LA FRAUDE DANS LE CREDIT DOCUMENTAIRE - unistra.fr

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UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN DEA DROIT DES AFFAIRES ANNEE UNIVERSITAIRE 2003/2004 LA FRAUDE DANS LE CREDIT DOCUMENTAIRE Par : Mlle Papamatthaiou Anna-Georgia Sous la direction de : M. Elhoueiss Jean-Luc, maître de conférences En vue de l’obtention du DEA « Droit des affaires » STRASBOURG 2004

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UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN DEA DROIT DES AFFAIRES ANNEE UNIVERSITAIRE 2003/2004

LA FRAUDE DANS LE CREDIT DOCUMENTAIRE

Par:

Mlle Papamatthaiou Anna-Georgia

Sous la direction de :

M. Elhoueiss Jean-Luc, maître de conférences

En vue de l’obtention du DEA « Droit des affaires »

STRASBOURG 2004

REMERCIEMENTS Je voudrais avant tout remercier Monsieur Jean-Luc Elhoueiss pour toute l’attention qu’il a

porté à mon travail.

Je tiens également à remercier mes amis et collègues Georgios et Eleni pour leur soutient

permanent ainsi que mes parents pour leur patience pendant toute cette année.

Je remercie égalent ma meilleure amie Eirini pour ses conseils et ses recommandations.

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A la personne la plus importante dans ma vie, ma mère

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PLAN SOMMAIRE INTRODUCTION PARTIE I. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE LIMITE AU FORMALISME DU CREDIT DOCUMENTAIRE TITRE I. La nature documentaire de la fraude

Chapitre I. Les différents types de la fraude Chapitre II. Le fondement unique de la fraude

TITRE II. L’appréciation de la fraude documentaire

Chapitre I. La manifestation de la fraude dans les documents

Chapitre II. L’incidence de l’élément intentionnel PARTIE II. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE EXCEPTION A L’AUTONOMIE DU CREDIT DOCUMENTAIRE TITRE I. L’empêchement à la réalisation du crédit documentaire Chapitre I. Le refus du paiement frauduleux Chapitre II. Le blocage du crédit documentaire par intervention judiciaire

TITRE II. Le contentieux découlant de la fraude

Chapitre I. Le remboursement des banques Chapitre II. Les recours du donneur d’ordre CONCLUSION

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ABREVIATIONS Art. Article Banque Revue Banque (française) Banque et Droit Banque et Droit Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation CA Cour d’appel Cass. com. Cour de Cassation – Chambre commerciale CCI Chambre de Commerce Internationale C. civ. Code civil ch. chambre chron. chronique D Recueil Dalloz D Affaires Dalloz Affaires DMF Droit maritime français doctr. doctrine DPCI Droit et Pratique du Commerce International Droit et Patrimoine Droit et Patrimoine Gaz. Pal. Gazette du Palais IR Informations Rapides J.-Cl. Juris-Classeur JCP La semaine Juridique. Edition générale JCP-CI La semaine Juridique. Edition Commerce et Industrie JCP Ed E La semaine Juridique. Edition Entreprises JDI Journal du Droit International (Clunet) JIBL Journal of International Banking Law

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jurispr. jurisprudence NCPC Nouveau Code de Procédure Civile obs. observation Op. cit. Opere citato ord. réf. ordonnance de référé Quot. Jur. Le Quotidien Juridique RDAI Revue de droit des affaires internationales RD bancaire et bourse Revue de droit bancaire et de la bourse RD bancaire et financier Revue de droit bancaire et financier RHJ Revue des Huissiers de Justice RJDA Revue de Jurisprudence de droit des affaires RRU Règles et usances uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires UCC Uniform Commercial Code RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial S Recueil Sirey som. com. sommaire commenté Trib. com. Tribunal de commerce V. Voir

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INTRODUCTION Le crédit documentaire est l’un des instruments les plus importants du commerce

international. Cet instrument, véritable chef d’œuvre de technique bancaire, émergea peu à

peu au début du vingtième siècle, au cours de la première guerre mondiale1. A maintes

reprises, l’essor de cet instrument fut analysé. Ce qu’il est essentiel de remarquer c’est que les

changements du système commercial, vraisemblablement dûs à un développement rapide des

moyens de communication et de transport, se sont heurtés, au gré des hasards de l’Histoire, à

une période d’instabilité politique jusque là inédite à l’échelle mondiale. Le commerce

international fut affecté par des déséquilibres économiques importants et il est souvent advenu

qu’un commerçant n’ait pu avoir l’assurance de voir son co-contractant honorer ses

engagements. Ce scénario provoqua l’apparition d’un phénomène financier et économique lié

à l’accroissement prodigieux des échanges commerciaux internationaux. Il n’est pas

surprenant que la fiabilité et les multiples possibilités qu’offrait le crédit documentaire aient

répondu aux besoins propres du commerce mondial des services et des marchandises.

D’abord, le crédit documentaire fournit une réponse adaptée au conflit d’intérêt existant entre

l’acheteur et le vendeur dans la vente internationale. Dans une telle opération commerciale,

l’acheteur souhaite recevoir la marchandise qu’il a commandée tandis que le vendeur, de son

côté, souhaite en recevoir le prix. L’un et l’autre préféreraient une parfaite concomitance entre

le dessaisissement de la marchandise et la réception du prix. Mais cela est rarement possible.

D’ailleurs, lorsque acheteur et vendeur s’engagent dans une affaire commerciale

internationale, ils doivent s’entourer de nombreuses précautions, rendues d’autant plus

nécessaires du fait qu’ils encourent des risques liés aux rapports internationaux. La distance

séparant les contractants, la diversité des systèmes juridiques, les incertitudes politiques sont

des sources de méfiance traditionnelles en matière internationale. Il va sans dire que les

risques politiques et économiques s’avèrent plus que jamais présents dans le contexte

international. Ainsi les préoccupations qui se font jour sont aussi sérieuses que diversifiées et

aboutissent à la recherche d’une voie permettant de mener à bien l’opération.

1 Certains auteurs affirment que l’engagement documentaire est un dérivé de l’ancienne lettre de crédit rencontrée chez les Phéniciens, Babyloniens, Assyriens ou encore chez les Grecs. D’autres considèrent que l’on doit chercher sa provenance dans la lettre de crédit médiévale du 12ème siècle. Cependant, les uns et les autres s’accordent sur l’apparition de la version moderne du crédit documentaire au début du 20ème siècle.

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Le crédit documentaire réalise, par l’intervention du système bancaire d’un ou plusieurs pays,

un compromis acceptable pour chacun et adaptable aux principales situations, grâce à ces

diverses modalités. La substitution de la solvabilité de l’acheteur par celle de la banque2 est

sans aucun doute souhaitable, car les rapports créés par l’émission du crédit sont ainsi

contrebalancés. L’intervention du banquier est marquée par le principe de la neutralité

absolue. Elle élimine, du moins théoriquement, les risques en assurant la solidité nécessaire à

l’institution. En effet, il est l’intermédiaire en qui l’acheteur et le vendeur « vont mettre leur

confiance afin de vaincre leur méfiance »3. L’attribution au banquier d’un pouvoir de contrôle

sur les documents habituellement représentatifs de la livraison de la marchandise est

déterminante. Par ailleurs, son rôle comme marchand de documents fait du crédit

documentaire une méthode fiable de règlement international, le paiement n’étant effectué au

vendeur qu’en échange de documents conformes à la lettre de crédit.

Le mécanisme bien élaboré du crédit documentaire risquerait fort, cependant d’être perturbé

par l’absence d’un règlement bien défini et véritablement efficace. Etant donné qu’aucune

législation de source nationale ou internationale, tant en France que dans la quasi-totalité des

pays étrangers, ne vient organiser et préciser les opérations de crédit documentaire4, ce vide

législatif et le caractère épars de la jurisprudence ne pouvaient fournir le cadre nécessaire pour

accompagner le développement des relations commerciales internationales après la première

guerre mondiale.

Conscients du caractère dirimant d’un tel handicap, les praticiens mobilisèrent leurs énergies.

Après plusieurs tentatives de codification privée à l’échelon national, la Chambre de

Commerce Internationale (CCI) s’est saisie du problème en 1926. Avec la tâche d’obtenir une

solution juste et équilibrée pour toutes les parties engagées dans l’opération, la CCI bâtit une

œuvre remarquable, depuis jamais démentie : les « Règles et Usances Uniformes aux Crédits

Documentaires – (RUU). Après une longue élaboration, due essentiellement aux milieux

bancaires, les RUU parurent pour la première fois en 1933. Elles devaient être révisées une

première fois en 1951 puis en 1962, version à laquelle se rallièrent les Britanniques, puis

2 Nous prenons le terme, ici, dans sons sens générique, car il y a du mot « banque » un sens plus technique, propre à chaque système juridique national. Cela semble être la position adoptée par les RUU ICC Publication, N° 500. 3 M. Vasseur, « Droit et économie bancaires. Les opérations de banques », 4ème éd., Les cours de droit, Paris, 1987-1988, p. 789 4 A l’exception notable toutefois des Etats-Unis (Uniform Commercial Code, article 5, lequel n’est pas applicable dans l’état de New York)

8

encore en 1974, en 19835 et dernièrement, pour leur sixième version, en 19936. En outre une

nouvelle version est en cours d’étude.

La fréquence de ces révisions assure une évolution des RUU conforme aux pratiques

internationales. D’ailleurs, une autre clé du succès des RUU tient à la qualité de la méthode

qui préside leur élaboration. De façon décentralisée dans chaque pays membre, la CCI associe

les meilleurs spécialistes, sous la bienveillance de nombreux gouvernements. La Commission

des Nations Unies pour le Doit Commercial International (CNUDCI) a adopté unanimement,

le 17 avril 1975, une décision en en recommandant l’utilisation. L’application des RUU se fait

par un système d’adhésion volontaire, soit par le système bancaire d’un pays donné, c’est le

cas notamment en France, soit par adhésion individuelle de banques. Ces règles ont, en effet,

une vocation universelle, au sens où l’article 1 des RUU précise qu’elles s’appliquent « à

tous les crédits documentaires », et un caractère supplétif dans la mesure où elles s’appliquent

« sauf dispositions contraires stipulées expressément dans le crédit ».

Puis, l’élargissement du domaine du crédit documentaire, dont la diversité ne cesse

d’augmenter en réponse à la myriade de transactions commerciales qui se concluent de nos

jours, ne fait que renforcer la constatation de la flexibilité pratique de cet instrument. Celui-ci

couvre un domaine tant national qu’international et, en particulier, des opérations hors du

cadre de la vente commerciale. Les RUU reconnaissent expressément cette évolution en se

référant dans leur article 4, à des « services et /ou autres prestations ». Cette même évolution

a engendré l’avènement d’une nouvelle version de ce type d’instrument : la lettre de crédit

stand-by7. Cet instrument, dont il est fait mention dans la dernière version des RUU8, est

vraisemblablement d’origine américaine. Sa naissance remonte aux temps troublés de la

seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, la pratique bancaire, notamment américaine et

asiatique, excelle dans son utilisation.

5La version des RUU de 1983 a intégré le crédit réalisable par paiement différé, le crédit « stand-by » et a largement mis à jour les articles relatifs aux documents de transport et aux modes d’établissement et de reproduction des documents afin de tenir compte des nouvelles techniques. 6 Brochure n° 500, entrée en application le 1er janvier 1994 7Le crédit stand-by constate comme le crédit documentaire (dénommé aux Etats-Unis lettre de crédit commerciale) l’engagement du banquier de mettre des fonds à la disposition du vendeur mais ce dernier reçoit la somme relative non pour couvrir le prix de la vente, mais à titre de dédommagement en cas d’inexécution par l’acheteur d’une obligation contractuelle. 8 V. art. 1 et 2 RUU

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Toutefois, l’objectif principal des RUU est de régler l’opération du crédit documentaire.

Celui-ci peut être défini comme « l’opération par laquelle une banque, appelée banque

émettrice ou banque apéritrice accepte à la demande d’un acheteur, appelé donneur d’ordre

ou ordonnateur, de mettre des fonds à la disposition du vendeur, appelé bénéficiaire, contre

remise de documents constatant la bonne exécution d’une vente »9.

On constate donc qu’un crédit documentaire met en présence au moins trois parties : un

vendeur exportateur voulant avoir une garantie de paiement qui demandera à être réglé par

crédit documentaire, un acheteur importateur qui s’adressera à sa banque pour satisfaire cette

demande, et la banque de ce dernier qui ouvrira, si elle en a convenance, le crédit. Cependant,

le plus souvent, ledit crédit impliquera l’intervention d’une banque intermédiaire.

L’intervention de cette banque intermédiaire s’explique par le fait que la banque émettrice est

généralement une banque du pays de l’acheteur et que, pour des raisons de confiance et de

facilités matérielles, le vendeur préfère avoir affaire à une banque de son pays. Cette banque

intermédiaire peut avoir d’ailleurs un rôle plus ou moins étendu. A cet égard, on distingue

principalement la banque notificatrice, la banque désignée et la banque confirmatrice. La

banque notificatrice se borne à transmettre l’accréditif au vendeur sans prendre aucun

engagement à son profit10. La banque désignée, sauf si elle est la banque confirmatrice, ne

contracte pas non plus d’engagement envers le bénéficiaire du crédit11. Toutefois, à la

différence de la banque notificatrice qui se borne à notifier le crédit, la banque désignée est

investie du mandat de réaliser le crédit pour le compte de la banque émettrice. A ces qualités

peut s’ajouter celle de la banque confirmatrice ou confirmante qui contracte envers le

bénéficiaire un engagement ferme, comparable à celui de la banque émettrice, et qui vient

s’ajouter à ce dernier12.

9 T. Bonneau, « Droit bancaire », 4ème éd., Montchrestien, 2001, p. 421 10 Art. 7, a) RUU : « Un crédit peut être notifié au bénéficiaire par l’intermédiaire d’une autre banque (Banque notificatrice) sans engagement de la part de la Banque notificatrice (…) ». 11 Art. 10, c) RUU : « Sauf si la Banque désignée est la Banque confirmante, la désignation par la Banque émettrice n’entraîne pour Banque désignée aucun engagement de payer ». 12 Art. 9, b) : « La confirmation d’un crédit irrévocable par une autre banque (la Banque confirmante), agissant sur autorisation ou à la demande de la Banque émettrice constitue un engagement ferme de la Banque confirmante s’ajoutant à celui de la Banque émettrice ».

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Indépendamment de la participation de banques intermédiaires, le déroulement des opérations

prévues dans le cadre du crédit documentaire reste fondamentalement le même. Lors de la

conclusion du contrat de vente, l’acheteur et le vendeur conviennent que le paiement du prix

s’effectuera à l’aide d’un crédit documentaire. En exécution de cette convention, l’acheteur

demande à sa banque d’ouvrir un tel crédit au bénéfice du vendeur. Si la banque accepte de

consentir ce crédit, elle l’émet et le notifie au vendeur en faisant parvenir à ce dernier une

lettre de crédit encore appelé accréditif13. Ces opérations constituent l’ouverture du crédit

documentaire. En exécution du marché, le vendeur établira et fera établir les divers documents

prévus par la lettre de crédit et les remettra à la banque. Après vérification de leur régularité,

la banque réalisera le crédit documentaire. Ainsi, le crédit est réalisé.

De ce déroulement on peut constater que l’élément essentiel dans un crédit documentaire est

la présence des documents. Ces documents ont une grande importance dans le fonctionnement

dudit crédit puisque c’est leur remise qui permettra la réalisation du crédit qui opère dans le

même temps le règlement de la vente. Parce qu’ils informent le banquier de la bonne

exécution de la vente, ils constituent le lien entre le contrat de base, c’est-à-dire le contrat de

vente, et le crédit documentaire14. Leur importance est d’ailleurs démontrée par le nombre de

dispositions qui y sont consacrées dans les RUU15.

Le choix des documents mentionnés dans la lettre de crédit, documents que le bénéficiaire

sera obligé de présenter pour obtenir le paiement, appartient au donneur d’ordre. Il les

choisira avec d’autant plus d’attention que le paiement s’effectuera sur leur simple apparence

de conformité, indépendamment du respect du contrat commercial. Le plus souvent, les

documents seront présentés en une seule fois. On distingue quatre types de documents, les

documents de prix, les documents de transport, les documents d’assurance et les documents

annexes. Les documents de prix sont la facture commerciale16, la facture consulaire17 et la

facture douanière18. Les documents de transport ont vocation à remplir un double rôle : tout

13La différence entre la lettre de crédit et l’accréditif est que la première est notifiée par la banque émettrice tandis que le dernier par une autre banque. 14 V. E. A. CAPRIOLI, « Le crédit documentaire : évolution et perspectives », Litec, 1992, p 4, n° 6 15 Il est caractéristique que les RUU consacrent un chapitre entier, intitulé « Documents », pour régler le contenu exact des documents. Cf Annexe de mémoire 16 La facture commerciale est une pièce essentielle établie par le vendeur lui-même et qui doit indiquer obligatoirement les noms et adresse du vendeur et du donneur d’ordre, la nature, la quantité, le prix unitaire et total des marchandises ainsi que la date à laquelle elle a été établie (art. 37 RUU). 17 La facture consulaire est un document portant le visa du Consulat du pays destinataire et qui constate l’origine et la valeur de la marchandise permettant ainsi l’application du tarif douanier approprié. 18 La facture douanière remplit le même rôle que la facture consulaire.

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d’abord, celui de la preuve de la conclusion du contrat de transport, qui présuppose que le

vendeur se soit dessaisi de la marchandise et ensuite, dans une mesure variable, celui de

représenter la marchandise qui pourra ainsi servir de gage au banquier émetteur jusqu’au

remboursement par le donneur d’ordre. Ces documents sont le connaissement maritime19, la

lettre de transport maritime non négociable (seaway bill)20, le connaissement de transport

multimodal21, la lettre de transport aérien22, la lettre de voiture internationale CMR et CIM et

les récépissés postaux ou de sociétés de courrier express23. Avec les documents de transport,

les documents d’assurance24 jouent aussi un rôle essentiel dans la protection de l’acheteur et

de la banque émettrice, tandis que les documents annexes25 sont nombreux et variés.

La présentation de tels documents ouvre au bénéficiaire la voie au paiement. En effet, le droit

de celui-ci est subordonné à la présentation, dans des délais impartis, de documents réguliers

apparemment conformes à ceux énumérés dans l’ouverture de crédit documentaire. Le

banquier, quel que soit le rôle au titre duquel il interviendra dans le crédit, procédera à leur

vérification.

La mission de vérification dont est chargée le banquier se caractérise par l’application d’un

principe essentiel : le formalisme. Ce principe fondamental du crédit documentaire se traduit

notamment par le fait que le banquier doit exiger des documents présentant l’apparence de

conformité avec ceux énumérés dans l’accréditif ; mais il ne peut exiger rien de plus. En effet

l’article 13 a des RUU dispose que « les banques doivent examiner avec un soin raisonnable

tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de

conformité avec les termes et conditions du crédit ». Le banquier doit ignorer les conditions

non-documentaires ou les documents remis mais non requis par l’accréditif26. C’est en effet

l’accréditif qui, seul, fonde les droits du bénéficiaire. Ce principe entraîne les conséquences

pratiques suivantes. D’abord, la banque n’a pas à vérifier la conformité des documents avec la

marchandise. En effet, conformément à l’article 4 des RUU « dans les opérations de crédit

toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à l’exclusion des marchandises,

19 Le connaissement maritime constitue à la fois la preuve de la réception des marchandises par le transporteur et le document indispensable pour les retirer (art. 23 RUU) 20 Art. 24 RUU 21 Art. 26 RUU 22 Art. 27 RUU 23 Art. 29 RUU 24 Art. 34-36 RUU 25 Art. 38 RUU 26 Art. 13 a) : « Les banques n’examineront pas les documents non requis dans le crédit ».

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services et /ou autres prestations auxquels les documents peuvent se rapporter ». En outre,

selon l’article 14 b, la banque « doit déterminer sur la seule base des documents si ceux-ci

présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit ».

Ensuite, à l’égard du bénéficiaire, le banquier ne peut invoquer le défaut de conformité des

documents avec ceux énumérés dans la convention unissant la banque et le donneur d’ordre :

seuls doivent être pris en considération les documents décrits dans l’accréditif. En revanche,

la conformité des documents présentés avec ceux énumérés dans l’accréditif doit être

rigoureusement contrôlée et les documents doivent être compatibles entre eux27.

Mais la conséquence la plus importante du formalisme est l’exonération de la responsabilité

bancaire quant à l’authenticité des documents. En fait, d’après l’article 15 des RUU, « les

banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à la forme, la suffisance,

l’exactitude, l’authenticité, la falsification ou l’effet juridique du/des document(s), ni quant

aux conditions générales et/ou particulières stipulées dans le/les document(s) ou y

surajoutées. Elles n’assument également aucun engagement ni responsabilité quant à la

désignation, la quantité, l’état, l’emballage, la livraison, la valeur ou l’existence des

marchandises représentées par un document quelconque ou encore quant à la bonne foi ou

aux actes et/ou omissions, à la solvabilité, à la prestation ou à la réputation des expéditeurs,

transporteurs, transitaires, destinataires ou assureurs des marchandises, ou de toute autre

personne que ce soit ».

Au regard de ces dispositions, la vérification effectuée par la banque ne peut donc porter que

sur les éléments formels et extérieurs des documents et non sur leur véracité et leur

authenticité. Les obligations de la banque ont été très bien délimitées par la jurisprudence

italienne comme suit : « La banque n’est pas tenue de contrôler le document pour s’assurer

de son authenticité et de sa régularité intrinsèque. Elle doit seulement constater si on a

respecté les exigences formelles prescrites, indispensables pour la validité extrinsèque du

document »28.

27 Art. 13, a) : « Les documents qui en apparence sont incompatibles entre eux seront considérés comme ne présentant pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit ». 28 V. E. A CAPRIOLI., « Le crédit documentaire : évolution et perspectives », op. cit ., p. 255, n° 363

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A présent, il convient de rappeler un autre principe qui régit le crédit documentaire : son

autonomie. Selon ce principe, le contrat commercial demeure indépendant du crédit

documentaire. Ceci est d’ailleurs prévu dans les RUU de 1993. En effet, l’article 3 a des

RUU dispose que « les crédits sont, par leur nature, des transactions distinctes des ventes ou

autre(s) contrat(s) qui peuvent en former la base ». Il continue en énonçant que « les banques

ne sont en aucune façon concernées ou liées par ce(s) contrat(s), même si les crédits incluent

une quelconque référence à ce(s) contrat(s) ». L’abstraction de l’engagement du banquier

écarte toute discussion sur sa cause. Elle confère au bénéficiaire la sécurité qu’il recherche,

privilégiant la protection de celui-ci, au détriment de celle du donneur d’ordre dont le

contrepoids est constitué par les documents présentés par le bénéficiaire qui constituent

l’indication formelle de l’exécution convenable du contrat commercial.

Le souci d’une sécurité absolue a trouvé son meilleur atout dans le crédit documentaire

irrévocable, construction rigide et abstrait. Dans l’hypothèse de ce crédit, le banquier de

l’acheteur s’engage personnellement et directement auprès du bénéficiaire. Il va sans dire que,

une fois ouvert, il échappe à l’empire de l’acheteur. Dès que le vendeur présente des

documents réguliers et conformes à ceux prévus dans la lettre de crédit, le banquier doit

payer celui-ci. En fait, l’article 9 a des RUU consacre l’essor de cette technique en stipulant

clairement qu’un crédit irrévocable « constitue pour la Banque émettrice, pour autant que les

documents stipulés soient remis … et que les conditions du crédit soient respectées, un

engagement ferme … de payer». Au surplus, les éventuelles modifications et amendements de

cet engagement n’auront aucun effet seulement avec le consentement de toutes les parties

engagées29. On est donc en présence d’un engagement autonome du banquier. L’engagement

étant abstrait, c’est-à-dire dégagé de sa cause, le droit du bénéficiaire est indépendant du

rapport juridique existant entre le banquier et le donneur d’ordre. Corrélativement, les

exceptions tirées de la vente ne peuvent être opposées au vendeur, sauf défaut de conformité

des documents.

29 Art. 9 d) RUU : « un crédit irrévocable ne peut être ni amendé ni annulé sans l’accord de la Banque émettrice, de la Banque confirmante s’il y en a une, et du bénéficiaire ».

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La rigueur de l’engagement irrévocable s’oppose diamétralement à la souplesse de

l’engagement révocable. Celui-ci constitue un simple mandat donné par l’acheteur à son

banquier de payer le vendeur. Le crédit révocable peut être amendé ou annulé à tout moment

sans que le vendeur en soit préalablement averti30. Cette faculté de révocation n’est certes pas

absolue. Elle fait ainsi l’objet d’une restriction. La révocation serait sans effet si le banquier

avait déjà exécuté le mandat reçu. Il est évident que la sécurité ainsi apportée par le crédit

documentaire révocable est insignifiante. Le crédit documentaire irrévocable étant à la fois le

plus caractéristique et le plus utilisé, il sera dans notre présentation seul traité.

Toutefois, la sécurité que les principes du formalisme et de l’autonomie offrent à l’institution

du crédit documentaire risque d’être ruinée par l’existence d’une fraude. En effet, la fraude

qui est une notion souvent confrontée dans le domaine du droit, consiste à contourner une

règle obligatoire à dessein d’un moyen efficace, qui rend ce résultat inattaquable en droit, et

sans encourir une sanction31. L’invocation du principe général de la fraude, connue sous le

concept général de « fraus omnia corrumpit » et dégagée par la Cour de cassation au début du

19ème siècle, permet de faire échec à toutes les règles de droit. Il constitue une correction aux

solutions légales qui, sans son intervention pourrait aboutir à des solutions injustes ou

inadaptées.

De plus, la fraude a été, de tout temps une réalité malheureuse du commerce international.

L’ampleur qu’elle connaît de nos jours se relève, cependant, sans commune mesure. Ses effets

néfastes sur le crédit documentaire sont alarmants. L’insécurité grandissante qui s’ensuit sème

la méfiance dans cette belle mécanique dont la fiabilité fait tout réputation. La diversité de ses

formes n’a apparemment pour limite que l’imagination de ses auteurs. Les faux documents de

toute nature, ainsi que les fausses lettres de crédit, n’en sont que les exemples les plus connus.

D’une part, la prédominance de la fraude documentaire est due à l’augmentation du nombre

des opérations commerciales effectuées dans le monde. D’autre part, le développement

remarquable de technologie qui rend plus facile l’œuvre du fraudeur est une autre cause de ce

phénomène. En plus un autre facteur est la croissance du nombre de banques émettant des

crédits documentaires.

30 Art. 8 a) RUU : « Un crédit révocable peut être amendé ou annulé par la Banque émettrice à tout moment et sans que le bénéficiaire en soit averti au préalable ». 31 V. J. HESBERT, note sous Cass. com., 29 avril 1997, Les petites affiches, 14 janv. 1998, N° 6, p. 23, n° 9

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La lutte contre la fraude dans le crédit documentaire résulte des efforts conjugués des

différentes sources du droit du crédit documentaire. La CCI, qui constate des usages et trace

les limites des droits et obligations attenants aux crédits documentaires (avec la CNUDCI), la

jurisprudence qui sanctionne et dit le droit, la doctrine qui éclaire les zones d’ombre. En effet,

dans la préface à la révision 1983 des RUU, on lit sous la plume de M. WHEBLE, président

de la Commission de Technique et Pratiques bancaires de la CCI que cette nouvelle édition

« a tenu compte du grand problème actuel de la fraude »32. Effectivement, la CCI n’était pas

restée inactive face au problème de la fraude. Au début des années 80, elle a mis en place à

Londres trois services destinés à combattre les délits commerciaux: le Bureau Maritime

International s'occupant de tous les types de délit maritime, le Bureau d'Enquêtes sur la

Contrefaçon, et le Bureau d'Enquêtes Financières. Les Services pour la Prévention des délits

chapeautent et coordonnent les actions de ces trois bureaux. Une nouvelle unité, chargée de

combattre la cybercriminalité a vu le jour en 1998.

Cependant, à l’exception de l’article 5, section 5-109 de l’Uniform Commercial Code des

Etats-Unis, il n’existe pas un régime spécifique pour les fraudes commises en matière de

crédit documentaire. Les RUU ne prévoient pas de disposition relative à la fraude. Toutefois,

elles n’ignorent pas ce problème puisqu’elles y font allusion dans leurs articles 7 et 1533.

Selon le Doyen STOUFFLET34, cette absence de régulation concernant la fraude n’est pas

difficile à expliquer. La fraude est traditionnellement un sujet impliquant l’ordre public et à

cet égard doit être réglée par une autorité professionnelle.

Normalement, la fraude ne devrait pas avoir sa place dans les crédits documentaires. Le

principe du formalisme assure, par sa rigueur, la protection des intérêts de toutes les parties en

imposant le rejet des documents irréguliers. Personne ne pourrait contester à cet égard

l’irrégularité des documents entachés de fraude. Cependant, tout formalisme a un aspect

quelque peu aveugle et mécanique qui permet une utilisation parfois frauduleuse. Mais

comme toutes les règles du droit commun, ainsi le formalisme connaît une limite naturelle,

celle qui surgit lorsqu’il est détourné de sa fin. Par conséquent, la fraude qui permet de 32 V. Claude Martin, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, p. 371 33 Art. 7 a) : La banque notificatrice doit « apporter un soin raisonnable à vérifier l’authenticité apparente du crédit qu’elle notifie ». 34 V. J. STOUFFLET, “Fraud in the documentary credit, letter of credit and demand guaranty”, Dickinson Law Review, Summer 2001, p. 23

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profiter de cet aspect aveugle du formalisme afin d’obtenir l’indu constitue une limite à ce

principe (PARTIE I). Egalement, la fraude est une exception à l’autonomie du crédit puisque

son existence autorise le banquier, en dépit de son engagement irrévocable, de refuser le

paiement frauduleux (PARTIE II).

PARTIE I. La fraude documentaire : une limite au formalisme du crédit documentaire Le problème de la fraude ne se pose réellement que lorsque les banques ont examiné « les

documents avec un soin raisonnable » et ont constaté « qu’ils présentent l’apparence de

conformité avec les conditions de crédit » 35. En effet, si cette conformité n’existe pas,

plusieurs solutions sont envisageables. La banque peut d’abord réaliser le crédit avec des

réserves36. Cette hypothèse aboutit à réserver les recours en cas d’impayé de la part de la

banque émettrice à raison des irrégularités ayant motivé les réserves. Une autre option pour la

banque est d’envoyer des documents à l’encaissement, pratique consistant pour la banque

chargée de la réalisation à traiter les documents, avec l’autorisation du bénéficiaire, comme

une simple remise documentaire. Mais la solution la plus convenable pour banque est de

rejeter les documents37.

Mais la conformité apparente constatée et la fraude alléguée, voire prouvée, l’article 3 des

RUU indiquant que « toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à

l’exclusion des marchandises » primera-t-il ? Un crédit documentaire implique

nécessairement que les documents soient conformes mais également et nécessairement

authentiques et sincères.

35 Art. 13 a RUU 36 Art. 14 f RUU 37 Art. 14 b RUU : « Si les documents ne présentent pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, les banques ci-dessus peuvent refuser de lever les documents ».

17

En effet, la limite que la fraude pose au formalisme du crédit documentaire permet de faire

exceptions à ces règles. Il autorise la confrontation de la marchandise avec les documents et

en même temps limite le système d’exonération de la responsabilité bancaire en cas de fraude

connue par la banque. Afin de mieux comprendre cet effet de la fraude, on examinera tout

d’abord sa nature documentaire (TITRE I) afin d’analyser ensuite comment la fraude

documentaire s’apprécie (TITRE II).

TITRE I. La nature documentaire de la fraude Aux termes de l’article 441-1 du Code pénal « constitue un faux toute altération frauduleuse

de la vérité, de nature à causer un préjudice et accompli par quelque moyen que ce soit, dans

un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir

pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ». De

cette définition on peut déduire l’élément matériel de l’infraction de faux qui est l’altération

de la vérité. Dans le cas de la fraude dans le crédit documentaire, la nature documentaire de

ladite fraude implique une altération de la vérité véhiculée par les documents remis au

banquier. Celle-ci constitue l’élément essentiel du faux et porte sur des faits que les

documents ont pour but de constater. Son objectif est de faire naître chez le banquier une

conviction contraire à la vérité. En effet les procédés d’altération de la vérité sont trop variés

pour être énumérés. Cependant, nonobstant l’existence de différents types de fraude

(Chapitre I), cette altération reste fondamentalement unitaire (Chapitre II).

Chapitre I. Les différents types de la fraude documentaire

Il existe deux techniques de fraude qui servent les desseins malhonnêtes de certains

commerçants. La première technique menaçant les intérêts des exportateurs consiste en

l’émission d’un faux crédit documentaire ou d’une fausse lettre de crédit38. Dans cette

hypothèse qu’on pourrait qualifier de « grossière » mais néanmoins dangereuse, le fraudeur

38 Cette technique, déjà ancienne, a été déjà dénoncée depuis longtemps. Elle s’est développée dans certains pays, tels que Nigeria, où des officines spécialisées fabriquaient à longueur d’années des pseudo-crédits documentaires. Maintenant les commerçants connaissent ces pays sensibles où des faux crédits documentaires sont fabriqués et ils évitent d’y avoir des affaires.

18

fait imprimer des fausses lettres de crédit, soit au nom de banques qui n’existent pas39, soit en

contrefaisant des formulaires de banques qui existent bel et bien. C’est l’exportateur qui sera

la victime de cette technique frauduleuse. Hormis ces cas extrêmes, il y a une autre technique

de fraude dont la victime est l’importateur. Cette fois, le crédit documentaire sera vrai, mais la

fraude portera sur un ou plusieurs documents présentés par l’exportateur pour obtenir le

paiement, qui sont faux ou qui contiennent des énonciations mensongères. A l’instar du droit

pénal, il est traditionnel de distinguer deux types de fraude dans les documents, la fraude

matérielle (Section 1) et la fraude intellectuelle (Section 2). D’ailleurs, certaines fraudes

peuvent cumuler les deux qualificatifs.

Section 1. La fraude matérielle

Selon la manière dont l’altération de vérité a été produite par son auteur, la doctrine du droit

pénal distingue traditionnellement le faux matériel du faux intellectuel. S’agissant du faux

matérielle, celui-ci est d’abord constitué par le procédé le plus élémentaire de falsification qui

consiste à modifier physiquement l’écrit ou le support. Il s’agit notamment de l’altération des

actes, des écritures ou des signatures, de l’emploi des fausses signatures, de la fabrication de

conventions. Le procédé utilisé est constitutif du délit et le faux est punissable, même si le

contenu de l’écrit est exact, sans qu’il soit nécessaire d’établir la fausseté des faits ou des

chiffres mentionnés.

En matière de fraude documentaire, on qualifie celle-ci de matérielle lorsque les documents

que le bénéficiaire doit remettre afin d’obtenir son paiement sont des faux matériels. En fait,

la fraude matérielle est constituée lorsque l’un des documents prévus au crédit est faux ou

apocryphe, au sens où il est contrefaçon ou qu’il a été émis par quelqu’un qui n’en avait pas le

pouvoir, dans l’intention de nuire. Le document faux, matériellement, trompe d’abord sur son

identité et, en général, sur l’identité de son auteur qui est, dans sa constitution, un élément

essentiel. Il se traduit principalement par la contrefaçon d’un document existant ou la création

d’un document nouveau. Il aboutit à la falsification d’un document qui n’est pas un document

39 A titre d’exemple, v. Cass. com., 24 mars 1980, SOCIETE ANONYME FOURNIER-DEMARS, JCP, éd. CI, 1980, 8790, p. 173, obs. B. CASTAGNEDE. En l’espèce, la lettre de crédit émanait d’une banque étrangère qui s’est révélée ensuite fictive.

19

« authentique », c’est-à-dire provenant réellement de son auteur apparent. On constate, donc,

que le faux matériel se caractérise par son défaut d’authenticité.

En effet, on peut songer à titre d’exemple de la fraude matérielle aux faux certificats d’origine

ou à la contrefaçon des certificats d’inspection. On rencontre aussi de fausses polices ou de

faux certificats d’assurance. Mais c’est en matière de documents de transport que ladite fraude

trouve son terrain d’élection. Les contrefaçons de lettres de voiture ferroviaires40, de lettres de

voiture routières41 ou de lettres de transport aérien ou notamment les connaissements qui

n’émaneraient pas de transporteurs ou de transitaires sont les cas de fraude matérielle les plus

envisageables.

Avec les connaissements, on pénètre dans le vaste et complexe domaine de la fraude

maritime. Pendant les années 80, déjà, la fraude maritime constituait une véritable industrie,

représentant une perte annuelle mondiale de plusieurs de millions de dollars. En effet, en

1983, M. TINAYRE dénonçait dans son rapport42, présenté devant l’Association Française du

Droit Maritime, des cas de fraude matérielle tant à l’embarquement par le biais de

connaissements falsifiés attestant une marchandise réellement inexistante qu’au débarquement

à l’aide de faux documents (faux connaissements et fausses factures) aboutissant à la livraison

de la marchandise à un tiers et non au vrai acheteur. Plus récemment, les Services pour la

Prévention des Délits (SPD) de la Chambre de Commerce International ont recommandé aux

banques d’être particulièrement vigilantes quant à la vérification de l’authenticité des

connaissements présentés. Le Directeur des SPD a ainsi donné une liste de mentions que le

connaissement doit comporter et dont le défaut devrait soupçonner les banques d’une fraude

éventuelle43.

Au-delà de ces exemples tirés de la pratique du commerce international, la jurisprudence ne

fournit guère d’exemples de fraude matérielle. On peut cependant citer l’arrêt de la Cour

d’appel de Colmar datant du 14 juin 198544. En l’espèce, une société alsacienne avait conclu

avec une société suisse un contrat prévoyant la livraison de viande congelée d’origine

40 Lettre de voiture internationale CIM 41 Lettre de voiture internationale CMR 42 A. TINAYRE, « La fraude maritime et le connaissement », DM F, 1983, p. 365-375 43 V. site de CCI : www.iccwbo.org (« Cargo frauds warning to banks », Londres, 7 septembre 1999) 44 CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, UNION DE BANQUES SUISSES c/ BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL et SOCIETE ANONYME PLATS CUISINES HUBSCH : D., 1986, IR, p. 218-219, obs. M. VASSEUR ; JCP, 1986, I, chron., 3265, n° 112, obs. C. GAVALDA et J. STOUFFLET

20

argentine. Un crédit a été ainsi ouvert en France par la Banque fédérative du Crédit mutuel et

il a été également notifié et confirmé par l’Union de Banques Suisses (U.B.S.), qui était en

même temps la banque de la société venderesse. Il a été prévu que la marchandise transiterait

par l’Italie. Parmi les documents à produire par la société suisse était mentionné, notamment,

un document douanier communautaire 2TL, lié à l’importation et au transit de la marchandise

en Italie. L’U.B.S., après avoir reçu du bénéficiaire, sa cliente, les documents énumérés par

l’accréditif, les expédie à la Banque fédérative et lui demande de lui verser le montant du

crédit documentaire, qu’elle n’a pas encore payé à sa cliente. La Banque fédérative a ensuite

écrit à l’U.B.S. pour lui faire savoir que le document douanier 2TL n’était pas de « digne

foi ». L’information venant de la direction des douanes françaises. Entre-temps, la

marchandise avait été saisie par la douane française, au motif que le document douanier 2TL

était faux. Il s’agissait évidemment d’une fraude matérielle puisque le document en question

n’était pas authentique.

Un autre exemple de fraude matérielle est fourni par l’affaire N° 3031 jugée par la Cour

Internationale d’Arbitrage45. Il s’agissait d’un litige opposant une banque thaïlandaise à une

banque espagnole. En l’occurrence, la banque espagnole, banque émettrice, a rejeté la

demande de paiement de la banque thaïlandaise, banque négociatrice, au motif qu’un

certificat (« certificate of survey ») n’était pas authentique et qu’en conséquence, cela avait

permis à l’expéditeur d’envoyer des marchandises qui n’étaient pas conformes. En réalité,

comme l’a soulevé l’arbitre de Paris, ledit certificat était un faux portant une fausse signature.

On était en présence d’une fraude consistant dans l’utilisation d’un document faux, c’est-à-

dire d’une fraude matérielle.

Il est vrai en outre, que la constatation d’une fraude matérielle ne présente pas de grandes

difficultés. En théorie un examen attentif du document, sinon une simple inspection, pourrait

permettre de déceler la fraude. En revanche, il n’en va pas de même quand on est en présence

d’une fraude intellectuelle, qui s’avère être beaucoup plus subtile.

45 Sentence CCI n° 3031, 1977, JDI, 1978, p. 999-1004, obs. Y. DERAINS

21

Section 2. La fraude intellectuelle

Conformément à la doctrine pénale, dans le faux intellectuel l’altération de la vérité porte sur

le contenu, la substance ou les circonstances de l’acte. Les procédés du faux intellectuel

peuvent être la supposition de personne, la dénaturation des actes ou conventions ou encore la

constatation de faits faux, en constatant soit comme vrais des faits faux soit comme avérés des

faits qui ne le sont pas. En effet, l’acte peut être régulier en sa forme tout en contenant des

faits mensongers.

D’ailleurs, la fraude intellectuelle dans le crédit documentaire est constituée par des

documents comportant de fausses mentions. Alors que le faux matériel affecte l’élément

extrinsèque des documents, le faux intellectuel implique une altération de sa substance. Le

document auquel ladite fraude s’applique émane bien de son auteur et est irréprochable dans

son apparence matérielle. Or, malgré son apparence de conformité, il contient toutefois des

énoncés contraires à la vérité. D’après M. GARRAUD « il dénature la pensée qu’il est

destiné à exprimer»46. D’où son défaut de sincérité.

Selon M. MATTOUT47, ce type de fraude pose non seulement tous les problèmes rencontrés

dans la fraude matérielle, mais encore l’autre problème : la fraude intellectuelle impliquera

généralement la prise en considération du contrat commercial, de la marchandise. Même si la

fraude intellectuelle peut se constater dans les seuls documents, puisque ceux-ci ne

remplissent pas la condition de sincérité qui doit leur appartenir, cette absence de sincérité ne

peut s’évaluer que par rapport aux marchandises elles-mêmes. Il s’agit, donc, d’une exception

à la règle de base du crédit documentaire48. Toutefois cette exception doit s’entendre de façon

restrictive. Comme on va le relever au deuxième chapitre de ce titre, la fraude reste

documentaire et ne consiste pas en une mauvaise exécution du contrat de base.

La jurisprudence française a déjà admis depuis longtemps ce type de fraude. En effet, selon

une jurisprudence constante, le fait pour le vendeur d’émettre ou de laisser émettre et utiliser

des documents qui ne correspondent pas à la réalité, constitue une fraude, voire

46 V. K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 800 47 V. MATTOUT J.-P., « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, p. 246, n° 301 48 Art. 4 RUU : « Dans les opérations de crédit toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à l’exclusion des marchandises, services et /ou autres prestations auxquels les documents peuvent se rapporter. »

22

intellectuelle49. Tel était le cas dans l’affaire SOCIETE ANONYME STANDING MEUBLES

contre CREDIT DU NORD50. En l’espèce, la quantité de la marchandise embarquée ne

correspondait pas à ce qui était mentionné dans les documents remis par le vendeur, puisque

ce dernier n’avait pas livré et effectivement embarqué la totalité des marchandises convenues.

On retrouve un pareil exemple dans l’affaire jugée par la Cour de Cassation le 7 avril 198751.

Dans ce cas-là, la fraude prenait la forme d’un défaut de sincérité de la mention de la facture

indiquant la quantité de marchandises contenues dans les cartons expédiés à l’acheteur. En

effet, le bénéficiaire avait produit une facture et une lettre de voiture CMR indiquant la

livraison de 2000 + 3080 articles tandis que l’expédition ne contenait que 580 articles. La

Cour a donc pu déduire l’existence du défaut de sincérité au moins d’un document, la facture.

D’ailleurs, les jurisprudences étrangères offrent aussi des exemples de fraude intellectuelle.

Plus particulièrement, la jurisprudence américaine, avec son fameux arrêt de 1941 STZEN52 ,

qu’on va citer ensuite, fournit une illustration intéressante concernant le faux intellectuel,

tandis que la jurisprudence canadienne, dans un arrêt du 5 mars 1987 de la Cour Suprême du

Canada53, offre encore un exemple utile sur le sujet. En l’espèce, un crédit documentaire

réalisable par négociation a été émis à l’occasion d’une vente internationale entre une société

canadienne et une société de Hong Kong. La lettre de crédit avait prévu, sans autre précision,

que la traite devait être accompagnée d’une « facture commerciale » en trois exemplaires.

Ladite lettre ne faisait pas état des prix, à partir desquels la facture devait être établie ; ceux-ci

avaient été mentionnés par le contrat de base. En l’occurrence, la fraude consistait dans le fait

que le vendeur bénéficiaire du crédit a frauduleusement augmenté le prix de la facture qui

accompagnait la traite par rapport à celui convenu dans le contrat de base. 49 Trib. com. Paris, 3ème ch., 23 mars 1994, SOCIETE NIAGARA LTD et autres c/ SOCIETE RAINBOW INSURANCE COMPANY LTD et autres : Gaz. Pal., 1995(1er sem.), som., p. 194 50 CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 28 janv. 1988, SOCIETE ANONYME STANDING MEUBLES c/ CREDIT DU NORD, D., 1989, 20ème cahier, som. com., p. 197, obs. M. VASSEUR 51Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERALE c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres : RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, juripr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.- déc. 1987, N° 4, p.131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD 52 Arrêt STZEN c/ J. HENRY SCRODER BANKING CORPORATION, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, Singapore Conferences on International Business Law, “ Current problems of international trade financing”, Edited by C.M. Chiukiu, P.J. Davidson, W.J.M. Ricquier, Published by Malaya Law Review & Buterworth, 1983, p. 185-234 53 Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, BANQUE DE LA NOUVELLE-ECOSSE c/ ANGELICA-WHITEWEAR LTD et ANGELICA CORPORATION, D., 1988, 17ème cahier, som. com., p. 186-188, obs. M. VASSEUR

23

La jurisprudence anglaise, elle aussi, ne fait pas exception. Dans l’affaire ETABLISSEMENT

ESEFKA INTERNATIONAL ANSTALT contre CENTRAL BANK OF NIGERIA54, la banque

avait payé une partie du montant du crédit contre des documents, parmi lesquels un certificat

d’origine dont les énonciations étaient fausses. La banque, après avoir découvert que les

navires sur lesquels la marchandise devrait être embarquée, ne se sont jamais échoués au port

d’embarquement, a refusé le paiement frauduleux du crédit au bénéficiaire.

Certes, cette opposition bipartite des procédés de faux ou autrement dit des types de fraude est

naturelle. Ses prolongements en droit pénal ne font aucun doute. Aussi la doctrine du crédit en

rend-elle systématiquement compte et la jurisprudence s’en fait souvent écho. Enfin, les RUU

en entérinent clairement le principe. Leur article 15 distingue « la forme, la suffisance,

l’exactitude, l’authenticité, la falsification », de leur « valeur ou existence des

marchandises ». Toutefois, il serait inexact de vouloir exagérer l’importance d’une telle

division dans le domaine du crédit. Derrière l’apparence de la multiplicité, la fraude découvre,

dans l’illicéité de sa nature et de ses supports, son fondement unique.

Chapitre II. Le fondement unique de la fraude documentaire

La fraude documentaire n’est pas tributaire de sa typologie. Quelle que soit la variante

employée, la fraude tend toujours à cacher la violation du crédit. Le régime juridique du crédit

est parfaitement conscient des dangers qu’il a lui-même créés. L’apparence dans laquelle est

confinée la vérification bancaire serait une facilité qui pourrait être détournée de sa finalité si

une fraude sensible à la substance des documents n’était pas reconnue. Les documents sans

valeur ne sont pas des documents conformes. Afin de sanctionner ce comportement

frauduleux d’une manière efficace, la jurisprudence applique en matière de crédit

documentaire le principe général de fraude. Ce principe, qui permet de faire exception à

toutes les règles du droit a également permis une exception aux règles du crédit documentaire

(Section 1). Cependant, la fraude reste documentaire et, à ce titre, doit être constatée dans les

seuls documents (Section 2).

54 Arrêt ETABLISSEMENT ESEFKA INTERNATIONAL ANSTALT c/ CENTRAL BANK OF NIGERIA, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit. , p. 185-234

24

Section 1. L’admission du principe de fraude

Le principe de la fraude est unanimement reconnu en matière de crédit documentaire dans

l’ensemble des systèmes juridiques. Il s’agit d’une règle qui s’applique malgré la conformité

apparente des documents, ce qui fait de la fraude une exception au formalisme du crédit

documentaire. Cette règle émane d’une pluralité de jurisprudences qui acceptent, en utilisant

divers arguments, l’exception de la fraude dans le crédit documentaire.

D’abord, la jurisprudence américaine a admis le principe de la fraude (fraud rule) dans son

arrêt STZEN de 194155. Dans cette affaire, le vendeur a présenté des documents qui étaient

apparemment réguliers et attestaient l’embarquement de la marchandise commandée. Mais, en

réalité, ceux-ci comportaient des fausses mentions et la marchandise expédiée n’était que de

la pacotille sans valeur. Il s’agissait des documents qui n’étaient pas sincères et ne

représentaient pas les marchandises. L’attendu principal dudit arrêt énonce qu’« une telle

situation, où la fraude du vendeur a été portée à l’attention de la banque avant que les traites

et les documents n’aient été présentés au paiement, justifie que le principe de l’indépendance

de la banque au titre d’une lettre de crédit ne puisse être étendu jusqu’à protéger le vendeur

sans scrupules »56.

En outre, ladite jurisprudence a inspiré le législateur américain qui a prévu un texte spécifique

concernant la fraude dans le crédit documentaire. On se réfère, bien évidemment, à la section

5-114(2) du Code uniforme de commerce (Uniform Commercial Code), devenue, après la

recodification de l’article 5 de l’UCC, section 5-10957. Ce texte a posé en règle que

l’exception de fraude était susceptible de s’appliquer tant aux « documents contrefaits ou

frauduleux » (« forged documents, fraudulent documents ») qu’à « la fraude dans

l’opération » (« fraud in the transaction »). 55Arrêt STZEN c/ J. HENRY SCRODER BANKING CORPORATION, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, Singapore Conferences on International Business Law, in “ Current problems of international trade financing”, Edited by C.M. Chiukiu, P.J. Davidson, W.J.M. Ricquier, Published by Malaya Law Review & Buterworth, 1983, p. 185-234, 56 “In such a situation, where the seller’s fraud has been called to the bank’s attention before the drafts and documents have been presented for payment the principle of independance of the bank’s obligation under the letter of credit should not be extended to protect the unsrupulous seller”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 203 57 Art. 5, section 5-109 (a) UCC : “ If a presentation is made that appears on its face strictly to comply with the and conditions of the letter of credit, but a required document is forged or materially fraudulent, or honor of the presentation would facilitate a material fraud by the beneficiary on the issuer or applicant (...)”

25

De plus, la règle de la fraude a été expressément adoptée par la jurisprudence anglaise dans

l’affaire UNITED CITY MERCHANTS LTD contre ROYAL BANK OF CANADA58. En

l’espèce, un crédit documentaire avait été émis à l’ordre d’une firme péruvienne pour le

paiement de son vendeur, une entreprise anglaise. Ce crédit a été confirmé par la branche

londonienne de la ROYAL BANK OF CANADA. La lettre de crédit prévoyait que la

marchandise devait être embarquée le 15 décembre 1976. Or, l’embarquement n’a pu avoir

lieu que le lendemain. En effet, la fraude invoquée devant le juge portait sur un connaissement

qui était antidaté de manière à donner l’impression que la marchandise avait été embarquée

avant l’échéance prévue dans la lettre de crédit.

Au procès devant la Cour commerciale de la Queen’s Bench Division, le juge MOCATTA, en

se referant à l’affaire STZEN, a observé que la banque ne devait pas payer au titre du crédit si

elle savait que les documents étaient faux ou que la demande de paiement était frauduleuse en

raison du défaut de droit au paiement59. Cette décision a été, d’ailleurs, infirmée par la Cour

d’appel. Bien que la Chambre de Lords ait cassé l’arrêt de la Cour d’appel en raison de

l’inapplicabilité de la règle de fraude, elle n’a pas contesté, en l’espece, l’existence de ladite

règle. Lord DIPLOCK a observé que l’exception de fraude de la part du bénéficiaire qui

cherche à profiter du crédit est une application claire de la maxime ex turpi causa non oritur

actio ou … la fraude débrouille tout60.

En France, l’actualité de la fraude du bénéficiaire d’un crédit documentaire demeure constante

depuis que la Cour de Cassation, dans une décision en date du 4 mars 195361, a admis pour la

première fois l’application en la matière de l’adage fraus omnia corrumpit. Les faits étaient

simples : une facture devait être remise au banquier dans le cadre de la réalisation d’un crédit

documentaire pour le paiement d’une vente de montres en provenance de la Suisse. A

l’arrivée, la marchandise n’était pas conforme aux stipulations de la commande. En effet, la 58 Chambre de Lords, 20 mai 1982, UNITED CITY MERCHANTS LTD c/ ROYAL BANK OF CANADA, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 185-234 59 Aux termes exacts de Lord DENNING, “the bank ought not to pay under the credit if it knows that the documents are forged or that the request for payment is made fraudelently in circumstances when there isno right to paymen”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 204 60 “ The exception for fraud on the part of the beneficiary seeking to avail himself of the credit is a clear application of the maxim ‘ex turpi causa non oritur’ or ... ‘fraud unravels all’. The Courts will not allow their process to be used by a dishonest person to carry out a fraud”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 205 61Cass. com., 4 mars 1953, S., 1954, 1, p. 121, note LESCOT

26

valeur des montres était très inférieure à celle qui avait été portée sur la facture. Suite à cette

constatation, le donneur d’ordre a déposé une plainte pour escroquerie. La Cour de Cassation

a admis que le juge du fond, saisi de l’action du vendeur en paiement de la lettre de crédit,

pouvait légalement surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction pénale se soit prononcée sur

la plainte déposée. Après avoir relevé que la Cour d’appel avait souverainement constaté

qu’ « il résulte des plaintes déposées avec constitution de partie civile et des documents

versés aux débats… que le bénéficiaire de l’ouverture de crédit n’avait pu ignorer que sa

facture du …, destinée à l’ouverture du crédit, contenait de fausses indications », la Cour de

Cassation a décidé « que dans ces circonstances…, c’est à juste titre que, nonobstant

l’indépendance de deux contrats de vente et d’ouverture de crédit, la Cour d’appel a décidé

qu’il y avait lieu de surseoir à statuer, jusqu’à ce que la juridiction pénale ait définitivement

statué ».

En rejetant le pourvoi, la Cour de Cassation a reconnu le principe selon lequel la fraude fait

obstacle à l’application des règles de droit les plus certaines. Pour justifier le rejet de la

facture formellement régulière mais, en réalité, entachée de fraude et le refus du paiement au

bénéficiaire, la Cour suprême avait fait appel à la maxime fraus omnia corrumpit (« la fraude

corrompt toute chose »)62. Cet adage est une règle authentique qui garantie la loyauté des

rapports juridiques. Il vise au respect des finalités du système juridique en réagissant aux

manœuvres de ceux qui, par ruse, tentent de tirer parti des règles juridiques afin de bénéficier

d’un droit ou, plus généralement, d’un avantage dont ils ne devraient pas profiter63.

Selon M. STOUFFLET, ladite règle est fondée sur la morale et cette conception de la fraude,

impliquant la mauvaise foi de la part du bénéficiaire, ne devrait plus prévaloir64. Cependant,

l’intérêt de la fameuse affaire des montres suisses est indiscutable. Cela réside notamment

dans le motif de l’arrêt qui a admis l’exception de fraude nonobstant l’indépendance du crédit

documentaire par rapport au contrat de vente. Les faits particuliers de l’affaire ont facilité les

conclusions de la Cour, prononçant le sursis à statuer en raison de la maxime « le criminel

tient le civil en l’état », parce qu’une véritable escroquerie avait été relevée par les juges du

62 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Presses Universitaires Françaises, 4ème éd., 2003 63 A. JEAMMAUD, « Fraus omnia corrumpit », D., 1997, chron., p. 20-21 64 J. STOUFFLET, “Fraud in the documentary credit, letter of credit and demand guaranty”, Dickinson Law Review, Summer 2001, p. 22

27

fond. Cette position de la Cour de Cassation n’a pas été démentie par la suite, et a même été

confortée par plusieurs arrêts65.

La jurisprudence citée nous démontre sans doute que la fraude constitue une exception aux

principes régissant le crédit documentaire et qu’elle doit à ce titre être sanctionnée. Toutefois,

plus que le principe de sanction de la fraude, c’est la définition de celle-ci dans le domaine du

crédit documentaire qui fait difficulté. Cette dernière doit s’effectuer exclusivement par

référence aux documents.

Section 2. La matérialité de la fraude documentaire

Le problème de la fraude se pose chaque fois que la conformité des documents est apparente

sans être effective. La source de cette invalidité n’est pas importante, pourvu que la fraude se

matérialise dans les documents. Certes, on n’éprouve pas de difficulté à appliquer ce principe

lorsque il prend l’aspect d’un défaut d’authenticité. Le doute est effectivement exclu

lorsqu’un document est apocryphe. Ainsi un connaissement présenté est un faux ou

l’attestation supposée émaner de l’autorité désignée dans la lettre de crédit a été fabriquée par

le bénéficiaire. La falsification de certaines mentions est à rapprocher des hypothèses

précédentes. Personne ne semble contester qu’un document falsifié ne puisse être reconnu,

strictement parlant, comme conforme aux termes du crédit. En outre, si la fraude est décelable

sur les documents, les banques rejetteront probablement ceux-ci.

Plus délicate est la situation du défaut de sincérité. En effet, la limite entre inexécution du

contrat de base, qui demeure sans incidence sur la réalisation du crédit documentaire, et la

fraude, susceptible d’être sanctionnée par un rejet de demande de paiement du bénéficiaire, 65 V. p. ex. Cass. com., 6 mai 1969, KINDIG c/ CREDIT LYONNAIS : JCP, 1970, II, 16216, note JEAN STOUFFLET, RTD com., 1969, p. 1063-1064, n° 6, obs. J.-L. RIVES-LANGE et M. CABRILLAC ; CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres et SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autre : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET, Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR

28

est beaucoup moins claire lorsqu’il s’agit de la désignation ou de la description des

marchandises contenue dans un document. La difficulté est d’ordre pratique : il faut distinguer

entre le vice de la marchandise non constitutif de fraude et le vice de la marchandise qui est

révélateur d’une volonté de fraude de la part du bénéficiaire.

Certains auteurs récusent la légitimité de la fraude intellectuelle. Sa prise en considération

implique, pour eux, un débordement extra-documentaire, dans la mesure où l’absence de

sincérité ne peut s’évaluer que par rapport aux obligations de base. M. VASSEUR,

particulièrement hostile à ce type de fraude, n’y voit aucun fondement. Il ne cache pas son

étonnement à l’égard de la distinction qu’il suppose établir entre « la fraude résultant de ce

que les énonciations des documents ne correspondent pas à la réalité et ce qui n’est pas la

fraude ». Selon cet auteur, dans « les deux situations, ce qui est en cause est l’exécution du

contrat de base ». Pareille subtilité ne peut, conclut-il, qu’ « introduire l’insécurité au niveau

du banquier en plaçant l’exécution du crédit sous la dépendance du contrat de base ». Elle

laisse apparaître la fraude « comme un mot de passe qui, en matière de crédit documentaire,

permet au juge de mettre le donneur d’ordre en mesure de ne pas payer, selon qu’en son âme

et conscience il qualifie de telle »66. Ainsi, il n’est pas sûr que cette conception constitue la

fraude.

Ce raisonnement n’emporte pas la conviction. Certes, la fraude ne doit pas être confondue,

sous peine de ruiner le crédit, avec l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat de base.

Pour le crédit documentaire qui est dans sa pratique particulièrement formaliste, la seule

fraude qui puisse être acceptée est celle qui concerne les documents eux-mêmes, que le

bénéficiaire doit présenter conformes à l’accréditif, afin d’obtenir le paiement, et non celle qui

affecte le contrat commercial de base. La mise en jeu frauduleuse du crédit et la violation du

contrat de base sont bien deux choses différentes. Il serait toutefois inexact d’y voir un rejet

des intérêts attachés à la rigueur formaliste. Au contraire, le défaut de sincérité justifie le rejet

de la demande de paiement dans le cadre strict du crédit documentaire, sans qu’il soit

nécessaire de faire référence au contrat de base.

66M. VASSEUR, note sous Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 402, n° 11

29

Encore faut-il dissiper la confusion créée par l’identité des faits à la base, aussi bien du défaut

de sincérité que de l’inexécution contractuelle sous-jacente. La ressemblance ne saurait, en

effet, méprendre sur la dissemblance. Car s’il est vrai qu’une fraude dans le crédit constitue le

plus souvent une fraude dans le contrat de base, la réciproque n’est pas forcément exacte. Une

fraude dans le contrat sous-jacent peut ne pas être une fraude documentaire67. Aussi

l’autonomie du crédit documentaire détache-t-elle la fraude de ses origines pour ne retenir que

ses effets sur les documents. Le défaut de sincérité consiste en une altération d’un fait dont la

réalité aurait pu conduire la banque, si elle en avait conscience, au rejet de documents. La

gravité de la violation importe peu. Même l’inexécution la plus partielle du contrat de base est

susceptible de constituer une fraude si son existence peut être matérialisée dans les

documents. Commise au niveau du contrat de base, la fraude affecte par une sorte d’irrigation

le crédit. Son illicéité rejaillit nécessairement sur les documents, emportant leur irrégularité.

La jurisprudence française s’inscrit pleinement dans ce sens. Dans son arrêt classique du 4

mars 195368, cité ci-dessus, la Chambre Commerciale a relevé, de façon significative, qu’ « il

résulte des plaintes déposées… et des documents versés aux débats… que le bénéficiaire de

l’ouverture de crédit n’avait pu ignorer que sa facture … contenait fausses indications ».

L’intérêt de cette décision est certain. Contrairement à ce que l’on peut croire, ce n’est pas

parce que « les montres n’étaient pas conformes aux spécifications de la commande » que la

plainte a été retenue, mais plutôt en raison de l’irrégularité dont souffrait la facture. La fraude

n’a pas vicié la vente. Elle était matérialisée dans le document même. Les termes de l’arrêt

sont, à ce titre, aussi nets que possible puisqu’ils parlent des « fausses indications ». Ainsi

apparaissait l’élément essentiel de la fraude : le défaut de sincérité d’un document. Ce n’est ni

la non-conformité de la marchandise aux stipulations du contrat commercial ni le défaut de

conformité aux dispositions de l’accréditif qui constituent la fraude ; c’est l’inexactitude du

contenu du document présenté.

67 P. ex. si la quantité de marchandises livrée correspond à celle figurant sur les documents, il n’y aura pas de fraude documentaire même si ces marchandises sont totalement inutilisables. 68 Cass. com., 4 mars 1953, S., 1954, 1, p. 121, note LESCOT

30

Plus récemment, cette analyse a été, confirmée par un arrêt en date du 15 juillet 199269 de la

Chambre commerciale de la Cour de Cassation. La Cour de Cassation a approuvé une Cour

d’appel d’avoir refusé un sursis à statuer sur le fondement de l’article 4 du Code de

procédure pénale, au motif que l’instance civile, dans laquelle elle statuait, portait sur le

mode d’exécution du crédit documentaire et le comportement des banques en cause eu égard

l’apparence de régularité présentée par les documents exigés par elles. Sa solution donc ne

saurait être affecté par les résultats de l’instruction ouverte au sujet de la fraude qui avait été

commise dans l’exécution du contrat fondamental de vente de marchandises. Plus

précisément, la Cour d’appel avait énoncé que « la fraude… ne serait susceptible de

provoquer la règle ‘le criminel tient le civil en état’, que si elle affectait les documents ; tel

n’est pas le cas puisque l’instance pénale est limitée à la fraude éventuellement commise dans

le cadre du contrat commercial, fut-ce au moyen de documents non sincères ou non

authentiques ».

D’ailleurs, la Cour d’appel de Grenoble s’était déjà prononcée en ce sens il y a quelques

années70. En l’occurrence, une banque avait ouvert un crédit documentaire réalisable par

paiement différé. Les documents requis consistaient notamment en un certificat de contrôle

d’inspection quantitatif et qualificatif, un certificat d’exportation et le certificat d’origine

« République de Corée ». Après livraison de la marchandise, le donneur d’ordre prétendait

que les marchandises étaient susceptibles de constituer des produits contrefaits. La Cour

d’appel a ordonné mainlevée de la saisie, pratiquée par le donneur d’ordre. Elle a, à cet effet,

estimé qu’il convenait de considérer les documents eux-mêmes, l’exclusion de marchandises,

de sorte que la fraude, pour pouvoir être invoquée par le donneur d’ordre, devait affecter les

documents eux-mêmes, soit qu’ils constituent des faux, soit qu’ils contiennent des

énonciations mensongères. Mais, en l’occurrence, les documents requis ne souffraient ni de

défaut de sincérité ni d’authenticité.

69 Cass. com., 15 juill. 1992, BANQUE DE NEUFLIZE, SCHLUMBERGER et MALLET c/ BANQUE THE HONG KONG and SHANGAI CORPORATION et autres, D., 1994, 3ème cahier, jurispr., p. 28-32, note M. VASSEUR ; RJDA, 10/92, N° 970, p. 778 70 CA Grenoble, ch. des urgences, 20 sept. 1994, Banque & Droit, N° 40, mars-avril 1995, p. 34, obs. J.-L. GUILLOT

31

En outre, la règle selon laquelle la fraude à prendre en considération est celle qui concerne les

documents énumérés dans la lettre de crédit, et non celle qui est relative à l’exécution du

contrat de base, a été pleinement réaffirmée par la Cour de Cassation à l’occasion de l’affaire

SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT contre SOCIETE FACON

DEUTSCHLAND71. En l’espèce, la BANQUE NATIONALE DE PARIS sur instruction de sa

cliente, la société des AUTOMOBILES PEUGEOT, avait ouvert un crédit documentaire

irrévocable à l’ordre de la société FACON DEUTSCHLAND. Invoquant des fraudes

« commerciales » de la part de la société FACON DEUTSCHLAND, dont les livraisons, pour

près de la moitié d’entre elles, portaient sur des matériels incomplets ou endommagés, la

société des AUTOMOBILES PEUGEOT avait demandé la résolution de la vente et celle du

crédit documentaire. Par suite d’une saisie-arrêt que cette société avait pratiqué, le crédit

documentaire n’avait pas, en effet, été entièrement exécuté par la BNP. La société des

AUTOMOBILES PEUGEOT reprochait la Cour d’appel (CA Paris, 1 décembre 1994)

d’avoir, tout en prononçant la résolution du contrant de vente, refusé de retenir la fraude dans

la réalisation du crédit documentaire. La Chambre commerciale a rejeté le pourvoi au motif

que, comme l’a à juste titre relevé la Cour d’appel, « la fraude a porté sur l’exécution de la

vente mais aucunement sur la mise en place ou l’exécution du crédit documentaire, pour

laquelle ont été produits des documents conformes aux prévisions, et qui n’était pas

subordonnée à la production d’un certificat de conformité des matériels livrés ». La

résolution de la vente ne saurait entraîner celle du crédit documentaire.

Cet « attendu » laisse supposer qu’il n’y avait, dans le libellé de la facture ou du document de

transport, aucune indication trompeuse concernant la nature, l’état et la qualité du matériel

livré. Car si tel avait été le cas, la référence au certificat de conformité n’aurait en aucun sens.

Dans de telles conditions, la cour d’appel a pu prononcer la résolution pour inexécution de

vente. Elle ne pouvait pas considérer que la demande de réalisation du crédit documentaire

était entachée de fraude. La Cour de Cassation s’en tient donc ici à une conception de la

fraude étroitement liée aux documents. Ainsi, l’autonomie du crédit par rapport au contrat de

base n’est pas compromise.

71Cass. com., 29 avril 1997, SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT c/ SOCIETE FACON DEUTSCHLAND et autres : JCP E, 1997, N° 30, II, N° 976, p. 167-169, note J. STOUFFLET ; Quot. Jur., N° 37, 8 mai 1997, p. 180-182, note J.P. D. ; RTD com., juill.-sept. 1997, p. 493-494, obs. M. CABRILLAC ; RJDA, août-sept. 1997, N° 1065, p. 735-736 ; Les petites affiches, 14 janv. 1998, N° 6, p. 20-26, note J. HESBERT ; RD bancaire et bourse, N° 63, oct. 1997, p. 215-216, obs. F. J. CREDOT et Y. GERARD

32

TITRE II. L’appréciation de la fraude documentaire

Bien que la définition de la nature de la fraude documentaire ne pose pas de grands

problèmes, il n’en va pas de même pour l’appréciation de celle-ci. C’est précisément pour en

circonscrire la portée dans le cadre du crédit documentaire que des difficultés fondamentales

apparaissent. Ainsi pour paraphraser M. VASSEUR, « en matière de crédit documentaire, la

qualification de fraude et sa prise en compte sont bien fluctuantes »72. Toujours est-il que

l’autonomie attachée à l’institution du crédit documentaire ne doit pas être ébranlée, ni

affaiblie gravement lorsque la fraude est établie. En effet, la jurisprudence, en admettant la

fraude dans le respect des principes directeurs du crédit documentaire, subordonne sa

reconnaissance à son caractère manifeste dans les documents (Chapitre I). D’ailleurs, lors de

son appréciation, se pose également le problème de l’incidence de l’élément intentionnel

(Chapitre II).

Chapitre I. La manifestation de la fraude dans les documents

Sans doute il est nécessaire, pour le bon fonctionnement de la lettre de crédit, que le banquier

soit dispensé de toute investigation pour s’assurer de la correspondance des documents avec la

réalité. La protection accordée au banquier, grâce à l’article 15 des RUU73, s’inscrit dans

cette logique. Elle constitue la contre-partie de la vérification formelle dans laquelle l’œuvre

bancaire est confinée. La banque ne peut garantir ni l’authenticité ni la sincérité des

documents. La règle incontestable est qu’un faux présente généralement une telle apparence

72 M. Vasseur, note sous Cass. com., 7 avril 1987, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399 73Art. 15 RUU : « Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à la forme, la suffisance, l’exactitude, l’authenticité, la falsification ou l’effet juridique du/des document(s), ni quant aux conditions générales et/ou particulières stipulées dans le/les document(s) ou y surajoutées. Elles n’assument également aucun engagement ni responsabilité quant à la désignation, la quantité, l’état, l’emballage, la livraison, la valeur ou l’existence des marchandises représentées par un document quelconque ou encore quant à la bonne foi ou aux actes et/ou omissions, à la solvabilité, à la prestation ou la réputation des expéditeurs, transporteurs, transitaires, destinataires ou assureurs des marchandises, ou de toute autre personne que ce soit. »

33

de conformité qu’il est normal qu’il en soit ainsi. Donc, une simple allégation de fraude ne

saurait remettre en cause ladite règle.

Cependant il peut en aller différemment lorsque la fraude, matérialisée dans les documents est

manifeste. Sa preuve, à défaut du document lui-même, doit persuader de sa réalité. Cette

valeur probante est néanmoins loin de faire l’unanimité sur sa portée. Certains auteurs, suivis

par une partie de la jurisprudence, l’entendent très largement. Il suffit dans leur esprit, que la

fraude soit vraisemblable pour que son caractère manifeste soit établi. En revanche, l’analyse

dominante met l’accent sur l’évidence de la fraude retenue. La certitude offerte par un constat

objectif, suffisamment clair et précis, rend nécessaire la preuve affecte d’une fraude

manifeste (Section 1). Face à cette certitude, la fraude vraisemblable s’avère insuffisante

(Section 2).

Section 1. L’insuffisance d’une fraude « vraisemblable »

Dans la mesure où l’établissement d’une fraude documentaire manifeste est effectivement

difficile, un courant doctrinal et jurisprudentiel contestataire s’en est inspiré pour ne pas

abandonner le donneur d’ordre à son fraudeur. Selon les partisans de la notion de fraude

« vraisemblable », le rejet des allégations infondées n’exclut pas la prise en considération de

fraudes fortement suspectées. La fraude documentaire, conformément à cette thèse, serait

admise si un soupçon vraisemblable, voire « un risque de fraude », est observé même sans

être strictement établi.

La jurisprudence suisse s’est déjà prononcée dans ce sens. En effet, elle oblige, les donneurs

d’ordre, désireux d’obtenir l’interdiction de paiement du bénéficiaire, à la seule démonstration

d’une probabilité prépondérante. En guise d’exemple, on peut citer l’arrêt de la Cour de

Justice de Genève du 16 juillet 198574. En l’espèce, la Cour de Justice a jugé que la banque

n’a pas à compter avec des circonstances extraordinaires telles que les machinations

frauduleuses du bénéficiaire, étant donné qu’il incombe au donneur d’ordre de choisir des

cocontractants dignes de confiance. En conséquence, elle ne peut se prévaloir d’un

74 Cour de Justice Civile de Genève, 16 juill. 1985, F. et B. FOODLINE SA c/ ETABL. QUIBLIER FILS SA, D., 1986, IR, p. 219, obs. M. VASSEUR

34

comportement abusif du bénéficiaire que si ce comportement est rendu fortement

vraisemblable au moment de l’exigibilité de l’obligation.

S’inspirant de cette argumentation, une jurisprudence canadienne semble se faire jour. Ainsi,

dans l’affaire CDN RESEARCH OF DEVELOPMENT LTD contre THE BANK OF NOVA

SCOTIA75, une lettre de crédit stand-by a été émise pour la garantie au bénéfice de l’Irak de la

livraison d’un équipement spécial anti-feu. Tout en refusant les risques de cette livraison,

effectuée en temps de guerre, le bénéficiaire réclama paiement. La Cour du premier degré a

retenu une fraude « évidente ». Bien qu’elle fût approuvée sur le fond, en second degré, le

juge SMITH déclara que « le test de la ‘fraude évidente’ est trop poussé car il nous mène au-

delà de l’interlocuteur dans le domaine de la détermination finale ». Il en déduit que le test de

la fraude vraisemblable « a pour objectif de faciliter les transactions internationales sans

considération suffisante de ce qu’un refus peut être un message clair envoyé à ceux qui

voudraient s’engager dans des activités peu scrupuleuses et frauduleuses »76.Cependant, en

l’espèce, le juge souligne n’être « pas même certain que les allégations soient suffisantes pour

éveiller le soupçon de ce que quelque chose de peu scrupuleux ou de peu honnête puisse avoir

été commis »77.

Si cette interprétation n’a pas pu prédominer, l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar en date du

14 juin 198578, déjà cité, fait, toutefois, exception. En l’espèce, la Cour d’appel a décidé que,

« s’il est vrai… qu’une simple allégation de fraude, qui n’aurait aucun caractère de

vraisemblance, ne saurait délier la banque, c’est à bon droit que les premiers juges ont

reproché à la banque confirmatrice de s’être rendue coupable d’une faute lourde en créditant

le compte du bénéficiaire, bien que, au jour où elle a effectué cette écriture, elle n’eût pas

encore acquis une preuve décisive de la fraude commise par le bénéficiaire ». En fait, cet

arrêt représente très nettement les trois degrés susceptibles d’établir une fraude documentaire.

75 Arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 805 76 Id. ibid : “purports to facilitate international transactions without sufficient regard for the clear signal that a refusal to enjoin may send to those who would engage in unscrupulous and fraudulent activities” . 77 Id. ibid : “I am not even certain that the allegations are sufficient to raise suspicion of anything unscrupulous ou unconsciable” 78 CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, UNION DE BANQUES SUISSES c/ BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL et SOCIETE ANONYME PLATS CUISINES HUBSCH, D., 1986, IR, p. 218-219, obs. M. VASSEUR ; JCP, 1986, I, chron., n° 12, C. GAVALDA et J. STOUFFLET

35

Une « simple allégation » est insuffisante, la fraude « décisive » est trop exigeante. Selon M.

VASSEUR, seule la fraude de « grande vraisemblance » peut justifier le refus de paiement79.

Cependant cette analyse n’est pas capable de présenter les avantages qu’on voudrait lui prêter.

Sa souplesse ne peut que surprendre. Certes, de prime abord, elle est très protectrice du

donneur d’ordre. Mais la prétendue injustice, dont le donneur d’ordre serait victime dans une

fraude rigoureusement conçue, n’est qu’une apparence. En acceptant une relation de lettre de

crédit, le donneur d’ordre est censé avoir accepté le risque d’un paiement frauduleux éventuel.

En tout état de cause, ce n’est pas au banquier de s’y intéresser. En revanche, ce qui compte

pour le bénéficiaire, est d’obtenir son paiement. La lettre de crédit est structurée de telle façon

que ses effets soient prévisibles pour toutes les parties. On ne saurait, sans remettre en cause

cette répartition de risques, soumettre le paiement à la simple « vraisemblance » de la fraude.

L’élément d’insécurité ainsi introduit, surtout pour le banquier, ne fait que l’inciter, au

moindre soupçon, à refuser des documents, en dépit de leur conformité80 . Ainsi, En voulant

trop protéger les intérêts du donneur d’ordre, la fraude vraisemblable finit, en conséquence,

par oublier l’équilibre fondamental entre les parties, équilibre sur lequel est fondé le

mécanisme du crédit documentaire.

Une exception de taille nous permet, à ce titre, de mettre en relief les enseignements de

l’article 5-109 (2) de l’UCC américain. Cet article considère que le banquier n’est tenu qu’à

vérifier l’apparence de conformité des documents soumis aux stipulations de la lettre de

crédit. Toutefois, le banquier qui agit de bonne foi « peut honorer ou non la présentation »81.

Le banquier n’est donc en aucun cas obligé de refuser les documents, dont la fraude ne peut

être effectivement démontrée bien même lors d’une notification de son client à cet égard.

Seul, « le tribunal compétent peut interdire ce règlement »82.

Cette formule consacre, en effet, une faculté d’appréciation réservée à la banque qui ne

disparaît qu’en cas d’interdiction judiciaire. Si le banquier a connaissance, grâce à une

notification par le donneur d’ordre, de l’existence d’une fraude dont l’allégation ne le

convainc pas avec certitude, il a le droit de payer contre présentation les documents, mais il a

79 M. VASSEUR, obs. sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, D., 1986, IR, p. 218 80M. VASSEUR, obs. sur Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, D., 1988, 17ème cahier, som. com., p. 187 81 Art. 5-109 (2) UCC : “ the issuer, acting in good faith, may honor or dishonour the presentation in any other case”. 82 Art. 5-109 (b) UCC : “ a court of competent jurisdiction may enjoy ...the issuer from honoring a presentation”.

36

le droit aussi de refuser. L’intérêt ici est de protéger l’intégrité et la réputation du crédit

documentaire contre des allégations de fraude provenant du donneur d’ordre. Si la fraude

documentaire n’est pas manifeste, le banquier ne peut en tenir compte.

Il est banal d’observer que le banquier a une relation commerciale avec son donneur d’ordre,

dont l’importance, en général, ne peut pas être oubliée. Cependant, il est également vrai qu’en

cas de soupçon infondé au vu des documents présentés par le bénéficiaire, on ne pourra

certainement pas indemniser le banquier pour les dommages que pourra subir sa propre

réputation dans la communauté financière internationale, si aucune preuve de fraude n’est

rapportée. Malgré le conflit d’intérêts le banquier conscient doit, dans ces circonstances,

adopter des règles de neutralité claires et bien comprises.

En effet, le banquier qui participe à une opération de crédit documentaire n’assume qu’un

risque financier. Toutefois, on ne peut valablement suggérer qu’en agissant de la sorte il

assume également le devoir de prévenir la fraude. S’il se laisse entraîner dans un jeu

dangereux hors de son rôle d’intermédiaire étranger au contrat commercial, il menace les

fondements-mêmes de l’opération. Ainsi, la sagesse invite le banquier raisonnable à effectuer

presque toujours le paiement car la difficulté d’établir une fraude n’est pas négligeable.

Section 2. La nécessité d’une fraude « manifeste »

La vraisemblance, la probabilité, ou autrement dit, le doute, excluent la fraude. Celle-ci doit

être à ce point manifeste qu’elle « crève les yeux »83. La fraude documentaire doit être ainsi

qualifiée. Seule est admise la duperie délibérée, indentifiable à l’escroquerie, dont l’évidence

est telle qu’il est impossible de l’ignorer84. On ne peut permettre au donneur d’ordre de s’en

prévaloir s’il ne peut, immédiatement, en démontrer l’existence, or dans le cas contraire, on

ouvrirait la porte à toutes les contestations sur le bien-fondé de la demande de paiement.

Ainsi, l’existence de la fraude doit absolument être établie avec certitude. Seul un constat

suffisamment clair et précis, trop évident pour être ignoré, est de nature à en remplir

l’exigence.

83 Cette expression qui a fait certainement fortune est due à M. VASSEUR 84 V. M. VASSEUR, note sous Cass. com., 7 avril 1987, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399 et spéc. p. 402 ; Claude Martin, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, p. 383

37

En effet, la fraude doit être établie d’une manière « irréfutable » pour être reconnue. L’arrêt,

déjà mentionné, de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation rendu le 7 avril 198785

en est une illustration parfaite. Il y était irréfutablement établi, par un constat d’huissier, le

défaut de sincérité de la facture remise. Cet arrêt sera utilement rapproché celui de la Cour

d’appel de Paris du 28 mai 198586, où la réalisation du crédit prévoyait la remise de onze

lettres de voitures échelonnées sur une période de temps donnée. Or, seuls trois chargements

sur les onze avaient été livrés. La fraude relevée par la Cour résultait aussi du rapprochement

de l’ensemble des documents, ce qui a permis, selon les termes de l’arrêt frappé d’appel,

rendu le 25 janvier 1983 par le Tribunal de commerce de Paris, a permis de mettre en cause

« d’évidence le caractère authentique » des documents.

Plus récemment, la Cour de Cassation a réaffirmé cette solution dans l’affaire CAISSE

NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE contre SOCIETE INTERAMERICANA

TRANSMARIN87. En l’espèce, la société FERIAC, importatrice, et la société

INTERAMERICANA TRANSMARIN, exportatrice, avaientconclu un contrat de fourniture

de marchandises, lesquelles devraient être transportées par voie maritime. Sur ordre de la

société importatrice un crédit documentaire avait été émis par la CAISSE NATIONALE DE

CREDIT AGRICOLE au profit de la société exportatrice. Au nombre des documents prévus

par la lettre de crédit figuraient, notamment, un jeu complet de connaissements « on board »

et un certificat d’assurance. La banque avait fait, parmi d’autres, des objections à l’égard du

connaissement. Elle faisait valoir que la réalité de la mise à bord de la marchandise, attestée

par la compagnie de navigation, était douteuse et que, par conséquent, la fraude était

vraisemblable. La Cour de Cassation a alors rappelé que la fraude doit être manifeste et que,

85 Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD. 86CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autres : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR 87 Cass. com., 24 juin 1997, CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE c/ SOCIETE INTERAMERICANA TRANSMARIN : RJDA, déc. 1997, N° 1514, p. 1039-1041 ; JCP E, 1998, p. 324, n° 18, obs. J. STOUFFLET et C. GAVALDA ; Quot. Jur., N° 62, 5 août 1997, p. 95-97, note J.P.D.

38

dans ces conditions, seule une telle fraude aurait autorisée la CNCA à ne pas payer, une

simple allégation ne pouvait donc pas suffire.

La rigueur dans l’établissement de la fraude « manifeste » est pleinement justifiée. Il ne faut

pas laisser place à la moindre hésitation. Cette rigueur, dont fait preuve la jurisprudence

française caractérise également la jurisprudence anglaise. Cette dernière exige que la fraude

soit « blatant ». Trois arrêts remarqués en ont forgé toute la réputation. Dans le premier, rendu

en 1974, par la High Court of Justice, dans l’affaire DISCOUNT RECORDS LTD contre

BARCLAYS BANK LTD88, il s’agissait d’une lettre de crédit ouverte pour le paiement d’un

achat d’un lot de disques et de cassettes. Les caisses, dont certaines contenaient des objets

sans aucune valeur, avaient été ouvertes, à l’arrivée, en présence d’un représentant de la

banque, qui avait pu se convaincre de la fraude. Reconnaissant l’autorité du principe de

fraude, le juge MEGARRY a néanmoins décidé que « dans la présente affaire, il n’existe, à

l’évidence, aucune fraude établie, mais de simples allégations de fraude ».

Ledit jugement a été repris et approuvé trois ans plus tard par la même Cour, dans l’affaire

R.D. HARBOTTLE LTD contre NATIONAL WESTMINSTER BANK89, en l’espèce. Le

donneur d’ordre d’une garantie indépendante reprochait au bénéficiaire une fraude. Celle-ci

consistait dans le fait d’appeler la garantie avant d’émettre, selon le contrat de base, les crédits

documentaires correspondant au profit du donneur d’ordre. Le juge KERR, considérant ces

questions « purement contractuelles, loin de la fraude tout court, sans parler de la fraude

établie », a notamment observé dans une formule souvent rapportée que « c’est seulement en

des cas exceptionnelles qu’une Cour interviendra dans le mécanisme des obligations

irrévocables assumées par les banques. Elles sont le sang du commerce international sauf,

peut-être, dans le cas de fraude évidente dont les banques auraient connaissance, les

tribunaux laisseront aux commerçants le soin de régler leurs différends… Autrement, le

commerce international serait irréparablement atteint ».

88 Arrêt cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 228 89Arrêt cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 211

39

La question a été définitivement tranchée par un arrêt de la Cour d’appel, en 1978, dans

l’affaire EDWARD OWEN contre BARCLAYS BANK INTERNATIONAL90. En l’espèce, une

défense de paiement adressée à la banque fut refusée, « faute d’une fraude évidente à la

connaissance du banquier ». Celle-ci devrait être « clairement établie ». Le troisième juge,

L.J. GEOFFRY, a notamment remarqué que les faits de l’espèce, « peuvent très bien être

suspects. Ils peuvent même laisser supposer une pratique peu honnête. Mais rien, dans tout

cela, n’approche, même de loin, la véritable preuve de la fraude ; celle qui la rend évidente

ou claire pour la banque ».

Toutefois, la rigueur de cette preuve n’est pas impossible à rapporter. En effet, le rôle de la

banque n’est pas de juger l’inexécution du contrat de base mais d’apprécier la pertinence de la

preuve fournie de la fraude perpétrée dans les documents. Toujours est-il que la tentation que

pourraient éprouver certains banquiers à en pousser la rigueur aux limites de l’absurde est

grande. Un arrêt de la Cour d’appel anglaise de 1985, dans l’affaire UNITED TRADING

CORPORATION SA contre ALLIED BANK91 l’a, fort justement, déploré. Le juge L.J.

ACKNER a pris soin en effet d’observer qu’une exigence trop excessivement perçue de la

preuve de la fraude entraînerait l’impossibilité de son application. Il a toutefois écarté la

proposition du juge M. NEIL pour remédier à cette éventualité. Ce dernier pensait que le

critère du « banquier raisonnable en possession de l’ensemble des faits » serait le mieux

adapté pour y faire face. Or, pour Lord ACKNER, le véritable guide à la fraude claire,

résiderait plutôt dans le fait que « la Cour décide sur la base des documents produits que la

seule constatation réaliste qu’il soit possible de faire est celle de la fraude ».

Cependant, il est fort douteux que ces critères soient aussi opposés. La « seule constatation

possible » apparaît plutôt comme une formulation différente du critère du banquier

raisonnable que comme un critère à part entière. Il va sans dire qu’un banquier raisonnable,

pris dans une situation impliquant deux explications possibles, dont une seulement retient la

fraude, n’hésitera pas à relever le défaut du caractère évident de celle-ci. Seul le critère du

« banquier raisonnable » est, en outre, de nature à rendre compte des cas où la jurisprudence

tolère certaines fraudes en raison de leur caractère minime. Ainsi, le critère du « banquier

raisonnable » ajuste les règles de la fraude à celles de la stricte conformité. 90 Arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 809 91Arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI/IBJL, N°6, 1991, p. 810

40

Chapitre II. L’incidence de l’élément intentionnel

Dans la plupart des cas, la fraude est commise par le bénéficiaire et le fraudeur supporte les

conséquences de ses actes illicites. Partant de ce constat, une conception subjective de la

fraude s’est développée, selon laquelle il est nécessaire de prouver l’intention frauduleuse du

bénéficiaire, la fraude ne devant léser aucun honnête homme participant à la lettre de crédit

(Section 1). Cette conception subjective se heurte, cependant, à la conception objective, une

conception formaliste dominant la fraude documentaire (Section 2). Cette dernière s’en tient

au seul fait objectif qu’une fraude a été commise, même si celle-ci émanerait d’un tiers à

l’insu du bénéficiaire.

Section 1. La conception subjective

En l’état actuel du droit, il est virtuellement impossible de prétendre que le bénéficiaire lui-

même prépare tous les documents nécessaires à l’ouverture de crédit. De nombreux

documents sont préparés par les intermédiaires du commerce. Quel que soit le soin qu’il y

apporte, rien ne semble cependant justifier la transposition à l’institution du crédit

documentaire de l’argumentation selon laquelle la maxime fraus omnia corrumpit ne trouve

son application qu’à l’égard de l’auteur de la fraude ou de son complice. Par conséquent, elle

serait, dans cette optique, inopérante vis-à-vis d’un tiers de bonne foi.

L’introduction de l’élément intentionnel dans la fraude documentaire est vivement

revendiquée par une partie de la doctrine. En effet, d’après certains auteurs, le recours à la

notion « intentionnelle » dans l’établissement de la fraude documentaire est de nature à

remédier l’injustice subie par le bénéficiaire de bonne foi92. Ainsi, le banquier est-il invité à

faire une distinction entre la fraude pratiquée par le bénéficiaire et celle établie à son insu. 92 M. VAN DER HAEGEN, « Le principe de l’inopposabilité des exceptions dans le crédit documentaire irrévocable », RDAI, N°7, 1986, pp. 721 et ss. ; N. G. KANE, « L’incidence d’une clause de paiement par crédit documentaire sur la situation des parties à une vente internationale des marchandises », Thèse, Université Robert Schuman, octobre 1990, p. 436-439

41

Cette tâche ne peut donner que des résultats insatisfaisants. Il est notamment vrai que la

certitude commerciale exige une base plus rationnelle pour la détermination des situations où

la banque peut valablement refuser d’honorer un crédit.

Cependant, cet élément intentionnel a été posé comme principe pour la première fois, semble-

t-il, dans un arrêt belge de la Cour d’appel d’Anvers en date du 23 septembre 198193. En

l’espece, un crédit confirmé par une banque belge, payable à 180 jours de la date du

connaissement, a été ouvert par une banque de Dubaï. Les faux connaissements attestaient

deux embarquements qui ne correspondaient pas à la réalité puisque le commissionnaire-

expéditeur a antidaté les connaissements pour que ceux-ci soient conformes aux conditions du

crédit. La Cour d’appel refusant de tenir compte de l’inauthenticité des connaissements

maritimes a estimé que « rien ne permettait d’établir que la fraude avait été commise par les

vendeurs ».

La jurisprudence anglaise semble aller dans la même direction. Succombant à l’attraction et à

l’originalité de cette argumentation, le juge anglais l’a consacrée dans le célèbre arrêt

UNITED CITY MERCHANTS contre ROYAL BANK OF CANADA, également connu sous le

nom de AMERICAN ACCORD94. Dans cette espèce, déjà citée, l’agent du transporteur,

conscient des termes du crédit, avait altéré la date du connaissement de façon déloyale et

frauduleuse. La ROYAL BANK OF CANADA, qui a eu connaissance du comportement

frauduleux du transporteur, a alors refusé le paiement au bénéficiaire.

La Cour commerciale de la « Queen’s Bench Division » ne fut pas de l’avis de la banque. Le

juge MOCATTA déclara que « l’on ne peut soutenir, sur le fondement d’un terme implicite

ou d’une garantie… que celui qui présente les documents dans le cadre d’un crédit

documentaire garantisse leur exactitude »95. Insistant sur cette idée, le juge estima que l’acte

frauduleux de l’agent du transporteur ne pourrait être mis à la charge du bénéficiaire qui de

bonne foi a cru présenter des documents conformes. Il a ainsi décidé qu’il n’y avait pas de

fraude du bénéficiaire car il n’avait pas eu connaissance du fait que « la date du

connaissement maritime était fausse lorsqu’il a présenté les documents ». 93 CA Anvers, 23 sept. 1981, cité par Claude Martin, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, p. 386 94 Chambre de Lords, 20 mai 1982, UNITED CITY MERCHANTS LTD c/ ROYAL BANK OF CANADA, cité par E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 204-206 95 Id. Ibid: “There is no plea either by way of an implied term or by way of warranty... that the presenter of documents under a letter of credit warrants their accurancy”.

42

Cette décision, annulée dans un premier temps par la Cour d’appel, fut approuvée à la

« Chambre des Lords ». Le Lord DIPLOCK en effet, déclara qu’une distinction s’imposait

lorsque des « documents apparemment conformes contiennent en fait une fausse déclaration,

dont le vendeur n’a pas connaissance, lorsque l’inexactitude est due à l’inadvertance de

l’auteur du document et lorsque cette même inexactitude a été introduite par l’auteur du

document avec l’intention de tromper, entre autres, le vendeur/bénéficiaire lui-même »96. Il en

a déduit, en termes particulièrement nets, que le banquier ne peut refuser d’effectuer le

paiement que dans la mesure où le bénéficiaire a eu connaissance de l’existence d’une fraude

documentaire97.

De façon générale le raisonnement de Lord DIPLOCK de la « Chambre des Lords » suscite la

plus grande réserve. Son interprétation a été l’objet de vives critiques98. Selon le Doyen

STOUFFLET « elle n’est pas compatible avec la prééminence absolue accordée dans le

crédit documentaire aux documents dans leur aspect formel. Il n’y a pas de place dans cette

opération pour les analyses d’intention. La fraude, c’est le défaut de sincérité d’un document

quelle qu’en soit la cause. Seul compte le fait »99. En outre, M. ELLINGER, approuvant

l’arrêt de la Cour d’appel, a relevé qu’il n’existe pas de justification commerciale pour

accepter que le risque de fraude commise par un tiers doit être supporté plus par la banque ou

son client que par le bénéficiaire. Il ajoute également qu’il n’est pas réaliste, ajoute-t-il, de

présumer que la promesse de la banque dans la lettre de crédit s’étend jusqu’au point de payer

contre des documents viciés par une fraude100.

96 Id. ibid : “apparently conforming documents that, unknown to the seller, in fact contain a statement of fact that is inaccurate where the inaccurancy was due to inadvertance by the maker of the document, and the like where the same inaccurancy had been inserted by the maker of the document with intent to deceive, among others, the seller/beneficiary himself”. 97 Dans ce sens au Canada, v. Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, BANQUE DE LA NOUVELLE-ECOSSE c/ ANGELICA-WHITEWEAR LTD et ANGELICA CORPORATION, D., 1988, 17ème cahier, som. com., p. 186- 188, obs. M. VASSEUR : « l’exception de fraude ne devrait pas viser la fraude d’un tiers, dont le bénéficiaire est innocent ». 98 C. MARTIN, « Le crédit documentaire, la fraude et la révision 1983 des RUU », RDAI, 1985, pp. 386 et s. ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 108 99 J. STOUFFLET, note sous CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, D., 1986, jurispr., p. 200 100 “There appears to be no commercial justification for assuming that risk of this supplier’s fraud or forgery is to be borne by the bank (or by its client) rather than the beneficiary. Moreover, from a legal conceptual point of view it appears unrealistic to suggest that the bank’s promise extends to the making of payment against documents which are vitiated by forgery or by fraud.”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 206

43

D’ailleurs, une telle interprétation mérite d’être écartée sous peine de rendre l’intervention des

banques dans une opération de crédit documentaire peu viable. Outre qu’on ne voit pas

comment une intervention frauduleuse pourra être établie autrement que par une référence à la

qualité de l’exécution du bénéficiaire, c’est-à-dire de ses documents, cette construction tend à

contraindre la banque à une enquête sur l’auteur de la fraude. Si l’allégation d’une intention

frauduleuse est facile, sa preuve est néanmoins difficile. Le doute qui en résulte oblige ainsi le

banquier à régler des documents dont il connaît la fraude, pour la simple raison qu’il est

incapable de démontrer, en temps utile, que le bénéficiaire en était conscient.

Une banque appelée à vérifier la conformité d’un document n’a pas, en somme, à s’étendre

sur l’état d’esprit de son bénéficiaire. Au lieu de s’intéresser au comportement moral du

bénéficiaire, il lui appartient de concentrer son analyse sur la valeur de ses documents. Elle

n’est tenue vis-à-vis de ce dernier qu’aux termes de la lettre de crédit. Le bénéficiaire qui ne

les remplit pas n’a, fondamentalement, aucun droit à se faire payer. Soutenir le contraire

reviendrait à décharger le bénéficiaire, au mépris des intérêts légitimes des autres parties, des

responsabilités qu’il a pu assumer.

Pour ces raisons, la conception subjective s’avère lourde de conséquences pour le donneur

d’ordre qui devra, conformément à celle-ci, accepter seul les risques inhérents à tout contrat

commercial, y compris celui de s’être adressé à un vendeur qui a mal choisi son transitaire. Il

faut donc examiner, à present, une conception plus conforme à l’esprit et à la lettre du crédit

documentaire.

Section 2. La conception objective

Contrairement à la conception subjective, la conception objective paraît plus en harmonie

avec le crédit documentaire, dans la mesure où elle est formaliste et qu’elle prévaut lors de

l’examen des documents. Ladite conception a reçu les suffrages de la doctrine française tandis

que la jurisprudence française ne s’est pas encore prononcée clairement sur la question.

Toutefois le cas où le donneur d’ordre est l’auteur d’une fraude envers la banque émettrice

semble bien différent. Dans cette hypothèse, la fraude commise par le donneur d’ordre ne doit

pas être prise en considération.

44

§1. Le rejet de l’argument de la bonne foi du bénéficiaire

Le principe de la bonne foi, sous-jacent dans les règles du droit commun, ne saurait être

considéré comme juste lors d’une présentation des documents entachées d’une fraude, malgré

la méconnaissance alléguée, voire prouvée, qu’en aurait le bénéficiaire. En effet, la fraude est

incompatible psychologiquement et juridiquement avec la bonne foi dans l’exécution des

actes juridiques. La véritable bonne foi du bénéficiaire est, en réalité, ailleurs. Elle réside en

effet dans sa conduite-même.

L’appréciation de la légitime ignorance du bénéficiaire exige en effet un jugement de son

comportement. Cette conception subjective se heurte à la conception objective et formaliste

qui doit prévaloir lors de la vérification documentaire. En effet, l’article 15 des RUU dispose

que la banque n’assume aucune responsabilité quant à la bonne foi de l’expéditeur,

transporteur ou assureur ou de toute autre personne que ce soit. D’après MM. MATTOUT et

PRUM, il paraît douteux que la jurisprudence française « accepte de considérer que la fraude

perpétrée à l’insu du bénéficiaire innocent soit sans effet sur le déroulement du crédit. Juger

le contraire reviendrait notamment à imposer à la banque chargée de vérifier les documents

d’enquêter sur l’auteur de la fraude ! »101. Ce serait, sans aucun doute, une erreur que de

vouloir insister sur le fait que la méconnaissance du bénéficiaire suffit pour détruire le

mécanisme frauduleux. D’ailleurs, une telle interprétation encouragerait, certainement,

les « complots » de fraude documentaire, dont la preuve serait le plus souvent très difficile à

rapporter. Par ailleurs, le bénéficiaire imprudent pourrait toujours invoquer son ignorance.

Le rejet des documents frauduleux est, en effet, d’une importance vitale pour le banquier car

la sécurité de son gage sur les marchandises risque fortement d’en être compromise102. C’est

pourquoi la Cour d’appel anglaise dans l’affaire UNITED CITY MERCHANTS LTD contre

ROYAL BANK OF CANADA, reconnaissant l’autorité du principe selon lequel le banquier est

tenu de payer le bénéficiaire au vu de documents conformes aux termes de la lettre de crédit,

a, sans ambiguïté, mis en évidence que le fait que les documents soient inexactes quant à un

point d’importance ou inexactes quant à la connaissance de leur auteur ou celle du

101 J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », op. cit., p. 108 102 Cette institution est dotée d’une conception documentaire qui procure au banquier une garantie résultant du mécanisme de l’opération. La doctrine classique du crédit est unanime sur le droit de gage du banquier sur les documents.

45

bénéficiaire, importe peu car le banquier est alors « libéré de son obligation de payer ». Ainsi,

comme l’a estimé le L. J. ACKNER « c’est le caractère du document, et non son origine qui

doit décider de sa conformité, ou non-conformité ». Insistant sur la même idée, le L.J.

GRIFFITHS, le troisième juge, a complété ce raisonnement, en observant, que « l’identité du

fraudeur est indifférente. Seul le fait que les documents soient dépourvus de valeur importe

pour la banque »103. Il en a déduit excellemment, que « le droit de la banque à refuser le

paiement ne repose pas sur l’adage l’application de la maxime ‘fraus omnia corrumpit’ mais

sur l’obligation de la banque à payer uniquement sur la présentation de documents

authentiques et en accord avec les exigences de la lettre de crédit ».

En outre, le bénéficiaire du crédit est tenu, afin d’en obtenir la réalisation, de soumettre à

l’attention de son banquier des documents, conformes en apparence, authentiques et sincères

en substance. La banque ne peut aller au-delà de l’apparence. Aussi n’accepte-t-elle ce seuil

dans l’examen des documents que convaincue de l’authenticité sous-jacente que lui garantit,

implicitement mais certainement, son bénéficiaire. Cette solution est consacrée par l’article

5-111 (1) de l’UCC qui exclut expressément l’argument de la bonne foi du bénéficiaire. Ledit

article dispose ainsi que « le bénéficiaire garantit à toutes les parties intéressées, lors… d’une

demande en paiement, la conformité aux conditions nécessaires du crédit ». Même le

bénéficiaire « innocent » qui soumet des documents faux au banquier a clairement violé la

garantie prévue par cette disposition. Celle-ci réduit la garantie fournie par le bénéficiaire au

respect de ses obligations dans l’opération de crédit : la présentation de documents conformes.

En tout état de cause, une fraude documentaire, dont personne ne serait apparemment

responsable, ne saurait être placée ni à la charge du donneur d’ordre ni à celle du banquier.

Selon M. MATTOUT104, c’est en effet le bénéficiaire qui devra en assumer les conséquences

finales. C’est lui qui est directement responsable du choix du transitaire qu’il a mal choisi

(culpa in eligendo). On ne voit pas comment on pourrait, autrement, concevoir le crédibilité

des documents, si le bénéficiaire lui-même n’était pas tenu de détecter, lors de la remise des

documents par un tiers, avec lequel il entretient le plus souvent de longues relations d’affaires,

toute fraude qui pourrait entacher ces documents. Par ailleurs, il a le plus souvent l’avantage

d’entretenir ces relations dans son propre pays. Retenir dans ces circonstances, l’argument de 103 “The identity of the forger is immaterial. It is the fact that the documents are worthless that matters to the bank”. V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 204 104 Mattout Jean-Pierre, « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, p. 247, n° 302

46

la bonne foi lui permettrait notamment d’échapper aux responsabilités placées à sa charge

dans une transaction du commerce international.

§2. L’indifférence à la fraude du donneur d’ordre

Dans l’hypothèse où le donneur d’ordre commet une fraude envers le banquier émetteur, en

retirant la marchandise au moyen d’un autre jeu –forgé- de documents, on peut se demander si

on doit tenir compte d’une telle fraude. La Cour d’appel de Paris par une décision du 27

février 1992105 a donné une réponse négative à cette question. En l’espèce, la société PORT

FRANC, importatrice de vêtements, était cliente de la CAIXA GENERAL DE DEPOSITOS

(CGD), banque portugaise ayant une succursale à Paris. Dans le cadre de leurs relations, la

CGD avait ouvert des crédits documentaires, dont le bénéficiaire était un vendeur portugais, la

société CONFER. Il avait été convenu que, parmi les documents à présenter par le vendeur,

figureraient des lettres de voiture CMR et que la banque serait désignée comme destinataire

de l’expédition, sauf à ce que la société PORT FRANC, acheteur des marchandises, reçoive

notification de l’arrivée de celles-ci. La désignation de la banque comme destinataire

constituait à l’évidence pour elle une garantie prenant la forme d’un gage sur la marchandise

transportée. En effet, les marchandises ont fait l’objet d’un deuxième jeu de lettres de voiture

à l’occasion desquelles le destinataire mentionné n’était pas la banque, mais le transitaire de

l’acheteur, grâce à quoi celui-ci avait pris possession des marchandises. Ayant découvert la

fraude du bénéficiaire, la CGD a refusé de payer et a ensuite déposé une plainte pour faux,

usage de faux et détournement de gage.

La cour d’appel s’est prononcée, parmi d’autres questions, sur le refus de paiement opposé

par la CGD. La fraude que celle-ci invoquait existait bel et bien, mais émanait non pas du

bénéficiaire mais du donneur d’ordre qui avait réussi à entrer en possession des marchandises

par fraude. La Cour a relevé que le fait que l’exportateur ait expédié les marchandises ayant

l’acceptation officielle du crédit documentaire ne constituait pas l’acceptation d’un risque de

sa part. En définitive, elle en a déduit que l’exception de la fraude ne pouvait pas être opposée

à la société vendeuse et elle a condamné la banque à payer cette dernière. Cette décision a été

105 CA Paris, 5ème ch. B, 27 févr. 1992, SOCIETE LA CAIXA GENERAL DE DEPOSITOS c/ SOCIETE FERREIRA SOUSA et MARCELINO LTD et autres : RD bancaire et bourse, juin-juill. 1992, p. 173-174, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD ; D., 1994, 4ème cahier, som. com., p. 27, obs. M. VASSEUR

47

entérinée par la Cour de Cassation106. Comme l’observe M. MATTOUT, l’indépendance du

rapport donneur d’ordre-banque émettrice ne permet donc pas de rejeter les documents

présentés par le bénéficiaire si ceux-ci présentent l’apparence de conformité, sauf à ce que le

bénéficiaire soit lui-même l’auteur ou le complice de la fraude107.

Le principe de fraude a été depuis longtemps admis par la jurisprudence en matière de crédit

documentaire. En effet, la fraude documentaire au-delà de son typologie doit se matérialiser

dans les documents afin d’être distinguée de la fraude dans le contrat commercial. D’ailleurs,

la nécessité de son caractère manifeste est incontestable tandis que l’identité de son auteur

semble indifférente. Après avoir analysé la fraude en tant qu’une limite au formalisme du

crédit documentaire, on peut maintenant étudier comment l’exception de la fraude est mise en

œuvre, autrement dit comment la fraude constitue une exception à l’autonomie du crédit

documentaire.

PARTIE II. La fraude documentaire : une exception à l’autonomie du crédit

documentaire

Le principe de l’autonomie du crédit documentaire a comme conséquence principale

l’inopposabilité des exceptions. Conformément à l’article 3 a des RUU « l’engagement d’une

banque de payer, d’accepter et de payer une ou plusieurs traites, ou de négocier et/ou de

s’acquitter de toute autre obligation en vertu du crédit, ne peut donner lieu à réclamations du

donneur d’ordre ou à l’invocation par ce dernier de moyens de défense fondés sur ses

relations avec la Banque émettrice ou le bénéficiaire ».

En effet, le caractère direct et autonome de l’engagement du banquier empêche celui-ci de

refuser le crédit documentaire en lui opposant les exceptions nées de la vente. Le banquier ne

peut donc opposer au bénéficiaire, ni de manière spontanée, ni à la demande du donneur

d’ordre, aucune exception tirée du contrat commercial. 106 Cass. com., 29 nov. 1994, SOCIETE LA CAIXA GERAL DE DEPOSITOS c/ SOCIETE FERREIRA SOUSA et MARCELINO LTD , RJDA, mars 1995, N° 318, p. 261-263 107 J.-P.Mattout, « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, n° 302, p. 247

48

La banque ne peut-elle résister à la demande d’exécution du crédit documentaire en invoquant

la nullité, l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat commercial. La solution s’étend

aux contrats annexes constatés par les documents.

La banque est également privée du droit d’opposer au bénéficiaire du crédit les exceptions

tirées de ses relations avec le donneur d’ordre. Il ne lui est pas permis de se prévaloir du

défaut de paiement des commissions qui lui sont dues ou de l’impossibilité d’être remboursée

du montant de crédit à raison du redressement judiciaire du donneur d’ordre.

Toutefois le principe d’autonomie cède en cas de fraude et autorise le banquier d’opposer une

exception tirée du contrat de base au bénéficiaire. En effet la fraude autorise à empêcher la

réalisation du crédit documentaire (TITRE I) et donne lieu à un contentieux après la

réalisation du crédit documentaire (TITRE II).

TITRE I. L’empêchement à la réalisation du crédit documentaire La fraude fait échec aux principes les plus établis en matière de crédit documentaire et sa

découverte en temps opportun permet d’empêcher la réalisation du crédit. En effet, la banque

peut de son initiative propre refuser de payer le bénéficiaire malhonnête si la fraude est

décelable au vu des documents ou si elle en a eu connaissance de quelque manière que ce soit.

En outre, le donneur d’ordre qui s’aperçoit d’une fraude dans les documents peut s’adresser

directement au banquier chargé de la réalisation du crédit pour empêcher le paiement

frauduleux (Chapitre I). Mais en même règle générale la banque hésite à rejeter les documents

frauduleux, afin de ne pas prendre partie à une dispute qui affecte le contrat entre le vendeur

et l’acheteur. Ainsi le donneur d’ordre, en vue de s’assurer de l’empêchement de la réalisation

du crédit, peut choisir de bloquer le mécanisme du crédit documentaire par le biais d’une

intervention judiciaire (Chapitre II).

49

Chapitre I. Le refus du paiement frauduleux

La fraude ne peut empêcher le paiement que si elle est découverte avant l’exécution de la

convention de crédit. Postérieurement, en effet, la banque émettrice doit couvrir la banque

intermédiaire qui a réalisé le crédit et peut se faire rembourser par le donneur d’ordre. La

banque qui paie au vu des documents présentant l’apparence de la conformité ne peut être

tenue pour responsable si par la suite une falsification est établie108. Le donneur d’ordre risque

alors de ne pas pouvoir recourir efficacement contre le fraudeur. Il est donc capital qu’il

puisse intervenir avant la réalisation du crédit, car seulement dans ce cas-là est-il possible de

s’opposer effectivement au paiement frauduleux par le banquier (Section 1). D’ailleurs, la

fraude légitime indiscutablement le refus du banquier de régler le montant du crédit tandis que

l’existence d’un devoir de refus à la charge de la banque est moins clair (Section 2). Section 1. La possibilité de refus du paiement frauduleux

La fraude ne peut être un obstacle au paiement que si elle est découverte avant la réalisation

du crédit documentaire. Pour que se réalise l’hypothèse envisagée ici, il faudra que l’acheteur

ait appris que les documents, apparemment conformes, sont en réalité irréguliers. Il en va de

même lorsque l’acheteur, entré en possession des marchandises avant le décaissement des

fonds par le banquier, a constaté que l’exécution du contrat commercial est entachée de

fraude. Ce dernier cas peut se présenter, s’agissant d’un crédit payable à vu, lorsque la

marchandise voyage par un moyen de transport rapide et il est de règle quand le crédit

documentaire est réalisable par paiement différé ou par acceptation. Le même effet est produit

si l’acheteur, quand le crédit autorise des expéditions partielles, s’aperçoit, en examinant le

premier lot de marchandises, que celles-ci ne sont pas conformes à des utilisations ultérieures

du crédit.

108 Art. 15 RUU : « Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à…la falsification … du/des document(s) ».

50

Le plus souvent, lorsque le crédit documentaire est payable contre documents, la fraude est

découverte après que le paiement ait été effectué conformément aux termes du crédit

documentaire. Dans ce cas-là, l’exception de la fraude n’est pas évidemment opposable.

Ainsi, le Tribunal de commerce de Paris a relevé par un jugement du 26 septembre 1990 109

que lorsque la banque émettrice d’un crédit documentaire procède au paiement au vu de

documents qu’elle a préalablement soumis au donneur d’ordre sans contestations ni réserves

de la part de ce dernier et qu’une fraude a été découverte postérieurement au règlement du

crédit à sa date d’exigibilité, la lettre de crédit irrévocable ne doit pas être annulée et la

banque ne doit pas être condamnée à en restituer le montant au donneur d’ordre. Ainsi, si la

fraude est découverte avant le terme de paiement stipulé au crédit documentaire et qu’aucun

paiement n’a été effectué, il n’y aura pas de grande difficulté pour faire échec au paiement.

La situation n’est pas si claire quand il s’agit d’un crédit réalisable à terme. A propos des

crédits réalisables par négociation, ceux-ci peuvent couvrir à la fois des paiements au

comptant ou à terme selon que la lettre de change ou le crédit, si des traites ne sont pas

prévues, sera stipulé à vue ou à terme. Cela suppose généralement la création d’un effet de

commerce, mais à la différence du crédit réalisable par acceptation, la réalisation par

négociation a pour effet d’intégrer l’opération d’escompte à l’intérieur même du champ du

crédit. Outre l’engagement de payer, ce type de crédit contient également l’engagement ferme

de la banque émettrice et de la banque confirmatrice d’escompter les effets tirés dans le cadre

du crédit110. D’ailleurs, les crédits réalisables par négociation peuvent être négociables dans

une seule banque (crédit direct/ straight credit) ou dans toutes les banques (lettre de crédit

circulaire). En effet, l’escompte de la traite par une banque autorisée vaut réalisation du crédit

lui-même. Aussi toute fraude découverte postérieurement à cette réalisation n’intervient-elle

qu’après le paiement du crédit, même si à cette date la traite n’était pas encore échue.

109 Trib. com. Paris, 26 sept. 1990, SOCIETE PAREXIM c/ BURTON HEDGE CORPORATION et autres, D., 1991, 26ème cahier, som. com., p. 224-225, obs. M. VASSEUR 110 Art. 9 RUU : a) « Un crédit irrévocable constitue pour la Banque émettrice, … un engagement ferme … si le crédit est réalisable par négociation, de payer sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi les traites tirées par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) conformément aux termes et conditions du crédit » et b) « la Banque confirmante doit … si le crédit est réalisable par négociation, négocier sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi, la ou les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) en vertu du crédit ».

51

C’est exactement ce que la Cour de Cassation a affirmé dans un arrêt du 23 octobre 1990111.

Dans cette affaire, un crédit documentaire réalisable par négociation a été mis en place à

l’occasion d’une vente internationale par un vendeur indonésien à un acheteur français, à la

demande de ce vendeur. Ce crédit, d’ordre de l’acheteur, a été ouvert par le CREDIT DU

NORD, la banque émettrice. En conséquence, le vendeur a tiré sur le CREDIT DU NORD, à

l’ordre de sa banque, une banque indonésienne, des traites à échéance de 180 jours de la date

d’embarquement des marchandises. Il s’agissait, donc, d’un crédit par négociation couvrant

l’hypothèse de paiement à terme. Comme on l’a déjà mentionné, une fraude avait été

commise par le vendeur. Lorsque l’acheteur s’en est aperçu, il a voulu faire défense au

CREDIT DU NORD d’honorer les traites sur lui. Le juge des référés a refusé de prononcer

une telle défense de paiement tandis que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé son

ordonnance par son arrêt du 28 janvier 1988112.

La question posée était de savoir si, antérieurement à la défense de payer, émanant de

l’acheteur français, les traites avaient été négociées et payées par la banque indonésienne. En

clair, le crédit documentaire avait-il été réalisé avant qu’intervienne la défense de payer ?

Apparemment, la banque indonésienne en a escompté et payé le montant que la banque

émettrice devait lui revenir. Ainsi, l’arrêt de la Cour d’appel s’avérait difficilement

compréhensible, lorsqu’il exigeait que les traites, même payées par la banque indonésienne,

aient été négociées par elle. Le paiement de ces traites par la banque indonésienne constituait

leur négociation. En négociant les lettres de change, la banque indonésienne avait réalisé le

crédit au moment où elle les avait payées. Dès lors, la défense de payer au motif de fraude

intervenue postérieurement à la réalisation du crédit s’avérait tardive.

La Cour d’appel avait donc, à tort, retenu l’efficacité de cette défense, au motif que celle-ci

avait été effectuée « avant la réalisation du crédit, soit avant l’échéance des traites ». Elle

avait ainsi mis en équation réalisation du crédit et paiement des traites à leur échéance par la

banque émettrice, puisque celles-ci avaient été tirées sur elle. Or, le crédit par négociation,

dont le mérite est de permettre au bénéficiaire d’obtenir l’escompte d’effets par hypothèse à

terme, avant leur échéance par une banque de son pays, se dénoue au moment de la

111 Cass. com., 23 oct. 1990, CREDIT DU NORD c/ SOCIETE STANDING MEUBLES et autres : JCP, 1991, N° 24, II, 21687, note M. VASSEUR ; JCP E, 1991, N°46, I, p. 474, n° 37, obs. J. STOUFFLET et C. GAVALDA ; JCP E, 1991, N° 32, II, N° 186, p. 199-200, note M. VASSEUR ; RJH, 1991, p. 1181-1184, note J. HESBERT 112CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 28 janv. 1988, SOCIETE STANDING MEUBLES c/ CREDIT DU NORD : D., 1989, 20ème cahier, som. com., p. 197, obs. M. VASSEUR

52

négociation. Ainsi, la Chambre commerciale a cassé l’arrêt de la Cour d’appel en relevant

qu’elle a à tort accueilli la défense de paiement car la réalisation du crédit, c’est-à-dire

l’escompte des traites par la banque indonésienne, est intervenue avant la découverte de la

fraude. De cette façon, la banque émettrice ne pouvait pas refuser d’honorer le crédit à raison

de fraude, puisque le crédit avait déjà été réalisé.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a raisonné comme si le crédit documentaire était

réalisable par paiement différé. Ce dernier correspond à une vente dont le paiement

s’effectuera au terme convenu dans l’accréditif. Les fonds ne sont exigibles qu’à l’expiration

d’un certain délai courant à compter de la remise des documents. La réalisation du crédit

différé n’intervient donc qu’au moment du paiement au terme différé convenu et non lors de

la remise de documents. Expressément prévu par les RUU113 et utilisé dans la pratique, ce

mode de réalisation aboutit à ne recevoir le paiement qu’après la réception des marchandises

par le donneur d’ordre. Dans la mesure où il laisse à l’acquéreur une certaine marge de temps

entre la réception de la marchandise et son paiement, il offre plus de tentation à ce dernier de

faire obstacle au paiement. Ainsi, si l’acquéreur a pu constater que cette marchandise ne lui

donnait pas satisfaction, il peut utiliser cette période pour la faire expertiser. Selon M.

SYNVET, « la seule chose vraie est qu’un effet de la stipulation de paiement différé, mais

non pas nécessairement sa finalité, est de permettre au donneur d’ordre de vérifier utilement

que les marchandises livrées correspondent aux énonciations des documents. Un tel résultat

n’a rien de choquant en soi »114. A l’évidence, le donneur d’ordre augmente considérablement

sa probabilité de découvrir une fraude éventuelle par rapport aux autres techniques du crédit

documentaire.

L’arrêt de la Cour de Cassation du 7 avril 1987115 démontre un tel cas de fraude dans un

crédit documentaire à paiement différé. En l’espèce, un crédit documentaire irrévocable a été 113 Art 9 a) RUU : « Un crédit irrévocable constitue pour la Banque émettrice… un engagement ferme… si le crédit est réalisable par paiement différé, de payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit » et b) « la Banque confirmante doit… si le crédit est réalisable par paiement différé, payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit ». 114 H. Synvet, « Droit financier international », DPCI, 1987, p. 708 115 Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD

53

ouvert le 26 janvier 1984 par une banque française sur ordre de son client importateur auprès

d’une banque belge confirmatrice du crédit pour une validité d’un mois. Le crédit était stipulé

payable à 90 jours de la levée de documents. La banque confirmatrice qui avait relevé des

irrégularités au moment de la présentation des documents en a informé son mandant. Ensuite,

le donneur d’ordre a renoncé à exiger un certificat de contrôle des marchandises au départ.

Finalement, la levée de documents a été autorisée le 7 février par la banque émettrice après

que la banque confirmatrice l’eût garanti être en possession de la lettre de voiture

internationale. La banque belge a payé le montant du crédit documentaire à paiement différé

au bénéficiaire le 14 février. Après le paiement, la banque belge a relevé et signalé une

nouvelle irrégularité concernant la dénomination des marchandises et la banque française a

réitéré son accord sans réserve de créditer le compte de la banque mandataire. Le donneur

d’ordre a constaté une fraude qui consistait, comme on l’a déjà soulevé, en le défaut de

sincérité des documents concernant la quantité des marchandises expédiées. A la suite de cette

constatation, le donneur d’ordre a demandé en référé au Tribunal de commerce de Paris qu’il

soit fait défense à la banque émettrice de créditer le compte de la banque belge. Le Tribunal

de commerce de Paris, par ordonnance de référé, a interdit le paiement du crédit

documentaire à l’échéance. La Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge des

référés le 30 avril 1985116.

La Cour de Cassation a admis que le donneur d’ordre peut vérifier la sincérité des documents

pendant le décalage entre la levée des documents et le paiement, ce qui l’autorise à s’opposer

au paiement, dès lors que la convention n’a pas encore été exécutée. Mais la découverte de la

fraude pour être efficace, doit permettre d’empêcher le paiement doit donc d’intervenir avant

l’exécution de la convention. Ceci est d’autant plus vrai que la convention de paiement différé

doit s’opérer au terme stipulé et non avant l’échéance. La Cour a relevé que l’exécution se

situe au moment du paiement. Peu importe que la remise des documents et le règlement ne

soient pas concomitants, la preuve de la fraude pendant ce laps de temps empêchera le

paiement. Comme l’a relevé également la Cour d’appel de Paris, le « paiement différé était de

nature à permettre au donneur d’ordre, en l’absence de contrôle des marchandises au départ,

116 CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR

54

de vérifier à l’arrivée si la livraison de ces marchandises correspondait aux documents remis

par le bénéficiaire à l’appui du crédit documentaire ».

En effet, dans l’hypothèse d’un crédit documentaire non différé, la situation se trouve fixée au

moment de la présentation des documents. Cependant, la jurisprudence admet que le donneur

d’ordre peut, dans le court laps de temps qui précède le versement des fonds au bénéficiaire,

faire obstacle à l’opération, s’il parvient à établir l’existence d’une fraude. La situation est

donc, en principe, exactement la même. Cependant, en pratique, le donneur d’ordre bénéficie

de beaucoup plus de facilités dans l’hypothèse d’un crédit différé. On doit toutefois prendre

garde que le délai prévu donne au donneur d’ordre le temps non pas de vérifier la

marchandise, ce qui serait inopérant, mais de découvrir la fraude et d’en établir la preuve,

temps que le crédit documentaire non différé ne lui laisse que rarement.

Section 2. Le devoir bancaire de refuser le paiement frauduleux

Sans doute le banquier est-il en droit de se prévaloir de la fraude prouvée. Personne ne saurait

lui dénier cette prérogative sans compromettre son image ou le priver, le cas échéant, de son

gage documentaire. Puisque les documents constituent la sécurité de la banque pour le

paiement, la banque a un intérêt direct de refuser le paiement frauduleux. La banque, en effet

ne souhaite pas posséder des documents sans valeur117. L’affirmation de ce principe est

d’autant plus primordiale que, souvent, les intérêts propres de la banque se voient occultés par

des pressions aussi contradictoires que gênantes d’un bénéficiaire poussant au paiement et

d’un donneur d’ordre faisant tout pour l’en empêcher. Plus simplement, un défaut de temps

peut contraindre le banquier à décliner l’avis de son client. Il en est a fortiori ainsi lorsque ce

dernier est en collusion frauduleuse avec le bénéficiaire.

Toujours est-il que la fraude évidente ouvre au banquier non seulement un droit mais aussi un

devoir propre à refuser le paiement. Dans la mesure où la fraude vicie les documents, le refus

de paiement ne peut plus être une simple faculté pour la banque. Selon M. Mattout, celle-ci

engagerait sa responsabilité si elle payait sciemment des documents frauduleux118. Par

117 E.-P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 210 118 J.-P. Mattout , « Droit bancaire international », 2ème éd., Banque Editeur, 1996, n° 303, p. 248

55

ailleurs, M. STOUFFLET observe que la banque a une obligation de refuser le paiement s’il

n’y a aucun doute à propos de l’existence d’une fraude au moment du paiement119. Les

banques ont, effectivement, le devoir général d’agir conformément aux intérêts de leurs

clients. En outre, s’il est unanimement admis que le banquier n’est pas autorisé à exécuter le

crédit dont l’un des documents serait non conforme à celui qui a été réclamé, il doit en aller, à

plus forte raison, de même lorsque ce document se relève frauduleux. Les banquiers qui y sont

inattentifs ne trouveront aucune parade dans la rigueur formelle du crédit. L’intelligence de

l’appréciation qu’implique le caractère raisonnable de la stricte conformité ne saurait être

éludée par la banque. Elle oblige ainsi au minimum de vigilance dont tout professionnel est

tenu de faire preuve.

La jurisprudence française semble aussi aller en général dans ce sens120. La Cour d’appel de

Colmar dans son arrêt, déjà cité, rendu le 14 juin 1985121 a ainsi énoncé que le banquier

chargé de réaliser le crédit, qui a été informé de la fraude, doit rejeter les documents et refuser

le paiement. En l’espèce, la banque confirmatrice (UBS), qui était en même temps la banque

du bénéficiaire, a payé celui-ci alors que plus d’un mois avant de payer, elle avait été

informée par la banque émettrice de l’existence d’une fraude, bien évidente. En réalité, la

banque confirmatrice n’avait poursuivi d’autre but que d’éteindre les dettes de sa cliente par

un jeu d’écriture, sauf à sacrifier les intérêts de la banque émettrice et du donneur d’ordre

qu’elle avait le devoir de sauvegarder. En effet, la Cour d’appel de Colmar, en lui refusant le

droit d’obtenir son remboursement de la banque émettrice, a jugé qu’elle avait commis une

faute qualifiée de lourde et qu’elle avait « manqué gravement aux obligations de vigilance et

de prudence qui s’imposait à elle ».

L’exemple du droit américain mérite, à ce titre, d’être dénoncé. Selon l’article 5-109(2) de

l’UCC122, la banque peut, en effet, payer les documents frauduleux, comme elle est en droit

119 J. STOUFFLET, “Fraud in the documentary credit, letter of credit and demand guaranty”, Dickinson Law Review, Summer 2001, p. 28 120 V. également CA Agen, 1ère ch., 27 juin 1988, GROUPEMENT ACHAT ACCESSOIRES c/ BANQUE POPULAIRE DU QUERCY ET DE L’AGENAIS, D., 1990, 22ème cahier, som. com., p. 179, obs. M. VASSEUR ; Trib. com. Paris, ch. vac., 23 juill. 1997, SOCIETE STM INTERNATIONALE c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS, Gaz. Pal., 1998 (2ème sem.), jurispr.- som. et notes, p. 423, n° 988 ; 121 CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, UNION DE BANQUES SUISSES c/ BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL et SOCIETE ANONYME PLATS CUISINES HUBSCH : D., 1986, IR, p. 218-219, obs. M. VASSEUR ; JCP, 1986, I, chron., n° 12, C. GAVALDA et J. STOUFFLET 122Art. 5-109 (2) UCC : “If a presentation is made that appears on its face strictly comply with the terms and conditions of the letter of credit, but a required document is forged or materially fraudulent... the issuer, acting in good faith, may honor or dishonour the presentation” . V. D.-H. Chae, “Letters of credit and the Uniform

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de refuser de le faire. Elle n’y est, en aucun cas, obligée. Elle bénéficie d’une option, pour

autant qu’elle agit de bonne foi. L’équivoque de cette formule n’est pas à démontrer. Quoi de

plus contradictoire que de considérer de bonne foi la banque qui a pu, en connaissance de

cause, payer les documents frauduleux ?

Le principe auquel il faut sans cesse revenir est le fait que le banquier assume uniquement un

risque financier en émettant son crédit. Certes, il peut être influencé par l’importance de ses

relations avec le donneur d’ordre, comme il peut être sensible à sa réputation financière. Son

intérêt est, cependant, celui de remplir, quelles que soient les circonstances, les termes de son

engagement. Tant que le discernement qu’on lui demande reste à l’intérieur de cette limite, il

n’a aucune raison de s’en plaindre. De deux choses l’une : ou bien la banque refuse de payer,

éventualité plutôt rare, compte tenu de la difficulté d’établir le fraude. En agissant néanmoins

ainsi, le banquier prend un risque qu’il doit apprécier lui-même en toute liberté. On

comprendra, en conséquence, qu’il soit tenu de répondre de son initiative au bénéficiaire si

ces soupçons s’avèrent infondés ; ou bien, hypothèse plus courante, la banque consent au

paiement de documents dont la fraude sera démontrée. Il est vrai que la banque sera tenue de

rembourser son client mais sa sécurité n’en sera pas pour autant ébranlée. Elle pourra agir

contre le bénéficiaire frauduleux pour récupérer ses débours.

Chapitre II. Le blocage du crédit documentaire par intervention judiciaire

Le banquier soucieux de son image de marque conteste rarement le droit du bénéficiaire au

paiement. Le plus souvent, c’est le donneur d’ordre qui en éprouve le besoin. Etant

évidemment bien placé pour savoir si la demande en paiement est ou non frauduleuse, il est

normal qu’il soit mieux informé que son banquier des exceptions susceptibles d’être opposées

à son co-contractant. Ces exceptions ne devraient, normalement, soulever aucun problème si

elles se limitent à mettre la banque en mesure de s’abstenir de payer. Il n’en est

malheureusement qu’exceptionnellement ainsi. De plus en plus, on voit des donneurs d’ordre

avides d’empêcher l’exécution de leurs banquiers. Pour cette raison, le donneur d’ordre, afin

Customs and Practice for documentary credits: The negotiating bank and the fraud rule in Korea Supreme Court case”, Florida Journal of International Law, Spring 1998

57

d’avoir plus de certitude préfère généralement s’adresser au juge des référés pour obtenir une

ordonnance d’interdiction de paiement (Section 1). D’ailleurs, l’éventualité d’une saisie

pratiquée par celui-ci est également envisageable (Section 2).

Section 1. L’interdiction de paiement frauduleux

En pratique, si le donneur d’ordre a découvert l’existence d’une fraude et qu’il est en mesure

de la prouver, il peut demander du juge des référés une mesure conservatoire de blocage de

crédit. La jurisprudence française admet le pouvoir du juge des référés d’interdire le paiement

du crédit lorsqu’une fraude est mise en évidence. En outre, l’article 20 de la Convention des

Nations Unies permet aux parties aux lettres de crédit stand-by, aux demandes de garantie et

aux crédits documentaires de solliciter du juge qu’il prenne des mesures provisoires. De

même, la section 5-109 (b) de l’UCC123 dispose qu’en cas de fraude, le juge compétent peut

ordonner à la banque émettrice de ne pas honorer le crédit. Toutefois, les conditions d’une

telle ordonnance sont assez exigeantes et la preuve irréfutable doit être apportée par le

donneur d’ordre124.

Bien qu’accueillie favorablement par la jurisprudence, cette « intrusion » judiciaire dans le

crédit éveille la réserve d’une partie considérable de la doctrine. Selon les partisans de cette

position, l’intervention judiciaire apparaît à la fois inutile et inexacte. Comme l’a déjà

remarqué le Doyen STOUFFLET « l’intervention du juge n’est pas [toutefois]

indispensable »125. Le donneur d’ordre peut donc très bien s’en passer. La garantie de la

sincérité des documents à laquelle est tenu le bénéficiaire constitue pour le donneur d’ordre

un substitut sérieux. Il a l’avantage d’être un remède efficace sans être réduit aux

inconvénients d’une étape judiciaire intermédiaire. Mieux, l’utilité du juge des référés se

perçoit assez mal dans le domaine de la fraude documentaire. Il va sans dire que la lettre de 123 Art. 5, section 5-109(b) UCC : “If an applicant claims that a required document is forged or materially fraudulent… a court may temporarely or permanentely enjoin the issuer from honoring a presentation or grant similar relief against the issuer or other persons (...)”. 124 Art. 5, section 5-109(b)-4: “on the basis of the information submitted to the court, the applicant is more likely than not to succeed under its claim of forgery or material fraud and the person demanding honor does not qualify for protection under subsection (a)(1)”. V. D.-H. CHAE, “Letters of credit and the Uniform Customs and Practice for documentary credits: The negotiating bank and the fraud rule in Korea Supreme Court case”, Florida Journal of International Law, Spring 1998 125 V. J. STOUFFLET, note sous CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, D., 1986, jurispr., n° 19, p. 200

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crédit ne peut s’offrir les moyens de l’investigation que supposerait la démonstration d’une

fraude. En effet, la responsabilité du banquier se limite aux contours, à la fois fermes et

objectifs, de la fraude évidente. Il doit en être de même pour le juge des référés. Comme le

banquier, le juge « d’urgence » n’est admis à accorder ses mesures qu’au vu d’une fraude

établie de manière définitive et incontestable. Même la jurisprudence, qui reconnaît la

possibilité de ce recours, en soumet l’application à l’observation de cette condition, qui est

l’existence d’une fraude manifeste126. Il serait, en effet, inquiétant d’accepter l’idée qu’une

mesure provisoire puisse paralyser la réalisation du crédit pour des raisons autres que celles

qui auraient permis à la banque de le faire. Cette restriction n’est pas liée aux limites

apportées par la loi à la compétence du juge des référés. Au contraire, elle est inhérente à la

nature de la lettre de crédit : il ne peut y avoir d’interdiction de payer que dans le respect de la

fonction documentaire.

Or, une telle exigence équivaudrait à l’exclusion des mesures conservatoires. Elle semble

faire double emploi avec celle que la banque est appelée à observer. Donc, force est de

constater que le donneur d’ordre ne peut que se résoudre à l’évidence. Que ce soit par le

truchement du banquier qui examine des documents ou par le biais du juge des référés, sa

demande de paiement ne saurait échapper au crible du seul critère applicable : la conformité

raisonnable. En revanche, le donneur d’ordre ne subit aucune perte légitime du moment qu’il

aura toujours la possibilité de mettre en cause l’appréciation de sa banque s’il n’en est pas

satisfait. Non seulement il disposera d’un débiteur parfaitement solvable mais aussi de

quelqu’un qu’il pourra attraire devant ses juridictions nationales. Sans doute peut-il éprouver

un problème de trésorerie durant ce procès, une fois celui-ci engagé. Sa volonté d’échapper au

poids du débit de son compte par la banque, dans ce dernier cas, ne doit pas cependant être

découragée. Il s’agit d’un risque qu’il a accepté en tout connaissance de cause. En reporter la

charge sur son banquier reviendrait, à la fois à déplacer indûment les responsabilités qu’il a pu 126 V. dans ce sens CA Aix-en-Provence, 14 nov. 1986 : J-Cl., Banque-Crédit-Bourse, Fasc. 1080, n° 155, p. 23, Encyclopédie Dalloz , Commercial, Tome III, n° 114, p. 11 ; Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE, JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET, JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR, Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE, RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD ; CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985 et CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres et SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autre : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET, Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR

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assumer et à aller à l’encontre du régime juridique du juge des référés. De plus, s’il apparaît

après, que le juge des référés ait fait défense de payer, le banquier qui a reçu les documents

auxquels le paiement était subordonné et le donneur d’ordre délivrent une attestation de

conformité, le banquier peut alors payer sans engager sa responsabilité127.

D’ailleurs, la pratique du référé est soumise à des conditions dont le respect commande le

succès. Sous des formules à peine différentes, les divers systèmes juridiques s’accordent sur la

nécessité de préserver un dommage imminent pour prescrire une mesure conservatoire.

L’observation de ce critère, déjà stricte en droit commun, est loin d’être évidente en matière

de crédit. En effet, le juge des référés décide souverainement, selon les circonstances de

chaque espèce, et en fonction du degré de gravité du préjudice subi par le donneur d’ordre ; il

faut donc admettre que ce critère n’est applicable que d’une façon indépendante de la

condition personnelle de celui qui en fournit la demande. Or, un tel résultat, s’il devait

prévaloir, constituerait une entorse inadmissible à l’efficacité de la lettre de crédit. D’après ce

que M. VASSEUR constate, si le débit du compte susceptible d’être exercé par la banque peut

être présenté comme un dommage imminent de nature à justifier la mesure conservatoire,

n’importe quelle lettre de crédit est menacée de se trouver bloquée128.

C’est effectivement un risque de cette nature que la Cour d’appel de Paris a voulu éviter dans

son arrêt du 3 décembre 1984129. Une entreprise française avait, en l’espèce, ouvert un

chantier de construction d’une route en Libye. Les douanes libyennes subordonnèrent

l’autorisation d’importation temporaire du matériel nécessaire à la fourniture par une banque

libyenne de garanties indépendantes, contre-garanties par une banque française. La banque

libyenne appela ces contre-garanties. L’entreprise française assigna en référé. Le juge des

référés rendit une ordonnance refusant de faire défense à la banque de payer, mais la

constituant séquestre de la somme. Dès le lendemain, la banque française avait payé la contre-

garantie libyenne. La Cour d’appel lui avait donné gain de cause. Elle a particulièrement

observé que « le transfert en Libye des sommes correspondant au montant des contre-

garanties ne pouvait être pertinemment tenu pour un dommage imminent au sens de l’article

127 Cass. com., 30 juin 1998, SOCIETE SPORTMATIC c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS , RJDA, nov. 1998, N° 1283, p. 959-960 128 V. Référence n° 179 citée par K. KAWAN dans « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », RDAI, N°6, 1991, n° 43, p. 822 129 CA Paris, 3 déc. 1984, arrêt cité par K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », op. cit., n° 44, p. 822-823

60

873 du nouveau Code des procédure civile »130. L’engagement du donneur d’ordre, ainsi que

l’action dont il dispose en tout état de cause à l’encontre de sa banque, excluent toute

possibilité d’un dommage imminent, si bien qu’on arrivera à ce résultat parfaitement

concevable que le donneur d’ordre ne puisse jamais obtenir, sur ce fondement, une

interdiction de payer.

Au demeurant, les limites dans lesquelles le contrôle du juge des référés est enfermé heurtent,

de par leur nature même, la conception documentaire de la fraude. Alors que celle-ci suppose,

pour son admission, une preuve évidente, la vérité devant le juge des référés se contente de la

vraisemblance. Il suffit qu’elle ait une certaine dose de certitude : la probabilité. La

contestation sérieuse est le principe et la mesure de la compétence du référé. L’exigence de la

preuve « évidente » n’y trouve aucune place. En tout état de cause, une fraude, même

évidente, est incapable de rendre admissible une interdiction de payer provoquée par le

donneur d’ordre. Celle-ci ne peut que méconnaître l’autonomie de l’engagement bancaire par

rapport aux contrats sous-jacents. La banque émettrice s’oblige personnellement, en son nom,

envers le bénéficiaire. On ne voit pas, dès lors, en quelle qualité le donneur d’ordre pourrait

empêcher l’exécution d’un contrat auquel il est étranger. Ce serait une atteinte inacceptable

aux droits d’un tiers que de le soutenir.

En revanche, une autre partie de la doctrine semble favorable à une telle interdiction

judiciaire. M. ELLINGER131 remarque ainsi qu’une injonction du juge des référés obligeant la

banque de ne pas honorer son engagement irrévocable n’entraîne pas cette dernière dans une

dispute entre les autres parties. En réalité, la banque demeure une partie nominale à une telle

situation. A cet égard, il est difficile de voir comment une interdiction judiciaire pourrait nuire

à la réputation du banquier. En autre, l’argument conformément auquel les commerçants

assument le risque de fraude dans une opération avait un mérite limité. En effet, un des

objectifs du crédit documentaire est de sauvegarder l’acheteur d’une situation dans laquelle il

serait obligé de payer sans avoir obtenu les marchandises prévues dans le contrat de base. Il

serait donc injuste de prétendre que l’acheteur doit résoudre toute dispute de tel type avec le

vendeur, indépendamment des difficultés qu’il devra confronter. Ensuite, la règle, selon

130K. KAWAN, « La fraude dans le crédit documentaire : Confusion ou Cohésion ? », op. cit. n° 44, p.823 131 V. E.P. ELLINGER, “Documentary credits and fraudulent documents”, op. cit., p. 212-213

61

laquelle l’interdiction de paiement est accordée seulement en cas de fraude évidente et connue

par la banque, n’est pas vraiment persuasive. L’objet de ladite règle est de prévenir les

allégations injustifiées chaque fois que l’acheteur découvre ou soupçonne que la marchandise

ne correspond pas aux termes du contrat de vente. Toutefois une interdiction judiciaire doit

être accordée seulement à la condition que les dépenses du procès soient à la charge de

l’acheteur. Par conséquent, l’acheteur y réfléchirait à deux fois, avant d’accuser le vendeur de

fraude.

Section 2. L’éventualité d’une saisie

La possibilité d’une saisie pratiquée par le donneur d’ordre se présente lorsque le donneur

d’ordre pense que la marchandise attendue ou déjà reçue n’est pas celle prévue au contrat

commercial mais que les documents étant conformes, le banquier procédera tout de même au

règlement. Celui - ci est alors tenté de considérer que le produit du crédit documentaire assure

son gage132 et qu’il a une créance découlant de l’inexécution du contrat commercial

« paraissant fondée dans son principe »133.

Longtemps ces arguments ont paru déterminants et les tribunaux autorisaient la saisie après

avoir vérifié que les conditions en étaient remplies, sans distinction particulière tenant au fait

qu’il s’agissait d’un crédit documentaire. Mais la Cour de Cassation, dans un arrêt remarqué

en date du 14 octobre 1981134, a radicalement mis en terme à cette possibilité en estimant, à

juste titre, que la saisie du donneur d’ordre était contraire à l’irrévocabilité ouverte à la

demande du même donneur d’ordre. D’ailleurs, le moyen choisi pour la révocation paraît

indifférent. La Cour de Cassation a estimé que l’irrévocabilité convenue entre le donneur

d’ordre et le bénéficiaire entraîne indisponibilité de la créance et partant renonciation

irrévocable pour le donneur d’ordre à pratiquer saisie, fût-ce pour une créance « étrangère à

l’exécution du contrat de base »135. S’il en est ainsi, c’est parce que cette créance résulte du

132 Art. 2092-2 C. civ. 133 Art. 48 NCPC 134Cass. com., 14 oct. 1981, SOCIETE ANONYME DISCOUNT BANK c/ TEBOUL : D., 1982, 20ème cahier, jurispr., p. 301-305, note M. VASSEUR 135 Cass. com., 18 mars 1986, S.A.R.L ANDRE BISCH c/ SOCIETE FACON DEUTSCHLAND GMBH et SOCIETE FACON DEUTSCHLAND GMBH. c/ SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT, BANQUE NATIONALE DE PARIS, DEUTSCHE BANK et, BANK FUR GEMEINWIRTSCHAFT : D., 1986, jurispr., p. 374-380, note M. VASSEUR ; Banque, N° 462, juin 1986, p. 610-611, obs. J.-L. RIVES-LANGE

62

contrat de base par lequel ces parties ont convenu de l’irrévocabilité du crédit documentaire :

admettre que le donneur d’ordre puisse pratiquer une saisie reviendrait à l’autoriser à renier

ses engagements136. L’apport de ce revirement de la jurisprudence est de considérer qu’en

payant, malgré la saisie, la banque n’est pas ipso facto responsable ; encore faut-il que son

paiement ait entraîné un préjudice pour le donneur d’ordre saisissant, ce qui ne sera le cas que

dans l’hypothèse où la saisie intervient dans le cadre d’une fraude.

En fait, la saisie-attribution137 peut être un autre moyen de blocage par intervention judiciaire

pour lequel le donneur d’ordre peut opter. Libérée, d’une part, des conditions procédurales

auxquelles le référé est soumis et jouissant, d’autre part, d’une certitude dont ce dernier peut

se prévaloir, elle semble présenter un intérêt certain. Les solutions adoptées par la

jurisprudence à propos du droit du donneur d’ordre de saisir doivent être écartées en cas de

fraude, qui fait exception à toutes les règles, y compris celle de la force obligatoire des

contrats. Encore faut-il savoir de quelle fraude il s’agit. L’hypothèse de la présentation de

documents faux ou falsifiés ne pose pas de difficultés, puisque l’existence même de la créance

du bénéficiaire dépend de la présentation de documents sincères. En revanche, l’incidence de

la fraude du bénéficiaire qui consisterait à réclamer le crédit après avoir envoyé des

marchandises non conformes, serait plus problématique.

En pratique, le problème de savoir si une saisie est valable est surtout celui du juge. Celui du

banquier tiers est plutôt de savoir quel comportement adopter face à l’autorisation judiciaire

d’une saisie, dont il aurait des raisons de penser qu’elle est infondée. En effet, sa

responsabilité risque d’être recherchée, soit par le donneur d’ordre s’il passe outre la saisie,

soit par le bénéficiaire, s’il ne réalise pas le crédit promis.

Du côté du bénéficiaire, le banquier ne paraît pas engager sa responsabilité en refusant de

réaliser le crédit, alors même que la saisie serait manifestement irrégulière, car la décision du

136 V. dans ce sens, Cass. com., 18 oct. 1988, BANK FUR GEMEINWIRTSCHAFT c/ SOCIETE ANONYME AUTOMOBILES PEUGEOT et autres : D, 1989, 20ème cahier, som. com., p. 195, obs. M. VASSEUR ; Cass. com., 7 oct. 1987, SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT c/ ETABLISSEMENTS DAHAN : RHJ, 1989, p. 585-587, note J. HESBERT ; JCP, 1987, N°7, II, 20928, note J. STOUFFLET 137 La saisie-attribution est une saisie mobilière exécutoire crée en remplacement de la saisie-arrêt (Loi 9 juill. 1991, art. 42 s.), qui permet à tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, de saisir entre les mains d’un tiers les créances de somme d’argent de son débiteur, afin d’obtenir paiement de la sienne, ainsi nommée parce que l’acte de saisie emporte attribution immédiate au saisissant de la créance disponible saisie, à concurrence du montant de la saisie. V. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, 4ème éd., 2003

63

juge, même infondée, vaut au moins comme ordre d’une autorité légitime. Elle conserve une

force exécutoire que le banquier peut invoquer comme justificatif à l’égard de son créancier.

Du côté du donneur d’ordre saisissant, il est vrai que le banquier n’est pas juge de la validité

de la saisie. Il est vrai aussi que le respect qui est dû aux décisions de justice lui commande de

les respecter, sans s’interroger sur ce qu’elles valent au fonds. Mais il demeure que si le

banquier passe outre la saisie, la seule sanction qu’il encourt est que son paiement ne soit pas

déclaré valable à l’égard du donneur d’ordre, c’est-à-dire qu’il s’expose à payer une seconde

fois au donneur d’ordre au cas où la saisie serait validée. Le banquier agit donc à ses risques

et périls, mais le seul fait de ne pas respecter une saisie n’engage pas sa responsabilité envers

le donneur d’ordre138. Or, lorsque la saisie est levée, la banque doit payer immédiatement au

bénéficiaire le montant du crédit ; s’il ne le fait pas elle manque à son obligation de diligence

et commet donc une faute permettant d’engager sa responsabilité139.

TITRE II. Le contentieux découlant de la fraude

On va examiner tout d’abord quel est l’impact de la fraude au remboursement des banques

(Chapitre I) afin de s’occuper ensuite des recours que le donneur d’ordre dispose en cas de

fraude (Chapitre II).

Chapitre I. Le remboursement des banques Le crédit réalisé, le banquier intermédiaire a le droit au remboursement de même que le

banquier émetteur (Section 1). La banque intermédiaire peut jouer différents rôles de la

simple notification à la confirmation. Si elle a réalisé le crédit documentaire, la banque a droit

au remboursement de la banque émettrice, qu’elle ait confirmé ou non. Le fondement

juridique est, en l’absence de confirmation, le mandat unissant les banques entre elles ; si la

banque est confirmatrice, un tel fondement résultera du crédit à la banque émettrice que

138 Sur ces problèmes, v. Cass. com., 7 oct. 1987, SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT c/ ETABLISSEMENTS DAHAN : RHJ, 1989, p. 585-587, note J. HESBERT ; JCP, 1987, N°7, II, 20928, note J. STOUFFLET 139 V. CA Paris, 15ème ch. A, 25 juin 1986, SOCIETE FACON DEUTSCHLAND c/ BANQUE X. : D., 1987, 21ème cahier, som. com., p. 218, obs. M. VASSEUR

64

constitue la confirmation et du nécessaire droit à remboursement qui en découle. Le

remboursement est dû si les documents sont reconnus conformes par la banque émettrice et

par elle seule, à l’exclusion du donneur d’ordre140. D’ailleurs, le donneur d’ordre doit à la

banque émettrice le remboursement de toutes les sommes qu’elle a acquittées pour son

compte. Si cette dernière ne peut pas obtenir ledit remboursement, elle a un recours contre le

donneur d’ordre en cas de fraude de ce dernier (Section 2).

Section 1. Le remboursement de la banque intermédiaire

La banque intermédiaire, confirmatrice ou non, a agi en qualité de mandataire de la banque

émettrice et a droit au remboursement, par cette dernière des avances qu’elle a effectuées. Si

ce remboursement est conditionné au respect des diligences que toute banque doit avoir

lorsqu’elle est chargée de réaliser un crédit documentaire, il peut intervenir même en cas de

fraude, à condition toutefois que la découverte de la fraude soit postérieure à la réalisation

dudit crédit.

Le problème se pose en fait dans le cas du crédit à paiement différé lorsque la banque

intermédiaire a payé le donneur d’ordre par anticipation par rapport à la date prévue dans

l’accréditif. Dans cette hypothèse, la question fondamentale est celle de savoir si le paiement

anticipé est une simple avance faite par la banque au bénéficiaire en dehors de l’opération de

crédit documentaire ou s’il s’agit d’une véritable réalisation du crédit. En effet, dans ce cas-là,

la banque notificatrice, voire la banque confirmatrice, accepte de verser immédiatement un

montant sensiblement égal à celui du crédit documentaire à paiement différé. Le bénéficiaire

reçoit alors, sans attendre le terme fixé au crédit, une avance dont le débouclement sera

normalement assuré par le paiement du crédit à son échéance. Cette opération est à distinguer

de la réalisation du crédit ; elle n’est qu’une avance dont le débouclement est normalement

assuré par le paiement du crédit par la banque émettrice.

140 Art. 14- a : « Si la Banque émettrice autorise une autre banque à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter une/des traites ou à négocier contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, la Banque émettrice et la Banque confirmante, le cas échéant, sont obligatoirement tenues : i. de rembourser la Banque désignée qui a payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une/des traite(s) ou négocié, ii. de lever les documents »

65

Cela entraîne une double conséquence : d’une part, l’avance qui ne serait pas remboursée par

le débouclement du crédit à son terme devrait l’être par le bénéficiaire ; d’autre part, la

banque qui a ainsi fait l’avance ne peut s’appuyer sur l’article 14 a des RUU pour réclamer le

paiement de la banque émettrice. En cas de fraude découverte avant l’échéance du crédit, la

banque ayant avancé le paiement sera en pratique privée de la possibilité d’un remboursement

par réalisation du crédit. Même si la banque qui a réalisé l’avance est banque confirmatrice,

auquel cas elle a un engagement personnel envers le bénéficiaire et un droit direct au

remboursement, la situation ne pourra être plus nuancée si le défaut de remboursement par la

banque émettrice est dû à une fraude.

C’est exactement ce que la Cour de Cassation a jugé dans son arrêt de principe en date du

7 avril 1987141. En l’espèce, déjà invoquée, le crédit documentaire était réalisable, non par la

banque émettrice, mais par la banque confirmatrice qui en avait avancé le montant avant

l’expiration du délai de paiement. Cette dernière faisait valoir dans son pourvoi contre l’arrêt

de la Cour d’appel de Paris, rendu en matière de référé le 30 avril 1985142 que dès l’instant

que les documents étaient apparemment réguliers, le paiement réalisé même avant l’échéance

ne pouvait plus être remis en cause, malgré la découverte d’une fraude du bénéficiaire.

En l’occurrence, la Cour d’appel avait retenu qu’ « il résulte des écritures du Crédit Général

[banque confirmatrice] que celui-ci a pris l’initiative de procéder à l’escompte de ce crédit

documentaire, à la demande de son client bénéficiaire, dès le 14 février 1984… ; Considérant

qu’il appartient au seul juge du fonds d’apprécier les conséquences de l’escompte pratiqué

par le Crédit Général avant la date stipulée dans la convention liant cette banque avec la

B.N.P. [banque émettrice] pour le paiement du crédit documentaire ». En définitive, la Cour

de cassation a énoncé qu’en l’état de la seule constatation de fraude, « la Cour d’appel a pu

141 Cass. com., 7 avril 1987, CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres: RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9, obs. M. CABRILLAC et B. TEYSSIE ; JCP, 1987, N° 28, II, 20829, note J. STOUFFLET ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373, note J. STOUFFLET ; D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403, note M. VASSEUR ; Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; J.-P. MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 107-119 ; RD bancaire et bourse, nov.-déc. 1987, N°4, p. 131-132, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD 142 CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, SOCIETE ANONYME DE BANQUES CREDIT GENERAL c/ BANQUE NATIONALE DE PARIS et autres : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755, obs. J.-L. RIVES-LANGE ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR

66

retenir que cette fraude autorisait le donneur d’ordre à s’opposer au paiement, dès lors que

la banque confirmatrice n’avait pas encore exécuté la convention de crédit documentaire ».

De la même façon, la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 28 mai 1985 143, a conclu que

la banque ayant anticipé le paiement du crédit « avait accordé à sa cliente des facilités de

trésorerie indépendantes des obligations nées du contrat de crédit documentaire ; que ce

faisant la banque a agi non en exécution dudit contrat, mais à des fins qui lui étaient propres

et sous sa seule responsabilité ».

En effet, la banque confirmatrice qui a connaissance d’une fraude doit refuser de payer mais,

si elle a déjà contrevenu à ses obligations en payant de façon anticipée, ceci est impossible.

Cette banque ne pourra donc que tenter de demander le remboursement à la banque émettrice

puisqu’elle sort de la convention et ne peut plus en invoquer les bénéfices. Les faits relevés

dans l’espèce, telles les irrégularités que la banque confirmatrice avait signalées, auraient dû

la sensibiliser aux risques de fraude, même si elle n’a pas l’obligation de la découvrir.

Les principes affirmés par l’arrêt n’ont pas été unanimement approuvés en doctrine. L’aspect

déterminant en faveur d’une analyse accordant le remboursement à la banque confirmatrice

consiste à mettre l’accent sur le fait que cette dernière avait levé des documents apparemment

conformes, ainsi que l’avait précisé la Cour d’appel de Paris le 30 avril 1985. La constatation

a été reprise par la Cour de Cassation qui a relevé que « les juges du fond ont constaté qu’un

examen attentif des documents produits ne pouvait pas permettre aux banques de déceler la

fraude ». La Cour l’a reconnu que a banque était de bonne foi, et qu’elle a apporté un soin

raisonnable à la vérification des documents, conformément à ses obligations découlant de

l’article 13 des RUU144.

143 CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, SOCIETE DE DROIT ESPAGNOL BANCO DE SANTADER c/ CAISSE NATIONALE DE CREDIT AGRICOLE et autre : D., 1986, jurispr., p. 195-201, note J. STOUFFLET ; « Réflexions sur le crédit documentaire à paiement différé à la suite des arrêts de la cour de Paris des 30 avril 1985 et 28 mai 1985, comparés à la jurisprudence suisse, allemande et italienne », D., 1987, 9ème cahier, chron. XII, p. 59- 65, M. VASSEUR 144Art. 13 a : « Les banques doivent examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit ».

67

Selon M. Vasseur145, la terminologie de la haute Cour ne permet pas de conclure à un arrêt de

principe mais à un arrêt d’attente d’une solution au fond. En effet, la Cour spécifie qu’« en

l’état de cette seule constatation », la Cour d’appel a pu retenir que la fraude autorisait

l’opposition et sauvegardait les intérêts des parties en présence. La défense de payer, acceptée

par le juge des référés, serait donc purement conservatoire. La banque qui a payé par

anticipation aura droit au remboursement devant les juges du fond. Selon le même auteur,

l’indépendance absolue des obligations assumées par la banque émettrice et la banque

confirmatrice implique qu’elles soient entièrement libres de choisir le moment du paiement.

Sur invitation du bénéficiaire, la banque confirmatrice peut décider de se libérer avant le

terme stipulé dans l’accréditif. S’agissant d’une dette qui lui est propre, elle n’a d’autorisation

à demander ni au donneur d’ordre ni à la banque émettrice. En revanche, ceux-ci ont le droit

d’attendre l’échéance initiale avant de couvrir le paiement et ne pourraient alors s’y

soustraire, même en cas de fraude découverte avant l’échéance stipulée au crédit

documentaire.

Cependant l’argumentation ne saurait convaincre. En effet, l’indépendance des engagements

souscrits au profit du bénéficiaire laisse certainement toute liberté à la banque confirmatrice

de régler avant le terme. Mais la volonté d’autonomie des engagements bancaires ne

s’explique qu’à travers l’harmonie naturelle qui existe entre les relations nouées au sein de

l’opération du crédit documentaire. Ainsi, le respect scrupuleux des conditions littérales du

crédit et, en particulier, du terme de paiement, ne supporte aucune tolérance. L’initiative

d’avancer le montant du crédit avant l’échéance de l’accréditif demeure étrangère à

l’exécution du crédit documentaire. Peu importe que la banque confirmatrice, mise en

confiance par la régularité apparente de documents, ait cru, de bonne foi, réaliser la

convention. Dans le cadre du crédit, la bonne foi était opposable mais, bien que patente, elle

ne pouvait être retenue en l’espèce, parce que l’escompte a été pratiqué sous la seule

responsabilité de la banque confirmatrice. Il est donc équitable que ladite banque assume la

responsabilité de l’opération de crédit distincte à la quelle elle a consenti. En conséquence, la

bonne foi ne pouvait faire échec au principe « fraus omnia corrumpit », car la banque

émettrice et le donneur d’ordre étaient également victimes de la fraude sans avoir, quant à

eux, débordé du cadre de la convention.

145 V. M. VASSEUR, note sous Cass. com., 7 avril 1987, D., 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403

68

La crainte de certains auteurs selon laquelle cette jurisprudence tuerait le crédit documentaire

à paiement différé ne semble pas justifiée. Mais le crédit documentaire à paiement différé

n’est pas un crédit de moins bonne qualité que les autres. Selon MM. MATTOUT et PRUM146

la banque confirmatrice qui a anticipé le paiement, comme celle qui l’a effectué

ponctuellement, a droit au remboursement de la banque émettrice, dès lors que toutes les

conditions du crédit ont été respectées. Dans la plupart des cas, il en sera ainsi. Seule

particularité du crédit à paiement différé : le versement anticipé du montant du crédit

documentaire ne constituant pas le paiement du crédit documentaire mais une opération

classique d’avance dont le dénouement est garanti par le paiement à bonne date du crédit, il

est soumis aux aléas, limités, de cette garantie, comme la fraude découverte avant le

paiement. Ainsi, c’est la fraude qui perturbe le mécanisme, non le terme consenti.

A ce point, il serait utile d’examiner l’approche adoptée par les juridictions étrangères sur le

problème de paiement anticipé. La jurisprudence anglaise a rejoint la jurisprudence française

par le biais de l’affaire BANCO SANTADER contre BANQUE PARIBAS147. En l’espèce, un

crédit réalisable par paiement différé a été émis par la BANQUE PARIBAS au profit de la

société BAYFERN LTD et confirmé par la succursale anglaise de la banque espagnole

BANCO SANTADER. Après la remise des documents par la société bénéficiaire à la banque

confirmatrice, le donneur d’ordre a découvert, avant la date de paiement différé convenu par

la banque émettrice, une fraude. Informée de ladite fraude, la banque confirmatrice fit alors

valoir qu’elle estimait les documents conformes et qu’elle avait déjà payé, de bonne foi, le

montant du crédit au bénéficiaire en escomptant sa propre signature de banque confirmante.

Elle entendait bien recevoir, à l’échéance du paiement, le remboursement de la banque

émettrice. Le contentieux se noua, parmi d’autres, sur le refus de paiement de la banque

émettrice.

La Cour d’appel de Londres, en confirmant la décision du premier juge148, a estimé que la

banque confirmatrice devait être considérée comme n’ayant pas réalisé la crédit mais comme 146 J.-P MATTOUT et A. PRUM, « Mise en œuvre de l’adage fraus omnia corrumpit dans le crédit documentaire irrévocable réalisable à terme », DPCI, 1988, Tome 14, N° 1, p. 112-113 147 Londres, Court of Appeal, 25 février 2000, BANCO SANTANDER SA c/ BANQUE PARIBAS : RD bancaire et financier, N° 2, mars-avril 2000, p. 84-85, obs. J.-P. MATTOUT ; A. JOHNSON et STUART PATERSON, « Fraud and Documentary Credits », JIBL, February 2001, p. 37-40 ; ADAM JOHNSON et DANIEL AHARONI, « Fraud and Discounted Deferred Payment Documentary Credits : The Banco Santander Case », JIBL, January 2000, p. 22-25 148 High Court de Justice de Londres, 9 juin 1999, BANCO SANTANDER SA c/ BANQUE PARIBAS : RD bancaire et financier, N°1, janv.-févr. 2000, p. 22-23, obs. J.-P. MATTOUT

69

ayant consenti une avance, dont elle devait assumer seule les risques à l’égard de la banque

émettrice. Elle a souligné que toute opération anticipée, même si elle ne contrevient pas aux

instructions de la banque émettrice, se situe nécessairement en dehors du mandat reçu et

relève de la décision individuelle de la banque confirmatrice, lorsque la banque émettrice n’a

pas consenti expressément. Enfin elle a conclu que la seule obligation du banquier émetteur

est de rembourser la banque confirmatrice si elle a payé à l’échéance. Cependant, si à cette

date une fraude est établie, il n’y a pas d’obligation pour la banque confirmante de payer ni

pour la banque émettrice d’obligation de la rembourser.

Plus récemment, la Cour suprême de Corée s’est occupé de la même question à l’occasion de

l’affaire INDUSTRIAL BANQUE OF KOREA contre BNP PARIBAS149. Ainsi comme l’a

observé la Cour suprême de Corée, la réponse à cette question dépend de la nature que l’on

reconnaît au paiement anticipé reçu par le bénéficiaire du crédit documentaire à paiement

différé. La Cour a, en effet, admis qu’une banque désignée (nominated bank) est libre de

payer avant l’échéance fixée, c’est-à-dire dès la remise des documents, un crédit à paiement

différé. Le recours de la banque ayant effectué le paiement anticipé est pourtant rejeté par la

Cour parce que cette banque n’est pas, dans le cas litigieux, considérée comme banque

désignée. Selon l’arrêt, les termes de la lettre de crédit litigieuse impliquent que le crédit était

réalisable exclusivement aux guichets de l’émetteur à Paris (BNP PARIBAS). La banque

INDUSTRIAL BANK OF KOREA n’étant pas une banque désignée, elle ne pouvait

revendiquer un droit de remboursement par BNP PARIBAS de la somme versée au

bénéficiaire du crédit. Ce versement représentait un escompte consenti au bénéficiaire en

dehors du mécanisme du crédit et INDUSTRIAL BANK OF KOREA, simple cessionnaire de

la créance, ne pouvait avoir contre l’émetteur plus de droits que le bénéficiaire. L’exception

de fraude était donc opposable à la banque ayant consenti dans ces conditions un paiement

anticipé.

149 Cour Suprême de Corée, 2ème ch., 24 janvier 2003, INDUSTRIAL BANQUE OF KOREA c/ BNP PARIBAS : Banque et Droit, N° 91, sept.-oct. 2003, p. 85-87, obs. G. AFFAKI et J. STOUFFLET ; D.-H CHAE., “Letters of credit and the Uniform Customs and Practice for documentary credits: The negotiating bank and the fraud rule in Korea Supreme Court case”, Florida Journal of International Law, Spring 1998

70

D’ailleurs, selon le jugement de la Cour suprême, dès lors que la banque ayant versé le

montant du crédit par anticipation au bénéficiaire est une banque chargée de la réalisation du

crédit ou habilitée à cette fin, le versement effectué vaut réalisation. Le règlement anticipé

d’un crédit documentaire à paiement différé ouvre un recours contre l’émetteur au banquier

payeur sans que la fraude découverte ultérieurement puisse paralyser ce recours. Le banquier

émetteur peut seulement différer le remboursement jusqu’à l’échéance fixée (« maturity

date »). Mais le droit au remboursement est définitivement acquis de la levée des documents.

Selon MM. STOUFFLET et AFFAKI, un tel raisonnement ne peut pas se prévaloir150. Le

versement anticipé est licite et le banquier désigné est libre, comme un banquier n’ayant pas

cette qualité, d’en verser le montant au bénéficiaire avant l’échéance. Mais conformément à

l’article 10 d) des RRU, le droit au remboursement de la banque désignée ou autorisée est

soumis aux conditions du crédit à paiement différé151. Donc, une banque désignée pour

réaliser le crédit à paiement différé ou autorisée à effectuer cette réalisation (comme dans le

cas soumis à la Cour suprême de Corée) ne peut recevoir ledit remboursement si elle a payé

avant la date fixée.

Section 2. Le recours de la banque contre le bénéficiaire

Le principe est que le paiement du crédit est définitif. En effet, le crédit documentaire est basé

sur l’idée que le paiement du crédit est fait par le banquier après vérification formelle des

documents. Si ceux-ci son reconnus conformes, le paiement est alors définitif dans les

rapports du bénéficiaire et du banquier dont il a reçu le paiement. En conséquence, la banque

n’a aucun recours contre le donneur d’ordre. Il existe, toutefois, deux exceptions à ce

principe. D’une part, si les documents sont irréguliers et que le paiement de ces documents a

donné lieu à des réserves à l’égard du bénéficiaire, le droit à recouvrer auprès du bénéficiaire

est indéniable. Une autre limite est également apportée par la fraude du bénéficiaire qui

autorise la banque à exercer un recours contre lui.

150G. AFFAKI et J. STOUFFLET, obs. sur Cour Suprême de Corée, 2ème ch., 24 janvier 2003, Banque et Droit, N° 91, sept.-oct. 2003, p. 86-87 151 Art. 10-d RUU : « En désignant une autre banque ou en autorisant la négociation par toute banque ou en invitant une autre banque à ajouter sa confirmation, la Banque émettrice autorise cette banque à payer, à accepter une ou plusieurs traites ou à négocier, selon le cas, contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, et s’engage à rembourser cette banque conformément aux dispositions des présents articles ».

71

Souvent la sanction attachée au formalisme, c’est-à-dire le rejet des documents non

conformes, parvient à combattre la fraude documentaire. Il est toutefois des cas, certes

exceptionnels, où la violation frauduleuse du crédit se relève insuffisamment sanctionnée. Il

en est ainsi, notamment, lorsque le banquier paye « par inadvertance »152 des documents

entachés de fraude. Le banquier qui paye le bénéficiaire sans avoir relevé la fraude de celui-ci

paye l’indu, puisqu’il n’a pas d’obligation de réaliser le crédit que sur présentation des

documents sincères. Dès lors, il perd son droit au remboursement auprès du donneur d’ordre.

L’article 15 des RUU ne peut lui être, à l’occasion, applicable. La fraude étant, par définition,

évidente, un examen raisonnable attentif aurait dû la révéler. D’autre part, le banquier ne

saurait, sans remettre en cause la réalisation accomplie du crédit, prétendre à un recours

contre son bénéficiaire, ce que personne ne semble aujourd’hui contester

En effet, la fraude du bénéficiaire est de nature à causer à la banque deux types de dommages.

Si la fraude porte sur l’existence, la quantité, la valeur ou l’état de la marchandise, le droit de

gage de la banque sur cette marchandise se trouve affecté. La banque qui n’a pu obtenir du

donneur d’ordre le remboursement de la somme versée au bénéficiaire est fondée à en

poursuivre : victime d’une tromperie portant sur l’élément essentiel de l’opération (la valeur

de la marchandise en tant que garantie) elle a payé sous l’empire de l’erreur et a droit de

répéter l’indu. On remarquera que l’action en répétition fondée sur une manœuvre frauduleuse

du bénéficiaire est ouverte, quelle que soit la cause du non-remboursement par le donneur

d’ordre : défaillance provoquée par l’insolvabilité ou refus motivé par une autre irrégularité

que le banquier a omis de relever.

L’autre préjudice engendré par la fraude tient à ce que, même si le bénéficiaire n’a réalisé

qu’imparfaitement son dessein, c’est-à-dire s’il n’est pas parvenu à dissimuler complètement

l’irrégularité des documents, il a rendu plus difficile l’accomplissement de la mission

incombant à la banque en ce qui concerne la vérification des documents et a accru pour cette

banque le risque de lever des documents que refusera le donneur d’ordre. On ne doit pas

perdre de vue que la vérification qu’impose l’article 13 des RUU est instituée dans l’intérêt du

donneur d’ordre et non dans celui du bénéficiaire du crédit qui, de son côté, a le devoir de

remettre des documents réguliers et conformes aux prescriptions de l’accréditif.

152 S. Epschtein, « Les crédits documentaires et la fraude », Banque, N° 373, mai 1978, p. 589

72

Toutefois, le recours à la notion stricto sensu de la fraude153, que connaissent d’ailleurs les

droits étrangers, au même titre que le droit français, est de nature à remédier à ce préjudice.

Son utilisation par les tribunaux constitue l’ultime remède destiné à priver d’effet

l’agissement frauduleux. Bien que la fraude, intervenant dans ces conditions, réalise une

véritable violation du crédit, l’appel à la maxime fraus omnia corrumpit n’en apparaît pas

moins utile. Il rend possible la condamnation d’une fraude intentionnelle contre laquelle le

formalisme ne peut plus rien. Il ouvre au banquier la voie, normalement interdite, d’un

recours contre le bénéficiaire frauduleux.

C’est ce qui ressort nettement d’un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation

du 6 mai 1969154. En l’espèce, deux crédits documentaires irrévocables avaient été émis pour

la vente d’une quantité de bois. Le bénéficiaire a remis à la banque émettrice des documents

inexactes ; les certificats de contrôle ne portaient pas la signature de la personne qualifiée

pour exercer ledit contrôle, comme stipulé dans le crédit, mais un simple visa, et les factures

mentionnaient des marchandises et des quantités qui n’étaient pas celles réellement expédiées

aux acheteurs. Le remboursement de la banque émettrice fut refusé par la banque du donneur

d’ordre pour compte. La banque émettrice s’était donc retournée contre le bénéficiaire.

Approuvant son action, la Cour suprême a décidé qu’en « remettant sciemment à une banque,

pour bénéficier de deux crédits documentaires, des certificats de contrôle ne portant pas les

signatures des personnes qualifiées pour exercer ledit contrôle… le remettant commet une

faute. Il ne peut, dès lors, prétendre que la banque avait elle aussi, commis une faute en ne

vérifiant pas la signature des documents remis et aurait renoncé à tout recours en payant

sous réserve. En vertu de la règle ‘fraus omnia corrumpit’ le remettant doit répondre du

préjudice qu’il a causé à la banque en lui remettant sciemment, pour la tromper, des

documents sans valeur ».

La négligence de la banque était certaine. Non seulement le document litigieux n’était pas

conforme aux exigences du crédit, mais l’irrégularité qu’il recelait n’avait aussi rien

d’indiscernable. La Cour n’en a pas moins interdit au bénéficiaire de s’en prévaloir, faisant

153 Selon cette acception, il y a fraude chaque fois que le sujet de droit parvient à se soustraire à l’exécution d’une règle obligatoire par l’emploi à dessein d’un moyen efficace, qui rend ce résultat inattaquable sur le terrain du droit positif. 154 Cass. com., 6 mai 1969, KINDIG c/ CREDIT LYONNAIS , JCP, 1970, II, 16216, note J. STOUFFLET ; RTD com., 1969, p. 1063-1064, n° 6, obs. J.-L. RIVES-LANGE et M. CABRILLAC

73

une application qui mérite totale approbation. Comme l’a écrit l’annotateur averti de l’arrêt

« même si le bénéficiaire n’est pas parvenu à dissimuler complètement l’irrégularité des

documents, il a rendu plus difficile l’accomplissement de la mission incombant à la banque,

en ce qui concerne la vérification des documents et accru pour (elle) le risque de lever des

documents irréguliers »155. Ayant décidé de l’imputation de ce risque à la banque, coupable

tout au plus d’une négligence dans l’examen des documents, ou au bénéficiaire, coupable

d’une fraude, la Cour suprême n’a pas hésité. Elle a « balayé d’un revers de main, et c’est

heureux, l’objection faite à la banque par le bénéficiaire ». Devant la malhonnêteté de ce

dernier, aucun compte n’a été tenu des fautes que la banque avait commises dans la

vérification des documents. Préférant traquer la fraude, la Chambre commerciale a

délibérément prolongé une sanction que la technique ordinaire de la stricte conformité

n’aurait jamais pu atteindre. Aussi assure-t-elle, ce faisant, un respect plus marqué à la fois du

crédit et de son auteur.

Chapitre II. Les recours du donneur d’ordre

L’engagement de la responsabilité bancaire, et corrélativement, le recours que le donneur

d’ordre peut éventuellement exercer contre la banque en réparation du dommage que cette

dernière lui a causé est une matière assez délicate. L’article 15 des RUU, qui dégage la

responsabilité de la banque quant à la validité et l’authenticité des documents, lui permet en

général de payer, sans engager sa responsabilité en cas de fraude. Cependant, cette

irresponsabilité de la banque connaît des limites. Même si les RUU limitent leur exigence à la

production de documents « apparemment conformes », ce libellé, protecteur du banquier, ne

saurait autoriser le bénéficiaire à présenter des documents qui ne seraient conformes qu’en

apparence. En réalité, un document apocryphe ou falsifié est sans valeur : le banquier doit le

rejeter, à peine de se voir reprocher d’être conscius fraudis.

En effet, lors des travaux préparatoires à la Révision des RUU, la CCI a émis une opinion

selon laquelle la banque qui a levé un document faux ou falsifié peut se prévaloir de l’article 9

(ancien) des RUU156, sauf dans trois cas : ou a) elle est elle-même partie à la fraude, ou b) elle

155 J. STOUFFLET, note sous Cass. com., 6 mai 1969 , JCP, 1970, II, 16216 156 Actuellement art. 15 RUU

74

a connaissance de la fraude avant la présentation du document litigieux ou c) elle n’a déployé,

lors de l’examen du document le soin raisonnable qui lui incombe. Cela signifie qu’on pourra

reprocher à la banque d’avoir levé des documents entachés de faux matériel ou intellectuel

que si : a) elle a mal fait son métier (vérification sans « soin raisonnable ») ou b) si elle est

complice (ce qui va de soi), ou c) si au plus tard au moment de la présentation du document

litigieux, elle en avait connaissance de son caractère frauduleux.

A propos de la première hypothèse, l’article 13 a des RUU précise le contenu exacte du

devoir de vérification pesant sur la banque chargée de réaliser un crédit documentaire : « Les

banques doivent examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit

pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions

du crédit ». Par conséquent, si la fraude est décelable au vu des documents, la banque qui doit

s’assurer de leur conformité aux conditions du crédit qui a examiné ceux-ci avec un soin

raisonnable sera normalement en mesure de déceler la fraude et, par conséquent, de rejeter les

documents irréguliers157. Dans ce cas-là, il s’agit notamment des documents dont

l’authenticité est douteuse. En effet, il est rare que la falsification soit évidente mais, moins

exceptionnellement, est présenté au banquier un document dont la rédaction, la présentation

matérielle, sont telles qu’il ne peut qu’inspirer le doute. Partant, la banque commet une faute

en acceptant un document manifestement falsifié ou présentant des surcharges suspectes.

En ce qui concerne la troisième hypothèse, le banquier à qui la preuve de fraude est rapportée,

doit prendre seul la décision de ne pas payer. Comme on l’a déjà mentionné, le banquier

averti et convaincu de la fraude doit refuser le paiement frauduleux. Il n’a pas besoin d’une

interdiction judiciaire même si, en pratique, cela peut faciliter sa position. Les documents

frauduleux consistent en une altération d’un fait qui conduit le banquier, s’il en a conscience

(et seulement dans ces circonstances), à opposer son refus. Toujours est-il que seul un écart

frauduleux prouvé entre, d’une part, des stipulations de la lettre de crédit et, d’autre part, les

documents effectivement remis, justifie le refus du banquier de payer le bénéficiaire.

Sa responsabilité serait certainement engagée lorsqu’il exécute un paiement en ayant

conscience de l’existence d’une fraude manifeste dans les documents. En effet, si la banque,

malgré la preuve de fraude, paie sciemment le crédit, elle engagera sa responsabilité à hauteur

157 Art. 14 b RUU : « Si les documents ne présentent pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, les banques ci-dessus peuvent refuser de lever les documents ».

75

du dommage effectivement causé à son donneur d’ordre. En outre, il doit informer son

correspondant sans délai et l’empêcher, soit en révoquant l’autorisation de payer donnée au

banquier notificateur, soit en rapportant la preuve de la fraude si son correspondant a confirmé

le crédit.

Un exemple d’un tel engagement de la responsabilité bancaire est fourni par l’arrêt de la Cour

d’appel d’Agen en date du 27 juin 1988158. En l’espèce, les documents présentés à la banque

par le vendeur bénéficiaire étaient formellement réguliers, mais ce dernier avait aussi présenté

un faux document, à savoir une lettre de transport aérien faisant état de l’envoi de la

marchandise le 30 mars (la date de validité du crédit documentaire étant le 10 avril), alors que

les marchandises n’avaient été effectivement expédiées que le 21 mai. Le donneur d’ordre

avait alerté alors la banque qu’elle ne paie pas. Toutefois, celle-ci avait payé. La Cour d’appel

a jugé qu’ayant eu connaissance par le donneur d’ordre du caractère frauduleux de la lettre de

transport aérien la banque a commis une faute. Mais encore faut-il, pour que cette

responsabilité soit effectivement mise en œuvre, que le donneur d’ordre acheteur prouve le

préjudice qu’il a subi et le lien de causalité. Or, en l’espèce, le donneur d’ordre avait bien

reçues les marchandises. Il se bornait à affirmer que le paiement effectué lui avait porté tort. Il

se prévalait, en particulier, du fait que la livraison avait été tardive. En définitive, la Cour a

ordonné une expertise.

Cet arrêt témoigne du fait que la responsabilité de la banque qui paye mal est une

responsabilité du droit commun et que sa faute ne peut être à l’origine de dommages-intérêts

pour le donneur d’ordre que si cette faute a été à l’origine d’un préjudice pour celui-ci. On

relèvera, au surplus, que le donneur d’ordre a levé les documents. En effet, la Cour juge qu’en

acceptant les documents le donneur d’ordre perd le droit de mettre en œuvre la responsabilité

de la banque. S’il accepte les documents, même irréguliers, il couvre la banque. Mais, en

l’occurrence, la question de la responsabilité de la banque ne se posait pas, car si le donneur

d’ordre avait bien fait des réserves lorsqu’il avait levé les documents, la banque, elle, à ce

moment, n’avait pas encore payé. En revanche, elle avait été informée de la fraude commise

par le bénéficiaire, mais elle a toutefois payé, à tort.

158 CA Agen, 1ère ch., 27 juin 1988, GROUPEMENT ACHAT ACCESSOIRES c/ BANQUE POPULAIRE DU QUERCY ET DE L’AGENAIS : D., 1990, 22ème cahier, som. com., p. 179, obs. M. VASSEUR

76

En définitive, lorsque la fraude n’est découverte qu’après la réalisation du crédit, le donneur

d’ordre, qui doit rembourser le banquier, dispose ensuite d’un recours contre le donneur

d’ordre. En outre, dans l’hypothèse où l’acheteur peut invoquer une mauvaise exécution du

contrat de vente, il peut agir en dommages et intérêts contre le vendeur, voire en résolution et

en répétition du prix.

CONCLUSION Etant donné l’utilisation fréquente des crédits documentaires dans le commerce international,

la nécessité d’une uniformité législative s’avère importante pour les praticiens dans ce

domaine. A cet égard, les RUU procurent un standard utile d’uniformité. D’ailleurs, par

rapport au problème de la fraude, l’article 5 de l’UCC offre aux juridictions des lignes

directrices satisfaisantes. Cependant, à cause de la diversité des systèmes juridiques et de la

complexité croissante des transactions de crédit documentaire, l’effectivité des RUU sera

menacée. En outre, dans le monde contemporain du commerce électronique, il est sûr que la

fraude prendra de nouvelles formes. Face à cette évolution, le cadre juridique du crédit

documentaire devrait être reformé

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CAPRIOLI E. A.: Note sous CA Versailles, 14ème ch., 24 mai 1991, JCP, 1992, N° 44, II, 21932, p. 355-359 CASTAGNEDE B. : Observation sur Cass. com., 24 mars 1980, JCP-CI, 1980, 8790, p. 173

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CONTAMINE-RAYNAUD M. : Observation sur Cass. com., 7 avril 1987, RD bancaire et bourse, nov.- déc. 1987, N° 4, p. 131-132 Observation sur CA Paris, 5ème ch. B, 27 févr. 1992, RD bancaire et bourse, juin-juill. 1992, p. 173-174 Observation sur CA Paris, 1ère ch. C, 13 janvier 1989, RD bancaire et bourse, sept.-oct. 1990, p. 208 CREDOT F. J. : Observation sur Cass. com., 29 avril 1997, RD bancaire et bourse, N° 63, oct. 1997, p. 215-216 D. J.P. : Note sous Cass. com., 24 juin 1997, Quot. Jur., N° 62, 5 août 1997, p. 95-97 Note sous Cass. com., 29 avril 1997, Quot. Jur., N° 37, 8 mai 1997, p. 180-182 DERAINS Y. : Note sous Sentence CCI n° 3031, 1977, JDI, 1978, p. 999-1004 GAVALDA C. : Observation sur Cass. com., 24 juin 1997, JCP E, 1998, p. 324, n° 18 Observation sur Cass. com., 23 oct. 1990, JCP E, 1991, N°46, I, p. 474, n° 37 Observation sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985 : JCP, 1986, I, chron., n° 112 GERARD Y. : Observation sur Cass. com., 29 avril 1997, RD bancaire et bourse, N° 63, oct. 1997, p. 215-216 GUILLOT J.-L. : Observation sur CA Grenoble, ch. des urgences, 20 sept. 1994, Banque et Droit, N° 40, mars-avril 1995, p. 34 HESBERT J. : Note sous Cass. com., 29 avril 1997, Les petites affiches, 14 janv. 1998, N° 6, p. 20-26 Note sous Cass. com., 23 oct. 1990, RHJ, 1991, p. 1181-1184

82

Note sous Cass. com., 7 oct. 1987, RHJ, 1989, p. 585-587 Note sous Cass. com., 14 mars 1984, RHJ, 1986, p. 469-472 ; RHJ, 1987, p. 351-354 LEGEAIS D. : Observation sur CA Versailles, 12ème ch., 13 déc. 2002, RTD com., avril-juin 2003, p. 351-352, n° 13 LESCOT P. : Note sous Cass. com., 4 mars 1953, S., 1954, 1, p. 121 MATTOUT J.-P. : Observation sur Londres, Court of Appeal, 25 févr. 2000, RD bancaire et financier, N° 2, mars-avril 2000, p. 84-85 Observation sur High Court de Justice de Londres, 9 juin 1999, RD bancaire et financier, N°1, janv.-févr. 2000, p. 22-23 MOUSSERON P. : Observation sur Cass. com., 18 déc. 2001, Droit et Patrimoine, N° 106, juill.-août 2002, p.109-110 RIVES-LANGE J.-L. : Observation sur Cass. com., 7 avril 1987, Banque, N° 473, juin 1987, p. 625-626 Observation sur Cass. com., 18 mars 1986, Banque, N° 462, juin 1986, p. 610-611 Observation sur Cass. com., 15 déc. 1975, RTD com., 1976, p. 387, n° 10 Observation sur Cass. com., 6 mai 1969, RTD com., 1969, p. 1063-1064, n° 6 Observation sur CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, Banque, N° 452, juill. 1985, p. 755 Observation sur Trib. com. Paris, ord. réf., 29 sept. 1988, Banque, N° 488, nov. 1988, p. 1164 STOUFFLET J. : Observation sur Cass. com., 24 juin 1997, JCP E, 1998, p. 324, n° 18 Note sous Cass. com., 29 avril 1997, JCP E, 1997, N° 30, II, N° 976, p. 167-169 Observation sur Cass. com., 23 oct. 1990, JCP E, 1991, N°46, I, p. 474, n° 37 Note sous Cass. com., 7 oct. 1987, JCP, 1988, N° 7, II, 20928 Note sous Cass. com., 7 avril 1987, JCP, 1987, N° 28, II, 20829 ; JCP E, 1987, N° 24, 14973, p. 372-373 Note sous Cass. com., 11 déc. 1985, JCP, 1986, II, 20593, n° 5 & 8 Note sous Cass. com., 12 déc. 1984, JCP, 1985, II, 20436 Note sous Cass. com., 6 mai 1969, JCP, 1970, II, 16216 Note sous CA Versailles, 14ème ch., 24 mai 1991, JDI, N°3, 1993, p. 632-645 Observation sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985 : JCP, 1986, I, chron., 3265, n° 112 Note sous CA Paris, 14ème ch. A, 30 avril 1985, D., 1986, jurispr., p. 195-201 Note sous CA Paris, 5ème ch. A, 28 mai 1985, D., 1986, jurispr., p. 195-201 Observation sur Cour Suprême de Corée, 2ème ch., 24 janvier 2003, Banque et Droit, N° 91, sept.-oct. 2003, p. 85-87

83

TEYSSIE B. : Observation sur Cass. com., 7 avril 1987, RTD com., janv.-mars 1988, p. 102-103, n° 9 Observation sur CA Paris, 1er ch. A, 3 févr.1992, RTD com., avr.-juin 1992, p. 432-433, n° 17 Observation sur Trib. com. Paris, ord. réf., 29 sept. 1988, RTD com., N° 1, janv.-mars 1989, p. 104-105, n° 12 TINAYRE A. : Rapport, « La fraude maritime et le connaissement », DMF, 1983, p. 365-375 VASSEUR Note sous Cass. com., 15 juill. 1992, D., 1994, 3ème cahier, jurispr., p. 28-32 Note sous Cass. com., 23 oct. 1990, JCP, 1991, N° 24, II, 21687 ; JCP E, 1991, N° 32, II, N° 186, p. 199-200 Observation sur Cass. com., 18 oct. 1988, D, 1989, 20ème cahier, som. com., p. 195 Note sous Cass. com., 7 avril 1987, D, 1987, 26ème cahier, jurispr., p. 399-403 Note sous Cass. com., 18 mars 1986, D, 1986, jurispr., p. 374-380 Note sous Cass. com., 12 déc. 1984, D, 1985, jurispr., p. 270-275 Note sous Cass. com., 14 oct. 1981, D, 1982, 20ème cahier, jurispr., p. 301-305 Observation sur CA Paris, 5ème ch. B, 27 févr. 1992, D, 1994, 4ème cahier, som. com., p. 27 Observation sur CA Paris, 1ère ch. A, 3 févr. 1992, D, 1992, 32ème cahier, som. com., p. 305 Observation sur CA Paris, 1ère ch. A, 15 févr. 1989, D, 1989, 17ème cahier, som. com., p. 158-159 Observation sur CA Agen, 1ère ch., 27 juin 1988, D, 1990, 22ème cahier, som. com., p. 179 Observation sur CA Aix-en-Provence, 2ème ch. civ., 28 janv. 1988, D, 1989, 20ème cahier, som. com., p. 197 Observation sur CA Paris, 14ème ch. A, 1 juill. 1987, D, 1988, 17ème cahier, som. com., p. 185- 186 Observation sur CA Paris, 15ème ch. A, 25 juin 1986, D, 1987, 21ème cahier, som. com., p. 218 Observation sur CA Colmar, 2ème ch. civ., 14 juin 1985, D, 1986, IR, p. 218-219 Observation sur CA Paris, 5ème ch., 5 déc. 1984, D, 1985, IR, p. 245 Observation sur CA Fort-de-France, 12 oct. 1984, D, 1987, 21ème cahier, som. com., p. 215 Observation sur Trib. com. Paris, 1ère ch., 2 déc. 1991, D, 1994, 3ème cahier, som. com., p. 21-22 Observation sur Trib. com. Paris, 26 sept. 1990, D, 1991, 26ème cahier, som. com., p. 224-225 Observation sur Trib. com. Bruxelles, ord. réf., 26 mai 1988, D, 1989, 17ème cahier, som. com., p. 153-155 Observation sur Cour Suprême du Canada, 5 mars 1987, D, 1988, 17ème cahier, som. com., p. 186-188 Observation sur Cour de Justice Civile de Genève, 16 juill. 1985, D, 1986, IR, p. 219

ANNEXE

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Règles et usances uniformes de la CCI relatives aux crédits documentaires A.- DISPOSITIONS GENERALES ET DEFINITIONS Article 1 – Champ d’Application des RUU Les Règles et Usances Uniformes relatives aux Crédits Documentaires, révision de 1993, Publication CCI N° 500, s’appliquent à tous les crédits documentaires (y compris dans la mesure où elles seraient applicables aux lettres de crédit stand-by), dès lors qu’elles font partie intégrante du crédit. Elles lient toutes les parties intéressées, sauf dispositions contraires stipulées expressément dans le crédit. Article 2 – Signification de « Crédit » Aux fins des présents articles, les expressions « crédit(s) documentaires(s) » et « lettre(s) de crédit stand-by » (désignées ci-après par le terme « crédit(s) ») qualifient tout arrangement, quelle qu’en soit la dénomination ou description, en vertu duquel une banque (« la Banque émettrice ») agissant à la demande et sur instructions d’un client (« le donneur d’ordre ») ou pour son propre compte : i. est tenu d’effectuer un paiement à un tiers (le bénéficiaire) ou à son ordre, ou d’accepter et payer des effets de commerce (traites) tirés par le bénéficiaire,

ou

ii. autorise une autre banque à effectuer ledit paiement ou à accepter et payer le(s)dit(s) effets de commerce (traite(s)),

ou

iii. autorise une autre banque à négocier

contre remise des documents stipulés, pour autant que les termes et conditions du crédit soient respectés. Aux fins des présents articles, les succursales d’une banque établies dans différents pays sont considérées comme constituant chacune une autre banque. Article 3 – Crédits et Contrats

a) Les crédits sont, par leur nature, des transactions distinctes des ventes ou autre(s) contrat(s) qui peuvent en former la base. Les banques ne sont en aucune façon concernées ou liées par ce(s) contrat(s), même si les crédits incluent une quelconque référence à ce(s)

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contrat(s). En conséquence l’engagement d’une banque de payer, d’accepter et de payer une ou plusieurs traites, ou de négocier et/ou de s’acquitter de toute autre obligation en vertu du crédit, ne peut donner lieu à réclamations du donneur d’ordre ou à l’invocation par ce dernier de moyens de défense fondés sur ses relations avec la Banque émettrice ou le bénéficiaire.

b) Le bénéficiaire d’un crédit ne peut en aucun cas se prévaloir des rapports

contractuels existant entre les banques ou entre le donneur d’ordre et la Banque émettrice. Article 4 – Documents et Marchandises/Services/Prestations Dans les opérations de crédit toutes les parties intéressées ont à considérer des documents à l’exclusion des marchandises, services et /ou autres prestations auxquels les documents peuvent se rapporter. Article 5 – Instructions d’émettre/modifier des Crédits

a) Toutes instructions relatives à l’émission d’un crédit, le crédit lui-même, toutes instructions en vue d’amender celui-ci et les amendements eux-mêmes doivent être complets et précis.

Pour éviter toute confusion et tout malentendu les banques devraient décourager toute

tendance :

i. à inclure trop de détails dans le crédit ou dans tout amendement à celui-ci.

ii. à donner des instructions d’émettre, notifier ou confirmer un crédit par référence à un crédit précédemment émis (crédit similaire), lorsque ce précédent crédit a subi un ou plusieurs amendement(s), que ceux-ci aient été acceptés ou non.

b) Toutes instructions relatives à l’émission d’un crédit et le crédit lui-même ainsi que, le cas échéant, toutes instructions d’amender ledit crédit et l’amendement lui-même, doivent indiquer avec précision le(s) document(s) sur présentation duquel ou desquels le paiement, l’acceptation ou la négociation seront effectués. B. – FORME ET NOTIFICATION DES CREDITS Article 6 – Crédits révocables et irrévocables

a) Un crédit peut être : i. soit révocable ii. soit irrévocable

b) Tout crédit doit par conséquent indiquer clairement s’il est révocable ou

irrévocable. c) En l’absence de pareille indication, le crédit sera réputé irrévocable.

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Article 7 – Responsabilité de la Banque notificatrice

a) Un crédit peut être notifié au bénéficiaire par l’intermédiaire d’une autre banque (Banque notificatrice) sans engagement de la part de la Banque notificatrice, sauf pour cette banque – si elle décide de notifier le crédit – à apporter un soin raisonnable à vérifier l’authenticité apparente du crédit qu’elle notifie. Si la banque choisit de ne pas notifier le crédit, elle doit en aviser la Banque émettrice sans retard.

b) Si la Banque notificatrice n’a pu vérifier l’authenticité apparente du crédit, elle informera sans retard la banque de laquelle les instructions ont apparemment été reçues, qu’elle a été dans l’impossibilité d’établir l’authenticité du crédit. Si elle décide néanmoins de notifier le crédit, elle doit informer le bénéficiaire que l’authenticité du crédit n’a pu être établie par ses soins. Article 8 – Révocation d’un Crédit

a) Un crédit révocable peut être amendé ou annulé par la Banque émettrice à tout moment et sans que le bénéficiaire en soit averti au préalable.

b) Toutefois la Banque émettrice doit : i. rembourser la banque auprès de laquelle un crédit révocable a été rendu réalisable par paiement à vue, acceptation ou négociation, si ladite banque a procédé, avant d’avoir reçu l’avis d’amendement ou d’annulation, à un paiement, une acceptation ou une négociation contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit.

ii. rembourser la banque auprès de laquelle un crédit révocable a été rendu réalisable par paiement différé si ladite banque, avant d’avoir reçu l’avis d’amendement ou d’annulation, a levé les documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit.

Article 9 – Responsabilité des Banques émettrices et confirmantes

a) Un crédit irrévocable constitue pour la Banque émettrice, pour autant que les documents stipulés soient remis à la banque désignée ou à la Banque émettrice et que les conditions du crédit soient respectées, un engagement ferme : i. si le crédit est réalisable par paiement à vue, de payer à vue ;

ii. si le crédit est réalisable par paiement différé, de payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit ; iii. si le crédit est réalisable par acceptation :

a) – de la Banque émettrice, d’accepter la /les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque émettrice et de payer lesdites traites à leurs échéances,

ou

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b) – de toute autre banque tirée, d’accepter ou de payer à échéance la/les

traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque émettrice au cas où la banque tirée qui est stipulée dans le crédit n’accepte pas la/les traite(s) tirée(s) sur elle, ou de payer la/les traite(s) acceptée(s) mais non payée(s) à échéance par la banque tirée ;

iv. si le crédit est réalisable par négociation, de payer sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi les traites tirées par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) conformément aux termes et conditions du crédit. Un crédit ne devrait pas être émis comme étant réalisable par traite(s) sur le donneur d’ordre. Si le crédit exige néanmoins une ou des traite(s) sur le donneur d’ordre, les banques considéreront cette ou ces traite(s) comme un ou des document(s) additionnel(s).

b) La confirmation d’un crédit irrévocable par une autre banque (la Banque confirmante), agissant sur autorisation ou à la demande de la Banque émettrice constitue un engagement ferme de la Banque confirmante s’ajoutant à celui de la Banque émettrice. Pour autant que les documents stipulés soient présentés à la Banque confirmante ou à toute autre banque désignée et que les termes et conditions du soient respectés, la Banque confirmante doit :

i. si le crédit est réalisable par paiement à vue, payer à vue ;

ii. si le crédit est réalisable par paiement différé, payer à la date ou aux dates d’échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit ; iii. si le crédit est réalisable par acceptation :

a) – de la Banque confirmante, accepter la /les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque confirmante et les payer à échéance,

ou b) – de toute autre banque tirée, accepter ou payer à échéance la/les traite(s)

tirée(s) par le bénéficiaire sur la Banque confirmante au cas où la banque tirée telle que stipulée dans le crédit n’accepte pas la/les traite(s) tirée(s) sur elle, ou de payer la/les traite(s) acceptée(s) mais non payée(s) à échéance par la banque tirée ;

iv. si le crédit est réalisable par négociation, négocier sans recours aux tireurs et/ou aux porteurs de bonne foi, la ou les traite(s) tirée(s) par le bénéficiaire et/ou le(s) document(s) présenté(s) en vertu du crédit. Un crédit ne devrait pas être émis comme étant réalisable par traite(s) sur le donneur d’ordre. Si le crédit exige néanmoins cette ou ces traite(s) sur le donneur d’ordre, les banques considéreront de telles traites comme un ou des document(s) additionnel(s).

c) i. Si une autre banque est autorisée ou invitée par la Banque émettrice à ajouter sa confirmation à un crédit mais n’est pas disposée à le faire, elle doit en informer la Banque émettrice sans retard.

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ii. Sauf si la Banque émettrice en dispose autrement lorsqu’elle autorise ou invite la Banque notificatrice à ajouter sa confirmation, ladite Banque notificatrice peut notifier le crédit au bénéficiaire sans ajouter sa confirmation.

d) i. Sauf autrement prévu à l’article 48, un crédit irrévocable ne peut être ni amendé

ni annulé sans l’accord de la Banque émettrice, de la Banque confirmante s’il y en a une, et du bénéficiaire.

ii. La Banque émettrice sera irrévocablement liée par tout amendement qu’elle a apporté au crédit et ce à compter de la date à laquelle ce ou ces amendement(s) ont été émis. Une Banque confirmante peut étendre sa confirmation à un amendement et sera irrévocablement liée à compter du moment où elle notifie cette modification. Toutefois, une Banque confirmante peut choisir de notifier un amendement au bénéficiaire sans étendre sa confirmation ; dans ce cas, elle doit en aviser la Banque émettrice et le bénéficiaire sans retard.

iii. Les termes du crédit initial (ou du crédit incorporant un ou plusieurs amendements précédemment acceptés) demeureront en vigueur à l’égard du bénéficiaire jusqu’à ce que le bénéficiaire fasse connaître son acceptation de l’amendement ou des amendements à la banque qui a notifié le(s)dit(s) amendement(s). Le bénéficiaire devrait notifier son acceptation ou son refus de l’amendement. A défaut de cette notification par le bénéficiaire, les documents présentés à la banque désignée ou à la Banque émettrice qui sont conformes au crédit ainsi qu’à un/des amendement(s) non encore accepté(s) seront considérés comme valant notification de l’acceptation de l’amendement ou des amendements par le bénéficiaire et à compter de cette présentation le crédit sera considéré comme amendé. iv. L’acceptation partielle d’amendements contenus dans un seul et même avis d’amendement n’est pas autorisée et ne produira aucun effet. Article 10 – Types de Crédits

a) Tout crédit doit clairement indiquer s’il est réalisable par paiement à vue, par paiement différé, par acceptation ou par négociation.

b) i. Sauf s’il est stipulé dans le crédit que celui-ci est seulement réalisable auprès de la Banque émettrice, tout crédit doit désigner la banque (« Banque désignée ») autorisée à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter la/les traite(s), ou à négocier. Si le crédit est librement négociable, toute banque est une Banque désignée.

Les documents doivent être présentés à la Banque émettrice ou à la Banque

confirmante, le cas échéant, ou à toute autre Banque désignée.

ii. Le terme « négociation » signifie que la banque autorisée à négocier règle la valeur de la/les traite(s) et/ou autre(s) document(s). Le simple examen des documents sans paiement ne constitue pas une négociation.

c) Sauf si la Banque désignée est la Banque confirmante, la désignation par la Banque

émettrice n’entraîne pour Banque désignée aucun engagement de payer, de contracter un engagement de paiement différé, d’accepter une ou plusieurs traite(s), ou de négocier. Sauf accord exprès de la Banque désignée qui doit être notifié au bénéficiaire, la réception et/ou

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l’examen et/ou la transmission par Banque désignée des documents n’entraîne pour ladite banque aucune responsabilité de payer, de contracter un engagement de paiement différé, d’accepter une/des traite(s), ou de négocier.

d) En désignant une autre banque ou en autorisant la négociation par toute banque ou

en invitant une autre banque à ajouter sa confirmation, la Banque émettrice autorise cette banque à payer, à accepter une ou plusieurs traites ou à négocier, selon le cas, contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, et s’engage à rembourser cette banque conformément aux dispositions des présents articles. Article 11 – Crédits avisés par Télétransmission et Crédits préavisés

a) i. Quand une Banque émettrice charge une Banque notificatrice par une télétransmission authentifiée de notifier un crédit ou un amendement à un crédit, la télétransmission sera réputée être l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement et aucune lettre de confirmation ne devrait être expédiée. Si une confirmation est néanmoins expédiée par voie postale, elle ne produira aucun effet et la Banque notificatrice n’aura aucune obligation de vérifier cette lettre de confirmation par rapport à l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou à l’amendement au crédit tel que reçu par télétransmission.

ii. Si la mention « détails suivent » (ou une expression similaire) figure dans la télétransmission ou s’il y est précisé que la lettre de confirmation sera l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement, la télétransmission ne sera pas réputée dans ce cas être l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement. La Banque émettrice doit transmettre sans retard à la Banque notificatrice l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement.

b) Si une banque utilise les services d’une Banque notificatrice pour notifier le crédit

au bénéficiaire, elle doit utiliser aussi les services de la même banque pour notifier tout amendement au crédit.

c) Un avis préliminaire d’émission d’un crédit irrévocable ou d’un amendement à un

tel crédit (préavis) sera seulement donné par une Banque émettrice si ladite banque est disposée à émettre l’instrument permettant l’utilisation du crédit ou donnant effet à l’amendement au crédit. Sauf autre(s) indication(s) dans ce préavis de la Banque émettrice, toute Banque émettrice qui a donné un préavis sera irrévocablement tenue d’émettre ou d’amender le crédit dans des termes et conditions qui ne soient pas incompatibles avec le préavis, et ce sans retard. Article 12 – Instructions incomplètes ou imprécises Si la banque requise de notifier, confirmer ou amender un crédit reçoit des instructions incomplètes ou imprécises, elle peut s’adresser au bénéficiaire un avis préliminaire à titre de simple information et sans encourir de responsabilité. Cet avis préliminaire devrait indiquer clairement qu’il est communiqué pour information seulement et que la responsabilité de la Banque notificatrice n’est pas engagée. En tout état de cause, la Banque notificatrice doit

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informer la Banque émettrice de la position qu’elle a prise et l’inviter à fournir les informations nécessaires. La Banque émettrice doit fournir les informations nécessaires sans retard. Le crédit ne sera notifié, confirmé ou amendé qu’au reçu d’instructions complètes et précises, et pour autant que la Banque notificatrice indique alors qu’elle est prête à agir sur la base de ces instructions. C.- OBLIGATIONS ET RESPONSABILITES Article 13 – Normes pour l’Examen des Documents a) Les banques doivent examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s’ils présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit. La conformité apparente des documents stipulés avec les termes et conditions du crédit sera déterminée en fonction des pratiques bancaires internationales telles que reflétées dans les présents articles. Les documents qui en apparence sont incompatibles entre eux seront considérés comme ne présentant pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit. Les banques n’examineront pas les documents non requis dans le crédit. Si elles reçoivent de tels documents, elles les réexpédieront à celui qui les a présentés ou les transmettront sans encourir quelque responsabilité que ce soit. b) La Banque émettrice, la Banque confirmante le cas échéant, ou une Banque désignée agissant pour leur compte disposeront chacune d’un délai raisonnable – ne dépassant pas sept jours ouvrés (jours où la banque travaille) suivant le jour de réception des documents – pour examiner les documents et décider si elles les lèvent ou les refusent et pour notifier leur décision à la partie qui leur a envoyé lesdits documents. c) Si un crédit contient des conditions sans indications des documents à présenter en conformité avec ces conditions, les banques considéreront ces conditions comme non indiquées et n’en tiendront pas compte. Article 14 – Documents irréguliers et Notification d’irrégularités a) Si la Banque émettrice autorise une autre banque à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter une/des traites ou à négocier contre des documents présentant l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, la Banque émettrice et la Banque confirmante, le cas échéant, sont obligatoirement tenues : i. de rembourser la Banque désignée qui a payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une/des traite(s) ou négocié,

ii. de lever les documents.

b) Au reçu des documents la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas

échéant, ou une Banque désignée agissant pour leur compte doit déterminer sur la seule base

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des documents si ceux-ci présentent ou non l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit. Si les documents ne présentent pas l’apparence de conformité avec les termes et conditions du crédit, les banques ci-dessus peuvent refuser de lever les documents.

c) Si la Banque émettrice considère que les documents ne présentent pas l’apparence

de conformité avec les termes et conditions du crédit, elle peut de sa propre initiative approcher le donneur d’ordre afin d’obtenir de celui-ci la levée des irrégularités. Ceci n’entraîne toutefois aucune prorogation de la période mentionnée à l’article 13(b).

d) i. Si la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, ou une

Banque désignée agissant pour leur compte décide de refuser les documents, cette banque doit notifier son refus par télécommunication ou, si cela n’est pas possible, sans délai par d’autres moyens rapides, et cela au plus tard à la fin du septième jour ouvré (jour où la banque travaille) suivant le jour de réception des documents. L’avis de refus sera communiqué à la banque qui a fait parvenir les documents ou au bénéficiaire si les documents ont été reçus directement de celui-ci.

ii. La banque doit indiquer dans l’avis toutes les irrégularités qui l’amènent à refuser les documents. Elle doit également préciser si elle tient les documents à la disposition de celui qui les a présentés ou si elle les lui réexpédie.

iii. La Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, aura alors le droit de réclamer à la Banque remettante la restitution avec intérêts de tout remboursement effectué à ladite banque.

e) Si la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, n’agit pas

conformément aux dispositions du présent article et/ou ne tient pas les documents à la disposition de celui qui les a présentés ou ne les lui réexpédie pas, la Banque émettrice et/ou la Banque confirmante, le cas échéant, ne pourra faire valoir que les documents ne sont pas en conformité avec les termes et conditions du crédit.

f) Si la Banque remettante attire l’attention de la Banque émettrice et/ou la Banque

confirmante, le cas échéant, sur des irrégularités dans les documents ou informe ces banques qu’elle a payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une/des traite(s) ou négocié sous réserve ou contre une lettre de garantie relative à ces irrégularités, la Banque émettrice et/ou le cas échéant la Banque confirmante ne sera pour autant dégagée de ses obligations découlant de l’une ou de l’autre des dispositions de cet article. De telles réserves ou garanties n’affectent que les relations entre la Banque remettante et la partie envers laquelle la réserve a été faite ou de laquelle la garantie a été obtenue. Article 15 – Contestation de la Valeur des Documents Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant à la forme, la suffisance, l’exactitude, l’authenticité, la falsification ou l’effet juridique du/des document(s), ni quant aux conditions générales et/ou particulières stipulées dans le/les document(s) ou y surajoutées. Elles n’assument également aucun engagement ni responsabilité quant à la désignation, la quantité, l’état, l’emballage, la livraison, la valeur ou l’existence des

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marchandises représentées par un document quelconque ou encore quant à la bonne foi ou aux actes et/ou omissions, à la solvabilité, à la prestation ou à la réputation des expéditeurs, transporteurs, transitaires, destinataires ou assureurs des marchandises, ou de toute autre personne que ce soit. Article 16 – Contestation sur la Transmission des Messages Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant aux conséquences des retards et/ou pertes que pourraient subir dans leur transmission tous messages, lettres ou documents, ni quant à aux retards, à la mutilation ou autres erreurs pouvant se produire dans la transmission de toute télécommunication. Les banques n’assument aucune responsabilité quant aux erreurs de traduction et/ou d’interprétation des termes techniques, et se réservent le droit de transmettre les termes des crédits sans les traduire. Article 17 – Force majeure Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité quant aux conséquences pouvant résulter de l’interruption de leurs activités provoquée par tout cas de force majeure, émeutes, troubles civils, insurrections, guerres et/ou toute autre cause indépendante de leur volonté, ainsi que par des grèves ou « lock-out ». Sauf autorisation expresse, les banques, à la reprise de leurs activités, n’effectueront aucun paiement, ne contracteront aucun engagement de paiement différé, n’accepteront aucune traite, ou ne procèderont à aucune négociation dans le cas de crédits venus à expiration au cours d’une telle interruption de leurs activités. Article 18 – Contestation du Respect des Instructions données à une Partie a) Les banques utilisant les services d’une ou plusieurs autres banque(s) pour donner suite aux instructions du donneur d’ordre le font pour le compte et aux risques de ce donneur d’ordre. b) Les banques n’assument aucun engagement ni responsabilité au cas où les instructions quelles transmettent ne seraient pas suivies, même si elles ont pris elles-mêmes l’initiative du choix de cette autre ou de ces autres banque(s). c) i. Une partie donnant des instructions à une autre partie pour la prestation de services est responsable de toutes dépenses – y compris les commissions, honoraires, frais et autres débours – que la partie chargée d’exécuter les instructions a encourues à cet effet. ii. Lorsqu’un crédit stipule que ces dépenses seront à la charge d’une partie autre que celle donnant les instructions et que les frais ne peuvent être recouvrés, la partie qui a donné les instructions demeure responsable en dernier ressort pour le paiement des sommes en cause. d) Le donneur d’ordre devra assumer toutes les obligations et responsabilités découlant des lois et usages dans les pays étrangers, et devra verser aux banques les indemnités pouvant en résulter. Article 19 – Dispositions pour le Remboursement de Banque à Banque a) Si une Banque émettrice entend que le remboursement auquel a droit une banque qui paie, accepte ou négocie soit obtenu par cette banque (la Banque « réclamante ») auprès

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d’une autre partie (la Banque de remboursement), elle devra donner en temps utile à ladite Banque de remboursement les instructions ou autorisations appropriées lui permettant d’honorer ces demandes de remboursement. b) Les Banques émettrices ne devront pas exiger de la Banque « réclamante » que celle-ci fournisse à la Banque de remboursement un certificat de conformité avec les termes et conditions du crédit. c) Une Banque émettrice ne sera dégagée d’aucune de ses obligations de rembourser elle-même si le remboursement n’est pas effectué à la Banque « réclamante » par la Banque de remboursement. d) La Banque émettrice sera responsable envers la Banque « réclamante » de toute perte d’intérêts si le remboursement n’est pas effectué dès la première demande présentée à la Banque de remboursement ou de toute autre manière prévue dans le crédit, ou par accord mutuel, selon le cas. e) Les frais de la Banque de remboursement devraient être supportés par la Banque émettrice. Toutefois, dans les cas où ces frais sont à la charge d’une autre partie, la Banque émettrice doit assumer la responsabilité d’inclure toutes indications à cet effet dans le crédit initial et dans l’autorisation de remboursement. Dans les cas où les frais de la Banque de remboursement sont à la charge d’une autre partie, ils seront perçus auprès de la Banque « réclamante » lorsque le crédit est utilisé. Si le crédit n’est pas utilisé, la Banque émettrice reste tenue de rembourser les frais de la Banque de remboursement. D.- DOCUMENTS Article 20 – Ambiguïtés quant aux Emetteurs des Documents a) Des termes tels que « première classe », « bien connu », « qualifié », « indépendant », « officiel », « compétent », « domestique » ou termes similaires ne doivent pas être employés pour désigner les émetteurs de tous documents à présenter en vertu du crédit. Si de tels termes sont inclus dans les termes et conditions du crédit, les banques accepteront les documents y relatifs tels que présentés, pourvu qu’ils présentent l’apparence de conformité avec les autres termes et conditions du crédit et ne soient pas émis par le bénéficiaire. b) Sauf si le crédit en dispose autrement, les banques accepteront également comme originaux les documents produits ou apparaissant comme ayant été produits : i. par des systèmes reprographiques, automatisés ou informatisés, ii. sous forme de copies au carbone, s’ils sont marqués comme originaux et paraissent avoir été signés chaque fois que cela est nécessaire.

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Un document peut être signé à la main, comporter une signature par fac-similé, perforation, timbre ou symbole, ou par tout autre moyen mécanique ou électronique d’authentification.

c) i. Sauf si le crédit en dispose autrement, les banques accepteront comme copie tout

document soit portant la mention « copie » soit ne portant pas la mention « original ». Les copies n’ont pas besoin d’être signées. ii. Dans le cas d’un crédit prévoyant des documents multiples tels que « duplicata », « 2 exemplaires », « copies » et similaires, ces exigences seront satisfaites par la présentation d’un seul original et de copies pour le reliquat, sauf si le document lui-même en dispose autrement. d) Sauf stipulations contraires dans le crédit, si le crédit exige qu’un document soit authentifié, validé, légalisé, certifié ou comporte un visa ou si le crédit prévoit une exigence similaire, cette condition sera remplie par toute signature, marque, timbre, label sur le document qui présente l’apparence de répondre à cette exigence. Article 21 – Emetteurs ou Contenu des Documents non spécifiés Lorsque des documents autres que les documents de transport, les documents d’assurance et les factures commerciales sont exigés, le crédit devait stipuler par qui de tels documents doivent être émis et leur libellé ou les données qu’ils doivent contenir. Si le crédit ne le stipule pas, les banques accepteront ces documents tels qu’ils leur seront présentés, pour autant que les données qu’ils contiennent ne soient pas incompatibles avec tout autre document stipulé qui a été présenté. Article 22 – Date d’Emission des Documents et Date du Crédit Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques accepteront un document portant une date d’émission antérieure à celle du crédit, pourvu que ce document soit présenté dans les délais fixés par le crédit et les présents articles. Article 23 – Connaissement maritime a) Si le crédit exige un connaissement couvrant une expédition de port à port, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou authentifié de quelque autre manière par - le transporteur ou un agent dénommé au nom ou pour le compte du transporteur, ou - le capitaine ou un agent dénommé au nom ou pour le compte du capitaine. Toute signature ou authentification d’un transporteur ou capitaine doit être identifiée comme celle du transporteur ou du capitaine selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur ou le capitaine doit également indiquer les nom et qualité de la partie – à savoir le transporteur ou le capitaine – pour le compte de laquelle il agit,

et

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ii. indique que les marchandises ont été mises à bord ou embarquées sur un navire dénommé. La mise à bord ou le chargement sur un navire dénommé peut être indiqué au moyen d’un libellé pré-imprimé sur le connaissement précisant que les marchandises ont été mises à bord d’un navire dénommé ou chargées sur un navire dénommé ; dans ce cas, la date d’émission du connaissement sera réputée être celle de l’expédition. Dans tous les autres cas, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attesté par une annotation sur le connaissement qui précise la de mise à bord des marchandises, auquel cas la date de l’annotation de mise à bord sera réputée être celle de l’expédition. Si le connaissement comporte la mention « navire prévu » ou une indication similaire relative au navire, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attesté par une annotation de mise à bord sur le connaissement qui doit comporter, outre la date de chargement des marchandises, le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si elles l’ont été sur le navire désigné comme étant le «navire prévu ». Si le connaissement indique un lieu de réception ou de prise en charge autre que le port de chargement, l’annotation de mise à bord doit aussi indiquer le port de chargement stipulé dans le crédit et le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si elles l’ont été sur le navire nommément désigné dans le connaissement. Cette disposition s’applique également chaque fois que la mise à bord d’un navire est indiquée par un libellé pré-imprimé sur le connaissement, iii. indique le port de chargement et de déchargement stipulés dans le crédit, nonobstant le fait que le document : a) – indique un lieu de prise en charge autre que le port d’embarquement et/ou un lieu de destination finale autre que le port de déchargement,

et/ou b) – contient la mention « prévu »ou une mention similaire visant le port de chargement et/ou le port de déchargement, pourvu que le document précise également les ports de chargement et/ou de déchargement stipulés dans le crédit,

et iv. consiste en un seul original du connaissement ou, si plusieurs originaux sont émis, le jeu complet des originaux ainsi émis.

Et

v. paraît inclure tous les termes et conditions du transport ou donner certains de ceux-ci par référence à une source ou à u document autre que le connaissement (document de transport « short-form »/verso en blanc du connaissement). Les banques n’ont à examiner la teneur de ces termes et conditions,

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et

vi. ne contient aucune indication qu’il fait l’objet d’une charte-partie et/ou que le navire transporteur a pour seul mode de propulsion la voile,

et vii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Aux fins du présent article, il faut entendre par « transbordement » le déchargement et rechargement des marchandises d’un navire sur un autre navire au cours du transport maritime depuis le port de chargement jusqu’au port de déchargement stipulés dans le crédit. c) Sauf si le transbordement est interdit par les termes et conditions du crédit, les banques accepteront un connaissement indiquant que les marchandises seront transbordées, à condition que tout le voyage par mer soit couvert par un seul et même connaissement. d) Même si le transbordement est interdit par les termes et conditions du crédit, les banques accepteront un connaissement qui : i. indique que le transbordement aura lieu à condition que les marchandises concernées soient expédiées en conteneur(s), remorque(s) et/ou « LASH barges » (barges destinés à être chargées sur un porte-barges) comme attesté par le connaissement, pourvu que tout le voyage par mer soit couvert par un seul et même connaissement,

et/ou ii. contient des dispositions stipulant que le transporteur se réserve le droit d’effectuer un transbordement. Article 24 – Lettre de Transport maritime non négociable a) Si le crédit exige une lettre de transport maritime non négociable couvrant une expédition de port à port, les banques, sauf stipulations contraires dans le crédit, accepteront un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou autrement authentifié par :

- le transporteur ou un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du transporteur, ou - le capitaine ou un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du capitaine. Toute signature ou authentification d’un transporteur ou capitaine doit être identifiée

comme celle du transporteur ou du capitaine selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur ou le capitaine doit également indiquer les noms et qualité de la partie – à savoir le transporteur ou le capitaine – pour le compte de laquelle elle agit,

et

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ii. indique que les marchandises ont été mises à bord ou chargées sur un navire dénommé. La mise à bord ou le chargement sur un navire dénommé peut être indiqué au moyen d’un libellé pré-imprimé sur la lettre de transport maritime non négociable précisant que les marchandises ont été mises à bord d’un navire dénommé ou chargées sur un navire dénommé ; dans ce cas, la date d’émission de la lettre de transport maritime non négociable sera réputée être la date de mise à bord et la date d’expédition. Dans tous les autres cas, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attesté par une annotation sur la lettre de transport maritime non négociable qui donne la date à laquelle les marchandises ont été mises à bord, la date de l’annotation de mise à bord étant alors réputée être la date d’expédition.

Si la lettre de transport maritime non négociable comporte une mention « navire prévu » ou une indication similaire relative au navire, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attestée par une annotation de mise à bord sur la lettre de transport maritime non négociable. Cette annotation doit indiquer, outre la date à laquelle les marchandises ont été mises à bord le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si elles l’ont été sur le navire désigné comme étant le« navire prévu ». Si la lettre de transport maritime non négociable indique un lieu de réception ou de prise en charge des marchandises autre que le port de chargement, l’annotation de mise à bord doit aussi inclure le port de mise à bord stipulé dans le crédit et le nom du navire sur lequel les marchandises ont été chargées, même si le chargement a été effectué sur un navire dénommé dans la lettre de transport maritime non négociable. Cette disposition s’applique également lorsque la mise à bord du navire est indiquée par un libellé pré-imprimé sur la lettre de transport maritime non négociable, et iii. indique le port de chargement et le port de déchargement stipulés dans le crédit, nonobstant le fait que la lettre de transport maritime non négociable :

a) – mentionne un lieu de prise en charge qui peut être différent du port de chargement et/ou un lieu de destination finale qui peut être différent du port de déchargement,

et/ou b) – comporte l’indication « prévu » ou une indication similaire en ce qui concerne le port de chargement et/ou le port de déchargement, pour autant que le document indique également les ports de chargement et/ou de déchargement stipulés dans le crédit,

et iv. consiste en un unique original de la lettre de transport maritime non négociable ou, si plusieurs originaux ont été émis, le jeu complet des originaux ainsi émis,

et

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v. semble inclure tous les termes et conditions du transport ou certains de ceux-ci par référence à une source ou à un document autre que la lettre de transport maritime non négociable (document de «transport « short-form » ou lettre de transport maritime non négociable verso en blanc) et les banques n’ont pas à examiner le contenu de ces termes et conditions,

et vi. ne contient aucune indication que le transport fait l’objet d’une charte-partie et/ou que le navire transporteur a pour seul mode de propulsion la voile,

et vii. satisfait à touts autres égards aux stipulations du crédit. b) Aux fins de cet article, il faut entendre par « transbordement » le déchargement et le rechargement des marchandises d’un navire sur un autre navire au cours du transport maritime, depuis le port de chargement jusqu’au port de déchargement stipulés dans le crédit. c) Sauf si le transbordement est interdit par les termes du crédit, les banques accepteront une lettre de transport maritime non négociable qui indique que les marchandises seront transbordées, pour autant que tout le voyage par mer soit couvert par une seule et même lettre de transport maritime non négociable. d) Même si le transbordement est interdit par le crédit, les banques accepteront une lettre de transport maritime non négociable qui : i. indique que le transbordement aura lieu à condition que les marchandises concernées soient expédiées en conteneurs, remorques et/u « LASH barges » comme attesté par la lettre de transport maritime non négociable, pourvu que tout le voyage par mer soit couvert par une seule et même lettre de transport maritime non négociable,

et/ou ii. incorpore des dispositions précisant que le transporteur se réserve le droit d’effectuer un transbordement. Article 25 – Connaissement de Charte-Partie a) si un crédit exige ou autorise un connaissement de charte-partie, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, tout document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. indique qu’il est soumis à une charte-partie

et ii. présente l’apparence d’avoir été signé ou autrement authentifié

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- par le capitaine ou par un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du capitaine - par le propriétaire ou par un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du propriétaire. Toute signature ou marque d’authentification du capitaine ou du propriétaire doit être identifiée comme celle du capitaine ou du propriétaire, selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le capitaine ou le propriétaire doit également indiquer les nom et qualité de la partie - à savoir le capitaine ou le propriétaire – pour le compte de laquelle il agit,

et

iii. Indique ou n’indique pas le nom du transporteur,

et iv. indique que les marchandises ont été mises à bord ou chargées sur un navire dénommé. La mise à bord ou le chargement sur un navire dénommé peut être indiqué par un libellé pré-imprimé sur le connaissement précisant que les marchandises ont été mises à bord d’un navire dénommé, auquel cas la date d’émission du connaissement sera réputée être la date de mise à bord et la date d’expédition. Dans tous les autres cas, la mise à bord d’un navire dénommé doit être attestée par une annotation sur le connaissement qui précise la date de mise à bord des marchandises. Dans ce cas, la date de l’annotation à bord sera réputée être la date d’expédition, v. indique le port de chargement et le port de déchargement stipulés dans le crédit,

et vi. consiste en un seul original du connaissement ou, si plusieurs originaux ont été émis, dans le jeu complet des originaux ainsi émis,

et vii. ne contient aucune indication que le navire assurant le transport a pour seul mode de propulsion la voile,

et viii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Même si le crédit exige la présentation d’un contrat de charte-partie en relation avec un connaissement de chartie-partie, les banques n’examineront pas ce contrat de chartie-partie mais le transmettront sans responsabilité de leur part. Article 26 – Document de Transport multimodal

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a) Si un crédit exige un document de transport couvrant au moins deux modes de transport (transport multimodal), les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal et d’avoir été signé ou autrement authentifié par : - le transporteur ou l’opérateur de transport multimodal ou un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal, ou

- le capitaine ou un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du capitaine. Toute signature ou marque d’authentification d’un transporteur, opérateur de transport multimodal ou capitaine doit être identifiée comme celle du transporteur, opérateur de transport multimodal ou du capitaine, selon le cas. Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur, l’opérateur de transport multimodal ou le capitaine doit également indiquer les noms et qualité de la partie, à savoir le transporteur, l’opérateur de transport multimodal ou le capitaine, pour le compte de laquelle elle agit,

et

ii. indique que les marchandises ont été expédiées, prises en charge ou mises à bord. L’envoi, la prise en charge ou la mise à bord peut être indiqué par une mention à cet effet sur le document de transport multimodal et la date d’émission sera réputée être la date d’envoi, de prise en charge ou de mise à bord, et la date d’expédition. Cependant, si le document indique au moye d’un timbre ou autrement une date d’envoi, de prise en charge ou de mise à bord, cette date sera réputée être la date d’expédition,

et iii. a) – indique le lieu de prise en charge, stipulé dans le crédit, qui peut être différent du port, aéroport ou lieu de chargement, et le lieu de déchargement,

et/ou b) – comporte l’indication « prévu » ou une indication similaire en ce qui concerne le navire et/ou le port de mise à bord, et/ou le port de déchargement,

et iv. consiste en un unique original du document de transport multimodal ou, si plusieurs originaux ont été émis, dans le jeu complet des originaux ainsi émis,

et v. semble inclure tous les termes et conditions du transport ou certains de ceux-ci par référence à une source ou à un document autre que le document de transport multimodal (document de transport « short-form/verso en blanc du document de transport multimodal), et les banques n’ont pas à examiner le contenu de ces termes et conditions,

et

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vi. ne contient aucune indication que le document est soumis à une charte-partie et/ou aucune indication que le navire transporteur a pour seul mode de propulsion la voile,

et vii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Même si le transbordement est interdit par les conditions du crédit, les banques accepteront un document de transport multimodal qui indique qu’un transbordement aura lieu ou pourra avoir lieu pour autant que toute l’opération de transport soit couverte par un seul et même document de transport multimodal. Article 27 – Document de Transport aérien a) Si un crédit exige un document de transport aérien, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou autrement authentifié par : - le transporteur, ou - un agent dénommé agissant au nom et pour le compte du transporteur

Toute signature ou marque d’authentification du transporteur doit être identifiée par le terme « transporteur ». Un agent qui signe ou authentifie pour le transporteur doit également indiquer les noms et qualité de la partie - à savoir le transporteur - pour le compte de laquelle elle agit,

et

ii. indique que les marchandises ont été acceptées pour transport,

et iii. comporte, lorsque le crédit exige une date effective d’expédition, une annotation spécifique de cette date, et la date ainsi portée sur le document de transport aérien sera réputée être la date d’expédition. Aux fins de cet article, les informations données dans la case du document de transport aérien (ase avec l’indication « à utiliser seulement par le transporteur » ou une expression similaire) et relatives au numéro et à la date de vol ne seront considérées comme une annotation spécifique de la date d’expédition. Dans tous les autres cas, la date d’émission du document de transport aérien sera réputée être la date d’expédition,

et iv. indique l’aéroport de départ et l’aéroport de destination stipulés dans le crédit,

et

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v. présente l’apparence d’être original pour l’expéditeur/chargeur même si le crédit exige un jeu complet d’originaux ou expressions similaires,

et vi. présente l’apparence d’inclure tos les termes et conditions de transport ou certains de ceux-ci par référence à une source ou à un document autre que le document de transport aérien. Les banques n’ont pas à examiner le contenu de ces termes et conditions,

et vii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Aux fins de cet article, il faut entendre par « transbordement » le déchargement et rechargement des marchandises d’un aéronef sur un autre aéronef au cours du transport depuis l’aéroport de départ jusqu’à l’aéroport de destination stipulés dans le crédit. c) Même si le crédit interdit le transbordement, les banques accepteront un le document de transport aérien qui indique qu’il y aura ou pourra y avoir transbordement, pourvu que tout le voyage soit couvert par un seul et même document de transport aérien. Article 28 – Documents de Transport par Route, Rail ou Voie d’Eau intérieure a) Si un crédit exige un document de transport par route, rail ou voie d’eau intérieure, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document exigé, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom du transporteur et d’avoir été signé ou autrement authentifié par le transporteur ou par un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du transporteur et /ou de porter un timbre de réception ou toute autre indication de réception par le transporteur ou par un agent dénommé agissant au nom ou pour le compte du transporteur. Toute signature ou authentification, tout timbre de réception ou toute autre indication du transporteur doit être identifié au recto comme celle du transporteur. Un agent qui signe ou authentifie au nom du transporteur doit également indiquer les noms et qualité de le partie, à savoir le transporteur, pour le compte de la quelle il agit,

et ii. indique que les marchandises ont été reçues pour expédition, envoi ou transport ou des expressions similaires. La date d’émission sera réputée être la date d’expédition sauf si le document de transport porte un timbre de réception, auquel cas la date de ce timbre sera réputée être la date d’expédition,

et iii. indique le lieu d’expédition et le lieu de destination stipulés dans le crédit,

et

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iv. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) En l’absence de toute indication sur le document de transport quant au nombre d’exemplaires émis, les banques accepteront le/les document(s) de transport présenté(s) comme constituant un jeu complet. Les banques accepteront à titre original ou d’originaux ce/ces document(s) de transport qu’il(s) soi(ent) ou non marqué(s) « original ». c) Aux fins de cet article, il faut entendre par transbordement le déchargement des marchandises et le rechargement des marchandises d’un moyen de transport sur un autre moyen de transport, et ce par différents modes de transport, pendant ‘opération depuis le lieu d’expédition jusqu’au lieu de destination comme stipulés dans le crédit. d) Même si le crédit interdit le transbordement, les banques accepteront un document de transport par route, rail ou voie d’eau intérieure qui indique qu’il y aura ou pourra y avoir transbordement, pour autant que l’opération de transport toute entière soit couverte par un seul et même document de transport et dans le cadre du même mode de transport. Article 29 – Récépissés de Sociétés de Courrier express et de la Poste a) Si un crédit exige un récépissé postal ou un certificat par poste, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un tel récépissé ou certificat postal: i. s’il présente l’apparence d’avoir été estampillé ou autrement authentifié et daté du lieu d’où le crédit stipule que les marchandises doivent être expédiées ou envoyées. Cette date sera réputée être celle de l’expédition ou de l’envoi,

et ii. s’il satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit. b) Si un crédit exige un document émis par une société de courrier express ou par un service de livraison, les banques accepteront, sauf stipulations contraires dans le crédit, un document, quelle que soit sa dénomination, qui : i. présente l’apparence d’indiquer le nom de la société de courrier express/du service de livraison, et d’avoir été timbré, signé ou autrement authentifié par la société de courrier express/le service de livraison dénommé(e) (à moins que le crédit n’exige spécifiquement un document émis par une société de courrier express ou par un service de livraison dénommé(e), les banques accepteront un document émis par n’importe quel(le) service de livraison/société de courrier express),

et ii. indique une date de collecte ou réception ou une expression à cet effet, et cette date sera réputée être celle de l’expédition ou de l’envoi,

et iii. satisfait à tous autres égards aux stipulations du crédit.

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Article 30 – Documents de Transport émis par les Transitaires Sauf autorisation contraire dans le crédit, les banques accepteront un document émis par un transitaire s’il présente l’apparence d’indiquer : i. le nom du transitaire en tant que transporteur ou opérateur de transport multimodal, et la signature ou toute autre authentification du transitaire agissant en qualité de transporteur ou d’opérateur de transport multimodal,

ou ii. le nom du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal, et la signature ou toute autre authentification du transitaire agissant en qualité d’agent dénommé au nom ou pour le compte du transporteur ou de l’opérateur de transport multimodal. Article 31 – « En Pontée », Poids et Décomptes de l’Expéditeur, Nom de l’Expéditeur Sauf stipulations contraire dans le crédit, les banques accepteront un document de transport qui : i. n’indique pas, dans le cas d’un transport par mer ou par plus d’un mode de transport comprenant un transport par mer, que les marchandises sont ou seront chargées en pontée. Néanmoins, les banques accepteront un document de transport qui comporte une disposition stipulant que les marchandises pourront être transportées en pontée, pourvu qu’il n’indique pas expressément que les marchandises sont ou seront chargées en pontée,

et/ou ii. porte au recto une clause telle que « poids et décomptes du chargeur » ou « contient aux dires du chargeur » ou une mention similaire,

et/ou iii. indique comme expéditeur des marchandises une partie autre que le bénéficiaire du crédit. Article 32 – Documents de Transport net a) Un document de transport net est un document qui ne comporte aucune clause ou annotation constatant expressément un état défectueux des marchandises et/ou de l’emballage. b) Les banques refuseront les documents de transport comportant de telles clauses ou annotations sauf si le crédit stipule expressément les clauses ou annotations qui peuvent être acceptées. c) Les banques considéreront qu’une condition du crédit exigeant que le document de transport porte la mention « net à bord » est respectée si ce document de transport répond aux conditions de cet article et des articles 23, 24, 25, 26, 27, 28 ou 30.

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Article 33 – Documents de Transport « Fret payable/payé d’avance » a) Sauf stipulations contraires dans le crédit ou incompatibilité avec l’un des documents présentés en vertu du crédit, les banques accepteront des documents de transport mentionnant que le fret ou les frais de transport (ci-après qualifiés de fret) restent à payer. b) Si un crédit stipule que le document de transport doit indiquer que le fret a été payé ou payé d’avance, les banques accepteront un document de transport sur lequel figure une mention indiquant clairement, au moyen d’un cachet ou autrement, le paiement ou le paiement d’avance du fret, ou sur lequel le paiement ou le paiement d’avance du fret est indiqué par d’autres moyens. Si le crédit exige que les frais des sociétés de courrier express soient payés ou payés d’avance, les banques accepteront également un document de transport émis par une société de courrier express ou un service de livraison rapide et attestant que les frais de courrier express sont à la charge d’une partie autre que le destinataire. c) La mention« fret payable d’avance » ou « fret à payer d’avance » ou une mention similaire, si elle apparaît sur des documents de transport, ne sera pas acceptée comme preuve du paiement du fret. d) Les banques accepteront des documents de transport faisant mention, au moyen d’un cachet ou autrement, de frais s’ajoutant au fret, tels que des frais ou débours relatifs au chargement, au déchargement ou à des opérations similaires, sauf si les termes et conditions du crédit interdisent expressément de telles mentions. Article 34 – Documents d’Assurance a) Les documents d’assurance doivent présenter l’apparence d’être émis et signés par des compagnies d’assurance ou autres assureurs (« underwriters ») ou par leurs agents. b) Si le document d’assurance indique qu’il a été émis plus d’un original, tous les originaux doivent être présentés, sauf autorisation contraire dans le crédit. c) Les notes de couverture (arrêtés) émises par des courtiers ne seront pas acceptées, sauf si cela est expressément autorisé dans le crédit. d) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques accepteront un certificat d’assurance ou une déclaration sous couverture ouverte qui a été présigné(e) par des compagnies d’assurance ou autres assureurs (« underwriters ») ou par leurs agents. Si un crédit exige spécifiquement un certificat d’assurance ou une déclaration sous couverture ouverte, les banques accepteront, en lieu et place, une police d’assurance. e) Sauf stipulations contraires dans le crédit ou sauf s’il ressort du document d’assurance que la couverture prend effet au plus tard à la date de mise à bord ou d’expédition ou de prise en charge des marchandises, les banques n’accepteront pas un document d’assurance dont la date d’émission est postérieure à la date de mise à bord ou d’expédition ou de prise en charge telle qu’indiquée dans ce document de transport. f) i. Sauf stipulations contraires dans le crédit, le document d’assurance doit être libellé dans la monnaie du crédit.

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ii. Sauf stipulations contraires dans le crédit, la valeur minimum de couverture souscrite que le document d’assurance doit indiquer est – selon le cas – la valeur CIF (coût, assurance, fret (… « port de destination désigné »)) ou CIP (fret/port payé, assurance comprise, jusqu’au ( … « point de destination désigné »)) des marchandises, majorée de 10% mais seulement lorsque la valeur CIF ou CIP peut être déterminée d’après les documents. A défaut, les banques accepteront comme valeur minimum 110% du montant le plus élevé entre le montant pour lequel le paiement, l’acceptation ou la négociation est demandée en vertu du crédit, et le montant brut de la facture commerciale. Article 35 – Type de Couverture d’Assurance a) Les crédits devraient stipuler le type d’assurance requis et, le cas échéant, les risques additionnels qui doivent être couverts. Des termes imprécis tels que « risques habituels » ou « risques courants » ne doivent pas être utilisés ; s’ils le sont les banques accepteront les documents d’assurance tels que présentés, sans assumer de responsabilité pour tous les risques non couverts. b) En l’absence de stipulations spécifiques dans le crédit, les banques accepteront les documents d’assurance tels que présentés, sans assumer de responsabilité pour tous les risques non couverts. c) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques accepteront un document d’assurance indiquant que la couverture est soumise à franchise, qu’il s’agisse d’une franchise atteinte ou d’une franchise déduite. Article 36 – Couverture d’Assurance « Tous Risques » Lorsqu’un crédit stipule « assurance contre tous risques », les banques accepteront un document d’assurance qui contient toute clause ou annotation « tous risques », que le titre en soit ou non« tous risques », même si le document d’assurance indique que certains risques sont exclus, et cela sans assumer aucune responsabilité pour tous risques non couverts. Article 37 – Factures commerciales a) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les factures commerciales : i. doivent présenter l’apparence d’être émises par le Bénéficiaire désigné dans le crédit (sous réserve des dispositions de l’article 48),

et ii. doivent être établies au nom du Donneur d’ordre (sous réserve des dispositions de l’article 48 (h)),

et iii. n’ont pas besoin d’être signées. b) Sauf stipulations contraires dans le crédit, les banques peuvent ne pas accepter les factures commerciales établies pour un montant supérieure à celui autorisé par le crédit.

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Néanmoins, si une banque autorisée à payer, à contracter un engagement de paiement différé, à accepter une traite, ou à négocier en vertu du crédit, accepte de telles factures, sa décision liera toutes les parties, pourvu que ladite banque n’ait pas payé, contracté un engagement de paiement différé, accepté une traite, ou négocié pour un montant supérieure à celui autorisé par le crédit. c) La désignation des marchandises figurant sur la facture commerciale doit correspondre à celle donnée dans le crédit. Sur tous les autres documents, les marchandises peuvent être décrites en termes généraux qui ne soient pas incompatibles avec la description qu’en donne le crédit. Article 38 – Autres Documents Si un crédit exige une attestation ou une certification de poids dans le cas de transports autres que par mer, les banques accepteront un timbre de pesage ou une déclaration de poids qui présente l’apparence d’avoir été surajoutée sur le document de transport par le transporteur ou son agent, sauf si le crédit stipule expressément que l’attestation ou la certification de poids doit être donnée par un document distinct. E. – DISPOSITIONS DIVERSES Article 39 – Tolérances relatives au Montant du Crédit, à la Quantité et aux Prix unitaires a) Les expressions « environ », « approximativement », « circa » ou similaires employées en ce qui concerne le montant du crédit ou la quantité ou le prix unitaire mentionnés dans le crédit seront interprétées comme permettant un écart maximum de 10% en plus ou en moins sur le montant du crédit ou la quantité ou le prix unitaire auxquels elles s’appliquent. b) Sauf si un crédit stipule qu’il ne doit pas être livré ni plus ni moins que la quantité des marchandises prescrite, un écart de 5% en plus ou en moins sera admis, mais toujours sous réserve que le montant des tirages ne dépasse pas le montant du crédit. Cette tolérance ne s’applique pas lorsque le crédit spécifie la quantité par un nombre donné d’emballages ou d’articles individualisés. c) Sauf stipulations contraires dans un crédit qui interdit les expéditions partielles ou sauf si l’alinéa (b) ci-dessus est applicable, un écart de 5% en plus ou en moins sur le montant du tirage sera admis, pourvu que si le crédit stipule la quantité des marchandises et un prix unitaire, ladite quantité soit expédiée en totalité et le prix unitaire ne soit pas réduit. Cette disposition ne s’applique pas lorsque des expressions visées à l’alinéa (a) ci-dessus sont utilisées dans le crédit. Article 40 – Expéditions/Tirages partiels a) Les expéditions et/ou tirages partiels sont autorisés sauf stipulations contraires dans le crédit.

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b) Les documents de transport qui présentent l’apparence d’indiquer que l’expédition a été effectuée par le même moyen de transport et pour le même voyage, sous réserve qu’ils indiquent la même destination, ne seront pas considérés comme couvrant des expéditions partielles, même si les documents de transport mentionnent des dates différentes d’expédition et/ou des ports de chargement, lieux de prise en charge ou d’envoi différents. c) Des expéditions effectuées par poste ou par courrier express ne seront pas considérées comme des expéditions partielles si les récépissés postaux ou les certificats d’expédition par poste ou les récépissés ou les bordereaux d’envoi de la société de courrier express présentent l’apparence d’avoir été estampillés, signés ou autrement authentifiés du lieu d’où le crédit stipule que les marchandises doivent être expédiées, et à la même date. Article 41 – Expéditions/Tirages fractionnés Si les tirages et/ou expéditions fractionnés au cours de périodes déterminées sont stipulés dans le crédit et qu’une fraction n’est pas utilisée et/ou expédiée dans la période autorisée pour cette fraction, le crédit cesse d’être valable pour cette fraction et pour toute fraction subséquente, sauf stipulations contraires dans le crédit. Article 42 – Date extrême de Validité et Lieu de Présentation des Documents a) Tout crédit stipule une date extrême de validité et un lieu de présentation des documents pour le paiement, l’acceptation ou, sauf dans le cas de crédits librement négociables, pour négociation. Toute date extrême de validité stipulée pour le paiement, l’acceptation ou la négociation sera considérée comme étant la date extrême pour la présentation des documents. b) Sous réserve des dispositions de l’article 44 alinéa (a) les documents doivent être présentés au plus tard à la date extrême de validité. c) Si une Banque émettrice mentionne que le crédit sera valable « pour une durée d’un mois », « pour une durée de six mois », ou expression(s) similaire(s) mais ne spécifie pas la date de départ de ce délai, la date d’émission du crédit par la Banque émettrice sera réputée être le premier jour à partir duquel le délai commence à courir. Les banques devraient décourager toute tendance à indiquer de cette manière la date d’expiration du crédit. Article 43 – Limitation sur la Date extrême de Validité a) Outre la stipulation d’une date limite pour la présentation des documents, tout crédit qui exige un ou des documents de transport devrait aussi fixer une période expressément définie après la date d’expédition, au cours de laquelle les documents doivent être présentés en conformité avec les termes et conditions du crédit. Si une telle période n’est pas stipulée, les banques refuseront les documents présentés au plus tard à la date d’expiration du crédit. b) Dans le cas où s’applique l’article 40 alinéa (b), la date d’expédition sera considérée comme étant la date d’expédition la plus récente figurant sur l’un des documents de transport présentés.

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Article 44 – Report de la Date extrême de Validité a) Si la date d’expiration du crédit et/ou le terme de la période fixée pour la présentation des documents stipulés dans le crédit ou applicable en vertu de l’article 43 tombe un jour où la banque à laquelle les documents doivent être présentés est fermée pour des raisons autres que celles visées à l’article 17, la date d’expiration stipulée et/ou le terme de la période fixée pour la présentation des documents à compter de la date d’expédition, selon le cas, sera reporté au premier jour de réouverture de ladite banque. b) La date extrême d’expédition ne sera pas prorogée en raison du report de la date d’expiration et/ou de la période fixée après la date d’expédition pour la présentation des documents conformément à l’alinéa (a) ci-dessus. Si aucune date extrême pour l’expédition n’est stipulée dans le crédit ou dans les amendements au crédit, les banques refuseront les documents de transport mentionnant une date d’expédition postérieure à la date d’expiration que stipule le crédit ou un amendement au crédit. c) La banque à laquelle les documents sont présentés le premier jour de sa réouverture doit fournir une déclaration indiquant que las documents on été présentés dan les délais prorogés conformément à l’article 44 alinéa (a) des Règles et Usances Uniformes relatives aux Crédits Documentaires, Révision de 1993, Publication CCI N° 500. Article 45 – Heures de Présentation Les banques n’ont aucune obligation d’accepter la présentation des documents en dehors des heures d’ouverture de leurs guichets. Article 46 – Expressions générales relatives aux Dates d’Expédition a) Sauf stipulations contraires dans le crédit, l’expression « expédition » utilisée pour déterminer la date la plus proche et/ou la date extrême d’expédition sera comprise comme incluant des expressions telles que « mise à bord », « envoi », « accepté pour transport », « date de récépissé postal », « date de collecte » ou similaires et, dans le cas d’un crédit exigeant en autorisant la présentation d’un document de transport multimodal, l’expression « prise en charge ». b) Des expressions telles que « promptement », « immédiatement », « le plus tôt possible » ou expressions similaires ne devraient pas être utilisées. Si elles sont employées, les banques n’en tiendront pas compte. c) Si l’expression « le…ou vers le… » ou des mentions similaires sont employées, les banques les interpréteront comme stipulant que l’expédition doit être effectuée dans une période allant de cinq jours avant jusqu’à cinq jours après la date indiquée, les jours limites inclus. Article 47 – Terminologie relative aux Dates pour les Périodes d’Expédition

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a) Les mots « au », « jusqu’au », « depuis » et expressions similaires employées pour définir toute date ou période d’expédition qui est mentionnée dans le crédit se comprendront comme incluant la date indiquée. b) Les mots « après le » se comprendront comme excluant la date mentionnée. c) Les expressions « première moitié », « seconde moitié » d’un mois devront s’entendre respectivement comme allant du 1er au 15 inclus et du 16 au dernier jour du mois inclus. d) Les expressions « commencement », « milieu » ou « fin » d’un mois devront s’entendre respectivement comme allant du 1er au 10 inclus, du 11 au 20 inclus et du 16 au dernier jour du mois inclus. F. – CREDIT TRANSFERABLE Article 48 – Crédit transférable a) Un crédit transférable est un crédit en vertu duquel le bénéficiaire (Premier Bénéficiaire) peut demander à la banque autorisée à payer, à contracter un engagement de paiement différé ou à accepter, ou à négocier (la Banque « transférante ») ou, dans le cas d’un crédit librement négociable, la banque spécifiquement habilitée dans le crédit à titre de Banque « transférante », qu’elle permette l’utilisation du crédit en totalité ou en partie par un ou plusieurs autres bénéficiaires (Second(s) Bénéficiaire(s)). b) Un crédit ne peut être transféré que s’il est expressément qualifié de « transférable » par la Banque émettrice. Des termes tels que « divisible », « fractionnable », « assignable » ou « transmissible » ne rendent pas le crédit transférable. Si de tels termes sont employés, il n’en sera pas tenu compte. c) Une Banque « transférante » n’a aucune obligation d’effectuer ce transfert si ce n’est dans les limites et les formes auxquelles ladite banque aura expressément consenti. d) Au moment où il fait une demande de transfert et avant le transfert du crédit, le Premier Bénéficiaire doit donner des instructions irrévocables à la Banque « transférante » s’il se réserve ou non le droit de ne pas autoriser la Banque « transférante » à porter des amendements à a connaissance du/des Second(s) Bénéficiaire(s). Si la Banque « transférante » consent à effectuer le transfert dans ces conditions, elle doit au moment du transfert informer le/les Second(s) Bénéficiaire(s) des instructions relatives aux amendements qu’elle a reçues du Premier Bénéficiaire. e) Si un crédit est transféré à plusieurs Seconds Bénéficiaires, le refus d’un amendement par un ou plusieurs desdits Seconds Bénéficiaires n’entraîne pas la nullité de l’acceptation du ou des autres Seconds Bénéficiaires vis-à-vis desquels le crédit sera amendé en conséquence. Le crédit restera non amendé vis-à-vis du/des Second(s) Bénéficiaire(s) qui ont refusé l’amendement.

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f) Les frais de la Banque « transférante » pour ses services, y compris les commissions, honoraires, frais ou dépenses, sont à la charge du Premier Bénéficiaire sauf accord contraire. Si la Banque « transférante » accepte de transférer le crédit, elle n’aura aucune obligation de le faire tant que les frais ci-dessus ne lui auront pas été payés. g) Sauf stipulations contraires dans le crédit, un crédit transférable ne peut être transféré qu’une fois. En conséquence, le crédit ne peut être transféré à la demande du Second Bénéficiaire en faveur d’un troisième bénéficiaire. Aux fins de cet article, un retransfert de ce crédit au Premier Bénéficiaire ne constitue un transfert interdit. Des fractions d’un crédit transférable (n’excédant pas au total le montant du crédit) peuvent être transférées séparément, à condition que les expéditions/tirages partiels ne soient pas interdits, et l’ensemble de ces transferts sera considéré comme ne constituant un seul transfert interdit. h) Le crédit ne peut être transféré que suivant les termes et conditions spécifiés dans le crédit d’origine sauf en ce qui concerne : - le montant du crédit, - tout prix unitaire y indiqué, - la date de validité, - la date limite de présentation des documents selon l’article 43, - la période d’expédition, tous ces éléments pouvant être – conjointement ou séparément – réduits ou ramenés. Le pourcentage pour lequel la couverture d’assurance doit être prise peut être augmenté afin d’atteindre le montant de couverture stipulé dans le crédit d’origine, ou les présents articles. En outre, le nom du Premier Bénéficiaire peut être substitué à celui du donneur d’ordre, mais si selon le crédit d’origine le nom du donneur d’ordre doit apparaître sur un quelconque document autre que la facture, cette exigence doit être respectée. i) Le Premier Bénéficiaire a le droit de substituer sa/ses propre(s) facture(s) et traite(s) en échange de celles du Second Bénéficiaire pour des montants ne dépassant pas le montant initial stipulé dans le crédit et pour les prix unitaires initiaux si la crédit en stipule. Lors d’une telle substitution de facture(s) (et traite(s)), le Premier Bénéficiaire peut se faire régler en vertu du crédit la différence existant, le cas échéant, entre sa/ses propre(s) facture(s) et celles du ou des Second(s) Bénéficiaire(s). Lorsqu’un crédit a été transféré et que le Premier Bénéficiaire doit fournir sa/ses propre(s) facture(s) (et traite(s)) en échange des factures (et traite(s)) du/des Second(s) Bénéficiaire(s) mais qu’il ne le fait pas à première demande, la Banque « transférante » a le droit de remettre à la Banque émettrice les documents reçus en vertu du crédit transféré y compris la/les facture(s) (et traite(s)) du/des Second(s) Bénéficiaire(s), et ce sans encourir de responsabilité envers le Premier Bénéficiaire. j) Le Premier Bénéficiaire peut demander que le paiement ou la négociation soit effectué au(x) Second(s) Bénéficiaire(s) sur la place où le crédit a été transféré jusques et y

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compris la date d’expiration du crédit, à moins que le crédit d’origine ne spécifie expressément qu’il ne peut être payé ou négocié sur une place autre que celle indiquée dans le crédit. Cela est sans préjudice du droit du Premier Bénéficiaire de substituer par la suite sa ou ses propres factures et traites à celles du ou des Seconds Bénéficiaires et de réclamer toute différence qui lui serait due. G. – CESSION DU PRODUIT DU CREDIT Article 49 – Cession du Produit du Crédit Le fait qu’un crédit ne soit pas désigné comme transférable n’affectera pas le droit du bénéficiaire de céder tout droit de créance qu’il a obtenu ou pourrait obtenir en vertu de ce crédit, conformément aux dispositions de la loi applicable. Cet article vise seulement la cession de créances et non la cession du droit de réaliser les conditions du crédit lui-même.

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T A B L E D E S M A T I E R E S

ABREVIATIONS p. 5 INTRODUCTION p. 7 PARTIE PREMIÈRE. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE LIMITE AU FORMALISME DU CRÉDIT DOCUMENTAIRE p. 17 TITRE PREMIER. La nature documentaire de la fraude p. 18 Chapitre I. Les différents types de la fraude documentaire p. 18 Section 1. La fraude matérielle p. 19 Section 2. La fraude intellectuelle p. 22 Chapitre II. Le fondement unique de la fraude documentaire p. 24 Section 1. L’admission du principe de fraude p. 25 Section 2. La matérialité de la fraude documentaire p. 28

TITRE DEUXIÈME. L’appréciation de la fraude documentaire p. 33

Chapitre I. La manifestation de la fraude dans les documents p. 33 Section 1. L’insuffisance d’une fraude « vraisemblable » p. 34 Section 2. La nécessité d’une fraude manifeste p. 37 Chapitre II. L’incidence de l’élément intentionnel p. 41 Section 1. La conception subjective p. 41 Section 2. La conception objective p. 44 § 1. Le rejet de l’argument de la bonne foi du bénéficiaire p. 45

§ 2.L’indifference à la fraude du donneur d’ordre p. 47

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PARTIE DEUXIÈME. LA FRAUDE DOCUMENTAIRE : UNE EXCEPTION A L’AUTONOMIE CRÉDIT DOCUMENTAIRE p. 48 TITRE PREMIER. L’empêchement à la réalisation du crédit documentaire p. 49 Chapitre I. Le refus du paiement frauduleux p. 50 Section 1. La possibilité de refus du paiement frauduleux p. 50

Section 2. Le devoir bancaire de refuser le paiement frauduleux p. 55

Chapitre II. Le blocage du crédit documentaire par intervention judiciaire p. 57

Section 1. L’interdiction de paiement frauduleux p. 58

Section 2. L’éventualité d’une saisie p. 62

TITRE DEUXIÈME. Le contentieux découlant de la fraude p. 64 Chapitre I. Le remboursement des banques p. 64 Section 1. Le remboursement de la banque intermédiaire p. 65

Section 2. Le recours de la banque contre le bénéficiaire p. 71

Chapitre II. Les recours du donneur d’ordre p. 74

CONCLUSION p. 77 BIBLIOGRAPHIE p. 78 ANNEXE I Règles et Usances Uniformes de la CCI relatives au crédit documentaire p. 85 TABLE DES MATIERES p. 114

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