. Le principe de superposition qui permet
l’addition d’un régime statique et d’un régime cyclique est une conséquence de la « linéarité »
mathématique.
Modèle Usage
Signature énergétique simple Professionnels de l’énergie
Régulateur climatique
Analogie électrique Calcul réglementaire RT 2000, 2005, 2012
Bureaux d’études thermiques, avant-projets sommaires
Nodal multizone
Bureaux d’études thermiques, projets détaillés
CFD(*) 2D/3D
Laboratoires de recherche, aéraulique notamment
Equation d’état dX/dt = [A] X + [B] U (3.0)
Equation de sortie Y = [C] X (3.1)
Condition initiale X(0) = X0 (3.2)
Vecteur X d’états Températures internes air et murs
U de commandes Climat, chauffage, apports
Y de sorties Températures opératives
Matrice [A] dynamique Coefficients thermiques du bâti
[B] de commande Idem
[C] d’observation Filtre généralement booléen
11
Voilà à quoi ressemble notre salle d’armes revisitée par les automaticiens !
La matrice d’observation C est rectangulaire, ce qui veut dire qu’il faut toujours plus de variables d’état
que d’objectifs pour expliquer les trajectoires observées.
Retenons de ce jargon technique qu’il est impossible de décrire le comportement thermique dynamique
de la salle d’armes avec une seule température interne. Il faut au minimum une température d’air et une
température de mur, quelle qu’elle soit.
Quand toutes les capacités et les résistances des matrices [A] et [B] sont approximées par des valeurs
constantes, on dit que le modèle est « linéaire invariant dans le temps ». C’est le problème mathématique
le plus remâché par les automaticiens qui lui ont même trouvé des solutions explicites.
Pour néanmoins décourager les tentatives de coin de table, on demande combien de gens savent calculer
la variation de tension au nœud Ti à partir de la variation de courant injecté P (arrêt puis relance par
l’interrupteur), dans le circuit électrique de la figure 6 ?
Te Ti ? Tmur
P
Ti
Tmur Ti ∫
Te
[C]
Ṫi
Ṫmur
[A]
[B]
P +
+
Figure 5
Figure 6
12
Comment faire des économies de chauffage ?
La question porte sur la conduite du système de chauffage pour un bâti donné.
Le modèle de signature énergétique simple suffit amplement à prédire ce qu’on peut gagner sur la facture
de chauffage quand on baisse d’un degré ou plus la moyenne de la température intérieure. Le fameux
7% de gain énergétique pour un réduit d’un degré n’est qu’une forme littéraire de la relation (1) avec un
écart à compenser de 14°C dans le terme à droite.
Ce que le modèle de signature énergétique simple est incapable de dire, c’est comment on baisse d’un
degré la moyenne de la température intérieure ?
Dans les années 1970 pas mal d’instituteurs d’écoles rurales coupaient en hiver le poêle à mazout en
fermant la classe le samedi à midi et se levaient tôt le lundi matin, bien avant l’arrivée des élèves, pour
relancer le poêle à pleine puissance.
Dans les années 2000, un régulateur climatique comme celui de Siemens propose une horloge de
programmation qui se charge de tout.
De nos jours, on ne compte plus les publicités promettant de 25 à 40% d’économie sur la facture
énergétique grâce à un bon contrôle du chauffage en fonction de l’occupation. Grosso modo, l’économie
se fait sur le réduit de nuit (habitation) et le réduit en période d’inoccupation pour chaque local ou
encore mieux pour chaque pièce ou salle (bâtiment tertiaire).
Pour réduire la température intérieure, il suffit de couper le chauffage. Toute la difficulté, c’est de savoir
quand il faut le relancer et avec quelle intensité.
Figure 7
13
Le diagramme de températures (consigne et ambiance) de la figure 7 est extrait d’une documentation de
Siemens Building Technologies. La température de départ d’eau de chauffage n’est pas représentée.
Comment font-t-ils pour piloter leur organe de régulation avec une telle maîtrise ? Voici ce qu’ils
écrivent : “based on the defined heating schedule (occupancy times), the outside temperature, the room
temperature and the building’s storage capacity, the controller automatically calculates the ideal times
for the beginning of the heat-up and reduced phases”. Magique…
Néanmoins, puisque les experts calculent si bien toutes les températures internes d’une zone à partir de
la température extérieure et de la puissance de chauffage injectée dans la zone, peut-on leur demander,
à l’inverse, de calculer la puissance à injecter pour avoir une température douillette en période
d’occupation et d’éveil, et plus spartiate autrement ?
Hélas, ça ne marche pas comme ça ! Le système analogique (3) laisse trop (ou pas assez) de liberté à la
grandeur commandée (puissance injectée) quand on impose l’historique d’une seule composante du
vecteur d’état (température d’air intérieur par exemple).
Autant on ne peut pas forcer un industriel, fabricant de régulateurs, à dévoiler tous ses secrets, autant
on peut reprocher à une administration technique comme la DHUP française de laisser planer le doute
sur ce qu’elle appelle « calcul du besoin de chauffage » dans sa réglementation RT 2012 (1).
Tous les moteurs de calcul thermique en usage en France (Th-BCE, COMFIE, SIMBAD,…) sont
foncièrement conçus pour résoudre le problème direct, c’est-à-dire le calcul des températures internes
en fonction des sollicitations, climat et apports internes dont chauffage. Dans le problème direct, le
chauffage est une entrée connue.
Notre intuition nous dit pourtant qu’une forme de problème inverse mérite d’être posée et qu’il doit bien
exister une solution de chauffage optimale qui respecte un chronogramme de températures de consigne.
Des générations d’automaticiens se sont penchées sur la question et ont inventé la théorie de la
commande optimale. Cette théorie impose qu’on choisisse une fonction de coût du chauffage qui
combine la trajectoire de la température intérieure du local et la trajectoire de la puissance de chauffage
injectée dans le local. Pour une durée de plusieurs heures englobant la période de ralenti, testons
l’expression suivante :
Les deux facteurs Q et R permettent de pondérer les deux critères et de les exprimer en euros pourvu
qu’on sache estimer le prix d’une unité d’inconfort !
[1] Voir annexe 1
Coût = Inconfort thermique + Consommation énergétique
= Q×(Intégrale de l’écart |Ti – Tc| au carré) + R×(Intégrale de la puissance injectée)
14
Dans un programme de relance du chauffage en fin de période d’inoccupation (figure 8), si on démarre
trop tôt, on consomme pour rien, si on démarre trop tard, il fait froid quand on rentre à la maison. Le
coût total est donc un critère de compromis.
Prouver l’existence et l’unicité d’une trajectoire de puissance de chauffage qui minimise le coût total
sur la durée d’un calendrier d’occupation est un casse-tête mathématique que seuls les initiés savent
résoudre.
Le casse-tête théorique est encore compliqué par une contrainte de bon sens sur la grandeur
commandée. Pour passer du mode économique (absence) au mode confort (présence), on ne peut pas
solliciter une puissance de chauffe infinie. La puissance injectée est bridée par le système de chauffage
installé. Les automaticiens appellent cette limite la saturation de la commande.
Remarquons en outre que le coût de l’inconfort pour l’occupant est nul en période d’absence. Il y a donc
une fonction d’occupation qui vient implicitement dépénaliser l’écart de température Ti – Tc pendant
les périodes d’absence.
Tc
°C
Tréduit
Inoccupé occupé
kW
Ti
P
Zone
d’inconfort
Relance
optimale
Figure 8
15
La commande prédictive, technique d’avenir ?
Les professionnels du CVC aiment bien le mot scénario, qu’on peut assimiler à une prévision de
trajectoire.
• Le scénario d’occupation d’un local définit la chronologie des températures de consigne,
• le scénario de vie des occupants d’un logement définit les apports gratuits des équipements
électro-ménagers et multimédia ou certaines pertes par renouvellement d’air,
• le scénario de température extérieure et d’ensoleillement, c’est la prévision météorologique,
• le scénario de prix de l’énergie, c’est la grille tarifaire du fournisseur…
Imaginons qu’on ait une confiance absolue dans ces prévisions au point de les considérer comme des
données. Supposons en outre que le modèle thermique du local et la fonction de coût retenue permettent
de calculer mathématiquement le scénario de chauffage idéal sur l’horizon de temps de notre prévision.
Pour un local occupé de 8h du matin à 19h le soir, avec une température de « confort » de 19°C et une
température de « vacance » de 10°C, le scénario idéal pendant 56 heures de baisse marquée de la
température extérieure peut ressembler à celui de la figure 9.
0
5
10
15
20
25
19h 8h 19h 8h 8h
0
10
20
30
40
°C
kW
Températures intérieure et de consigne
Température extérieure
Puissance de chauffage
0 56 42
Figure 9
16
Pour les automaticiens le graphique de la figure 9 illustre un problème de « poursuite en temps continu ».
Les outils mathématiques de la commande optimale ont été mis au point dans les années 1950 presque
simultanément par l’école soviétique de Lev Pontriaguine et par l’école américaine de Richard
Bellman. Leurs théories ont trouvé au moins autant d’applications dans l’économie et la finance que
dans la physique.
Sans surprise, le Russe fait des mathématiques. Il contourne la question du coût minimum contraint par
les équations d’évolution du problème direct. Il la remplace par la recherche du minimum « libre » d’un
coût composite incluant l’inconfort, la consommation de chauffage et un surcoût purement formel
associé au respect du problème direct.
Sans surprise non plus, l’Américain adopte une démarche plus pratique et colle un nom passe partout à
sa méthode, la programmation dynamique. Notre scénario d’optimisation de chauffage se déroule sur
56 heures. Si on est au coût minimum au bout de 42 heures, la recherche du scénario idéal pour les 14
heures restantes est un problème intermédiaire identique au problème global. De ce principe d’optimalité
on dérive plusieurs méthodes pour fabriquer la solution de proche en proche, « en remontant le temps ».
Moyennant quelques précautions sur les choix du modèle d’état et de la fonction de coût, la théorie de
la commande optimale fournit un résultat commode pour la conception des boîtiers de régulation.
On peut toujours suivre une séquence de températures de consigne à moindre coût avec une loi de
chauffe programmée comme un retour d’état (state feedback en Anglais). Les équations du bloc de
contrôle contiennent les températures internes (vecteur d’état), les capacités et les résistances
thermiques du bâti (matrices du modèle), et les facteurs de compromis entre inconfort et consommation
énergétique.
∫ [C]
[A]
[B]
[K]
Local « réel »
Contrôle
Températures
opératives
Météo
Consignes
Etats Loi de chauffe
+ +
Figure 10
17
Il faut néanmoins garder à l’esprit que, pour un horizon de temps fixé, la solution optimale doit être pré
calculée en totalité.
On peut s’en convaincre avec l’effacement du chauffage électrique en période de pointe, question
pédagogique à défaut d’être consensuelle. Quand on s’approche d’une tranche de tarif élevé, il est
logique de profiter de la capacité d’accumulation thermique du bâti pour surchauffer légèrement le local
avant de réduire ou de carrément couper les radiateurs. On ne peut donc pas faire le bon choix « à
l’avancement ».
On rappelle que les variables d’état du local comprennent la température d’air, toutes les températures
superficielles, murs, vitrages, cloisons, émetteurs, une température d’eau s’il y a un plancher chauffant.
Si, pour piloter correctement le chauffage du local, il faut le truffer de capteurs et ramener toutes les
mesures sur le boîtier de régulation, l’équation économique n’est pas fameuse…
C’est compter sans la foi des automaticiens en la véracité du modèle mathématique. Faisons tourner le
modèle réduit du local dans un ordinateur en le soumettant à la même loi de chauffe et à la même météo
que le local réel. Si on constate le moindre écart entre la température opérative mesurée et la température
opérative simulée on s’en sert pour ajuster le simulateur et le faire rapidement rentrer dans les clous.
L’agent disciplinaire s’appelle un observateur. Le vecteur d’état du simulateur est alors une image
fidèle de l’état du local et c’est lui qui alimente le bloc de contrôle.
∫ [C]
[A]
[B]
[K]
Local simulé
Contrôle Consignes
Etats simulés Loi de chauffe
Te Ti
P
+
+ +
+
_ Observateur
Bâti + chauffage
Régulateur
Figure 11
18
Evidemment, le schéma bloc de la figure 11 est moins lisible que celui de la deuxième page de l’exposé,
figure 2. En réalité c’est le même, avec un régulateur plus sophistiqué dit, pour des raisons évidentes, à
modèle interne.
Que met-on au juste dans le bloc de contrôle ?
En temps continu, ce sont des formules savantes que seuls les étudiants et les professeurs savent encore
décoder. Elles ont leur utilité pour dégrossir le problème.
La programmation dynamique de Bellman est contemporaine des premiers ordinateurs américains. En
temps discret, les versions de cette méthode se prêtent particulièrement bien à la programmation
numérique.
Pour fixer les idées supposons qu’on dispose de mesures fiables de température, toutes les 12 minutes.
On cherche la commande de chauffage du local à occupation intermittente sous la forme d’une séquence
de 280 valeurs de puissance, numérotées de k = 0 à k = 279 = N.
L’énoncé général de la commande optimale en temps discret figure dans tous les manuels.
Rien que dans le CVC, le champ d’application est vaste.
Appliquons l’énoncé à la qualité de l’air intérieur du local. La concentration de CO2 en ppm (partie par
million) est la variable d’état, l’entrée d’air neuf en mètre cube par heure est une variable de commande,
le nombre d’occupants en est une autre, la fonctionnelle de coût est la consommation électrique du
ventilateur confrontée au risque sanitaire de dépassement du seuil de pollution. Attention, la dynamique
du système n’est plus linéaire !
Sans doute devrait-on explorer le cas d’un réseau de distribution d’eau chaude sanitaire (ECS) qui
combinerait production instantanée et accumulation. La fonctionnelle de coût pourrait être l’énergie de
chauffage de l’eau confrontée au volume d’eau distribué au robinet à moins de 40°C (notion vulgarisée
par le temps d’attente au point de puisage).
Nous avons noté que la commande optimale n’offre pas de solution facile « à l’avancement ». La
commande prédictive (bibliographie [7] et [8]) est une version glissante de la commande optimale qui
règle la question, laborieusement mais définitivement.
Vecteur d’état X(k) (4.0)
Vecteur de commande U(k) (4.1)
Trouver U(0), U(1),…U(N) qui
minimise le coût J J = ∑ 𝑁
𝑘=0 L(X(k), U(k), k) (4.2)
« subject to »
la dynamique du système X(k+1) = F(X(k), U(k), k) (4.3)
avec sa condition initiale X(0) = X0 (4.4)
et les contraintes de saturation U(k) dans certaines limites (4.5)
19
Dans notre exemple, on calcule le scénario optimal pour l’horizon [0,280] et on injecte la puissance de
chauffe P(0) trouvée. Douze minutes plus tard, on met à jour les 56 heures de prévisions et tous les
calculs pour l’horizon [1,281] et on applique la nouvelle commande P’(1) qui peut être légèrement
différente de P(1). Et ainsi de suite…
Evidemment tous les calculs doivent prendre moins de douze minutes et même si on sous-traite les
algorithmes à un serveur du cloud, le coût du traitement numérique peut inquiéter. Ce genre d’obstacle
ne résiste jamais bien longtemps et, au contraire, devient vite jubilatoire pour les ingénieurs concernés.
En régulation électronique, les ingénieurs ont une suite logicielle fétiche, la suite MATLAB de l’éditeur
américain Mathworks. On y trouve bien une boîte à outils « Model Predictive Control Toolbox ».
Dans la communauté scientifique du CVC toutefois, on sent un engouement pour la suite Open Source
JModelica, une initiative de l’université suédoise de Lünd près de Malmö, actuellement maintenue et
diffusée par Modelon AB. Modelon est un consultant suédois en ingénierie avancée, partenaire entre
autres de Dassault Systèmes. Ils ont appliqué leur savoir-faire à l’optimisation des réseaux de chauffage
urbain par exemple.
Pour introduire ce qui suit, nous reproduisons ci-dessous le schéma de synthèse de la commande
prédictive (Model-based Predictive Control, MPC en Anglais) appliquée au CVC.
Régulateur MPC
Observateur
Prédicteurs
Grille tarifaire
Critères de confort
Planning d’occupation
Prévision météo
Optimiseur
Fonction de coût
Saturations
Modèle d’état
Mesures
Etat actuel
Météo
Occupation
Commandes
optimisées
Figure 12
20
L’art de la prévision
Pour son régulateur climatique Siemens recommande de poser une sonde passive de température
extérieure à résistance de nickel (B9 sur le schéma de la figure 4). Une telle sonde est consultable à tout
moment et si on l’interroge toutes les douze minutes par exemple, on obtient une série temporelle (on
dit aussi série chronologique) de températures.
Si on veut faire de la commande prédictive, il n’est pas interdit de se servir d’un enregistrement du passé
pour prévoir le futur proche. Dans les années 1970, deux statisticiens britanniques, George Box et
Gwilym Jenkins, se sont illustrés dans l’étude mathématique des séries temporelles en étudiant, ça ne
s’invente pas, la concentration de gaz carbonique dans les fumées d’une chaudière à gaz ! Leur
découverte a rapidement servi de recours contre les piètres résultats de certains modèles déterministes,
en météorologie et économétrie notamment.
L’idée est à la fois séduisante et dangereuse : correctement traitée, l’information contenue dans les
mesures serait plus opérationnelle que la physique sous-jacente. On imagine qu’une série temporelle(1)
est la réalisation d’un processus aléatoire fabriqué uniquement à partir de lui-même et de hasard pur
(bruit blanc). Le tableau ci-dessus présente les trois grandes classes de processus aléatoires couramment
manipulées par les prévisionnistes.
Très peu de séries temporelles échappent à la sagacité du modèle ARIMA qui est une combinaison des
trois modèles du tableau.
La suite fétiche MATLAB a bien sûr sa boîte à outils pour identifier le tiercé (p, q, d) qui décrit le mieux
la série étudiée et estimer les poids des formules de régression. Le succès en économétrie est tel que
même les logiciels d’entreprise comme SAP ont leur bibliothèque Box-Jenkins ! Enfin, tout comme les
automaticiens ont leur langage ouvert Modelica, les statisticiens ont leur langage ouvert, le R.
On devine bien néanmoins que la statistique ne peut pas prévoir l’arrivée brutale par l’Ouest de la
prochaine perturbation touchant l’Ile de France. Il nous faut un modèle physique de l’atmosphère pour
accentuer ou retourner la tendance endogène du modèle statistique. Le tableau ci-dessous donne un
échantillon de services de prévision météorologique utilisant des modèles structurels de l’atmosphère.
[1] Après correction éventuelle de saisonnalité
Notation Processus Ordre Définition
AR Autorégressif p La dernière valeur est la somme d’un bruit blanc et d’une
combinaison linéaire des p valeurs antérieures de la série
MA Moyenne
mobile
q La dernière valeur est une combinaison linéaire de q tirages
antérieurs d’une loterie de type bruit blanc
I Intégrateur d d dérivations successives rendent la série stationnaire
Modèle Origine Maille Horizon Fréquence des runs Couverture
AROME Météo-France 1.3 km 36h 4 fois par jour France
COSMO-7 MétéoSuisse 6.6 km 72h 3 fois par jour Europe
GFS National Weather Service 13 km 192h 4 fois par jour Monde
21
Avec une prévision structurelle, on peut donc avoir une nouvelle valeur de température extérieure au
mieux toutes les quelques heures en un lieu qui n’est pas très éloigné mais certainement pas dans la
parcelle cadastrale du bâtiment.
L’accès à un serveur de prévision météorologique régional ne dispense pas d’une connexion à des
capteurs locaux pour caractériser la variabilité des mesures infra-horaires.
Les équipementiers CVC, fabricants de chaudières notamment, qui souhaitent faire l’économie d’une
sonde extérieure pour leur régulation, peuvent néanmoins garder espoir. Avec l’internet des objets et
l’importance de la météorologie dans la vie quotidienne, on peut imaginer que des services en ligne
réalisent eux-mêmes l’alliance de la physique et de la statistique et proposent des prévisions infra-
horaires quasiment à la parcelle cadastrale.
L’entreprise canadienne MacDonald Dettwiler and Associates (MDA) est, dans les années 1980, un
pionnier de l’exploitation des satellites d’observation de la Terre. En février 2017, avec l’achat de
l’opérateur américain de télédétection DigitalGlobe, MDA devient le leader incontesté de l’imagerie
spatiale.
La branche américaine de MDA propose justement un accès en ligne à des informations et des prévisions
météorologiques très locales, partout dans le monde. Ils proposent en outre des applications dans trois
domaines 1) l’agriculture, 2) l’énergie (au sens des « professionnels de l’énergie » y compris exploitants
de chaufferies), 3) les énergies renouvelables (hydraulique, éolien et photovoltaïque).
Quand on sait prédire la production d’une ferme PV, on ne doit pas avoir trop de difficulté à prédire les
apports solaires dans un bâtiment, et ce, d’autant plus facilement qu’on a une information numérique
sur l’orientation, les dimensions, les vitrages dudit bâtiment. C’est évidemment le cas quand le bâtiment
est neuf et qu’il est passé entre les mains d’un architecte maîtrisant le Building Information Model
(BIM) ou maquette virtuelle.
Pour le bâti existant, les bases de données urbaines comme le Référentiel 3D national que prépare l’IGN
progressent bien, en grande partie grâce aux techniques d’imagerie numérique mises au point pour le
relief terrestre par les pionniers de l’imagerie spatiale. Les travaux en cours pour rapprocher les
standards du BIM avec les standards de la géographie numérique en zones urbaines comme le CityGML
illustrent la complémentarité des jeux de données du bâti et de son environnement.
Il y a fort à parier que MDA réfléchit déjà à une quatrième spécialisation de ses services en ligne, celle
de l’efficacité énergétique des bâtiments…
22
La science des données peut-elle servir à identifier le parc existant ?
La question ici est de savoir si on peut « apprendre » le modèle interne d’un bâtiment existant et de son
équipement CVC uniquement à partir de mesures de température et de puissance injectée ? L’usage
réaliste de la commande prédictive, en rénovation, dépend de la réponse.
Nous n’aurions sans doute pas consacré tout un chapitre à Box et Jenkins si leurs travaux n’avaient porté
que sur les séries temporelles d’une variable autonome comme la température extérieure. Leur étude
séminale sur les fumées d’un brûleur à gaz comporte en réalité deux séries synchrones, une série pour
le débit de prémélange air et méthane, et une série pour la concentration de CO2 dans les fumées. Une
simple régression linéaire entre les deux grandeurs ne tient pas compte de l’ordonnancement
chronologique du signal et ne donne rien de très probant. C’est ce qui conduit Box et Jenkins à élaborer
leur théorie.
Revenons un moment sur la maison de campagne en été, volets fermés, dont les murs amortissent et
décalent la variation jour-nuit de la température extérieure. Que pouvons-nous tirer de la comparaison
des deux séries temporelles de 96 heures de la figure 13 ? La série des températures extérieures est
considérée comme entrée externe du système (on dit aussi variable exogène ou explicative), la série des
températures intérieures est le signal de sortie du système (on dit aussi variable endogène).
P=0
Te
Ti
Figure 13
23
Les statisticiens ont eu l’idée d’appliquer leurs concepts probabilistes de traitement du signal au couple
entrée-sortie d’un bloc fonctionnel. Quand une expression linéaire des valeurs de sortie est rendue égale
à une expression linéaire des valeurs d’entrée, à un bruit blanc et un retard près, on parle de modèle
ARX. AR veut dire Auto Régressif, comme avant, et le X vient des termes entrée eXterne ou variable
eXogène.
Quand la loi d’amortissement et de décalage de la température intérieure de la maison d’été est déduite
des seules relations statistiques entre les deux enregistrements de températures, sans référence à la
résistance et à la capacité thermique de l’enveloppe, on dit que le bloc fonctionnel est une boîte noire.
Tout modèle ARX est une boîte noire.
Le cas de la figure 13 sans autre entrée que la température extérieure est qualifié de SISO (Single Input
Single Output). Si on mesure en outre l’apport d’une climatisation, la boîte noire devient MISO
(Multiple Input Single Output). La boîte noire la plus générale en relation avec le modèle nodal des
bureaux d’étude est la boîte MIMO (Multiple Input Multiple Output).
Quand, au contraire, la résistance R (en degré par watt) et la capacité thermique C (en joule par degré)
de l’enveloppe sont identifiées par comparaison entre la sortie mesurée et la sortie calculée avec le
modèle R-C, on dit que le bloc fonctionnel est une boîte blanche. Le calibrage précis des paramètres
structurels d’un système à partir de ses entrées-sorties est le type même de ce qu’on a déjà appelé un
problème inverse.
Tout modèle d’état est une boîte blanche.
Que la boîte soit noire ou blanche, que les paramètres du modèle soient statistiques ou physiques, pour
traiter un problème inverse on a besoin d’une technique d’ajustement qu’on appelle, au choix, moindres
carrés, minimum de distance ou encore minimum de la fonction de coût, exactement comme dans la
théorie de la commande optimale.
On appelle identification (expérimentale) du système l’utilisation de séries temporelles de mesures
pour définir le modèle de boîte le plus cohérent avec le passé du système et/ou avec la théorie qu’on lui
applique. C’est un des ingrédients de la très médiatique Intelligence Artificielle. A ce titre,
l’identification de système inclut la technique des réseaux de neurones.
Le dessin de la figure 14 est purement explicatif. Il ne « fonctionne » pas dans la mesure où les blocs de
traitement des données n’opèrent pas dans le même temps que celui du bloc bâtiment.
24
Entrées Sorties
mesurées
Plan
d’expérience
Bâti + chauffage + régulateur
Ecart ε
P Entrées Sorties
modélisées
Modèle à paramètres p
argmin ε Réglage des
paramètres p
+
_
Figure 14
25
Un bouquet de services pour le résidentiel
Nous n’avons pas encore répondu à la question sur l’usage réaliste de la commande prédictive.
Le tableau de pénétration commerciale de la commande prédictive (MPC) ci-dessous est arbitraire. Il
traduit la conviction de l’auteur que le seul terrain actuellement propice au développement de cette
technique est le tertiaire neuf qui réunit les atouts suivants :
• une bonne connaissance a priori de l’architecture, des matériaux et des équipements grâce au
BIM,
• une bonne motivation des exploitants, surtout quand des stockages thermiques font partie de la
conception architecturale,
• une intermittence de l’occupation et des usages par zone connue à l’avance,
• des exigences nouvelles de confort thermique et de qualité d’air intérieur,
• des algorithmes d’observation simplifiés grâce à la richesse de l’instrumentation,
• une connectivité native.
[1] Programmation des réduits et des relances à distance, par le particulier, sur son téléphone mobile
Bâtiment Age Modèle Source Boîte Connectivité
Tertiaire Neuf Physique (détaillé) BIM Blanche MPC
Tertiaire Rénovation Empirique Identification Noire Télé exploitation
Collectif social Neuf Physique (réduit) BIM Blanche Télé exploitation
Collectif social Rénovation Empirique Identification Noire Télé diagnostic
Autre résidentiel Neuf Signature énergétique BE thermique Télécommande(1)
Autre résidentiel Rénovation Télécommande(1)
52,4 US$bn;
62%
26 US$bn;
31%
5,9 US$bn;
7%
Climatisation Chauffage Ventilation
47%
53%
Residentiel Non-resid.
36%
21%
20%
23%
Asie-Pac. Am. Nord Europe Autre
Marché mondial CVC
(84 US$ bn, 2015)
26
Le gros du CVC dans le monde, c’est la climatisation des bâtiments tertiaires dans la zone Asie-
Pacifique.
Dans cette région du monde, les équipements CVC concernent surtout les ensembles neufs, au cœur des
mégapoles et dans les zones industrielles. Il serait logique d’y attendre les premiers succès de la
commande prédictive.
A l’opposé, précisons l’enjeu pour le résidentiel existant, en France. Prenons les 10 millions de
logements chauffés par effet joule, que nous connaissons bien. A partir d’une consommation moyenne
de 46 TWh par saison de chauffe et d’un raisonnement de signature énergétique simple (écart moyen à
compenser de 10°C), le gradient thermique du parc électrique peut être estimé entre 1000 et 2000
mégawatts par degré (voir annexe 2).
Gagner un degré de température intérieure grâce à une gestion intelligente de l’occupation des
logements chauffés à l’électricité, c’est économiser une grosse tranche de centrale nucléaire (sur une
soixantaine au total).
Ce constat est diversement interprété. L’intérêt collectif à ne pas surcharger le parc nucléaire est
contredit par l’absence de motivation des particuliers. Le degré de température intérieure gagné par une
bonne gestion de l’intermittence représente 70 euros d’économie sur la facture annuelle d’électricité du
logement. Pas de quoi exciter les foules…
Citons néanmoins trois catégories d’acteurs professionnels qui peuvent préparer le terrain pour la
commande prédictive dans le résidentiel.
Fournisseurs d’énergie
Au 1er janvier 2016, la disparition définitive des tarifs EJP (Effacement des Jours de Pointe) d’EDF a
supprimé un potentiel d’effacement de consommation électrique dans le secteur résidentiel (effacement
diffus) de 1000 mégawatts, soit le même ordre de grandeur que le gradient thermique du chauffage
électrique fixe.
L’opérateur historique a sans doute réglé autrement la question de la pointe d’hiver. Signalons d’ailleurs
que pour les pointes prolongées et pour les chauffages à boucle d’eau, le passage en mode gaz ou fuel
des pompes à chaleurs hybridées est une forme vertueuse de contrôle optimal faisant jouer la
concurrence tarifaire entre fournisseurs d’énergie.
Acteurs Services Web Prédicteurs
Fournisseurs d’énergie Offres d’effacement des fournisseurs ou des
agrégateurs d’effacement
Grille tarifaire
et/ou signaux
Serveurs de données
météorologiques et géographiques
Applications intégrées et géo localisées
(températures, apports solaires,…)
Météo
Opérateurs de télésurveillance Accès sécurisé aux données des espaces
personnels
Occupation
27
EDF a délégué à RTE, sa filiale gestionnaire du réseau haute tension, la question de la flexibilité du
réseau pour, notamment, ajuster le soutirage aux fluctuations de l’injection solaire et éolienne. Le
potentiel d’ajustement reste faible et majoritairement tourné vers les clients industriels (mécanisme de
capacité de la loi Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité de décembre 2010).
Pour des raisons d’image, les grands fournisseurs et transporteurs d’énergie continuent néanmoins
d’encourager les initiatives de pilotage des consommations et ne voient pas d’un mauvais œil la
constitution d’une nébuleuse d’intermédiaires qu’on appelle des agrégateurs d’effacement.
Il revient à ces entreprises opportunistes de trouver une audience pour « vendre » de l’effacement diffus
là où EDF, ENGIE et autres RTE ont abandonné le terrain.
Serveurs de données météorologiques et géographiques
Ce sujet a été traité dans le paragraphe sur l’art de la prévision. Les offres professionnelles dans le
domaine de l’agriculture et de l’énergie existent déjà. On attend des offres similaires pour l’efficacité
énergétique des bâtiments.
Soit dit en passant, le premier fabricant de chaudière qui saura substituer économiquement une
information météo payante à une sonde de température extérieure en tirera un bénéfice d’image. Qui, en
effet, est plus légitime à diffuser une information précise de climat extérieur sur un téléphone mobile
que le responsable du climat intérieur de la maison ?
Opérateurs de télésurveillance
Quel opérateur nous donne suffisamment confiance pour qu’on lui confie un calendrier d’occupation de
notre logement, voire la composition et les habitudes d’aller et venue de notre famille ?
Historiquement, les acteurs de la domotique ont cru régler cette question avec un boîtier de
programmation fixé au mur mais le succès est mitigé. En 2012, les partisans du thermostat à
apprentissage croient trouver une martingale avec les détecteurs de mouvement sans contact et une
analyse statistique des signaux de présence qu’ils délivrent. Mais dès 2017, tout ce petit monde se
recentre sur les systèmes de sécurité qui restent la deuxième motivation pour connecter la maison
derrière les appareils multimédia.
Au Consumer Electronic Show de Las Vegas en 2017, la protection des données personnelles et les
failles de sécurité ont été présentées comme les causes principales du retard des ventes d’objets
connectés par rapport aux prévisions. Il reste donc à trouver des opérateurs suffisamment talentueux,
pour incarner la sécurité et la confidentialité et créer un rapport de confiance inédit avec leurs abonnés.
Les établissements mutualistes, banques et compagnies d’assurance peuvent se porter candidats.
28
Le grand tertiaire neuf peut, grâce au BIM, à son planning d’occupation prédéfini, voire à une mini
station météo sur le toit, mettre en œuvre une gestion technique fondée sur la commande prédictive en
toute autonomie ou presque.
Tous les autres bâtiments, ceux du secteur résidentiel en particulier, devront attendre l’émergence
commerciale d’un bouquet de services en ligne que nous avons intitulé prédicteurs dans le schéma de
synthèse de la commande prédictive de la figure 12.
Qui plus est, le bouquet de services ne suffit pas…
Le schéma de la figure 12 indique la nécessité d’un modèle théorique, c’est-à-dire d’un jeu d’équations
pour le régulateur.
Dans le cas du neuf, même si l’architecte et son bureau d’étude thermique ont fait un travail exceptionnel
de modélisation, les paramètres initiaux doivent être confirmés par une période d’identification. Dans le
cas de l’existant, une procédure complète d’identification de modèle comme expliquée à la figure 14 est
le seul moyen d’obtenir un jeu d’équations.
L’enjeu de l’identification de modèle énergétique des bâtiments dépasse largement la question de la
pénétration commerciale de la commande prédictive. Les propriétaires de biens immobiliers français
connaissent tous le très controversé Diagnostic de Performance Energétique ou DPE en vigueur depuis
2006. La figure 14, déployée comme un logiciel dans le cloud, constitue un formidable expert en DPE
pour des logements connectés.
Les organismes bailleurs sociaux ne s’y sont pas trompés et certains commencent à inciter des jeunes
pousses à instrumenter des immeubles anciens et à s’exercer au télédiagnostic énergétique. Rappelons
néanmoins qu’il est impossible d’identifier autre chose qu’un modèle incluant le moyen de chauffage et
sa régulation (référence [9] de la bibliographie). Cette difficulté complique singulièrement le modèle
d’affaires des jeunes pousses. Elle les oblige à mélanger leurs recherches en science des données avec
des fournitures matérielles de régulation qui les mettent en concurrence avec les majors du secteur
comme Siemens, Honeywell, Schneider Electric.
Incidemment, la seule manière d’interpréter la relative discrétion des majors sur le contrôle optimal du
climat intérieur dans le résidentiel, c’est d’admettre qu’ils connaissent l’importance de l’étape
d’identification de modèle (bâtiment + système de CVC) et qu’ils se demandent si le jeu en vaut la
chandelle.
29
Conclusion
On peut comprendre de tout ce qui précède que la commande prédictive est une technique de pointe, pas
forcément ésotérique mais très exigeante en collecte de données de structure et d’environnement.
On peut donc en déduire qu’elle est réservée à la gestion technique centralisée des grands ensembles
tertiaires et qu’elle n’a pas d’avenir dans le résidentiel, malgré toute la publicité faite aux économies
d’énergie dans ce secteur.
Dans le résidentiel, les ruptures technologiques existent aussi. Elles sont souvent amorcées par une
réglementation chaotique accompagnée d’aide publique et d’incitation fiscale. L’expérience montre
toutefois que la rupture ne devient irréversible que lorsque les industriels et les installateurs arrivent,
sans aide de l’Etat, à raccorder les coûts et la qualité des nouveaux produits et des nouvelles prestations
aux coûts et à la qualité de la génération précédente.
Pour le moment, connectivité et contrôle à distance sont synonymes de très haut de gamme comme le
démontre l’irruption du verre noire, symbole des matériaux high-tech, dans les équipements CVC
connectables. En France, pour ne rien arranger, l’administration technique en charge du CVC continue
d’ignorer la cybernétique et la connectivité distante dans sa politique d’incitation réglementaire, pour
cause d’électro-compatibilité.
La remise en cause de la loi de Moore pourrait néanmoins accélérer l’adoption de ces innovations par
les industriels du CVC.
En 1975, lorsqu’il devient président d’Intel, société qu’il a fondée en 1968 avec Robert Noyce, Gordon
E. Moore énonce sa conjecture de doublement tous les deux ans de la densité des transistors sur un
circuit de microprocesseur. Jusqu’en 2016 la conjecture se vérifie magistralement et entraîne une
augmentation régulière des fonctions confiées à l’électronique, à coût constant. Dans les équipements
de CVC, les moteurs à commutation électronique, le mode « inverter » des climatisations, la modulation
de puissance des chaudières, les contrôleurs climatiques, les interfaces de programmation bénéficient à
plein de la loi de Moore.
En 2016, la plupart des fondeurs de silicium annoncent que la loi de Moore se heurte à un mur à la fois
physique et financier. Simultanément, les réseaux de communication sans fil et à fibre optique effacent
les distances géographiques entre processeurs. On peut donc imaginer que les fonctions « intelligentes »
se déportent progressivement de l’appareil installé dans le logement vers le cloud et les téléphones
mobiles, là où le coût marginal du traitement de l’information est moindre.
Pour le moment, force est de reconnaître que les électriciens-automaticiens, les industriels du CVC, les
constructeurs-bailleurs s’observent et que personne ne dégaine. L’auteur ne sait pas où se trouve le trésor
caché. Il souhaite seulement avoir ouvert quelques pistes.
30
Bibliographie
[1] Th-BCE 2012 paragraphes 10.1.3.3 à 10.1.3.5
http://www.bulletin-officiel.developpement-
durable.gouv.fr/fiches/BO201114/met_20110014_0100_0007%20annexe.pdf
[2] Les calculs d’apports par la méthode dynamique RC, paragraphe 4.6, calcul de la puissance de
couplage
http://www.bbs-logiciels.com/download/manuels/Clima-Win/APPORTS%20-
%20CALCUL%20PAR%20LA%20METHODE%20DYNAMIQUE%20RC.pdf
[3] La régulation thermique des bâtiments tertiaires – Gilles Fraisse
http://theses.insa-lyon.fr/publication/1997ISAL0089/these.pdf
[4] The Neurothermostat : Predictive Optimal Control of Residential Heating Systems
http://www.cs.colorado.edu/~mozer/Research/Selected%20Publications/neurothermostat.html
[5] Commande prédictive distribuée pour la gestion de l’énergie dans le bâtiment
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00875593/document
[6] Linking model predictive control (MPC) and system simulation tools to support automotive system
architecture choices
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01289503/document
[7] Commande prédictive distribuée. Approches appliquées à la régulation thermique des bâtiments
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00641311v1/document
[8] Etude de stratégies de gestion en temps réel pour des bâtiments énergétiquement performants
https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01299525/document
[9] Identification d’un modèle de comportement thermique de bâtiment à partir de sa courbe de charge
https://tel.archives-ouvertes.fr/pastel-00590810/document
31
Annexe1
La « droite du groupe » dans la méthode Th-BCE 2012
Le paragraphe 7.23.1 du document [1] de la bibliographie indique que le moteur de calcul thermique
réglementaire utilise un modèle R5C dans lequel l’injection de chauffage (puissance en watt) en hiver
(ou de climatisation en été) est une variable sys.
Le paragraphe 10.1.3.4 du même document indique que la variable sys est une fonction affine de la
température intérieure. La méthode ressemble donc grosso modo à un bouclage par retour d’état.
Pour chaque heure du jour et de la nuit, le programme calcule (modèle direct) deux vecteurs d’état pour
deux puissances de chauffage, la puissance nulle _0 (chauffage coupé) et un ralenti forfaitaire _10 à
10 watt/m2. La pente de la droite reliant linéairement _0 et _10 aux températures intérieures Ti_0 et
Ti_10 des deux vecteurs d’état est choisie comme gain du bouclage.
Comme le modèle d’état sous-jacent est un modèle linéaire invariant dans le temps, la température
intérieure Ti atteinte au bout d’une heure de chauffage est exactement la température de consigne Tc.
La figure 15 à gauche représente la stratégie Th-BCE avec une consigne à 19°C et toutes les sollicitations
constantes pendant quatre heures. L’injection est coupée une heure sur deux puisque la consigne est
atteinte une fois sur deux aux heures d’observation. C’est une stratégie possible parmi une infinité. La
figure 15 à droite représente une autre stratégie possible, meilleure du point de vue du confort mais
moins bonne du point de vue de la consommation.
L’auteur ne critique pas tant la méthode de calcul que l’absence totale de pédagogie et d’argumentation.
C’est au point qu’on peut douter que les concepteurs aient eu l’envie d’être compris !
Tc = 19
18
19h 20h 21h 22h
Ti
23h
sys
Tc = 19
18
19h 20h 21h 22h
Ti
23h
sys
Figure 15
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Annexe 2
Estimation du gradient thermique du chauffage à effet joule fixe en France
Le parc de résidences principales chauffées à l’électricité (effet joule) est constitué de 10 millions de
logements consommant 46 TWh électriques en moyenne par an, soit 4.600 kWh/an par logement.
La saison de chauffe est estimée à 4.600 heures soit 192 jours par an.
La puissance moyenne appelée par logement existant et pour le chauffage électrique est donc de 1 kW
(4.600 kWh/4.600h).
Cette puissance est nécessaire pour compenser un écart de température moyen entre la température
extérieure et la température intérieure évalué à 10°C. Avec les notations de la formule (1) du document :
(1) Pmoy + X = L (Ti moy - Te moy)
1000W + X = L × 10°C
1100W + X L × 11°C
Chaque degré à compenser correspond donc à une puissance de 100W supplémentaire à condition de
considérer que les apports « gratuits » ne sont pas très importants en proportion. Cette hypothèse est
raisonnable pour les apports solaires en hiver et pour un parc de logement existant dont l’isolation
moyenne est très inférieure aux exigences de la construction neuve actuelles.
L’auteur admet que ces évaluations de coin de table sont à prendre avec précaution. C’est aussi
l’occasion d’insister sur l’intérêt collectif de disposer rapidement d’un échantillon significatif du parc
en mode connecté.
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