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L’attractivité de Poitou-Charentes -Origine et trajectoire des étudiants
20 juin 2014 - Poitiers
Recueil des interventions
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Préambule
Lors des rencontres de l’atelier régional Mutécos en Poitou-Charentes qui s’est déroulé en 2012-2013,
le sujet de l’amélioration de l’insertion des jeunes dans l’emploi est apparu comme une priorité pour de
nombreux décideurs. Des questionnements ont été soulevés sur les raisons qui poussent les étudiants à
quitter le Poitou-Charentes et une réflexion transversale sur le faible taux d’accès des bacheliers aux
formations du supérieur et le déficit de cadres dans les entreprises régionales a été également lancée
Pour aborder tous ces points, une journée de travail a été organisée le 20 juin 2014 sur L'Attractivité de
Poitou-Charentes : Origine et trajectoire des étudiants.
Organisée par la Faculté de Sciences Economiques de Poitiers, avec le soutien de la Direccte et de
l’ARFTLV, cette journée s'est structurée entre des interventions et des tables rondes sur :
- Les processus de production des disparités dans l'enseignement supérieur : Etat des lieux sur
Poitou-Charentes ; Mobilité géographique des étudiants de et vers Poitou-Charentes…
- L'insertion des étudiants : Quelles dynamiques, quels freins ? Quels apports aux entreprises ?
Quels accompagnements ? ; Comment les bacheliers se projettent ils dans l'enseignement
supérieur ?
Recueil des interventions
Atelier régional « Mutécos » en Poitou-Charentes –
Attractivité de Poitou-Charentes : origine ettrajectoire des étudiants
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SOMMAIRE
La poursuite d’études vers le supérieur : pourquoi un si faible taux en Poitou-Charentes ?
Quels processus de production des disparités régionales dans l’enseignement supérieur ?
Béatrice MILARD7
Etat des lieux en Poitou-Charentes
Marie-Jo KOLPAK21
Pistes pour l’insertion professionnelle de tous les jeunes diplômés sur le territoire national.
Daniel LAMAR27
Les trajectoires géographique et professionnelle des étudiants. Quelle est la situation
de Poitou-Charentes ? Quelles incidences en termes de développement économique ?
Etudier, travailler et vivre au pays? Sédentarité et mobilité des étudiants de BTS
en Poitou-Charentes.
Sophie ORANGE
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Les flux migratoires des diplômés : une étude de cas de la région Poitou-Charentes
BERNELA Bastien, BOUBA-OLGA Olivier, CHAUCHEFOIN Pascal, LEE Matthieu43
Eléments de trajectoire de jeunes demandeurs d’emploi diplômés de l’enseignement supérieur
Dominique GELPE59
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Quels processus de production des disparités régionalesdans l’enseignement supérieur ?
Béatrice Milard
LISST UMR 5193
CNRS, Université Toulouse2
Courriel : [email protected]
Mots clés : Enseignement supérieur – disparités régionales – offre de formation – caractéristiques étudiantes
Résumé : Dans quelle mesure peut-on parler d’un « effet région » concernant l’hétérogénéité des
caractéristiques des étudiants ? Sur la base de l’étude de quatre régions françaises, Aquitaine, Midi-
Pyrénées, Limousin et Poitou-Charentes, je tente de repérer dans quelle mesure et par quels
« mécanismes » les disparités entre celles-ci trouvent une traduction dans les « profils régionaux
d’étudiants ». Je commence par une présentation des « profils régionaux » de l'enseignement
supérieur : quels sont les types de formation proposés dans les différentes régions ; comment se
présentent les disparités et sur quoi reposent-elles ? Je poursuis par l’étude des caractéristiques des
étudiants de ces régions en tentant de montrer qu’elles présentent aussi des disparités, liées à des
configurations régionales à chaque fois particulières.
Avec sa massification, le monde étudiant a perdu de son homogénéité. La création des filières appliquées, les
nouveaux diplômes, les délocalisations universitaires sont autant de contextes dans lesquels se manifeste
l’hétérogénéité des caractéristiques étudiantes.
Est-ce que le niveau régional est un cadre pertinent pour rendre compte de cette hétérogénéité ? Autrement
dit, parvient-on, en agrégeant les informations par région, à dégager des tendances qui permettraient de
mettre en évidence un « effet région » ?
Ce questionnement requiert quelques mises au point préalables : quelle pertinence y a-t-il à agréger des
informations au niveau régional et par ailleurs, l’échelle régionale n’est-elle pas « trop large » pour permettre
de donner un sens aux tendances observées ?
Comme l’ensemble du système éducatif national, l’enseignement supérieur s’organise par académies qui
correspondent en grande partie aux régions françaises. Les « disparités régionales » sont donc aussi des
« disparités académiques ». Au-delà de cette superposition des territoires, les évolutions récentes de
l’enseignement supérieur en France laissent une part de plus en plus grande aux collectivités locales dans le
financement et l’organisation de l’enseignement supérieur. Ainsi, le niveau régional tient une importance
accrue dans la définition et la mise en place des politiques d’enseignement supérieur (cf. les Contrats de plan
Etat-Région). Ces deux éléments accordent au niveau régional une pertinence, pour l’analyste, comme il en a
pour l’administration et le pilotage de l’enseignement supérieur.
Reste que, pour les étudiants et leurs familles, le niveau régional est bien peu présent. Alors que l’on
commence à bien connaître les effets territoriaux locaux associés à la création de nouveaux sites universitaires,
peu de travaux mentionnent les régions (ou même les académies) comme « territoires identitaires » des
étudiants.
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Mais doit-on pour autant, parce qu’elle n’émerge pas comme un cadre d’orientation ou d’action pour les
étudiants et leurs familles, ne pas considérer la région comme un contexte qui structure l’hétérogénéité du
monde étudiant ? Il me semble que non, pour deux raisons. Tout d’abord, parce qu’il existe des disparités
régionales dans tous les secteurs de la vie sociale, en terme d’urbanisation, de développement, d’activité, etc.
Ainsi, les disparités régionales concernant l’enseignement supérieur entrent dans un faisceau plus général de
disparités entre les régions, qui leur fait dépasser le simple cadre sectoriel de l’enseignement supérieur. Par
ailleurs, les régions sont déjà un cadre de référence pour les acteurs de l’enseignement supérieur qui ont, eux,
une influence sur les caractéristiques des étudiants via leurs décisions politiques ou administratives :
financements, choix des filières, ouvertures de diplômes…
Les régions françaises se distinguent par leurs caractéristiques sociodémographiques ainsi que par la
configuration de l’enseignement supérieur proposé. C’est à ces disparités régionales que je m’intéresse ici en
essayant de repérer dans quelle mesure et par quels « mécanismes » elles trouvent un écho ou une traduction
dans les « profils régionaux d’étudiants ». Est-ce qu’on peut, à chaque « profil régional de formation
supérieure », faire correspondre un « profil régional étudiants » et comment rendre compte de cette
« correspondance » ?
L’analyse présentée ici repose sur l’étude de quatre régions françaises : l’Aquitaine, le Limousin, Poitou-
Charentes et Midi-Pyrénées1. Je commencerai par une présentation des « profils régionaux » de
l'enseignement supérieur. Quels sont les types de formation proposés dans les différentes régions ? Comment
se présentent les disparités et sur quoi reposent-elles : taille et démographie des régions, ancienneté des
équipements, structuration territoriale de l’offre, etc. ? Je poursuivrais par l’étude des caractéristiques des
étudiants de ces régions en tentant de montrer qu’elles présentent aussi des disparités, liées à des
configurations régionales à chaque fois particulières.
1. Disparités régionales de l’offre de formation
Comme on l’a dit plus haut, les disparités en termes d’enseignement supérieur sont associées à d’autres
disparités régionales. Ce qui distingue les quatre régions du sud-ouest français est avant tout leur poids
démographique : entre 2,5 millions et 3 millions d’habitants pour Midi-Pyrénées et Aquitaine, un peu plus d’1,5
million pour Poitou-Charentes et moins de la moitié (700 000) pour le Limousin.
Au niveau du nombre d’étudiants, les quatre régions sont également d’inégale ampleur : Midi-Pyrénées et
Aquitaine avoisinent les 100 000 étudiants alors que Poitou-Charentes n’en compte que 44 000 et le Limousin,
deux fois moins, soit 21 0002. On est donc face à des échelles différentes et l’analyse devra en tenir compte.
Comparées à la répartition nationale des étudiants dans les filières, les régions étudiées présentent certaines
spécificités communes. On y trouve un nombre proportionnellement moins important de CPGE et d'écoles
artistiques et culturelles, ainsi que d'autres écoles telles que journalisme, architecture, vétérinaire, formations
qui tendent à être concentrées dans la région Ile-de-France. Par contre, on y trouve globalement une
proportion plus importante d'étudiants en IUT et en IUFM, mais aussi, dans une moindre mesure, en STS et
dans le premier cycle universitaire.
1Le financement en a été assuré par un programme du Ministère de l’Education National et de la DATAR,
« Education et Formation. Disparités régionales et territoriales », dans le cadre d’une étude dirigée parCatherine Soldano, Les enjeux actuels de la territorialisation de l’enseignement universitaire en France.Configurations régionales et devenir des antennes universitaires (CERTOP avec le CIRUS-CERS).2
L’ensemble des données est issu de la Base Centrale de Pilotage (BCP) mise à disposition par la Direction desEtudes et Prospectives. Cette base réunit des données, pour la plupart depuis 1996, sur les effectifs d'élèves,d'étudiants et d'apprentis, le service des enseignants, les examens et les établissements.
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Tab 1 . Offre de formation des régions : nombre d’étudiants et tendances (2001)
Aquitaine Midi-Pyrénées Limousin Poitou-Charentes
Nombre d’étudiants
de l’ens. sup. (2001,
inscriptions)
95 235 111 144 21 152 44 202
Filières d’ens. sup.
« surreprésentées »*
- Univ. (hors IUT et
EI)
- Ec. et inst. type
univ. + éc.
commerce
- Univ. (hors IUT et
EI)
- CPGE
- Ec d’Ing.
- STS et assim.
- IUT
- Ec. param. et soc.
- STS et assim.
- IUT
Nombre d’étudiants
universitaires (2001,
inscriptions
principales hors
ingénieurs et IEP)
62 514 72 243 12 992 29 321
Diplômes univ.
« surreprésentés »*
DEUG (gén.) Licence (gén.)
Maîtrise (gén.)
Doctorat + HDR
DUT
DU/DEUST
Licence (appli.)
Maîtrise (appli.)
DUT
Licence (appli.)
Maîtrise (appli.)
DESS
Spécialités des
filières (tendances)
IUT : tertiaire
1er
cycle univ. :
droit /éco / lettres
1er
cycle univ. : SSM
+ SHS
CPGE : SHS
BTS : production
IUT : tertiaire
1er
cycle univ. :
sciences
BTS : services
IUT : secondaire
* par rapport à la configuration globale, soit les quatre régions du sud-ouest français.
Cependant, ces tendances restent globales et les quatre régions présentent des profils de formation
spécifiques par rapport à la répartition au niveau national. On remarque notamment une différence entre les
petites régions et les grandes. Les premières (Limousin et Poitou-Charentes) sont bénéficiaires de plus premiers
cycles courts, et les secondes (Midi-Pyrénées et Aquitaine), de plus de cycles longs, à l'université ou dans les
écoles et instituts. Limoges et Poitiers se caractérisent par un nombre d’étudiants plus important en STS, en
IUT. De plus, la première accueille aussi un nombre important d’étudiants en écoles paramédicales et sociales.
Les deux grandes régions se caractérisent chacune par une tendance particulière. Toulouse est plus spécialisée
dans les écoles d’ingénieurs et Bordeaux dans les écoles juridiques, administratives, artistiques et de
commerce.
A l’université, la disparité des effectifs d’étudiants entre les régions est sensiblement la même que pour
l’ensemble de l’enseignement supérieur : Midi-Pyrénées compte presque six fois plus d’étudiants que le
Limousin, deux et demie fois plus qu’en Poitou-Charentes et 15% d’étudiants en plus que la région Aquitaine.
Au niveau des diplômes proposés, on note que les régions accueillent les étudiants dans des proportions
différentes. En Aquitaine, le nombre d’étudiants en DEUG général est sensiblement plus important que dans les
autres régions (34,4% contre 32,9% pour l’ensemble des quatre régions). En Midi-Pyrénées, une plus grande
place est faite aux étudiants de deuxième cycle général (24,4% contre 22,7%) ainsi qu’en doctorat (4,4% contre
4,1%). En Limousin, les DUT ont un poids plus important (12,7% contre 8,9%), les DU et DEUST (5,9% contre 4%)
et, dans une moindre mesure les deuxièmes cycles appliqués (5,6% contre 4,5%). Enfin, en Poitou-Charentes,
on trouve plus de DUT également (10,4% contre 8,9%) mais surtout de licences et maîtrises appliquées (7,3%
contre 4,5%) et de DESS (5,6% contre 3,8%).
Même si les différences entre les régions restent minimes (toutes proposent plus de place en DEUG, puis en
deuxième cycle général, etc.), il reste que l’on peut déceler certaines tendances qui leur accordent une
configuration singulière en terme d’offre de formation.
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L’idée d’une configuration particulière par région est confortée par l’analyse des spécialités disciplinaires des
diplômes proposés (en premier cycle notamment).
Ainsi, l’Aquitaine privilégie fortement les formations tertiaires : en IUT (65,7% des étudiants dans le secteur
tertiaire contre 56,7% pour les quatre régions confondues) ; en université (26,8% des étudiants de 1er
cycle sont
en droit et économie contre 23,8% et 24,9% des étudiants sont en lettres et arts contre 21,6%).
En Midi-Pyrénées, les spécialités disciplinaires sont moins marquées (notamment en BTS et IUT). Simplement,
on peut noter une surreprésentation des étudiants inscrits en Science et Structure de la Matière (7,8% des
étudiants de 1er
cycle universitaire contre 6%) et des étudiants inscrits en Sciences Humaines et Sociales (24%
des étudiants de 1er
cycle universitaire contre 19,6% ; 24,2% des CPGE contre 21,6%).
En Limousin, on note une surreprésentation des BTS de type « production » (36,2% des étudiants en BTS contre
31,2%), d’IUT secondaires (47,8% des étudiants en IUT contre 43,2%) et d’étudiants en 1er
cycle universitaire de
sciences (42,6% des étudiants en 1er
cycle universitaire contre 35%). La région semble ici être très centrée sur
les formations scientifiques, qu’elles soient générales ou appliquées.
En Poitou-Charentes, la tendance est plus nuancée. On note une sorte de complémentarité entre les spécialités
des BTS et celles des IUT. Ainsi, la région est plus dotée d’étudiants en BTS de « services » (73,4% des étudiants
de BTS contre 68,7% pour les quatre régions) mais, inversement, de plus d’étudiants en IUT secondaire (55,1%
des étudiants d’IUT contre 43,1% pour les quatre régions). On est ici plutôt en présence de complémentarité au
niveau des spécialités de l’offre de formation.
Les tendances propres à chaque région étudiée concernant son offre de formation étant posées, la question
qui se pose alors est celle de savoir dans quelle mesure ces spécificités régionales peuvent être associées aux
caractéristiques des étudiants des régions.
2. Les profils régionaux des étudiants configurés par l’offre de formation régionale
L’analyse par région de la répartition des étudiants en fonction des variables caractérisantes3
montre que
celles-ci sont chacune à rapprocher de configurations régionales particulières. Autrement dit, on ne comprend
pas de la même façon les différentes caractéristiques sociales des étudiants et elles sont chacune (ou presque)
à mettre en relation avec un contexte régional particulier, qui se situe à une échelle différente.
Je commencerai par exposer le cas des origines sociales des étudiants qui trouve une résonance par rapport à
la structuration socio-démographique des régions. Je poursuivrai par l’étude de la répartition par sexe des
étudiants des quatre régions qui se comprend notamment en fonction des spécialités disciplinaires. Je parlerai
ensuite du cas des variables liées à la trajectoire antérieure des étudiants, le baccalauréat, l’âge et l’âge au
baccalauréat dont on verra qu’elles semblent plutôt corrélées à l’offre régionale de formation, et notamment
au caractère sélectif ou non des filières proposées. J’aborderai enfin la question des mobilités étudiantes, via le
lieu de résidence des parents et je tenterai de montrer qu’elles sont entre autres liées à l’équipement
universitaire des régions et à l’histoire de cet équipement.
3Pour l’ensemble des étudiants du supérieur, les seules variables à disposition sont le sexe et l’âge, à partir de
l’Univers « Age » de la Base Centrale de Pilotage. Par contre, les informations concernant les étudiants àl’université sont plus nombreuses : on connaît la répartition par sexe, par âge, mais aussi leur baccalauréat,l’année où ils l’ont obtenu, leur origine sociale (la profession du « chef de famille »), leur nationalité et leurorigine géographique, c'est-à-dire le lieu de résidence de leurs parents (en réalité, certainement celui du « chefde famille ») ; ces données sont disponibles via l’Univers « SISE » de la Base Centrale de Pilotage. La plus grandeexhaustivité de l’Univers SISE fait que je baserai l’essentiel de mon propos sur l’analyse des étudiants àl’université (soit approximativement les deux tiers des effectifs des étudiants du supérieur).
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A – Origine sociale des étudiants et structuration socio-démographique des régions
L’origine sociale des étudiants est appréhendée via la profession du « chef de famille ». Comme toutes les
informations contenues dans la BCP, les données proviennent des déclarations des étudiants eux-mêmes, avec
toutes les limites que cela comporte (notamment parce que le codage des professions n’est pas un exercice
toujours simple, pour les étudiants et même pour ceux qui les inscrivent). Quoiqu’il en soit, la variable est
relativement bien renseignée dans la BCP, avec moins de 10% de non réponses en général et autour de 5%
pour les premiers cycles.
Comme cela a été maintes fois souligné, les inégalités sociales dans l’enseignement supérieur sont multiples :
on trouve non seulement une part plus importante d’étudiants issus de familles aisées qui accède à
l’enseignement supérieur, mais une plus grande part de ces étudiants poursuivent leurs études dans les cycles
longs et dans les formations générales.
La répartition des catégories socioprofessionnelles par région pour l’ensemble des étudiants à l’université
signale une autre disparité. Il s’agit de la représentation des enfants de « cadres et professions intellectuelles
supérieures », plus importante en Aquitaine et en Midi-Pyrénées que dans les deux autres régions, et de la part
des enfants « d’ouvriers », relativement plus importante en Poitou-Charentes et Limousin que dans les autres
régions.
Tab. 2 Répartitions régionales des catégories socioprofessionnelles
Cadres Ouvriers Autres Total
Profession du père :
toutes formations
confondues
Aquitaine 34,4% 8,1% 57,5% 100% (64 778)
Limousin 28,0% 12,4% 59,6% 100% (13 406)
Midi-Pyrénées 34,2% 8,1% 57,8% 100% (75 107)
Poitou-Charentes 25,3% 10,6% 64,1% 100% (30 055)
Profession du père :
étudiants en DEUG
Aquitaine 32,3% 10,2% 57,5% 100% (22 303)
Limousin 26,9% 15,6% 57,5% 100% (3 937)
Midi-Pyrénées 32,9% 10,0% 57,1% 100% (24 788)
Poitou-Charentes 24,8% 13,9% 61,3% 100% (9 318)
Profession du père :
étudiants d'IUT
Aquitaine 29,1% 10,9% 59,9% 100% (5 068)
Limousin 26,1% 15,0% 58,9% 100% (1 704)
Midi-Pyrénées 28,2% 10,9% 60,8% 100% (6 411)
Poitou-Charentes 20,9% 14,4% 64,7% 100% (3 123)
Profession du père :
élèves présentés au
bac.
Aquitaine 23,1% 15,3% 61,6% 100% (27 509)
Limousin 18,4% 17,3% 64,3% 100% (6 779)
Midi-Pyrénées 23,0% 14,5% 62,5% 100% (24 240)
Poitou-Charentes 19,4% 19,6% 61,0% 100% (15 509)
Population active ayant
un emploi (source :
INSEE, 1999)
Aquitaine 9,9% 26,1% 64,0% 100%
Limousin 7,3% 31,7% 61,0% 100%
Midi-Pyrénées 12,4% 23,0% 64,6% 100%
Poitou-Charentes 8,0% 29,5% 62,5% 100%
Ici, on pourrait penser que cette disparité entre les régions est due à l’offre de formation, plus appliquée dans
les deux petites régions que sont Limousin et Poitou-Charentes, attirant plus de catégories
socioprofessionnelles défavorisées et l’offre de formation plus générale dans les deux grandes régions, attirant
plus de catégories socioprofessionnelles favorisées.
Or, en fait, cette répartition ne semble pas être totalement liée au type de formation. En effet, on observe la
même répartition et la même disparité entre les régions, que ce soit en DEUG, formation générale, ou en DUT,
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formation appliquée (le phénomène est d’ailleurs le même pour les deuxièmes cycles, qu’ils soient généraux ou
appliqués).
Ainsi, cette disparité observable entre Limousin et Poitou-Charentes d’une part, et Midi-Pyrénées et Aquitaine
de l’autre n’est pas totalement réductible au type de formation puisque présente au niveau de l’ensemble des
formations. Elle se retrouve d’ailleurs dans la répartition des professions du père des élèves qui se présentent
au baccalauréat : on trouve une nouvelle fois une proportion supérieure d’enfants de cadres en Aquitaine et
Midi-Pyrénées et d’enfants d’ouvriers en Poitou-Charentes et Limousin.
En réalité, la répartition des catégories socioprofessionnelles par région suit l’inégale représentation de ces
catégories dans les régions, au niveau même de la population active.
On aurait ici l’exemple d’un impact plutôt direct entre la structure socio-démographique propre à chacune des
quatre régions et les caractéristiques des étudiants. Comme on trouve plus de cadres et professions
intellectuelles supérieures dans telle ou telle région, on y trouve également plus d’enfants de cette catégorie
socioprofessionnelle parmi les étudiants (et d’ailleurs également parmi les bacheliers). Il ne s’agit bien sûr que
d’une tendance, mais qui confirme que des éléments structurels – la structure de la population active – sont
donc bien à l’origine de certaines disparités régionales en matière d’enseignement supérieur.
B – Identités sociales des étudiants et spécialités disciplinaires des régions
La répartition des étudiants par sexe connaît également une distribution par région qui conduit à certaines
interrogations. Premier constat, on ne note pas de différence significative au niveau de la répartition par sexe
en ce qui concerne les bacheliers des régions.
Tab. 3 Répartitions régionales des sexes
Filles Garçons Total
Bacheliers
Aquitaine 53,4% 46,6% 100% (21 964)
Limousin 53,0% 47,0% 100% (5300)
Midi-Pyrénées 53,7% 46,3% 100% (20 066)
Poitou-Charentes 54,0% 46,0% 100% (12596)
Etudiants
Université
Aquitaine 57,8% 42,2% 100% (62 514)
Limousin 53,7% 46,3% 100% (12 992)
Midi-Pyrénées 56,4% 43,6% 100% (72 243)
Poitou-Charentes 54,8% 45,2% 100% (29 321)
La répartition garçons / filles des bacheliers est la même dans les quatre régions : la part des filles oscille entre
53 et 54% selon les régions. Il en est autrement lorsque l’on regarde la répartition par sexe des étudiants
inscrits à l’université.
Ici, il apparaît que l’on trouve une proportion significativement supérieure de filles en Midi-Pyrénées et surtout
en Aquitaine. Qu’est ce qui peut être à l’origine de cette spécificité régionale ? Comme on l’a précisé plus haut,
ces régions présentent la caractéristique d’accueillir plus d’étudiants dans les filières générale, alors que
Poitou-Charentes et Limousin proposent plus de places dans les filières appliquées. On aurait ici un effet dû à
l’offre de formation qui, quand elle est générale, accueille plus de filles ; ce qui se vérifie toutes régions
confondues par une présence féminine à hauteur de 60% dans les filières générales – type DEUG, Licence,
Maîtrise –, et à hauteur de 40-45% dans les filières appliquées – type DUT, IUP, DEUST…
La plus forte proportion de filles en Aquitaine peut alors s’expliquer par la présence plus importante de
diplômes en droit, économie et lettres dans cette région, ainsi que de DUT de type tertiaire, ce qui en fait une
région apparemment plus attractive pour les filles que Midi-Pyrénées. La présence renforcée de garçons en
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Limousin conforte cette hypothèse lorsque l’on se rappelle qu’une grande partie de l’offre de formation de
cette région est centrée sur les sciences et les techniques.
Les répartitions régionales par sexe signalent des corrélations qui s’expliquent par l’intervention d’une
troisième variable, celle qui caractérise l’offre de formation selon qu’elle est plus ou moins appliquée et plus ou
moins scientifique. Face à ce phénomène, on peut alors engager plusieurs types d’hypothèses permettant des
explications, soit en termes de demandes différentielles, soit en terme de contraintes. Concernant le premier
type d'hypothèse, on peut penser que la tendance des filles à suivre des formations de type droit, économie,
lettres et relevant du secteur tertiaire serait liée à des motivations, des engagements en terme de trajectoire
universitaire puis professionnelle eux-mêmes liés à des perspectives d'emploi spécifiques. Le second type
d'hypothèse, engageant l'idée de contrainte, reviendrait à postuler que les filles auraient une trajectoire pré-
étudiante favorisant (voire imposant) une certaine orientation dans leurs études supérieures (cf. Milard 2000).
C – Trajectoire antérieure des étudiants et sélectivité des diplômes des régions
La trajectoire antérieure des étudiants peut être appréhendée via plusieurs indicateurs. Je commencerai par
l’âge des étudiants dont on verra qu’il peut être couplé avec l’âge au baccalauréat (à l’heure ou en retard). Je
poursuivrai par l’analyse des types de baccalauréats des étudiants. Ces indicateurs sont révélateurs de la
trajectoire antérieure des étudiants et, en même temps, ce sont des indicateurs de leur « excellence » dans le
sens (commun) de n’avoir pas redoublé au cours de leur scolarité et d’avoir « pu » passer un baccalauréat
général (et non technique ou professionnel).
Globalement (c'est-à-dire ici pour les quatre régions), la répartition par âge de l’ensemble des étudiants du
supérieur est sensiblement la même que celle des seuls étudiants à l’université (un peu plus d’étudiants plus
jeunes et plus âgés inscrits à l’université). Par contre, parmi ces derniers, on trouve de grandes disparités selon
les filières et selon les régions.
On retrouve tout d’abord l’opposition entre grandes et petites régions : on compte plus d’étudiants plus jeunes
(entre 18 et 21 ans) en Limousin et Poitou-Charentes qu’en Aquitaine et Midi-Pyrénées (58,6% et 59,3% contre
55% et 52,9%).
Tab. 4. Répartitions régionales des âges
Moins de 21
ans 22 à 25 ans
Plus de 25
ans Ensemble
Ensemble des
formations du
supérieur
Aquitaine 55,7% 29,6% 14,7% 100% (90 254)
Limousin 59,1% 27,8% 13,2% 100% (20 406)
Midi-Pyrénées 53,6% 29,9% 16,6% 100% (105 917)
Poitou-Charentes 60,0% 28,3% 11,7% 100% (43 748)
Ici, on peut penser que c’est l’offre de formation, plus fournie en 1er
cycle dans les petites régions (IUT, BTS,
écoles sociales et paramédicales…) qui est à l’origine de cette affluence d’étudiants plus jeunes. Il faut donc
observer les répartitions par filières.
L’analyse par filière permet d’observer une opposition intéressante entre Aquitaine et Midi-Pyrénées (on s’en
tiendra ici aux 1er
et 2ème
cycles généraux et appliqués).
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Carte 1 : Répartition des âges des étudiants par région
55.7
59.9
59.0
53.6
13.2
11.7
16.6
14.7
110
55
11
Jusqu'à 21 ans22 à 25 ansPlus de 25 ans
Tab. 5. Répartition des étudiants à l’heure et en retard par région (1er cycles universitaires)
A l'heu-re En retard Total
DEUG Aquitaine 61,6% 38,4% 100% (21 378)
Midi-Pyr. 56,4% 43,6% 100% (23 454)
DUT Aquitaine 57,8% 42,2% 100% (4 898)
Midi-Pyr. 67,5% 32,5% 100% (6 310)
DEUG IUP
Aquitaine 16,7% 83,3% 100% (311)
Midi-Pyr. 32,4% 67,6% 100% (670)
En Aquitaine, c’est dans les filières générales que l’on trouve le plus de jeunes en situation de réussite et dans
les filières appliquées (IUT et IUP) que l’on trouve des étudiants plus âgés et en retard. En Midi-Pyrénées, c’est
l’inverse. On compte plus d’étudiants plus âgés et en retard dans les filières générales et plus de jeunes et à
l’heure dans les filières appliquées.
Comment expliquer cette disparité ? On peut, dans une certaine mesure faire un lien entre cette situation et
les spécialités des régions. Ainsi, la moindre sélectivité en IUT en Aquitaine serait due au fait que la région
propose plus de diplômes de type tertiaire. D’un autre côté, la plus grande sélectivité des filières générales en
Aquitaine serait liée à sa spécialisation en droit, économie et sciences juridiques, ce que l’on peut en partie
vérifier dans la mesure où les étudiants dans ces disciplines sont bien moins représentés en 2ème
cycle. Inversement, en Midi-Pyrénées, on trouverait une sélection moindre dans les spécialités telles que SHS et
par contre, en IUT, la plus forte offre de diplômes en sciences et technologie, sciences pour l’ingénieur serait à
l’origine d’une sélection plus forte.
15
Cette hypothèse tendrait à rapprocher les disparités dues à l’âge à celles observées au niveau du sexe, mais en
y ajoutant un processus de sélection externalisé (et non pas internalisé comme il peut l’être au niveau des
orientations disciplinaires liées au sexe de l’étudiant).
Néanmoins une partie des résultats échappe à cette interprétation : c’est le cas des formations appliquées
autres que IUT, c'est-à-dire, en grande partie, les IUP (DEUG, Licence, Maîtrise). En effet, si l’on poursuit la
comparaison entre Aquitaine et Midi-Pyrénées, on constate, comme on l’a déjà dit, que Midi-Pyrénées compte
plus d’étudiants jeunes et à l’heure que la région Aquitaine. Or, dans ces filières, l’offre de formation est
quasiment la même dans les deux régions, notamment la répartition sciences, sciences sociales et sciences
humaines. Ce n’est donc pas la sélectivité de certaines spécialités disciplinaires qui joue sur cette répartition.
L’hypothèse que l’on peut formuler ici tiendrait plutôt à la présence de politiques universitaires d’ouverture ou
de fermeture des filières à certaines catégories d’étudiants. En bref, en Aquitaine, les diplômes d’IUP ne
seraient pas « utilisés » dans une perspective sélective alors que ce serait beaucoup plus le cas en Midi-
Pyrénées. Inversement, les filières générales de Midi-Pyrénées seraient beaucoup plus « ouvertes à tous »
qu’elles ne le sont en Aquitaine.
L’analyse des baccalauréats des étudiants tend à conforter cette hypothèse. Globalement, c'est-à-dire pour les
quatre régions confondues, la situation est proche de ce que l’on pourrait légitimement attendre.
Conformément aux principes à l’initiative de leur mise en place, on trouve plus d’étudiants ayant un
baccalauréat technique dans les filières appliquées telles que les DUT, les DU, les DEUST, les DEUG, licence et
maîtrise IUP. Inversement, on trouve plus d’étudiants ayant un baccalauréat général (notamment scientifique)
dans les filières générales.
Si la situation semble globalement être la même dans les quatre régions, la comparaison entre Aquitaine et
Midi-Pyrénées permet de nuancer cette tendance générale.
Tab. 6. Répartitions régionales des baccalauréats
Bac. Généraux
Bac. Tech &
Pro Dispensé Total
DEUG Aquitaine 84,6% 11,2% 4,1% 100% (22 303)
Midi-Pyrénées 79,0% 15,6% 5,4% 100% (24 788)
DUT Aquitaine 73,6% 23,0% 3,4% 100% (5 068)
Midi-Pyrénées 68,7% 29,7% 1,6% 100% (6 411)
DEUG IUP Aquitaine 75,2% 22,3% 2,5% 100% (319)
Midi-Pyrénées 86,6% 8,5% 4,8% 100% (704)
LIC. MAIT. GENER.
Aquitaine 88,9% 5,1% 6,0% 100% (14 125)
Midi-Pyrénées 85,7% 8,3% 6,0% 100% (18 349)
LIC MAIT APPLIQ
Aquitaine 75,8% 17,0% 7,2% 100% (2 294)
Midi-Pyrénées 80,7% 13,8% 5,5% 100% (2 980)
Une nouvelle fois, on constate des tendances inversées entre les deux grandes régions. En DUT, on compte
significativement plus de baccalauréats techniques en Midi-Pyrénées qu’en Aquitaine. Ici, on peut une nouvelle
fois invoquer les spécialités disciplinaires des deux régions et la présence renforcée de DUT rattachés aux
sciences humaines et sociales en Aquitaine, pour lesquelles il n’existe pas de baccalauréats techniques ou
professionnels.
Une autre opposition entre les deux régions paraît plus difficile à expliquer. Alors qu’on trouve plus d’étudiants
ayant un baccalauréat technique ou professionnel dans les filières générales en Midi-Pyrénées qu’en Aquitaine
(DEUG, Licence et Maîtrise générales), en Aquitaine, on en trouve proportionnellement plus dans les filières
appliquées telles que les DEUG, licence Maîtrises IUP. Ici, comme on l’a déjà dit, on peut difficilement faire
16
intervenir un effet de spécialité dans la mesure où les deux régions proposent une offre sensiblement
comparable au niveau disciplinaire. On peut plus invoquer une sous-représentation des baccalauréats
techniques dans la région Aquitaine qui pourrait rendre compte de leur faible présence dans les filières
générales.
Cependant, on peut peut-être plus facilement de nouveau revenir aux conclusions énoncées plus haut, à savoir
que l’on serait face à deux systèmes de sélection et d’orientation des étudiants : l’un, en Aquitaine, où les
baccalauréats technologiques et professionnels, quand ils vont à l’université, sont plus facilement orientés vers
les filières appliquées (mais par quel processus ?) ; l’autre, en Midi-Pyrénées, où les places des filières
appliquées sont plus souvent occupées par des étudiants ayant un baccalauréat général, ce qui fait que l’on
trouve plus d’étudiants ayant un baccalauréat technique ou professionnel dans les filières générales.
L’étude de l’âge, à l’heure ou en retard, des étudiants ainsi que de leur origine scolaire permet de mettre en
avant l’idée que l’on a affaire à des politiques universitaires de sélection ou d’orientation des étudiants qui
peuvent être bien différentes d’une région à l’autre. C’est donc par ce système de sélection et d’orientation
dans les filières ouvertes ou fermées que l’on peut observer l’impact du contexte régional sur les
caractéristiques des étudiants, à savoir ici leur trajectoire antérieure.
D – Mobilité des étudiants et structuration territoriale de l’offre de formation des régions
La dernière caractéristique que je vais aborder va également dans le sens de politiques universitaires
diversifiées selon les régions : c’est la question des mobilités étudiantes, observées en fonction du lieu de
résidence des parents.
Pour cette analyse, j’ai retenu trois types d’origine géographique : le « recrutement local », c'est-à-dire que les
étudiants sont inscrits dans le département de résidence de leurs parents ; le « recrutement régional », quand
ils sont inscrits dans un autre département de la région ; « autres régions », dans le cas où leurs parents
résident dans une autre région que celle dans laquelle ils sont inscrits.
Il existe quelques tendances communes aux quatre régions étudiées : c’est le lien entre les origines
géographiques, les filières et le niveau d’étude. C’est dans la filière générale que l’on trouve le plus d’étudiants
originaires du département de l’unité d’inscription. Le recrutement local tend à diminuer avec la progression
dans le cursus au profit du recrutement extrarégional.
L’origine géographique des étudiants de DUT est sensiblement la même que celle des licences et maîtrises
générales : en moyenne, moins de la moitié en recrutement local, un petit tiers en recrutement régional et plus
d’un quart en recrutement extrarégional.
Par contre, dans la filière appliquée (DEUG, licence, maîtrise IUP, DESS) on compte bien moins de recrutement
local (moins d’un tiers des étudiants) et près de la moitié des étudiants vient d’une autre région que celle où ils
étudient.
On a donc affaire à des formes de recrutement qui tendent à être plus extrarégionaux quand les filières sont
sélectives. Même si cette tendance se révèle pour les quatre régions, on note néanmoins certaines spécificités.
Je présente ici le cas des DEUG généraux car c’est la situation la plus marquée, mais ces configurations
régionales se retrouvent dans toutes les filières.
17
Carte 2 : L’origine géographique des étudiants en DEUG par région (2001)
0,17
0,274
0,214
0,134
0,26
0,26
0,233
0,363
0,622
0,466
0,553
0,503
1
0,5
0,1
RECRUTEMENT LOCAL
RECRUTEMENT REGIONAL
AUTRES REGIONS
On remarque ici des tendances différentes selon les régions. Ces tendances sont à mettre en lien avec
l’équipement universitaire de ces régions (et l’histoire de cet équipement universitaire), mais aussi avec les
tendances observées plus haut concernant les autres caractéristiques des étudiants.
En Aquitaine, le recrutement local est important (près des deux tiers des étudiants en DEUG) et le recrutement
extrarégional est assez faible. Si l’on compare avec Midi-Pyrénées, l’autre région de taille à peu près similaire,
la configuration est autre : moins d’étudiants en recrutement local (plus de 46% quand même) et plus
d’étudiants en recrutement extrarégional que l’Aquitaine.
Comment rendre compte de ces écarts significatifs entre Aquitaine et Midi-Pyrénées ?
Plusieurs éléments peuvent en être à l’origine. On peut une nouvelle recourir aux spécificités disciplinaires des
deux régions : le droit, sciences juridiques et économie seraient plutôt des filières de proximité alors que les
sciences et les sciences humaines et sociales engageraient à plus de mobilité (ainsi que STAPS)… Mais, on peut
aussi invoquer la situation plus centrale de Midi-Pyrénées, permettant un rayonnement plus important sur les
autres régions. Enfin, on peut rattacher cette situation à l’évolution qu’ont connu les deux régions ces
dernières années au niveau de l’évolution de leurs effectifs universitaires : alors qu’elles comptaient le même
nombre d’étudiants en DEUG en 1996, on en recense plus de 2000 de plus en Midi-Pyrénées en 2001. Le plus
fort taux de recrutement extrarégionaux dans cette région serait donc le reflet de cette évolution.
Mais si les recrutements locaux sont importants en Aquitaine c’est aussi parce qu’on y trouve deux centres
universitaires : Bordeaux et Pau. C’est également le cas en Poitou-Charentes, avec Poitiers et La Rochelle.
Cependant, lorsque l’on compare les deux régions, les tendances ne sont pas tout à fait similaires. En effet, les
recrutements locaux sont nettement moins importants en Poitou-Charentes et la mobilité intrarégionale y est
proportionnellement plus forte.
Plusieurs explications peuvent être données à ces spécificités régionales. Tout d’abord la taille des régions qui
n’est pas la même et qui favorise peut-être les mobilités intrarégionales dans la région qui est la plus petite (les
déplacements y sont plus simples et rapides). On peut évoquer également l’ancienneté de l’équipement
universitaire qui n’est pas la même dans ces deux régions marquées par la bipolarité : l’université de Pau date
des années 60 alors que celle de la Rochelle ne remonte qu’au début des années 90. De ce fait, la capacité de
18
rétention des étudiants de La Rochelle par rapport à Poitiers est moins importante que celle de Pau par rapport
à Bordeaux ; en effet, 13% des étudiants de Charente-Maritime vont à Poitiers contre seulement 4% des
étudiants des Pyrénées-Atlantiques qui vont à Bordeaux.
Enfin, il faut souligner également l’importance de la structure urbaine des deux régions dans cette diversité : la
région d’Aquitaine est fortement structurée autour d’un pôle urbain extrêmement prépondérant alors que la
structure urbaine de la région Poitou-Charentes est bien plus diffuse et homogène.
C’est également cette différence de structure urbaine qui peut rendre compte de la différence entre les deux
régions que sont le Limousin et Poitou-Charentes. Alors même que la première n’a qu’une université de plein
exercice, on y compte plus d’étudiants locaux. Ici, on peut invoquer la forte hégémonie de l’agglomération de
Limoges sur l’ensemble de la région, contrairement, une nouvelle fois, à la région Poitou-Charentes, en
situation de plus fort équilibre à ce niveau. Par contre, il faut noter la plus forte attraction du Limousin sur des
étudiants d’autres régions (21% d’étudiants extrarégionaux contre 13% en Poitou-Charentes). Il semble ici que
le Limousin profite de sa situation centrale et peu concurrencée par d’autres grands pôles à proximité. En effet,
la région attire plus d’étudiants de la région Centre (Indre) et beaucoup plus des régions Aquitaine (Dordogne)
et Midi-Pyrénées (Lot) dont les départements sont plus proches de Limoges que du chef-lieu de région.
D’une manière générale, les mobilités étudiantes sont fortement dépendantes des types de formation : plus de
recrutements locaux dans les filières générales, notamment dans les premières années du cursus ; plus de
recrutements extérieurs dans les filières appliquées, et plus encore dans les filières à l’université – type IUP ou
MST – que dans les IUT. On peut également, une nouvelle fois, souligner l’importance des spécialités
disciplinaires, des profils disciplinaires des régions. Au-delà de ces aspects, les mobilités étudiantes renvoient à
plusieurs aspects de la structure territoriale de l’offre de formation. Certains sont d’ordre démographique : la
structure urbaine des régions et la plus ou moins forte centralité de leurs métropoles, mais aussi la place des
métropoles dans le système interrégionale plus vaste. D’autres sont plus liés aux équipements universitaires
des régions : la présence d’un second pôle universitaire, son ancienneté, sa capacité de rétention des étudiants
de la région. C’est donc l’ensemble de ces éléments, chacun pris en compte et, en quelque sorte, compilés, qui
produisent ce que l’on peut appeler les systèmes régionaux de déplacements des étudiants.
Conclusion
« L’effet région » : une échelle des contextes régionaux qui organisent la disparité régionale des
caractéristiques étudiantes.
Le tableau suivant résume les éléments d’analyse présentés plus haut.
Contexte régional Profil étudiant (indicateurs) Mode d’organisation de la disparité
régionale
1 Structure socio-démographique
de la région
Origine sociale (PCS des
parents)
Disparité sous le mode de la
« reproduction sociale »
2 Spécialités disciplinaires des
filières de la région
Identité sociale (Sexe) Disparité sous le mode de
« l’intériorisation » de l’orientation
3 Caractère sélectif des
formations de la région
Trajectoire antérieure (Age,
baccalauréat, Age au bac.)
Disparité sous le mode du
« filtrage », de la sélection, au niveau
des filières
4 Structuration territoriale de
l’offre de formation
Mobilité géographique (Lieu de
résidence des parents et lieu
d’études)
Disparité sous le mode des systèmes
régionaux de « déplacements »
19
Bien évidemment, il ne s’agit pas de dire que les effets se produisent d’une manière aussi mécanique. En effet,
on a vu que l’on pouvait comprendre certaines configurations du profil régional des étudiants en fonction de
plusieurs contextes régionaux.
L’intérêt d’une telle perspective est cependant de « démêler » les niveaux avec lesquels les étudiants, mais
aussi, dans une certaine mesure les « décideurs » de l’offre de formation, ont affaire dès lors qu’ils s’engagent
dans leurs études supérieurs pour les premiers, qu’ils ont à construire « régionalement » l’offre de formation,
pour les seconds.
D’une manière générale, on peut dire que l’on retrouve ici les « déterminants » bien connus de la sociologie de
l’éducation (inégalités sociales, intériorisation des normes d’orientation, stratégies des étudiants et de leurs
familles) mais auxquels il faudrait ajouter la dimension territoriale (finalement assez peu prise en compte dans
les travaux de sociologie de l’éducation) qui procure une dimension nouvelle à ces « déterminants » en les
« spatialisant » ou, en tous cas, en leur conférant un cadre concret, en l’occurrence ici la région.
Ainsi, ce schéma permet de déterminer, pour chaque région, une sorte de méta-contexte dont on peut tenter
de dégager la cohérence globale. Par exemple, en Aquitaine, on a affaire à une structuration
sociodémographique qui donne une place plus grande aux catégories socioprofessionnelles favorisées. Par
ailleurs, l’offre de formation, plus orientée vers les filières générales, de type sciences sociales et sciences
humaines accueille une part plus importante de filles, apparemment plus disposées à suivre ces formations.
Dans le même temps, on note dans la région une tendance à « utiliser » les filières appliquées pour accueillir
les étudiants « en retard » ou ayant eu des parcours scolaires moins « brillants ». Tout cela dans un contexte
territorial où il existe deux grands pôles universitaires, assez anciens, donc un recrutement local très important
et une mobilité intra- et interrégionale faible. Comparé aux trois autres régions, on serait plutôt ici face à un
système traditionnel, académique, marqué par un certain immobilisme…
La question qui resterait à explorer est celle de savoir à quel point « l’identité régionale » ainsi mise en
évidence trouve un écho dans les motivations et stratégies des étudiants et de leurs familles lors de leurs
démarches d’orientation ainsi qu’auprès des décideurs de l’offre de formation lors de leurs négociations. En
d’autre terme, si « identité régionale » il y a en termes d’enseignement supérieur, est-elle juste une
interprétation de l’analyste à partir de données structurelles ou bien peut-on parler « d’effet région » y compris
dans la construction des discours et des représentations ?
Eléments bibliographiques
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l’enseignement supérieur en France : 1964-2000, Revue d’Economie Régionale et Urbaine, n°4, pp. 649-669.
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Dubet François (1994), "Dimensions et figures de l’expérience étudiante dans l’université de masse" in Revue
française de sociologie, vol. XXXV, 4.
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20
Filâtre Daniel, Béatrice Milard et Gilles Viès (1996), Université 2000 - Les effets des implantations nouvelles -
Volume 1 : étude sur la région Midi-Pyrénées, DATAR - Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la
Recherche, CERTOP.
Galland Olivier dir., (1995), Le monde des étudiants, Paris, Presses Universitaire de France, Coll. "Sociologies",
pp. 35-37.
Grossetti Michel et Philippe Losego Dir., (2003), La territorialisation de l’enseignement supérieur et de la
recherche en Europe. France, Espagne, Portugal, L’Harmattan, Collection « Géographies en liberté »,
Julien Philippe, Jean Laganier et Jacques Pougnard (2001), "Les études supérieures : un motif de migration",
INSEE première, n° 813, novembre.
Milard Béatrice (2000), « Etudiantes en Midi-Pyrénées : les effets des nouvelles implantations universitaires»
in M. Membrado et A. Rieu (dir.), Sexes, espaces et corps. De la catégorisation du genre, Toulouse, Editions
Universitaires du Sud, pp. 115-129.
21
Etat des lieux en Poitou-Charentes
Marie-Jo Kolpak
Responsable du Service statistique académique
Rectorat de Poitiers - DSDEN de la Vienne
Courriel : [email protected]
Les effectifs du supérieur
Poitou-Charentes accueille 49 000 étudiants, dont 60 % au sein des universités (23 000 à Poitiers et 7 000 à La
Rochelle). Les filières de formation courte (IUT – institut universitaire de technologie, STS – section de
technicien supérieur) sont surreprésentées dans la région. A contrario, les CPGE (classes préparatoires aux
grandes écoles) sont sous-représentées et disposent de nombreuses places vacantes.
Le nombre d’étudiants s’accroit légèrement sur les 5 dernières années. En particulier, les effectifs de STS et des
écoles d’ingénieurs enregistrent une augmentation significative, avec une montée en puissance de
l’apprentissage qui représente aujourd’hui 1/3 des effectifs. Les effectifs universitaires, en diminution ces
dernières années, amorcent une hausse à la rentrée 2013.
La liaison 2nd
degré-supérieur
Face au double objectif de conduire plus de 80% d’une classe d’âge au baccalauréat et 50 % à un diplôme de
l’enseignement supérieur, Poitou-Charentes se trouve dans une situation paradoxale. En effet, les résultats au
lycée sont positifs : les élèves entrant en seconde accèdent à la classe de Terminale plus qu’en moyenne
nationale et la réussite au baccalauréat est également supérieure à la moyenne nationale. Cependant, les
élèves s’orientent insuffisamment en filière générale et technologique et poursuivent moins qu’ailleurs dans le
supérieur.
La part importante de l’apprentissage dans le 2nd
degré explique en partie cette situation. La région se situe de
ce point de vue au premier rang des régions françaises. Or, les formations par apprentissage dans le 2nd
degré
sont très majoritairement du niveau CAP et conduisent donc peu au baccalauréat. De plus, les apprentis
obtenant un baccalauréat se portent directement sur le marché du travail beaucoup plus fréquemment (77 %)
que les bacheliers professionnels de la voie scolaire (44%). Toutefois, le déficit de poursuite dans le supérieur
se constate également pour les bacheliers de la voie générale et technologique de la région.
L’analyse de la poursuite d’étude selon les différentes séries du baccalauréat permet de nuancer le constat.
Ainsi, les bacheliers professionnels de la voie scolaire de la région poursuivent plus en STS qu’au niveau
national et enregistrent une meilleure réussite globale au BTS (l’académie de Poitiers a obtenu les meilleurs
résultats en 2012).
Concernant les bacheliers technologiques, la poursuite postbac est fortement déficitaire, particulièrement vers
les STS et plus particulièrement pour les élèves de la série STG/STMG (gestion). Ces lycéens sont très nombreux
à ne pas finaliser la procédure APB (admission post bac), s’inscrivent peu en STS ou IUT et se retrouvent bien
trop souvent, et sans doute par défaut, en licence où ils échouent.
Enfin, les bacheliers généraux poursuivent moins qu’en moyenne nationale et privilégient des parcours
sécurisés en IUT. Ils s’orientent moins en licence ou en CPGE. Le déficit est particulièrement marqué pour les
bacheliers littéraires, quelle que soit la filière du supérieur, avec une situation qui se dégrade ces dernières
années.
22
Le continuum « Bac-3/Bac+3 » est une réalité dont chacun doit se saisir pour conduire tous les élèvesdans un parcours ambitieux les menant à la validation d’une formation supérieure diplômantefacilitant ainsi leur insertion professionnelle. L’accompagnement des élèves dans un parcours réfléchiet choisi, et le développement des liens entre les enseignants du secondaire et du supérieurconstituent les principaux leviers pour concourir à l’atteinte de ces objectifs.
Les effectifs du supérieur
Poitou-Charentes accueille 49 000 étudiants, dont 60 % au sein des universités : 23 000 à Poitiers (dont 2 600
en IUT) et 7 000 à La Rochelle (dont 1 000 en IUT) à la rentrée 2013.
Les filières de formation courte (IUT – institut universitaire de technologie, STS – section de technicien
supérieur) sont surreprésentées dans la région. A contrario, les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles)
sont sous-représentées et disposent de nombreuses places vacantes.
L’offre d’enseignement supérieur est diffuse sur l’ensemble du territoire du Poitou-Charentes, de par laprésence de BTS dans les lycées de l’académie. Angoulême et Niort accueillent également quelques
Universités hors IUT 26 490 1,9
Instituts Universitaires de Technologie (IUT) 2 990 2,6
Sections de techniciens supérieurs (STS) et assimilés (DCG) 7 800 2,6Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) 1 080 1,3
Écoles d'ingénieurs non universitaires 2 560 2,2
Écoles de commerce, gestion et comptabilité 3 550 2,7Ecoles paramédicales et sociales 3 070 2,2Autres écoles et formations (1) 1 050 0,7
Total 48 590 2,0
(1) rubrique comprenant les écoles juridiques et administratives, les écoles supérieures artistiques et
culturelles ainsi que Polytechnique et écoles normales supérieures.Champ : Éducation nationale, agriculture et autres ministère, public et privéSource : SSA- BCP et enquete apprentissage -SIES Atlas régional des effectifs étudiants
Académiede Poitiers
% FranceEffectif d'étudiants inscrits par filière - 2012-2013
Les effectifs du Supérieur
année universitaire 2012-2013Académie de Poitiers
Universités hors IUT
56%
Autres écoles et
formations
9%
Ecoles paramédicales et
sociales
6%
Sections de techniciens
supérieurs (STS) et
assimilés (DCG)
16%
Instituts Universitaires
de Technologie (IUT)
6%
Écoles d'ingénieurs non
universitaires
5%
Classes préparatoires
aux grandes écoles
(CPGE)
2%
Écoles de commerce,
gestion et comptabilité
7%
23
établissements du supérieur. Mais l’essentiel des effectifs étudiants se concentre sur l’agglomération de
Poitiers, puis de la Rochelle. Cependant, les sites de Bordeaux , Nantes ou Angers, à proximité de la région, sont
nettement plus gros.
Evolution du nombre d’étudiants
Le nombre d’étudiants s’accroit légèrement sur les 5 dernières années, beaucoup moins qu’au niveau national.Cette moindre performance est avant tout le fait de l’université de Poitiers. Les effectifs universitaires hors IUTdiminuent alors qu’ils augmentent nationalement et les effectifs en IUT ont nettement plus diminué qu’auniveau national. Ceci entraîne une baisse de 1 300 étudiants en université sur 5 ans. Cependant, les effectifsuniversitaires amorcent une hausse conséquente à la rentrée 2013 (+ 5 % à l’université de Poitiers).
Les CPGE sont elles aussi en baisse d’effectif sur les dernières années, au contraire du niveau national. Mais les
effectifs augmentent à la rentrée 2013, de 5 % en Poitou-Charentes (2 % en France).
A contrario, les effectifs de STS et des écoles d’ingénieurs enregistrent une augmentation significative, plus
forte qu’au niveau national, avec une montée en puissance de l’apprentissage qui représente aujourd’hui 30 %
des effectifs (20 % en France).
Franceeffectif % %
Universités hors IUT -1 100 -4,0% 5,4%Instituts Universitaires de Technologie (IUT) -190 -6,0% -2,4%Sections de techniciens supérieurs (STS) et assimilés (DCG) +860 12,4% 9,3%Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) -240 -18,2% 2,8%Écoles d'ingénieurs non universitaires +510 24,9% 17,2%Écoles de commerce, gestion et comptabilité +960 37,1% 30,3%Ecoles paramédicales et sociales -70 -2,2% 2,6%Autres écoles et formations (1) +80 8,2% 12,6%
Total +810 1,7% 7,2%
Evolution entre rentrée 2008 et 2012
Académie de Poitiers
(1) rubrique comprenant les écoles juridiques et administratives, les écoles supérieures artistiques et culturellesainsi que Polytechnique et écoles normales supérieures.Champ : Éducation nationale, agriculture et autres ministère, public et privéSource : SSA- BCP et enquete apprentissage -SIES Atlas régional des effectifs étudiants
Effectif d'étudiants inscrits par filière
Source : SSA BCP et enquête apprentissage – SIES Atlas régional des effectifs étudiants
24
La liaison 2nd degré-supérieur
Face au double objectif de conduire plus de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat et 50 % à un diplôme de
l’enseignement supérieur, Poitou-Charentes se trouve dans une situation paradoxale.
Le premier objectif est au cœur de la réforme du lycée et le second (objectif de Lisbonne) renvoie à l’ensemble
des mesures proposées par la loi du 22 juillet 2013 du ministère de l’enseignement supérieur visant la réussite
de tous les étudiants, en particulier dans le premier cycle de l’enseignement supérieur.
La loi sur la refondation de l’école du 8 juillet 2013 poursuit dans ce sens en mentionnant : « le lycée
d’enseignement général et technologique de même que le lycée professionnel sont les premiers segments de
l’espace bac-3/bac+3 qui permettent d’articuler la transition entre l’enseignement secondaire et des études
supérieures réussies ». Ainsi, mieux accompagner le lycéen dans un parcours postbac réfléchi et choisi, validé
par une formation supérieure diplômante, constitue l’un des objectifs du projet de l’académie de Poitiers
2014/2017.
La situation du Poitou-Charentes est effectivement paradoxale : alors que les résultats au lycée sont positifs, la
région est particulièrement éloignée de ces deux objectifs.
Bons résultats au lycée
Les élèves entrant en seconde accèdent à la classe de Terminale plus qu’en moyenne nationale et la réussite au
baccalauréat est également supérieure à la moyenne nationale. La probabilité qu’un élève entrant en seconde
obtienne le baccalauréat correspondant est plus forte qu’en moyenne nationale : taux d’accès au baccalauréat
général et technologique de 90,7 % en Poitou-Charentes et de 89,5 % en France et taux d’accès au baccalauréat
professionnel de 67,2 % en Poitou-Charentes et de 64,8 % en France en 2012-2013.
Mais faiblesse de l’orientation en filière générale et technologique
Cependant, les élèves s’orientent insuffisamment en filière générale et technologique. Ainsi, l’orientation vers
la seconde générale et technologique représente 65 % de la demande des familles en fin de 3ème. C’est moins
qu’au niveau national, mais en augmentation constante et les décisions de conseil de classe accentuent cette
orientation : 66 % vers la seconde GT. Malgré cela un nombre significatif d’élèves opte pour la voie
professionnelle et les écarts entre décisions d’orientation et inscription effective varient entre 5 et 10 points
selon les établissements d’origine. Ces écarts sont considérables et nettement supérieur à ceux observés en
moyenne nationale.
Une spécificité forte du Poitou-Charentes réside dans l’importance de l’enseignement par la voie de
l’apprentissage et la voie agricole.
Poitou-Charentes se situe au 1er rang des académies pour la part de l’apprentissage dans le second cycle et au
3ème rang pour celle de l’enseignement agricole. 87 % de la formation agricole est professionnelle, ce qui
accroit encore le poids de l’apprentissage dans le second cycle.
Ce poids de l’apprentissage influe directement sur l’accès au baccalauréat, puisque 88 % des apprentis du
second cycle préparent un CAP et non un diplôme de niveau IV. Ainsi, le Poitou-Charentes oriente plus
qu’ailleurs ses jeunes en CAP (+ 3 points par rapport à la moyenne nationale). Ceci explique que Poitou-
Source : Ministère de l’éducation nationale - 2010
EN : Education Nationale
25
%Poitiers
écartFrance
%Poitiers
écartFrance % Poitiers
écartFrance
Bac général 93,3 +0,5 53,8 -1,1 83,1 -4,5
Bac technologique 90,1 +2,3 31,8 -3,5 64,7 -7,0Bac professionnel 80,2 +1,4 36,7 +2,9 24,4 -3,7
Source : MENSER - Depp - Sies - SSA Poitiers
résultats bac : fichiers Ocean - scolaires établissements publics et privés sous contrat
poursuite : schéma post-bac - tous bacheliers - STS (hors apprentissage)-CPGE-universités
France
Poursuite supérieur
néobacheliers 2012
Bac session 2013
Admis Mentions
Charentes soit plus éloigné que la moyenne de l’objectif de conduire 80 % d’une génération au baccalauréat :
en 2012 le taux d’accès de la 6ème au baccalauréat est de 65 % en Poitou-Charentes et de 68 % au niveau
national, soit 3 points en dessous.
Et moindre poursuite dans le supérieur.
Le poids de l’apprentissage
influe également sur la
poursuite d’études supérieures
des bacheliers, puisque les
apprentis poursuivent moins
leurs études que les scolaires.
Après un baccalauréat
professionnel, 77 % des
apprentis se portent sur le
marché du travail, alors que ce
n’est le cas que de 44 % des scolaires (selon les enquêtes d’insertion de 2013).
Toutefois, le déficit de poursuite dans le supérieur se constate également pour les bacheliers de la voie
générale et technologique de la région.
L’académie de Poitiers se situe dans un groupe de faibles poursuites dans le supérieur incluant Nantes, Caen et
Grenoble.
26
Poursuite selon les trois voies du baccalauréat
L’analyse de la poursuite d’étude selon les différentes séries du baccalauréat permet de nuancer le constat.
Bacheliers professionnels : une demande de poursuite et une réussite croissante en STS.
Les bacheliers professionnels de l’académie poursuivent plus qu’au niveau national en STS (l’absence de
données comparatives sur les STS par apprentissage laisse présumer d’un excédent encore supérieur pour les
bacheliers de l’académie de Poitiers). Ils poursuivent moins en licence, ce qui est cohérent avec leur cursus et
même encore trop important au regard de leurs taux de réussite.
Sur les 10 dernières années, les résultats
au BTS dans l’académie sont supérieurs
aux taux nationaux. L’académie se place
en 3ème position en 2012 et en 6ème en
2013 parmi les 30 académies, tous publics
confondus. Les candidats au BTS ayant le
baccalauréat professionnel comme
diplôme initial font encore mieux. Dans le
1er quart des académies depuis 2003,
l’académie de Poitiers a même été la
meilleure académie de France à la session
2012 pour les candidats issus d’un
baccalauréat professionnel. En 2013, le
taux de réussite des bacheliers
professionnels au BTS est de 65 ,9 % (+ 6
points par rapport à la moyenne nationale) et l’académie reste celle où la part des candidats issus de
baccalauréat professionnel est la plus élevée (près d’un tiers).
Bacheliers technologiques : une population scolaire en manque de perspectives
La poursuite postbac des bacheliers technologiques est fortement déficitaire (- 7 points par rapport à la
moyenne nationale). Cela concerne particulièrement la poursuite vers les STS. Les bacheliers technologiques
poursuivent autant qu’au niveau national en IUT et leur taux de réussite y est supérieur.
Les bacheliers de la série STG/STMG (gestion) poursuivent particulièrement peu (- 9 points). Ces lycéens sont
très nombreux à ne pas finaliser la procédure APB (admission post bac), s’inscrivent peu en STS ou IUT et se
retrouvent bien trop souvent, et sans doute par défaut, en licence où ils échouent : ils sont plus nombreux à
s’inscrire en licence qu’en BTS et la moitié d’entre eux n’atteint pas la deuxième année.
Bacheliers généraux : des parcours sécurisés
Les bacheliers généraux poursuivent moins qu’en moyenne nationale (- 4,5 points).
Le déficit est particulièrement marqué pour les bacheliers littéraires (- 9 points), quelle que soit la filière du
supérieur, avec une situation qui se dégrade ces dernières années. Leurs inscriptions en licence sont très
inférieures à leurs vœux initiaux, alors même que cette filière du supérieur n’est pas sélective, ce qui semble
dénoter de leur part un abandon pur et simple de l’idée de poursuite dans le supérieur.
Les bacheliers scientifiques accusent également un déficit de poursuite, même s’il est moindre (- 5 points par
rapport à la moyenne nationale). Ils privilégient des parcours sécurisés en IUT. Ils s’orientent moins en licence
ou en CPGE.
27
Pistes pour l’insertion professionnelle de tous les jeunesdiplômés sur le territoire national.
Daniel LAMARConsultant
Courriel : [email protected]
Avant d’aborder ce sujet, il me semble nécessaire d’insister sur le fait que nous devons échapper à une
confusion au niveau des termes. Dans les médias, il est fréquent de constater que le terme de « jeunes
diplômés » désigne les seuls « diplômés de grandes écoles ou de Master2 accédant sans problème à des CDI
cadres en premier emploi ». Cette catégorie existe mais elle reste très minoritaire parmi les jeunes diplômés en
quête d’emploi après leurs études, la situation s’avère très différente selon les diplômes.
La croissance du nombre de jeunes obtenant le baccalauréat se poursuit : en 2014, plus de 77% d’une classe
d’âge vient de valider son bac 2014. Plus de 50% des jeunes femmes valident déjà actuellement un diplômé
d’enseignement supérieur contre environ 40% des jeunes hommes mais, demain, l’objectif de 50% de diplômés
du supérieur sera rapidement atteint voire dépassé. Et les jeunes diplômés seront la catégorie majoritaire dans
la jeunesse, cette évolution ne se passera pas sans conséquence sur l’accès à l’emploi des diplômés dans la
mesure où la structure des emplois n’évolue pas partout à la même vitesse. Tous les jeunes diplômés ne
travailleront pas demain en statut cadre. Bref, la question de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés
est à la pour aujourd’hui et pour demain. Il faut prêter attention comme nous y invite cette journée de
réflexion.
Quelques constats
Des jeunes diplômés rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle.
Pour les jeunes diplômés qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle une typologie apparait des
constats de terrain.
En premier lieu on identifie des jeunes en situation d’échec par rapport à leur projet professionnel et personnel
initial, même s’ils ont validé un diplôme d’enseignement supérieur, il s’agit de :
Jeunes en échec en Master 1 titulaires d’une licence généraliste,
Jeunes titulaires d’un Master 1 non acceptés dans le (ou les) Master 2 qu’ils recherchent,
Jeunes abandonnant la recherche après engagement de travaux de recherche,
Doctorants abandonnant la thèse qu’ils ont entamés.
Il convient d’y ajouter de nombreux jeunes diplômés en échec aux concours de la fonction publique, en
particulier sur des concours d’enseignants. La réorientation d’un diplômé en droit public dans le secteur privé
n’est pas toujours aisée.
En second lieu, de nombreux jeunes diplômés restent en recherche d’un projet professionnel. C’est le cas en
particulier :
De jeunes diplômés de filières généralistes à faibles débouchés dont licence généraliste, master 2
recherche, etc.
De jeunes diplômés de filières professionnelles à faibles débouchés, car il demeure des licences
professionnelles et certains master2 dans ce cas,
De jeunes diplômés en cours de réorientation en termes de projet professionnel.
En troisième lieu, certains jeunes se trouvent susceptibles exposés à des discriminations à
l’embauche : sociale, raciale, sexiste, liée au handicap... Les politiques de prévention des
28
discriminations ont sensibilisé les recruteurs mais la situation économique conduisant à un faible
niveau de recrutement, ces phénomènes persistent encore.
Enfin, des jeunes diplômés rencontrent des difficultés particulières liées aux exigences découlant du projet
professionnel et personnel (absence de mobilité, exigence d’un niveau minimal de rémunération, etc.), à leur
situation ne remplissant pas des prérequis à une embauche (permis de conduire, maitrise de l’anglais, etc.) ou
même à des problèmes d’attitude ou de comportement.
Certains jeunes cumulent ces sources de difficultés : par exemple, pour donner un exemple réel : l’échec dans
une filière à faibles débouchés d’un jeune exposé aux discriminations à l’embauche…
Des indicateurs permettent d’estimer ces difficultés
La réussite et les difficultés de l’insertion professionnelle peuvent s’apprécier au travers de plusieurs
indicateurs :
Le temps entre l’obtention du diplôme d’enseignement supérieur et l’accès à un premier emploi (quel
que soit sa nature)4,
L’autonomie financière du jeune pendant sa période de recherche d’emploi (présence d’activités
salariées « alimentaires »),
L’obtention d’un « emploi durable » comme un CDI ou un CDD/CTT de plus de 6 mois ou l’obtention
d’un contrat court de moins de 6 mois,
L’obtention d’un emploi à temps plein (en particulier pour les jeunes femmes diplômées qui
obtiennent plus fréquemment des temps partiels),
L’adéquation totale ou partielle de l’emploi obtenu par rapport au projet professionnel et personnel
du jeune diplômé,
La satisfaction globale du jeune par rapport à l’emploi occupé,
Le rapport du salaire mensuel à temps plein par rapport au SMIC, etc.
La prise en compte de ces indicateurs permettrait d’établir une grille assez précise de la qualité de l’insertion
professionnelle des jeunes diplômés en croisant bien entendu avec d’autres critères comme le niveau de
formation, le type de filière d’études, le territoire d’obtention du diplôme, etc.
Une période de précarité
Le taux de jeune en emploi croit progressivement à partir de l’obtention du diplôme mais avec des rythmes
inégaux selon les profils et sous l’influence assez directe de la conjoncture économique.
Beaucoup de jeunes diplômés sont des précaires pendant plusieurs années après le diplôme.
L’enquête nationale « un an après », réalisée par l’AFIJ en octobre 2013, sur la situation vis-à-vis de l’emploi un
an après l’obtention de leur dernier diplôme, donne les résultats suivants.
Ces chiffres indiquent que « Un an après leur diplôme » 53% des jeunes diplômés se trouvent en emploi, mais
une part d’entre eux restent en contrat court. 84% ont occupé un emploi dans l’année près le diplôme tandis
que 16% restent sans expérience professionnelle.
4la question de cette durée doit être corrélée avec celle des ressources du jeune diplômé ayant quitté
l’enseignement supérieur, en effet, l’urgence de l’entrée dans l’emploi dépend souvent de la situation deressources de chaque jeune.
Situation vis-à-vis de l’emploi de jeunes, diplômés en 2012, à septembre 2013 %
En emploi durable (c'est-à-dire en CDI ou CDD/CTT ≥ 6 mois) 37% 53%
En CDD ou CTT de moins de 6 mois (dont alternance) 16%
Ayant occupé un emploi mais sans emploi au moment de l’enquête 31%47%
N’ayant occupé aucun emploi depuis l’obtention de leur diplôme 16%
29
Les enquêtes réalisées à plus long terme (l’enquête à 30 mois menée par les universités par exemple) prouvent
que de l’ordre de 90% des jeunes diplômés sont en emploi à termes ; mais cela ne doit pas dissimuler que, dans
la période qui suit la fin des études, existent pour de nombreux jeunes diplômés, une période de précarité
caractérisée par une succession de contrats courts avant la stabilisation dans un emploi de « qualité » très
variable.
La mobilité géographique
La même enquête permet de constater qu’en ce qui concerne les jeunes diplômés en emploi :
51% sont dans la région d’origine (ce chiffre tient compte de l’Ile de France où l’essentiel de l’emploi
est trouvé dans la région).
72% des jeunes occupent un emploi dans leur région d’origine ou dans la région de leurs études.
La mobilité européenne voire internationale concerne quelques formations dont des écoles mais reste
marginale, en dépit des articles de presse qui abondent à ce sujet.
La mobilité géographique des jeunes diplômés lors de leur accès au premier emploi est forte ; ce chiffre a peu
évolué ces dernières années.
Pour les jeunes diplômés qui ne sont pas encore en emploi, 38% d’entre eux ne souhaitent pas étendre leurs
recherches au-delà de leur département de résidence tandis que 21% se disent mobiles au niveau national
(mobilité déclarée). L’absence de mobilité géographique réelle est fréquemment à l’origine de leur situation.
DES PISTES D’AMELIORATION DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE
Sans attendre une amélioration du contexte économique dans notre pays (il s’agit d’un autre débat), des pistes
apparaissent pour contribuer à résoudre les problèmes identifiés précédemment. Certaines actions sont déjà
engagées ponctuellement et pourraient être développées. Elles concernent l’ensemble des acteurs. Cette liste
de propositions n’a bien entendu aucune prétention d’exhaustivité.
Les jeunes doivent se préparer à présenter leur profil et leur projet professionnel à des recruteurs.
Des expérimentations ont été menées en ce sens comme la préparation au projet professionnel et personnel
l’une des formes est le Portefeuille d'Expérience et de Compétences (PEC), développé en particulier à
l’Université de Poitiers.
D’autres démarches de préparation ont été conduites.
Dans tous les cas, les jeunes doivent anticiper largement la fin des études pour se positionner sur le marché du
travail. Cette démarche est encore loin d’être générale parmi les étudiants en dépit des efforts faits en ce sens.
La clé de la réussite repose sur la mobilisation des jeunes eux-mêmes.
Les recruteurs et employeurs doivent apprendre à connaitre les diplômes de l’enseignement supérieur.
La notoriété des diplômes est toute relative dans le monde professionnel. Tel BTS ou DUT est bien identifié5
tandis que les licences professionnelles ou les master2 le sont moins.
En ce sens le retour à un nombre limité de mentions de licence et de master en 2014 apparait comme une
excellente nouvelle (même si toutes les options demeurent au sein du monde universitaire pour garantir la
richesse des formations universitaires).
5La demande des recruteurs en profils à bac+2 sur les diplômes connus de BTS ou de DUT plutôt qu’en Licence
se maintient. Ce phénomène est en cours d’évolution et les licences professionnelles figurent progressivementd’avantage parmi les diplôme demandés sur les offres d’emploi.
30
L’analyse des offres d’emploi pour jeunes diplômés permet de constater que celles-ci font figurer un nombre
limité de diplôme, les échanges avec les recruteurs permettent de constater que ceux-ci le plus souvent ne
connaissent pas l’ensemble de l’offre en diplôme.
Les procédures de recrutements doivent être améliorées.
Une amélioration des démarche des recrutements des entreprises ou des associations, quel que soit la taille
des structures6, semble nécessaire dans l’intérêt de toutes les parties. Il faut encourager un changement dans
les pratiques :
Au niveau qualitatif : le recruteur doit s’efforcer d’utiliser les contrats existants (par exemple, les
contrats d’apprentissage et professionnalisation, certains contrats aidés, le contrat de génération...),
toutes les opportunités ne sont pas mobilisées comme on peut le constater sur le terrain,
Au niveau financier : le recruteur doit se convaincre de la nécessité d’engager un budget suffisant pour
tout recrutement.
Aujourd’hui, d’une manière générale, trop peu de moyens sont affectés au recrutement d’un débutant primo
demandeur d’emploi. Cette absence de moyens se traduit par un délai de recrutement plus long, voire un
abandon du recrutement dans le cas de remplacement (pour un congé maternité par exemple).
Pour faciliter les recrutements, il semble nécessaire de réduire le marché caché. Pour cela, on peut s’interroger
sur une éventuelle « obligation de publication des offres » avant recrutement comme il existe dans le droit du
travail « la déclaration préalable d’embauche » pour la prévention des discriminations à l’embauche. Sans aller
jusqu’à une obligation, un encouragement à la publication des offres par les employeurs faciliterait les
recrutements.
Un matching plus efficace entre l’offre et la demande peut être mis en place.
La mise en relation entre les offres et les demandes sur Internet apparait comme une évidence ; force est de
constater qu’elle ne fonctionne pas encore au mieux à ce jour. Plusieurs pistes semblent s’imposer.
La formalisation des offres, selon une norme unique, permettrait de consulter les offres de sources différentes
à partir d’une seule interrogation. Ce mouvement a été engagé par Pôle Emploi et il mérite d’être rapidement
amplifié pour rejoindre le fonctionnement existant dans d’autres pays.
Des modifications et actualisation permanente des nomenclatures des dénominations d’emploi, de fonctions,
de secteurs, de niveau de responsabilité, etc. est indispensable.
Le développement de nouveaux outils de matching performants au niveau national, puis européen, est une
priorité. Des outils plus performants existent déjà dans d’autres pays comme en Allemagne.
Un accompagnement « sur mesure7 » des jeunes diplômés après la sortie des établissements s’impose.
Les étudiants ont bénéficié de services de préparation à l’insertion professionnelle pendant leurs études à
l’université (par exemple à l’université de Poitiers avec le SAFIRE).
Une part des jeunes diplômés ont encore besoin de conseils et d’accompagnement après avoir quitté
l’Université, d’autant qu’ils sont éloignés de leur lieu d’études.
Ce public « jeunes diplômés » ne s’inscrit pas naturellement à Pôle Emploi faute d’indemnisation chômage et
d’une information sur ses droits. Il n’est pas d’une manière générale considéré en difficulté par Pôle Emploi ; il
relève d’un traitement 100% web, à des exceptions près sur le terrain.
6On retrouve, sur le terrain, ces problèmes tant avec les petites entreprises qu’avec les grandes entreprises.
7Pour tous ceux qui en ressentent le besoin.
31
Un autre système d’accompagnement propre aux jeunes diplômés8
qui en ressentent le besoin devrait être mis
en place dans la période de précarité avant l’accès à un emploi durable.
CONCLUSION
Il semble donc possible de faire évoluer l’accès à l’emploi des jeunes diplômés en suivant des pistes
convergentes sans attendre une évolution du contexte économique.
Il reste beaucoup à faire pour diminuer les délais d’accès à un emploi et, en particulier, à un emploi stable pour
le plus grand nombre de jeunes diplômés. Car les conditions actuelles d’insertion d’une part des jeunes
diplômés sont mauvaises.
Les efforts à faire concernent à la fois les jeunes, les employeurs et tous les acteurs de l’insertion
professionnelle, publics comme les opérateurs associatifs ou marchands.
Il existe des pistes d’amélioration qui n’ont pas encore été empruntées qui nécessitent à la fois :
une reformulation de la politique nationale de l’emploi et un engagement fort,
une forte présence de proximité des acteurs locaux de l’emploi pour répondre à l’offre et à la
demande et assurer le maintien d’un lien social en particulier pour les jeunes sans emploi et, trop
souvent, sans ressource.
Aucun de ces deux niveaux d’intervention, le national et le local, ne doit manquer dans le domaine de l’emploi
pour parvenir à un résultat.
8Ce public nécessite une démarche spécifique. Ces jeunes sont des primo demandeurs d’emploi généralement
sans grande connaissance du monde professionnel. Ils disposent de connaissances et de compétences quicorrespondent à des postes qualifiés. Ils ont parfois des attitudes négatives par rapport à leur entrée dans la vieactive. Les méthodes d’accompagnement vers l’emploi à mettre en œuvre sont particulières. Une mobilitégéographique au moins nationale est nécessaire ; les offres locales ne répondent pas aux demandes dans undomaine d’emploi précis. Une part de ces jeunes est « sans qualification professionnelle » même si cela peutêtre difficile à accepter compte tenu de la durée de leurs études. Ces éléments appellent une prise en chargeparticulière de ces jeunes.
33
Les trajectoires géographiqueet professionnelle des étudiants
Quelle est la situation de Poitou-Charentes ?
Quelles incidences en termesde développement économique ?
35
Etudier, travailler et vivre au pays? Sédentarité et mobilitédes étudiants de BTS en Poitou-Charentes
Sophie Orange
CENS, Université de Nantes
Maître de conférences en sociologie,
Courriel : [email protected]
Cette communication s’appuie sur un travail de thèse mené dans la région Poitou-Charentes entre 2007 et
2011. Il s’agit ici de faire émerger, sur la base de mes investigations, quelques points qu’il me semble
nécessaire d’avoir en tête lorsque l’on pense la question des trajectoires géographiques, la question de la
mobilité, mais aussi de l’immobilité9.
Car il faut d’emblée dire que ce qui caractérise les étudiants de ces formations, c’est un relatif immobilisme à
l’entrée dans ces formations, comme à leur sortie. Le propos sera moins de dire s’il faut s’en réjouir ou non,
que de comprendre et chercher à révéler les mécanismes à l’œuvre dans ces déplacements ou dans ces formes
de sédentarité.
L’armature centrale de cette enquête est le suivi d’une cohorte de 900 étudiants répartis dans 20 lycées de
l’Académie de Poitiers et entrée en BTS à la rentrée 2008.Ce suivi de cohorte repose sur 4 passations de
questionnaires :
Une première passation effectuée en début de 1ère année de formation
Une deuxième effectuée en début de 2ème année
Une troisième effectuée en fin de 2ème année
Une quatrième effectuée quelques mois après l’examen terminal
L’enjeu de ce suivi de cohorte effectué non pas à l’issue de la formation (comme c’est le cas pour les enquêtes
Générations) mais au cours de la formation était de pouvoir saisir les variations dans les projets des étudiants
entre le début et la fin de la formation, mais aussi de comparer les aspirations formulées avec les pratiques
effectives à la sortie de la formation.
Premier constat : sur la cohorte de 900 individus, près de 40 % des étudiants sont originaires du la ville-même
de BTS. A la sortie, ce sont près de la moitié qui habitent à moins de 60km de chez leurs parents. Les BTS
s’inscrivent donc ou participent à des circuits courts entre la famille, la formation et l’emploi.
Pour prendre un exemple, l’étude de l’origine et de la destinée géographiques des étudiants d’une classe de
STS Assistant de gestion PME-PMI de Bressuire (Deux-Sèvres) montre que la quasi-totalité d’entre eux sont
issus du bocage bressuirais et surtout s’insèrent professionnellement, à l’issue du diplôme, à une faible
distance de chez leurs parents (cf. carte n°1). Le BTS constitue pour eux moins un sésame pour quitter le village
d’origine qu’un billet de maintien au pays. Ces jeunes diplômés, qui sont d’ailleurs presque exclusivement des
diplômées (près de 90 % de filles), sont recrutées par les petites entreprises locales (ambulances, fabrication de
cheminées, imprimeries, industrie métallurgique, industrie mécanique, etc.) pour y occuper des postes de
secrétaires polyvalents.
9Pour des résultats plus exhaustifs sur ce travail, voir : Sophie Orange, L’autre enseignement supérieur. Les BTS
et la gestion des aspirations scolaires, Paris PUF, 2013.
36
Carte n°1. Les petites mobilités géographiques dans le bocage bressuirais : provenance et devenir dessortants de STS Assistant de gestion PME-PMI du Lycée Max Ingrand de Bressuire
(Effectifs : 19 étudiants).
Source : Enquête Parcours STS 2008-2011.
Lecture : les communes d’origine renvoient aux communes de résidence des parents
1. Une orientation sédentaire : les logiques économiques et sociales de l’immobilité
L’enseignement supérieur prend souvent la forme, pour les bacheliers les plus modestes, de l’offre effective
locale, c’est-à-dire ce qui se donne à voir en premier. Au sein de la cohorte étudiée, ce sont ainsi 27,6 % des
étudiants qui ont choisi leur orientation pour sa « continuité avec le baccalauréat », en en faisant ainsi la
première raison du choix d’un BTS, devant la correspondance avec le projet professionnel (26,8 %), les
possibilités d’emploi du secteur d’activité (24,3 %) et enfin l’intérêt pour les matières enseignées (21,4 %). La
section de technicien supérieur du lycée s’impose alors souvent comme une destinée naturelle notamment
pour les publics les moins dotés scolairement. Parmi les avantages soulignés par ces étudiants, le maintien d’un
mode de fonctionnement et de travail similaire à celui de lycée constitue un cadre rassurant : « On ne change
pas de cadre de travail et de structure » ; « Ne pas être dépaysé » ; « Lycée à proximité de chez nous » ;
« Structure déjà connue » ; « On connaît l’établissement » ; « Pas de changement par rapport au bac » ; « Tu ne
cherches pas d’autres lycées après le bac », etc. L’entrée dans l’enseignement supérieur peut même constituer
pour certains un véritable impensé, fondu dans la mécanique continue du passage année après année dans la
classe supérieure. Cette absence de rupture entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur rend
parfois difficile pour les étudiants concernés l’explicitation d’un choix scolaire qu’ils n’ont jamais vécu comme
tel. Laura, étudiante en STS Comptabilité dans le lycée où elle a passé son baccalauréat, réfute en ce sens toute
idée de choix dans son orientation dans le supérieur :
37
« Moi je voulais continuer. Les finances […] suivaient pas forcément. Donc je ne pouvais pas non plus
aller trop trop loin. J’avais juste 18 ans donc j’avais juste le permis. Donc j’avais une vieille voiture qui
tombait un petit peu en panne. Donc je ne pouvais pas me permettre d’aller à l’école loin. […] Et le seul
BTS – enfin il y en avait deux, il y avait le BTS Tourisme mais bon ce n’était pas du tout pour moi – et le
BTS Compta c’est vrai qu’il m’a tout de suite intéressée parce que c’était la continuité et en plus il était à
Confolens. Et ça c’est fait… c’est même pas une décision que j’ai prise, ça s’est fait instinctivement. J’ai
dit “Oh bah oui, on va continuer”. Je me sentais bien au lycée, donc j’ai dit : “on va rester”. Et puis
comme la compta me plaisait, je me suis dit : “ça peut être que bénéfique”. Ça a été une continuité. »
« Rester » pour continuer. La démarche « instinctive » de ces étudiants, qui caractérise nombre d’entrées dans
le BTS « du coin », est pour partie dictée par des contraintes économiques. L’ensemble des dépenses liées à la
vie étudiante ne peuvent être assumées par une large part des familles populaires. Mais ces orientations
sédentaires ne peuvent néanmoins se résumer à ces seules limites financières. Elles sont également imputables
à la manière dont les acteurs de l’orientation scolaire procède à une présentation socialement et scolairement
différenciée des filières (Orange, 2013). Mais là encore, le déficit d’information n’épuise pas les raisons des
choix scolaires (Blanchard et Cayouette-Ramblière, 2011). Certes, les parents qui n’ont pas eux-mêmes fait
l’expérience de l’enseignement supérieur sont moins armés que leurs homologues diplômés pour guider leur
progéniture dans le dédale des formations et des filières. Mais ce sur quoi il semble important d’insister ici,
c’est qu’au-delà des déterminants économiques et/ou informatifs, l’orientation des bacheliers d’origine
populaire relève de logiques et de principes qui leur sont propres, et qui sont irréductibles aux manières de
faire des catégories supérieures. C’est ainsi que ces poursuites d’études « quasi-immobiles » ont à voir avec
certaines spécificités de l’ethos populaire (André, 2012), tels que le principe d’ordinarité. M. Verret le définit
comme suit : « le principe de l’ordinaire : le sens commun, l’usage courant » (Verret, 1988). « Faire ce qui se
fait » le dit en d’autres termes R. Hoggart (1957). Lorsqu’ils justifient leur choix d’entrer en STS, nombreux sont
les étudiants à identifier leur parcours à celui d’un destin ordinaire : « c'était dans la continuité », « c'est le
prolongement de mon bac », « c'était la suite logique », ou encore « c'était ce qui correspondait le plus à ce
que je faisais avant ». Une étudiante de STS Assistant de manager du Lycée Michel Foucault explique en ces
termes le choix de sa spécialité de BTS : « comme j’étais en Gestion et Compta, et que j’aimais bien le
management tout ça, bon je me suis dit : “c’est la suite”, donc j’ai pris celui-là. »
C’est ainsi que beaucoup d’étudiants vivent leur entrée en STS sur le mode d’une évidence jamais interrogée :
« à l’effet de clôture qu’exerce l’homogénéité de l’univers social directement éprouvé : il n’est pas d’autre
langage possible, pas d’autre style de vie, d’autre relation de parenté. L’univers des possibles est fermé. Les
attentes des autres sont autant de renforcements des dispositions imposées par les conditions objectives. »
(Bourdieu, 1979). Qu’y aurait-il pu y avoir d’autre ? Pour certains, l’orientation en STS n’est pas mise en
question. Derrière cette « naturalité » de la poursuite d’études en STS, transparaît un principe du nécessaire :
« c’est ce que je dois faire », c’est-à-dire, pour le formuler différemment : « cela ne peut pas ne pas être ainsi »,
ou encore : « cela ne peut pas être autrement ». Les poursuites d’études de proximité en milieu populaire
tiennent ainsi pour une part à leur poursuite linéaire des études après le baccalauréat, dans une forme de
prolongation de la règle scolaire du primaire puis du secondaire qui veut que si l’on réussit son année, on passe
dans la classe supérieure. Maxime, étudiant en BTS dans un lycée des Deux-Sèvres, ne parvient ainsi pas, dans
son questionnaire, à déterminer à quel moment de sa scolarité il a décidé de poursuivre après le baccalauréat.
Comme si la formulation de la question lui paraissait incongrue, il annote le formulaire : « Si j’ai le bac je
continue ».
Dans cette absence de rupture entre le secondaire et le supérieur, se joue également la loyauté au milieu et au
réseau d’origine (Renahy, 2005). Ces attaches territoriales se déclinent alors de manière extrêmement genrée.
Du côté des jeunes hommes, c’est le groupe de pairs qui constitue l’instance principale de retenue à l’espace
local. Les « bandes » ou les « groupes d’amis » constituent les sujets collectifs de l’orientation scolaire après le
baccalauréat en commandant notamment souvent au choix de poursuivre dans le BTS du lycée du
baccalauréat. L’allongement des scolarités ne vient alors pas déstabiliser les sociabilités premières mais vient
au contraire renforcer un groupe qui trouve dès lors des lieux d’expression et de reconnaissance hors et dans
l’école. En couple avec des filles souvent plus jeunes qu’eux, ils leur imposent leur groupe d’amis et leur mode
38
de sociabilité. L’entrée dans le BTS du coin constitue moins une promotion scolaire qui sépare un petit nombre
d’élus du reste du groupe que la possibilité offerte à tous de continuer ensemble. Ceux qui poursuivent sont là
encore ceux qui restent ; et loin de se démarquer de la bande d’amis au risque de la faire éclater, ils la
pérennisent au contraire. L’enquête fait apparaître ainsi qu’un quart des jeunes hommes entrant en STS
continue une pratique sportive dans un club dans lequel il était déjà engagé au lycée. Véritable prolongation du
secondaire, le BTS poursuit l’âge lycéen.
Du côté des jeunes femmes, c’est le réseau de parenté qui constitue plus généralement le point d’accroche au
territoire. L’enracinement des jeunes femmes dans l’espace local tient d’abord amplement à la relation
privilégiée qu’elles entretiennent avec leur famille, et en particulier avec leur mère (Young et Willmott, 2010).
Audrey, qui est partie faire son BTS à soixante kilomètres de chez ses parents, l’exprime bien :
« C’était un pas déjà, de partir de la Rochelle à Niort : 60 km. S’éloigner des parents autant. Il y avait
quand même une petite proximité au cas où. La petite issue de secours au cas où, qu’était pas loin. J’ai
mis du temps à vouloir partir. J’étais couvée. Ma mère, elle appelle tous les jours. Ça a été difficile de
partir. Et j’ai jamais réussi à partir bien loin. »
Autre pesanteur géographique : le « petit copain ». Ce sont ainsi plus de la moitié des jeunes femmes qui sont
en couple à l’entrée en BTS contre moins de 40 % des jeunes hommes. Mais ce qui est plus notable encore,
c’est que près des deux tiers des jeunes femmes en couple le sont avec un conjoint déjà en emploi ou en
recherche d’emploi, tandis que la quasi-totalité des jeunes hommes en couple le sont avec une petite copine
encore en études (lycéenne ou étudiante).
Les classes de BTS rendent ainsi possibles des formes de promotion scolaire sur place dans lesquelles les
bacheliers populaires s’y retrouvent financièrement certes, mais aussi socialement. De la même manière que
les jeunes de milieu populaire « s’y retrouvent » dans l’apprentissage qui « entretient et reproduit un rapport à
l’espace dont on sait qu’il est déjà restreint en milieu populaire. Il nourrit une pente déjà marquée d’un entre-
soi qui se construit autour de deux piliers : une sociabilité locale et familiale. » (Moreau, 2003, p.254)
Mais ces poursuites d’études « casanières » ne sont probablement pas sans effet sur la suite des parcours des
étudiants. En reportant le moment de la rupture avec le milieu d’origine, on peut se demander si ces
orientations sédentaires ne contribuent pas d’une certaine manière à la rendre plus difficile encore. En effet, le
maintien et le renforcement des réseaux locaux durant la formation et, son corollaire, l’absence de
diversification du capital social, ne favorisent pas l’ouverture des possibles scolaires et professionnels des
étudiants.
2. Un résultat paradoxal ? L’augmentation des aspirations scolaires en STS
Ce qui était attendu du suivi de cohorte et de la mesure de l’évolution des aspirations scolaires des étudiants
entre l’entrée en 1ère
année et la fin de 2ème
année, c’est une diminution progressive des ambitions des
étudiants. En effet, des travaux de sociologues américains sur les Community colleges, sorte d’équivalents
structurels des STS aux Etats-Unis, ont mis en évidence un effet de « cooling-out ». Selon ces auteurs, les cycles
courts en 2 ans ont pour effet de détourner les étudiants les plus faibles des cycles longs et ont pour effet de
peser fortement sur leurs aspirations scolaires jusqu’à les « refroidir » entre-guillemets et les inciter à les revoir
à la baisse, à revoir leurs prétentions initiales. Ce « cooling out effect » (traduit en Français par « calmer le
jobard ») s’explique par la faible transmission de dispositions étudiantes durant la formation en Community
Colleges : par l’éloignement des pôles universitaires, par le maintien dans un système scolaire très contraint qui
ne contribue pas à développer l’autonomie des étudiants, par la faiblesse des savoirs académiques et
l’importante des savoirs professionnels, qui font la différence avec les étudiants des cycles longs. La situation
un peu similaire des STS dans l’espace de l’enseignement supérieur français et les similitudes entre le mode de
transmission des savoirs et le type de savoirs transmis, invitait donc à envisager une baisse progressive des
ambitions chez les étudiants de STS.
39
Or, un résultat surprenant de l'enquête est que, si des phénomènes de révision à la baisse des ambitions
peuvent être repérés, ils ne constituent pas le processus de conversion principal qui se produit durant la
formation. En effet, un nombre important d'étudiants entrés en STS avec pour objectif d'intégrer le marché du
travail une fois le diplôme obtenu, terminent leur deuxième année en lorgnant vers les poursuites d'études. Il
apparaît alors que les STS poursuivent, au cours de la formation, le mécanisme enclenché en amont de
conversion scolaire des bacheliers d'origine populaire aux études longues. Ce qui implique et rappelle
l’importance de penser les aspirations scolaires et professionnelles comme des processus. Et que les
formations travaillent les étudiants et leurs projets.
L'observation des projets post formation formulés par les répondants aux trois passations montre clairement
une augmentation des velléités de poursuites d'études au cours des deux années et ce, de manière progressive
au fil des trois passations. Il apparaît nettement une élévation progressive du nombre d’aspirants à la poursuite
d’études entre l’entrée en 1ère
année et la sortie de 2ème
année10
.
Tableau 1 – Projets à l’issue du BTS en fonction de la passation
(Effectifs et pourcentages en colonnes)
P1 P2 P3
Effectifs % Effectifs % Effectifs %
Continuer les études (E) 252 41,9 % 299 49,7 % 339 56,3 %
Continuer les études OU
arrêter les études (H)101 16,7 % 112 18,6 % 53 8,8 %
Arrêter les études (T) 249 41,4 % 191 31,7 % 210 34,9 %
Total 602 100 % 602 100 % 602 100 %
Source : Enquête Parcours STS 2008-2011
Champ : P1, P2, P3. Sous-population des étudiants ayant répondu aux 3 questionnaires,
non réponses exclues, soit 602 individus.
Lecture : 41,9 % des étudiants de l’échantillon envisageaient de poursuivre leurs études après le BTS,
à leur entrée en formation (P1).
Remarque : La catégorie « Arrêter les études » qui figure dans le tableau regroupe les items « Chercher du
travail » ; « Partir à l’étranger » ; « Faire une pause » ; « Autre », proposés en réponse à la question : « Après le
BTS vous comptez… » dans le questionnaire 1 et 2. Pour le questionnaire 3, cette catégorie renvoie uniquement
à « Chercher du travail » et « Autre », les deux autres modalités ayant été enlevées.
L’augmentation de ces aspirations est particulièrement notable dans les STS rurales. La configuration scolaire
spécifique des STS agit donc sur les projets et, parmi les éléments contribuant à l’acculturation étudiante, le
type de commune joue un rôle. Un résultat plutôt inattendu est que ce sont les étudiants des formations
rurales qui se sentent le plus « étudiants » : 85,7% contre 73,1% pour l’ensemble de la cohorte. Les étudiants
de STS urbaines sont à l’inverse plus nombreux à se considérer comme « lycéens » que leurs homologues des
STS rurales : 20,4% contre 8,6%. Comment comprendre que l’on retrouve chez les publics les plus en marge des
foyers de vie étudiante et les plus assignés à leur établissement scolaire un sentiment bien plus élevé
d’appartenance à une communauté des étudiants que chez leurs homologues citadins ?
Moins antinomique qu’elle ne le paraît, cette situation trouve son explication dans le principe même de la
séparation, de l’accès à des espaces interdits à d’autres. La rupture avec l’âge lycéen est ainsi d’abord marquée
par des ruptures symboliques comme l’accès à certains lieux et certains temps réservés.
10On considère ici les résultats de la sous-population des étudiants ayant répondu aux trois passations (hors
non réponse) à la question sur le projet à l’issue du diplôme (soit 602 individus).
40
Un étudiant de STS Travaux publics du Lycée Agrippa d’Aubigné de Pons, ville de près de 5 000 habitants,
exprime bien, dans le cadre d’un de ses questionnaires, ce paradoxe qui consiste pour lui à ne jamais se sentir
plus étudiant, c’est-à-dire plus libre et autonome que les élèves pré-bac, que lorsqu’il se trouve au sein même
de son établissement. Il évoque ainsi les points positifs dans le fait d’être étudiant dans un lycée : « Liberté
conséquente au sein de l’établissement : café pour les BTS le midi, autorisation de quitter l’enceinte de
l’établissement plus tard que n’importe quelle section, etc. ». Si la présence dans le lycée sur des temps
exclusifs permet de se sentir davantage étudiant, c’est parce que sa jouissance étendue, dans l’espace et dans
le temps, symbolise ici le privilège étudiant. Un étudiant de STS Conception et industrialisation en
microtechniques, située en zone urbaine, regrette quant à lui, en 2ème
année de STS, d’avoir « un emploi du
temps de lycéen » : « L’année dernière on travaillait le mercredi après-midi. Donc qu’était réservé qu’aux BTS
qui travaillent le mercredi après-midi. Et cette année on ne travaille pas le mercredi après-midi. Donc c’est
vraiment des horaires de lycéens. Ah oui, oui, c’est vraiment… C’est pour ça qu’on n’est pas considérés comme
des étudiants en général. » (Bac STI ; Père : Bac+3ou+4, comptable, Mère : Bac, représentante en papeterie).
La situation des STS dans les zones rurales crée en revanche des situations où la hiérarchie des filières à
l’échelle globale se trouve inversée. Dans ces lycées de campagne où les classes de BTS sont bien souvent
uniques, ce sont elles qui occupent le haut de la hiérarchie. L’absence de points de comparaison (ni Université,
ni IUT, ni classes préparatoires) institue les étudiants de STS en élite locale. L’enfermement de ces « sur-
classes » peut alors devenir producteur d’ambitions scolaires.
Les étudiants de STS des villes universitaires jaugent quant à eux directement leur condition de vie en
référence avec les étudiants de l’Université : « Détaché du campus. Peu d’étudiants. Pas d’associations
étudiantes » (STS Commerce international, Lycée Jules Berry, Poitiers). De fait, ils expriment leur situation en
termes de manque, au vu de ce qu’ils ont moins que les autres. Au contraire, pour les étudiants des lycées
ruraux, la seule référence à disposition est la condition lycéenne. C’est pourquoi ils font état, dans la
description de leur situation, des gains qu’ils ont obtenus vis-à-vis de leur condition passée.
C’est ainsi que seuls les étudiants de STS des villes universitaires formulent des plaintes telles que « pas de
restaurant universitaire à proximité » (Etudiant de STS Moteurs à combustion interne, Lycée Jules Berry,
Poitiers) ou « pas accès à la médecine préventive » (STS Commerce international, Lycée Jules Berry, Poitiers).
Une étudiante de STS Animation et gestion touristique locale du lycée Joachim du Bellay à Poitiers regrette de
se retrouver « exclue de la vie étudiante (sport, loisirs…) ». Un étudiant du lycée Eugène Fromentin de La
Rochelle déclare ne pas « être considéré comme étudiant réel. Moins de liberté par rapport aux facs. ». Au
lycée René Descartes de Châtellerault, un étudiant de STS Conception et réalisation en
microtechniques : « Confondu avec les lycéens. Une vie scolaire différente des étudiants de fac ou IUT ». Enfin,
au lycée Isabelle Taillefer à Angoulême, une étudiante en STS Assistant de manager se plaint d’avoir : « Moins
de liberté qu’à l’Université ».
Toute l’ambiguïté des STS rurales se pose là. D’un côté, elles n’augmentent pas l’horizon scolaire d’étudiants
pour lesquels, on l’a vu précédemment, l’Université constitue bien souvent un impensable et ne figure pas dans
leur espace des possibles. Mais en gardant à distance cet univers scolaire, elles ne l’imposent pas comme un
point de comparaison qui aurait aussitôt pour effet de dévaluer leur condition étudiante. En ces sens, les STS
rurales maintiennent l’illusion d’élection.
Mais, à l’issue du diplôme, si plus de la moitié des étudiants souhaitaient poursuivre leur cursus, seulement un
étudiant sur trois y parvient. Les aspirations à la poursuite rencontrent des difficultés à se concrétiser, d’autant
plus, là encore, que le diplômé dispose de faibles ressources. Le coût économique et symbolique du
déplacement, qui avait pu être évité jusqu’alors, vient se reposer. Les diplômés se trouvent en concurrence
avec les diplômés d’autres formations, notamment IUT. Lorsqu’ils parviennent à poursuivre, ils peuvent se
retrouver en difficulté car la formation au BTS ne leur a pas permis d’acquérir des dispositions qui sont
directement nécessaires pour réussir dans les cycles longs : socle théorique important et capacité à
l’autonomie et à l’auto-contrainte, qui ne sont pas ou peu enseignées en BTS.
41
Parmi ceux qui souhaitaient poursuivre leurs études en fin de formation, plus d’un étudiant sur trois n’y est pas
parvenu l’année suivante : 9,1 % ont échoué au BTS et 29,7 % se retrouvent en emploi ou au chômage. Pour
ceux qui hésitaient encore au sortir de la formation, moins d’un étudiant sur quatre est en poursuite d’études
l’année suivante : 10,6 % ont échoué au BTS et 68,1 % sont en emploi ou au chômage. Au final, ce sont moins
d’un tiers des étudiants de la cohorte qui sont en poursuite d’études l’année suivante : 27,9 %, soit 225
étudiants. Rapporté au total des diplômés, le pourcentage de poursuivants s’élève à 42,5 %. Il apparaît donc
que si les STS fonctionnent comme des producteurs d’ambitions scolaires, ces aspirations nouvellement
constituées ne parviennent pas toutes à se concrétiser. La situation des STS au bas de (voire à la marge de)
l’espace de l’enseignement supérieur va contribuer à freiner les transferts dans d’autres filières. La faible
porosité de ces formations avec le reste de l’enseignement supérieur va limiter les déplacements et opposer
des rugosités institutionnelles aux aspirations regonflées des étudiants.
Parmi les freins à la poursuite d’études rencontrés par les diplômés, l’obstacle de la sélection constitue de loin
le plus fréquemment cité : 38,8 % des aspirants contrariés disent n’avoir pas été admis dans la formation
désirée11
. Sont ensuite évoqués la nécessité de travailler pour subvenir à ses besoins (20,4 %), la difficulté à
trouver une formation (16,3 %) ou encore l’absence d’un employeur pour suivre une formation en alternance
ou apprentissage (14,3 %). Se posent donc, à l’issue des STS, tous les problèmes que les étudiants ont pu éviter
en y entrant et qui nécessitent un certain nombre de ressources économiques et sociales : la recherche de
formations qui ne sont désormais plus proches ni scolairement ni géographiquement, le coût du déplacement
ainsi que la concurrence avec les étudiants issus des autres filières de l’enseignement supérieur (IUT,
Université, CPGE, etc.). La parenthèse enchantée de la STS, qui pouvait fonctionner comme un sursis pour
certains, se ferme et rappelle aux diplômés de BTS la loi de la pesanteur à l’œuvre dans l’enseignement
supérieur.
L’origine scolaire agit fortement sur la concrétisation des projets12
. En effet, les bacheliers généraux accèdent
davantage à la poursuite d’études (75,2 % des aspirants) que les bacheliers technologiques (51,7 %) et les
bacheliers professionnels (50 %). Cependant, la hiérarchie classique des filières s’inverse quelque peu une fois
la barrière du diplôme franchie. En effet, tandis que les bacheliers professionnels aspirants connaissent plus de
déceptions à l’examen que leurs homologues technologiques (23,1 % contre 10,5 %. 4,3 % pour les bacheliers
généraux), une fois diplômés, ils franchissent plus facilement le cap de la poursuite d’études. Ce sont ainsi 78,6
% des diplômés issus d’un baccalauréat général qui continuent leur cursus, devant les bacheliers professionnels
(65 %) puis les bacheliers technologiques (57,8 %). La mention au baccalauréat accentue encore les inégalités
face à la poursuite d’études chez les diplômés, même si là encore, l’unique représentant des bacheliers
professionnels sans mention fait mentir la hiérarchie.
11A noter que parmi les aspirants diplômés contrariés qui ont répondu au questionnaire en P4, seuls 72,7 % se
déclarent comme tels, tandis que les 27,3 % restants affirment ne pas regretter de ne pas avoir poursuivi leursétudes. Cet écart tient probablement à la fois à des changements de projets entre la fin de la formation et larentrée suivante mais aussi à des reconstructions biographiques a posteriori. Au final, les analyses des réponsesdes aspirants contrariés s’appuient sur des effectifs réduits, mais qui permettent néanmoins de se faire uneidée des obstacles rencontrés à l’issue du diplôme.12
Les pourcentages présentés dans les paragraphes suivants concernent uniquement ceux désignés comme les« aspirants à la poursuite d’étude » ou plus rapidement les « aspirants », à savoir les étudiants qui ont formuléexclusivement le souhait de continuer leur cursus après le diplôme en P3.
42
Conclusion
En conclusion, si les BTS ont participé et continue d’ouvrir l’espace des possibles d’une fraction des bacheliers
en leur offrant un accès privilégié à l’enseignement supérieur, ils forment des étudiants qui demeurent malgré
tout à l’écart. Si les BTS suscitent puis portent les scolarités des moins dotés en ressources sociales et scolaires,
en prenant en charge un certain nombre de difficultés qui constituent par exemple les implicites de l’Université
– gestion du temps, organisation du travail personnel –, la poursuite vers les cycles longs du supérieur
constitue encore un chemin relativement peu balisé et encadré.
43
Les flux migratoires des diplômés : Une étude de cas de larégion Poitou-Charentes
Bastien BERNELA1,2
, Olivier BOUBA-OLGA1,2
, Pascal CHAUCHEFOIN1,2
, Matthieu LEE2
1CRIEF EA2249, Université de Poitiers ;
2Fédération Territoires, Université de Poitiers
2 rue Jean Carbonnier, Bât. A1, 86000 Poitiers
Courriels :
VERSION TRES PROVISOIRE
Résumé : Cet article a pour objectif de quantifier et de qualifier les flux migratoires des diplômés. A partir de
l’étude de cas de la région Poitou-Charentes, nous montrons que la mobilité des diplômés est relativement
faible et qu’elle peut être relativisée par des effets de retour et de proximité spatiale. Les leviers d’action
régionale en matière d’attractivité seraient donc limités.
Mots-clésMobilité géographique, flux interrégionaux, proximité spatiale, retour, Poitou-Charentes.
Introduction
Les enjeux de la mobilité géographique des diplômés
La mobilité étudiante est une problématique renforcée par la mise en concurrence des territoires dans un
contexte d’économie de la connaissance. Les jeunes diplômés, vus comme des ressources, constituent un
avantage comparatif pour les régions qui les accueillent. Cette anxiété autour de l’attractivité relève d’ailleurs
d’un spectre plus large : les politiques publiques cherchent de façon générale à attirer les ressources sur leur
territoire (créatifs, créations d’entreprises, investissements). L’idée selon laquelle les territoires peuvent
influencer l’allocation spatiale des ressources dans une logique compétitive est largement reprise par les
chercheurs, qui déterminent à une échelle macroéconomique les gagnants et les perdants des systèmes de
mobilité (Saxenian, 2002, Hoare et Corver, 2010).
Selon les théories standards du job-search, les migrations résultent d’un processus individuel et rationnel
d’arbitrage avantages-coûts. Pour simplifier, un demandeur d’emploi est prêt à migrer pour trouver un emploi
et un actif pour un gain salarial. Dans ce second cas, la littérature sur le capital humain (Sjaastad, 1962 ;
Bowles, 1970) considère que le rendement de la migration sera d’autant plus fort que le niveau de diplôme de
l’individu est élevé. Les déterminants de nature non-économique ont été introduits plus tard dans l’analyse des
mobilités, comme le coût psychologique de l’éloignement avec les proches (Schwartz, 1973, Grossetti, 1991,
Dahl et Sorenson, 2009).
L’objectif de cette recherche est d’interroger la trajectoire géographique d’individus diplômés et plus
précisément leur comportement de mobilité au moment des études et de l’insertion professionnelle, en nous
focalisant sur le cas de la région Poitou-Charentes. Ces deux moments constituent les premiers arbitrages
individuels en termes de localisation non soumis (partiellement) aux choix familiaux. Combien d’étudiants en
44
moyenne font leurs études supérieures (puis s’insèrent) dans leur région d’origine, dans une région limitrophe
ou dans une autre région ?
Nous proposons d’étudier d’éventuels comportements de mobilité de retour des étudiants dans leur région
d’origine une fois leurs études supérieures terminées. Ce phénomène a été peu étudié dans la littérature
existante, alors même que des travaux empiriques ont démontré son importance dans d’autres contextes
territoriaux (Niedomsyl et Amcoff, 2011 en Suède, Rérat, 2013 dans le canton suisse du Jura). L’ensemble de
ces éléments empiriques sur la géographie des flux permettent de discuter les politiques d’attractivité et les
leviers dont disposent réellement les territoires.
Les données mobilisées
Dans cette optique, nous avons agrégé les données des enquêtes génération 2001, 2004 et 2007 du Céreq
(Centre d’études et de recherches sur l’emploi et les qualifications). A chaque fois, un échantillon représentatif
des sortants est interrogé trois ans après la date de sortie du système éducatif (la génération 2007 a par
exemple été interrogée en 2010). A partir des pondérations calculées par le Céreq, nous pouvons reconstituer
la population totale des sortants. Au total, nous disposons donc d’informations pour plus de deux millions
d’individus, dont environ 60 000 de Poitou-Charentes.
Pour chacune des trois générations, les données incluent des variables d’ordre sociodémographique (genre,
âge, nationalité, niveau de diplôme, etc.) et des variables spatiales permettant de reconstruire la trajectoire
géographique des individus. Nous connaissons leur localisation en classe de 6ème (proxy de la région
d’origine), la localisation de l’établissement où ils ont obtenu leur dernier diplôme et leur localisation trois ans
après. Ces données nous permettent d’analyser la mobilité interrégionale des étudiants entre leur région
d’origine et la fin des études, puis entre la fin des études et leur situation à trois ans. Plusieurs recherches ont
utilisé les données Céreq pour étudier les trajectoires individuelles en début de carrière (Béduwé, 1994,
Magrini, 2007, Baron et Perret, 2008).
A partir de ces données, nous proposons d’observer les flux sortants et entrants de diplômés et de positionner
la région Poitou-Charentes dans le jeu national des mobilités. Il s’agit ensuite de regarder les mobilités à la
portée géographique limitée, c’est-à-dire dans les régions limitrophes, et les mobilités de retour dans la région
d’origine. Dans quelles régions sont localisées, trois ans après la fin de leurs études, les jeunes formés en
Poitou-Charentes ? Observe-t-on une mobilité plus importante que dans d’autres régions ? Quelles différences
observe-t-on selon le niveau de diplôme ? A contrario, dans l’ensemble des personnes travaillant en Poitou-
Charentes, quelle est la part de ceux ayant fini leurs études en région ? Dans d’autres régions ?
L’article est organisé de la façon suivante :
Premièrement nous analysons la position de la région Poitou-Charentes dans le système national de
mobilité étudiante : quel est le taux de mobilité entrante et sortante ? Nous montrons que le grand
nombre de départs d’étudiants formés en région est presque compensé par le grand nombre
d’arrivées sur le marché du travail régional de diplômés hors région. Le solde migratoire régional est
donc quasi nul. Une analyse structurelle résiduelle permet ensuite d’identifier le poids de la structure
régionale par niveau de diplôme (en appliquant le taux national de mobilité pour chaque niveau de
diplôme) et l’effet propre à la région.
Puis, une analyse de trajectoire en trois points (région d’origine, région de fin de formation et région à
trois ans après la fin de formation) vient mettre en évidence des comportements migratoires de
retour. L’étude de la destination des sortants et de l’origine des entrants met également en évidence
le poids des régions limitrophes. Une analyse à l’échelle départementale confirme l’existence d’effets
de proximité dans les comportements migratoires.
Enfin, nous proposons d’interroger l’impact de la trajectoire géographique sur l’insertion
professionnelle (accès à l’emploi et niveau de salaire).
45
Des flux qui se croisent
Une « fuite » non négligeable des étudiants de Poitou-Charentes…
Sur les 60 430 personnes sorties du système éducatif picto-charentais, 16 407 sont localisées, trois ans après la
fin de leurs études, dans une autre région, soit un « taux de fuite » de 27%, contre 20% pour l’ensemble des
régions de métropole et 21% des régions de province. Sur la base de cet indicateur, Poitou-Charentes est la
troisième académie, derrière les académies de Lyon et de Limoges (29%). A l’autre extrême, on trouve
l’académie de Strasbourg (12%) et l’Ile-de-France (13%). La Figure 1 représente la part des diplômés restant
travailler dans leur région et indique donc la « capacité de rétention » des régions.
Figure 1. Poids de l’insertion régionale des diplômés
Pour affiner l’analyse, nous avons d’une part calculé l’indicateur par niveau de diplôme et nous avons d’autre
part procédé à une analyse structurelle-résiduelle, afin de capturer une éventuelle différence de structure par
niveau de sortie du système éducatif : si, dans une région, les niveaux masters sont plus nombreux et qu’ils
sont, pour l’ensemble des régions, plus mobiles, le taux de fuite de la région considérée sera logiquement plus
fort. Le
46
Tableau 1 synthétise les résultats obtenus : i) le taux de « fuite » augmente avec le niveau de diplôme, pour
Poitou-Charentes comme pour toutes les régions françaises, et ce jusqu’au niveau Master, pour redescendre
ensuite pour les docteurs, ii) le taux est plus fort en Poitou-Charentes pour tous les niveaux de diplôme, l’écart
étant plus marqué pour les docteurs et moins marqué pour les titulaires de CAP/BEP.
47
Tableau 1. Taux de « fuite » par niveau de diplôme
Province (1) Poitou-Charentes (2) ratio (2)/(1)
Sans diplôme 8,9 11,9 1,34
CAP/BEP 11,4 12,3 1,08
Baccalauréat 16,6 21,3 1,28
DUT/BTS 25,3 32,2 1,27
Licence 33,1 41,9 1,27
Master 56,9 72,9 1,28
Doctorat 42,3 67,7 1,60
Total 21,3 27,2 1,27
L’analyse structurelle-résiduelle (Tableau 2) montre l’importance de l’effet national : compte-tenu du nombre
de formés en Poitou-Charentes et du taux moyen de mobilité observé France entière, on devait s’attendre à
voir partir près de 13 000 jeunes formés en région. La structure régionale par niveau de diplôme, en revanche,
ne joue quasiment pas, elle est très proche de la structure moyenne des régions de province, d’où la faiblesse
de l’effet structurel (+73 sortants). L’effet régional, enfin, est non négligeable, puisque ce sont près de 3 500
jeunes supplémentaires qui partent hors des frontières régionales.
Tableau 2. Analyse structurelle-résiduelle sur les sortants
Effet
National Structurel Régional Total
Sans diplôme 2312 -1348 328 1291
CAP/BEP 2516 -1175 110 1451
Baccalauréat 3136 -686 689 3139
DUT/BTS 2273 424 739 3436
Licence 1303 720 543 2566
Master 1206 2016 905 4127
Doctorat 125 123 149 397
Total 12872 73 3462 16407
…partiellement compensée par une assez forte « attractivité »
Pour analyser la mobilité étudiante, on ne peut cependant se contenter de regarder le nombre de jeunes qui
partent d’une région pour se localiser ailleurs : il convient également de dénombrer les jeunes qui, sortis du
système éducatif d’autres régions, sont localisés, trois ans plus tard, en Poitou-Charentes. Sur les 56 992 jeunes
localisés en Poitou-Charentes trois ans après la fin de leurs études, 12 971 ont fini leurs études dans une autre
région, soit une part de 23%, contre 20% France entière et 19% pour les régions de province. Poitou-Charentes
est la cinquième région française, derrière les académies de Corse (43%), de Grenoble (28%), de Midi-Pyrénées
(23%) et de Nice (23%). La
48
Figure 2 représente, pour chaque région, la part des actifs formés localement. Le
Tableau 3 montre que l’on observe des taux supérieurs aux taux moyens de province pour tous les niveaux sauf
pour les « sans diplôme », l’écart le plus fort s’observant pour les CAP/BEP et les Masters.
49
Figure 2. Poids des actifs diplômés de la région
Tableau 3. Taux d’attractivité par niveau de diplôme
Province (1)Poitou-
Charentes (2)ratio (2)/(1)
Sans diplôme 8,5 8,1 0,96
CAP/BEP 11,4 16,1 1,42
Baccalauréat 15,4 17,9 1,16
DUT/BTS 24,4 29,4 1,21
Licence 28,7 33,5 1,17
Master 50,5 63,3 1,25
Doctorat 42,2 46,9 1,11
Total 19,3 22,8 1,18
Comme dans le point précédent, nous avons mené une analyse structurelle-résiduelle, pour mesurer le poids
des effets nationaux, structurels et régionaux. L’effet structurel reste très faible, l’effet national explique une
bonne part du nombre d’entrée, mais l’effet régional augmente de plus de 2 200 personnes le nombre attendu
d’entrants.
50
Tableau 4. Analyse structurelle-résiduelle sur les entrants
Effet
National Structurel Régional Total
Sans diplôme 2012 -1131 -40 842
CAP/BEP 2390 -982 587 1994
Baccalauréat 2727 -550 340 2517
DUT/BTS 1983 518 515 3016
Licence 1033 498 256 1786
Master 809 1301 537 2647
Doctorat 69 82 16 167
Total 11022 -265 2211 12969
Au final, sur les 16 407 jeunes formés en Poitou-Charentes et localisés, trois ans après, dans une autre région,
le nombre imputable à des spécificités régionales est de 3 402, le reste résulte du comportement normal de
mobilité interrégionale observé France entière. De plus, on observe un phénomène inverse d’attractivité
supérieure à la moyenne, qui attire 2 211 jeunes en plus du nombre attendu.
Finalement, le solde migratoire après le jeu des mobilités entrantes et sortantes est négatif, mais il tombe à
1 251 individus, soit 2,1% seulement de l’ensemble des formés. On est bien loin des 27% de « fuite brute »
annoncés dans la section 2.1. Etant donné que nous raisonnons sur trois générations, et en supposant que ces
taux soient stables dans le temps, la « fuite nette » observée est d’environ 400 jeunes par an. Comme on peut
le voir sur la
Figure 3, la région Poitou-Charentes présente donc un solde quasi équilibré, proche de ses voisines de l’arc
Atlantique (Pays de Loire et Aquitaine). On peut s’arrêter également sur le cas particulier de la Région Rhône-
Alpes où des mobilités importantes se font entre les académies de Lyon et de Grenoble : de nombreux
étudiants de la seconde partent faire leurs études (notamment supérieures) dans la première puis reviennent
travailler. Le solde migratoire est donc fortement négatif pour l’académie de Lyon, au profit de l’académie de
Grenoble.
Figure 3. Solde régional des diplômés par région après entrées/sorties
51
Des flux migratoires à relativiser
Le poids des retours dans la région d’origine
Les analyses précédentes occultent le fait que les individus enquêtés s’inscrivent dans des trajectoires spatiales
antérieures qui peuvent expliquer leur mobilité (entrante ou sortante) : certains jeunes formés en Poitou-
Charentes peuvent notamment être localisés dans une autre région trois ans après la fin de leurs études parce
qu’il s’agit de leur région d’origine. La base de données du Céreq permet de capturer partiellement ce
phénomène, car, pour chaque individu, nous connaissons sa région de localisation en 6ème
. Nous pouvons alors
calculer, dans l’ensemble des mobilités observées, le poids des retours (Tableau 5).
Tableau 5. Poids des retours dans les mobilités
Province (1)Poitou-
Charentes (2)ratio (2)/(1)
Sans diplôme 43,7 32,0 0,73
CAP/BEP 39,7 53,5 1,35
Baccalauréat 34,6 26,9 0,78
DUT/BTS 24,4 34,7 1,42
Licence 30,3 26,8 0,88
Master 33,0 30,5 0,92
Doctorat 17,2 18,9 1,10
Total 34,3 32,0 0,93
En moyenne, pour l’ensemble des régions de province, 34% des jeunes qui changent de région retournent en
fait dans leur région d’origine. Pour Poitou-Charentes, parmi les 16 407 sortants, 5 245, soit 32%, retournent
dans leur région d’origine, ce qui la place en 16ème
position (la 1ère
région est le Limousin avec un taux de retour
des sortants de 49% et la dernière est la Bretagne avec un taux de 25%). Parmi les 12 971 entrants en Poitou-
Charentes, 5 138, soit 40%, reviennent en fait dans la région où ils étaient localisés en 6ème
, ce qui la place en
13ème
position (la Corse est en première position avec un taux de 75%, l’Ile-de-France est en dernière position
avec un taux de 20%). La Figure 4 représente le poids des retours dans les flux entrants et sortants.
Les cas de la Corse et de l’Ile-de-France sont particulièrement intéressants pour saisir l’importance de ces
trajectoires spatiales : la Corse est en apparence la région française la plus attractive puisque dans l’ensemble
des personnes localisées en Corse au moment des enquêtes, 43% avaient fini leurs études dans une autre
région trois ans plus tôt, mais en fait, 75% de ces personnes étaient en Corse en sixième. On peut y voir le
double jeu i) d’une offre de formation ne couvrant sans doute pas l’ensemble des besoins, d’où la nécessité de
poursuivre dans l’enseignement supérieur hors Corse, ii) un marché du travail favorable ensuite aux personnes
originaires de cette île et un désir de ces personnes d’y revenir. S’agissant de l’Ile-de-France, son attractivité est
dans la moyenne (22% des personnes présentes au moment des enquêtes ont été formées ailleurs), mais le
taux de retour est le plus faible de France (20%), si bien que son attractivité corrigée des retours est la plus
forte de France (17%). On peut y voir le jeu i) d’une offre de formation conséquente (peu de jeunes vont se
former hors région), ii) de la taille du bassin d’emploi, qui attire de nombreux jeunes non formés et non issus
de cette région.
Si l’on revient sur le cas de Poitou-Charentes, après avoir neutralisé ces stratégies de retour et avoir mené une
nouvelle analyse structurelle-résiduelle, nous pouvons identifier le nombre d’entrants et de sortants résultants
de spécificités régionales : pour les sortants, l’effet régional passe de 3 462 personnes (soit 5,7% des formés) à
2 846 (4,7% des formés) ; pour les entrants, il passe de 2 212 (3,9% des présents) à 1 399 (2,5% des présents).
Le solde, égal à -1 251 sur la base complète, passe à -1 447 sur la base hors retours, soit une « fuite nette hors
retours » d’environ 500 personnes par an.
52
Figure 4. Poids des retours dans les entrées et les sorties
Les effets de proximité géographique
Pour commencer, le Tableau 6 indique pour chaque niveau de diplôme la part des mobilités sortantes qui se
font vers une région limitrophe. Elle est de de 45,2% pour Poitou-Charentes contre 42,4% pour les académies
de province.
Tableau 6. Poids des académies limitrophes dans les destinations
Province (1)Poitou-
Charentes (2)ratio (2)/(1)
Sans diplôme 49,9 32,9 0,66
CAP/BEP 52,6 81,2 1,54
Baccalauréat 50,9 43,1 0,85
DUT/BTS 48,0 55,2 1,15
Licence 38,5 40,2 1.04
Master 28,3 34,4 1,21
Doctorat 24,0 28,2 1,71
Total 42,4 45,2 1,07
Pour repérer plus précisément les régions de destination et d’origine des individus de la base, nous avons
construit une typologie des régions en trois modalités : les régions limitrophes (Centre, Pays de la Loire,
Aquitaine, Limousin), la région capitale (Ile de France) et les autres régions. Nous avons calculé la part de ces
trois catégories, pour l’ensemble des entrants, pour l’ensemble des sortants et en distinguant les individus
inscrits dans des stratégies de retour des autres individus.
53
Tableau 7. Part des régions limitrophes dans l’ensemble des entrants et des sortants de Poitou-Charentes
Entrants
Retour Non-retour Total
Limitrophes 3871 75% 3649 47% 7520 58%
Capitale 271 5% 866 11% 1137 9%
Autres 995 19% 3316 42% 4312 33%
Total 5138 100% 7831 100% 12969 100%
Sortants
Retour Non-retour Total
Limitrophes 3470 66% 3948 35% 7418 45%
Capitale 631 12% 3336 30% 3967 24%
Autres 1144 22% 3878 35% 5022 31%
Total 5245 100% 11162 100% 16407 100%
Près de 60% des entrants proviennent de régions limitrophes, pourcentage qui monte à 75% pour les individus
inscrits dans des stratégies de retour. Ces chiffres sont plus faibles mais restent importants pour les sortants de
Poitou-Charentes (45% et 66%). L’horizon géographique est plus large pour les individus non-inscrits dans des
stratégies de retour, puisque le poids de la catégorie « autres régions » monte à 42% pour les entrants et à 35%
pour les sortants. La région Capitale pèse fortement dans les destinations des formés en Poitou-Charentes non
originaires de la région capitale, preuve de son attractivité économique. Elle pèse en revanche très peu (5%)
dans l’ensemble des personnes originaires de Poitou-Charentes et ayant fini leurs études dans la capitale.
Nous avons voulu voir, dans le cas de Poitou-Charentes, si les effets de proximité spatiale se vérifiaient à
l’échelle départementale. Le Tableau 8 indique pour chacun des quatre départements de la région le poids des
régions limitrophes dans les destinations des diplômés. Les effets de proximité sont clairement identifiables :
les diplômés de Charente s’orientent essentiellement vers l’Aquitaine et le Limousin, ceux de Charente-
Maritime vers les Pays de Loire et l’Aquitaine, ceux des Deux-Sèvres vers les Pays de Loire.
Tableau 8. Le poids des régions limitrophes dans les mobilités sortantes
des départements de Poitou-Charentes
Poids des académies
limitrophes dans les
mobilités
CentrePays de
LoireAquitaine Limousin
Charente 53% 6% 0% 53% 40%
Charente-Maritime 49% 11% 44% 39% 6%
Deux-Sèvres 39% 8% 76% 14% 2%
Vienne 44% 36% 35% 20% 9%
Poitou-Charentes 45% 22% 40% 28% 10%
Pour terminer, il apparaît que les mobilités vers des régions limitrophes correspondent souvent à des retours.
Les tableaux (Tableau 9 et Tableau 10) croisent les deux variables pour les académies de province et Poitou-
Charentes : un cinquième des mobilités (19,7% et 21,1%) environ sont des retours dans des régions
limitrophes. La
Figure 5. Poids des retours dans les origines et destinations des diplômés DE Poitou-Charentes met en évidence
ce phénomène : on voit clairement que les phénomènes de retour pèsent davantage avec les régions
limitrophes et expliquent une bonne moitié des mobilités de et vers celles-ci.
54
Tableau 9. Poids des mobilités de retour et vers des académies limitrophes chez les diplômés de province
Non-retour Retour Total
Académie non-limitrophe 43,0 14,6 57,6
Académie limitrophe 22,7 19,7 42,4
Total 65,7 34,3 100,0
Tableau 10 : poids des mobilités de retour et vers des académies limitrophes chez les diplômés
de Poitou-Charentes
Non-retour Retour Total
Académie non-limitrophe 44,0 10,8 54,8
Académie limitrophe 24,1 21,1 45,2
Total 68,0 32,0 100,0
Figure 5. Poids des retours dans les origines et destinations des diplômés de Poitou-Charentes
55
L’insertion des diplômés
Au-delà des comportements de mobilité des acteurs, nous proposons d’analyser l’insertion des diplômés, en
nous focalisant sur trois variables d’intérêt : le taux d’emploi (part des personnes en emploi), le taux de
chômage (part des chômeurs parmi les actifs) et le salaire net mensuel primes incluses. L’objectif est d’une part
de comparer la situation des sortants de Poitou-Charentes à celle des sortants des autres régions de province
et d’autre part d’analyser le lien entre comportement de mobilité et insertion.
Tableau 11. Insertion des diplômés, comparaison Province / Poitou-Charentes
Province
Part en emploi Part au chômage Taux de chômage Salaire net moyen
Sans diplôme 54% 31% 36% 1 119 €
CAP/BEP 77% 16% 17% 1 178 €
Baccalauréat 74% 12% 14% 1 236 €
DUT/BTS 88% 7% 8% 1 433 €
Licence 83% 8% 9% 1 470 €
Master 89% 8% 8% 2 077 €
Doctorat 86% 11% 11% 2 042 €
Poitou-Charentes
Part en emploi Part au chômage Taux de chômage Salaire net moyen
Sans diplôme 51% 32% 37% 1 117 €
CAP/BEP 75% 18% 19% 1 115 €
Baccalauréat 76% 12% 13% 1 202 €
DUT/BTS 93% 3% 3% 1 409 €
Licence 86% 5% 6% 1 451 €
Master 92% 6% 6% 2 062 €
Doctorat 85% 13% 13% 1 949 €
Poitou-Charentes/Province
Part en emploi Part au chômage Taux de chômage Salaire net moyen
Sans diplôme 96 103 105 100
CAP/BEP 97 111 112 95
Baccalauréat 102 97 96 97
DUT/BTS 106 45 44 98
Licence 103 65 65 99
Master 103 76 75 99
Doctorat 99 114 114 95
Globalement, les diplômés de l’enseignement supérieur, en province comme en Poitou-Charentes, ont des taux
d’emplois et des salaires supérieurs et des taux de chômage inférieurs. Parmi les diplômés de l’enseignement
supérieur, les différences de taux de chômage sont assez faibles, les rémunérations diffèrent sensiblement
entre bac+2 ou 3 d’un côté et bac+5 ou 8 de l’autre, au bénéfice de ces derniers. On note assez peu de
différences entre Poitou-Charentes et les autres régions. A noter cependant le bon « score » relatif de la région
en termes de chômage pour les bacs+2 à 5 et le mauvais score relatif pour les CAP/BEP et les docteurs.
Les pour les individus diplômés du supérieur, l’accès à l’emploi est meilleur chez les mobiles ‘non-retour’ et
chez les non-mobiles que chez les mobiles ‘retour’. La mobilité en soi n’a donc pas un effet uniforme sur l’accès
à l’emploi puisque le fait de retourner dans sa région d’origine est lié à un moindre score d’accès à l’emploi. On
56
peut faire l’hypothèse que le retour s’explique justement par la difficulté de trouver un emploi, et la recherche
de solidarités familiales éventuellement que les individus trouvent en revenant dans leur région d’origine. Les
effets sont différents au niveau du salaire, la mobilité ayant un impact positif, indépendamment du fait qu’il y
ait retour ou non. Les non-mobiles sont ceux qui ont les salaires moyens les plus faibles ; les mobiles ‘retour’
ont en moyenne un salaire moins élevé que les mobiles ‘non-retour’.
Figure 6. Différences de taux de chômage par niveau de diplôme, pour les non-mobiles (nm) et les mobiles
‘retour’ (mr) et les mobiles ‘non-retour’ (mnr) et
Figure 7 indiquent les différentiels de taux de chômage et de salaire par niveau de diplôme et en fonction des
trajectoires géographiques (non-mobiles, mobiles ‘non-retour’, mobiles ‘retour’). Ainsi, pour les individus
diplômés du supérieur, l’accès à l’emploi est meilleur chez les mobiles ‘non-retour’ et chez les non-mobiles que
chez les mobiles ‘retour’. La mobilité en soi n’a donc pas un effet uniforme sur l’accès à l’emploi puisque le fait
de retourner dans sa région d’origine est lié à un moindre score d’accès à l’emploi. On peut faire l’hypothèse
que le retour s’explique justement par la difficulté de trouver un emploi, et la recherche de solidarités
familiales éventuellement que les individus trouvent en revenant dans leur région d’origine. Les effets sont
différents au niveau du salaire, la mobilité ayant un impact positif, indépendamment du fait qu’il y ait retour ou
non. Les non-mobiles sont ceux qui ont les salaires moyens les plus faibles ; les mobiles ‘retour’ ont en
moyenne un salaire moins élevé que les mobiles ‘non-retour’.
Figure 6. Différences de taux de chômage par niveau de diplôme, pour les non-mobiles (nm) et les mobiles
‘retour’ (mr) et les mobiles ‘non-retour’ (mnr)
Figure 7. Différences de salaire par niveau de diplôme, pour les non-mobiles (nm) et les mobiles ‘retour’ (mr)
et les mobiles ‘non-retour’ (mnr)
0%5%
10%15%20%25%30%35%
nm
mr
mnr
0
500
1000
1500
2000
2500
nm
mr
mnr
57
Conclusion
La mobilité géographique des diplômés est un enjeu régional qui sous-tend les politiques d’attractivité. Cette
recherche a permis d’investiguer la réalité empirique du phénomène à partir des données d’enquêtes
génération du Céreq. L’étude de données représentatives de l’ensemble des sortants du système éducatif
français de trois générations (2001, 2004, 2007) montre que la mobilité des diplômés entre lieu de formation et
lieu d’emploi, à l’échelle des académies, est très faible : seulement 21,3% des individus formés en province
changent d’académie après l’obtention de leur diplôme. Ce score monte à 27,2% pour Poitou-Charentes,
indiquant une « fuite » plus forte que celle observée ailleurs en France. Cette « fuite » est à confronter à
l’arrivée de diplômés extérieurs, dont l’ampleur est plus forte en région qu’ailleurs : la région Poitou-Charentes
se caractérise par des flux particulièrement denses, tant en entrées qu’en sorties. La géographie de ces flux est
marquée par d’importants phénomènes de retour vers la région d’origine et par des effets de proximité
spatiale. Ces résultats tendent à démontrer le fort ancrage des individus dans l’espace : peu d’entre eux sont
mobiles, et une partie de la mobilité renforce cette idée d’ancrage puisqu’il s’agit de retours ou de
mouvements à portée géographique faible.
Bibliographie
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niveau régional, Géographie, économie, société, 10(2), 223-242.
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Hoare A., Corver M., 2010. The regional geography of new young graduate labour in the UK.” Regional Studies,
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59
Eléments de trajectoire de jeunes demandeurs d’emploidiplômés de l’enseignement supérieur
Dominique GELPE
Chargé de mission
Direction régionale Pôle emploi
Courriel : [email protected]
Introduction
Pôle emploi organise son offre de service aux demandeurs d’emploi, non par catégorie de publics, mais par
problématique d’insertion. Dans ce cadre, le public des jeunes demandeurs d’emploi diplômés de
l’enseignement supérieur ne présente pas en soi de problématique saillante, en comparaison des publics du
même âge caractérisés par une faible qualification. De fait, et par exemple, la politique de financement de
formations de Pôle emploi, en mettant l’accent sur les personnes les plus en difficulté d’insertion en général, et
d’insertion durable en particulier, s’adresse en majorité aux personnes peu ou non qualifiées.
Reste que des personnes détentrices d’un diplôme de niveau élevé échouent dans leurs démarches d’insertion.
Si ces personnes sont minoritaires dans la population des diplômés de l’enseignement supérieur, leur situation
n’en constitue pas moins une problématique réelle, problématique singulière pas toujours aisée à
accompagner par le conseiller.
Données statistiques relatives aux demandeurs d’emploi de moins de 30 ans
La situation au regard de l’emploi des demandeurs d’emploi (DE pour la suite) dont le niveau de formation
initiale est celui de la licence ou plus (niveaux 2 et 1) présente des résultats contrastés (tantôt plus favorables,
tantôt non) quand on la compare à celle des DE de même tranche d’âge se situant aux niveaux 4 et 3 ou aux
niveaux infra-5 et 5 (cf. tableau 1). De façon synthétique, on observe que les DE des niveaux supérieurs
recouvrant un emploi durable le font plus rapidement mais qu’ils sont aussi plus nombreux à intégrer des
emplois à temps partiels ou de courte durée (« activité réduite », cumulée sur le mois), du moins dans les
premiers temps de leur inscription comme demandeur d’emploi13
.
Délai d’accès à l’emploi. Les DE des niveaux 2-1 mettent en moyenne moins longtemps à recouvrer un
emploi après leur inscription à Pôle emploi (6.1 mois) que les DE des niveaux 4-3 (6.8 mois) ou ceux
des niveaux infra-5 et 5 (8.3 mois). Si on ne considère que le recouvrement d’un emploi durable (CDI
ou CDD d’une durée supérieurs à 6 mois), l’écart se creuse : 6.6 mois versus 8.2 (niveaux 4 et 3) et 9.2
mois (niveaux infra-5 et 5).
Activité réduite. Le taux de DE exerçant une activité de travail d’une durée inférieure à 110 heures
mensuelles est supérieur pour les personnes de niveaux 2-1 et 4-3 (40 et 42%, respectivement) en
comparaison des bas niveaux de qualification (32%).
Récurrence du chômage. Le nombre de DE ayant eu au moins une période de travail suivie d’une
réinscription au cours des 12 derniers mois (indice de récurrence) est identique quel que soit le niveau
13Les comparaisons présentées ici entre des personnes de moins de 30 ans de niveau de formation initiale
variable sont à prendre avec précaution car elles recouvrent des trajectoires professionnelles de duréedifférente, durée d’autant plus importante que l’on descend dans les niveaux de qualification.
60
considéré (6 à 7%). On observe cependant que les DE récurrents de niveau supérieur sont plus
nombreux à avoir une période de travail en continu excédant 6 mois en comparaison des deux autres
catégories (respectivement 63%, 58% et 52%).
Chômage de longue durée. L’indice général d’écoulement (qui traduit s’il est faible, un risque de
chômage de longue durée) est identique quel que soit le niveau de formation considéré (on compte en
2013 7 295 inscriptions de DE de niveaux 2-1 pour 6 646 sorties avec un volume d’inscrits en décembre
2012 de 3 787 personnes).
Formation continue certifiante bénéficiant d’une aide individuelle à la formation. Les DE de moins de
30 ans de niveaux 2 ou 1 ayant suivi une formation dispensant une certification ou un diplôme au
cours de l’année 2013 représentent 12 % de l’ensemble des DE de la même tranche d’âge suivant une
formation certifiante. Fait remarquable, les certifications préparées par les DE de niveaux 2-1 se
situent elles-mêmes à un niveau 2 ou 1 pour seulement 32% de cette sous-population et à un niveau 3
pour 16% d’entre eux (ceci pour les seules formations bénéficiant d’une aide financière individuelle :
hors programme de formation de la Région).
Tableau 1 - Trajectoires de chômage des personnes de moins de 30 ans (année 2013)
Niveau de formation initiale
Indices de trajectoire 2 et 1 4 et 3 ≤ 5
Délai moyen d’accès à l’emploi (en mois)
Délai d’accès à un emploi durable
6.1
6.6
6.8
8.2
8.3
9.2
Activité réduite (taux de DE*) 40% 42% 32%
Récurrence du chômage (taux de DE)
Part de DE avec emploi 6 mois
6%
63%
6%
58%
7%
52%
Taux d’écoulement (nbre annuel sorties / nbre entrées +stock inscriptions à N - 1 mois)
.59 .59 .59
* DE : demandeur d’emploi
Eléments monographiques de jeunes diplômés demandeurs d’une nouvelle formation
Nous présentons quatre cas de personnes diplômées qui se sont présentées au conseiller de Pôle emploi avec
une demande de financement d’une formation préparant une qualification d’un niveau inférieur à leur
diplôme. Leur objectif peut être celui d’un perfectionnement technique ou bien celui d’une ré-orientation vers
un métier jugé plus porteur.
Dans les cas de recherche d’un perfectionnement technique, les données qualitatives nous suggèrent que le
besoin de la personne (« besoin » qui dépend beaucoup de la perception des employeurs) se situe moins dans
une acquisition de compétences supplémentaires que dans un développement de la capacité à mettre en
valeur les connaissances générales acquises, à les projeter dans des contextes de travail comme pivot d’un
futur développement en situation de compétences techniques spécifiques.
Dans le cas d’une ré-orientation, il n’est pas rare que la démarche de la personne traduise une difficulté à
construire une identité professionnelle en lien avec sa formation initiale et donc, là encore, à se projeter dans
les emplois, les activités professionnelles ou les contextes de travail afférents.
61
ER, âgée de 31 ans, après l’obtention d’un master professionnel de sociologie Intervention et expertise
sociale, occupe pendant deux ans en contrat aidé un emploi en lycée d’aide à la scolarisation d’un enfant
handicapé. Estimant que son master ne lui permettra pas de trouver un emploi, elle décide, suite à une
prestation d’orientation, de se tourner vers le secteur des RH et demande le financement de la
formation préparant le titre professionnel niveau 3 d’assistante de gestion en ressources humaines. Le
conseiller lui propose plutôt de bénéficier d’une nouvelle prestation d’accompagnement, centrée cette
fois sur la recherche d’un emploi (le cas échéant, en contrat de professionnalisation préparant une
licence professionnelle, puisqu’elle insiste sur son souhait d’obtenir un nouveau diplôme).
KB, âgé de 32 ans, a un master professionnel de gestion des ressources humaines. Plusieurs fois mis en
relation par un conseiller avec des entreprises recrutant dans son domaine, il a toujours échoué au motif
que plusieurs années d’expérience dans l’activité RH lui sont nécessaires pour prétendre à un poste de
management. Se tournant vers des offres d’emploi d’assistant RH, il échoue également par manque de
compétences techniques (élaboration de la paie, par exemple). Il décide alors de préparer le titre
professionnel d’assistant en gestion des ressources humaines niveau 3 mais n’obtient pas de
financement car la formation fait l’objet de très nombreuses demandes et la priorité est en conséquence
donnée aux personnes ayant une qualification initiale inférieure au niveau 3. Il prend finalement la
décision de se réorienter vers le métier de chauffeur de taxi.
CM, âgée de 30 ans, possède un BTSA Gestion et maîtrise de l’eau et une licence européenne de
Management de l’eau et de l’environnement. Après sa licence, elle effectue un contrat de
professionnalisation comme conductrice de travaux dans le secteur des Travaux publics, puis elle occupe
en CDD un poste d’agent administratif suivi d’un poste de technicienne en assainissement non collectif
dans une entreprise de traitement des eaux. Après cette première expérience, elle multiplie les CDD
dans des emplois non qualifiés (agent de nettoyage industriel, hôtesse de caisse, télé-conseillère, agent
logistique). Elle demande alors et obtient le financement d’une formation de secrétaire assistante
médico-sociale niveau 4 à laquelle elle ne donne finalement pas suite car elle obtient un contrat aidé de
deux ans dans une association (à la fin de son contrat, elle renouvelle sa demande de financement).
AM, âgée de 24 ans, dispose, d’une part, d’un BTS de Comptabilité et gestion des organisations, d’autre
part, d’un diplôme européen d’études supérieures de Gestion du patrimoine, banque et assurances
niveau 2. Après avoir occupé des emplois de courte durée en deçà de sa qualification (distribution
d’imprimés publicitaires, accueil dans un journal régional, secrétariat en intérim…), elle souhaite
préparer le titre professionnel d’attachée commerciale niveau 3. Elle indique dans sa lettre de
motivation qu’il lui manque des techniques de vente pour intéresser les groupes bancaires. Il lui est
conseillé de chercher un perfectionnement dans ce domaine, plutôt que de viser un nouveau titre et
« prendre la place » d’un candidat n’ayant pas son niveau de diplôme.
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