EVALUATION DE L’ETAT NUTRITIONNEL
Sandrine WIRAMUS
DES Anesthésie Réanimation
Marseille
Définitions
• Maigreur : poids < poids moyen habituel (constitutionnel ou pathologique)
• Malnutrition (anglais) : apports alimentaires non équilibrés (sur ou sous-alimentation)
• Cachexie : stade ultime pré mortem de la dénutrition (athrepsie si < 6 mois)
• Amaigrissement : caractère non délétère de la perte pondérale, volontaire ou non
• Dénutrition : apports ou stocks d’énergie ou de protéines insuffisants pour répondre aux besoins métaboliques de l’organisme
Dénutrition
Deux phases :
1. L’organisme s’adapte et épargne au maximum ses réserves protéiques
2. faillite d’épargne protéique qui vont alors être largement utilisées
Epidémiologie
• Dénutrition + fréquente aux âges extrêmes• Problème de santé publique : 30-50% patients
hospitalisés
Dans l’avenir : vieillissement de la population, maladies chroniques, trt invasifs incidence et sévérité de DPE
• Mais aujourd’hui : ø procédure de routine à l’admission ou durant le séjour hospitalier
+ manque de sensibilisation des soignants
Facteurs de risque de dénutrition liés à l’hospitalisation :-hospitalisation, changement d’environnement horaires des repas et leur rigidité habitudes alimentaires-Choix alimentaire limité, menus peu explicites-Manque de communication avec les soignants-Jeûnes fréquents et prolongés avant opérations ou examens-Examens à l’heure des repas
Conséquences de la dénutrition
capacités fonctionnelles qualité de vie morbidité et mortalité• Retard de cicatrisation infections secondaires
(immunodépression) durée hospitalisation et convalescence coûts thérapeutiques globaux
Pronostic de la dénutrition
Réserve protéique
100
50
anémie
Retard cicatrisation
Infections
grabataire
Risque vital
Décès si 50 % masse protéique
!!!
Traité de nutrition artificielle de l’adulte
Méthode diagnostique de dénutrition
• Aucune méthode « universelle »
• Simple
• Pratique et reproductible
• Rapide
• Peu coûteuse
• Tenir compte des particularités de la population étudiée
Outils diagnostiques à disposition
1. Clinique : anamnèse, interrogatoire, examen clinique
2. Mesures anthropométriques
3. Marqueurs biologiques
4. Évaluation biophysique
5. En pratique …
Evaluation clinique
• Interrogatoire : SF– Mémorisation,
concentration– Asthénie– Capacités physiques– Fonctions sexuelles– Aménorrhée
• SP : amaigrissement ++
• Néoplasie (65% DPE)• Malabsorption
intestinale • Maladies
inflammatoires du TD• SIDA• Insuffisance rénale
chronique et dialyse• BPCO
Mesures anthropométriques
• Indice de Masse Corporelle (IMC) ou indice de Quetelet
• Etat des réserves adipeuses sous-cutanées (70% tissu adipeux SC) avec compas spécial (adipomètre) :– Pli cutané tricipital (♂ 12mm, ♀ 25mm)Non en routine : précision et reproductibilité médiocres
• Degré de fonte musculaire (zygoma)• Circonférence musculaire brachiale• Rapport taille / hanche < 0,8 (distribution abdo
des graisses)
! Oedèmes !
Mesures anthropométriques
• IMC « normal » chez l’adulte 18,5 – 25
• Déficit pondéral en % du poids idéal et du poids de « forme » antérieur
IMC = poids / taille2 (kg/m2)
Pronostic sévère si amaigrissement > 10 % du poids du corps! Rapidité de l’amaigrissement!
!!! Dans les dénutritions protéiques pures : amaigrissement modeste du fait de
l’hyperhydratation IIaire à la dénutrition protéique !!!IMC si oedèmes ou déshydratation !!
! Perte de 10kg / décennie ou 0,1kg / année après 70 ans = physiologique
<13 : dénutrition grade IV<13 : dénutrition grade IV13,0-15,9 : dénutrition grade III16-16,9 : dénutrition grade II17-18,4 : dénutrition grade I18,5-25 : poids normal18,5-25 : poids normal25,1-30 : surcharge pondérale25,1-30 : surcharge pondérale30,1-35 : obésité grade I30,1-35 : obésité grade I35,1-40 : obésité grade II>40 : obésité grade III morbide>40 : obésité grade III morbide
Autres signes physiques
• Chute de cheveux secs et cassants• Globes oculaires saillants• Visage terne, amaigri• Peau sèche, fine, pigmentation brune • Ongles striés, déformés, cassants• Si sévère : hypertrichose, télangiectasies,
acrosyndrome, langue rouge, dépapillée douloureuse• Oedèmes ++ MI ou lombes si alitement !!• Hypotension artérielle, bradycardie• Hépatomégalie (si dénutrition protéique)• Signes digestifs et enquête alimentaire
Réanimation, 2002 ; 11 : 392-405
Tests cutanés et fonction immunologique
Anergie cutanée à plusieurs antigènes
+
Numération lymphocytaire < 3000
=
Immunodépression
NON
Créatinurie : marqueur de la masse musculaire squelettique
• Index de créatinine masse musculaire
Créatinurie 24h / créatinurie selon taille
1 kg muscle = 23 mg créatinine ♂
18 mg créatinine ♀
• Limites : données valables chez le sujet sain ≠ brûlure ou néoplasie
• Dosage difficile en pratiqueNON
Marqueurs biologiques
Principe : [protéines sériques] réserves globales protéiques
• Albumine (Alb)• Transferrine (Tf)• Transthyrétine (TTr)• Retinol Binding Protein (RBP)
Limites : hémodilution, syndrome inflammatoire, insuffisance rénale, carences en métaux, défaut de catabolisme
Albumine
• LE seul marqueur nutritionnel fiable retenu par les conférences de consensus : morbi-mortalité si < 35 g/l
• [Alb sérique] = 35 – 50 g/l• Demi-vie : 20j évolutions à long terme• Protéine de transport = 80 % POncotique• Si N : état nutritionnel bon ≠ si aN : DPE ?• ! si inflammation (CRP ++), insuff
hépatocellulaire, pertes glomérulaires ou digestives, âge, hémodilution (Ht et/ou πté ++)
OUI
Anaes, Evaluation diagnostique de la dénutrition protéino-énergétique des adultes hospitalisés, sept 2003
Transferrine (β1 globuline)
• [C] sérique normale 2 – 4 g/l
• Transport des métaux (Zn, Cu, Ma)
• Demi-vie 10j
• Se >>> Spe carences martiales
NON
Transthyrétine (pré-albumine)
• Transport des hormones thyroïdiennes
• Demi-vie 2j évolution à court terme
• [C] sérique 250 – 350 mg/l
• Se >>> Spe : insuff hp et inflamm (CRP++)
• 100-200 mg/l : dénutrition modérée ?
• <100 mg/l : dénutrition sévère ?
OUI +/-
RBP (α2 globuline)
• [C] sérique 45 – 70 mg/l
• Demi-vie de 12h : marqueur précoce mais dosage difficile ++
si insuff rénale, ou thyr, inflamm, prise de contraceptifs oraux, corticoïdes ou anti-convulsivants
• Peu Spe ; si [C] N alimentation équilibrée en Zn, vit A et tryptophane
NON
Fibronectine
• [C] sériques 300 – 400 mg/l
• Très sensible aux enzymes protéolytiques dosage difficile
• Rôle de marqueur nutritionnel ???
NON
Prot Albumine transferrine Transthyrétine RBP
½ vie 20 j 10j 2j 12h
[C] sér
35 – 50
g/l2 – 3,5 g/l 250 – 350 mg/l
45 – 70 mg/l
Inflamm Insuff Hp pertes dig ou rénales
âge
Inflamm
Insuff hp
Sd néphrot
Antibio
Insuff hp
Inflamm
Jeûne
Grossesse
Hyperthyroïdie
Zn, azote, rétinol
Hyperthyr
Insuff hp
déshydrat
Fer
oestrogène
Insuff rénale
Hypothyroïdie
déshydratation
alcoolisme
Insuff rénale,
thyr
Inflamm
Médt
alcoolismeMarqueurs de l’anabolisme protéique
Marqueurs du catabolisme protéique
• 3-Méthylhistidine (3-MH)Libérée par catabolisme musculaire = 3-MH / créatinurie 24h ≈ 1% / jIndépendant âge et du sexeSi dénutrition chronique Hypercatabolisme protéique ou renutrition Bon indicateur du métabolisme protéiqueMais ++ / muscles et apport carnéDosage difficile : recherche clinique ++
NON
• Bilan azoté = entrées – sorties
Entrées = prot alim ou AA si NA (g/24h) x 0,13Sorties = pertes urin>>dig>cut : urée urinaire
(mmol/24h) x 0,036Contenu en azote des protéines ≈ 16 % Si >0 : anabolismeSi <0 : catabolismeValable si pool d’azote circulant stable (urée sg
stable)Intérêt : suivi de l’efficacité d’une nutrition
artificielle
• Isotopes stables : perfusion continue de leucine-C13, méthode de référence
Leucine alimentation ou dégradation protéique
À jeun, prot ≈ 8% leucine
Estimation des vitesses de dégradation protéique
NON
Composition corporelle
• Modèles à 2 compartiments : masse grasse (MG) / masse maigre (MM)
•Modèles à 4 compartiments :
masses grasse, osseuse,
protéique et eau
(intra et extra-cellulaire)
COMPOSITION CORPORELLE METHODE LIMITES
Densimétrie Pesée hydrostatique principe d’Archimède
Densité MG = 0,9
Densité MM = 1,1
HydratationMM
Absorptiométrie biphotonique Irradiation corporelle totale avec photons à 2 énergies : calcul absorption des tissus
Ne renseigne pas sur les compartiments hydriques
Dilution isotopique Eau totale mesurée par deutérium (H2O18)
MM = vol eau x 73 %
Prix très élevé des isotopes
Résonance Magnétique Nucléaire Détection des radicaux méthyls de la graisse par résonance des protons
coût et durée mesures très élevés
Tomodensitométrie Masse et évolution MG localisées, ++ abdo
Irradiation ++
Durée mesures longue
Activation neutronique Bombardement corps entier par neutrons isotopes radioactifs à spectre d’activité
spécifique dont azote protéique
Irradiation ++
Coût ++
Non utilisé en France
Impédance bioélectrique Courant électrique dans tissus certaine résistance spécifique de leur
structure
MM = très conducteur, faible résistance
MG = peu conducteur, résistance élevée
Hypoth : corps humain cylindrique
++ impédance multifréquence
segmentaire
Impédancemétrie multifréquence segmentaire :Technique simple, rapide, précise, non invasive,
peu coûteuseAppareils légers et transportables
Marqueurs hormonaux
• GH, IGF-1 activation de protéines
• Demi-vie plasmatique = 2-4 h
• ++ mise en évidence d’un dysfonctionnement métabolique
Et suivi de l’efficacité d’une thérapeutique nutritionnelle
Ø dosage en pratique courante et ø valeur seuil
NON
Indices de l’état nutritionnel
• Pronostic inflammatory and nutritional index (PINI), Ingenbleek et Carpentier
• Index Nutritionnel Pronostique (INP), Buzby et coll.
• Index de Buzby ou Nutritional Risk Index (NRI)
• Minimal Nutritional Assessment (MNA)
PINI
• Pour corriger les fluctuations des protéines nutritionnelles en fonction de protéines inflam :
• <1 : pas de risque• 2-10 : risque faible• 11-20 : risque modéré• 21-30 : risque élevé • > 30 : risque vital
CRP (mg/l) x orosomucoïde (mg/l)
Albumine (g/l) x transthyrétine (mg/l)
PINI = 1
Risque de complications(infectieuses++)
! Calculer simultanément l’osmolarité plasmatique ! ! risque de surévaluer si inflammation ++ !
! Etudes sur volontaires Sains et jeunes !NON
INP
• Index multiparamétrique :– Albumine plasmatique (Alb)– Pli cutané tricipital(PCT)– Transferrine (Tf)– Hypersensibilité cutanée à 3 antigènes (HSC)
INP = 158–16,6x[Alb]–0,78x[PCT]–0,20x[Tf]-5,8[HSC]• >60 : haut risque• 30-60 : risque intermédiaire• <30 : risque bas nutritionnel
Incidence de décès,Complications et infections
Difficiles en pratique !
NON
NRI
• NRI = (1,519 x Alb) + 0,417 x poids actuel (%)
poids habituel
• NRI > 100 : patients non dénutris• NRI > 97,5 : faiblement dénutris• NRI 83,5 – 97,5% : modérément dénutris• NRI < 83,5% : sévèrement dénutris
But : identifier les patients qui bénéficieraient d’un support nutritionnel pré-opératoire pour éviter les complications post-opératoires.
OUI +/-
MNA
• Questions sur la vie quotidienne
• Trt médicamenteux
• Mobilisation physique
• Poids, taille, perte pondérale
• Questions diététiques (nb repas, apports)
• Évaluation subjective de l’état de santé et de nutrition
>24 : état nutritionnel adéquat17-23,5 : risque de DPE<16,5 : sous-nutrition
Pour > 65 ansSe > 98 %Spe > 100 %
OUI
• Ca, Mg, Ph : composition de la renutrition
• Vitamines : dosages coûteux et longs ; utiles si suspicion clinique de carence spécifique (scorbut, béribéri,…)
• Bilan martial : routine ++ si anémie
Appréciation globale subjective de l’état nutritionnel de Detsky
(SGA)• Anamnèse :
– Évolution récente du poids– Ingesta– Troubles digestifs
• Examen clinique : – Appréciation subjective des réserves adipeuses sc et
des muscles– Oedèmes
• Evaluation subjective d’un stress métabolique• Ø anthropométrie ou biologie
A : non dénutriB : modérément dénutriC : sévèrement dénutri90% reproductibilité, Se 96%, Spe 83%Entraînement des examinateurs ++Corrélé au NRI de BuzbyBonne identification des malades pouvant bénéficier de nutrition préopératoire
OUI
Conclusion : Evaluation de l’état nutritionnel
• Aucun examen ou paramètre isolé ne peut caractériser de façon fiable l’état nutritionnel convergence d’un faisceau d’informations
• Biologie (Alb) et anthropométrie insuffisants
• Indices nutritionnels : NRI, MNA sévérité assistance nutritionnelle suivi par bilan azoté
En pratique …
• Pour tout patient lors de son admission à l’hôpital, en plus de la routine :– Anamnèse nutritionnelle – Dosages plasmatiques : Alb, CRP, urée, bilan
hépatique (transthyrétine ?)– Mesure de composition corporelle par
impédancemétrie bioélectrique (50kHz) – Poids, taille, IMC, +/-MNA
5 mn
10 mn
Nouvelle réglementation hospitalière française : CLAN (Comités de liaison alimentation-nutrition) pour l’optimisation
des stratégies de diagnostic et de trt des DPE
• Formation et sensibilisation des soignants à la dénutrition
• Dans chaque service : outils diagnostiques et thérapeutiques personnalisés
• Si longue hospit : renouveler l’évaluation
• Bénéfices +++ en terme de durée de séjour, morbi-mortalité et coût
Dépistage de la dénutrition chez l’adulte en réanimation
IMC <18,5Perte poids sign
TTr<110mg/lCRP>50mg/l
NON OUI
NRI de Buzby
>97,5Pas de dénutrition
83,5-97,5Dénutrition modérée
<83,5Dénutrition sévère
STOPTTr 2/sem
Nutrition artificielle+/- pharmaconutriments
TTrmg/l
50-110 <50
Facteurs aggravants :-Sepsis
-- polytauma-- ialimentation impossible
NON OUI
Surveillance diététique +/- NA
Niv 1 J1
Niv 2 J2
Niv 3 J3
Journal de la Société française de nutrition entérale et parentérale, déc 2003, vol17, n°4, Hasselmann et coll
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