UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN DEA DROIT DES AFFAIRES ANNEE UNIVERSITAIRE 2003/2004
LA FRAUDE DANS LE CREDIT DOCUMENTAIRE
Par:
Mlle Papamatthaiou Anna-Georgia
Sous la direction de :
M. Elhoueiss Jean-Luc, maître de conférences
En vue de l’obtention du DEA « Droit des affaires »
STRASBOURG 2004
REMERCIEMENTS Je voudrais avant tout remercier Monsieur Jean-Luc Elhoueiss pour toute l’attention qu’il a
porté à mon travail.
Je tiens également à remercier mes amis et collègues Georgios et Eleni pour leur soutient
permanent ainsi que mes parents pour leur patience pendant toute cette année.
Je remercie égalent ma meilleure amie Eirini pour ses conseils et ses recommandations.
2
PLAN SOMMAIRE INTRODUCTION PARTIE I. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE LIMITE AU FORMALISME DU CREDIT DOCUMENTAIRE TITRE I. La nature documentaire de la fraude
Chapitre I. Les différents types de la fraude Chapitre II. Le fondement unique de la fraude
TITRE II. L’appréciation de la fraude documentaire
Chapitre I. La manifestation de la fraude dans les documents
Chapitre II. L’incidence de l’élément intentionnel PARTIE II. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE EXCEPTION A L’AUTONOMIE DU CREDIT DOCUMENTAIRE TITRE I. L’empêchement à la réalisation du crédit documentaire Chapitre I. Le refus du paiement frauduleux Chapitre II. Le blocage du crédit documentaire par intervention judiciaire
TITRE II. Le contentieux découlant de la fraude
Chapitre I. Le remboursement des banques Chapitre II. Les recours du donneur d’ordre CONCLUSION
4
ABREVIATIONS Art. Article Banque Revue Banque (française) Banque et Droit Banque et Droit Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation CA Cour d’appel Cass. com. Cour de Cassation – Chambre commerciale CCI Chambre de Commerce Internationale C. civ. Code civil ch. chambre chron. chronique D Recueil Dalloz D Affaires Dalloz Affaires DMF Droit maritime français doctr. doctrine DPCI Droit et Pratique du Commerce International Droit et Patrimoine Droit et Patrimoine Gaz. Pal. Gazette du Palais IR Informations Rapides J.-Cl. Juris-Classeur JCP La semaine Juridique. Edition générale JCP-CI La semaine Juridique. Edition Commerce et Industrie JCP Ed E La semaine Juridique. Edition Entreprises JDI Journal du Droit International (Clunet) JIBL Journal of International Banking Law
5
jurispr. jurisprudence NCPC Nouveau Code de Procédure Civile obs. observation Op. cit. Opere citato ord. réf. ordonnance de référé Quot. Jur. Le Quotidien Juridique RDAI Revue de droit des affaires internationales RD bancaire et bourse Revue de droit bancaire et de la bourse RD bancaire et financier Revue de droit bancaire et financier RHJ Revue des Huissiers de Justice RJDA Revue de Jurisprudence de droit des affaires RRU Règles et usances uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires UCC Uniform Commercial Code RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial S Recueil Sirey som. com. sommaire commenté Trib. com. Tribunal de commerce V. Voir
6
INTRODUCTION Le crédit documentaire est l’un des instruments les plus importants du commerce
international. Cet instrument, véritable chef d’œuvre de technique bancaire, émergea peu à
peu au début du vingtième siècle, au cours de la première guerre mondiale1. A maintes
reprises, l’essor de cet instrument fut analysé. Ce qu’il est essentiel de remarquer c’est que les
changements du système commercial, vraisemblablement dûs à un développement rapide des
moyens de communication et de transport, se sont heurtés, au gré des hasards de l’Histoire, à
une période d’instabilité politique jusque là inédite à l’échelle mondiale. Le commerce
international fut affecté par des déséquilibres économiques importants et il est souvent advenu
qu’un commerçant n’ait pu avoir l’assurance de voir son co-contractant honorer ses
engagements. Ce scénario provoqua l’apparition d’un phénomène financier et économique lié
à l’accroissement prodigieux des échanges commerciaux internationaux. Il n’est pas
surprenant que la fiabilité et les multiples possibilités qu’offrait le crédit documentaire aient
répondu aux besoins propres du commerce mondial des services et des marchandises.
D’abord, le crédit documentaire fournit une réponse adaptée au conflit d’intérêt existant entre
l’acheteur et le vendeur dans la vente internationale. Dans une telle opération commerciale,
l’acheteur souhaite recevoir la marchandise qu’il a commandée tandis que le vendeur, de son
côté, souhaite en recevoir le prix. L’un et l’autre préféreraient une parfaite concomitance entre
le dessaisissement de la marchandise et la réception du prix. Mais cela est rarement possible.
D’ailleurs, lorsque acheteur et vendeur s’engagent dans une affaire commerciale
internationale, ils doivent s’entourer de nombreuses précautions, rendues d’autant plus
nécessaires du fait qu’ils encourent des risques liés aux rapports internationaux. La distance
séparant les contractants, la diversité des systèmes juridiques, les incertitudes politiques sont
des sources de méfiance traditionnelles en matière internationale. Il va sans dire que les
risques politiques et économiques s’avèrent plus que jamais présents dans le contexte
international. Ainsi les préoccupations qui se font jour sont aussi sérieuses que diversifiées et
aboutissent à la recherche d’une voie permettant de mener à bien l’opération.
1 Certains auteurs affirment que l’engagement documentaire est un dérivé de l’ancienne lettre de crédit rencontrée chez les Phéniciens, Babyloniens, Assyriens ou encore chez les Grecs. D’autres considèrent que l’on doit chercher sa provenance dans la lettre de crédit médiévale du 12ème siècle. Cependant, les uns et les autres s’accordent sur l’apparition de la version moderne du crédit documentaire au début du 20ème siècle.
7
Le crédit documentaire réalise, par l’intervention du système bancaire d’un ou plusieurs pays,
un compromis acceptable pour chacun et adaptable aux principales situations, grâce à ces
diverses modalités. La substitution de la solvabilité de l’acheteur par celle de la banque2 est
sans aucun doute souhaitable, car les rapports créés par l’émission du crédit sont ainsi
contrebalancés. L’intervention du banquier est marquée par le principe de la neutralité
absolue. Elle élimine, du moins théoriquement, les risques en assurant la solidité nécessaire à
l’institution. En effet, il est l’intermédiaire en qui l’acheteur et le vendeur « vont mettre leur
confiance afin de vaincre leur méfiance »3. L’attribution au banquier d’un pouvoir de contrôle
sur les documents habituellement représentatifs de la livraison de la marchandise est
déterminante. Par ailleurs, son rôle comme marchand de documents fait du crédit
documentaire une méthode fiable de règlement international, le paiement n’étant effectué au
vendeur qu’en échange de documents conformes à la lettre de crédit.
Le mécanisme bien élaboré du crédit documentaire risquerait fort, cependant d’être perturbé
par l’absence d’un règlement bien défini et véritablement efficace. Etant donné qu’aucune
législation de source nationale ou internationale, tant en France que dans la quasi-totalité des
pays étrangers, ne vient organiser et préciser les opérations de crédit documentaire4, ce vide
législatif et le caractère épars de la jurisprudence ne pouvaient fournir le cadre nécessaire pour
accompagner le développement des relations commerciales internationales après la première
guerre mondiale.
Conscients du caractère dirimant d’un tel handicap, les praticiens mobilisèrent leurs énergies.
Après plusieurs tentatives de codification privée à l’échelon national, la Chambre de
Commerce Internationale (CCI) s’est saisie du problème en 1926. Avec la tâche d’obtenir une
solution juste et équilibrée pour toutes les parties engagées dans l’opération, la CCI bâtit une
œuvre remarquable, depuis jamais démentie : les « Règles et Usances Uniformes aux Crédits
Documentaires – (RUU). Après une longue élaboration, due essentiellement aux milieux
bancaires, les RUU parurent pour la première fois en 1933. Elles devaient être révisées une
première fois en 1951 puis en 1962, version à laquelle se rallièrent les Britanniques, puis
2 Nous prenons le terme, ici, dans sons sens générique, car il y a du mot « banque » un sens plus technique, propre à chaque système juridique national. Cela semble être la position adoptée par les RUU ICC Publication, N° 500. 3 M. Vasseur, « Droit et économie bancaires. Les opérations de banques », 4ème éd., Les cours de droit, Paris, 1987-1988, p. 789 4 A l’exception notable toutefois des Etats-Unis (Uniform Commercial Code, article 5, lequel n’est pas applicable dans l’état de New York)
8
encore en 1974, en 19835 et dernièrement, pour leur sixième version, en 19936. En outre une
nouvelle version est en cours d’étude.
La fréquence de ces révisions assure une évolution des RUU conforme aux pratiques
internationales. D’ailleurs, une autre clé du succès des RUU tient à la qualité de la méthode
qui préside leur élaboration. De façon décentralisée dans chaque pays membre, la CCI associe
les meilleurs spécialistes, sous la bienveillance de nombreux gouvernements. La Commission
des Nations Unies pour le Doit Commercial International (CNUDCI) a adopté unanimement,
le 17 avril 1975, une décision en en recommandant l’utilisation. L’application des RUU se fait
par un système d’adhésion volontaire, soit par le système bancaire d’un pays donné, c’est le
cas notamment en France, soit par adhésion individuelle de banques. Ces règles ont, en effet,
une vocation universelle, au sens où l’article 1 des RUU précise qu’elles s’appliquent « à
tous les crédits documentaires », et un caractère supplétif dans la mesure où elles s’appliquent
« sauf dispositions contraires stipulées expressément dans le crédit ».
Puis, l’élargissement du domaine du crédit documentaire, dont la diversité ne cesse
d’augmenter en réponse à la myriade de transactions commerciales qui se concluent de nos
jours, ne fait que renforcer la constatation de la flexibilité pratique de cet instrument. Celui-ci
couvre un domaine tant national qu’international et, en particulier, des opérations hors du
cadre de la vente commerciale. Les RUU reconnaissent expressément cette évolution en se
référant dans leur article 4, à des « services et /ou autres prestations ». Cette même évolution
a engendré l’avènement d’une nouvelle version de ce type d’instrument : la lettre de crédit
stand-by7. Cet instrument, dont il est fait mention dans la dernière version des RUU8, est
vraisemblablement d’origine américaine. Sa naissance remonte aux temps troublés de la
seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, la pratique bancaire, notamment américaine et
asiatique, excelle dans son utilisation.
5La version des RUU de 1983 a intégré le crédit réalisable par paiement différé, le crédit « stand-by » et a largement mis à jour les articles relatifs aux documents de transport et aux modes d’établissement et de reproduction des documents afin de tenir compte des nouvelles techniques. 6 Brochure n° 500, entrée en application le 1er janvier 1994 7Le crédit stand-by constate comme le crédit documentaire (dénommé aux Etats-Unis lettre de crédit commerciale) l’engagement du banquier de mettre des fonds à la disposition du vendeur mais ce dernier reçoit la somme relative non pour couvrir le prix de la vente, mais à titre de dédommagement en cas d’inexécution par l’acheteur d’une obligation contractuelle. 8 V. art. 1 et 2 RUU
9
Toutefois, l’objectif principal des RUU est de régler l’opération du crédit documentaire.
Celui-ci peut être défini comme « l’opération par laquelle une banque, appelée banque
émettrice ou banque apéritrice accepte à la demande d’un acheteur, appelé donneur d’ordre
ou ordonnateur, de mettre des fonds à la disposition du vendeur, appelé bénéficiaire, contre
remise de documents constatant la bonne exécution d’une vente »9.
On constate donc qu’un crédit documentaire met en présence au moins trois parties : un
vendeur exportateur voulant avoir une garantie de paiement qui demandera à être réglé par
crédit documentaire, un acheteur importateur qui s’adressera à sa banque pour satisfaire cette
demande, et la banque de ce dernier qui ouvrira, si elle en a convenance, le crédit. Cependant,
le plus souvent, ledit crédit impliquera l’intervention d’une banque intermédiaire.
L’intervention de cette banque intermédiaire s’explique par le fait que la banque émettrice est
généralement une banque du pays de l’acheteur et que, pour des raisons de confiance et de
facilités matérielles, le vendeur préfère avoir affaire à une banque de son pays. Cette banque
intermédiaire peut avoir d’ailleurs un rôle plus ou moins étendu. A cet égard, on distingue
principalement la banque notificatrice, la banque désignée et la banque confirmatrice. La
banque notificatrice se borne à transmettre l’accréditif au vendeur sans prendre aucun
engagement à son profit10. La banque désignée, sauf si elle est la banque confirmatrice, ne
contracte pas non plus d’engagement envers le bénéficiaire du crédit11. Toutefois, à la
différence de la banque notificatrice qui se borne à notifier le crédit, la banque désignée est
investie du mandat de réaliser le crédit pour le compte de la banque émettrice. A ces qualités
peut s’ajouter celle de la banque confirmatrice ou confirmante qui contracte envers le
bénéficiaire un engagement ferme, comparable à celui de la banque émettrice, et qui vient
s’ajouter à ce dernier12.
9 T. Bonneau, « Droit bancaire », 4ème éd., Montchrestien, 2001, p. 421 10 Art. 7, a) RUU : « Un crédit peut être notifié au bénéficiaire par l’intermédiaire d’une autre banque (Banque notificatrice) sans engagement de la part de la Banque notificatrice (…) ». 11 Art. 10, c) RUU : « Sauf si la Banque désignée est la Banque confirmante, la désignation par la Banque émettrice n’entraîne pour Banque désignée aucun engagement de payer ». 12 Art. 9, b) : « La confirmation d’un crédit irrévocable par une autre banque (la Banque confirmante), agissant sur autorisation ou à la demande de la Banque émettrice constitue un engagement ferme de la Banque confirmante s’ajoutant à celui de la Banque émettrice ».
10
Indépendamment de la participation de banques intermédiaires, le déroulement des opérations
prévues dans le cadre du crédit documentaire reste fondamentalement le même. Lors de la
conclusion du contrat de vente, l’acheteur et le vendeur conviennent que le paiement du prix
s’effectuera à l’aide d’un crédit documentaire. En exécution de cette convention, l’acheteur
demande à sa banque d’ouvrir un tel crédit au bénéfice du vendeur. Si la banque accepte de
consentir ce crédit, elle l’émet et le notifie au vendeur en faisant parvenir à ce dernier une
lettre de crédit encore appelé accréditif13. Ces opérations constituent l’ouverture du crédit
documentaire. En exécution du marché, le vendeur établira et fera établir les divers documents
prévus par la lettre de crédit et les remettra à la banque. Après vérification de leur régularité,
la banque réalisera le crédit documentaire. Ainsi, le crédit est réalisé.
De ce déroulement on peut constater que l’élément essentiel dans un crédit documentaire est
la présence des documents. Ces documents ont une grande importance dans le fonctionnement
dudit crédit puisque c’est leur remise qui permettra la réalisation du crédit qui opère dans le
même temps le règlement de la vente. Parce qu’ils informent le banquier de la bonne
exécution de la vente, ils constituent le lien entre le contrat de base, c’est-à-dire le contrat de
vente, et le crédit documentaire14. Leur importance est d’ailleurs démontrée par le nombre de
dispositions qui y sont consacrées dans les RUU15.
Le choix des documents mentionnés dans la lettre de crédit, documents que le bénéficiaire
sera obligé de présenter pour obtenir le paiement, appartient au donneur d’ordre. Il les
choisira avec d’autant plus d’attention que le paiement s’effectuera sur leur simple apparence
de conformité, indépendamment du respect du contrat commercial. Le plus souvent, les
documents seront présentés en une seule fois. On distingue quatre types de documents, les
documents de prix, les documents de transport, les documents d’assurance et les documents
annexes. Les documents de prix sont la facture commerciale16, la facture consulaire17 et la
facture douanière18. Les documents de transport ont vocation à remplir un double rôle : tout
13La différence entre la lettre de crédit et l’accréditif est que la première est notifiée par la banque émettrice tandis que le dernier par une autre banque. 14 V. E. A. CAPRIOLI, « Le crédit documentaire : évolution et perspectives », Litec, 1992, p 4, n° 6 15 Il est caractéristique que les RUU consacrent un chapitre entier, intitulé « Documents », pour régler le contenu exact des documents. Cf Annexe de mémoire 16 La facture commerciale est une pièce essentielle établie par le vendeur lui-même et qui doit indiquer obligatoirement les noms et adresse du vendeur et du donneur d’ordre, la nature, la quantité, le prix unitaire et total des marchandises ainsi que la date à laquelle elle a été établie (art. 37 RUU). 17 La facture consulaire est un document portant le visa du Consulat du pays destinataire et qui constate l’origine et la valeur de la marchandise permettant ainsi l’application du tarif douanier approprié. 18 La facture douanière remplit le même rôle que la facture consulaire.
11
d’abord, celui de la preuve de la conclusion du contrat de transport, qui présuppose que le
vendeur se soit dessaisi de la marchandise et ensuite, dans une mesure variable, celui de
représenter la marchandise qui pourra ainsi servir de gage au banquier émetteur jusqu’au
remboursement par le donneur d’ordre. Ces documents sont le connaissement maritime19, la
lettre de transport maritime non négociable (seaway bill)20, le connaissement de transport
multimodal21, la lettre de transport aérien22, la lettre de voiture internationale CMR et CIM et
les récépissés postaux ou de sociétés de courrier express23. Avec les documents de transport,
les documents d’assurance24 jouent aussi un rôle essentiel dans la protection de l’acheteur et
de la banque émettrice, tandis que les documents annexes25 sont nombreux et variés.
La présentation de tels documents ouvre au bénéficiaire la voie au paiement. En effet, le droit
de celui-ci est subordonné à la présentation, dans des délais impartis, de documents réguliers
apparemment conformes à ceux énumérés dans l’ouverture de crédit documentaire. Le
banquier, quel que soit le rôle au titre duquel il interviendra dans le crédit, procédera à leur
vérification.
La mission de vérification dont est chargée le banquier se caractérise par l’application d’un
principe essentiel : le formalisme. Ce principe fondamental du crédit documentaire se traduit
notamment par le fait que le banquier doit exiger des documents présentant l’apparence de
conformité avec ceux énumérés dans l’accréditif ; mais il ne peut exiger rien de plus. En effet
l’article 13 a des RUU dispose que « les banques doivent examiner avec un soin raisonnable
tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de
conformité avec les termes et conditions du crédit ». Le banquier doit ignorer les conditions
non-documentaires ou les documents remis mais non requis par l’accréditif26. C’est en effet
l’accréditif qui, seul, fonde les droits du bénéficiaire. Ce principe entraîne les conséquences
pratiques suivantes. D’abord, la banque n’a pas à vérifier la conformité des documents avec la
marchandise. En effet, conformément à l’article 4 des RUU « dans les opérations de crédit
toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à l’exclusion des marchandises,
19 Le connaissement maritime constitue à la fois la preuve de la réception des marchandises par le transporteur et le document indispensable pour les retirer (art. 23 RUU) 20 Art. 24 RUU 21 Art. 26 RUU 22 Art. 27 RUU 23 Art. 29 RUU 24 Art. 34-36 RUU 25 Art. 38 RUU 26 Art. 13 a) : « Les banques n’examineront pas les documents non requis dans le crédit ».
12
services et /ou autres prestations auxquels les documents peuvent se rapporter ». En outre,
selon l’article 14 b, la banque « doit déterminer sur la seule base des documents si ceux-ci
présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit ».
Ensuite, à l’égard du bénéficiaire, le banquier ne peut invoquer le défaut de conformité des
documents avec ceux énumérés dans la convention unissant la banque et le donneur d’ordre :
seuls doivent être pris en considération les documents décrits dans l’accréditif. En revanche,
la conformité des documents présentés avec ceux énumérés dans l’accréditif doit être
rigoureusement contrôlée et les documents doivent être compatibles entre eux27.
Mais la conséquence la plus importante du formalisme est l’exonération de la responsabilité
bancaire quant à l’authenticité des documents. En fait, d’après l’article 15 des RUU, « les
banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à la forme, la suffisance,
l’exactitude, l’authenticité, la falsification ou l’effet juridique du/des document(s), ni quant
aux conditions générales et/ou particulières stipulées dans le/les document(s) ou y
surajoutées. Elles n’assument également aucun engagement ni responsabilité quant à la
désignation, la quantité, l’état, l’emballage, la livraison, la valeur ou l’existence des
marchandises représentées par un document quelconque ou encore quant à la bonne foi ou
aux actes et/ou omissions, à la solvabilité, à la prestation ou à la réputation des expéditeurs,
transporteurs, transitaires, destinataires ou assureurs des marchandises, ou de toute autre
personne que ce soit ».
Au regard de ces dispositions, la vérification effectuée par la banque ne peut donc porter que
sur les éléments formels et extérieurs des documents et non sur leur véracité et leur
authenticité. Les obligations de la banque ont été très bien délimitées par la jurisprudence
italienne comme suit : « La banque n’est pas tenue de contrôler le document pour s’assurer
de son authenticité et de sa régularité intrinsèque. Elle doit seulement constater si on a
respecté les exigences formelles prescrites, indispensables pour la validité extrinsèque du
document »28.
27 Art. 13, a) : « Les documents qui en apparence sont incompatibles entre eux seront considérés comme ne présentant pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit ». 28 V. E. A CAPRIOLI., « Le crédit documentaire : évolution et perspectives », op. cit ., p. 255, n° 363
13
A présent, il convient de rappeler un autre principe qui régit le crédit documentaire : son
autonomie. Selon ce principe, le contrat commercial demeure indépendant du crédit
documentaire. Ceci est d’ailleurs prévu dans les RUU de 1993. En effet, l’article 3 a des
RUU dispose que « les crédits sont, par leur nature, des transactions distinctes des ventes ou
autre(s) contrat(s) qui peuvent en former la base ». Il continue en énonçant que « les banques
ne sont en aucune façon concernées ou liées par ce(s) contrat(s), même si les crédits incluent
une quelconque référence à ce(s) contrat(s) ». L’abstraction de l’engagement du banquier
écarte toute discussion sur sa cause. Elle confère au bénéficiaire la sécurité qu’il recherche,
privilégiant la protection de celui-ci, au détriment de celle du donneur d’ordre dont le
contrepoids est constitué par les documents présentés par le bénéficiaire qui constituent
l’indication formelle de l’exécution convenable du contrat commercial.
Le souci d’une sécurité absolue a trouvé son meilleur atout dans le crédit documentaire
irrévocable, construction rigide et abstrait. Dans l’hypothèse de ce crédit, le banquier de
l’acheteur s’engage personnellement et directement auprès du bénéficiaire. Il va sans dire que,
une fois ouvert, il échappe à l’empire de l’acheteur. Dès que le vendeur présente des
documents réguliers et conformes à ceux prévus dans la lettre de crédit, le banquier doit
payer celui-ci. En fait, l’article 9 a des RUU consacre l’essor de cette technique en stipulant
clairement qu’un crédit irrévocable « constitue pour la Banque émettrice, pour autant que les
documents stipulés soient remis … et que les conditions du crédit soient respectées, un
engagement ferme … de payer». Au surplus, les éventuelles modifications et amendements de
cet engagement n’auront aucun effet seulement avec le consentement de toutes les parties
engagées29. On est donc en présence d’un engagement autonome du banquier. L’engagement
étant abstrait, c’est-à-dire dégagé de sa cause, le droit du bénéficiaire est indépendant du
rapport juridique existant entre le banquier et le donneur d’ordre. Corrélativement, les
exceptions tirées de la vente ne peuvent être opposées au vendeur, sauf défaut de conformité
des documents.
29 Art. 9 d) RUU : « un crédit irrévocable ne peut être ni amendé ni annulé sans l’accord de la Banque émettrice, de la Banque confirmante s’il y en a une, et du bénéficiaire ».
14
La rigueur de l’engagement irrévocable s’oppose diamétralement à la souplesse de
l’engagement révocable. Celui-ci constitue un simple mandat donné par l’acheteur à son
banquier de payer le vendeur. Le crédit révocable peut être amendé ou annulé à tout moment
sans que le vendeur en soit préalablement averti30. Cette faculté de révocation n’est certes pas
absolue. Elle fait ainsi l’objet d’une restriction. La révocation serait sans effet si le banquier
avait déjà exécuté le mandat reçu. Il est évident que la sécurité ainsi apportée par le crédit
documentaire révocable est insignifiante. Le crédit documentaire irrévocable étant à la fois le
plus caractéristique et le plus utilisé, il sera dans notre présentation seul traité.
Toutefois, la sécurité que les principes du formalisme et de l’autonomie offrent à l’institution
du crédit documentaire risque d’être ruinée par l’existence d’une fraude. En effet, la fraude
qui est une notion souvent confrontée dans le domaine du droit, consiste à contourner une
règle obligatoire à dessein d’un moyen efficace, qui rend ce résultat inattaquable en droit, et
sans encourir une sanction31. L’invocation du principe général de la fraude, connue sous le
concept général de « fraus omnia corrumpit » et dégagée par la Cour de cassation au début du
19ème siècle, permet de faire échec à toutes les règles de droit. Il constitue une correction aux
solutions légales qui, sans son intervention pourrait aboutir à des solutions injustes ou
inadaptées.
De plus, la fraude a été, de tout temps une réalité malheureuse du commerce international.
L’ampleur qu’elle connaît de nos jours se relève, cependant, sans commune mesure. Ses effets
néfastes sur le crédit documentaire sont alarmants. L’insécurité grandissante qui s’ensuit sème
la méfiance dans cette belle mécanique dont la fiabilité fait tout réputation. La diversité de ses
formes n’a apparemment pour limite que l’imagination de ses auteurs. Les faux documents de
toute nature, ainsi que les fausses lettres de crédit, n’en sont que les exemples les plus connus.
D’une part, la prédominance de la fraude documentaire est due à l’augmentation du nombre
des opérations commerciales effectuées dans le monde. D’autre part, le développement
remarquable de technologie qui rend plus facile l’œuvre du fraudeur est une autre cause de ce
phénomène. En plus un autre facteur est la croissance du nombre de banques émettant des
crédits documentaires.
30 Art. 8 a) RUU : « Un crédit révocable peut être amendé ou annulé par la Banque émettrice à tout moment et sans que le bénéficiaire en soit averti au préalable ». 31 V. J. HESBERT, note sous Cass. com., 29 avril 1997, Les petites affiches, 14 janv. 1998, N° 6, p. 23, n° 9
15
La lutte contre la fraude dans le crédit documentaire résulte des efforts conjugués des
différentes sources du droit du crédit documentaire. La CCI, qui constate des usages et trace
les limites des droits et obligations attenants aux crédits documentaires (avec la CNUDCI), la
jurisprudence qui sanctionne et dit le droit, la doctrine qui éclaire les zones d’ombre. En effet,
dans la préface à la révision 1983 des RUU, on lit sous la plume de M. WHEBLE, président
de la Commission de Technique et Pratiques bancaires de la CCI que cette nouvelle édition
« a tenu compte du grand problème actuel de la fraude »32. Effectivement, la CCI n’était pas
restée inactive face au problème de la fraude. Au début des années 80, elle a mis en place à
Londres trois services destinés à combattre les délits commerciaux: le Bureau Maritime
International s'occupant de tous les types de délit maritime, le Bureau d'Enquêtes sur la
Contrefaçon, et le Bureau d'Enquêtes Financières. Les Services pour la Prévention des délits
chapeautent et coordonnent les actions de ces trois bureaux. Une nouvelle unité, chargée de
combattre la cybercriminalité a vu le jour en 1998.
Cependant, à l’exception de l’article 5, section 5-109 de l’Uniform Commercial Code des
Etats-Unis, il n’existe pas un régime spécifique pour les fraudes commises en matière de
crédit documentaire. Les RUU ne prévoient pas de disposition relative à la fraude. Toutefois,
elles n’ignorent pas ce problème puisqu’elles y font allusion dans leurs articles 7 et 1533.
Selon le Doyen STOUFFLET34, cette absence de régulation concernant la fraude n’est pas
difficile à expliquer. La fraude est traditionnellement un sujet impliquant l’ordre public et à
cet égard doit être réglée par une autorité professionnelle.
Normalement, la fraude ne devrait pas avoir sa place dans les crédits documentaires. Le
principe du formalisme assure, par sa rigueur, la protection des intérêts de toutes les parties en
imposant le rejet des documents irréguliers. Personne ne pourrait contester à cet égard
l’irrégularité des documents entachés de fraude. Cependant, tout formalisme a un aspect
quelque peu aveugle et mécanique qui permet une utilisation parfois frauduleuse. Mais
comme toutes les règles du droit commun, ainsi le formalisme connaît une limite naturelle,
celle qui surgit lorsqu’il est détourné de sa fin. Par conséquent, la fraude qui permet de 32 V. Claude Martin, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, p. 371 33 Art. 7 a) : La banque notificatrice doit « apporter un soin raisonnable à vérifier l’authenticité apparente du crédit qu’elle notifie ». 34 V. J. STOUFFLET, “Fraud in the documentary credit, letter of credit and demand guaranty”, Dickinson Law Review, Summer 2001, p. 23
16
profiter de cet aspect aveugle du formalisme afin d’obtenir l’indu constitue une limite à ce
principe (PARTIE I). Egalement, la fraude est une exception à l’autonomie du crédit puisque
son existence autorise le banquier, en dépit de son engagement irrévocable, de refuser le
paiement frauduleux (PARTIE II).
PARTIE I. La fraude documentaire : une limite au formalisme du crédit documentaire Le problème de la fraude ne se pose réellement que lorsque les banques ont examiné « les
documents avec un soin raisonnable » et ont constaté « qu’ils présentent l’apparence de
conformité avec les conditions de crédit » 35. En effet, si cette conformité n’existe pas,
plusieurs solutions sont envisageables. La banque peut d’abord réaliser le crédit avec des
réserves36. Cette hypothèse aboutit à réserver les recours en cas d’impayé de la part de la
banque émettrice à raison des irrégularités ayant motivé les réserves. Une autre option pour la
banque est d’envoyer des documents à l’encaissement, pratique consistant pour la banque
chargée de la réalisation à traiter les documents, avec l’autorisation du bénéficiaire, comme
une simple remise documentaire. Mais la solution la plus convenable pour banque est de
rejeter les documents37.
Mais la conformité apparente constatée et la fraude alléguée, voire prouvée, l’article 3 des
RUU indiquant que « toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à
l’exclusion des marchandises » primera-t-il ? Un crédit documentaire implique
nécessairement que les documents soient conformes mais également et nécessairement
authentiques et sincères.
35 Art. 13 a RUU 36 Art. 14 f RUU 37 Art. 14 b RUU : « Si les documents ne présentent pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, les banques ci-dessus peuvent refuser de lever les documents ».
17
En effet, la limite que la fraude pose au formalisme du crédit documentaire permet de faire
exceptions à ces règles. Il autorise la confrontation de la marchandise avec les documents et
en même temps limite le système d’exonération de la responsabilité bancaire en cas de fraude
connue par la banque. Afin de mieux comprendre cet effet de la fraude, on examinera tout
d’abord sa nature documentaire (TITRE I) afin d’analyser ensuite comment la fraude
documentaire s’apprécie (TITRE II).
TITRE I. La nature documentaire de la fraude Aux termes de l’article 441-1 du Code pénal « constitue un faux toute altération frauduleuse
de la vérité, de nature à causer un préjudice et accompli par quelque moyen que ce soit, dans
un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir
pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ». De
cette définition on peut déduire l’élément matériel de l’infraction de faux qui est l’altération
de la vérité. Dans le cas de la fraude dans le crédit documentaire, la nature documentaire de
ladite fraude implique une altération de la vérité véhiculée par les documents remis au
banquier. Celle-ci constitue l’élément essentiel du faux et porte sur des faits que les
documents ont pour but de constater. Son objectif est de faire naître chez le banquier une
conviction contraire à la vérité. En effet les procédés d’altération de la vérité sont trop variés
pour être énumérés. Cependant, nonobstant l’existence de différents types de fraude
(Chapitre I), cette altération reste fondamentalement unitaire (Chapitre II).
Chapitre I. Les différents types de la fraude documentaire
Il existe deux techniques de fraude qui servent les desseins malhonnêtes de certains
commerçants. La première technique menaçant les intérêts des exportateurs consiste en
l’émission d’un faux crédit documentaire ou d’une fausse lettre de crédit38. Dans cette
hypothèse qu’on pourrait qualifier de « grossière » mais néanmoins dangereuse, le fraudeur
38 Cette technique, déjà ancienne, a été déjà dénoncée depuis longtemps. Elle s’est développée dans certains pays, tels que Nigeria, où des officines spécialisées fabriquaient à longueur d’années des pseudo-crédits documentaires. Maintenant les commerçants connaissent ces pays sensibles où des faux crédits documentaires sont fabriqués et ils évitent d’y avoir des affaires.
18
fait imprimer des fausses lettres de crédit, soit au nom de banques qui n’existent pas39, soit en
contrefaisant des formulaires de banques qui existent bel et bien. C’est l’exportateur qui sera
la victime de cette technique frauduleuse. Hormis ces cas extrêmes, il y a une autre technique
de fraude dont la victime est l’importateur. Cette fois, le crédit documentaire sera vrai, mais la
fraude portera sur un ou plusieurs documents présentés par l’exportateur pour obtenir le
paiement, qui sont faux ou qui contiennent des énonciations mensongères. A l’instar du droit
pénal, il est traditionnel de distinguer deux types de fraude dans les documents, la fraude
matérielle (Section 1) et la fraude intellectuelle (Section 2). D’ailleurs, certaines fraudes
peuvent cumuler les deux qualificatifs.
Section 1. La fraude matérielle
Selon la manière dont l’altération de vérité a été produite par son auteur, la doctrine du droit
pénal distingue traditionnellement le faux matériel du faux intellectuel. S’agissant du faux
matérielle, celui-ci est d’abord constitué par le procédé le plus élémentaire de falsification qui
consiste à modifier physiquement l’écrit ou le support. Il s’agit notamment de l’altération des
actes, des écritures ou des signatures, de l’emploi des fausses signatures, de la fabrication de
conventions. Le procédé utilisé est constitutif du délit et le faux est punissable, même si le
contenu de l’écrit est exact, sans qu’il soit nécessaire d’établir la fausseté des faits ou des
chiffres mentionnés.
En matière de fraude documentaire, on qualifie celle-ci de matérielle lorsque les documents
que le bénéficiaire doit remettre afin d’obtenir son paiement sont des faux matériels. En fait,
la fraude matérielle est constituée lorsque l’un des documents prévus au crédit est faux ou
apocryphe, au sens où il est contrefaçon ou qu’il a été émis par quelqu’un qui n’en avait pas le
pouvoir, dans l’intention de nuire. Le document faux, matériellement, trompe d’abord sur son
identité et, en général, sur l’identité de son auteur qui est, dans sa constitution, un élément
essentiel. Il se traduit principalement par la contrefaçon d’un document existant ou la création
d’un document nouveau. Il aboutit à la falsification d’un document qui n’est pas un document
39 A titre d’exemple, v. Cass. com., 24 mars 1980, SOCIETE ANONYME FOURNIER-DEMARS, JCP, éd. CI, 1980, 8790, p. 173, obs. B. CASTAGNEDE. En l’espèce, la lettre de crédit émanait d’une banque étrangère qui s’est révélée ensuite fictive.
19
« authentique », c’est-à-dire provenant réellement de son auteur apparent. On constate, donc,
que le faux matériel se caractérise par son défaut d’authenticité.
En effet, on peut songer à titre d’exemple de la fraude matérielle aux faux certificats d’origine
ou à la contrefaçon des certificats d’inspection. On rencontre aussi de fausses polices ou de
faux certificats d’assurance. Mais c’est en matière de documents de transport que ladite fraude
trouve son terrain d’élection. Les contrefaçons de lettres de voiture ferroviaires40, de lettres de
voiture routières41 ou de lettres de transport aérien ou notamment les connaissements qui
n’émaneraient pas de transporteurs ou de transitaires sont les cas de fraude matérielle les plus
envisageables.
Avec les connaissements, on pénètre dans le vaste et complexe domaine de la fraude
maritime. Pendant les années 80, déjà, la fraude maritime constituait une véritable industrie,
représentant une perte annuelle mondiale de plusieurs de millions de dollars. En effet, en
1983, M. TINAYRE dénonçait dans son rapport42, présenté devant l’Association Française du
Droit Maritime, des cas de fraude matérielle tant à l’embarquement par le biais de
connaissements falsifiés attestant une marchandise réellement inexistante qu’au débarquement
à l’aide de faux documents (faux connaissements et fausses factures) aboutissant à la livraison
de la marchandise à un tiers et non au vrai acheteur. Plus récemment, les Services pour la
Prévention des Délits (SPD) de la Chambre de Commerce International ont recommandé aux
banques d’être particulièrement vigilantes quant à la vérification de l’authenticité des
connaissements présentés. Le Directeur des SPD a ainsi donné une liste de mentions que le
connaissement doit comporter et dont le défaut devrait soupçonner les banques d’une fraude
éventuelle43.
Au-delà de ces exemples tirés de la pratique du commerce international, la jurisprudence ne
fournit guère d’exemples de fraude matérielle. On peut cependant citer l’arrêt de la Cour
d’appel de Colmar datant du 14 juin 198544. En l’espèce, une société alsacienne avait conclu
avec une société suisse un contrat prévoyant la livraison de viande congelée d’origine
40 Lettre de voiture internationale CIM 41 Lettre de voiture internationale CMR 42 A. TINAYRE, « La fraude maritime et le connaissement », DM F, 1983, p. 365-375 43 V. site de CCI : www.iccwbo.org (« Cargo frauds warning to banks », Londres, 7 septembre 1999) 44 CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, UNION DE BANQUES SUISSES c/ BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL et SOCIETE ANONYME PLATS CUISINES HUBSCH : D., 1986, IR, p. 218-219, obs. M. VASSEUR ; JCP, 1986, I, chron., 3265, n° 112, obs. C. GAVALDA et J. STOUFFLET
20
argentine. Un crédit a été ainsi ouvert en France par la Banque fédérative du Crédit mutuel et
il a été également notifié et confirmé par l’Union de Banques Suisses (U.B.S.), qui était en
même temps la banque de la société venderesse. Il a été prévu que la marchandise transiterait
par l’Italie. Parmi les documents à produire par la société suisse était mentionné, notamment,
un document douanier communautaire 2TL, lié à l’importation et au transit de la marchandise
en Italie. L’U.B.S., après avoir reçu du bénéficiaire, sa cliente, les documents énumérés par
l’accréditif, les expédie à la Banque fédérative et lui demande de lui verser le montant du
crédit documentaire, qu’elle n’a pas encore payé à sa cliente. La Banque fédérative a ensuite
écrit à l’U.B.S. pour lui faire savoir que le document douanier 2TL n’était pas de « digne
foi ». L’information venant de la direction des douanes françaises. Entre-temps, la
marchandise avait été saisie par la douane française, au motif que le document douanier 2TL
était faux. Il s’agissait évidemment d’une fraude matérielle puisque le document en question
n’était pas authentique.
Un autre exemple de fraude matérielle est fourni par l’affaire N° 3031 jugée par la Cour
Internationale d’Arbitrage45. Il s’agissait d’un litige opposant une banque thaïlandaise à une
banque espagnole. En l’occurrence, la banque espagnole, banque émettrice, a rejeté la
demande de paiement de la banque thaïlandaise, banque négociatrice, au motif qu’un
certificat (« certificate of survey ») n’était pas authentique et qu’en conséquence, cela avait
permis à l’expéditeur d’envoyer des marchandises qui n’étaient pas conformes. En réalité,
comme l’a soulevé l’arbitre de Paris, ledit certificat était un faux portant une fausse signature.
On était en présence d’une fraude consistant dans l’utilisation d’un document faux, c’est-à-
dire d’une fraude matérielle.
Il est vrai en outre, que la constatation d’une fraude matérielle ne présente pas de grandes
difficultés. En théorie un examen attentif du document, sinon une simple inspection, pourrait
permettre de déceler la fraude. En revanche, il n’en va pas de même quand on est en présence
d’une fraude intellectuelle, qui s’avère être beaucoup plus subtile.
45 Sentence CCI n° 3031, 1977, JDI, 1978, p. 999-1004, obs. Y. DERAINS
21
Section 2. La fraude intellectuelle
Conformément à la doctrine pénale, dans le faux intellectuel l’altération de la vérité porte sur
le contenu, la substance ou les circonstances de l’acte. Les procédés du faux intellectuel
peuvent être la supposition de personne, la dénaturation des actes ou conventions ou encore la
constatation de faits faux, en constatant soit comme vrais des faits faux soit comme avérés des
faits qui ne le sont pas. En effet, l’acte peut être régulier en sa forme tout en contenant des
faits mensongers.
D’ailleurs, la fraude intellectuelle dans le crédit documentaire est constituée par des
documents comportant de fausses mentions. Alors que le faux matériel affecte l’élément
extrinsèque des documents, le faux intellectuel implique une altération de sa substance. Le
document auquel ladite fraude s’applique émane bien de son auteur et est irréprochable dans
son apparence matérielle. Or, malgré son apparence de conformité, il contient toutefois des
énoncés contraires à la vérité. D’après M. GARRAUD « il dénature la pensée qu’il est
destiné à exprimer»46. D’où son défaut de sincérité.
Selon M. MATTOUT47, ce type de fraude pose non seulement tous les problèmes rencontrés
dans la fraude matérielle, mais encore l’autre problème : la fraude intellectuelle impliquera
généralement la prise en considération du contrat commercial, de la marchandise. Même si la
fraude intellectuelle peut se constater dans les seuls documents, puisque ceux-ci ne
remplissent pas la condition de sincérité qui doit leur appartenir, cette absence de sincérité ne
peut s’évaluer que par rapport aux marchandises elles-mêmes. Il s’agit, donc, d’une exception
à la règle de base du crédit documentaire48. Toutefois cette exception doit s’entendre de façon
restrictive. Comme on va le relever au deuxième chapitre de ce titre, la fraude reste
documentaire et ne consiste pas en une mauvaise exécution du contrat de base.
La jurisprudence française a déjà admis depuis longtemps ce type de fraude. En effet, selon
une jurisprudence constante, le fait pour le vendeur d’émettre ou de laisser émettre et utiliser
des documents qui ne correspondent pas à la réalité, constitue une fraude, voire
46 V. K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 800 47 V. MATTOUT J.-P., « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, p. 246, n° 301 48 Art. 4 RUU : « Dans les opérations de crédit toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à l’exclusion des marchandises, services et /ou autres prestations auxquels les documents peuvent se rapporter. »
22
intellectuelle49. Tel était le cas dans l’affaire SOCIETE ANONYME STANDING MEUBLES
contre CREDIT DU NORD50. En l’espèce, la quantité de la marchandise embarquée ne
correspondait pas à ce qui était mentionné dans les documents remis par le vendeur, puisque
ce dernier n’avait pas livré et effectivement embarqué la totalité des marchandises convenues.
On retrouve un pareil exemple dans l’affaire jugée par la Cour de Cassation le 7 avril 198751.
Dans ce cas-là, la fraude prenait la forme d’un défaut de sincérité de la mention de la facture
indiquant la quantité de marchandises contenues dans les cartons expédiés à l’acheteur. En
effet, le bénéficiaire avait produit une facture et une lettre de voiture CMR indiquant la
livraison de 2000 + 3080 articles tandis que l’expédition ne contenait que 580 articles. La
Cour a donc pu déduire l’existence du défaut de sincérité au moins d’un document, la facture.
D’ailleurs, les jurisprudences étrangères offrent aussi des exemples de fraude intellectuelle.
Plus particulièrement, la jurisprudence américaine, avec son fameux arrêt de 1941 STZEN52 ,
qu’on va citer ensuite, fournit une illustration intéressante concernant le faux intellectuel,
tandis que la jurisprudence canadienne, dans un arrêt du 5 mars 1987 de la Cour Suprême du
Canada53, offre encore un exemple utile sur le sujet. En l’espèce, un crédit documentaire
réalisable par négociation a été émis à l’occasion d’une vente internationale entre une société
canadienne et une société de Hong Kong. La lettre de crédit avait prévu, sans autre précision,
que la traite devait être accompagnée d’une « facture commerciale » en trois exemplaires.
Ladite lettre ne faisait pas état des prix, à partir desquels la facture devait être établie ; ceux-ci
avaient été mentionnés par le contrat de base. En l’occurrence, la fraude consistait dans le fait
que le vendeur bénéficiaire du crédit a frauduleusement augmenté le prix de la facture qui
accompagnait la traite par rapport à celui convenu dans le contrat de base. 49 Trib. com. Paris, 3ème ch., 23 mars 1994, SOCIETE NIAGARA LTD et autres c/ SOCIETE RAINBOW INSURANCE COMPANY LTD et autres : Gaz. Pal., 1995(1er sem.), som., p. 194 50 CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 28 janv. 1988, SOCIETE ANONYME STANDING MEUBLES c/ CREDIT DU NORD, D., 1989, 20ème cahier, som. com., p. 197, obs. M. VASSEUR 51Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERALE c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres : RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, juripr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.- déc. 1987, N° 4, p.131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD 52 Arrêt STZEN c/ J. HENRY SCRODER BANKING CORPORATION, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, Singapore Conferences on International Business Law, “ Current problems of international trade financing”, Edited by C.M. Chiukiu, P.J. Davidson, W.J.M. Ricquier, Published by Malaya Law Review & Buterworth, 1983, p. 185-234 53 Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, BANQUE DE LA NOUVELLE-ECOSSE c/ ANGELICA-WHITEWEAR LTD et ANGELICA CORPORATION, D., 1988, 17ème cahier, som. com., p. 186-188, obs. M. VASSEUR
23
La jurisprudence anglaise, elle aussi, ne fait pas exception. Dans l’affaire ETABLISSEMENT
ESEFKA INTERNATIONAL ANSTALT contre CENTRAL BANK OF NIGERIA54, la banque
avait payé une partie du montant du crédit contre des documents, parmi lesquels un certificat
d’origine dont les énonciations étaient fausses. La banque, après avoir découvert que les
navires sur lesquels la marchandise devrait être embarquée, ne se sont jamais échoués au port
d’embarquement, a refusé le paiement frauduleux du crédit au bénéficiaire.
Certes, cette opposition bipartite des procédés de faux ou autrement dit des types de fraude est
naturelle. Ses prolongements en droit pénal ne font aucun doute. Aussi la doctrine du crédit en
rend-elle systématiquement compte et la jurisprudence s’en fait souvent écho. Enfin, les RUU
en entérinent clairement le principe. Leur article 15 distingue « la forme, la suffisance,
l’exactitude, l’authenticité, la falsification », de leur « valeur ou existence des
marchandises ». Toutefois, il serait inexact de vouloir exagérer l’importance d’une telle
division dans le domaine du crédit. Derrière l’apparence de la multiplicité, la fraude découvre,
dans l’illicéité de sa nature et de ses supports, son fondement unique.
Chapitre II. Le fondement unique de la fraude documentaire
La fraude documentaire n’est pas tributaire de sa typologie. Quelle que soit la variante
employée, la fraude tend toujours à cacher la violation du crédit. Le régime juridique du crédit
est parfaitement conscient des dangers qu’il a lui-même créés. L’apparence dans laquelle est
confinée la vérification bancaire serait une facilité qui pourrait être détournée de sa finalité si
une fraude sensible à la substance des documents n’était pas reconnue. Les documents sans
valeur ne sont pas des documents conformes. Afin de sanctionner ce comportement
frauduleux d’une manière efficace, la jurisprudence applique en matière de crédit
documentaire le principe général de fraude. Ce principe, qui permet de faire exception à
toutes les règles du droit a également permis une exception aux règles du crédit documentaire
(Section 1). Cependant, la fraude reste documentaire et, à ce titre, doit être constatée dans les
seuls documents (Section 2).
54 Arrêt ETABLISSEMENT ESEFKA INTERNATIONAL ANSTALT c/ CENTRAL BANK OF NIGERIA, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit. , p. 185-234
24
Section 1. L’admission du principe de fraude
Le principe de la fraude est unanimement reconnu en matière de crédit documentaire dans
l’ensemble des systèmes juridiques. Il s’agit d’une règle qui s’applique malgré la conformité
apparente des documents, ce qui fait de la fraude une exception au formalisme du crédit
documentaire. Cette règle émane d’une pluralité de jurisprudences qui acceptent, en utilisant
divers arguments, l’exception de la fraude dans le crédit documentaire.
D’abord, la jurisprudence américaine a admis le principe de la fraude (fraud rule) dans son
arrêt STZEN de 194155. Dans cette affaire, le vendeur a présenté des documents qui étaient
apparemment réguliers et attestaient l’embarquement de la marchandise commandée. Mais, en
réalité, ceux-ci comportaient des fausses mentions et la marchandise expédiée n’était que de
la pacotille sans valeur. Il s’agissait des documents qui n’étaient pas sincères et ne
représentaient pas les marchandises. L’attendu principal dudit arrêt énonce qu’« une telle
situation, où la fraude du vendeur a été portée à l’attention de la banque avant que les traites
et les documents n’aient été présentés au paiement, justifie que le principe de l’indépendance
de la banque au titre d’une lettre de crédit ne puisse être étendu jusqu’à protéger le vendeur
sans scrupules »56.
En outre, ladite jurisprudence a inspiré le législateur américain qui a prévu un texte spécifique
concernant la fraude dans le crédit documentaire. On se réfère, bien évidemment, à la section
5-114(2) du Code uniforme de commerce (Uniform Commercial Code), devenue, après la
recodification de l’article 5 de l’UCC, section 5-10957. Ce texte a posé en règle que
l’exception de fraude était susceptible de s’appliquer tant aux « documents contrefaits ou
frauduleux » (« forged documents, fraudulent documents ») qu’à « la fraude dans
l’opération » (« fraud in the transaction »). 55Arrêt STZEN c/ J. HENRY SCRODER BANKING CORPORATION, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, Singapore Conferences on International Business Law, in “ Current problems of international trade financing”, Edited by C.M. Chiukiu, P.J. Davidson, W.J.M. Ricquier, Published by Malaya Law Review & Buterworth, 1983, p. 185-234, 56 “In such a situation, where the seller’s fraud has been called to the bank’s attention before the drafts and documents have been presented for payment the principle of independance of the bank’s obligation under the letter of credit should not be extended to protect the unsrupulous seller”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 203 57 Art. 5, section 5-109 (a) UCC : “ If a presentation is made that appears on its face strictly to comply with the and conditions of the letter of credit, but a required document is forged or materially fraudulent, or honor of the presentation would facilitate a material fraud by the beneficiary on the issuer or applicant (...)”
25
De plus, la règle de la fraude a été expressément adoptée par la jurisprudence anglaise dans
l’affaire UNITED CITY MERCHANTS LTD contre ROYAL BANK OF CANADA58. En
l’espèce, un crédit documentaire avait été émis à l’ordre d’une firme péruvienne pour le
paiement de son vendeur, une entreprise anglaise. Ce crédit a été confirmé par la branche
londonienne de la ROYAL BANK OF CANADA. La lettre de crédit prévoyait que la
marchandise devait être embarquée le 15 décembre 1976. Or, l’embarquement n’a pu avoir
lieu que le lendemain. En effet, la fraude invoquée devant le juge portait sur un connaissement
qui était antidaté de manière à donner l’impression que la marchandise avait été embarquée
avant l’échéance prévue dans la lettre de crédit.
Au procès devant la Cour commerciale de la Queen’s Bench Division, le juge MOCATTA, en
se referant à l’affaire STZEN, a observé que la banque ne devait pas payer au titre du crédit si
elle savait que les documents étaient faux ou que la demande de paiement était frauduleuse en
raison du défaut de droit au paiement59. Cette décision a été, d’ailleurs, infirmée par la Cour
d’appel. Bien que la Chambre de Lords ait cassé l’arrêt de la Cour d’appel en raison de
l’inapplicabilité de la règle de fraude, elle n’a pas contesté, en l’espece, l’existence de ladite
règle. Lord DIPLOCK a observé que l’exception de fraude de la part du bénéficiaire qui
cherche à profiter du crédit est une application claire de la maxime ex turpi causa non oritur
actio ou … la fraude débrouille tout60.
En France, l’actualité de la fraude du bénéficiaire d’un crédit documentaire demeure constante
depuis que la Cour de Cassation, dans une décision en date du 4 mars 195361, a admis pour la
première fois l’application en la matière de l’adage fraus omnia corrumpit. Les faits étaient
simples : une facture devait être remise au banquier dans le cadre de la réalisation d’un crédit
documentaire pour le paiement d’une vente de montres en provenance de la Suisse. A
l’arrivée, la marchandise n’était pas conforme aux stipulations de la commande. En effet, la 58 Chambre de Lords, 20 mai 1982, UNITED CITY MERCHANTS LTD c/ ROYAL BANK OF CANADA, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 185-234 59 Aux termes exacts de Lord DENNING, “the bank ought not to pay under the credit if it knows that the documents are forged or that the request for payment is made fraudelently in circumstances when there isno right to paymen”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 204 60 “ The exception for fraud on the part of the beneficiary seeking to avail himself of the credit is a clear application of the maxim ‘ex turpi causa non oritur’ or ... ‘fraud unravels all’. The Courts will not allow their process to be used by a dishonest person to carry out a fraud”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 205 61Cass. com., 4 mars 1953, S., 1954, 1, p. 121, note LESCOT
26
valeur des montres était très inférieure à celle qui avait été portée sur la facture. Suite à cette
constatation, le donneur d’ordre a déposé une plainte pour escroquerie. La Cour de Cassation
a admis que le juge du fond, saisi de l’action du vendeur en paiement de la lettre de crédit,
pouvait légalement surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction pénale se soit prononcée sur
la plainte déposée. Après avoir relevé que la Cour d’appel avait souverainement constaté
qu’ « il résulte des plaintes déposées avec constitution de partie civile et des documents
versés aux débats… que le bénéficiaire de l’ouverture de crédit n’avait pu ignorer que sa
facture du …, destinée à l’ouverture du crédit, contenait de fausses indications », la Cour de
Cassation a décidé « que dans ces circonstances…, c’est à juste titre que, nonobstant
l’indépendance de deux contrats de vente et d’ouverture de crédit, la Cour d’appel a décidé
qu’il y avait lieu de surseoir à statuer, jusqu’à ce que la juridiction pénale ait définitivement
statué ».
En rejetant le pourvoi, la Cour de Cassation a reconnu le principe selon lequel la fraude fait
obstacle à l’application des règles de droit les plus certaines. Pour justifier le rejet de la
facture formellement régulière mais, en réalité, entachée de fraude et le refus du paiement au
bénéficiaire, la Cour suprême avait fait appel à la maxime fraus omnia corrumpit (« la fraude
corrompt toute chose »)62. Cet adage est une règle authentique qui garantie la loyauté des
rapports juridiques. Il vise au respect des finalités du système juridique en réagissant aux
manœuvres de ceux qui, par ruse, tentent de tirer parti des règles juridiques afin de bénéficier
d’un droit ou, plus généralement, d’un avantage dont ils ne devraient pas profiter63.
Selon M. STOUFFLET, ladite règle est fondée sur la morale et cette conception de la fraude,
impliquant la mauvaise foi de la part du bénéficiaire, ne devrait plus prévaloir64. Cependant,
l’intérêt de la fameuse affaire des montres suisses est indiscutable. Cela réside notamment
dans le motif de l’arrêt qui a admis l’exception de fraude nonobstant l’indépendance du crédit
documentaire par rapport au contrat de vente. Les faits particuliers de l’affaire ont facilité les
conclusions de la Cour, prononçant le sursis à statuer en raison de la maxime « le criminel
tient le civil en l’état », parce qu’une véritable escroquerie avait été relevée par les juges du
62 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Presses Universitaires Françaises, 4ème éd., 2003 63 A. JEAMMAUD, « Fraus omnia corrumpit », D., 1997, chron., p. 20-21 64 J. STOUFFLET, “Fraud in the documentary credit, letter of credit and demand guaranty”, Dickinson Law Review, Summer 2001, p. 22
27
fond. Cette position de la Cour de Cassation n’a pas été démentie par la suite, et a même été
confortée par plusieurs arrêts65.
La jurisprudence citée nous démontre sans doute que la fraude constitue une exception aux
principes régissant le crédit documentaire et qu’elle doit à ce titre être sanctionnée. Toutefois,
plus que le principe de sanction de la fraude, c’est la définition de celle-ci dans le domaine du
crédit documentaire qui fait difficulté. Cette dernière doit s’effectuer exclusivement par
référence aux documents.
Section 2. La matérialité de la fraude documentaire
Le problème de la fraude se pose chaque fois que la conformité des documents est apparente
sans être effective. La source de cette invalidité n’est pas importante, pourvu que la fraude se
matérialise dans les documents. Certes, on n’éprouve pas de difficulté à appliquer ce principe
lorsque il prend l’aspect d’un défaut d’authenticité. Le doute est effectivement exclu
lorsqu’un document est apocryphe. Ainsi un connaissement présenté est un faux ou
l’attestation supposée émaner de l’autorité désignée dans la lettre de crédit a été fabriquée par
le bénéficiaire. La falsification de certaines mentions est à rapprocher des hypothèses
précédentes. Personne ne semble contester qu’un document falsifié ne puisse être reconnu,
strictement parlant, comme conforme aux termes du crédit. En outre, si la fraude est décelable
sur les documents, les banques rejetteront probablement ceux-ci.
Plus délicate est la situation du défaut de sincérité. En effet, la limite entre inexécution du
contrat de base, qui demeure sans incidence sur la réalisation du crédit documentaire, et la
fraude, susceptible d’être sanctionnée par un rejet de demande de paiement du bénéficiaire, 65 V. p. ex. Cass. com., 6 mai 1969, KINDIG c/ CREDIT LYONNAIS : JCP, 1970, II, 16216, note JEAN STOUFFLET, RTD com., 1969, p. 1063-1064, n° 6, obs. J.-L. RIVES-LANGE et M. CABRILLAC ; CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres et SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autre : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET, Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR
28
est beaucoup moins claire lorsqu’il s’agit de la désignation ou de la description des
marchandises contenue dans un document. La difficulté est d’ordre pratique : il faut distinguer
entre le vice de la marchandise non constitutif de fraude et le vice de la marchandise qui est
révélateur d’une volonté de fraude de la part du bénéficiaire.
Certains auteurs récusent la légitimité de la fraude intellectuelle. Sa prise en considération
implique, pour eux, un débordement extra-documentaire, dans la mesure où l’absence de
sincérité ne peut s’évaluer que par rapport aux obligations de base. M. VASSEUR,
particulièrement hostile à ce type de fraude, n’y voit aucun fondement. Il ne cache pas son
étonnement à l’égard de la distinction qu’il suppose établir entre « la fraude résultant de ce
que les énonciations des documents ne correspondent pas à la réalité et ce qui n’est pas la
fraude ». Selon cet auteur, dans « les deux situations, ce qui est en cause est l’exécution du
contrat de base ». Pareille subtilité ne peut, conclut-il, qu’ « introduire l’insécurité au niveau
du banquier en plaçant l’exécution du crédit sous la dépendance du contrat de base ». Elle
laisse apparaître la fraude « comme un mot de passe qui, en matière de crédit documentaire,
permet au juge de mettre le donneur d’ordre en mesure de ne pas payer, selon qu’en son âme
et conscience il qualifie de telle »66. Ainsi, il n’est pas sûr que cette conception constitue la
fraude.
Ce raisonnement n’emporte pas la conviction. Certes, la fraude ne doit pas être confondue,
sous peine de ruiner le crédit, avec l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat de base.
Pour le crédit documentaire qui est dans sa pratique particulièrement formaliste, la seule
fraude qui puisse être acceptée est celle qui concerne les documents eux-mêmes, que le
bénéficiaire doit présenter conformes à l’accréditif, afin d’obtenir le paiement, et non celle qui
affecte le contrat commercial de base. La mise en jeu frauduleuse du crédit et la violation du
contrat de base sont bien deux choses différentes. Il serait toutefois inexact d’y voir un rejet
des intérêts attachés à la rigueur formaliste. Au contraire, le défaut de sincérité justifie le rejet
de la demande de paiement dans le cadre strict du crédit documentaire, sans qu’il soit
nécessaire de faire référence au contrat de base.
66M. VASSEUR, note sous Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 402, n° 11
29
Encore faut-il dissiper la confusion créée par l’identité des faits à la base, aussi bien du défaut
de sincérité que de l’inexécution contractuelle sous-jacente. La ressemblance ne saurait, en
effet, méprendre sur la dissemblance. Car s’il est vrai qu’une fraude dans le crédit constitue le
plus souvent une fraude dans le contrat de base, la réciproque n’est pas forcément exacte. Une
fraude dans le contrat sous-jacent peut ne pas être une fraude documentaire67. Aussi
l’autonomie du crédit documentaire détache-t-elle la fraude de ses origines pour ne retenir que
ses effets sur les documents. Le défaut de sincérité consiste en une altération d’un fait dont la
réalité aurait pu conduire la banque, si elle en avait conscience, au rejet de documents. La
gravité de la violation importe peu. Même l’inexécution la plus partielle du contrat de base est
susceptible de constituer une fraude si son existence peut être matérialisée dans les
documents. Commise au niveau du contrat de base, la fraude affecte par une sorte d’irrigation
le crédit. Son illicéité rejaillit nécessairement sur les documents, emportant leur irrégularité.
La jurisprudence française s’inscrit pleinement dans ce sens. Dans son arrêt classique du 4
mars 195368, cité ci-dessus, la Chambre Commerciale a relevé, de façon significative, qu’ « il
résulte des plaintes déposées… et des documents versés aux débats… que le bénéficiaire de
l’ouverture de crédit n’avait pu ignorer que sa facture … contenait fausses indications ».
L’intérêt de cette décision est certain. Contrairement à ce que l’on peut croire, ce n’est pas
parce que « les montres n’étaient pas conformes aux spécifications de la commande » que la
plainte a été retenue, mais plutôt en raison de l’irrégularité dont souffrait la facture. La fraude
n’a pas vicié la vente. Elle était matérialisée dans le document même. Les termes de l’arrêt
sont, à ce titre, aussi nets que possible puisqu’ils parlent des « fausses indications ». Ainsi
apparaissait l’élément essentiel de la fraude : le défaut de sincérité d’un document. Ce n’est ni
la non-conformité de la marchandise aux stipulations du contrat commercial ni le défaut de
conformité aux dispositions de l’accréditif qui constituent la fraude ; c’est l’inexactitude du
contenu du document présenté.
67 P. ex. si la quantité de marchandises livrée correspond à celle figurant sur les documents, il n’y aura pas de fraude documentaire même si ces marchandises sont totalement inutilisables. 68 Cass. com., 4 mars 1953, S., 1954, 1, p. 121, note LESCOT
30
Plus récemment, cette analyse a été, confirmée par un arrêt en date du 15 juillet 199269 de la
Chambre commerciale de la Cour de Cassation. La Cour de Cassation a approuvé une Cour
d’appel d’avoir refusé un sursis à statuer sur le fondement de l’article 4 du Code de
procédure pénale, au motif que l’instance civile, dans laquelle elle statuait, portait sur le
mode d’exécution du crédit documentaire et le comportement des banques en cause eu égard
l’apparence de régularité présentée par les documents exigés par elles. Sa solution donc ne
saurait être affecté par les résultats de l’instruction ouverte au sujet de la fraude qui avait été
commise dans l’exécution du contrat fondamental de vente de marchandises. Plus
précisément, la Cour d’appel avait énoncé que « la fraude… ne serait susceptible de
provoquer la règle ‘le criminel tient le civil en état’, que si elle affectait les documents ; tel
n’est pas le cas puisque l’instance pénale est limitée à la fraude éventuellement commise dans
le cadre du contrat commercial, fut-ce au moyen de documents non sincères ou non
authentiques ».
D’ailleurs, la Cour d’appel de Grenoble s’était déjà prononcée en ce sens il y a quelques
années70. En l’occurrence, une banque avait ouvert un crédit documentaire réalisable par
paiement différé. Les documents requis consistaient notamment en un certificat de contrôle
d’inspection quantitatif et qualificatif, un certificat d’exportation et le certificat d’origine
« République de Corée ». Après livraison de la marchandise, le donneur d’ordre prétendait
que les marchandises étaient susceptibles de constituer des produits contrefaits. La Cour
d’appel a ordonné mainlevée de la saisie, pratiquée par le donneur d’ordre. Elle a, à cet effet,
estimé qu’il convenait de considérer les documents eux-mêmes, l’exclusion de marchandises,
de sorte que la fraude, pour pouvoir être invoquée par le donneur d’ordre, devait affecter les
documents eux-mêmes, soit qu’ils constituent des faux, soit qu’ils contiennent des
énonciations mensongères. Mais, en l’occurrence, les documents requis ne souffraient ni de
défaut de sincérité ni d’authenticité.
69 Cass. com., 15 juill. 1992, BANQUE DE NEUFLIZE, SCHLUMBERGER et MALLET c/ BANQUE THE HONG KONG and SHANGAI CORPORATION et autres, D., 1994, 3ème cahier, jurispr., p. 28-32, note M. VASSEUR ; RJDA, 10/92, N° 970, p. 778 70 CA Grenoble, ch. des urgences, 20 sept. 1994, Banque & Droit, N° 40, mars-avril 1995, p. 34, obs. J.-L. GUILLOT
31
En outre, la règle selon laquelle la fraude à prendre en considération est celle qui concerne les
documents énumérés dans la lettre de crédit, et non celle qui est relative à l’exécution du
contrat de base, a été pleinement réaffirmée par la Cour de Cassation à l’occasion de l’affaire
SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT contre SOCIETE FACON
DEUTSCHLAND71. En l’espèce, la BANQUE NATIONALE DE PARIS sur instruction de sa
cliente, la société des AUTOMOBILES PEUGEOT, avait ouvert un crédit documentaire
irrévocable à l’ordre de la société FACON DEUTSCHLAND. Invoquant des fraudes
« commerciales » de la part de la société FACON DEUTSCHLAND, dont les livraisons, pour
près de la moitié d’entre elles, portaient sur des matériels incomplets ou endommagés, la
société des AUTOMOBILES PEUGEOT avait demandé la résolution de la vente et celle du
crédit documentaire. Par suite d’une saisie-arrêt que cette société avait pratiqué, le crédit
documentaire n’avait pas, en effet, été entièrement exécuté par la BNP. La société des
AUTOMOBILES PEUGEOT reprochait la Cour d’appel (CA Paris, 1 décembre 1994)
d’avoir, tout en prononçant la résolution du contrant de vente, refusé de retenir la fraude dans
la réalisation du crédit documentaire. La Chambre commerciale a rejeté le pourvoi au motif
que, comme l’a à juste titre relevé la Cour d’appel, « la fraude a porté sur l’exécution de la
vente mais aucunement sur la mise en place ou l’exécution du crédit documentaire, pour
laquelle ont été produits des documents conformes aux prévisions, et qui n’était pas
subordonnée à la production d’un certificat de conformité des matériels livrés ». La
résolution de la vente ne saurait entraîner celle du crédit documentaire.
Cet « attendu » laisse supposer qu’il n’y avait, dans le libellé de la facture ou du document de
transport, aucune indication trompeuse concernant la nature, l’état et la qualité du matériel
livré. Car si tel avait été le cas, la référence au certificat de conformité n’aurait en aucun sens.
Dans de telles conditions, la cour d’appel a pu prononcer la résolution pour inexécution de
vente. Elle ne pouvait pas considérer que la demande de réalisation du crédit documentaire
était entachée de fraude. La Cour de Cassation s’en tient donc ici à une conception de la
fraude étroitement liée aux documents. Ainsi, l’autonomie du crédit par rapport au contrat de
base n’est pas compromise.
71Cass. com., 29 avril 1997, SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT c/ SOCIETE FACON DEUTSCHLAND et autres : JCP E, 1997, N° 30, II, N° 976, p. 167-169, note J. STOUFFLET ; Quot. Jur., N° 37, 8 mai 1997, p. 180-182, note J.P. D. ; RTD com., juill.-sept. 1997, p. 493-494, obs. M. CABRILLAC ; RJDA, août-sept. 1997, N° 1065, p. 735-736 ; Les petites affiches, 14 janv. 1998, N° 6, p. 20-26, note J. HESBERT ; RD bancaire et bourse, N° 63, oct. 1997, p. 215-216, obs. F. J. CREDOT et Y. GERARD
32
TITRE II. L’appréciation de la fraude documentaire
Bien que la définition de la nature de la fraude documentaire ne pose pas de grands
problèmes, il n’en va pas de même pour l’appréciation de celle-ci. C’est précisément pour en
circonscrire la portée dans le cadre du crédit documentaire que des difficultés fondamentales
apparaissent. Ainsi pour paraphraser M. VASSEUR, « en matière de crédit documentaire, la
qualification de fraude et sa prise en compte sont bien fluctuantes »72. Toujours est-il que
l’autonomie attachée à l’institution du crédit documentaire ne doit pas être ébranlée, ni
affaiblie gravement lorsque la fraude est établie. En effet, la jurisprudence, en admettant la
fraude dans le respect des principes directeurs du crédit documentaire, subordonne sa
reconnaissance à son caractère manifeste dans les documents (Chapitre I). D’ailleurs, lors de
son appréciation, se pose également le problème de l’incidence de l’élément intentionnel
(Chapitre II).
Chapitre I. La manifestation de la fraude dans les documents
Sans doute il est nécessaire, pour le bon fonctionnement de la lettre de crédit, que le banquier
soit dispensé de toute investigation pour s’assurer de la correspondance des documents avec la
réalité. La protection accordée au banquier, grâce à l’article 15 des RUU73, s’inscrit dans
cette logique. Elle constitue la contre-partie de la vérification formelle dans laquelle l’œuvre
bancaire est confinée. La banque ne peut garantir ni l’authenticité ni la sincérité des
documents. La règle incontestable est qu’un faux présente généralement une telle apparence
72 M. Vasseur, note sous Cass. com., 7 avril 1987, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399 73Art. 15 RUU : « Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à la forme, la suffisance, l’exactitude, l’authenticité, la falsification ou l’effet juridique du/des document(s), ni quant aux conditions générales et/ou particulières stipulées dans le/les document(s) ou y surajoutées. Elles n’assument également aucun engagement ni responsabilité quant à la désignation, la quantité, l’état, l’emballage, la livraison, la valeur ou l’existence des marchandises représentées par un document quelconque ou encore quant à la bonne foi ou aux actes et/ou omissions, à la solvabilité, à la prestation ou la réputation des expéditeurs, transporteurs, transitaires, destinataires ou assureurs des marchandises, ou de toute autre personne que ce soit. »
33
de conformité qu’il est normal qu’il en soit ainsi. Donc, une simple allégation de fraude ne
saurait remettre en cause ladite règle.
Cependant il peut en aller différemment lorsque la fraude, matérialisée dans les documents est
manifeste. Sa preuve, à défaut du document lui-même, doit persuader de sa réalité. Cette
valeur probante est néanmoins loin de faire l’unanimité sur sa portée. Certains auteurs, suivis
par une partie de la jurisprudence, l’entendent très largement. Il suffit dans leur esprit, que la
fraude soit vraisemblable pour que son caractère manifeste soit établi. En revanche, l’analyse
dominante met l’accent sur l’évidence de la fraude retenue. La certitude offerte par un constat
objectif, suffisamment clair et précis, rend nécessaire la preuve affecte d’une fraude
manifeste (Section 1). Face à cette certitude, la fraude vraisemblable s’avère insuffisante
(Section 2).
Section 1. L’insuffisance d’une fraude « vraisemblable »
Dans la mesure où l’établissement d’une fraude documentaire manifeste est effectivement
difficile, un courant doctrinal et jurisprudentiel contestataire s’en est inspiré pour ne pas
abandonner le donneur d’ordre à son fraudeur. Selon les partisans de la notion de fraude
« vraisemblable », le rejet des allégations infondées n’exclut pas la prise en considération de
fraudes fortement suspectées. La fraude documentaire, conformément à cette thèse, serait
admise si un soupçon vraisemblable, voire « un risque de fraude », est observé même sans
être strictement établi.
La jurisprudence suisse s’est déjà prononcée dans ce sens. En effet, elle oblige, les donneurs
d’ordre, désireux d’obtenir l’interdiction de paiement du bénéficiaire, à la seule démonstration
d’une probabilité prépondérante. En guise d’exemple, on peut citer l’arrêt de la Cour de
Justice de Genève du 16 juillet 198574. En l’espèce, la Cour de Justice a jugé que la banque
n’a pas à compter avec des circonstances extraordinaires telles que les machinations
frauduleuses du bénéficiaire, étant donné qu’il incombe au donneur d’ordre de choisir des
cocontractants dignes de confiance. En conséquence, elle ne peut se prévaloir d’un
74 Cour de Justice Civile de Genève, 16 juill. 1985, F. et B. FOODLINE SA c/ ETABL. QUIBLIER FILS SA, D., 1986, IR, p. 219, obs. M. VASSEUR
34
comportement abusif du bénéficiaire que si ce comportement est rendu fortement
vraisemblable au moment de l’exigibilité de l’obligation.
S’inspirant de cette argumentation, une jurisprudence canadienne semble se faire jour. Ainsi,
dans l’affaire CDN RESEARCH OF DEVELOPMENT LTD contre THE BANK OF NOVA
SCOTIA75, une lettre de crédit stand-by a été émise pour la garantie au bénéfice de l’Irak de la
livraison d’un équipement spécial anti-feu. Tout en refusant les risques de cette livraison,
effectuée en temps de guerre, le bénéficiaire réclama paiement. La Cour du premier degré a
retenu une fraude « évidente ». Bien qu’elle fût approuvée sur le fond, en second degré, le
juge SMITH déclara que « le test de la ‘fraude évidente’ est trop poussé car il nous mène au-
delà de l’interlocuteur dans le domaine de la détermination finale ». Il en déduit que le test de
la fraude vraisemblable « a pour objectif de faciliter les transactions internationales sans
considération suffisante de ce qu’un refus peut être un message clair envoyé à ceux qui
voudraient s’engager dans des activités peu scrupuleuses et frauduleuses »76.Cependant, en
l’espèce, le juge souligne n’être « pas même certain que les allégations soient suffisantes pour
éveiller le soupçon de ce que quelque chose de peu scrupuleux ou de peu honnête puisse avoir
été commis »77.
Si cette interprétation n’a pas pu prédominer, l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar en date du
14 juin 198578, déjà cité, fait, toutefois, exception. En l’espèce, la Cour d’appel a décidé que,
« s’il est vrai… qu’une simple allégation de fraude, qui n’aurait aucun caractère de
vraisemblance, ne saurait délier la banque, c’est à bon droit que les premiers juges ont
reproché à la banque confirmatrice de s’être rendue coupable d’une faute lourde en créditant
le compte du bénéficiaire, bien que, au jour où elle a effectué cette écriture, elle n’eût pas
encore acquis une preuve décisive de la fraude commise par le bénéficiaire ». En fait, cet
arrêt représente très nettement les trois degrés susceptibles d’établir une fraude documentaire.
75 Arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 805 76 Id. ibid : “purports to facilitate international transactions without sufficient regard for the clear signal that a refusal to enjoin may send to those who would engage in unscrupulous and fraudulent activities” . 77 Id. ibid : “I am not even certain that the allegations are sufficient to raise suspicion of anything unscrupulous ou unconsciable” 78 CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, UNION DE BANQUES SUISSES c/ BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL et SOCIETE ANONYME PLATS CUISINES HUBSCH, D., 1986, IR, p. 218-219, obs. M. VASSEUR ; JCP, 1986, I, chron., n° 12, C. GAVALDA et J. STOUFFLET
35
Une « simple allégation » est insuffisante, la fraude « décisive » est trop exigeante. Selon M.
VASSEUR, seule la fraude de « grande vraisemblance » peut justifier le refus de paiement79.
Cependant cette analyse n’est pas capable de présenter les avantages qu’on voudrait lui prêter.
Sa souplesse ne peut que surprendre. Certes, de prime abord, elle est très protectrice du
donneur d’ordre. Mais la prétendue injustice, dont le donneur d’ordre serait victime dans une
fraude rigoureusement conçue, n’est qu’une apparence. En acceptant une relation de lettre de
crédit, le donneur d’ordre est censé avoir accepté le risque d’un paiement frauduleux éventuel.
En tout état de cause, ce n’est pas au banquier de s’y intéresser. En revanche, ce qui compte
pour le bénéficiaire, est d’obtenir son paiement. La lettre de crédit est structurée de telle façon
que ses effets soient prévisibles pour toutes les parties. On ne saurait, sans remettre en cause
cette répartition de risques, soumettre le paiement à la simple « vraisemblance » de la fraude.
L’élément d’insécurité ainsi introduit, surtout pour le banquier, ne fait que l’inciter, au
moindre soupçon, à refuser des documents, en dépit de leur conformité80 . Ainsi, En voulant
trop protéger les intérêts du donneur d’ordre, la fraude vraisemblable finit, en conséquence,
par oublier l’équilibre fondamental entre les parties, équilibre sur lequel est fondé le
mécanisme du crédit documentaire.
Une exception de taille nous permet, à ce titre, de mettre en relief les enseignements de
l’article 5-109 (2) de l’UCC américain. Cet article considère que le banquier n’est tenu qu’à
vérifier l’apparence de conformité des documents soumis aux stipulations de la lettre de
crédit. Toutefois, le banquier qui agit de bonne foi « peut honorer ou non la présentation »81.
Le banquier n’est donc en aucun cas obligé de refuser les documents, dont la fraude ne peut
être effectivement démontrée bien même lors d’une notification de son client à cet égard.
Seul, « le tribunal compétent peut interdire ce règlement »82.
Cette formule consacre, en effet, une faculté d’appréciation réservée à la banque qui ne
disparaît qu’en cas d’interdiction judiciaire. Si le banquier a connaissance, grâce à une
notification par le donneur d’ordre, de l’existence d’une fraude dont l’allégation ne le
convainc pas avec certitude, il a le droit de payer contre présentation les documents, mais il a
79 M. VASSEUR, obs. sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, D., 1986, IR, p. 218 80M. VASSEUR, obs. sur Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, D., 1988, 17ème cahier, som. com., p. 187 81 Art. 5-109 (2) UCC : “ the issuer, acting in good faith, may honor or dishonour the presentation in any other case”. 82 Art. 5-109 (b) UCC : “ a court of competent jurisdiction may enjoy ...the issuer from honoring a presentation”.
36
le droit aussi de refuser. L’intérêt ici est de protéger l’intégrité et la réputation du crédit
documentaire contre des allégations de fraude provenant du donneur d’ordre. Si la fraude
documentaire n’est pas manifeste, le banquier ne peut en tenir compte.
Il est banal d’observer que le banquier a une relation commerciale avec son donneur d’ordre,
dont l’importance, en général, ne peut pas être oubliée. Cependant, il est également vrai qu’en
cas de soupçon infondé au vu des documents présentés par le bénéficiaire, on ne pourra
certainement pas indemniser le banquier pour les dommages que pourra subir sa propre
réputation dans la communauté financière internationale, si aucune preuve de fraude n’est
rapportée. Malgré le conflit d’intérêts le banquier conscient doit, dans ces circonstances,
adopter des règles de neutralité claires et bien comprises.
En effet, le banquier qui participe à une opération de crédit documentaire n’assume qu’un
risque financier. Toutefois, on ne peut valablement suggérer qu’en agissant de la sorte il
assume également le devoir de prévenir la fraude. S’il se laisse entraîner dans un jeu
dangereux hors de son rôle d’intermédiaire étranger au contrat commercial, il menace les
fondements-mêmes de l’opération. Ainsi, la sagesse invite le banquier raisonnable à effectuer
presque toujours le paiement car la difficulté d’établir une fraude n’est pas négligeable.
Section 2. La nécessité d’une fraude « manifeste »
La vraisemblance, la probabilité, ou autrement dit, le doute, excluent la fraude. Celle-ci doit
être à ce point manifeste qu’elle « crève les yeux »83. La fraude documentaire doit être ainsi
qualifiée. Seule est admise la duperie délibérée, indentifiable à l’escroquerie, dont l’évidence
est telle qu’il est impossible de l’ignorer84. On ne peut permettre au donneur d’ordre de s’en
prévaloir s’il ne peut, immédiatement, en démontrer l’existence, or dans le cas contraire, on
ouvrirait la porte à toutes les contestations sur le bien-fondé de la demande de paiement.
Ainsi, l’existence de la fraude doit absolument être établie avec certitude. Seul un constat
suffisamment clair et précis, trop évident pour être ignoré, est de nature à en remplir
l’exigence.
83 Cette expression qui a fait certainement fortune est due à M. VASSEUR 84 V. M. VASSEUR, note sous Cass. com., 7 avril 1987, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399 et spéc. p. 402 ; Claude Martin, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, p. 383
37
En effet, la fraude doit être établie d’une manière « irréfutable » pour être reconnue. L’arrêt,
déjà mentionné, de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation rendu le 7 avril 198785
en est une illustration parfaite. Il y était irréfutablement établi, par un constat d’huissier, le
défaut de sincérité de la facture remise. Cet arrêt sera utilement rapproché celui de la Cour
d’appel de Paris du 28 mai 198586, où la réalisation du crédit prévoyait la remise de onze
lettres de voitures échelonnées sur une période de temps donnée. Or, seuls trois chargements
sur les onze avaient été livrés. La fraude relevée par la Cour résultait aussi du rapprochement
de l’ensemble des documents, ce qui a permis, selon les termes de l’arrêt frappé d’appel,
rendu le 25 janvier 1983 par le Tribunal de commerce de Paris, a permis de mettre en cause
« d’évidence le caractère authentique » des documents.
Plus récemment, la Cour de Cassation a réaffirmé cette solution dans l’affaire CAISSE
NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE contre SOCIETE INTERAMERICANA
TRANSMARIN87. En l’espèce, la société FERIAC, importatrice, et la société
INTERAMERICANA TRANSMARIN, exportatrice, avaientconclu un contrat de fourniture
de marchandises, lesquelles devraient être transportées par voie maritime. Sur ordre de la
société importatrice un crédit documentaire avait été émis par la CAISSE NATIONALE DE
CREDIT AGRICOLE au profit de la société exportatrice. Au nombre des documents prévus
par la lettre de crédit figuraient, notamment, un jeu complet de connaissements « on board »
et un certificat d’assurance. La banque avait fait, parmi d’autres, des objections à l’égard du
connaissement. Elle faisait valoir que la réalité de la mise à bord de la marchandise, attestée
par la compagnie de navigation, était douteuse et que, par conséquent, la fraude était
vraisemblable. La Cour de Cassation a alors rappelé que la fraude doit être manifeste et que,
85 Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD. 86CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autres : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR 87 Cass. com., 24 juin 1997, CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE c/ SOCIETE INTERAMERICANA TRANSMARIN : RJDA, déc. 1997, N° 1514, p. 1039-1041 ; JCP E, 1998, p. 324, n° 18, obs. J. STOUFFLET et C. GAVALDA ; Quot. Jur., N° 62, 5 août 1997, p. 95-97, note J.P.D.
38
dans ces conditions, seule une telle fraude aurait autorisée la CNCA à ne pas payer, une
simple allégation ne pouvait donc pas suffire.
La rigueur dans l’établissement de la fraude « manifeste » est pleinement justifiée. Il ne faut
pas laisser place à la moindre hésitation. Cette rigueur, dont fait preuve la jurisprudence
française caractérise également la jurisprudence anglaise. Cette dernière exige que la fraude
soit « blatant ». Trois arrêts remarqués en ont forgé toute la réputation. Dans le premier, rendu
en 1974, par la High Court of Justice, dans l’affaire DISCOUNT RECORDS LTD contre
BARCLAYS BANK LTD88, il s’agissait d’une lettre de crédit ouverte pour le paiement d’un
achat d’un lot de disques et de cassettes. Les caisses, dont certaines contenaient des objets
sans aucune valeur, avaient été ouvertes, à l’arrivée, en présence d’un représentant de la
banque, qui avait pu se convaincre de la fraude. Reconnaissant l’autorité du principe de
fraude, le juge MEGARRY a néanmoins décidé que « dans la présente affaire, il n’existe, à
l’évidence, aucune fraude établie, mais de simples allégations de fraude ».
Ledit jugement a été repris et approuvé trois ans plus tard par la même Cour, dans l’affaire
R.D. HARBOTTLE LTD contre NATIONAL WESTMINSTER BANK89, en l’espèce. Le
donneur d’ordre d’une garantie indépendante reprochait au bénéficiaire une fraude. Celle-ci
consistait dans le fait d’appeler la garantie avant d’émettre, selon le contrat de base, les crédits
documentaires correspondant au profit du donneur d’ordre. Le juge KERR, considérant ces
questions « purement contractuelles, loin de la fraude tout court, sans parler de la fraude
établie », a notamment observé dans une formule souvent rapportée que « c’est seulement en
des cas exceptionnelles qu’une Cour interviendra dans le mécanisme des obligations
irrévocables assumées par les banques. Elles sont le sang du commerce international sauf,
peut-être, dans le cas de fraude évidente dont les banques auraient connaissance, les
tribunaux laisseront aux commerçants le soin de régler leurs différends… Autrement, le
commerce international serait irréparablement atteint ».
88 Arrêt cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 228 89Arrêt cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 211
39
La question a été définitivement tranchée par un arrêt de la Cour d’appel, en 1978, dans
l’affaire EDWARD OWEN contre BARCLAYS BANK INTERNATIONAL90. En l’espèce, une
défense de paiement adressée à la banque fut refusée, « faute d’une fraude évidente à la
connaissance du banquier ». Celle-ci devrait être « clairement établie ». Le troisième juge,
L.J. GEOFFRY, a notamment remarqué que les faits de l’espèce, « peuvent très bien être
suspects. Ils peuvent même laisser supposer une pratique peu honnête. Mais rien, dans tout
cela, n’approche, même de loin, la véritable preuve de la fraude ; celle qui la rend évidente
ou claire pour la banque ».
Toutefois, la rigueur de cette preuve n’est pas impossible à rapporter. En effet, le rôle de la
banque n’est pas de juger l’inexécution du contrat de base mais d’apprécier la pertinence de la
preuve fournie de la fraude perpétrée dans les documents. Toujours est-il que la tentation que
pourraient éprouver certains banquiers à en pousser la rigueur aux limites de l’absurde est
grande. Un arrêt de la Cour d’appel anglaise de 1985, dans l’affaire UNITED TRADING
CORPORATION SA contre ALLIED BANK91 l’a, fort justement, déploré. Le juge L.J.
ACKNER a pris soin en effet d’observer qu’une exigence trop excessivement perçue de la
preuve de la fraude entraînerait l’impossibilité de son application. Il a toutefois écarté la
proposition du juge M. NEIL pour remédier à cette éventualité. Ce dernier pensait que le
critère du « banquier raisonnable en possession de l’ensemble des faits » serait le mieux
adapté pour y faire face. Or, pour Lord ACKNER, le véritable guide à la fraude claire,
résiderait plutôt dans le fait que « la Cour décide sur la base des documents produits que la
seule constatation réaliste qu’il soit possible de faire est celle de la fraude ».
Cependant, il est fort douteux que ces critères soient aussi opposés. La « seule constatation
possible » apparaît plutôt comme une formulation différente du critère du banquier
raisonnable que comme un critère à part entière. Il va sans dire qu’un banquier raisonnable,
pris dans une situation impliquant deux explications possibles, dont une seulement retient la
fraude, n’hésitera pas à relever le défaut du caractère évident de celle-ci. Seul le critère du
« banquier raisonnable » est, en outre, de nature à rendre compte des cas où la jurisprudence
tolère certaines fraudes en raison de leur caractère minime. Ainsi, le critère du « banquier
raisonnable » ajuste les règles de la fraude à celles de la stricte conformité. 90 Arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 809 91Arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 810
40
Chapitre II. L’incidence de l’élément intentionnel
Dans la plupart des cas, la fraude est commise par le bénéficiaire et le fraudeur supporte les
conséquences de ses actes illicites. Partant de ce constat, une conception subjective de la
fraude s’est développée, selon laquelle il est nécessaire de prouver l’intention frauduleuse du
bénéficiaire, la fraude ne devant léser aucun honnête homme participant à la lettre de crédit
(Section 1). Cette conception subjective se heurte, cependant, à la conception objective, une
conception formaliste dominant la fraude documentaire (Section 2). Cette dernière s’en tient
au seul fait objectif qu’une fraude a été commise, même si celle-ci émanerait d’un tiers à
l’insu du bénéficiaire.
Section 1. La conception subjective
En l’état actuel du droit, il est virtuellement impossible de prétendre que le bénéficiaire lui-
même prépare tous les documents nécessaires à l’ouverture de crédit. De nombreux
documents sont préparés par les intermédiaires du commerce. Quel que soit le soin qu’il y
apporte, rien ne semble cependant justifier la transposition à l’institution du crédit
documentaire de l’argumentation selon laquelle la maxime fraus omnia corrumpit ne trouve
son application qu’à l’égard de l’auteur de la fraude ou de son complice. Par conséquent, elle
serait, dans cette optique, inopérante vis-à-vis d’un tiers de bonne foi.
L’introduction de l’élément intentionnel dans la fraude documentaire est vivement
revendiquée par une partie de la doctrine. En effet, d’après certains auteurs, le recours à la
notion « intentionnelle » dans l’établissement de la fraude documentaire est de nature à
remédier l’injustice subie par le bénéficiaire de bonne foi92. Ainsi, le banquier est-il invité à
faire une distinction entre la fraude pratiquée par le bénéficiaire et celle établie à son insu. 92 M. VAN DER HAEGEN, « Le principe de l’inopposabilité des exceptions dans le crédit documentaire irrévocable », RDAI, N°7, 1986, pp. 721 et ss. ; N. G. KANE, « L’incidence d’une clause de paiement par crédit documentaire sur la situation des parties à une vente internationale des marchandises », Thèse, Université Robert Schuman, octobre 1990, p. 436-439
41
Cette tâche ne peut donner que des résultats insatisfaisants. Il est notamment vrai que la
certitude commerciale exige une base plus rationnelle pour la détermination des situations où
la banque peut valablement refuser d’honorer un crédit.
Cependant, cet élément intentionnel a été posé comme principe pour la première fois, semble-
t-il, dans un arrêt belge de la Cour d’appel d’Anvers en date du 23 septembre 198193. En
l’espece, un crédit confirmé par une banque belge, payable à 180 jours de la date du
connaissement, a été ouvert par une banque de Dubaï. Les faux connaissements attestaient
deux embarquements qui ne correspondaient pas à la réalité puisque le commissionnaire-
expéditeur a antidaté les connaissements pour que ceux-ci soient conformes aux conditions du
crédit. La Cour d’appel refusant de tenir compte de l’inauthenticité des connaissements
maritimes a estimé que « rien ne permettait d’établir que la fraude avait été commise par les
vendeurs ».
La jurisprudence anglaise semble aller dans la même direction. Succombant à l’attraction et à
l’originalité de cette argumentation, le juge anglais l’a consacrée dans le célèbre arrêt
UNITED CITY MERCHANTS contre ROYAL BANK OF CANADA, également connu sous le
nom de AMERICAN ACCORD94. Dans cette espèce, déjà citée, l’agent du transporteur,
conscient des termes du crédit, avait altéré la date du connaissement de façon déloyale et
frauduleuse. La ROYAL BANK OF CANADA, qui a eu connaissance du comportement
frauduleux du transporteur, a alors refusé le paiement au bénéficiaire.
La Cour commerciale de la « Queen’s Bench Division » ne fut pas de l’avis de la banque. Le
juge MOCATTA déclara que « l’on ne peut soutenir, sur le fondement d’un terme implicite
ou d’une garantie… que celui qui présente les documents dans le cadre d’un crédit
documentaire garantisse leur exactitude »95. Insistant sur cette idée, le juge estima que l’acte
frauduleux de l’agent du transporteur ne pourrait être mis à la charge du bénéficiaire qui de
bonne foi a cru présenter des documents conformes. Il a ainsi décidé qu’il n’y avait pas de
fraude du bénéficiaire car il n’avait pas eu connaissance du fait que « la date du
connaissement maritime était fausse lorsqu’il a présenté les documents ». 93 CA Anvers, 23 sept. 1981, cité par Claude Martin, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, p. 386 94 Chambre de Lords, 20 mai 1982, UNITED CITY MERCHANTS LTD c/ ROYAL BANK OF CANADA, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 204-206 95 Id. Ibid: “There is no plea either by way of an implied term or by way of warranty... that the presenter of documents under a letter of credit warrants their accurancy”.
42
Cette décision, annulée dans un premier temps par la Cour d’appel, fut approuvée à la
« Chambre des Lords ». Le Lord DIPLOCK en effet, déclara qu’une distinction s’imposait
lorsque des « documents apparemment conformes contiennent en fait une fausse déclaration,
dont le vendeur n’a pas connaissance, lorsque l’inexactitude est due à l’inadvertance de
l’auteur du document et lorsque cette même inexactitude a été introduite par l’auteur du
document avec l’intention de tromper, entre autres, le vendeur/bénéficiaire lui-même »96. Il en
a déduit, en termes particulièrement nets, que le banquier ne peut refuser d’effectuer le
paiement que dans la mesure où le bénéficiaire a eu connaissance de l’existence d’une fraude
documentaire97.
De façon générale le raisonnement de Lord DIPLOCK de la « Chambre des Lords » suscite la
plus grande réserve. Son interprétation a été l’objet de vives critiques98. Selon le Doyen
STOUFFLET « elle n’est pas compatible avec la prééminence absolue accordée dans le
crédit documentaire aux documents dans leur aspect formel. Il n’y a pas de place dans cette
opération pour les analyses d’intention. La fraude, c’est le défaut de sincérité d’un document
quelle qu’en soit la cause. Seul compte le fait »99. En outre, M. ELLINGER, approuvant
l’arrêt de la Cour d’appel, a relevé qu’il n’existe pas de justification commerciale pour
accepter que le risque de fraude commise par un tiers doit être supporté plus par la banque ou
son client que par le bénéficiaire. Il ajoute également qu’il n’est pas réaliste, ajoute-t-il, de
présumer que la promesse de la banque dans la lettre de crédit s’étend jusqu’au point de payer
contre des documents viciés par une fraude100.
96 Id. ibid : “apparently conforming documents that, unknown to the seller, in fact contain a statement of fact that is inaccurate where the inaccurancy was due to inadvertance by the maker of the document, and the like where the same inaccurancy had been inserted by the maker of the document with intent to deceive, among others, the seller/beneficiary himself”. 97 Dans ce sens au Canada, v. Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, BANQUE DE LA NOUVELLE-ECOSSE c/ ANGELICA-WHITEWEAR LTD et ANGELICA CORPORATION, D., 1988, 17ème cahier, som. com., p. 186- 188, obs. M. VASSEUR : « l’exception de fraude ne devrait pas viser la fraude d’un tiers, dont le bénéficiaire est innocent ». 98 C. MARTIN, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, pp. 386 et s. ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 108 99 J. STOUFFLET, note sous CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, D., 1986, jurispr., p. 200 100 “There appears to be no commercial justification for assuming that risk of this supplier’s fraud or forgery is to be borne by the bank (or by its client) rather than the beneficiary. Moreover, from a legal conceptual point of view it appears unrealistic to suggest that the bank’s promise extends to the making of payment against documents which are vitiated by forgery or by fraud.”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 206
43
D’ailleurs, une telle interprétation mérite d’être écartée sous peine de rendre l’intervention des
banques dans une opération de crédit documentaire peu viable. Outre qu’on ne voit pas
comment une intervention frauduleuse pourra être établie autrement que par une référence à la
qualité de l’exécution du bénéficiaire, c’est-à-dire de ses documents, cette construction tend à
contraindre la banque à une enquête sur l’auteur de la fraude. Si l’allégation d’une intention
frauduleuse est facile, sa preuve est néanmoins difficile. Le doute qui en résulte oblige ainsi le
banquier à régler des documents dont il connaît la fraude, pour la simple raison qu’il est
incapable de démontrer, en temps utile, que le bénéficiaire en était conscient.
Une banque appelée à vérifier la conformité d’un document n’a pas, en somme, à s’étendre
sur l’état d’esprit de son bénéficiaire. Au lieu de s’intéresser au comportement moral du
bénéficiaire, il lui appartient de concentrer son analyse sur la valeur de ses documents. Elle
n’est tenue vis-à-vis de ce dernier qu’aux termes de la lettre de crédit. Le bénéficiaire qui ne
les remplit pas n’a, fondamentalement, aucun droit à se faire payer. Soutenir le contraire
reviendrait à décharger le bénéficiaire, au mépris des intérêts légitimes des autres parties, des
responsabilités qu’il a pu assumer.
Pour ces raisons, la conception subjective s’avère lourde de conséquences pour le donneur
d’ordre qui devra, conformément à celle-ci, accepter seul les risques inhérents à tout contrat
commercial, y compris celui de s’être adressé à un vendeur qui a mal choisi son transitaire. Il
faut donc examiner, à present, une conception plus conforme à l’esprit et à la lettre du crédit
documentaire.
Section 2. La conception objective
Contrairement à la conception subjective, la conception objective paraît plus en harmonie
avec le crédit documentaire, dans la mesure où elle est formaliste et qu’elle prévaut lors de
l’examen des documents. Ladite conception a reçu les suffrages de la doctrine française tandis
que la jurisprudence française ne s’est pas encore prononcée clairement sur la question.
Toutefois le cas où le donneur d’ordre est l’auteur d’une fraude envers la banque émettrice
semble bien différent. Dans cette hypothèse, la fraude commise par le donneur d’ordre ne doit
pas être prise en considération.
44
§1. Le rejet de l’argument de la bonne foi du bénéficiaire
Le principe de la bonne foi, sous-jacent dans les règles du droit commun, ne saurait être
considéré comme juste lors d’une présentation des documents entachées d’une fraude, malgré
la méconnaissance alléguée, voire prouvée, qu’en aurait le bénéficiaire. En effet, la fraude est
incompatible psychologiquement et juridiquement avec la bonne foi dans l’exécution des
actes juridiques. La véritable bonne foi du bénéficiaire est, en réalité, ailleurs. Elle réside en
effet dans sa conduite-même.
L’appréciation de la légitime ignorance du bénéficiaire exige en effet un jugement de son
comportement. Cette conception subjective se heurte à la conception objective et formaliste
qui doit prévaloir lors de la vérification documentaire. En effet, l’article 15 des RUU dispose
que la banque n’assume aucune responsabilité quant à la bonne foi de l’expéditeur,
transporteur ou assureur ou de toute autre personne que ce soit. D’après MM. MATTOUT et
PRUM, il paraît douteux que la jurisprudence française « accepte de considérer que la fraude
perpétrée à l’insu du bénéficiaire innocent soit sans effet sur le déroulement du crédit. Juger
le contraire reviendrait notamment à imposer à la banque chargée de vérifier les documents
d’enquêter sur l’auteur de la fraude ! »101. Ce serait, sans aucun doute, une erreur que de
vouloir insister sur le fait que la méconnaissance du bénéficiaire suffit pour détruire le
mécanisme frauduleux. D’ailleurs, une telle interprétation encouragerait, certainement,
les « complots » de fraude documentaire, dont la preuve serait le plus souvent très difficile à
rapporter. Par ailleurs, le bénéficiaire imprudent pourrait toujours invoquer son ignorance.
Le rejet des documents frauduleux est, en effet, d’une importance vitale pour le banquier car
la sécurité de son gage sur les marchandises risque fortement d’en être compromise102. C’est
pourquoi la Cour d’appel anglaise dans l’affaire UNITED CITY MERCHANTS LTD contre
ROYAL BANK OF CANADA, reconnaissant l’autorité du principe selon lequel le banquier est
tenu de payer le bénéficiaire au vu de documents conformes aux termes de la lettre de crédit,
a, sans ambiguïté, mis en évidence que le fait que les documents soient inexactes quant à un
point d’importance ou inexactes quant à la connaissance de leur auteur ou celle du
101 J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », op. cit., p. 108 102 Cette institution est dotée d’une conception documentaire qui procure au banquier une garantie résultant du mécanisme de l’opération. La doctrine classique du crédit est unanime sur le droit de gage du banquier sur les documents.
45
bénéficiaire, importe peu car le banquier est alors « libéré de son obligation de payer ». Ainsi,
comme l’a estimé le L. J. ACKNER « c’est le caractère du document, et non son origine qui
doit décider de sa conformité, ou non-conformité ». Insistant sur la même idée, le L.J.
GRIFFITHS, le troisième juge, a complété ce raisonnement, en observant, que « l’identité du
fraudeur est indifférente. Seul le fait que les documents soient dépourvus de valeur importe
pour la banque »103. Il en a déduit excellemment, que « le droit de la banque à refuser le
paiement ne repose pas sur l’adage l’application de la maxime ‘fraus omnia corrumpit’ mais
sur l’obligation de la banque à payer uniquement sur la présentation de documents
authentiques et en accord avec les exigences de la lettre de crédit ».
En outre, le bénéficiaire du crédit est tenu, afin d’en obtenir la réalisation, de soumettre à
l’attention de son banquier des documents, conformes en apparence, authentiques et sincères
en substance. La banque ne peut aller au-delà de l’apparence. Aussi n’accepte-t-elle ce seuil
dans l’examen des documents que convaincue de l’authenticité sous-jacente que lui garantit,
implicitement mais certainement, son bénéficiaire. Cette solution est consacrée par l’article
5-111 (1) de l’UCC qui exclut expressément l’argument de la bonne foi du bénéficiaire. Ledit
article dispose ainsi que « le bénéficiaire garantit à toutes les parties intéressées, lors… d’une
demande en paiement, la conformité aux conditions nécessaires du crédit ». Même le
bénéficiaire « innocent » qui soumet des documents faux au banquier a clairement violé la
garantie prévue par cette disposition. Celle-ci réduit la garantie fournie par le bénéficiaire au
respect de ses obligations dans l’opération de crédit : la présentation de documents conformes.
En tout état de cause, une fraude documentaire, dont personne ne serait apparemment
responsable, ne saurait être placée ni à la charge du donneur d’ordre ni à celle du banquier.
Selon M. MATTOUT104, c’est en effet le bénéficiaire qui devra en assumer les conséquences
finales. C’est lui qui est directement responsable du choix du transitaire qu’il a mal choisi
(culpa in eligendo). On ne voit pas comment on pourrait, autrement, concevoir le crédibilité
des documents, si le bénéficiaire lui-même n’était pas tenu de détecter, lors de la remise des
documents par un tiers, avec lequel il entretient le plus souvent de longues relations d’affaires,
toute fraude qui pourrait entacher ces documents. Par ailleurs, il a le plus souvent l’avantage
d’entretenir ces relations dans son propre pays. Retenir dans ces circonstances, l’argument de 103 “The identity of the forger is immaterial. It is the fact that the documents are worthless that matters to the bank”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 204 104 Mattout Jean-Pierre, « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, p. 247, n° 302
46
la bonne foi lui permettrait notamment d’échapper aux responsabilités placées à sa charge
dans une transaction du commerce international.
§2. L’indifférence à la fraude du donneur d’ordre
Dans l’hypothèse où le donneur d’ordre commet une fraude envers le banquier émetteur, en
retirant la marchandise au moyen d’un autre jeu –forgé- de documents, on peut se demander si
on doit tenir compte d’une telle fraude. La Cour d’appel de Paris par une décision du 27
février 1992105 a donné une réponse négative à cette question. En l’espèce, la société PORT
FRANC, importatrice de vêtements, était cliente de la CAIXA GENERAL DE DEPOSITOS
(CGD), banque portugaise ayant une succursale à Paris. Dans le cadre de leurs relations, la
CGD avait ouvert des crédits documentaires, dont le bénéficiaire était un vendeur portugais, la
société CONFER. Il avait été convenu que, parmi les documents à présenter par le vendeur,
figureraient des lettres de voiture CMR et que la banque serait désignée comme destinataire
de l’expédition, sauf à ce que la société PORT FRANC, acheteur des marchandises, reçoive
notification de l’arrivée de celles-ci. La désignation de la banque comme destinataire
constituait à l’évidence pour elle une garantie prenant la forme d’un gage sur la marchandise
transportée. En effet, les marchandises ont fait l’objet d’un deuxième jeu de lettres de voiture
à l’occasion desquelles le destinataire mentionné n’était pas la banque, mais le transitaire de
l’acheteur, grâce à quoi celui-ci avait pris possession des marchandises. Ayant découvert la
fraude du bénéficiaire, la CGD a refusé de payer et a ensuite déposé une plainte pour faux,
usage de faux et détournement de gage.
La cour d’appel s’est prononcée, parmi d’autres questions, sur le refus de paiement opposé
par la CGD. La fraude que celle-ci invoquait existait bel et bien, mais émanait non pas du
bénéficiaire mais du donneur d’ordre qui avait réussi à entrer en possession des marchandises
par fraude. La Cour a relevé que le fait que l’exportateur ait expédié les marchandises ayant
l’acceptation officielle du crédit documentaire ne constituait pas l’acceptation d’un risque de
sa part. En définitive, elle en a déduit que l’exception de la fraude ne pouvait pas être opposée
à la société vendeuse et elle a condamné la banque à payer cette dernière. Cette décision a été
105 CA Paris, 5ème ch. B, 27 févr. 1992, SOCIETE LA CAIXA GENERAL DE DEPOSITOS c/ SOCIETE FERREIRA SOUSA et MARCELINO LTD et autres : RD bancaire et bourse, juin-juill. 1992, p. 173-174, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD ; D., 1994, 4ème cahier, som. com., p. 27, obs. M. VASSEUR
47
entérinée par la Cour de Cassation106. Comme l’observe M. MATTOUT, l’indépendance du
rapport donneur d’ordre-banque émettrice ne permet donc pas de rejeter les documents
présentés par le bénéficiaire si ceux-ci présentent l’apparence de conformité, sauf à ce que le
bénéficiaire soit lui-même l’auteur ou le complice de la fraude107.
Le principe de fraude a été depuis longtemps admis par la jurisprudence en matière de crédit
documentaire. En effet, la fraude documentaire au-delà de son typologie doit se matérialiser
dans les documents afin d’être distinguée de la fraude dans le contrat commercial. D’ailleurs,
la nécessité de son caractère manifeste est incontestable tandis que l’identité de son auteur
semble indifférente. Après avoir analysé la fraude en tant qu’une limite au formalisme du
crédit documentaire, on peut maintenant étudier comment l’exception de la fraude est mise en
œuvre, autrement dit comment la fraude constitue une exception à l’autonomie du crédit
documentaire.
PARTIE II. La fraude documentaire : une exception à l’autonomie du crédit
documentaire
Le principe de l’autonomie du crédit documentaire a comme conséquence principale
l’inopposabilité des exceptions. Conformément à l’article 3 a des RUU « l’engagement d’une
banque de payer, d’accepter et de payer une ou plusieurs traites, ou de négocier et/ou de
s’acquitter de toute autre obligation en vertu du crédit, ne peut donner lieu à réclamations du
donneur d’ordre ou à l’invocation par ce dernier de moyens de défense fondés sur ses
relations avec la Banque émettrice ou le bénéficiaire ».
En effet, le caractère direct et autonome de l’engagement du banquier empêche celui-ci de
refuser le crédit documentaire en lui opposant les exceptions nées de la vente. Le banquier ne
peut donc opposer au bénéficiaire, ni de manière spontanée, ni à la demande du donneur
d’ordre, aucune exception tirée du contrat commercial. 106 Cass. com., 29 nov. 1994, SOCIETE LA CAIXA GERAL DE DEPOSITOS c/ SOCIETE FERREIRA SOUSA et MARCELINO LTD , RJDA, mars 1995, N° 318, p. 261-263 107 J.-P.Mattout, « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, n° 302, p. 247
48
La banque ne peut-elle résister à la demande d’exécution du crédit documentaire en invoquant
la nullité, l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat commercial. La solution s’étend
aux contrats annexes constatés par les documents.
La banque est également privée du droit d’opposer au bénéficiaire du crédit les exceptions
tirées de ses relations avec le donneur d’ordre. Il ne lui est pas permis de se prévaloir du
défaut de paiement des commissions qui lui sont dues ou de l’impossibilité d’être remboursée
du montant de crédit à raison du redressement judiciaire du donneur d’ordre.
Toutefois le principe d’autonomie cède en cas de fraude et autorise le banquier d’opposer une
exception tirée du contrat de base au bénéficiaire. En effet la fraude autorise à empêcher la
réalisation du crédit documentaire (TITRE I) et donne lieu à un contentieux après la
réalisation du crédit documentaire (TITRE II).
TITRE I. L’empêchement à la réalisation du crédit documentaire La fraude fait échec aux principes les plus établis en matière de crédit documentaire et sa
découverte en temps opportun permet d’empêcher la réalisation du crédit. En effet, la banque
peut de son initiative propre refuser de payer le bénéficiaire malhonnête si la fraude est
décelable au vu des documents ou si elle en a eu connaissance de quelque manière que ce soit.
En outre, le donneur d’ordre qui s’aperçoit d’une fraude dans les documents peut s’adresser
directement au banquier chargé de la réalisation du crédit pour empêcher le paiement
frauduleux (Chapitre I). Mais en même règle générale la banque hésite à rejeter les documents
frauduleux, afin de ne pas prendre partie à une dispute qui affecte le contrat entre le vendeur
et l’acheteur. Ainsi le donneur d’ordre, en vue de s’assurer de l’empêchement de la réalisation
du crédit, peut choisir de bloquer le mécanisme du crédit documentaire par le biais d’une
intervention judiciaire (Chapitre II).
49
Chapitre I. Le refus du paiement frauduleux
La fraude ne peut empêcher le paiement que si elle est découverte avant l’exécution de la
convention de crédit. Postérieurement, en effet, la banque émettrice doit couvrir la banque
intermédiaire qui a réalisé le crédit et peut se faire rembourser par le donneur d’ordre. La
banque qui paie au vu des documents présentant l’apparence de la conformité ne peut être
tenue pour responsable si par la suite une falsification est établie108. Le donneur d’ordre risque
alors de ne pas pouvoir recourir efficacement contre le fraudeur. Il est donc capital qu’il
puisse intervenir avant la réalisation du crédit, car seulement dans ce cas-là est-il possible de
s’opposer effectivement au paiement frauduleux par le banquier (Section 1). D’ailleurs, la
fraude légitime indiscutablement le refus du banquier de régler le montant du crédit tandis que
l’existence d’un devoir de refus à la charge de la banque est moins clair (Section 2). Section 1. La possibilité de refus du paiement frauduleux
La fraude ne peut être un obstacle au paiement que si elle est découverte avant la réalisation
du crédit documentaire. Pour que se réalise l’hypothèse envisagée ici, il faudra que l’acheteur
ait appris que les documents, apparemment conformes, sont en réalité irréguliers. Il en va de
même lorsque l’acheteur, entré en possession des marchandises avant le décaissement des
fonds par le banquier, a constaté que l’exécution du contrat commercial est entachée de
fraude. Ce dernier cas peut se présenter, s’agissant d’un crédit payable à vu, lorsque la
marchandise voyage par un moyen de transport rapide et il est de règle quand le crédit
documentaire est réalisable par paiement différé ou par acceptation. Le même effet est produit
si l’acheteur, quand le crédit autorise des expéditions partielles, s’aperçoit, en examinant le
premier lot de marchandises, que celles-ci ne sont pas conformes à des utilisations ultérieures
du crédit.
108 Art. 15 RUU : « Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à…la falsification … du/des document(s) ».
50
Le plus souvent, lorsque le crédit documentaire est payable contre documents, la fraude est
découverte après que le paiement ait été effectué conformément aux termes du crédit
documentaire. Dans ce cas-là, l’exception de la fraude n’est pas évidemment opposable.
Ainsi, le Tribunal de commerce de Paris a relevé par un jugement du 26 septembre 1990 109
que lorsque la banque émettrice d’un crédit documentaire procède au paiement au vu de
documents qu’elle a préalablement soumis au donneur d’ordre sans contestations ni réserves
de la part de ce dernier et qu’une fraude a été découverte postérieurement au règlement du
crédit à sa date d’exigibilité, la lettre de crédit irrévocable ne doit pas être annulée et la
banque ne doit pas être condamnée à en restituer le montant au donneur d’ordre. Ainsi, si la
fraude est découverte avant le terme de paiement stipulé au crédit documentaire et qu’aucun
paiement n’a été effectué, il n’y aura pas de grande difficulté pour faire échec au paiement.
La situation n’est pas si claire quand il s’agit d’un crédit réalisable à terme. A propos des
crédits réalisables par négociation, ceux-ci peuvent couvrir à la fois des paiements au
comptant ou à terme selon que la lettre de change ou le crédit, si des traites ne sont pas
prévues, sera stipulé à vue ou à terme. Cela suppose généralement la création d’un effet de
commerce, mais à la différence du crédit réalisable par acceptation, la réalisation par
négociation a pour effet d’intégrer l’opération d’escompte à l’intérieur même du champ du
crédit. Outre l’engagement de payer, ce type de crédit contient également l’engagement ferme
de la banque émettrice et de la banque confirmatrice d’escompter les effets tirés dans le cadre
du crédit110. D’ailleurs, les crédits réalisables par négociation peuvent être négociables dans
une seule banque (crédit direct/ straight credit) ou dans toutes les banques (lettre de crédit
circulaire). En effet, l’escompte de la traite par une banque autorisée vaut réalisation du crédit
lui-même. Aussi toute fraude découverte postérieurement à cette réalisation n’intervient-elle
qu’après le paiement du crédit, même si à cette date la traite n’était pas encore échue.
109 Trib. com. Paris, 26 sept. 1990, SOCIETE PAREXIM c/ BURTON HEDGE CORPORATION et autres, D., 1991, 26ème cahier, som. com., p. 224-225, obs. M. VASSEUR 110 Art. 9 RUU : a) « Un crédit irrévocable constitue pour la Banque émettrice, … un engagement ferme … si le crédit est réalisable par négociation, de payer sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi les traites tirées par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) conformément aux termes et conditions du crédit » et b) « la Banque confirmante doit … si le crédit est réalisable par négociation, négocier sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi, la ou les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) en vertu du crédit ».
51
C’est exactement ce que la Cour de Cassation a affirmé dans un arrêt du 23 octobre 1990111.
Dans cette affaire, un crédit documentaire réalisable par négociation a été mis en place à
l’occasion d’une vente internationale par un vendeur indonésien à un acheteur français, à la
demande de ce vendeur. Ce crédit, d’ordre de l’acheteur, a été ouvert par le CREDIT DU
NORD, la banque émettrice. En conséquence, le vendeur a tiré sur le CREDIT DU NORD, à
l’ordre de sa banque, une banque indonésienne, des traites à échéance de 180 jours de la date
d’embarquement des marchandises. Il s’agissait, donc, d’un crédit par négociation couvrant
l’hypothèse de paiement à terme. Comme on l’a déjà mentionné, une fraude avait été
commise par le vendeur. Lorsque l’acheteur s’en est aperçu, il a voulu faire défense au
CREDIT DU NORD d’honorer les traites sur lui. Le juge des référés a refusé de prononcer
une telle défense de paiement tandis que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé son
ordonnance par son arrêt du 28 janvier 1988112.
La question posée était de savoir si, antérieurement à la défense de payer, émanant de
l’acheteur français, les traites avaient été négociées et payées par la banque indonésienne. En
clair, le crédit documentaire avait-il été réalisé avant qu’intervienne la défense de payer ?
Apparemment, la banque indonésienne en a escompté et payé le montant que la banque
émettrice devait lui revenir. Ainsi, l’arrêt de la Cour d’appel s’avérait difficilement
compréhensible, lorsqu’il exigeait que les traites, même payées par la banque indonésienne,
aient été négociées par elle. Le paiement de ces traites par la banque indonésienne constituait
leur négociation. En négociant les lettres de change, la banque indonésienne avait réalisé le
crédit au moment où elle les avait payées. Dès lors, la défense de payer au motif de fraude
intervenue postérieurement à la réalisation du crédit s’avérait tardive.
La Cour d’appel avait donc, à tort, retenu l’efficacité de cette défense, au motif que celle-ci
avait été effectuée « avant la réalisation du crédit, soit avant l’échéance des traites ». Elle
avait ainsi mis en équation réalisation du crédit et paiement des traites à leur échéance par la
banque émettrice, puisque celles-ci avaient été tirées sur elle. Or, le crédit par négociation,
dont le mérite est de permettre au bénéficiaire d’obtenir l’escompte d’effets par hypothèse à
terme, avant leur échéance par une banque de son pays, se dénoue au moment de la
111 Cass. com., 23 oct. 1990, CREDIT DU NORD c/ SOCIETE STANDING MEUBLES et autres : JCP, 1991, N° 24, II, 21687, note M. VASSEUR ; JCP E, 1991, N°46, I, p. 474, n° 37, obs. J. STOUFFLET et C. GAVALDA ; JCP E, 1991, N° 32, II, N° 186, p. 199-200, note M. VASSEUR ; RJH, 1991, p. 1181-1184, note J. HESBERT 112CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 28 janv. 1988, SOCIETE STANDING MEUBLES c/ CREDIT DU NORD : D., 1989, 20ème cahier, som. com., p. 197, obs. M. VASSEUR
52
négociation. Ainsi, la Chambre commerciale a cassé l’arrêt de la Cour d’appel en relevant
qu’elle a à tort accueilli la défense de paiement car la réalisation du crédit, c’est-à-dire
l’escompte des traites par la banque indonésienne, est intervenue avant la découverte de la
fraude. De cette façon, la banque émettrice ne pouvait pas refuser d’honorer le crédit à raison
de fraude, puisque le crédit avait déjà été réalisé.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a raisonné comme si le crédit documentaire était
réalisable par paiement différé. Ce dernier correspond à une vente dont le paiement
s’effectuera au terme convenu dans l’accréditif. Les fonds ne sont exigibles qu’à l’expiration
d’un certain délai courant à compter de la remise des documents. La réalisation du crédit
différé n’intervient donc qu’au moment du paiement au terme différé convenu et non lors de
la remise de documents. Expressément prévu par les RUU113 et utilisé dans la pratique, ce
mode de réalisation aboutit à ne recevoir le paiement qu’après la réception des marchandises
par le donneur d’ordre. Dans la mesure où il laisse à l’acquéreur une certaine marge de temps
entre la réception de la marchandise et son paiement, il offre plus de tentation à ce dernier de
faire obstacle au paiement. Ainsi, si l’acquéreur a pu constater que cette marchandise ne lui
donnait pas satisfaction, il peut utiliser cette période pour la faire expertiser. Selon M.
SYNVET, « la seule chose vraie est qu’un effet de la stipulation de paiement différé, mais
non pas nécessairement sa finalité, est de permettre au donneur d’ordre de vérifier utilement
que les marchandises livrées correspondent aux énonciations des documents. Un tel résultat
n’a rien de choquant en soi »114. A l’évidence, le donneur d’ordre augmente considérablement
sa probabilité de découvrir une fraude éventuelle par rapport aux autres techniques du crédit
documentaire.
L’arrêt de la Cour de Cassation du 7 avril 1987115 démontre un tel cas de fraude dans un
crédit documentaire à paiement différé. En l’espèce, un crédit documentaire irrévocable a été 113 Art 9 a) RUU : « Un crédit irrévocable constitue pour la Banque émettrice… un engagement ferme… si le crédit est réalisable par paiement différé, de payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit » et b) « la Banque confirmante doit… si le crédit est réalisable par paiement différé, payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit ». 114 H. Synvet, « Droit financier international », DPCI, 1987, p. 708 115 Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD
53
ouvert le 26 janvier 1984 par une banque française sur ordre de son client importateur auprès
d’une banque belge confirmatrice du crédit pour une validité d’un mois. Le crédit était stipulé
payable à 90 jours de la levée de documents. La banque confirmatrice qui avait relevé des
irrégularités au moment de la présentation des documents en a informé son mandant. Ensuite,
le donneur d’ordre a renoncé à exiger un certificat de contrôle des marchandises au départ.
Finalement, la levée de documents a été autorisée le 7 février par la banque émettrice après
que la banque confirmatrice l’eût garanti être en possession de la lettre de voiture
internationale. La banque belge a payé le montant du crédit documentaire à paiement différé
au bénéficiaire le 14 février. Après le paiement, la banque belge a relevé et signalé une
nouvelle irrégularité concernant la dénomination des marchandises et la banque française a
réitéré son accord sans réserve de créditer le compte de la banque mandataire. Le donneur
d’ordre a constaté une fraude qui consistait, comme on l’a déjà soulevé, en le défaut de
sincérité des documents concernant la quantité des marchandises expédiées. A la suite de cette
constatation, le donneur d’ordre a demandé en référé au Tribunal de commerce de Paris qu’il
soit fait défense à la banque émettrice de créditer le compte de la banque belge. Le Tribunal
de commerce de Paris, par ordonnance de référé, a interdit le paiement du crédit
documentaire à l’échéance. La Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge des
référés le 30 avril 1985116.
La Cour de Cassation a admis que le donneur d’ordre peut vérifier la sincérité des documents
pendant le décalage entre la levée des documents et le paiement, ce qui l’autorise à s’opposer
au paiement, dès lors que la convention n’a pas encore été exécutée. Mais la découverte de la
fraude pour être efficace, doit permettre d’empêcher le paiement doit donc d’intervenir avant
l’exécution de la convention. Ceci est d’autant plus vrai que la convention de paiement différé
doit s’opérer au terme stipulé et non avant l’échéance. La Cour a relevé que l’exécution se
situe au moment du paiement. Peu importe que la remise des documents et le règlement ne
soient pas concomitants, la preuve de la fraude pendant ce laps de temps empêchera le
paiement. Comme l’a relevé également la Cour d’appel de Paris, le « paiement différé était de
nature à permettre au donneur d’ordre, en l’absence de contrôle des marchandises au départ,
116 CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR
54
de vérifier à l’arrivée si la livraison de ces marchandises correspondait aux documents remis
par le bénéficiaire à l’appui du crédit documentaire ».
En effet, dans l’hypothèse d’un crédit documentaire non différé, la situation se trouve fixée au
moment de la présentation des documents. Cependant, la jurisprudence admet que le donneur
d’ordre peut, dans le court laps de temps qui précède le versement des fonds au bénéficiaire,
faire obstacle à l’opération, s’il parvient à établir l’existence d’une fraude. La situation est
donc, en principe, exactement la même. Cependant, en pratique, le donneur d’ordre bénéficie
de beaucoup plus de facilités dans l’hypothèse d’un crédit différé. On doit toutefois prendre
garde que le délai prévu donne au donneur d’ordre le temps non pas de vérifier la
marchandise, ce qui serait inopérant, mais de découvrir la fraude et d’en établir la preuve,
temps que le crédit documentaire non différé ne lui laisse que rarement.
Section 2. Le devoir bancaire de refuser le paiement frauduleux
Sans doute le banquier est-il en droit de se prévaloir de la fraude prouvée. Personne ne saurait
lui dénier cette prérogative sans compromettre son image ou le priver, le cas échéant, de son
gage documentaire. Puisque les documents constituent la sécurité de la banque pour le
paiement, la banque a un intérêt direct de refuser le paiement frauduleux. La banque, en effet
ne souhaite pas posséder des documents sans valeur117. L’affirmation de ce principe est
d’autant plus primordiale que, souvent, les intérêts propres de la banque se voient occultés par
des pressions aussi contradictoires que gênantes d’un bénéficiaire poussant au paiement et
d’un donneur d’ordre faisant tout pour l’en empêcher. Plus simplement, un défaut de temps
peut contraindre le banquier à décliner l’avis de son client. Il en est a fortiori ainsi lorsque ce
dernier est en collusion frauduleuse avec le bénéficiaire.
Toujours est-il que la fraude évidente ouvre au banquier non seulement un droit mais aussi un
devoir propre à refuser le paiement. Dans la mesure où la fraude vicie les documents, le refus
de paiement ne peut plus être une simple faculté pour la banque. Selon M. Mattout, celle-ci
engagerait sa responsabilité si elle payait sciemment des documents frauduleux118. Par
117 E.-P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 210 118 J.-P. Mattout , « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, n° 303, p. 248
55
ailleurs, M. STOUFFLET observe que la banque a une obligation de refuser le paiement s’il
n’y a aucun doute à propos de l’existence d’une fraude au moment du paiement119. Les
banques ont, effectivement, le devoir général d’agir conformément aux intérêts de leurs
clients. En outre, s’il est unanimement admis que le banquier n’est pas autorisé à exécuter le
crédit dont l’un des documents serait non conforme à celui qui a été réclamé, il doit en aller, à
plus forte raison, de même lorsque ce document se relève frauduleux. Les banquiers qui y sont
inattentifs ne trouveront aucune parade dans la rigueur formelle du crédit. L’intelligence de
l’appréciation qu’implique le caractère raisonnable de la stricte conformité ne saurait être
éludée par la banque. Elle oblige ainsi au minimum de vigilance dont tout professionnel est
tenu de faire preuve.
La jurisprudence française semble aussi aller en général dans ce sens120. La Cour d’appel de
Colmar dans son arrêt, déjà cité, rendu le 14 juin 1985121 a ainsi énoncé que le banquier
chargé de réaliser le crédit, qui a été informé de la fraude, doit rejeter les documents et refuser
le paiement. En l’espèce, la banque confirmatrice (UBS), qui était en même temps la banque
du bénéficiaire, a payé celui-ci alors que plus d’un mois avant de payer, elle avait été
informée par la banque émettrice de l’existence d’une fraude, bien évidente. En réalité, la
banque confirmatrice n’avait poursuivi d’autre but que d’éteindre les dettes de sa cliente par
un jeu d’écriture, sauf à sacrifier les intérêts de la banque émettrice et du donneur d’ordre
qu’elle avait le devoir de sauvegarder. En effet, la Cour d’appel de Colmar, en lui refusant le
droit d’obtenir son remboursement de la banque émettrice, a jugé qu’elle avait commis une
faute qualifiée de lourde et qu’elle avait « manqué gravement aux obligations de vigilance et
de prudence qui s’imposait à elle ».
L’exemple du droit américain mérite, à ce titre, d’être dénoncé. Selon l’article 5-109(2) de
l’UCC122, la banque peut, en effet, payer les documents frauduleux, comme elle est en droit
119 J. STOUFFLET, “Fraud in the documentary credit, letter of credit and demand guaranty”, Dickinson Law Review, Summer 2001, p. 28 120 V. également CA Agen, 1ère ch., 27 juin 1988, GROUPEMENT ACHAT ACCESSOIRES c/ BANQUE POPULAIRE DU QUERCY ET DE L’AGENAIS, D., 1990, 22ème cahier, som. com., p. 179, obs. M. VASSEUR ; Trib. com. Paris, ch. vac., 23 juill. 1997, SOCIETE STM INTERNATIONALE c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS, Gaz. Pal., 1998 (2ème sem.), jurispr.- som. et notes, p. 423, n° 988 ; 121 CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, UNION DE BANQUES SUISSES c/ BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL et SOCIETE ANONYME PLATS CUISINES HUBSCH : D., 1986, IR, p. 218-219, obs. M. VASSEUR ; JCP, 1986, I, chron., n° 12, C. GAVALDA et J. STOUFFLET 122Art. 5-109 (2) UCC : “If a presentation is made that appears on its face strictly comply with the terms and conditions of the letter of credit, but a required document is forged or materially fraudulent... the issuer, acting in good faith, may honor or dishonour the presentation” . V. D.-H. Chae, “Letters of credit and the Uniform
56
de refuser de le faire. Elle n’y est, en aucun cas, obligée. Elle bénéficie d’une option, pour
autant qu’elle agit de bonne foi. L’équivoque de cette formule n’est pas à démontrer. Quoi de
plus contradictoire que de considérer de bonne foi la banque qui a pu, en connaissance de
cause, payer les documents frauduleux ?
Le principe auquel il faut sans cesse revenir est le fait que le banquier assume uniquement un
risque financier en émettant son crédit. Certes, il peut être influencé par l’importance de ses
relations avec le donneur d’ordre, comme il peut être sensible à sa réputation financière. Son
intérêt est, cependant, celui de remplir, quelles que soient les circonstances, les termes de son
engagement. Tant que le discernement qu’on lui demande reste à l’intérieur de cette limite, il
n’a aucune raison de s’en plaindre. De deux choses l’une : ou bien la banque refuse de payer,
éventualité plutôt rare, compte tenu de la difficulté d’établir le fraude. En agissant néanmoins
ainsi, le banquier prend un risque qu’il doit apprécier lui-même en toute liberté. On
comprendra, en conséquence, qu’il soit tenu de répondre de son initiative au bénéficiaire si
ces soupçons s’avèrent infondés ; ou bien, hypothèse plus courante, la banque consent au
paiement de documents dont la fraude sera démontrée. Il est vrai que la banque sera tenue de
rembourser son client mais sa sécurité n’en sera pas pour autant ébranlée. Elle pourra agir
contre le bénéficiaire frauduleux pour récupérer ses débours.
Chapitre II. Le blocage du crédit documentaire par intervention judiciaire
Le banquier soucieux de son image de marque conteste rarement le droit du bénéficiaire au
paiement. Le plus souvent, c’est le donneur d’ordre qui en éprouve le besoin. Etant
évidemment bien placé pour savoir si la demande en paiement est ou non frauduleuse, il est
normal qu’il soit mieux informé que son banquier des exceptions susceptibles d’être opposées
à son co-contractant. Ces exceptions ne devraient, normalement, soulever aucun problème si
elles se limitent à mettre la banque en mesure de s’abstenir de payer. Il n’en est
malheureusement qu’exceptionnellement ainsi. De plus en plus, on voit des donneurs d’ordre
avides d’empêcher l’exécution de leurs banquiers. Pour cette raison, le donneur d’ordre, afin
Customs and Practice for documentary credits: The negotiating bank and the fraud rule in Korea Supreme Court case”, Florida Journal of International Law, Spring 1998
57
d’avoir plus de certitude préfère généralement s’adresser au juge des référés pour obtenir une
ordonnance d’interdiction de paiement (Section 1). D’ailleurs, l’éventualité d’une saisie
pratiquée par celui-ci est également envisageable (Section 2).
Section 1. L’interdiction de paiement frauduleux
En pratique, si le donneur d’ordre a découvert l’existence d’une fraude et qu’il est en mesure
de la prouver, il peut demander du juge des référés une mesure conservatoire de blocage de
crédit. La jurisprudence française admet le pouvoir du juge des référés d’interdire le paiement
du crédit lorsqu’une fraude est mise en évidence. En outre, l’article 20 de la Convention des
Nations Unies permet aux parties aux lettres de crédit stand-by, aux demandes de garantie et
aux crédits documentaires de solliciter du juge qu’il prenne des mesures provisoires. De
même, la section 5-109 (b) de l’UCC123 dispose qu’en cas de fraude, le juge compétent peut
ordonner à la banque émettrice de ne pas honorer le crédit. Toutefois, les conditions d’une
telle ordonnance sont assez exigeantes et la preuve irréfutable doit être apportée par le
donneur d’ordre124.
Bien qu’accueillie favorablement par la jurisprudence, cette « intrusion » judiciaire dans le
crédit éveille la réserve d’une partie considérable de la doctrine. Selon les partisans de cette
position, l’intervention judiciaire apparaît à la fois inutile et inexacte. Comme l’a déjà
remarqué le Doyen STOUFFLET « l’intervention du juge n’est pas [toutefois]
indispensable »125. Le donneur d’ordre peut donc très bien s’en passer. La garantie de la
sincérité des documents à laquelle est tenu le bénéficiaire constitue pour le donneur d’ordre
un substitut sérieux. Il a l’avantage d’être un remède efficace sans être réduit aux
inconvénients d’une étape judiciaire intermédiaire. Mieux, l’utilité du juge des référés se
perçoit assez mal dans le domaine de la fraude documentaire. Il va sans dire que la lettre de 123 Art. 5, section 5-109(b) UCC : “If an applicant claims that a required document is forged or materially fraudulent… a court may temporarely or permanentely enjoin the issuer from honoring a presentation or grant similar relief against the issuer or other persons (...)”. 124 Art. 5, section 5-109(b)-4: “on the basis of the information submitted to the court, the applicant is more likely than not to succeed under its claim of forgery or material fraud and the person demanding honor does not qualify for protection under subsection (a)(1)”. V. D.-H. CHAE, “Letters of credit and the Uniform Customs and Practice for documentary credits: The negotiating bank and the fraud rule in Korea Supreme Court case”, Florida Journal of International Law, Spring 1998 125 V. J. STOUFFLET, note sous CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, D., 1986, jurispr., n° 19, p. 200
58
crédit ne peut s’offrir les moyens de l’investigation que supposerait la démonstration d’une
fraude. En effet, la responsabilité du banquier se limite aux contours, à la fois fermes et
objectifs, de la fraude évidente. Il doit en être de même pour le juge des référés. Comme le
banquier, le juge « d’urgence » n’est admis à accorder ses mesures qu’au vu d’une fraude
établie de manière définitive et incontestable. Même la jurisprudence, qui reconnaît la
possibilité de ce recours, en soumet l’application à l’observation de cette condition, qui est
l’existence d’une fraude manifeste126. Il serait, en effet, inquiétant d’accepter l’idée qu’une
mesure provisoire puisse paralyser la réalisation du crédit pour des raisons autres que celles
qui auraient permis à la banque de le faire. Cette restriction n’est pas liée aux limites
apportées par la loi à la compétence du juge des référés. Au contraire, elle est inhérente à la
nature de la lettre de crédit : il ne peut y avoir d’interdiction de payer que dans le respect de la
fonction documentaire.
Or, une telle exigence équivaudrait à l’exclusion des mesures conservatoires. Elle semble
faire double emploi avec celle que la banque est appelée à observer. Donc, force est de
constater que le donneur d’ordre ne peut que se résoudre à l’évidence. Que ce soit par le
truchement du banquier qui examine des documents ou par le biais du juge des référés, sa
demande de paiement ne saurait échapper au crible du seul critère applicable : la conformité
raisonnable. En revanche, le donneur d’ordre ne subit aucune perte légitime du moment qu’il
aura toujours la possibilité de mettre en cause l’appréciation de sa banque s’il n’en est pas
satisfait. Non seulement il disposera d’un débiteur parfaitement solvable mais aussi de
quelqu’un qu’il pourra attraire devant ses juridictions nationales. Sans doute peut-il éprouver
un problème de trésorerie durant ce procès, une fois celui-ci engagé. Sa volonté d’échapper au
poids du débit de son compte par la banque, dans ce dernier cas, ne doit pas cependant être
découragée. Il s’agit d’un risque qu’il a accepté en tout connaissance de cause. En reporter la
charge sur son banquier reviendrait, à la fois à déplacer indûment les responsabilités qu’il a pu 126 V. dans ce sens CA Aix-en-Provence, 14 nov. 1986 : J-Cl., Banque-Crédit-Bourse, Fasc. 1080, n° 155, p. 23, Encyclopédie Dalloz , Commercial, Tome III, n° 114, p. 11 ; Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE, JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET, JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR, Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE, RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD ; CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres et SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autre : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET, Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR
59
assumer et à aller à l’encontre du régime juridique du juge des référés. De plus, s’il apparaît
après, que le juge des référés ait fait défense de payer, le banquier qui a reçu les documents
auxquels le paiement était subordonné et le donneur d’ordre délivrent une attestation de
conformité, le banquier peut alors payer sans engager sa responsabilité127.
D’ailleurs, la pratique du référé est soumise à des conditions dont le respect commande le
succès. Sous des formules à peine différentes, les divers systèmes juridiques s’accordent sur la
nécessité de préserver un dommage imminent pour prescrire une mesure conservatoire.
L’observation de ce critère, déjà stricte en droit commun, est loin d’être évidente en matière
de crédit. En effet, le juge des référés décide souverainement, selon les circonstances de
chaque espèce, et en fonction du degré de gravité du préjudice subi par le donneur d’ordre ; il
faut donc admettre que ce critère n’est applicable que d’une façon indépendante de la
condition personnelle de celui qui en fournit la demande. Or, un tel résultat, s’il devait
prévaloir, constituerait une entorse inadmissible à l’efficacité de la lettre de crédit. D’après ce
que M. VASSEUR constate, si le débit du compte susceptible d’être exercé par la banque peut
être présenté comme un dommage imminent de nature à justifier la mesure conservatoire,
n’importe quelle lettre de crédit est menacée de se trouver bloquée128.
C’est effectivement un risque de cette nature que la Cour d’appel de Paris a voulu éviter dans
son arrêt du 3 décembre 1984129. Une entreprise française avait, en l’espèce, ouvert un
chantier de construction d’une route en Libye. Les douanes libyennes subordonnèrent
l’autorisation d’importation temporaire du matériel nécessaire à la fourniture par une banque
libyenne de garanties indépendantes, contre-garanties par une banque française. La banque
libyenne appela ces contre-garanties. L’entreprise française assigna en référé. Le juge des
référés rendit une ordonnance refusant de faire défense à la banque de payer, mais la
constituant séquestre de la somme. Dès le lendemain, la banque française avait payé la contre-
garantie libyenne. La Cour d’appel lui avait donné gain de cause. Elle a particulièrement
observé que « le transfert en Libye des sommes correspondant au montant des contre-
garanties ne pouvait être pertinemment tenu pour un dommage imminent au sens de l’article
127 Cass. com., 30 juin 1998, SOCIETE SPORTMATIC c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS , RJDA, nov. 1998, N° 1283, p. 959-960 128 V. Référence n° 179 citée par K. KAWAN dans « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI, N°6, 1991, n° 43, p. 822 129 CA Paris, 3 déc. 1984, arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », op. cit., n° 44, p. 822-823
60
873 du nouveau Code des procédure civile »130. L’engagement du donneur d’ordre, ainsi que
l’action dont il dispose en tout état de cause à l’encontre de sa banque, excluent toute
possibilité d’un dommage imminent, si bien qu’on arrivera à ce résultat parfaitement
concevable que le donneur d’ordre ne puisse jamais obtenir, sur ce fondement, une
interdiction de payer.
Au demeurant, les limites dans lesquelles le contrôle du juge des référés est enfermé heurtent,
de par leur nature même, la conception documentaire de la fraude. Alors que celle-ci suppose,
pour son admission, une preuve évidente, la vérité devant le juge des référés se contente de la
vraisemblance. Il suffit qu’elle ait une certaine dose de certitude : la probabilité. La
contestation sérieuse est le principe et la mesure de la compétence du référé. L’exigence de la
preuve « évidente » n’y trouve aucune place. En tout état de cause, une fraude, même
évidente, est incapable de rendre admissible une interdiction de payer provoquée par le
donneur d’ordre. Celle-ci ne peut que méconnaître l’autonomie de l’engagement bancaire par
rapport aux contrats sous-jacents. La banque émettrice s’oblige personnellement, en son nom,
envers le bénéficiaire. On ne voit pas, dès lors, en quelle qualité le donneur d’ordre pourrait
empêcher l’exécution d’un contrat auquel il est étranger. Ce serait une atteinte inacceptable
aux droits d’un tiers que de le soutenir.
En revanche, une autre partie de la doctrine semble favorable à une telle interdiction
judiciaire. M. ELLINGER131 remarque ainsi qu’une injonction du juge des référés obligeant la
banque de ne pas honorer son engagement irrévocable n’entraîne pas cette dernière dans une
dispute entre les autres parties. En réalité, la banque demeure une partie nominale à une telle
situation. A cet égard, il est difficile de voir comment une interdiction judiciaire pourrait nuire
à la réputation du banquier. En autre, l’argument conformément auquel les commerçants
assument le risque de fraude dans une opération avait un mérite limité. En effet, un des
objectifs du crédit documentaire est de sauvegarder l’acheteur d’une situation dans laquelle il
serait obligé de payer sans avoir obtenu les marchandises prévues dans le contrat de base. Il
serait donc injuste de prétendre que l’acheteur doit résoudre toute dispute de tel type avec le
vendeur, indépendamment des difficultés qu’il devra confronter. Ensuite, la règle, selon
130K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », op. cit. n° 44, p.823 131 V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 212-213
61
laquelle l’interdiction de paiement est accordée seulement en cas de fraude évidente et connue
par la banque, n’est pas vraiment persuasive. L’objet de ladite règle est de prévenir les
allégations injustifiées chaque fois que l’acheteur découvre ou soupçonne que la marchandise
ne correspond pas aux termes du contrat de vente. Toutefois une interdiction judiciaire doit
être accordée seulement à la condition que les dépenses du procès soient à la charge de
l’acheteur. Par conséquent, l’acheteur y réfléchirait à deux fois, avant d’accuser le vendeur de
fraude.
Section 2. L’éventualité d’une saisie
La possibilité d’une saisie pratiquée par le donneur d’ordre se présente lorsque le donneur
d’ordre pense que la marchandise attendue ou déjà reçue n’est pas celle prévue au contrat
commercial mais que les documents étant conformes, le banquier procédera tout de même au
règlement. Celui - ci est alors tenté de considérer que le produit du crédit documentaire assure
son gage132 et qu’il a une créance découlant de l’inexécution du contrat commercial
« paraissant fondée dans son principe »133.
Longtemps ces arguments ont paru déterminants et les tribunaux autorisaient la saisie après
avoir vérifié que les conditions en étaient remplies, sans distinction particulière tenant au fait
qu’il s’agissait d’un crédit documentaire. Mais la Cour de Cassation, dans un arrêt remarqué
en date du 14 octobre 1981134, a radicalement mis en terme à cette possibilité en estimant, à
juste titre, que la saisie du donneur d’ordre était contraire à l’irrévocabilité ouverte à la
demande du même donneur d’ordre. D’ailleurs, le moyen choisi pour la révocation paraît
indifférent. La Cour de Cassation a estimé que l’irrévocabilité convenue entre le donneur
d’ordre et le bénéficiaire entraîne indisponibilité de la créance et partant renonciation
irrévocable pour le donneur d’ordre à pratiquer saisie, fût-ce pour une créance « étrangère à
l’exécution du contrat de base »135. S’il en est ainsi, c’est parce que cette créance résulte du
132 Art. 2092-2 C. civ. 133 Art. 48 NCPC 134Cass. com., 14 oct. 1981, SOCIETE ANONYME DISCOUNT BANK c/ TEBOUL : D., 1982, 20ème cahier, jurispr., p. 301-305, note M. VASSEUR 135 Cass. com., 18 mars 1986, S.A.R.L ANDRE BISCH c/ SOCIETE FACON DEUTSCHLAND GMBH et SOCIETE FACON DEUTSCHLAND GMBH. c/ SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT, BANQUE NATIONALE DE PARIS, DEUTSCHE BANK et, BANK FUR GEMEINWIRTSCHAFT : D., 1986, jurispr., p. 374-380, note M. VASSEUR ; Banque, N° 462, juin 1986, p. 610-611, obs. J.-L. RIVES-LANGE
62
contrat de base par lequel ces parties ont convenu de l’irrévocabilité du crédit documentaire :
admettre que le donneur d’ordre puisse pratiquer une saisie reviendrait à l’autoriser à renier
ses engagements136. L’apport de ce revirement de la jurisprudence est de considérer qu’en
payant, malgré la saisie, la banque n’est pas ipso facto responsable ; encore faut-il que son
paiement ait entraîné un préjudice pour le donneur d’ordre saisissant, ce qui ne sera le cas que
dans l’hypothèse où la saisie intervient dans le cadre d’une fraude.
En fait, la saisie-attribution137 peut être un autre moyen de blocage par intervention judiciaire
pour lequel le donneur d’ordre peut opter. Libérée, d’une part, des conditions procédurales
auxquelles le référé est soumis et jouissant, d’autre part, d’une certitude dont ce dernier peut
se prévaloir, elle semble présenter un intérêt certain. Les solutions adoptées par la
jurisprudence à propos du droit du donneur d’ordre de saisir doivent être écartées en cas de
fraude, qui fait exception à toutes les règles, y compris celle de la force obligatoire des
contrats. Encore faut-il savoir de quelle fraude il s’agit. L’hypothèse de la présentation de
documents faux ou falsifiés ne pose pas de difficultés, puisque l’existence même de la créance
du bénéficiaire dépend de la présentation de documents sincères. En revanche, l’incidence de
la fraude du bénéficiaire qui consisterait à réclamer le crédit après avoir envoyé des
marchandises non conformes, serait plus problématique.
En pratique, le problème de savoir si une saisie est valable est surtout celui du juge. Celui du
banquier tiers est plutôt de savoir quel comportement adopter face à l’autorisation judiciaire
d’une saisie, dont il aurait des raisons de penser qu’elle est infondée. En effet, sa
responsabilité risque d’être recherchée, soit par le donneur d’ordre s’il passe outre la saisie,
soit par le bénéficiaire, s’il ne réalise pas le crédit promis.
Du côté du bénéficiaire, le banquier ne paraît pas engager sa responsabilité en refusant de
réaliser le crédit, alors même que la saisie serait manifestement irrégulière, car la décision du
136 V. dans ce sens, Cass. com., 18 oct. 1988, BANK FUR GEMEINWIRTSCHAFT c/ SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT et autres : D, 1989, 20ème cahier, som. com., p. 195, obs. M. VASSEUR ; Cass. com., 7 oct. 1987, SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT c/ ETABLISSEMENTS DAHAN : RHJ, 1989, p. 585-587, note J. HESBERT ; JCP, 1987, N°7, II, 20928, note J. STOUFFLET 137 La saisie-attribution est une saisie mobilière exécutoire crée en remplacement de la saisie-arrêt (Loi 9 juill. 1991, art. 42 s.), qui permet à tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, de saisir entre les mains d’un tiers les créances de somme d’argent de son débiteur, afin d’obtenir paiement de la sienne, ainsi nommée parce que l’acte de saisie emporte attribution immédiate au saisissant de la créance disponible saisie, à concurrence du montant de la saisie. V. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, 4ème éd., 2003
63
juge, même infondée, vaut au moins comme ordre d’une autorité légitime. Elle conserve une
force exécutoire que le banquier peut invoquer comme justificatif à l’égard de son créancier.
Du côté du donneur d’ordre saisissant, il est vrai que le banquier n’est pas juge de la validité
de la saisie. Il est vrai aussi que le respect qui est dû aux décisions de justice lui commande de
les respecter, sans s’interroger sur ce qu’elles valent au fonds. Mais il demeure que si le
banquier passe outre la saisie, la seule sanction qu’il encourt est que son paiement ne soit pas
déclaré valable à l’égard du donneur d’ordre, c’est-à-dire qu’il s’expose à payer une seconde
fois au donneur d’ordre au cas où la saisie serait validée. Le banquier agit donc à ses risques
et périls, mais le seul fait de ne pas respecter une saisie n’engage pas sa responsabilité envers
le donneur d’ordre138. Or, lorsque la saisie est levée, la banque doit payer immédiatement au
bénéficiaire le montant du crédit ; s’il ne le fait pas elle manque à son obligation de diligence
et commet donc une faute permettant d’engager sa responsabilité139.
TITRE II. Le contentieux découlant de la fraude
On va examiner tout d’abord quel est l’impact de la fraude au remboursement des banques
(Chapitre I) afin de s’occuper ensuite des recours que le donneur d’ordre dispose en cas de
fraude (Chapitre II).
Chapitre I. Le remboursement des banques Le crédit réalisé, le banquier intermédiaire a le droit au remboursement de même que le
banquier émetteur (Section 1). La banque intermédiaire peut jouer différents rôles de la
simple notification à la confirmation. Si elle a réalisé le crédit documentaire, la banque a droit
au remboursement de la banque émettrice, qu’elle ait confirmé ou non. Le fondement
juridique est, en l’absence de confirmation, le mandat unissant les banques entre elles ; si la
banque est confirmatrice, un tel fondement résultera du crédit à la banque émettrice que
138 Sur ces problèmes, v. Cass. com., 7 oct. 1987, SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT c/ ETABLISSEMENTS DAHAN : RHJ, 1989, p. 585-587, note J. HESBERT ; JCP, 1987, N°7, II, 20928, note J. STOUFFLET 139 V. CA Paris, 15ème ch. A, 25 juin 1986, SOCIETE FACON DEUTSCHLAND c/ BANQUE X. : D., 1987, 21ème cahier, som. com., p. 218, obs. M. VASSEUR
64
constitue la confirmation et du nécessaire droit à remboursement qui en découle. Le
remboursement est dû si les documents sont reconnus conformes par la banque émettrice et
par elle seule, à l’exclusion du donneur d’ordre140. D’ailleurs, le donneur d’ordre doit à la
banque émettrice le remboursement de toutes les sommes qu’elle a acquittées pour son
compte. Si cette dernière ne peut pas obtenir ledit remboursement, elle a un recours contre le
donneur d’ordre en cas de fraude de ce dernier (Section 2).
Section 1. Le remboursement de la banque intermédiaire
La banque intermédiaire, confirmatrice ou non, a agi en qualité de mandataire de la banque
émettrice et a droit au remboursement, par cette dernière des avances qu’elle a effectuées. Si
ce remboursement est conditionné au respect des diligences que toute banque doit avoir
lorsqu’elle est chargée de réaliser un crédit documentaire, il peut intervenir même en cas de
fraude, à condition toutefois que la découverte de la fraude soit postérieure à la réalisation
dudit crédit.
Le problème se pose en fait dans le cas du crédit à paiement différé lorsque la banque
intermédiaire a payé le donneur d’ordre par anticipation par rapport à la date prévue dans
l’accréditif. Dans cette hypothèse, la question fondamentale est celle de savoir si le paiement
anticipé est une simple avance faite par la banque au bénéficiaire en dehors de l’opération de
crédit documentaire ou s’il s’agit d’une véritable réalisation du crédit. En effet, dans ce cas-là,
la banque notificatrice, voire la banque confirmatrice, accepte de verser immédiatement un
montant sensiblement égal à celui du crédit documentaire à paiement différé. Le bénéficiaire
reçoit alors, sans attendre le terme fixé au crédit, une avance dont le débouclement sera
normalement assuré par le paiement du crédit à son échéance. Cette opération est à distinguer
de la réalisation du crédit ; elle n’est qu’une avance dont le débouclement est normalement
assuré par le paiement du crédit par la banque émettrice.
140 Art. 14- a : « Si la Banque émettrice autorise une autre banque à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter une/des traites ou à négocier contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, la Banque émettrice et la Banque confirmante, le cas échéant, sont obligatoirement tenues : i. de rembourser la Banque désignée qui a payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une/des traite(s) ou négocié, ii. de lever les documents »
65
Cela entraîne une double conséquence : d’une part, l’avance qui ne serait pas remboursée par
le débouclement du crédit à son terme devrait l’être par le bénéficiaire ; d’autre part, la
banque qui a ainsi fait l’avance ne peut s’appuyer sur l’article 14 a des RUU pour réclamer le
paiement de la banque émettrice. En cas de fraude découverte avant l’échéance du crédit, la
banque ayant avancé le paiement sera en pratique privée de la possibilité d’un remboursement
par réalisation du crédit. Même si la banque qui a réalisé l’avance est banque confirmatrice,
auquel cas elle a un engagement personnel envers le bénéficiaire et un droit direct au
remboursement, la situation ne pourra être plus nuancée si le défaut de remboursement par la
banque émettrice est dû à une fraude.
C’est exactement ce que la Cour de Cassation a jugé dans son arrêt de principe en date du
7 avril 1987141. En l’espèce, déjà invoquée, le crédit documentaire était réalisable, non par la
banque émettrice, mais par la banque confirmatrice qui en avait avancé le montant avant
l’expiration du délai de paiement. Cette dernière faisait valoir dans son pourvoi contre l’arrêt
de la Cour d’appel de Paris, rendu en matière de référé le 30 avril 1985142 que dès l’instant
que les documents étaient apparemment réguliers, le paiement réalisé même avant l’échéance
ne pouvait plus être remis en cause, malgré la découverte d’une fraude du bénéficiaire.
En l’occurrence, la Cour d’appel avait retenu qu’ « il résulte des écritures du Crédit Général
[banque confirmatrice] que celui-ci a pris l’initiative de procéder à l’escompte de ce crédit
documentaire, à la demande de son client bénéficiaire, dès le 14 février 1984… ; Considérant
qu’il appartient au seul juge du fonds d’apprécier les conséquences de l’escompte pratiqué
par le Crédit Général avant la date stipulée dans la convention liant cette banque avec la
B.N.P. [banque émettrice] pour le paiement du crédit documentaire ». En définitive, la Cour
de cassation a énoncé qu’en l’état de la seule constatation de fraude, « la Cour d’appel a pu
141 Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD 142 CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR
66
retenir que cette fraude autorisait le donneur d’ordre à s’opposer au paiement, dès lors que
la banque confirmatrice n’avait pas encore exécuté la convention de crédit documentaire ».
De la même façon, la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 28 mai 1985 143, a conclu que
la banque ayant anticipé le paiement du crédit « avait accordé à sa cliente des facilités de
trésorerie indépendantes des obligations nées du contrat de crédit documentaire ; que ce
faisant la banque a agi non en exécution dudit contrat, mais à des fins qui lui étaient propres
et sous sa seule responsabilité ».
En effet, la banque confirmatrice qui a connaissance d’une fraude doit refuser de payer mais,
si elle a déjà contrevenu à ses obligations en payant de façon anticipée, ceci est impossible.
Cette banque ne pourra donc que tenter de demander le remboursement à la banque émettrice
puisqu’elle sort de la convention et ne peut plus en invoquer les bénéfices. Les faits relevés
dans l’espèce, telles les irrégularités que la banque confirmatrice avait signalées, auraient dû
la sensibiliser aux risques de fraude, même si elle n’a pas l’obligation de la découvrir.
Les principes affirmés par l’arrêt n’ont pas été unanimement approuvés en doctrine. L’aspect
déterminant en faveur d’une analyse accordant le remboursement à la banque confirmatrice
consiste à mettre l’accent sur le fait que cette dernière avait levé des documents apparemment
conformes, ainsi que l’avait précisé la Cour d’appel de Paris le 30 avril 1985. La constatation
a été reprise par la Cour de Cassation qui a relevé que « les juges du fond ont constaté qu’un
examen attentif des documents produits ne pouvait pas permettre aux banques de déceler la
fraude ». La Cour l’a reconnu que a banque était de bonne foi, et qu’elle a apporté un soin
raisonnable à la vérification des documents, conformément à ses obligations découlant de
l’article 13 des RUU144.
143 CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autre : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR 144Art. 13 a : « Les banques doivent examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit ».
67
Selon M. Vasseur145, la terminologie de la haute Cour ne permet pas de conclure à un arrêt de
principe mais à un arrêt d’attente d’une solution au fond. En effet, la Cour spécifie qu’« en
l’état de cette seule constatation », la Cour d’appel a pu retenir que la fraude autorisait
l’opposition et sauvegardait les intérêts des parties en présence. La défense de payer, acceptée
par le juge des référés, serait donc purement conservatoire. La banque qui a payé par
anticipation aura droit au remboursement devant les juges du fond. Selon le même auteur,
l’indépendance absolue des obligations assumées par la banque émettrice et la banque
confirmatrice implique qu’elles soient entièrement libres de choisir le moment du paiement.
Sur invitation du bénéficiaire, la banque confirmatrice peut décider de se libérer avant le
terme stipulé dans l’accréditif. S’agissant d’une dette qui lui est propre, elle n’a d’autorisation
à demander ni au donneur d’ordre ni à la banque émettrice. En revanche, ceux-ci ont le droit
d’attendre l’échéance initiale avant de couvrir le paiement et ne pourraient alors s’y
soustraire, même en cas de fraude découverte avant l’échéance stipulée au crédit
documentaire.
Cependant l’argumentation ne saurait convaincre. En effet, l’indépendance des engagements
souscrits au profit du bénéficiaire laisse certainement toute liberté à la banque confirmatrice
de régler avant le terme. Mais la volonté d’autonomie des engagements bancaires ne
s’explique qu’à travers l’harmonie naturelle qui existe entre les relations nouées au sein de
l’opération du crédit documentaire. Ainsi, le respect scrupuleux des conditions littérales du
crédit et, en particulier, du terme de paiement, ne supporte aucune tolérance. L’initiative
d’avancer le montant du crédit avant l’échéance de l’accréditif demeure étrangère à
l’exécution du crédit documentaire. Peu importe que la banque confirmatrice, mise en
confiance par la régularité apparente de documents, ait cru, de bonne foi, réaliser la
convention. Dans le cadre du crédit, la bonne foi était opposable mais, bien que patente, elle
ne pouvait être retenue en l’espèce, parce que l’escompte a été pratiqué sous la seule
responsabilité de la banque confirmatrice. Il est donc équitable que ladite banque assume la
responsabilité de l’opération de crédit distincte à la quelle elle a consenti. En conséquence, la
bonne foi ne pouvait faire échec au principe « fraus omnia corrumpit », car la banque
émettrice et le donneur d’ordre étaient également victimes de la fraude sans avoir, quant à
eux, débordé du cadre de la convention.
145 V. M. VASSEUR, note sous Cass. com., 7 avril 1987, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403
68
La crainte de certains auteurs selon laquelle cette jurisprudence tuerait le crédit documentaire
à paiement différé ne semble pas justifiée. Mais le crédit documentaire à paiement différé
n’est pas un crédit de moins bonne qualité que les autres. Selon MM. MATTOUT et PRUM146
la banque confirmatrice qui a anticipé le paiement, comme celle qui l’a effectué
ponctuellement, a droit au remboursement de la banque émettrice, dès lors que toutes les
conditions du crédit ont été respectées. Dans la plupart des cas, il en sera ainsi. Seule
particularité du crédit à paiement différé : le versement anticipé du montant du crédit
documentaire ne constituant pas le paiement du crédit documentaire mais une opération
classique d’avance dont le dénouement est garanti par le paiement à bonne date du crédit, il
est soumis aux aléas, limités, de cette garantie, comme la fraude découverte avant le
paiement. Ainsi, c’est la fraude qui perturbe le mécanisme, non le terme consenti.
A ce point, il serait utile d’examiner l’approche adoptée par les juridictions étrangères sur le
problème de paiement anticipé. La jurisprudence anglaise a rejoint la jurisprudence française
par le biais de l’affaire BANCO SANTADER contre BANQUE PARIBAS147. En l’espèce, un
crédit réalisable par paiement différé a été émis par la BANQUE PARIBAS au profit de la
société BAYFERN LTD et confirmé par la succursale anglaise de la banque espagnole
BANCO SANTADER. Après la remise des documents par la société bénéficiaire à la banque
confirmatrice, le donneur d’ordre a découvert, avant la date de paiement différé convenu par
la banque émettrice, une fraude. Informée de ladite fraude, la banque confirmatrice fit alors
valoir qu’elle estimait les documents conformes et qu’elle avait déjà payé, de bonne foi, le
montant du crédit au bénéficiaire en escomptant sa propre signature de banque confirmante.
Elle entendait bien recevoir, à l’échéance du paiement, le remboursement de la banque
émettrice. Le contentieux se noua, parmi d’autres, sur le refus de paiement de la banque
émettrice.
La Cour d’appel de Londres, en confirmant la décision du premier juge148, a estimé que la
banque confirmatrice devait être considérée comme n’ayant pas réalisé la crédit mais comme 146 J.-P MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 112-113 147 Londres, Court of Appeal, 25 février 2000, BANCO SANTANDER SA c/ BANQUE PARIBAS : RD bancaire et financier, N° 2, mars-avril 2000, p. 84-85, obs. J.-P. MATTOUT ; A. JOHNSON et STUART PATERSON, « Fraud and Documentary Credits », JIBL, February 2001, p. 37-40 ; ADAM JOHNSON et DANIEL AHARONI, « Fraud and Discounted Deferred Payment Documentary Credits : The Banco Santander Case », JIBL, January 2000, p. 22-25 148 High Court de Justice de Londres, 9 juin 1999, BANCO SANTANDER SA c/ BANQUE PARIBAS : RD bancaire et financier, N°1, janv.-févr. 2000, p. 22-23, obs. J.-P. MATTOUT
69
ayant consenti une avance, dont elle devait assumer seule les risques à l’égard de la banque
émettrice. Elle a souligné que toute opération anticipée, même si elle ne contrevient pas aux
instructions de la banque émettrice, se situe nécessairement en dehors du mandat reçu et
relève de la décision individuelle de la banque confirmatrice, lorsque la banque émettrice n’a
pas consenti expressément. Enfin elle a conclu que la seule obligation du banquier émetteur
est de rembourser la banque confirmatrice si elle a payé à l’échéance. Cependant, si à cette
date une fraude est établie, il n’y a pas d’obligation pour la banque confirmante de payer ni
pour la banque émettrice d’obligation de la rembourser.
Plus récemment, la Cour suprême de Corée s’est occupé de la même question à l’occasion de
l’affaire INDUSTRIAL BANQUE OF KOREA contre BNP PARIBAS149. Ainsi comme l’a
observé la Cour suprême de Corée, la réponse à cette question dépend de la nature que l’on
reconnaît au paiement anticipé reçu par le bénéficiaire du crédit documentaire à paiement
différé. La Cour a, en effet, admis qu’une banque désignée (nominated bank) est libre de
payer avant l’échéance fixée, c’est-à-dire dès la remise des documents, un crédit à paiement
différé. Le recours de la banque ayant effectué le paiement anticipé est pourtant rejeté par la
Cour parce que cette banque n’est pas, dans le cas litigieux, considérée comme banque
désignée. Selon l’arrêt, les termes de la lettre de crédit litigieuse impliquent que le crédit était
réalisable exclusivement aux guichets de l’émetteur à Paris (BNP PARIBAS). La banque
INDUSTRIAL BANK OF KOREA n’étant pas une banque désignée, elle ne pouvait
revendiquer un droit de remboursement par BNP PARIBAS de la somme versée au
bénéficiaire du crédit. Ce versement représentait un escompte consenti au bénéficiaire en
dehors du mécanisme du crédit et INDUSTRIAL BANK OF KOREA, simple cessionnaire de
la créance, ne pouvait avoir contre l’émetteur plus de droits que le bénéficiaire. L’exception
de fraude était donc opposable à la banque ayant consenti dans ces conditions un paiement
anticipé.
149 Cour Suprême de Corée, 2ème ch., 24 janvier 2003, INDUSTRIAL BANQUE OF KOREA c/ BNP PARIBAS : Banque et Droit, N° 91, sept.-oct. 2003, p. 85-87, obs. G. AFFAKI et J. STOUFFLET ; D.-H CHAE., “Letters of credit and the Uniform Customs and Practice for documentary credits: The negotiating bank and the fraud rule in Korea Supreme Court case”, Florida Journal of International Law, Spring 1998
70
D’ailleurs, selon le jugement de la Cour suprême, dès lors que la banque ayant versé le
montant du crédit par anticipation au bénéficiaire est une banque chargée de la réalisation du
crédit ou habilitée à cette fin, le versement effectué vaut réalisation. Le règlement anticipé
d’un crédit documentaire à paiement différé ouvre un recours contre l’émetteur au banquier
payeur sans que la fraude découverte ultérieurement puisse paralyser ce recours. Le banquier
émetteur peut seulement différer le remboursement jusqu’à l’échéance fixée (« maturity
date »). Mais le droit au remboursement est définitivement acquis de la levée des documents.
Selon MM. STOUFFLET et AFFAKI, un tel raisonnement ne peut pas se prévaloir150. Le
versement anticipé est licite et le banquier désigné est libre, comme un banquier n’ayant pas
cette qualité, d’en verser le montant au bénéficiaire avant l’échéance. Mais conformément à
l’article 10 d) des RRU, le droit au remboursement de la banque désignée ou autorisée est
soumis aux conditions du crédit à paiement différé151. Donc, une banque désignée pour
réaliser le crédit à paiement différé ou autorisée à effectuer cette réalisation (comme dans le
cas soumis à la Cour suprême de Corée) ne peut recevoir ledit remboursement si elle a payé
avant la date fixée.
Section 2. Le recours de la banque contre le bénéficiaire
Le principe est que le paiement du crédit est définitif. En effet, le crédit documentaire est basé
sur l’idée que le paiement du crédit est fait par le banquier après vérification formelle des
documents. Si ceux-ci son reconnus conformes, le paiement est alors définitif dans les
rapports du bénéficiaire et du banquier dont il a reçu le paiement. En conséquence, la banque
n’a aucun recours contre le donneur d’ordre. Il existe, toutefois, deux exceptions à ce
principe. D’une part, si les documents sont irréguliers et que le paiement de ces documents a
donné lieu à des réserves à l’égard du bénéficiaire, le droit à recouvrer auprès du bénéficiaire
est indéniable. Une autre limite est également apportée par la fraude du bénéficiaire qui
autorise la banque à exercer un recours contre lui.
150G. AFFAKI et J. STOUFFLET, obs. sur Cour Suprême de Corée, 2ème ch., 24 janvier 2003, Banque et Droit, N° 91, sept.-oct. 2003, p. 86-87 151 Art. 10-d RUU : « En désignant une autre banque ou en autorisant la négociation par toute banque ou en invitant une autre banque à ajouter sa confirmation, la Banque émettrice autorise cette banque à payer, à accepter une ou plusieurs traites ou à négocier, selon le cas, contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, et s’engage à rembourser cette banque conformément aux dispositions des présents articles ».
71
Souvent la sanction attachée au formalisme, c’est-à-dire le rejet des documents non
conformes, parvient à combattre la fraude documentaire. Il est toutefois des cas, certes
exceptionnels, où la violation frauduleuse du crédit se relève insuffisamment sanctionnée. Il
en est ainsi, notamment, lorsque le banquier paye « par inadvertance »152 des documents
entachés de fraude. Le banquier qui paye le bénéficiaire sans avoir relevé la fraude de celui-ci
paye l’indu, puisqu’il n’a pas d’obligation de réaliser le crédit que sur présentation des
documents sincères. Dès lors, il perd son droit au remboursement auprès du donneur d’ordre.
L’article 15 des RUU ne peut lui être, à l’occasion, applicable. La fraude étant, par définition,
évidente, un examen raisonnable attentif aurait dû la révéler. D’autre part, le banquier ne
saurait, sans remettre en cause la réalisation accomplie du crédit, prétendre à un recours
contre son bénéficiaire, ce que personne ne semble aujourd’hui contester
En effet, la fraude du bénéficiaire est de nature à causer à la banque deux types de dommages.
Si la fraude porte sur l’existence, la quantité, la valeur ou l’état de la marchandise, le droit de
gage de la banque sur cette marchandise se trouve affecté. La banque qui n’a pu obtenir du
donneur d’ordre le remboursement de la somme versée au bénéficiaire est fondée à en
poursuivre : victime d’une tromperie portant sur l’élément essentiel de l’opération (la valeur
de la marchandise en tant que garantie) elle a payé sous l’empire de l’erreur et a droit de
répéter l’indu. On remarquera que l’action en répétition fondée sur une manœuvre frauduleuse
du bénéficiaire est ouverte, quelle que soit la cause du non-remboursement par le donneur
d’ordre : défaillance provoquée par l’insolvabilité ou refus motivé par une autre irrégularité
que le banquier a omis de relever.
L’autre préjudice engendré par la fraude tient à ce que, même si le bénéficiaire n’a réalisé
qu’imparfaitement son dessein, c’est-à-dire s’il n’est pas parvenu à dissimuler complètement
l’irrégularité des documents, il a rendu plus difficile l’accomplissement de la mission
incombant à la banque en ce qui concerne la vérification des documents et a accru pour cette
banque le risque de lever des documents que refusera le donneur d’ordre. On ne doit pas
perdre de vue que la vérification qu’impose l’article 13 des RUU est instituée dans l’intérêt du
donneur d’ordre et non dans celui du bénéficiaire du crédit qui, de son côté, a le devoir de
remettre des documents réguliers et conformes aux prescriptions de l’accréditif.
152 S. Epschtein, « Les crédits documentaires et la fraude », Banque, N° 373, mai 1978, p. 589
72
Toutefois, le recours à la notion stricto sensu de la fraude153, que connaissent d’ailleurs les
droits étrangers, au même titre que le droit français, est de nature à remédier à ce préjudice.
Son utilisation par les tribunaux constitue l’ultime remède destiné à priver d’effet
l’agissement frauduleux. Bien que la fraude, intervenant dans ces conditions, réalise une
véritable violation du crédit, l’appel à la maxime fraus omnia corrumpit n’en apparaît pas
moins utile. Il rend possible la condamnation d’une fraude intentionnelle contre laquelle le
formalisme ne peut plus rien. Il ouvre au banquier la voie, normalement interdite, d’un
recours contre le bénéficiaire frauduleux.
C’est ce qui ressort nettement d’un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation
du 6 mai 1969154. En l’espèce, deux crédits documentaires irrévocables avaient été émis pour
la vente d’une quantité de bois. Le bénéficiaire a remis à la banque émettrice des documents
inexactes ; les certificats de contrôle ne portaient pas la signature de la personne qualifiée
pour exercer ledit contrôle, comme stipulé dans le crédit, mais un simple visa, et les factures
mentionnaient des marchandises et des quantités qui n’étaient pas celles réellement expédiées
aux acheteurs. Le remboursement de la banque émettrice fut refusé par la banque du donneur
d’ordre pour compte. La banque émettrice s’était donc retournée contre le bénéficiaire.
Approuvant son action, la Cour suprême a décidé qu’en « remettant sciemment à une banque,
pour bénéficier de deux crédits documentaires, des certificats de contrôle ne portant pas les
signatures des personnes qualifiées pour exercer ledit contrôle… le remettant commet une
faute. Il ne peut, dès lors, prétendre que la banque avait elle aussi, commis une faute en ne
vérifiant pas la signature des documents remis et aurait renoncé à tout recours en payant
sous réserve. En vertu de la règle ‘fraus omnia corrumpit’ le remettant doit répondre du
préjudice qu’il a causé à la banque en lui remettant sciemment, pour la tromper, des
documents sans valeur ».
La négligence de la banque était certaine. Non seulement le document litigieux n’était pas
conforme aux exigences du crédit, mais l’irrégularité qu’il recelait n’avait aussi rien
d’indiscernable. La Cour n’en a pas moins interdit au bénéficiaire de s’en prévaloir, faisant
153 Selon cette acception, il y a fraude chaque fois que le sujet de droit parvient à se soustraire à l’exécution d’une règle obligatoire par l’emploi à dessein d’un moyen efficace, qui rend ce résultat inattaquable sur le terrain du droit positif. 154 Cass. com., 6 mai 1969, KINDIG c/ CREDIT LYONNAIS , JCP, 1970, II, 16216, note J. STOUFFLET ; RTD com., 1969, p. 1063-1064, n° 6, obs. J.-L. RIVES-LANGE et M. CABRILLAC
73
une application qui mérite totale approbation. Comme l’a écrit l’annotateur averti de l’arrêt
« même si le bénéficiaire n’est pas parvenu à dissimuler complètement l’irrégularité des
documents, il a rendu plus difficile l’accomplissement de la mission incombant à la banque,
en ce qui concerne la vérification des documents et accru pour (elle) le risque de lever des
documents irréguliers »155. Ayant décidé de l’imputation de ce risque à la banque, coupable
tout au plus d’une négligence dans l’examen des documents, ou au bénéficiaire, coupable
d’une fraude, la Cour suprême n’a pas hésité. Elle a « balayé d’un revers de main, et c’est
heureux, l’objection faite à la banque par le bénéficiaire ». Devant la malhonnêteté de ce
dernier, aucun compte n’a été tenu des fautes que la banque avait commises dans la
vérification des documents. Préférant traquer la fraude, la Chambre commerciale a
délibérément prolongé une sanction que la technique ordinaire de la stricte conformité
n’aurait jamais pu atteindre. Aussi assure-t-elle, ce faisant, un respect plus marqué à la fois du
crédit et de son auteur.
Chapitre II. Les recours du donneur d’ordre
L’engagement de la responsabilité bancaire, et corrélativement, le recours que le donneur
d’ordre peut éventuellement exercer contre la banque en réparation du dommage que cette
dernière lui a causé est une matière assez délicate. L’article 15 des RUU, qui dégage la
responsabilité de la banque quant à la validité et l’authenticité des documents, lui permet en
général de payer, sans engager sa responsabilité en cas de fraude. Cependant, cette
irresponsabilité de la banque connaît des limites. Même si les RUU limitent leur exigence à la
production de documents « apparemment conformes », ce libellé, protecteur du banquier, ne
saurait autoriser le bénéficiaire à présenter des documents qui ne seraient conformes qu’en
apparence. En réalité, un document apocryphe ou falsifié est sans valeur : le banquier doit le
rejeter, à peine de se voir reprocher d’être conscius fraudis.
En effet, lors des travaux préparatoires à la Révision des RUU, la CCI a émis une opinion
selon laquelle la banque qui a levé un document faux ou falsifié peut se prévaloir de l’article 9
(ancien) des RUU156, sauf dans trois cas : ou a) elle est elle-même partie à la fraude, ou b) elle
155 J. STOUFFLET, note sous Cass. com., 6 mai 1969 , JCP, 1970, II, 16216 156 Actuellement art. 15 RUU
74
a connaissance de la fraude avant la présentation du document litigieux ou c) elle n’a déployé,
lors de l’examen du document le soin raisonnable qui lui incombe. Cela signifie qu’on pourra
reprocher à la banque d’avoir levé des documents entachés de faux matériel ou intellectuel
que si : a) elle a mal fait son métier (vérification sans « soin raisonnable ») ou b) si elle est
complice (ce qui va de soi), ou c) si au plus tard au moment de la présentation du document
litigieux, elle en avait connaissance de son caractère frauduleux.
A propos de la première hypothèse, l’article 13 a des RUU précise le contenu exacte du
devoir de vérification pesant sur la banque chargée de réaliser un crédit documentaire : « Les
banques doivent examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit
pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions
du crédit ». Par conséquent, si la fraude est décelable au vu des documents, la banque qui doit
s’assurer de leur conformité aux conditions du crédit qui a examiné ceux-ci avec un soin
raisonnable sera normalement en mesure de déceler la fraude et, par conséquent, de rejeter les
documents irréguliers157. Dans ce cas-là, il s’agit notamment des documents dont
l’authenticité est douteuse. En effet, il est rare que la falsification soit évidente mais, moins
exceptionnellement, est présenté au banquier un document dont la rédaction, la présentation
matérielle, sont telles qu’il ne peut qu’inspirer le doute. Partant, la banque commet une faute
en acceptant un document manifestement falsifié ou présentant des surcharges suspectes.
En ce qui concerne la troisième hypothèse, le banquier à qui la preuve de fraude est rapportée,
doit prendre seul la décision de ne pas payer. Comme on l’a déjà mentionné, le banquier
averti et convaincu de la fraude doit refuser le paiement frauduleux. Il n’a pas besoin d’une
interdiction judiciaire même si, en pratique, cela peut faciliter sa position. Les documents
frauduleux consistent en une altération d’un fait qui conduit le banquier, s’il en a conscience
(et seulement dans ces circonstances), à opposer son refus. Toujours est-il que seul un écart
frauduleux prouvé entre, d’une part, des stipulations de la lettre de crédit et, d’autre part, les
documents effectivement remis, justifie le refus du banquier de payer le bénéficiaire.
Sa responsabilité serait certainement engagée lorsqu’il exécute un paiement en ayant
conscience de l’existence d’une fraude manifeste dans les documents. En effet, si la banque,
malgré la preuve de fraude, paie sciemment le crédit, elle engagera sa responsabilité à hauteur
157 Art. 14 b RUU : « Si les documents ne présentent pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, les banques ci-dessus peuvent refuser de lever les documents ».
75
du dommage effectivement causé à son donneur d’ordre. En outre, il doit informer son
correspondant sans délai et l’empêcher, soit en révoquant l’autorisation de payer donnée au
banquier notificateur, soit en rapportant la preuve de la fraude si son correspondant a confirmé
le crédit.
Un exemple d’un tel engagement de la responsabilité bancaire est fourni par l’arrêt de la Cour
d’appel d’Agen en date du 27 juin 1988158. En l’espèce, les documents présentés à la banque
par le vendeur bénéficiaire étaient formellement réguliers, mais ce dernier avait aussi présenté
un faux document, à savoir une lettre de transport aérien faisant état de l’envoi de la
marchandise le 30 mars (la date de validité du crédit documentaire étant le 10 avril), alors que
les marchandises n’avaient été effectivement expédiées que le 21 mai. Le donneur d’ordre
avait alerté alors la banque qu’elle ne paie pas. Toutefois, celle-ci avait payé. La Cour d’appel
a jugé qu’ayant eu connaissance par le donneur d’ordre du caractère frauduleux de la lettre de
transport aérien la banque a commis une faute. Mais encore faut-il, pour que cette
responsabilité soit effectivement mise en œuvre, que le donneur d’ordre acheteur prouve le
préjudice qu’il a subi et le lien de causalité. Or, en l’espèce, le donneur d’ordre avait bien
reçues les marchandises. Il se bornait à affirmer que le paiement effectué lui avait porté tort. Il
se prévalait, en particulier, du fait que la livraison avait été tardive. En définitive, la Cour a
ordonné une expertise.
Cet arrêt témoigne du fait que la responsabilité de la banque qui paye mal est une
responsabilité du droit commun et que sa faute ne peut être à l’origine de dommages-intérêts
pour le donneur d’ordre que si cette faute a été à l’origine d’un préjudice pour celui-ci. On
relèvera, au surplus, que le donneur d’ordre a levé les documents. En effet, la Cour juge qu’en
acceptant les documents le donneur d’ordre perd le droit de mettre en œuvre la responsabilité
de la banque. S’il accepte les documents, même irréguliers, il couvre la banque. Mais, en
l’occurrence, la question de la responsabilité de la banque ne se posait pas, car si le donneur
d’ordre avait bien fait des réserves lorsqu’il avait levé les documents, la banque, elle, à ce
moment, n’avait pas encore payé. En revanche, elle avait été informée de la fraude commise
par le bénéficiaire, mais elle a toutefois payé, à tort.
158 CA Agen, 1ère ch., 27 juin 1988, GROUPEMENT ACHAT ACCESSOIRES c/ BANQUE POPULAIRE DU QUERCY ET DE L’AGENAIS : D., 1990, 22ème cahier, som. com., p. 179, obs. M. VASSEUR
76
En définitive, lorsque la fraude n’est découverte qu’après la réalisation du crédit, le donneur
d’ordre, qui doit rembourser le banquier, dispose ensuite d’un recours contre le donneur
d’ordre. En outre, dans l’hypothèse où l’acheteur peut invoquer une mauvaise exécution du
contrat de vente, il peut agir en dommages et intérêts contre le vendeur, voire en résolution et
en répétition du prix.
CONCLUSION Etant donné l’utilisation fréquente des crédits documentaires dans le commerce international,
la nécessité d’une uniformité législative s’avère importante pour les praticiens dans ce
domaine. A cet égard, les RUU procurent un standard utile d’uniformité. D’ailleurs, par
rapport au problème de la fraude, l’article 5 de l’UCC offre aux juridictions des lignes
directrices satisfaisantes. Cependant, à cause de la diversité des systèmes juridiques et de la
complexité croissante des transactions de crédit documentaire, l’effectivité des RUU sera
menacée. En outre, dans le monde contemporain du commerce électronique, il est sûr que la
fraude prendra de nouvelles formes. Face à cette évolution, le cadre juridique du crédit
documentaire devrait être reformé
BIBLIOGRAPHIE
77
Ouvrages généraux : A. Traités, manuels : BONNEAU T., « Droit bancaire », 4ème éd., Montchrestien, 2001 GATTEGNO P., « Droit pénal spécial », 5ème éd., Dalloz, 2003 GAVALDA C., STOUFFLET J., « Droit bancaire », 5ème éd., Litec, 2002 GRUA F., « Contrats bancaires, Tome 1 : contrats de services », Economica, 1990 JUGLART M. de, IPPOLITO B., «Traité de droit commercial : banques & bourses », 3ème éd., Montchrestien, 1991 MATTOUT J.-P., « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996 NEAU-LEDUC P., « Droit Bancaire », Dalloz, 2003 PIEDELIEVRE S., « Droit bancaire », Puf Droit, 2003 RIVES-LANGES J.-L., CONTAMINE-RAYNAUD M., « Droit bancaire », 6ème éd., Dalloz, 1995 VASSEUR M., « Droit et économie bancaires. Les opérations de banques », 4ème éd., Les cours de droit, Paris, 1987-1988 B. Encyclopédies juridiques : ENCYCLOPEDIE DALLOZ, Commercial, Tome III, « Crédit Documentaire », 30 avril 1989 JURISCLASSEUR, Banque, Crédit et Bourse, Fasc. 1080, J. STOUFFLET JURISCLASSEUR, Banque, Crédit et Bourse, Fasc. 610, n° 71, J. STOUFFLET LAMY Droit du Financement : Titres et marchés, Ingénierie financière, Paiement, Crédit, Garanties du crédit, Editions Lamy 2004, p. 2063-2064 MEMENTO PRATIQUE FRANCIS LEFEBVRE, Droit des Affaires : Contrats et droits de l’entreprise, Ed. Francis Lefebvre, 2003, 6436, p. 986 Ouvrages spéciaux :
78
A. Français : COSTA L. M., « Le crédit documentaire-Etude comparative », LGDJ, 1998 CAPRIOLI E. A., « Le crédit documentaire : évolution et perspectives », Litec, 1992 NSATI G. K., « L’incidence d’une clause de paiement par crédit documentaire sur la situation des parties à une vente internationale des marchandises », Thèse, Université Robert Schuman, octobre 1990 B. Etrangers : MAROUDAS G., « Le crédit documentaire dans le droit grec et anglais – Les règles et usances uniformes de la CCI » (H τραπεζική ενέγγυα πίστωση στο ελληνικό και αγγλικό δίκαιο - Oι oµοιόµορφoι κανόνες και συνήθειες του ∆ΕΕ), Vivliothiki nomikis theorias kai praxis, Editions Ant. Sakoula, 2000 SINGAPORE CONFERENCES ON INTERNATIONAL BUSINESS LAW, « Current problems of international trade financing », Edited by C.M. Chiukiu, P.J. Davidson, W.J.M. Ricquier, Published by Malaya Law Review & Buterworth, 1983 THEMELI C. A., « Le crédit documentaire – Un contrat de multiplucité et de complexité » (Τραπεζική ενέγγυα πίστωση – Σύµβαση πολλαπλότητας και περιπλοκότητας), Thessaloniki, 2003 Articles & Etudes:
79
AHARONI D., « Fraud and Discounted Deferred Payment Documentary Credits : The Banco Santander Case », JIBL, January 2000, p. 22-25 BONTOUX C., « Réflexions sur un type de crédit documentaire : Le crédit à paiement différé (diferred credit)», Banque, 1983, p. 1285-1287 BARSKI A. K., “Letters of credit : A comparison of article 5 of the Uniform Commercial Code and the Uniform Customs and Practice for documentary credits”, Loyola Law Review, Winter 1996 BUCKLEY P. R., “The 1993 revision of the Uniform Customs and Practice for documentary credits”, George Washington Journal of International Law and Economics, 1995 CHAE D.-H., “Letters of credit and the Uniform Customs and Practice for documentary credits: The negotiating bank and the fraud rule in Korea Supreme Court case”, Florida Journal of International Law, Spring 1998 EPSCHTEIN S., « Les crédits documentaires et la saisie-arrêt », Banque, N° 385, juin 1979, p. 739-745 EPSCHTEIN S., « Les crédits documentaires et la fraude », Banque, N° 373, mai 1978, p. 587-591 VAN DER HAEGEN M., « Le principe de l’inopposabilité des exceptions dans le crédit documentaire irrévocable », RDAI, N°7, 1986, p. 703-723 HESBERT J., « Conformité de la vente dans les règles unifiées internationales et conformité des documents dans les règles et usances relatives aux crédits documentaires », Les petites affiches, N° 24, 1er février 2002, p. 4-12 JEAMMAUD A., « Fraus omnia corrumpit », D., 1997, p. 20-21 JOHNSON A., « Fraud and Documentary Credits », JIBL, February 2001, p. 37-40 JOHNSON A., « Fraud and Discounted Deferred Payment Documentary Credits : The Banco Santander Case », JIBL, January 2000, p. 22-25 KAWAN K., « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 797-836 MARTIN C., « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, p. 371-388 MATTOUT J.-P., « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, p. 107-119 PATERSON S., « Fraud and Discounted Deferred Payment Documentary Credits : The Banco Santander Case », JIBL, February 2001, p. 22-25
80
PRUM A., « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 107-119 RIVES-LANGE J.-L., « Les garanties indépendantes et le rôle des banques », Banque, N° 468, janvier 1987, p. 11-14 STOUFFLET J., “Fraud in the documentary credit, letter of credit and demand guaranty”, Dickinson Law Review, Summer 2001, p. 21-28 SYNVET H., « Droit financier international », DPCI, 1987, p. 704-711 VASSEUR M., « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D, 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65 Notes, observations, rapports et conclusions : AFFAKI G. : Observation sur Cour Suprême de Corée, 2ème ch., 24 janvier 2003, Banque et Droit, N° 91, sept.-oct. 2003, p. 85-87 BOTTINI R. de : Note sous CA Versailles, 14ème ch., 24 mai 1991, JCP, 1992, N° 44, II, 21932, p. 355-359 CABRILLAC M. : Observation sur Cass. com., 29 avril 1997, RTD com., juill.-sept. 1997, p. 493-494 Observation sur Cass. com., 7 avril 1987, RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9 Observation sur Cass. com., 15 déc. 1975, RTD com., 1976, p. 387, n° 10 Observation sur Cass. com., 6 mai 1969, RTD com., 1969, p. 1063-1064, n° 6 Observation sur CA Paris, 1er ch. A, 3 févr.1992, RTD com., avr.-juin 1992, p. 432-433, n° 17 Observation sur Trib. com. Paris, ord. réf., 29 sept. 1988, RTD com., N° 1, janv.-mars 1989, p. 104-105, n° 12
CAPRIOLI E. A.: Note sous CA Versailles, 14ème ch., 24 mai 1991, JCP, 1992, N° 44, II, 21932, p. 355-359 CASTAGNEDE B. : Observation sur Cass. com., 24 mars 1980, JCP-CI, 1980, 8790, p. 173
81
CONTAMINE-RAYNAUD M. : Observation sur Cass. com., 7 avril 1987, RD bancaire et bourse, nov.- déc. 1987, N° 4, p. 131-132 Observation sur CA Paris, 5ème ch. B, 27 févr. 1992, RD bancaire et bourse, juin-juill. 1992, p. 173-174 Observation sur CA Paris, 1ère ch. C, 13 janvier 1989, RD bancaire et bourse, sept.-oct. 1990, p. 208 CREDOT F. J. : Observation sur Cass. com., 29 avril 1997, RD bancaire et bourse, N° 63, oct. 1997, p. 215-216 D. J.P. : Note sous Cass. com., 24 juin 1997, Quot. Jur., N° 62, 5 août 1997, p. 95-97 Note sous Cass. com., 29 avril 1997, Quot. Jur., N° 37, 8 mai 1997, p. 180-182 DERAINS Y. : Note sous Sentence CCI n° 3031, 1977, JDI, 1978, p. 999-1004 GAVALDA C. : Observation sur Cass. com., 24 juin 1997, JCP E, 1998, p. 324, n° 18 Observation sur Cass. com., 23 oct. 1990, JCP E, 1991, N°46, I, p. 474, n° 37 Observation sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985 : JCP, 1986, I, chron., n° 112 GERARD Y. : Observation sur Cass. com., 29 avril 1997, RD bancaire et bourse, N° 63, oct. 1997, p. 215-216 GUILLOT J.-L. : Observation sur CA Grenoble, ch. des urgences, 20 sept. 1994, Banque et Droit, N° 40, mars-avril 1995, p. 34 HESBERT J. : Note sous Cass. com., 29 avril 1997, Les petites affiches, 14 janv. 1998, N° 6, p. 20-26 Note sous Cass. com., 23 oct. 1990, RHJ, 1991, p. 1181-1184
82
Note sous Cass. com., 7 oct. 1987, RHJ, 1989, p. 585-587 Note sous Cass. com., 14 mars 1984, RHJ, 1986, p. 469-472 ; RHJ, 1987, p. 351-354 LEGEAIS D. : Observation sur CA Versailles, 12ème ch., 13 déc. 2002, RTD com., avril-juin 2003, p. 351-352, n° 13 LESCOT P. : Note sous Cass. com., 4 mars 1953, S., 1954, 1, p. 121 MATTOUT J.-P. : Observation sur Londres, Court of Appeal, 25 févr. 2000, RD bancaire et financier, N° 2, mars-avril 2000, p. 84-85 Observation sur High Court de Justice de Londres, 9 juin 1999, RD bancaire et financier, N°1, janv.-févr. 2000, p. 22-23 MOUSSERON P. : Observation sur Cass. com., 18 déc. 2001, Droit et Patrimoine, N° 106, juill.-août 2002, p.109-110 RIVES-LANGE J.-L. : Observation sur Cass. com., 7 avril 1987, Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626 Observation sur Cass. com., 18 mars 1986, Banque, N° 462, juin 1986, p. 610-611 Observation sur Cass. com., 15 déc. 1975, RTD com., 1976, p. 387, n° 10 Observation sur Cass. com., 6 mai 1969, RTD com., 1969, p. 1063-1064, n° 6 Observation sur CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755 Observation sur Trib. com. Paris, ord. réf., 29 sept. 1988, Banque, N° 488, nov. 1988, p. 1164 STOUFFLET J. : Observation sur Cass. com., 24 juin 1997, JCP E, 1998, p. 324, n° 18 Note sous Cass. com., 29 avril 1997, JCP E, 1997, N° 30, II, N° 976, p. 167-169 Observation sur Cass. com., 23 oct. 1990, JCP E, 1991, N°46, I, p. 474, n° 37 Note sous Cass. com., 7 oct. 1987, JCP, 1988, N° 7, II, 20928 Note sous Cass. com., 7 avril 1987, JCP, 1987, N° 28, II, 20829 ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373 Note sous Cass. com., 11 déc. 1985, JCP, 1986, II, 20593, n° 5 & 8 Note sous Cass. com., 12 déc. 1984, JCP, 1985, II, 20436 Note sous Cass. com., 6 mai 1969, JCP, 1970, II, 16216 Note sous CA Versailles, 14ème ch., 24 mai 1991, JDI, N°3, 1993, p. 632-645 Observation sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985 : JCP, 1986, I, chron., 3265, n° 112 Note sous CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, D., 1986, jurispr., p. 195-201 Note sous CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, D., 1986, jurispr., p. 195-201 Observation sur Cour Suprême de Corée, 2ème ch., 24 janvier 2003, Banque et Droit, N° 91, sept.-oct. 2003, p. 85-87
83
TEYSSIE B. : Observation sur Cass. com., 7 avril 1987, RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9 Observation sur CA Paris, 1er ch. A, 3 févr.1992, RTD com., avr.-juin 1992, p. 432-433, n° 17 Observation sur Trib. com. Paris, ord. réf., 29 sept. 1988, RTD com., N° 1, janv.-mars 1989, p. 104-105, n° 12 TINAYRE A. : Rapport, « La fraude maritime et le connaissement », DMF, 1983, p. 365-375 VASSEUR Note sous Cass. com., 15 juill. 1992, D., 1994, 3ème cahier, jurispr., p. 28-32 Note sous Cass. com., 23 oct. 1990, JCP, 1991, N° 24, II, 21687 ; JCP E, 1991, N° 32, II, N° 186, p. 199-200 Observation sur Cass. com., 18 oct. 1988, D, 1989, 20ème cahier, som. com., p. 195 Note sous Cass. com., 7 avril 1987, D, 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403 Note sous Cass. com., 18 mars 1986, D, 1986, jurispr., p. 374-380 Note sous Cass. com., 12 déc. 1984, D, 1985, jurispr., p. 270-275 Note sous Cass. com., 14 oct. 1981, D, 1982, 20ème cahier, jurispr., p. 301-305 Observation sur CA Paris, 5ème ch. B, 27 févr. 1992, D, 1994, 4ème cahier, som. com., p. 27 Observation sur CA Paris, 1ère ch. A, 3 févr. 1992, D, 1992, 32ème cahier, som. com., p. 305 Observation sur CA Paris, 1ère ch. A, 15 févr. 1989, D, 1989, 17ème cahier, som. com., p. 158-159 Observation sur CA Agen, 1ère ch., 27 juin 1988, D, 1990, 22ème cahier, som. com., p. 179 Observation sur CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 28 janv. 1988, D, 1989, 20ème cahier, som. com., p. 197 Observation sur CA Paris, 14ème ch. A, 1 juill. 1987, D, 1988, 17ème cahier, som. com., p. 185- 186 Observation sur CA Paris, 15ème ch. A, 25 juin 1986, D, 1987, 21ème cahier, som. com., p. 218 Observation sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, D, 1986, IR, p. 218-219 Observation sur CA Paris, 5ème ch., 5 déc. 1984, D, 1985, IR, p. 245 Observation sur CA Fort-de-France, 12 oct. 1984, D, 1987, 21ème cahier, som. com., p. 215 Observation sur Trib. com. Paris, 1ère ch., 2 déc. 1991, D, 1994, 3ème cahier, som. com., p. 21-22 Observation sur Trib. com. Paris, 26 sept. 1990, D, 1991, 26ème cahier, som. com., p. 224-225 Observation sur Trib. com. Bruxelles, ord. réf., 26 mai 1988, D, 1989, 17ème cahier, som. com., p. 153-155 Observation sur Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, D, 1988, 17ème cahier, som. com., p. 186-188 Observation sur Cour de Justice Civile de Genève, 16 juill. 1985, D, 1986, IR, p. 219
ANNEXE
84
Règles et usances uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires A.- DISPOSITIONS GENERALES ET DEFINITIONS Article 1 – Champ d’Application des RUU Les Règles et Usances Uniformes relatives aux Crédits Documentaires, révision de 1993, Publication CCI N° 500, s’appliquent à tous les crédits documentaires (y compris dans la mesure où elles seraient applicables aux lettres de crédit stand-by), dès lors qu’elles font partie intégrante du crédit. Elles lient toutes les parties intéressées, sauf dispositions contraires stipulées expressément dans le crédit. Article 2 – Signification de « Crédit » Aux fins des présents articles, les expressions « crédit(s) documentaires(s) » et « lettre(s) de crédit stand-by » (désignées ci-après par le terme « crédit(s) ») qualifient tout arrangement, quelle qu’en soit la dénomination ou description, en vertu duquel une banque (« la Banque émettrice ») agissant à la demande et sur instructions d’un client (« le donneur d’ordre ») ou pour son propre compte : i. est tenu d’effectuer un paiement à un tiers (le bénéficiaire) ou à son ordre, ou d’accepter et payer des effets de commerce (traites) tirés par le bénéficiaire,
ou
ii. autorise une autre banque à effectuer ledit paiement ou à accepter et payer le(s)dit(s) effets de commerce (traite(s)),
ou
iii. autorise une autre banque à négocier
contre remise des documents stipulés, pour autant que les termes et conditions du crédit soient respectés. Aux fins des présents articles, les succursales d’une banque établies dans différents pays sont considérées comme constituant chacune une autre banque. Article 3 – Crédits et Contrats
a) Les crédits sont, par leur nature, des transactions distinctes des ventes ou autre(s) contrat(s) qui peuvent en former la base. Les banques ne sont en aucune façon concernées ou liées par ce(s) contrat(s), même si les crédits incluent une quelconque référence à ce(s)
85
contrat(s). En conséquence l’engagement d’une banque de payer, d’accepter et de payer une ou plusieurs traites, ou de négocier et/ou de s’acquitter de toute autre obligation en vertu du crédit, ne peut donner lieu à réclamations du donneur d’ordre ou à l’invocation par ce dernier de moyens de défense fondés sur ses relations avec la Banque émettrice ou le bénéficiaire.
b) Le bénéficiaire d’un crédit ne peut en aucun cas se prévaloir des rapports
contractuels existant entre les banques ou entre le donneur d’ordre et la Banque émettrice. Article 4 – Documents et Marchandises/Services/Prestations Dans les opérations de crédit toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à l’exclusion des marchandises, services et /ou autres prestations auxquels les documents peuvent se rapporter. Article 5 – Instructions d’émettre/modifier des Crédits
a) Toutes instructions relatives à l’émission d’un crédit, le crédit lui-même, toutes instructions en vue d’amender celui-ci et les amendements eux-mêmes doivent être complets et précis.
Pour éviter toute confusion et tout malentendu les banques devraient décourager toute
tendance :
i. à inclure trop de détails dans le crédit ou dans tout amendement à celui-ci.
ii. à donner des instructions d’émettre, notifier ou confirmer un crédit par référence à un crédit précédemment émis (crédit similaire), lorsque ce précédent crédit a subi un ou plusieurs amendement(s), que ceux-ci aient été acceptés ou non.
b) Toutes instructions relatives à l’émission d’un crédit et le crédit lui-même ainsi que, le cas échéant, toutes instructions d’amender ledit crédit et l’amendement lui-même, doivent indiquer avec précision le(s) document(s) sur présentation duquel ou desquels le paiement, l’acceptation ou la négociation seront effectués. B. – FORME ET NOTIFICATION DES CREDITS Article 6 – Crédits révocables et irrévocables
a) Un crédit peut être : i. soit révocable ii. soit irrévocable
b) Tout crédit doit par conséquent indiquer clairement s’il est révocable ou
irrévocable. c) En l’absence de pareille indication, le crédit sera réputé irrévocable.
86
Article 7 – Responsabilité de la Banque notificatrice
a) Un crédit peut être notifié au bénéficiaire par l’intermédiaire d’une autre banque (Banque notificatrice) sans engagement de la part de la Banque notificatrice, sauf pour cette banque – si elle décide de notifier le crédit – à apporter un soin raisonnable à vérifier l’authenticité apparente du crédit qu’elle notifie. Si la banque choisit de ne pas notifier le crédit, elle doit en aviser la Banque émettrice sans retard.
b) Si la Banque notificatrice n’a pu vérifier l’authenticité apparente du crédit, elle informera sans retard la banque de laquelle les instructions ont apparemment été reçues, qu’elle a été dans l’impossibilité d’établir l’authenticité du crédit. Si elle décide néanmoins de notifier le crédit, elle doit informer le bénéficiaire que l’authenticité du crédit n’a pu être établie par ses soins. Article 8 – Révocation d’un Crédit
a) Un crédit révocable peut être amendé ou annulé par la Banque émettrice à tout moment et sans que le bénéficiaire en soit averti au préalable.
b) Toutefois la Banque émettrice doit : i. rembourser la banque auprès de laquelle un crédit révocable a été rendu réalisable par paiement à vue, acceptation ou négociation, si ladite banque a procédé, avant d’avoir reçu l’avis d’amendement ou d’annulation, à un paiement, une acceptation ou une négociation contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit.
ii. rembourser la banque auprès de laquelle un crédit révocable a été rendu réalisable par paiement différé si ladite banque, avant d’avoir reçu l’avis d’amendement ou d’annulation, a levé les documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit.
Article 9 – Responsabilité des Banques émettrices et confirmantes
a) Un crédit irrévocable constitue pour la Banque émettrice, pour autant que les documents stipulés soient remis à la banque désignée ou à la Banque émettrice et que les conditions du crédit soient respectées, un engagement ferme : i. si le crédit est réalisable par paiement à vue, de payer à vue ;
ii. si le crédit est réalisable par paiement différé, de payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit ; iii. si le crédit est réalisable par acceptation :
a) – de la Banque émettrice, d’accepter la /les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque émettrice et de payer lesdites traites à leurs échéances,
ou
87
b) – de toute autre banque tirée, d’accepter ou de payer à échéance la/les
traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque émettrice au cas où la banque tirée qui est stipulée dans le crédit n’accepte pas la/les traite(s) tirée(s) sur elle, ou de payer la/les traite(s) acceptée(s) mais non payée(s) à échéance par la banque tirée ;
iv. si le crédit est réalisable par négociation, de payer sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi les traites tirées par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) conformément aux termes et conditions du crédit. Un crédit ne devrait pas être émis comme étant réalisable par traite(s) sur le donneur d’ordre. Si le crédit exige néanmoins une ou des traite(s) sur le donneur d’ordre, les banques considéreront cette ou ces traite(s) comme un ou des document(s) additionnel(s).
b) La confirmation d’un crédit irrévocable par une autre banque (la Banque confirmante), agissant sur autorisation ou à la demande de la Banque émettrice constitue un engagement ferme de la Banque confirmante s’ajoutant à celui de la Banque émettrice. Pour autant que les documents stipulés soient présentés à la Banque confirmante ou à toute autre banque désignée et que les termes et conditions du soient respectés, la Banque confirmante doit :
i. si le crédit est réalisable par paiement à vue, payer à vue ;
ii. si le crédit est réalisable par paiement différé, payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit ; iii. si le crédit est réalisable par acceptation :
a) – de la Banque confirmante, accepter la /les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque confirmante et les payer à échéance,
ou b) – de toute autre banque tirée, accepter ou payer à échéance la/les traite(s)
tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque confirmante au cas où la banque tirée telle que stipulée dans le crédit n’accepte pas la/les traite(s) tirée(s) sur elle, ou de payer la/les traite(s) acceptée(s) mais non payée(s) à échéance par la banque tirée ;
iv. si le crédit est réalisable par négociation, négocier sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi, la ou les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) en vertu du crédit. Un crédit ne devrait pas être émis comme étant réalisable par traite(s) sur le donneur d’ordre. Si le crédit exige néanmoins cette ou ces traite(s) sur le donneur d’ordre, les banques considéreront de telles traites comme un ou des document(s) additionnel(s).
c) i. Si une autre banque est autorisée ou invitée par la Banque émettrice à ajouter sa confirmation à un crédit mais n’est pas disposée à le faire, elle doit en informer la Banque émettrice sans retard.
88
ii. Sauf si la Banque émettrice en dispose autrement lorsqu’elle autorise ou invite la Banque notificatrice à ajouter sa confirmation, ladite Banque notificatrice peut notifier le crédit au bénéficiaire sans ajouter sa confirmation.
d) i. Sauf autrement prévu à l’article 48, un crédit irrévocable ne peut être ni amendé
ni annulé sans l’accord de la Banque émettrice, de la Banque confirmante s’il y en a une, et du bénéficiaire.
ii. La Banque émettrice sera irrévocablement liée par tout amendement qu’elle a apporté au crédit et ce à compter de la date à laquelle ce ou ces amendement(s) ont été émis. Une Banque confirmante peut étendre sa confirmation à un amendement et sera irrévocablement liée à compter du moment où elle notifie cette modification. Toutefois, une Banque confirmante peut choisir de notifier un amendement au bénéficiaire sans étendre sa confirmation ; dans ce cas, elle doit en aviser la Banque émettrice et le bénéficiaire sans retard.
iii. Les termes du crédit initial (ou du crédit incorporant un ou plusieurs amendements précédemment acceptés) demeureront en vigueur à l’égard du bénéficiaire jusqu’à ce que le bénéficiaire fasse connaître son acceptation de l’amendement ou des amendements à la banque qui a notifié le(s)dit(s) amendement(s). Le bénéficiaire devrait notifier son acceptation ou son refus de l’amendement. A défaut de cette notification par le bénéficiaire, les documents présentés à la banque désignée ou à la Banque émettrice qui sont conformes au crédit ainsi qu’à un/des amendement(s) non encore accepté(s) seront considérés comme valant notification de l’acceptation de l’amendement ou des amendements par le bénéficiaire et à compter de cette présentation le crédit sera considéré comme amendé. iv. L’acceptation partielle d’amendements contenus dans un seul et même avis d’amendement n’est pas autorisée et ne produira aucun effet. Article 10 – Types de Crédits
a) Tout crédit doit clairement indiquer s’il est réalisable par paiement à vue, par paiement différé, par acceptation ou par négociation.
b) i. Sauf s’il est stipulé dans le crédit que celui-ci est seulement réalisable auprès de la Banque émettrice, tout crédit doit désigner la banque (« Banque désignée ») autorisée à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter la/les traite(s), ou à négocier. Si le crédit est librement négociable, toute banque est une Banque désignée.
Les documents doivent être présentés à la Banque émettrice ou à la Banque
confirmante, le cas échéant, ou à toute autre Banque désignée.
ii. Le terme « négociation » signifie que la banque autorisée à négocier règle la valeur de la/les traite(s) et/ou autre(s) document(s). Le simple examen des documents sans paiement ne constitue pas une négociation.
c) Sauf si la Banque désignée est la Banque confirmante, la désignation par la Banque
émettrice n’entraîne pour Banque désignée aucun engagement de payer, de contracter un engagement de paiement différé, d’accepter une ou plusieurs traite(s), ou de négocier. Sauf accord exprès de la Banque désignée qui doit être notifié au bénéficiaire, la réception et/ou
89
l’examen et/ou la transmission par Banque désignée des documents n’entraîne pour ladite banque aucune responsabilité de payer, de contracter un engagement de paiement différé, d’accepter une/des traite(s), ou de négocier.
d) En désignant une autre banque ou en autorisant la négociation par toute banque ou
en invitant une autre banque à ajouter sa confirmation, la Banque émettrice autorise cette banque à payer, à accepter une ou plusieurs traites ou à négocier, selon le cas, contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, et s’engage à rembourser cette banque conformément aux dispositions des présents articles. Article 11 – Crédits avisés par Télétransmission et Crédits préavisés
a) i. Quand une Banque émettrice charge une Banque notificatrice par une télétransmission authentifiée de notifier un crédit ou un amendement à un crédit, la télétransmission sera réputée être l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement et aucune lettre de confirmation ne devrait être expédiée. Si une confirmation est néanmoins expédiée par voie postale, elle ne produira aucun effet et la Banque notificatrice n’aura aucune obligation de vérifier cette lettre de confirmation par rapport à l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou à l’amendement au crédit tel que reçu par télétransmission.
ii. Si la mention « détails suivent » (ou une expression similaire) figure dans la télétransmission ou s’il y est précisé que la lettre de confirmation sera l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement, la télétransmission ne sera pas réputée dans ce cas être l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement. La Banque émettrice doit transmettre sans retard à la Banque notificatrice l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement.
b) Si une banque utilise les services d’une Banque notificatrice pour notifier le crédit
au bénéficiaire, elle doit utiliser aussi les services de la même banque pour notifier tout amendement au crédit.
c) Un avis préliminaire d’émission d’un crédit irrévocable ou d’un amendement à un
tel crédit (préavis) sera seulement donné par une Banque émettrice si ladite banque est disposée à émettre l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement au crédit. Sauf autre(s) indication(s) dans ce préavis de la Banque émettrice, toute Banque émettrice qui a donné un préavis sera irrévocablement tenue d’émettre ou d’amender le crédit dans des termes et conditions qui ne soient pas incompatibles avec le préavis, et ce sans retard. Article 12 – Instructions incomplètes ou imprécises Si la banque requise de notifier, confirmer ou amender un crédit reçoit des instructions incomplètes ou imprécises, elle peut s’adresser au bénéficiaire un avis préliminaire à titre de simple information et sans encourir de responsabilité. Cet avis préliminaire devrait indiquer clairement qu’il est communiqué pour information seulement et que la responsabilité de la Banque notificatrice n’est pas engagée. En tout état de cause, la Banque notificatrice doit
90
informer la Banque émettrice de la position qu’elle a prise et l’inviter à fournir les informations nécessaires. La Banque émettrice doit fournir les informations nécessaires sans retard. Le crédit ne sera notifié, confirmé ou amendé qu’au reçu d’instructions complètes et précises, et pour autant que la Banque notificatrice indique alors qu’elle est prête à agir sur la base de ces instructions. C.- OBLIGATIONS ET RESPONSABILITES Article 13 – Normes pour l’Examen des Documents a) Les banques doivent examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit. La conformité apparente des documents stipulés avec les termes et conditions du crédit sera déterminée en fonction des pratiques bancaires internationales telles que reflétées dans les présents articles. Les documents qui en apparence sont incompatibles entre eux seront considérés comme ne présentant pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit. Les banques n’examineront pas les documents non requis dans le crédit. Si elles reçoivent de tels documents, elles les réexpédieront à celui qui les a présentés ou les transmettront sans encourir quelque responsabilité que ce soit. b) La Banque émettrice, la Banque confirmante le cas échéant, ou une Banque désignée agissant pour leur compte disposeront chacune d’un délai raisonnable – ne dépassant pas sept jours ouvrés (jours où la banque travaille) suivant le jour de réception des documents – pour examiner les documents et décider si elles les lèvent ou les refusent et pour notifier leur décision à la partie qui leur a envoyé lesdits documents. c) Si un crédit contient des conditions sans indications des documents à présenter en conformité avec ces conditions, les banques considéreront ces conditions comme non indiquées et n’en tiendront pas compte. Article 14 – Documents irréguliers et Notification d’irrégularités a) Si la Banque émettrice autorise une autre banque à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter une/des traites ou à négocier contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, la Banque émettrice et la Banque confirmante, le cas échéant, sont obligatoirement tenues : i. de rembourser la Banque désignée qui a payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une/des traite(s) ou négocié,
ii. de lever les documents.
b) Au reçu des documents la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas
échéant, ou une Banque désignée agissant pour leur compte doit déterminer sur la seule base
91
des documents si ceux-ci présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit. Si les documents ne présentent pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, les banques ci-dessus peuvent refuser de lever les documents.
c) Si la Banque émettrice considère que les documents ne présentent pas l’apparence
de conformité avec les termes et conditions du crédit, elle peut de sa propre initiative approcher le donneur d’ordre afin d’obtenir de celui-ci la levée des irrégularités. Ceci n’entraîne toutefois aucune prorogation de la période mentionnée à l’article 13(b).
d) i. Si la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, ou une
Banque désignée agissant pour leur compte décide de refuser les documents, cette banque doit notifier son refus par télécommunication ou, si cela n’est pas possible, sans délai par d’autres moyens rapides, et cela au plus tard à la fin du septième jour ouvré (jour où la banque travaille) suivant le jour de réception des documents. L’avis de refus sera communiqué à la banque qui a fait parvenir les documents ou au bénéficiaire si les documents ont été reçus directement de celui-ci.
ii. La banque doit indiquer dans l’avis toutes les irrégularités qui l’amènent à refuser les documents. Elle doit également préciser si elle tient les documents à la disposition de celui qui les a présentés ou si elle les lui réexpédie.
iii. La Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, aura alors le droit de réclamer à la Banque remettante la restitution avec intérêts de tout remboursement effectué à ladite banque.
e) Si la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, n’agit pas
conformément aux dispositions du présent article et/ou ne tient pas les documents à la disposition de celui qui les a présentés ou ne les lui réexpédie pas, la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, ne pourra faire valoir que les documents ne sont pas en conformité avec les termes et conditions du crédit.
f) Si la Banque remettante attire l’attention de la Banque émettrice et/ou la Banque
confirmante, le cas échéant, sur des irrégularités dans les documents ou informe ces banques qu’elle a payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une/des traite(s) ou négocié sous réserve ou contre une lettre de garantie relative à ces irrégularités, la Banque émettrice et/ou le cas échéant la Banque confirmante ne sera pour autant dégagée de ses obligations découlant de l’une ou de l’autre des dispositions de cet article. De telles réserves ou garanties n’affectent que les relations entre la Banque remettante et la partie envers laquelle la réserve a été faite ou de laquelle la garantie a été obtenue. Article 15 – Contestation de la Valeur des Documents Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à la forme, la suffisance, l’exactitude, l’authenticité, la falsification ou l’effet juridique du/des document(s), ni quant aux conditions générales et/ou particulières stipulées dans le/les document(s) ou y surajoutées. Elles n’assument également aucun engagement ni responsabilité quant à la désignation, la quantité, l’état, l’emballage, la livraison, la valeur ou l’existence des
92
marchandises représentées par un document quelconque ou encore quant à la bonne foi ou aux actes et/ou omissions, à la solvabilité, à la prestation ou à la réputation des expéditeurs, transporteurs, transitaires, destinataires ou assureurs des marchandises, ou de toute autre personne que ce soit. Article 16 – Contestation sur la Transmission des Messages Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant aux conséquences des retards et/ou pertes que pourraient subir dans leur transmission tous messages, lettres ou documents, ni quant à aux retards, à la mutilation ou autres erreurs pouvant se produire dans la transmission de toute télécommunication. Les banques n’assument aucune responsabilité quant aux erreurs de traduction et/ou d’interprétation des termes techniques, et se réservent le droit de transmettre les termes des crédits sans les traduire. Article 17 – Force majeure Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant aux conséquences pouvant résulter de l’interruption de leurs activités provoquée par tout cas de force majeure, émeutes, troubles civils, insurrections, guerres et/ou toute autre cause indépendante de leur volonté, ainsi que par des grèves ou « lock-out ». Sauf autorisation expresse, les banques, à la reprise de leurs activités, n’effectueront aucun paiement, ne contracteront aucun engagement de paiement différé, n’accepteront aucune traite, ou ne procèderont à aucune négociation dans le cas de crédits venus à expiration au cours d’une telle interruption de leurs activités. Article 18 – Contestation du Respect des Instructions données à une Partie a) Les banques utilisant les services d’une ou plusieurs autres banque(s) pour donner suite aux instructions du donneur d’ordre le font pour le compte et aux risques de ce donneur d’ordre. b) Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité au cas où les instructions quelles transmettent ne seraient pas suivies, même si elles ont pris elles-mêmes l’initiative du choix de cette autre ou de ces autres banque(s). c) i. Une partie donnant des instructions à une autre partie pour la prestation de services est responsable de toutes dépenses – y compris les commissions, honoraires, frais et autres débours – que la partie chargée d’exécuter les instructions a encourues à cet effet. ii. Lorsqu’un crédit stipule que ces dépenses seront à la charge d’une partie autre que celle donnant les instructions et que les frais ne peuvent être recouvrés, la partie qui a donné les instructions demeure responsable en dernier ressort pour le paiement des sommes en cause. d) Le donneur d’ordre devra assumer toutes les obligations et responsabilités découlant des lois et usages dans les pays étrangers, et devra verser aux banques les indemnités pouvant en résulter. Article 19 – Dispositions pour le Remboursement de Banque à Banque a) Si une Banque émettrice entend que le remboursement auquel a droit une banque qui paie, accepte ou négocie soit obtenu par cette banque (la Banque « réclamante ») auprès
93
d’une autre partie (la Banque de remboursement), elle devra donner en temps utile à ladite Banque de remboursement les instructions ou autorisations appropriées lui permettant d’honorer ces demandes de remboursement. b) Les Banques émettrices ne devront pas exiger de la Banque « réclamante » que celle-ci fournisse à la Banque de remboursement un certificat de conformité avec les termes et conditions du crédit. c) Une Banque émettrice ne sera dégagée d’aucune de ses obligations de rembourser elle-même si le remboursement n’est pas effectué à la Banque « réclamante » par la Banque de remboursement. d) La Banque émettrice sera responsable envers la Banque « réclamante » de toute perte d’intérêts si le remboursement n’est pas effectué dès la première demande présentée à la Banque de remboursement ou de toute autre manière prévue dans le crédit, ou par accord mutuel, selon le cas. e) Les frais de la Banque de remboursement devraient être supportés par la Banque émettrice. Toutefois, dans les cas où ces frais sont à la charge d’une autre partie, la Banque émettrice doit assumer la responsabilité d’inclure toutes indications à cet effet dans le crédit initial et dans l’autorisation de remboursement. Dans les cas où les frais de la Banque de remboursement sont à la charge d’une autre partie, ils seront perçus auprès de la Banque « réclamante » lorsque le crédit est utilisé. Si le crédit n’est pas utilisé, la Banque émettrice reste tenue de rembourser les frais de la Banque de remboursement. D.- DOCUMENTS Article 20 – Ambiguïtés quant aux Emetteurs des Documents a) Des termes tels que « première classe », « bien connu », « qualifié », « indépendant », « officiel », « compétent », « domestique » ou termes similaires ne doivent pas être employés pour désigner les émetteurs de tous documents à présenter en vertu du crédit. Si de tels termes sont inclus dans les termes et conditions du crédit, les banques accepteront les documents y relatifs tels que présentés, pourvu qu’ils présentent l’apparence de conformité avec les autres termes et conditions du crédit et ne soient pas émis par le bénéficiaire. b) Sauf si le crédit en dispose autrement, les banques accepteront également comme originaux les documents produits ou apparaissant comme ayant été produits : i. par des systèmes reprographiques, automatisés ou informatisés, ii. sous forme de copies au carbone, s’ils sont marqués comme originaux et paraissent avoir été signés chaque fois que cela est nécessaire.
94
Un document peut être signé à la main, comporter une signature par fac-similé, perforation, timbre ou symbole, ou par tout autre moyen mécanique ou électronique d’authentification.
c) i. Sauf si le crédit en dispose autrement, les banques accepteront comme copie tout
document soit portant la mention « copie » soit ne portant pas la mention « original ». Les copies n’ont pas besoin d’être signées. ii. Dans le cas d’un crédit prévoyant des documents multiples tels que « duplicata », « 2 exemplaires », « copies » et similaires, ces exigences seront satisfaites par la présentation d’un seul original et de copies pour le reliquat, sauf si le document lui-même en dispose autrement. d) Sauf stipulations contraires dans le crédit, si le crédit exige qu’un document soit authentifié, validé, légalisé, certifié ou comporte un visa ou si le crédit prévoit une exigence similaire, cette condition sera remplie par toute signature, marque, timbre, label sur le document qui présente l’apparence de répondre à cette exigence. Article 21 – Emetteurs ou Contenu des Documents non spécifiés Lorsque des documents autres que les documents de transport, les documents d’assurance et les factures commerciales sont exigés, le crédit devait stipuler par qui de tels documents doivent être émis et leur libellé ou les données qu’ils doivent contenir. Si le crédit ne le stipule pas, les banques accepteront ces documents tels qu’ils leur seront présentés, pour autant que les données qu’ils contiennent ne soient pas incompatibles avec tout autre document stipulé qui a été présenté. Article 22 – Date d’Emission des Documents et Date du Crédit Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques accepteront un document portant une date d’émission antérieure à celle du crédit, pourvu que ce document soit présenté dans les délais fixés par le crédit et les présents articles. Article 23 – Connaissement maritime a) Si le crédit exige un connaissement couvrant une expédition de port à port, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou authentifié de quelque autre manière par - le transporteur ou un agent dénommé au nom ou pour le compte du transporteur, ou - le capitaine ou un agent dénommé au nom ou pour le compte du capitaine. Toute signature ou authentification d’un transporteur ou capitaine doit être identifiée comme celle du transporteur ou du capitaine selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur ou le capitaine doit également indiquer les nom et qualité de la partie – à savoir le transporteur ou le capitaine – pour le compte de laquelle il agit,
et
95
ii. indique que les marchandises ont été mises à bord ou embarquées sur un navire dénommé. La mise à bord ou le chargement sur un navire dénommé peut être indiqué au moyen d’un libellé pré-imprimé sur le connaissement précisant que les marchandises ont été mises à bord d’un navire dénommé ou chargées sur un navire dénommé ; dans ce cas, la date d’émission du connaissement sera réputée être celle de l’expédition. Dans tous les autres cas, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attesté par une annotation sur le connaissement qui précise la de mise à bord des marchandises, auquel cas la date de l’annotation de mise à bord sera réputée être celle de l’expédition. Si le connaissement comporte la mention « navire prévu » ou une indication similaire relative au navire, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attesté par une annotation de mise à bord sur le connaissement qui doit comporter, outre la date de chargement des marchandises, le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si elles l’ont été sur le navire désigné comme étant le «navire prévu ». Si le connaissement indique un lieu de réception ou de prise en charge autre que le port de chargement, l’annotation de mise à bord doit aussi indiquer le port de chargement stipulé dans le crédit et le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si elles l’ont été sur le navire nommément désigné dans le connaissement. Cette disposition s’applique également chaque fois que la mise à bord d’un navire est indiquée par un libellé pré-imprimé sur le connaissement, iii. indique le port de chargement et de déchargement stipulés dans le crédit, nonobstant le fait que le document : a) – indique un lieu de prise en charge autre que le port d’embarquement et/ou un lieu de destination finale autre que le port de déchargement,
et/ou b) – contient la mention « prévu »ou une mention similaire visant le port de chargement et/ou le port de déchargement, pourvu que le document précise également les ports de chargement et/ou de déchargement stipulés dans le crédit,
et iv. consiste en un seul original du connaissement ou, si plusieurs originaux sont émis, le jeu complet des originaux ainsi émis.
Et
v. paraît inclure tous les termes et conditions du transport ou donner certains de ceux-ci par référence à une source ou à u document autre que le connaissement (document de transport « short-form »/verso en blanc du connaissement). Les banques n’ont à examiner la teneur de ces termes et conditions,
96
et
vi. ne contient aucune indication qu’il fait l’objet d’une charte-partie et/ou que le navire transporteur a pour seul mode de propulsion la voile,
et vii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Aux fins du présent article, il faut entendre par « transbordement » le déchargement et rechargement des marchandises d’un navire sur un autre navire au cours du transport maritime depuis le port de chargement jusqu’au port de déchargement stipulés dans le crédit. c) Sauf si le transbordement est interdit par les termes et conditions du crédit, les banques accepteront un connaissement indiquant que les marchandises seront transbordées, à condition que tout le voyage par mer soit couvert par un seul et même connaissement. d) Même si le transbordement est interdit par les termes et conditions du crédit, les banques accepteront un connaissement qui : i. indique que le transbordement aura lieu à condition que les marchandises concernées soient expédiées en conteneur(s), remorque(s) et/ou « LASH barges » (barges destinés à être chargées sur un porte-barges) comme attesté par le connaissement, pourvu que tout le voyage par mer soit couvert par un seul et même connaissement,
et/ou ii. contient des dispositions stipulant que le transporteur se réserve le droit d’effectuer un transbordement. Article 24 – Lettre de Transport maritime non négociable a) Si le crédit exige une lettre de transport maritime non négociable couvrant une expédition de port à port, les banques, sauf stipulations contraires dans le crédit, accepteront un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou autrement authentifié par :
- le transporteur ou un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du transporteur, ou - le capitaine ou un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du capitaine. Toute signature ou authentification d’un transporteur ou capitaine doit être identifiée
comme celle du transporteur ou du capitaine selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur ou le capitaine doit également indiquer les noms et qualité de la partie – à savoir le transporteur ou le capitaine – pour le compte de laquelle elle agit,
et
97
ii. indique que les marchandises ont été mises à bord ou chargées sur un navire dénommé. La mise à bord ou le chargement sur un navire dénommé peut être indiqué au moyen d’un libellé pré-imprimé sur la lettre de transport maritime non négociable précisant que les marchandises ont été mises à bord d’un navire dénommé ou chargées sur un navire dénommé ; dans ce cas, la date d’émission de la lettre de transport maritime non négociable sera réputée être la date de mise à bord et la date d’expédition. Dans tous les autres cas, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attesté par une annotation sur la lettre de transport maritime non négociable qui donne la date à laquelle les marchandises ont été mises à bord, la date de l’annotation de mise à bord étant alors réputée être la date d’expédition.
Si la lettre de transport maritime non négociable comporte une mention « navire prévu » ou une indication similaire relative au navire, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attestée par une annotation de mise à bord sur la lettre de transport maritime non négociable. Cette annotation doit indiquer, outre la date à laquelle les marchandises ont été mises à bord le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si elles l’ont été sur le navire désigné comme étant le« navire prévu ». Si la lettre de transport maritime non négociable indique un lieu de réception ou de prise en charge des marchandises autre que le port de chargement, l’annotation de mise à bord doit aussi inclure le port de mise à bord stipulé dans le crédit et le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si le chargement a été effectué sur un navire dénommé dans la lettre de transport maritime non négociable. Cette disposition s’applique également lorsque la mise à bord du navire est indiquée par un libellé pré-imprimé sur la lettre de transport maritime non négociable, et iii. indique le port de chargement et le port de déchargement stipulés dans le crédit, nonobstant le fait que la lettre de transport maritime non négociable :
a) – mentionne un lieu de prise en charge qui peut être différent du port de chargement et/ou un lieu de destination finale qui peut être différent du port de déchargement,
et/ou b) – comporte l’indication « prévu » ou une indication similaire en ce qui concerne le port de chargement et/ou le port de déchargement, pour autant que le document indique également les ports de chargement et/ou de déchargement stipulés dans le crédit,
et iv. consiste en un unique original de la lettre de transport maritime non négociable ou, si plusieurs originaux ont été émis, le jeu complet des originaux ainsi émis,
et
98
v. semble inclure tous les termes et conditions du transport ou certains de ceux-ci par référence à une source ou à un document autre que la lettre de transport maritime non négociable (document de «transport « short-form » ou lettre de transport maritime non négociable verso en blanc) et les banques n’ont pas à examiner le contenu de ces termes et conditions,
et vi. ne contient aucune indication que le transport fait l’objet d’une charte-partie et/ou que le navire transporteur a pour seul mode de propulsion la voile,
et vii. satisfait à touts autres égards aux stipulations du crédit. b) Aux fins de cet article, il faut entendre par « transbordement » le déchargement et le rechargement des marchandises d’un navire sur un autre navire au cours du transport maritime, depuis le port de chargement jusqu’au port de déchargement stipulés dans le crédit. c) Sauf si le transbordement est interdit par les termes du crédit, les banques accepteront une lettre de transport maritime non négociable qui indique que les marchandises seront transbordées, pour autant que tout le voyage par mer soit couvert par une seule et même lettre de transport maritime non négociable. d) Même si le transbordement est interdit par le crédit, les banques accepteront une lettre de transport maritime non négociable qui : i. indique que le transbordement aura lieu à condition que les marchandises concernées soient expédiées en conteneurs, remorques et/u « LASH barges » comme attesté par la lettre de transport maritime non négociable, pourvu que tout le voyage par mer soit couvert par une seule et même lettre de transport maritime non négociable,
et/ou ii. incorpore des dispositions précisant que le transporteur se réserve le droit d’effectuer un transbordement. Article 25 – Connaissement de Charte-Partie a) si un crédit exige ou autorise un connaissement de charte-partie, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, tout document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. indique qu’il est soumis à une charte-partie
et ii. présente l’apparence d’avoir été signé ou autrement authentifié
99
- par le capitaine ou par un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du capitaine - par le propriétaire ou par un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du propriétaire. Toute signature ou marque d’authentification du capitaine ou du propriétaire doit être identifiée comme celle du capitaine ou du propriétaire, selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le capitaine ou le propriétaire doit également indiquer les nom et qualité de la partie - à savoir le capitaine ou le propriétaire – pour le compte de laquelle il agit,
et
iii. Indique ou n’indique pas le nom du transporteur,
et iv. indique que les marchandises ont été mises à bord ou chargées sur un navire dénommé. La mise à bord ou le chargement sur un navire dénommé peut être indiqué par un libellé pré-imprimé sur le connaissement précisant que les marchandises ont été mises à bord d’un navire dénommé, auquel cas la date d’émission du connaissement sera réputée être la date de mise à bord et la date d’expédition. Dans tous les autres cas, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attestée par une annotation sur le connaissement qui précise la date de mise à bord des marchandises. Dans ce cas, la date de l’annotation à bord sera réputée être la date d’expédition, v. indique le port de chargement et le port de déchargement stipulés dans le crédit,
et vi. consiste en un seul original du connaissement ou, si plusieurs originaux ont été émis, dans le jeu complet des originaux ainsi émis,
et vii. ne contient aucune indication que le navire assurant le transport a pour seul mode de propulsion la voile,
et viii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Même si le crédit exige la présentation d’un contrat de charte-partie en relation avec un connaissement de chartie-partie, les banques n’examineront pas ce contrat de chartie-partie mais le transmettront sans responsabilité de leur part. Article 26 – Document de Transport multimodal
100
a) Si un crédit exige un document de transport couvrant au moins deux modes de transport (transport multimodal), les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal et d’avoir été signé ou autrement authentifié par : - le transporteur ou l’opérateur de transport multimodal ou un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal, ou
- le capitaine ou un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du capitaine. Toute signature ou marque d’authentification d’un transporteur, opérateur de transport multimodal ou capitaine doit être identifiée comme celle du transporteur, opérateur de transport multimodal ou du capitaine, selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur, l’opérateur de transport multimodal ou le capitaine doit également indiquer les noms et qualité de la partie, à savoir le transporteur, l’opérateur de transport multimodal ou le capitaine, pour le compte de laquelle elle agit,
et
ii. indique que les marchandises ont été expédiées, prises en charge ou mises à bord. L’envoi, la prise en charge ou la mise à bord peut être indiqué par une mention à cet effet sur le document de transport multimodal et la date d’émission sera réputée être la date d’envoi, de prise en charge ou de mise à bord, et la date d’expédition. Cependant, si le document indique au moye d’un timbre ou autrement une date d’envoi, de prise en charge ou de mise à bord, cette date sera réputée être la date d’expédition,
et iii. a) – indique le lieu de prise en charge, stipulé dans le crédit, qui peut être différent du port, aéroport ou lieu de chargement, et le lieu de déchargement,
et/ou b) – comporte l’indication « prévu » ou une indication similaire en ce qui concerne le navire et/ou le port de mise à bord, et/ou le port de déchargement,
et iv. consiste en un unique original du document de transport multimodal ou, si plusieurs originaux ont été émis, dans le jeu complet des originaux ainsi émis,
et v. semble inclure tous les termes et conditions du transport ou certains de ceux-ci par référence à une source ou à un document autre que le document de transport multimodal (document de transport « short-form/verso en blanc du document de transport multimodal), et les banques n’ont pas à examiner le contenu de ces termes et conditions,
et
101
vi. ne contient aucune indication que le document est soumis à une charte-partie et/ou aucune indication que le navire transporteur a pour seul mode de propulsion la voile,
et vii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Même si le transbordement est interdit par les conditions du crédit, les banques accepteront un document de transport multimodal qui indique qu’un transbordement aura lieu ou pourra avoir lieu pour autant que toute l’opération de transport soit couverte par un seul et même document de transport multimodal. Article 27 – Document de Transport aérien a) Si un crédit exige un document de transport aérien, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou autrement authentifié par : - le transporteur, ou - un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du transporteur
Toute signature ou marque d’authentification du transporteur doit être identifiée par le terme « transporteur ». Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur doit également indiquer les noms et qualité de la partie - à savoir le transporteur - pour le compte de laquelle elle agit,
et
ii. indique que les marchandises ont été acceptées pour transport,
et iii. comporte, lorsque le crédit exige une date effective d’expédition, une annotation spécifique de cette date, et la date ainsi portée sur le document de transport aérien sera réputée être la date d’expédition. Aux fins de cet article, les informations données dans la case du document de transport aérien (ase avec l’indication « à utiliser seulement par le transporteur » ou une expression similaire) et relatives au numéro et à la date de vol ne seront considérées comme une annotation spécifique de la date d’expédition. Dans tous les autres cas, la date d’émission du document de transport aérien sera réputée être la date d’expédition,
et iv. indique l’aéroport de départ et l’aéroport de destination stipulés dans le crédit,
et
102
v. présente l’apparence d’être original pour l’expéditeur/chargeur même si le crédit exige un jeu complet d’originaux ou expressions similaires,
et vi. présente l’apparence d’inclure tos les termes et conditions de transport ou certains de ceux-ci par référence à une source ou à un document autre que le document de transport aérien. Les banques n’ont pas à examiner le contenu de ces termes et conditions,
et vii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Aux fins de cet article, il faut entendre par « transbordement » le déchargement et rechargement des marchandises d’un aéronef sur un autre aéronef au cours du transport depuis l’aéroport de départ jusqu’à l’aéroport de destination stipulés dans le crédit. c) Même si le crédit interdit le transbordement, les banques accepteront un le document de transport aérien qui indique qu’il y aura ou pourra y avoir transbordement, pourvu que tout le voyage soit couvert par un seul et même document de transport aérien. Article 28 – Documents de Transport par Route, Rail ou Voie d’Eau intérieure a) Si un crédit exige un document de transport par route, rail ou voie d’eau intérieure, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document exigé, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou autrement authentifié par le transporteur ou par un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du transporteur et /ou de porter un timbre de réception ou toute autre indication de réception par le transporteur ou par un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du transporteur. Toute signature ou authentification, tout timbre de réception ou toute autre indication du transporteur doit être identifié au recto comme celle du transporteur. Un agent qui signe ou authentifie au nom du transporteur doit également indiquer les noms et qualité de le partie, à savoir le transporteur, pour le compte de la quelle il agit,
et ii. indique que les marchandises ont été reçues pour expédition, envoi ou transport ou des expressions similaires. La date d’émission sera réputée être la date d’expédition sauf si le document de transport porte un timbre de réception, auquel cas la date de ce timbre sera réputée être la date d’expédition,
et iii. indique le lieu d’expédition et le lieu de destination stipulés dans le crédit,
et
103
iv. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) En l’absence de toute indication sur le document de transport quant au nombre d’exemplaires émis, les banques accepteront le/les document(s) de transport présenté(s) comme constituant un jeu complet. Les banques accepteront à titre original ou d’originaux ce/ces document(s) de transport qu’il(s) soi(ent) ou non marqué(s) « original ». c) Aux fins de cet article, il faut entendre par transbordement le déchargement des marchandises et le rechargement des marchandises d’un moyen de transport sur un autre moyen de transport, et ce par différents modes de transport, pendant ‘opération depuis le lieu d’expédition jusqu’au lieu de destination comme stipulés dans le crédit. d) Même si le crédit interdit le transbordement, les banques accepteront un document de transport par route, rail ou voie d’eau intérieure qui indique qu’il y aura ou pourra y avoir transbordement, pour autant que l’opération de transport toute entière soit couverte par un seul et même document de transport et dans le cadre du même mode de transport. Article 29 – Récépissés de Sociétés de Courrier express et de la Poste a) Si un crédit exige un récépissé postal ou un certificat par poste, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un tel récépissé ou certificat postal: i. s’il présente l’apparence d’avoir été estampillé ou autrement authentifié et daté du lieu d’où le crédit stipule que les marchandises doivent être expédiées ou envoyées. Cette date sera réputée être celle de l’expédition ou de l’envoi,
et ii. s’il satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Si un crédit exige un document émis par une société de courrier express ou par un service de livraison, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom de la société de courrier express/du service de livraison, et d’avoir été timbré, signé ou autrement authentifié par la société de courrier express/le service de livraison dénommé(e) (à moins que le crédit n’exige spécifiquement un document émis par une société de courrier express ou par un service de livraison dénommé(e), les banques accepteront un document émis par n’importe quel(le) service de livraison/société de courrier express),
et ii. indique une date de collecte ou réception ou une expression à cet effet, et cette date sera réputée être celle de l’expédition ou de l’envoi,
et iii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit.
104
Article 30 – Documents de Transport émis par les Transitaires Sauf autorisation contraire dans le crédit, les banques accepteront un document émis par un transitaire s’il présente l’apparence d’indiquer : i. le nom du transitaire en tant que transporteur ou opérateur de transport multimodal, et la signature ou toute autre authentification du transitaire agissant en qualité de transporteur ou d’opérateur de transport multimodal,
ou ii. le nom du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal, et la signature ou toute autre authentification du transitaire agissant en qualité d’agent dénommé au nom ou pour le compte du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal. Article 31 – « En Pontée », Poids et Décomptes de l’Expéditeur, Nom de l’Expéditeur Sauf stipulations contraire dans le crédit, les banques accepteront un document de transport qui : i. n’indique pas, dans le cas d’un transport par mer ou par plus d’un mode de transport comprenant un transport par mer, que les marchandises sont ou seront chargées en pontée. Néanmoins, les banques accepteront un document de transport qui comporte une disposition stipulant que les marchandises pourront être transportées en pontée, pourvu qu’il n’indique pas expressément que les marchandises sont ou seront chargées en pontée,
et/ou ii. porte au recto une clause telle que « poids et décomptes du chargeur » ou « contient aux dires du chargeur » ou une mention similaire,
et/ou iii. indique comme expéditeur des marchandises une partie autre que le bénéficiaire du crédit. Article 32 – Documents de Transport net a) Un document de transport net est un document qui ne comporte aucune clause ou annotation constatant expressément un état défectueux des marchandises et/ou de l’emballage. b) Les banques refuseront les documents de transport comportant de telles clauses ou annotations sauf si le crédit stipule expressément les clauses ou annotations qui peuvent être acceptées. c) Les banques considéreront qu’une condition du crédit exigeant que le document de transport porte la mention « net à bord » est respectée si ce document de transport répond aux conditions de cet article et des articles 23, 24, 25, 26, 27, 28 ou 30.
105
Article 33 – Documents de Transport « Fret payable/payé d’avance » a) Sauf stipulations contraires dans le crédit ou incompatibilité avec l’un des documents présentés en vertu du crédit, les banques accepteront des documents de transport mentionnant que le fret ou les frais de transport (ci-après qualifiés de fret) restent à payer. b) Si un crédit stipule que le document de transport doit indiquer que le fret a été payé ou payé d’avance, les banques accepteront un document de transport sur lequel figure une mention indiquant clairement, au moyen d’un cachet ou autrement, le paiement ou le paiement d’avance du fret, ou sur lequel le paiement ou le paiement d’avance du fret est indiqué par d’autres moyens. Si le crédit exige que les frais des sociétés de courrier express soient payés ou payés d’avance, les banques accepteront également un document de transport émis par une société de courrier express ou un service de livraison rapide et attestant que les frais de courrier express sont à la charge d’une partie autre que le destinataire. c) La mention« fret payable d’avance » ou « fret à payer d’avance » ou une mention similaire, si elle apparaît sur des documents de transport, ne sera pas acceptée comme preuve du paiement du fret. d) Les banques accepteront des documents de transport faisant mention, au moyen d’un cachet ou autrement, de frais s’ajoutant au fret, tels que des frais ou débours relatifs au chargement, au déchargement ou à des opérations similaires, sauf si les termes et conditions du crédit interdisent expressément de telles mentions. Article 34 – Documents d’Assurance a) Les documents d’assurance doivent présenter l’apparence d’être émis et signés par des compagnies d’assurance ou autres assureurs (« underwriters ») ou par leurs agents. b) Si le document d’assurance indique qu’il a été émis plus d’un original, tous les originaux doivent être présentés, sauf autorisation contraire dans le crédit. c) Les notes de couverture (arrêtés) émises par des courtiers ne seront pas acceptées, sauf si cela est expressément autorisé dans le crédit. d) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques accepteront un certificat d’assurance ou une déclaration sous couverture ouverte qui a été présigné(e) par des compagnies d’assurance ou autres assureurs (« underwriters ») ou par leurs agents. Si un crédit exige spécifiquement un certificat d’assurance ou une déclaration sous couverture ouverte, les banques accepteront, en lieu et place, une police d’assurance. e) Sauf stipulations contraires dans le crédit ou sauf s’il ressort du document d’assurance que la couverture prend effet au plus tard à la date de mise à bord ou d’expédition ou de prise en charge des marchandises, les banques n’accepteront pas un document d’assurance dont la date d’émission est postérieure à la date de mise à bord ou d’expédition ou de prise en charge telle qu’indiquée dans ce document de transport. f) i. Sauf stipulations contraires dans le crédit, le document d’assurance doit être libellé dans la monnaie du crédit.
106
ii. Sauf stipulations contraires dans le crédit, la valeur minimum de couverture souscrite que le document d’assurance doit indiquer est – selon le cas – la valeur CIF (coût, assurance, fret (… « port de destination désigné »)) ou CIP (fret/port payé, assurance comprise, jusqu’au ( … « point de destination désigné »)) des marchandises, majorée de 10% mais seulement lorsque la valeur CIF ou CIP peut être déterminée d’après les documents. A défaut, les banques accepteront comme valeur minimum 110% du montant le plus élevé entre le montant pour lequel le paiement, l’acceptation ou la négociation est demandée en vertu du crédit, et le montant brut de la facture commerciale. Article 35 – Type de Couverture d’Assurance a) Les crédits devraient stipuler le type d’assurance requis et, le cas échéant, les risques additionnels qui doivent être couverts. Des termes imprécis tels que « risques habituels » ou « risques courants » ne doivent pas être utilisés ; s’ils le sont les banques accepteront les documents d’assurance tels que présentés, sans assumer de responsabilité pour tous les risques non couverts. b) En l’absence de stipulations spécifiques dans le crédit, les banques accepteront les documents d’assurance tels que présentés, sans assumer de responsabilité pour tous les risques non couverts. c) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques accepteront un document d’assurance indiquant que la couverture est soumise à franchise, qu’il s’agisse d’une franchise atteinte ou d’une franchise déduite. Article 36 – Couverture d’Assurance « Tous Risques » Lorsqu’un crédit stipule « assurance contre tous risques », les banques accepteront un document d’assurance qui contient toute clause ou annotation « tous risques », que le titre en soit ou non« tous risques », même si le document d’assurance indique que certains risques sont exclus, et cela sans assumer aucune responsabilité pour tous risques non couverts. Article 37 – Factures commerciales a) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les factures commerciales : i. doivent présenter l’apparence d’être émises par le Bénéficiaire désigné dans le crédit (sous réserve des dispositions de l’article 48),
et ii. doivent être établies au nom du Donneur d’ordre (sous réserve des dispositions de l’article 48 (h)),
et iii. n’ont pas besoin d’être signées. b) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques peuvent ne pas accepter les factures commerciales établies pour un montant supérieure à celui autorisé par le crédit.
107
Néanmoins, si une banque autorisée à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter une traite, ou à négocier en vertu du crédit, accepte de telles factures, sa décision liera toutes les parties, pourvu que ladite banque n’ait pas payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une traite, ou négocié pour un montant supérieure à celui autorisé par le crédit. c) La désignation des marchandises figurant sur la facture commerciale doit correspondre à celle donnée dans le crédit. Sur tous les autres documents, les marchandises peuvent être décrites en termes généraux qui ne soient pas incompatibles avec la description qu’en donne le crédit. Article 38 – Autres Documents Si un crédit exige une attestation ou une certification de poids dans le cas de transports autres que par mer, les banques accepteront un timbre de pesage ou une déclaration de poids qui présente l’apparence d’avoir été surajoutée sur le document de transport par le transporteur ou son agent, sauf si le crédit stipule expressément que l’attestation ou la certification de poids doit être donnée par un document distinct. E. – DISPOSITIONS DIVERSES Article 39 – Tolérances relatives au Montant du Crédit, à la Quantité et aux Prix unitaires a) Les expressions « environ », « approximativement », « circa » ou similaires employées en ce qui concerne le montant du crédit ou la quantité ou le prix unitaire mentionnés dans le crédit seront interprétées comme permettant un écart maximum de 10% en plus ou en moins sur le montant du crédit ou la quantité ou le prix unitaire auxquels elles s’appliquent. b) Sauf si un crédit stipule qu’il ne doit pas être livré ni plus ni moins que la quantité des marchandises prescrite, un écart de 5% en plus ou en moins sera admis, mais toujours sous réserve que le montant des tirages ne dépasse pas le montant du crédit. Cette tolérance ne s’applique pas lorsque le crédit spécifie la quantité par un nombre donné d’emballages ou d’articles individualisés. c) Sauf stipulations contraires dans un crédit qui interdit les expéditions partielles ou sauf si l’alinéa (b) ci-dessus est applicable, un écart de 5% en plus ou en moins sur le montant du tirage sera admis, pourvu que si le crédit stipule la quantité des marchandises et un prix unitaire, ladite quantité soit expédiée en totalité et le prix unitaire ne soit pas réduit. Cette disposition ne s’applique pas lorsque des expressions visées à l’alinéa (a) ci-dessus sont utilisées dans le crédit. Article 40 – Expéditions/Tirages partiels a) Les expéditions et/ou tirages partiels sont autorisés sauf stipulations contraires dans le crédit.
108
b) Les documents de transport qui présentent l’apparence d’indiquer que l’expédition a été effectuée par le même moyen de transport et pour le même voyage, sous réserve qu’ils indiquent la même destination, ne seront pas considérés comme couvrant des expéditions partielles, même si les documents de transport mentionnent des dates différentes d’expédition et/ou des ports de chargement, lieux de prise en charge ou d’envoi différents. c) Des expéditions effectuées par poste ou par courrier express ne seront pas considérées comme des expéditions partielles si les récépissés postaux ou les certificats d’expédition par poste ou les récépissés ou les bordereaux d’envoi de la société de courrier express présentent l’apparence d’avoir été estampillés, signés ou autrement authentifiés du lieu d’où le crédit stipule que les marchandises doivent être expédiées, et à la même date. Article 41 – Expéditions/Tirages fractionnés Si les tirages et/ou expéditions fractionnés au cours de périodes déterminées sont stipulés dans le crédit et qu’une fraction n’est pas utilisée et/ou expédiée dans la période autorisée pour cette fraction, le crédit cesse d’être valable pour cette fraction et pour toute fraction subséquente, sauf stipulations contraires dans le crédit. Article 42 – Date extrême de Validité et Lieu de Présentation des Documents a) Tout crédit stipule une date extrême de validité et un lieu de présentation des documents pour le paiement, l’acceptation ou, sauf dans le cas de crédits librement négociables, pour négociation. Toute date extrême de validité stipulée pour le paiement, l’acceptation ou la négociation sera considérée comme étant la date extrême pour la présentation des documents. b) Sous réserve des dispositions de l’article 44 alinéa (a) les documents doivent être présentés au plus tard à la date extrême de validité. c) Si une Banque émettrice mentionne que le crédit sera valable « pour une durée d’un mois », « pour une durée de six mois », ou expression(s) similaire(s) mais ne spécifie pas la date de départ de ce délai, la date d’émission du crédit par la Banque émettrice sera réputée être le premier jour à partir duquel le délai commence à courir. Les banques devraient décourager toute tendance à indiquer de cette manière la date d’expiration du crédit. Article 43 – Limitation sur la Date extrême de Validité a) Outre la stipulation d’une date limite pour la présentation des documents, tout crédit qui exige un ou des documents de transport devrait aussi fixer une période expressément définie après la date d’expédition, au cours de laquelle les documents doivent être présentés en conformité avec les termes et conditions du crédit. Si une telle période n’est pas stipulée, les banques refuseront les documents présentés au plus tard à la date d’expiration du crédit. b) Dans le cas où s’applique l’article 40 alinéa (b), la date d’expédition sera considérée comme étant la date d’expédition la plus récente figurant sur l’un des documents de transport présentés.
109
Article 44 – Report de la Date extrême de Validité a) Si la date d’expiration du crédit et/ou le terme de la période fixée pour la présentation des documents stipulés dans le crédit ou applicable en vertu de l’article 43 tombe un jour où la banque à laquelle les documents doivent être présentés est fermée pour des raisons autres que celles visées à l’article 17, la date d’expiration stipulée et/ou le terme de la période fixée pour la présentation des documents à compter de la date d’expédition, selon le cas, sera reporté au premier jour de réouverture de ladite banque. b) La date extrême d’expédition ne sera pas prorogée en raison du report de la date d’expiration et/ou de la période fixée après la date d’expédition pour la présentation des documents conformément à l’alinéa (a) ci-dessus. Si aucune date extrême pour l’expédition n’est stipulée dans le crédit ou dans les amendements au crédit, les banques refuseront les documents de transport mentionnant une date d’expédition postérieure à la date d’expiration que stipule le crédit ou un amendement au crédit. c) La banque à laquelle les documents sont présentés le premier jour de sa réouverture doit fournir une déclaration indiquant que las documents on été présentés dan les délais prorogés conformément à l’article 44 alinéa (a) des Règles et Usances Uniformes relatives aux Crédits Documentaires, Révision de 1993, Publication CCI N° 500. Article 45 – Heures de Présentation Les banques n’ont aucune obligation d’accepter la présentation des documents en dehors des heures d’ouverture de leurs guichets. Article 46 – Expressions générales relatives aux Dates d’Expédition a) Sauf stipulations contraires dans le crédit, l’expression « expédition » utilisée pour déterminer la date la plus proche et/ou la date extrême d’expédition sera comprise comme incluant des expressions telles que « mise à bord », « envoi », « accepté pour transport », « date de récépissé postal », « date de collecte » ou similaires et, dans le cas d’un crédit exigeant en autorisant la présentation d’un document de transport multimodal, l’expression « prise en charge ». b) Des expressions telles que « promptement », « immédiatement », « le plus tôt possible » ou expressions similaires ne devraient pas être utilisées. Si elles sont employées, les banques n’en tiendront pas compte. c) Si l’expression « le…ou vers le… » ou des mentions similaires sont employées, les banques les interpréteront comme stipulant que l’expédition doit être effectuée dans une période allant de cinq jours avant jusqu’à cinq jours après la date indiquée, les jours limites inclus. Article 47 – Terminologie relative aux Dates pour les Périodes d’Expédition
110
a) Les mots « au », « jusqu’au », « depuis » et expressions similaires employées pour définir toute date ou période d’expédition qui est mentionnée dans le crédit se comprendront comme incluant la date indiquée. b) Les mots « après le » se comprendront comme excluant la date mentionnée. c) Les expressions « première moitié », « seconde moitié » d’un mois devront s’entendre respectivement comme allant du 1er au 15 inclus et du 16 au dernier jour du mois inclus. d) Les expressions « commencement », « milieu » ou « fin » d’un mois devront s’entendre respectivement comme allant du 1er au 10 inclus, du 11 au 20 inclus et du 16 au dernier jour du mois inclus. F. – CREDIT TRANSFERABLE Article 48 – Crédit transférable a) Un crédit transférable est un crédit en vertu duquel le bénéficiaire (Premier Bénéficiaire) peut demander à la banque autorisée à payer, à contracter un engagement de paiement différé ou à accepter, ou à négocier (la Banque « transférante ») ou, dans le cas d’un crédit librement négociable, la banque spécifiquement habilitée dans le crédit à titre de Banque « transférante », qu’elle permette l’utilisation du crédit en totalité ou en partie par un ou plusieurs autres bénéficiaires (Second(s) Bénéficiaire(s)). b) Un crédit ne peut être transféré que s’il est expressément qualifié de « transférable » par la Banque émettrice. Des termes tels que « divisible », « fractionnable », « assignable » ou « transmissible » ne rendent pas le crédit transférable. Si de tels termes sont employés, il n’en sera pas tenu compte. c) Une Banque « transférante » n’a aucune obligation d’effectuer ce transfert si ce n’est dans les limites et les formes auxquelles ladite banque aura expressément consenti. d) Au moment où il fait une demande de transfert et avant le transfert du crédit, le Premier Bénéficiaire doit donner des instructions irrévocables à la Banque « transférante » s’il se réserve ou non le droit de ne pas autoriser la Banque « transférante » à porter des amendements à a connaissance du/des Second(s) Bénéficiaire(s). Si la Banque « transférante » consent à effectuer le transfert dans ces conditions, elle doit au moment du transfert informer le/les Second(s) Bénéficiaire(s) des instructions relatives aux amendements qu’elle a reçues du Premier Bénéficiaire. e) Si un crédit est transféré à plusieurs Seconds Bénéficiaires, le refus d’un amendement par un ou plusieurs desdits Seconds Bénéficiaires n’entraîne pas la nullité de l’acceptation du ou des autres Seconds Bénéficiaires vis-à-vis desquels le crédit sera amendé en conséquence. Le crédit restera non amendé vis-à-vis du/des Second(s) Bénéficiaire(s) qui ont refusé l’amendement.
111
f) Les frais de la Banque « transférante » pour ses services, y compris les commissions, honoraires, frais ou dépenses, sont à la charge du Premier Bénéficiaire sauf accord contraire. Si la Banque « transférante » accepte de transférer le crédit, elle n’aura aucune obligation de le faire tant que les frais ci-dessus ne lui auront pas été payés. g) Sauf stipulations contraires dans le crédit, un crédit transférable ne peut être transféré qu’une fois. En conséquence, le crédit ne peut être transféré à la demande du Second Bénéficiaire en faveur d’un troisième bénéficiaire. Aux fins de cet article, un retransfert de ce crédit au Premier Bénéficiaire ne constitue un transfert interdit. Des fractions d’un crédit transférable (n’excédant pas au total le montant du crédit) peuvent être transférées séparément, à condition que les expéditions/tirages partiels ne soient pas interdits, et l’ensemble de ces transferts sera considéré comme ne constituant un seul transfert interdit. h) Le crédit ne peut être transféré que suivant les termes et conditions spécifiés dans le crédit d’origine sauf en ce qui concerne : - le montant du crédit, - tout prix unitaire y indiqué, - la date de validité, - la date limite de présentation des documents selon l’article 43, - la période d’expédition, tous ces éléments pouvant être – conjointement ou séparément – réduits ou ramenés. Le pourcentage pour lequel la couverture d’assurance doit être prise peut être augmenté afin d’atteindre le montant de couverture stipulé dans le crédit d’origine, ou les présents articles. En outre, le nom du Premier Bénéficiaire peut être substitué à celui du donneur d’ordre, mais si selon le crédit d’origine le nom du donneur d’ordre doit apparaître sur un quelconque document autre que la facture, cette exigence doit être respectée. i) Le Premier Bénéficiaire a le droit de substituer sa/ses propre(s) facture(s) et traite(s) en échange de celles du Second Bénéficiaire pour des montants ne dépassant pas le montant initial stipulé dans le crédit et pour les prix unitaires initiaux si la crédit en stipule. Lors d’une telle substitution de facture(s) (et traite(s)), le Premier Bénéficiaire peut se faire régler en vertu du crédit la différence existant, le cas échéant, entre sa/ses propre(s) facture(s) et celles du ou des Second(s) Bénéficiaire(s). Lorsqu’un crédit a été transféré et que le Premier Bénéficiaire doit fournir sa/ses propre(s) facture(s) (et traite(s)) en échange des factures (et traite(s)) du/des Second(s) Bénéficiaire(s) mais qu’il ne le fait pas à première demande, la Banque « transférante » a le droit de remettre à la Banque émettrice les documents reçus en vertu du crédit transféré y compris la/les facture(s) (et traite(s)) du/des Second(s) Bénéficiaire(s), et ce sans encourir de responsabilité envers le Premier Bénéficiaire. j) Le Premier Bénéficiaire peut demander que le paiement ou la négociation soit effectué au(x) Second(s) Bénéficiaire(s) sur la place où le crédit a été transféré jusques et y
112
compris la date d’expiration du crédit, à moins que le crédit d’origine ne spécifie expressément qu’il ne peut être payé ou négocié sur une place autre que celle indiquée dans le crédit. Cela est sans préjudice du droit du Premier Bénéficiaire de substituer par la suite sa ou ses propres factures et traites à celles du ou des Seconds Bénéficiaires et de réclamer toute différence qui lui serait due. G. – CESSION DU PRODUIT DU CREDIT Article 49 – Cession du Produit du Crédit Le fait qu’un crédit ne soit pas désigné comme transférable n’affectera pas le droit du bénéficiaire de céder tout droit de créance qu’il a obtenu ou pourrait obtenir en vertu de ce crédit, conformément aux dispositions de la loi applicable. Cet article vise seulement la cession de créances et non la cession du droit de réaliser les conditions du crédit lui-même.
113
T A B L E D E S M A T I E R E S
ABREVIATIONS p. 5 INTRODUCTION p. 7 PARTIE PREMIÈRE. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE LIMITE AU FORMALISME DU CRÉDIT DOCUMENTAIRE p. 17 TITRE PREMIER. La nature documentaire de la fraude p. 18 Chapitre I. Les différents types de la fraude documentaire p. 18 Section 1. La fraude matérielle p. 19 Section 2. La fraude intellectuelle p. 22 Chapitre II. Le fondement unique de la fraude documentaire p. 24 Section 1. L’admission du principe de fraude p. 25 Section 2. La matérialité de la fraude documentaire p. 28
TITRE DEUXIÈME. L’appréciation de la fraude documentaire p. 33
Chapitre I. La manifestation de la fraude dans les documents p. 33 Section 1. L’insuffisance d’une fraude « vraisemblable » p. 34 Section 2. La nécessité d’une fraude manifeste p. 37 Chapitre II. L’incidence de l’élément intentionnel p. 41 Section 1. La conception subjective p. 41 Section 2. La conception objective p. 44 § 1. Le rejet de l’argument de la bonne foi du bénéficiaire p. 45
§ 2.L’indifference à la fraude du donneur d’ordre p. 47
114
PARTIE DEUXIÈME. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE EXCEPTION A L’AUTONOMIE CRÉDIT DOCUMENTAIRE p. 48 TITRE PREMIER. L’empêchement à la réalisation du crédit documentaire p. 49 Chapitre I. Le refus du paiement frauduleux p. 50 Section 1. La possibilité de refus du paiement frauduleux p. 50
Section 2. Le devoir bancaire de refuser le paiement frauduleux p. 55
Chapitre II. Le blocage du crédit documentaire par intervention judiciaire p. 57
Section 1. L’interdiction de paiement frauduleux p. 58
Section 2. L’éventualité d’une saisie p. 62
TITRE DEUXIÈME. Le contentieux découlant de la fraude p. 64 Chapitre I. Le remboursement des banques p. 64 Section 1. Le remboursement de la banque intermédiaire p. 65
Section 2. Le recours de la banque contre le bénéficiaire p. 71
Chapitre II. Les recours du donneur d’ordre p. 74
CONCLUSION p. 77 BIBLIOGRAPHIE p. 78 ANNEXE I Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives au crédit documentaire p. 85 TABLE DES MATIERES p. 114
115
Top Related