Master professorat des écoles
et métiers de l'enseignement
Estime de soi & Climat de classe à l’école
primaire
Anita Gloaguen
Camille Le Bihan
Année 2011-2012 Directeur de mémoire : André Zeitler
consultation et diffusion du mémoire professionnel
Autorisation des étudiants :
Si le jury d’évaluation du mémoire émet un avis favorable pour la consultation de mon écrit
professionnel, j’autorise sa diffusion en médiathèque : OUI NON
Signatures : Gloaguen Anita – Le Bihan Camille
Date : ……………………………….…………………
Avis du jury de soutenance du mémoire professionnel :
Le jury estime-t-il que le mémoire peut faire l’objet d’une consultation en médiathèque par les futurs
étudiants et enseignants ? OUI NON
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Sommaire
Remerciements ........................................................................................................................... 3
1. Introduction ......................................................................................................................... 4
2. Cadre théorique ................................................................................................................... 5
2.1. Définition du concept de soi : ...................................................................................... 5
2.2. Concept de soi physique .............................................................................................. 6
2.3. Estime de soi ................................................................................................................ 8
2.4. Motivation scolaire et estime de soi ............................................................................ 9
2.5. Climat motivationnel ................................................................................................. 10
2.6. Ergonomie cognitive .................................................................................................. 10
3. Problématique ................................................................................................................... 11
4. Méthodologie .................................................................................................................... 12
4.1. Participants et situation .............................................................................................. 12
4.2. Recueil des données ................................................................................................... 12
4.3. Analyse des données .................................................................................................. 14
5. Interprétation et discussion des données : ......................................................................... 24
5.1. Elève n°1.................................................................................................................... 24
5.2. Elève n°2.................................................................................................................... 25
5.3. Elève n°3.................................................................................................................... 26
5.4. Elève n°4.................................................................................................................... 27
5.5. Synthèse ..................................................................................................................... 28
6. Praxiologie ........................................................................................................................ 29
7. Conclusion ........................................................................................................................ 33
8. Bibliographie ..................................................................................................................... 34
3
Remerciements
Ce mémoire à été effectué dans le cadre du Master 2 MEF PE « Professeur des écoles ».
Nos remerciements vont à l’ensemble de l’équipe pédagogique de l’école du Moulin à
Gouesnou, et tout particulièrement à Catherine Douphis pour son accueil et sa
générosité.
Nous remercions aussi les enfants de la classe de CM2 qui nous ont accueillies avec une
très grande gentillesse. Notamment les élèves qui se sont portés volontaires pour mener à
bien notre étude.
Nous remercions également André Zeitler pour nous avoir suivies et aidées tout au long
de cette année.
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1. Introduction
A la lecture des Instructions Officielles de l’école maternelle au lycée, nous avons pu
faire quelques constats. A l’école maternelle « le véritable moteur de la motivation des élèves
réside dans l’estime de soi que donnent l’apprentissage maîtrisé et l’exercice réussi » ; « à la
fin de l’école maternelle l’enfant est capable de : éprouver de la confiance en soi ; contrôler
ses émotions ». A l’école élémentaire « les élèves étudient plus particulièrement les sujets
suivants : l’estime de soi, le respect de l’intégrité des personnes, y compris de la leur ».
(Bulletin officiel n°3 du 19 juin 2008). Enfin, selon les programmes d’Education Physique et
Sportive du collège et du lycée, cette discipline permettrait « le développement et la
mobilisation des aptitudes et ressources de chaque élève, éléments déterminants de sa réussite,
de son aisance et de l’estime qu’il a de lui-même. » « L’EPS a le devoir d’aider tous les
collégiens, filles et garçons, à acquérir de nouveaux repères sur soi, sur les autres, sur
l’environnement, de nouveaux pouvoirs moteurs pour construire une image positive de soi »
(Programme d’EPS au Collège. Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008) ou encore «
l'équilibre et le développement personnel, la réalisation de soi. » ; « L’EPS permet à l’élève
[…] de développer l’image et l’estime de soi pour construire sa relation aux autres. […] Elle
doit amener l’élève à bâtir une image positive de son corps ». (Programmes d’Education
physique es sportive pour les lycées d’enseignement général et technologique. Bulletin
officiel spécial n° 4 du 29 avril 2010).
Ces extraits des programmes nous invitent à penser que la notion d’estime de soi
pourrait être un enjeu important en EPS. Ils mettent en avant la relation entre l’EPS et la
construction personnelle des individus. De plus, nous pensons que l’estime de soi détermine le
choix, l’engagement et la persistance des individus dans une activité. Elle serait donc liée à la
notion de motivation. Plusieurs auteurs viennent appuyer nos propos. Pour Anne Hébrard : «
La principale source de motivation de l'individu est la recherche de l'estime de soi, nécessaire
à la construction d'une "identité personnelle positive. » (Revue EPS n° 243, 1993). Jean-Pierre
Famose, quant à lui, précise : « C’est le maintien, le développement ou encore la protection de
l’estime de soi qui peuvent le plus fortement influencer le comportement motivationnel dans
les APS ». Il convient alors de s’interroger sur les liens spécifiques qu’entretiennent les
notions d’estime de soi et de motivation dans le cadre de l’EPS ainsi qu’à l’intérieur du
contexte scolaire en général.
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2. Cadre théorique
2.1. Définition du concept de soi :
Les théories de la conception de soi occupent actuellement une place privilégiée à
l’intérieur de la psychologie de l’éducation et intéressent de plus en plus les chercheurs, les
enseignants, les psychologues et les étudiants. Le précurseur de cette notion est le
psychologue, Williams James (1909), qui a été le premier à élaborer le concept de soi comme
l’articulation dynamique entre le soi qui voit (le sujet) et le soi qui est vu (l’objet). Il a, de
plus, mis en évidence que le soi a comme caractéristiques principales d’être
multidimensionnel et hiérarchique. Il a ouvert la voie aux modèles du concept de soi les plus
avancés, notamment le modèle de Shavelson, Hubner et Stanton (1976) qui est une
actualisation de la théorie de James. Ils ont identifié plusieurs caractéristiques essentielles
dans leur définition du concept de soi, nous allons développer les plus importantes.
Premièrement, le soi est multidimensionnel, c’est à dire que les visions que l’individu
a de lui même sont structurées et organisées en plusieurs catégories, incluant divers domaines
tels que le scolaire, le social et le physique. Cela permettant le traitement de l’information par
l’individu.
Ensuite, outre sa multidimensionnalité, le concept de soi est un modèle ordonné de
façon hiérarchique. Les perceptions globales de soi (ou concept de soi global) se situent au
sommet de la hiérarchie, les inférences sur soi dans un domaine plus large (e.g, sentiment de
compétences sociales, scolaires, sportives) en son milieu, puis à sa base nous trouvons des
perceptions relatives à un comportement particulier (expériences individuelles dans des
situations particulières). La figure 1 (Modèle multidimensionnel et hiérarchique du concept de
soi selon Shavelson et al, 1976 – (Annexe p.I)), illustre cette théorie, en allant du sommet vers
le bas de la hiérarchie la structure devient progressivement différenciée. Le concept de soi se
divisant en deux branches : la branche académique comprenant quatre facettes relatives au
scolaire (français, mathématiques, histoire et sciences) et la branche non académique
contenant trois sous domaines, les concepts de soi émotionnel, physique et social.
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Le concept de soi devient multidimensionnel avec l’âge, c’est à dire lorsque l’individu
croît de l’enfance à l’âge adulte, le concept de soi est donc développemental. Les jeunes
enfants ont pour caractéristique de ne pas se distinguer eux mêmes de leur environnement,
leurs concepts de soi sont alors globaux, indifférenciés et spécifiques aux situations. C’est
seulement en grandissant et avec l’acquisition du langage que le concept de soi devient
différencie et intégré dans un modèle hiérarchique et multidimensionnel.
Les croyances sur soi sont également plus ou moins stables en fonction de leur niveau
dans la hiérarchie. Le concept de soi global, au sommet de la hiérarchie, est stable. Cependant
plus l’on descend celui-ci dépend de plus en plus de situations spécifiques et est donc plus
changeant. A la base de la hiérarchie les perceptions de soi varient beaucoup en fonction des
fluctuations des situations. Elles peuvent alors être atténuées par les conceptualisations aux
niveaux supérieurs, et au contraire, le concept de soi global peut aussi être affecté par une
grande variété de situations spécifiques.
Enfin, le concept de soi présente un caractère descriptif et évaluatif, de telle sorte que
les individus peuvent se décrire eux-mêmes (e.g, je ne suis pas sportif) et s’évaluer eux –
mêmes (e.g, je suis bon au basket-ball). L’individu va se juger par rapport à des normes, à un
« idéal » ou bien à des critères relatifs comme ses pairs. Cela reflète donc une certaine
dimension affective dans laquelle les perceptions de soi peuvent donner lieu à des réactions
émotionnelles ou affectives (e.g, honte, fierté…). Cet aspect évaluatif et affectif est censé
refléter l’estime de soi. Avoir une belle apparence physique et être bon en sport sont des
caractéristiques fortement valorisées. Ainsi, se concevoir soi même comme attirant(e) et
habile n’est pas seulement descriptif, cela entraîne aussi des réponses affectives positives qui
peuvent être généralisées. Le sens individuel de valeur personnel ou estime de soi est donc
dans une certaine mesure dépendant de l’importance des composants descriptifs du concept de
soi de l’individu dans différents domaines (Rosenberg, 1979).
2.2. Concept de soi physique
Les travaux réalisés concernant le concept de soi physique sont principalement les
résultats de recherches sur l’image du corps et de sa relation à l’estime de soi globale.
Cependant les différents domaines du soi physique ont mis un certain temps à être clairement
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identifiés. Le concept de soi physique a été décrit au début comme étant généralement
composé de deux sous domaines : l’Apparence physique et la Compétence sportive. Il a fallu,
notamment, attendre les travaux de Fox et Corbin (1989) et de Marsh et al. (1994) pour avoir
une vue plus détaillée sur cette question et assister à l’apparition de nouvelles composantes.
En ce qui concerne notre étude nous nous intéresserons essentiellement au modèle de Fox et
Corbin.
Les perspectives développées par Fox (1997) ont différentes origines qui incluent les
sciences médicales, la psychologie clinique et sociale, la sociologie l’éducation physique,
l’exercice et les sciences du sport. D’après Fox et Corbin (1989), les composants de la
perception de soi sont centraux dans les théories et modèles des comportements dans le sport
et l’éducation physique. Ils ont spécifiquement travaillé sur un modèle sur le soi dans le
domaine physique et ont proposé un modèle multidimensionnel et hiérarchique de la
perception du soi physique en se basant essentiellement sur les recherches de Harter (1985),
Marsh et Shavelson (1985) et en suivant la structure de la théorie du concept de soi proposée
par Shavelson, Hubner et Stanton (1976).
Cette structure, représentée dans la figure 2 (Modélisation hiérarchique de l’estime de
soi dans le domaine corporel, Fox et Corbin, 1989 – (Annexe p.I)), est composée au sommet
de l’estime de soi globale, puis juste au niveau en dessous, de la valeur physique perçue ou
valeur de soi physique La valeur physique perçue (physical self worth) est constitué d’items
reflétant les sentiments de fierté, le respect de soi, la satisfaction et la confiance dans le soi
physique (Fox et Corbin, 1989). Fox et Corbin (1989) distinguent ensuite quatre sous-
domaines rattachés séparément à la valeur physique perçue, la compétence sportive (sport
competence), la condition physique (physical condition), l'apparence physique (body
attractiveness) et la force (perceived strength). L'auto-évaluation de la compétence sportive
correspond chez un individu à la perception de ses aptitudes sportives, de sa capacité à
apprendre de nouvelles habiletés sportives et à sa confiance dans l'environnement sportif. La
condition physique se rapporte à la perception de son niveau de condition physique,
d'endurance et de forme et de sa capacité à maintenir un effort. L'apparence physique relève
de l'auto-évaluation de l'attrait du physique et de la capacité à maintenir un corps séduisant.
La force catégorise la perception de la force physique, du développement musculaire et de la
confiance dans les situations exigeant de la force.
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Ces quatre du concept de soi physique peuvent être divisées à leur tour en domaines
encore plus spécifiques. Fox (1990) a proposé la décomposition des domaines de compétence
sportive et d’apparence physique que l’on peut voir dans la figure 3 (Représentation de la
structure hiérarchique du concept de soi physique selon Fox, 1990 – (Annexe p.I)). Cette
représentation, comme nous pouvons le voir, est nichée à l’intérieur d’une conception
générale du concept de soi.
2.3. Estime de soi
Comme nous l’avons vu précédemment, l’estime de soi reflète le caractère évaluatif du
concept de soi. Elle désigne donc le processus par lequel une personne porte des jugements
positifs ou négatifs sur lui-même, ses performances, ses capacités. Selon Coopersmith (1967,
p. 4-5), l’estime de soi est « l’évaluation que l’individu fait et qu’il entretient habituellement :
elle exprime une attitude d’approbation ou de désapprobation, et indique le degré selon lequel
il se croit lui-même capable, important, en pleine réussite et digne. En bref, l’estime de soi est
un jugement personnel de mérite qui s’exprime dans les attitudes que l’individu véhicule vers
les autres par des communications verbales et par d’autres comportements expressifs ».
« L’estime de soi reflète également la discrépance (=l’écart) perçue entre le soi réel et
le soi idéal » (Rosenberg, 1979).
Une amélioration de l’estime de soi peut donc être possible soit par l’élévation du
concept de soi actuel, soit par la réduction du concept de soi idéal. Pour S. Harter (1996),
l’estime de soi ne dépend pas que de l’évaluation du soi, elle dépend aussi de l’importance du
domaine aux yeux du sujet. Cette importance augmente la valeur du soi idéal. Il ne suffit pas
de se sentir compétent pour ressentir une émotion de joie ou de fierté, encore faut-il valoriser
la compétence dans le domaine concerné. Un élève en EPS peut se décrire comme pas « très
bon » en sport et donc avoir un concept de soi physique bas. Mais s’il considère le domaine de
la compétence en sport comme peut important, son estime de soi sera très peu affectée.
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L’estime de soi est composée de différents domaines, Harter (1987) en a identifié
cinq : la compétence scolaire, la compétence sportive, l’acceptation sociale, la conduite
comportementale et l’apparence physique. Le dernier domaine, pour cet auteur, est celui le
plus fortement lié à l’estime de soi. « L’estime de soi globale est liée aux évaluations dans le
domaine de l’apparence physique. Tout au long de la vie, les corrélations entre l’apparence
physique perçue et l’estime de soi sont exceptionnellement hautes et robustes (…),
« l’évaluation de sa propre apparence physique prend la prévalence sur tous les autres
domaines prédicteurs de l’estime de soi », Famose (2005).
Tandis que le concept de soi paraît être un modèle relativement large comprenant des
aspects cognitifs, affectifs et comportementaux, l’estime de soi est supposée être un
composant évaluatif, et donc affectif, plus limité à l’intérieur du concept de soi (Blacowich et
Tomaka, 1991 ; Wells et Marwell, 1976). Pour J-P Famose, F. Guérin et P. Sarrazin (2005)
« cela signifie être plus ou moins fier de soi et de son comportement. Autrement dit, l’estime
de soi fait référence au jugement qualificatif et au sentiment attaché à la description qu’on
assigne au soi ». Ces déclarations conceptuelles des caractères distinctifs des concepts de soi
et estime de soi, nous a conduit à utiliser dans notre travail le concept « estime de soi », ce
terme sera employé de manière permanente dans notre travail. En effet, c’est le caractère
évaluatif de l’estime de soi qui nous amène à le retenir.
2.4. Motivation scolaire et estime de soi
Les définitions de la motivation sont multiples, en effet c’est un concept complexe.
Les caractéristiques de la motivation sont nombreuses et regroupent de nombreuses notions.
Notre présent travail nous a amené à retenir la notion de motivation scolaire. En effet
plusieurs auteurs ont établi un lien entre la connaissance de soi et cette motivation. Les
psychologues cognitivistes mettent en avant l’importance de l’engagement du sujet dans le
processus motivationnel, pour eux « la motivation scolaire est essentiellement définie comme
l’engagement, la participation et la persistance de l’élève dans la tâche » (Tardif 1992).
L’engagement dans les apprentissages, la persévérance dans les tâches sont donc des éléments
importants de la motivation scolaire.
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D’autres auteurs insistent également sur le fait que le comportement de l’élève dépend
de facteurs internes, mais que leur origine se trouve dans l’environnement. Viau (1997), à
partir des conceptions développées par Bandura (1986) évoque l’importance des interactions
entre les facteurs personnels, comportementaux et environnementaux. Pour lui « la motivation
en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève
à de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à
persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but ».
2.5. Climat motivationnel
En nous référant aux théories citées précédemment, l’estime de soi se construit à
travers les interactions sociales, le regard des autres est montré comme un paramètre essentiel.
Le « climat motivationnel » fait l’allusion à l’environnement psychologique de la classe, qui
oriente les buts et les motivations de l’élève (Ames, 1992). Cette variable est assez similaire à
celle de « contexte », utilisée dans les travaux récents en psychologie de l’éducation (Monteil
& Huguet, 2002 ; Drozda-Senkowska & Huguet, 2003). Le climat motivationnel revoit
également aux « critères qui sont projetés sur les individus par un entraîneur, un professeur,
un parent… à l’intérieur du contexte de réalisation (Roberts, Treasure, 1999).
Il existe deux types de climat motivationnel (Ames 1992) : climat de maîtrise et climat
de compétition. Ames a utilisé les variables d’Epstein (1988) pour distinguer les éléments
constituants de ces deux types de climat (Annexe p.II). Celles-ci sont résumées dans
l’acronyme TARGET, pour Tâche (nature et structure du matériel à apprendre), Autorité
(délégation ou non de certaines prises de décisions aux élèves), Reconnaissance
(renforcement des comportements valorisés par l’enseignant), Groupement (organisation et
fréquence des regroupements), Évaluation (modalité et standard pour la notation) et Temps
(gestion du temps d’apprentissage).
2.6. Ergonomie cognitive
L’analyse ergonomique s’est développée pour prendre en compte les aspects de
perception, de réflexion et de prise de décision dans le travail. Elle a pour finalité d’améliorer
l’environnement de travail afin que les personnes puissent travailler plus efficacement avec plus
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de confort et en faisant moins d’erreurs. Les démarches d’analyse ergonomique ont pu s’intéresser
à d’autres finalités que l’amélioration des conditions de travail et de l’interaction homme-
machine. En lien avec cette démarche, une « ergonomie de la formation » s’est développée. Là, il
ne s’agit plus de tenter de comprendre ce qui organise l’activité de travail pour construire la
formation, mais de comprendre comment les acteurs de la formation font fonctionner le système
de formation afin de le rendre plus efficace, confortable et sécurisé. A. Zeitler (2011) définie ce
qu’il appelle une « ergonomie des situations de formation ». L’idée centrale est d’étudier l’activité
d’apprentissage des apprenants en situation de formation en utilisant les méthodes de l’analyse
ergonomique, pour comprendre ce qui dans cette situation facilite ou au contraire limite les
apprentissages. Il est nécessaire d’avoir un dispositif qui permette à l’apprenant de faire état de ce
qui l’organise dans le cours même de l’action. L’un d’eux sera présenté dans notre partie
« méthodologie ».
3. Problématique
Théoriquement nous avons pu constater que le contexte scolaire et l’estime de soi
étaient intimement liés. Nous allons donc nous intéresser à la façon dont le climat de classe
peut se répercuter sur l’image de soi des élèves. Nous tenterons donc de répondre aux
questions suivantes :
- En quoi le climat de classe participe-t-il en partie à la construction de l’image de
soi ?
- Quels types de climat peuvent favoriser ou non l’image de soi positive ?
- Quels sont les éléments fondamentaux du climat de classe influençant l’image de
soi en cours d’action ?
Il conviendra également de montrer que le climat motivationnel instauré par
l’enseignant dans sa classe constitue une variable importante à analyser pour comprendre
l’investissement motivationnel des élèves à l’école.
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4. Méthodologie
4.1. Participants et situation
L’étude a été menée en collaboration avec quatre élèves de CM2 de l’école
élémentaire du Moulin à Gouesnou. Le projet a été présenté à la classe entière quelques jours
avant la séance d’EPS que nous devions observer. Ces quatre élèves se sont portés volontaires
pour être observés et interviewés. Nous les avons observés lors de leur première séance de
body percussion, la séance est menée par un intervenant extérieur. Le body percussion est une
activité artistique qui utilise le corps comme instrument de musique. Les percussions
corporelles sont effectuées de telle sorte à produire des rythmes ou des mélodies. A la lecture
des progressions en EPS parues le 5 janvier 2012 pour l’école élémentaire, cette activité peut
être intégrée dans la compétence « concevoir et réaliser des actions à visées expressive,
artistiques et esthétique ». En effet, la body percussion permet aux élèves de s’exprimer
corporellement de façon libre, seul ou en groupe ; de s’exprimer en suivant différents types de
rythmes sur des supports variés (dans cette activité : son propre corps, celui des autres, le sol).
La prise de donnée a été effectuée dans des classes de cycle 3 de préférence en CM2.
Avant 8 ans, la véritable estime de soi est « inconsciente » parce que les capacités
intellectuelles de l’enfant ne sont pas encore assez développées pour qu’il puisse avoir un
regard critique sur lui-même et accéder à un monologue intérieur (André et Lelord, 1999;
Harter, 1998). La pensée du tout-petit est trop égocentrique et son concept de soi est limité à
l’activité qu’il vient de vivre. Il est circonscrit dans un temps récent ainsi que dans un espace
précis. Vers huit ans, avec l’apparition de la pensée logique, l’enfant devient capable de
récupérer des images de soi provenant de ses expériences passées et de les intégrer afin de
constituer son estime de soi. À cet âge, l’enfant est capable de conceptualiser une
représentation psychologique globale de lui–même (Harter, 1998 et André et Lelord, 1999).
4.2. Recueil des données
Pour mener à bien notre travail nous avions décidé de mener des entretiens
d’autoconfrontation. Ce type d’entretien doit permettre à l’élève interrogé de retrouver ce qui
à organiser son activité passée en lui présentant des traces de celle-ci. Il s’agit d’un « entretien
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de remise en situation par les traces matérielle » (Theureau, 2010). Il est recommandé
d’utiliser la vidéo afin que les traces de l’activité soient les plus précises possibles pour que
les élèves accèdent plus facilement à la face interne et subjective de leur activité en lien avec
leur environnement.
Deux types de donnée devaient être recueillies : des enregistrements vidéo des élèves
au cours d’une situation d’apprentissage et des données de verbalisation à postériori. Les
données d’enregistrement en situation devaient être recueillies au moyen d’une caméra
numérique, placée en plan fixe. Ce dispositif nous permettant d’enregistrer en continu les
actions des élèves volontaires au cours de l’exécution de la tâche. Les données de
verbalisation devaient être récupérées à postériori, au cours d’entretiens d’autoconfrontation
individuels avec les élèves. Malheureusement, nous avons été confrontées à de nombreux
refus de la part des enseignants. Ils refusaient d’être filmés en classe.
Afin de remédier à ce problème, nous avons été dans l’obligation de trouver une
solution pour mener à bien notre recueil de données. Nous avons décidé de construire un
tableau pour nous permettre de faciliter notre observation de l’action, en nous focalisant sur
les actions de l’intervenant et des élèves observés (Annexe p.III). Le déroulement de la séance
a été enregistré à l’aide d’un dictaphone, pour nous faciliter par la suite, le travail de
retranscription. Ensuite nous avons mené deux entretiens chacune, les entretiens ont été
réalisés directement après la séance et ont duré entre 7 et 9 minutes environ. Nous les avons
enregistrés à l’aide d’un dictaphone. Les entretiens d’explicitations ont eu lieu dans deux
salles différentes, le dictaphone était posé sur la table entre l’étudiante et l’élève. A partir de
nos observations de la séance nous les avons amenés à revenir sur des moments clés de la
séance.
Dans notre étude nous nous intéressons plus particulièrement à l'estime de soi et la
motivation des élèves. Or ces deux concepts sont mis en avant par l'intermédiaire des unités
élémentaires dans la théorie du signe hexadique de Theureau (2000). C'est pourquoi nous
retiendrons uniquement cette composante du signe hexadique. Ainsi lors de nos entretiens
d'explicitation avec les élèves nous avons suivi les questions suivantes :
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UNITES ELEMENTAIRES : QUESTIONS
Action : pour savoir ce qu’il fait de son point de
vue
- qu’est-ce que tu fais là ?
- qu’est-ce que tu dis, à qui ?
Émotion : pour savoir l’état émotionnel de
l’apprenant
- comment tu te sens
- qu’est-ce que tu ressens ?
- comment vis-tu ça ?
Interprétation : pour savoir comment l’apprenant
voit la situation
- quelle est la situation à ce moment ?
- qu’est-ce que tu te dis ?
- comment vois-tu la situation ?
- qu’est-ce qui se passe là ?
Avant de commencer notre observation lors de la séance de body percussion, nous
avons fait un point avec les élèves pour leur rappeler ce que nous allions faire. Ensuite avant
de débuter l’entretien, nous avons établi un contrat avec eux (individuellement) afin de les
mettre à l’aise et de leur certifier que rien de ce qu’ils pourraient dire ne sortirait du cadre de
notre recherche. Que personne n’aurait accès à leurs dires et qu’il n’y avait pas de « bonne »
réponse. De plus, il était important de ne pas avoir de lien d’autorité avec les enfants.
4.3. Analyse des données
Afin d’analyser nos données nous avons retranscris nos entretiens un tableau (Annexe
p.III). Ce tableau nous permet ainsi de relier les différents moments clés de la séance observée
aux verbalisations à postériori des élèves interrogés. Il s’agissait d’une première mise en
forme de nos données brutes. Nous avons complété ce tableau pour chaque élève (Annexes
p.IV à XXX). Comme pour les entretiens, nous nous sommes chargées chacune des
retranscriptions des entretiens que nous avions menés. Ce qui peut expliquer quelques
différences concernant la description des moments significatifs de la séance observée et en
fonction de ce que les élèves avaient pu faire.
Lors de la retranscription de nos nous nous sommes rendues compte que nos données
étaient intéressantes dans la mesure où nous pouvions remarquer des éléments significatifs en
15
terme de retours sur l’expérience vécue par chacun. Néanmoins, nous pensons que nous
aurions pu aller plus loin dans l’explicitation. Il aurait fallu creuser un peu plus afin d’avoir
des données d’une meilleure qualité.
Ensuite, afin de faciliter l’analyse de nos données, nous avons construit deux tableaux.
Observables du climat de classe Expérience subjective ressentie par les élèves
Eléments significatifs décrivant le contexte.
Recueil des données à partir des
retranscriptions de l’entretien individuel de
chaque élève. Valeur subjective, positive ou
négative que l’élève a de lui-même et de ses
actions. Croyances personnelles, jugements
de soi…
Image de soi « Ensemble des idées qu’un individu a sur
lui-même, y compris son rôle, ses traits de
caractères et son corps » (Argyle, 1994).
Caractéristiques de l’image de soi propre à
chaque élève en fonction de sa faculté à se
juger, à croire en lui-même.
Caractéristiques du climat
Description du climat de classes à partir des éléments concrets observés lors de la séance, mis en
relation avec les domaines du TARGET
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Observables du climat de
classe
Expérience subjective ressentie par l’ensemble
Elève 1 Elève 2 Elève 3 Elève 4 Yanis
Prise de contact rapide et
empathique (ça va tout le
monde bientôt le weekend..)
Mise en route des élèves
quasi immédiate
Demande d’une prestation
individuelle publique après 2
à 3 minutes d’essais
Elle se sent intimidée (je me
sentais un peu toute petite, je
suis timide)
Ne se sent pas stressé (j’étais
pas stressé, j’étais normal)
Se sent bien (je me suis sentie
plutôt à l’aise)
Anticipe positivement le fait
de se montrer aux autres (je
me suis dis tout de suite que
j’allais adorer parce que c’est
un truc que j’aime bien)
Mais ressent quelques
difficultés liées à la tâche (bah
quand, quand, il, il nous
montrait et puis y’avais
plusieurs choses mélangées, et
euh, j’avais des petits
problèmes avec ça…)
Evaluation négative de sa
prestation (je me suis un peu
raté… y’a un pas que j’ai
raté) qui entraîne une
évaluation négative de soi…
(je me suis dis je suis pas
terrible)
Sentiment de honte du au
caractère public de l’activité
(c’est un peu gênant quoi.
bah parce que devant tout le
monde euh c’est quelque
chose euh, ça fait bizarre…
J’ai presque… Ca fait un tout
petit peu honte quoi)
Sait que les autres ne le juge
pas forcément mais leur
regard le dérange (bah nan
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c’est euh, bah je sais pas si
euh, enfin si après bah euh ils
s’en fichaient ou pas… Mais
moi ça m’a gêné que les
autres voient ça.)
Enchaîne avec une autre
phase, cette fois collective.
Les élèves apprennent un
enchaînement de 4 mesures
(groupe-classe).
Elle se sent plus à l’aise
Considère l’intervenant
comme le modèle (bah je
regardais ce que l’intervenant
faisait..)
A peur d’être en difficulté (ben
j’espère que ce qu’on va faire
ça va pas être des choses trop
trop difficiles)
Se sent plus stressé parce qu’il
a des difficultés à exécuter la
tâche (un peu plus stressé
parce qu’on connaissait pas
vraiment les gestes. j’étais bien
mais les gestes ça me
perturbaient ;)
Ne veut pas se tromper (bah
j’ai un peu peur d’oublier les
gestes. Mais du coup un peu
stressé d’oublier)
Prend les autres élèves pour
modèle et l’intervenant (ben
j’essayais de suivre les
autres… (silence) pour les
gestes… ; ben je regardais
comment il faisait à peu près le
18
prof. Pour essayer de… D’être
bien quoi)
L’intervenant laisse faire les
élèves seuls. Les élèves
exécutent l’enchaînement
sans l’intervenant
Elle est orientée par sa réussite
et attribue les difficultés à
l’activité des autres. (bah que
on sait pas faire sans un
professeur, parce que… Donc
tout de suite y’avais plus de
son bah moi ça m’a dérangé,
c’est juste que les autres n’ont
pas suivi quoi…)
Pour lui la classe a besoin
d’un modèle pour réussir
(bah ça faisait bizarre le fait
que… ce soit avec une
personne et qu’on réussisse
tout et qu’après… bah euh,
on… on… bah on loupe tout
bah parce qu’une personne
manque quoi.)
L’intervenant leur demande
de se centrer sur eux même.
Les élèves réalisent l’activité
les yeux fermés pour mieux
visualiser leur corps.
Centrée sur elle-même, se sent
bien (c’était moi je trouvais
que je me sentais plus léger)
Se sent plus concentrée du fait
qu’elle n’est plus observée par
les autres (oui, j’arrivais plus à
me concentrer, parce que je ne
voyais pas les autres me
regarder ; je me concentrai
plus ce que je faisais).
Ecoute ce qu’il fait pour se
concentrer (ben c’était un peu
mieux parce qu’on entend ce
qu’on fait. On peut se
concentrer sur ce qu’on fait.
Elle centre son attention sur les
autres (j’avais juste peur que,
parce que quand on faisait les
yeux ouverts mon voisin de
gauche il avançait pas du coup,
en fermant les yeux j’avais
peur de lui foncer dedans.)
Elle se sent bien.
Valorise la réussite du
groupe (on était déjà un peu
meilleur… et donc… bah on
a, on a plus réussi.)
Se concentre sur ce que
produit le groupe (on était
déjà un peu meilleur… et
donc… bah on a, on a plus
réussi.)
Fermer les yeux l’aide à se
19
concentrer (bah ça m’a pas
dérangé… moi j’trouve…
j’étais presque mieux comme
ça…
parce que j’étais beaucoup
plus concentré)
L’intervenant fait apprendre
les mesures aux élèves, une
par une. Les élèves
apprennent l’enchaînement
par imitation (groupe-classe).
Juge ses capacités (j’avais un
peu de mal à tout retenir.)
Jugement personnel (euh bah
j’avais, enfin j’avais un peu
de mal du coup aussi et après
euh… (silence)
bah euh ça faisait bizarre de
voir les autres qui arrivaient
et pas moi.)
Regarde les autres pour
s’aider (Question étudiante :
du coup tu te focalisais, tu
regardais beaucoup les
autres ?
Réponse élève : ouais du
20
coup pour me rattraper ouais)
La classe est divisée en
quatre groupes. L’intervenant
demande à chaque groupe de
jouer une mesure. Les élèves
occupent différents rôles
(spectateurs/acteurs).
Se sent gênée en petit groupe
(je me sentais bizarre parce
qu’on était pas beaucoup)
Se concentre sur ce que font
les autres groupes pour bien
mémoriser les quatre mesures
(ben je faisais comme mon
groupe, je j’essayais d’imiter à
peu près ce que faisaient les
autres groupes dans ma tête et
après je… je faisais (silence)
bah avec mon groupe quoi)
Elle met en cause les autres
groupes précédents dans la
réussite ou non de sa tâche
(y’avais certains groupes qui
suivaient pas et coup bah ils
étaient en retard un peu avec le
temps, du coup c’était un petit
peu, ça faisait bizarre quoi)
Se sent plus à l’aise en groupe
classe (je préfère quand on fait
euh, euh … tous ensemble)
Se sent observée par les autres
(bin quand on est en petits
groupes, y’a tout le monde qui
nous entend)
Ce qui la dérange c’est les
autres (bin ce qui me dérange
c’est que y’en avaient qui
avaient pas suivi alors du coup
euh ils étaient perdus quand
Pense qu’il va être en échec
(bah je pensais que c’était
dur mais finalement ça allait
quand même)
Quand il est à l’aise dans la
tâche cela se ressent sur son
état d’esprit (bah j’ai trouvé
ça assez facile. J’ai trouvé ça
bien)
Est content de la réussite du
groupe classe (bah j’étais
content que tout le monde
réussisse, parce que y’a pas
eu beaucoup d’erreur à ce
moment là.)
A peur que ses erreurs aient
des conséquences sur son
groupe (bah j’essaye de me
rattraper, mais euh sur le
coup bah ça me fait, enfin je,
21
c’était à nous de faire)
Ressent une certaine gêne face
au regard des autres
(expérience personnelle : moi
je suis timide alors
bah quand, je suis devant, sur
une scène par exemple et qu’il
y a un public au départ ça, ça
me dérange pas et puis après
quand j’y suis, je suis un peu
perdu quoi)
j’ai presque peur que ça
dérange tout le monde)
L’intervenant leur demande
de créer un enchaînement de
quatre temps,
individuellement.
Se sent mieux qu’au début
(j’étais plus à l’aise… J’étais
moins gênée qu’au début..)
N’est pas stressé par le
caractère individuel de la tâche
(question étudiante : le fait que
ça soit individuel ça t’a gêné ?
Elève : non)
Adopte une stratégie en
regardant ce que font les autres
avant elle (là je me suis dit, je
vais regarder ce que font les
autres et puis je vais essayer de
faire en même temps… je vais
faire un mélange de certaines
choses que j’ai retenu)
Se sent à l’aise sur cette tâche
individuelle (bah là ça m’a pas
vraiment dérangée)
Se juge avant de réaliser la
tâche (bah au début je me
demandais ce que j’allais
faire, et puis bah une fois que
c’est arrivé bah j’ai fait, j’ai
fait un peu n’importe quoi…)
Se juge de manière positive
(bah j’étais content de moi
d’avoir réussi, à faire un
enchaînement moi-même.
sans que personne, me dise
22
ce qu’il fallait faire)
Le caractère individuel de la
tâche ne le perturbe pas (bah
nan, nan ça m’a pas dérangé)
La séance se termine par un
jeu…
Paroles intervenant
Se sent plus à l’aise lors jeu
individuel (au moins là c’était
pas par équipe, aussi si on se
faisait éliminer c’est pas très
grave c’est rien qu’un jeu)
Se sent un peu déçue (ben
c’était comme même un petit
peu dommage)
Ne veut pas être éliminé (bah
fallait pas se tromper pour pas
être éliminer…)
Dédramatise le fait d’avoir
perdu (ben c’était un jeu donc
c’était pas si grave).
Reporte son échec sur
l’activité de l’élève qui la
précède, lorsqu’il se trompe
(oui, eu bah il fallait faire un
rythme, tout le temps le même
sauf que bah y’en a certains
comme ils faisaient pas dans le
même rythme et bah les autres
se perdaient et ils étaient
éliminés quoi)
Trouve l’activité amusante
(bah moi j’ai trouvé amusant)
Attribue l’échec au fait qu’elle
soit perdue (bah quand je me
suis fait éliminer c’est parce
que j’étais perdue, j’étais
complètement perdue…)
Trouve la situation attrayante
(: bah j’ai trouvé ça drôle
comme jeu)
Dédramatise le fait d’avoir
perdu (même quand j’ai
perdu, bah c’était drôle de
voir les autres aussi, faire ça
m’a pas dérangé, ouais parce
que c’est qu’un jeu…)
Anticipe ses progrès, plus il
fera plus il réussira (de toute
façon c’est que le premier
jour, on a encore le temps de
progresser)
23
N’est pas déçue (oh bah ça m’a
pas dérangé parce que j’ai su
que… bah que je m’étais
trompée)
Impressions générales Se sent rassurer à la fin de la
séance (au début j’étais… je
me sentais voilà petite et après
la fin ça va, je connaissais,
voilà j’étais bien dans le
groupe
Image de soi Elève réservée qui n’aime pas
se montrer seule face à un
public. Elle éprouve de
l’angoisse en situation de
nouveauté
Elève sûr de lui mais qui ne
veut pas se montrer en position
de faiblesse devant les autres
Elève sûre d’elle
Les difficultés qu’elle anticipe
ne constituent pas un obstacle
Elève affichant une
évaluation négative de lui se
souciant beaucoup du regard
que peuvent avoir les autres à
son égard.
24
5. Interprétation et discussion des données :
5.1. Elève n°1
Interprétation – L'élève semble mal à l'aise quand elle est face à une situation inconnue, elle a
peur d’être en difficulté. Le fait de devoir réaliser l'activité seule l'intimide. La mise en route
quasi immédiate de l’activité a pu la brusquer, la déstabiliser surtout pour une première
séance avec un nouvel intervenant. Elle semble clairement plus à l'aise dans un groupe,
surtout s’il s’agit du groupe-classe. En effet dès qu’elle doit réaliser une tâche seule ou en
groupe restreint elle est tout de suite moins à l’aise. Cependant lorsqu’elle effectue l’activité
les yeux fermés elle affirme se sentir bien du fait de pouvoir se centrer sur elle-même.
Certainement parce ce qu’elle sait que les autres ne peuvent pas la voir, elle ne redoute plus le
regard des autres. Néanmoins cette élève avoue tout de même être rassurée au fur et à mesure
du déroulement de la séance.
Discussion – L’expérience subjective relatée par cette élève nous montre que la réalisation de
tâche de façon publique peut la gêner et elle semble plus à l'aise quand le groupe classe opère
Caractéristiques du climat
L’intervenant offre une structure de fonctionnement avec des règles claires, il s’efforce de les faire
respecter par tous. Il manifeste de l’attention à l’égard des élèves, en créant un climat accueillant.
Les tâches à effectuer relèvent de défis, à faire seul, en petits groupes ou en groupe-classe. Il rend
possible l’exercice de responsabilité, chaque élève est reconnu en tant que tel.
Il privilégie le caractère public dans la modalité de groupement (en
cercle durant toute la séance). L’intervenant se déplace régulièrement dans la séance, se plaçant à
différents endroits du cercle.
Il fait accepter aux élèves que l’échec fait partie de l’apprentissage.
Il peut être relativement direct dans ses propos envers les élèves.
Il engage rapidement les élèves dans l’activité (en début de séance). Il consacre ensuite plus de temps à
l’apprentissage des enchaînements.
25
à l'unisson. Le regard des autres semble la déranger, ce qui peut influencer son bien être dans
la séance. Il se pourrait que le groupe-classe la rassure, ce qui peut nous renvoyer aux travaux
de Grassé sur le concept de masse. Il explique que l’effet de masse ou le groupe « protège »
les personnes qui le composent. Il est vrai que les individus sont plus à l'aise en groupe et
qu'avec l'effet de masse ceux-ci semblent être plus audacieux, ils sont « cachés » derrière un
groupe. De ce fait, le caractère public de l'activité se voit atténué lorsque tous les élèves font
la tâche en même temps. La situation sociale, et par conséquent le climat de classe, dans
lequel se trouve l’élève (situation individuelle face au groupe classe) est considérée par
Festinger comme une situation sociale susceptible d’accroître l’orientation à la comparaison
sociale. Les effets positifs et ceux néfastes de la comparaison sociale dépendent largement des
ressources dont disposent les sujets (estime de soi, auto efficacité etc..), de leurs perspectives
et objectifs (se protéger, se valoriser et s’améliorer...). Ainsi la comparaison sociale n'est pas
entièrement néfaste mais peut le devenir en fonction du degré d'estime de soi des élèves. Pour
cette élève, la comparaison sociale se traduit par un impact réel sur son activité en la présence
d'autrui. C’est par le regard des autres qu'elle va être capable de se juger et reconnaître son
niveau réel et ses aptitudes personnelles. Etant donné que cette élève semble avoir une estime
de soi plutôt faible, cela expliquerait, que pour elle, l’impact du regard des autres est perçu
négativement.
5.2. Elève n°2
Interprétation – Au début de la séance l’élève ne ressent pas de stress, il semble éprouver un
certain bien être. Par la suite il se juge plus stressé face à la difficulté des tâches. Nous
pensons que pour lui, le fait de réaliser une tâche inconnue peut l’angoisser. La nouveauté
semble l’inquiéter. Cet élève est soucieux de sa réussite dans l’activité, il refuse l’échec. C’est
pourquoi il prend l’intervenant comme référent. Mais lorsqu’il a les yeux fermés il est capable
de se concentrer sur ce qu’il fait. Afin de limiter ses échecs il adopte des stratégies pour éviter
de se tromper, il mémorise la totalité de l’enchaînement. Il se représente mentalement ce que
font les autres groupes et se projette ainsi sur l’activité future. Le regard des autres ne le
dérange pas, il semblerait que cet élève soit un meneur. Il se met facilement en avant, et il
adopte des attitudes de compétiteur face au jeu. Il ne veut pas se tromper, pour ne pas être
éliminé.
26
Discussion – Cet élève semble être un élève sûr de lui. Il ne semble pas éprouver de
difficultés face au regard que peuvent avoir les autres sur lui. A priori cet élève semble avoir
une haute estime de soi. Pour réussir il met en place des stratégies, nous pensons qu’il utilise
parfois l’imagerie mentale. Maddux (1995) définit l'imagerie mentale comme un processus
qui consiste à visualiser mentalement la tâche à réaliser afin de l'intérioriser et de la
reproduire de manière efficace. C'est ce qui semble être le mode opératoire de cet élève.
Cependant lors de l’entretien, nous n’avons pas questionné assez précisément cet élève sur ce
processus. Nous ne pouvons donc pas nous positionner sur les procédures réelles que l’élève
met en place pour ne pas échouer dans la tâche. Par ailleurs, nous pouvons supposer que le
climat mis en place par l’intervenant convient à l’élève et a un impact positif sur son estime
de soi. En effet, il se sent bien dans l’environnement où il se trouve. Il a été montré qu’une
estime de soi haute favorise le bien être et la stabilité émotionnelle (Harter, 1993),
l’adaptation comportementale et sociale (Bromley, 1978), faisant apparaitre l’estime de soi
comme plutôt favorable a l’individu. Nous remarquons donc que les perceptions que l’élève a
de lui-même peuvent avoir un grand rôle dans la mesure où elles créent une dynamique
motivationnelle qui affecte directement le degré d’implication de l’apprenant dans les tâches
scolaires (Florin & Vrignaud, 2007).
5.3. Elève n°3
Interprétation – Cette élève s’engage rapidement et positivement dans l’activité, elle
n’éprouve aucune inquiétude face aux autres. Nous pouvons penser qu’elle anticipe de
manière positive le fait de se montrer aux autres. Néanmoins elle est consciente que l’activité
pourra lui poser des problèmes. Elle semble porter beaucoup d’attention à ce que font les
autres élèves, elle les juge et les met en cause pour justifier ses échecs. Nous pensons qu’elle
exclue sa responsabilité dans l’échec. Par ailleurs, elle s’estime plus à l’aise quand elle est
dans le groupe-classe. Ses expériences personnelles l’amènent à se caractériser comme étant
timide quand elle est sur scène devant un public. Face à une tâche individuelle et spontanée
elle adopte une stratégie qui consiste à observer les autres, en prenant exemple sur eux.
Discussion – Nous avons pu remarquer que cette élève s’engageait positivement dans
l’activité, ce qui nous amène à dire qu’elle a une bonne estime de soi. En effet pour Bariaud et
Bourcet (1998), l’estime de soi serait un bon prédicteur de l’attitude adoptée face aux
27
difficultés. Les enfants avec une bonne estime d’eux même sont capables de mettre des
stratégies adaptées pour surpasser ces difficultés (anticipation positive, confrontation active à
la difficulté…). Ces enfants ont tendance à mettre en place diverses stratégies pour conserver
une estime de soi haute, comme l’auto-complaisance ou l’auto-valorisation (Robins & Beer,
2001). L’auto-complaisance fait référence à la tendance des individus à prendre crédit des
succès et à rejeter une grande partie de la responsabilité personnelle en cas d’échecs (Famose
& Troadec, 2005). Ce biais d’auto-complaisance est une stratégie motivationnelle en lien avec
la notion d’attribution causale. L’attribution causale concerne « la manière dont les individus
attribuent la cause de leur succès et de leur échec » (Luginbuhl, Crowe et Kahan, 1990,
p.163). Notre élève semble correspondre à ce profil. D’une manière générale, l’attribution
causale consécutive à un succès ou un échec se répercute de manière importante sur le travail
et l’apprentissage scolaire (Dweck, 1975 ; Weiner 1980). Nous pensons donc que la
motivation d’un élève est fortement influencée par la façon dont il perçoit les causes de ses
réussites ou de ses difficultés. Enfin nous supposons que le climat de classe mis en place par
l’intervenant peut influencer les attributions causales avancées par les élèves pour expliquer
leurs réussites et/ou leurs échecs. En effet, le caractère public de la tâche met en avant les
réussites ou les échecs du groupe-classe. Pour elle, il paraît plus simple de rejeter la faute sur
les autres. En agissant ainsi elle protège son estime de soi.
5.4. Elève n°4
Interprétation – L’élève interprète négativement sa prestation ce qui l’amène à une évaluation
négative de soi. Face au regard des autres il ressent de la honte lorsqu’il échoue dans la tâche.
Nous pensons que pour cet élève, ce type d’activité, peut générer un certain malaise. Il semble
porter beaucoup d’importance à ce que les autres peuvent penser de lui. Il emploie à plusieurs
reprises le pronom personnel « on », cela nous laisse croire qu’il ne se soucie pas uniquement
de sa réussite personnelle mais de celle du groupe. De plus il redoute l’échec et n’a pas
confiance en ses capacités, il a également peur que ses fautes se répercutent sur le groupe.
Néanmoins en cas de réussite, il l’attribue à la simplicité de la tâche. Mais il peut tout de
même éprouver de la satisfaction personnelle si la tâche est plus complexe. Enfin, il est
conscient qu’il progressera au fur et à mesure des séances. Nous pensons donc que pour il faut
« travailler », « faire » et « répéter » pour apprendre et progresser.
Discussion – Cet élève se préoccupe énormément de ses performances et de ses capacités lors
de cette séance d’EPS. Le fait qu’il se juge négativement à plusieurs reprises nous renvoie à la
28
notion d’estime de soi puisque dans le cas présent l’élève émet un jugement de ses qualités et
de soi. Face à cette appréciation personnelle il convient de nous demander pourquoi cet élève,
dans cette situation, a pu s’évaluer comme « incompétent ». Nous remarquons, en effet, qu’il
anticipe négativement l’activité qu’il va devoir réaliser. Nous pouvons donc nous référer de
nouveau aux travaux de Bariaud et Bourcet (1998), cet élève semble vivre la difficulté de
l’échec comme une menace pour sa propre intégrité et peut vraisemblablement se sentir
parfois dépassé par les événements. Son anticipation négative de la tâche peut nous laisser
penser qu’il a une faible estime de lui même. Cependant pour avoir une certaine estime de soi,
il faut se sentir capable de réaliser ce que l’on nous demande de faire. Bandura (2003) appelle
cela : l’expectation d’efficacité personnelle. Il la définit comme étant « la croyance de
l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire
des résultats souhaités ». Dans le cas présent, nous avons pu remarquer que cet élève croit peu
en ses capacités. Pour finir le climat semble ici ressenti par l’élève de façon négative puisqu’il
l’amène à avoir des préjugés sur ses compétences. De ce fait, il anticipe négativement
l’activité qu’il va pratiquer. Ce climat ne semble donc pas propice à l’épanouissement de cet
élève et donc à l’évolution positive de son estime de soi.
5.5. Synthèse
A partir des entretiens réalisés avec ces élèves, nous avons pu définir quatre profils
différents. En effet, deux élèves semblent avoir une haute estime de soi. A contrario, les
autres apparaissent comme étant des élèves ayant une estime de soi que nous pouvons
qualifier de basse. Cela nous amène à penser que le climat de classe a un impact plus ou
moins positif sur ces élèves. Dans le cas présent il semblerait que ce climat affecte
positivement les élèves à haute estime de soi.
Nous cherchions à savoir en quoi le climat de classe participe à l’élaboration de
l’image de soi, et donc d’une manière plus générale à l’estime de soi des élèves. Nous avons
pu constater que plusieurs facteurs intervenaient dans cette construction :
- Les élèves sont amenés à évaluer leurs aptitudes personnelles en se comparant
aux autres élèves (évaluation comparative), ces comparaisons sociales jouent donc un rôle
important dans la construction du soi de l’enfant. Les quatre élèves ressentent différemment
29
ces comparaisons. Le regard des autres peut être plus ou moins pesant en fonction de l’estime
de soi des élèves.
- La motivation d’un élève pour une tâche est influencée par la manière dont il
interprète ses réussites et/ou ses difficultés. Les attributions causales ne sont pas des données
observables et objectives, mais elles sont déterminées par les jugements que l’enfant porte sur
ses résultats, et donc sur lui-même. L’élève 3, rejette à plusieurs reprises la cause de ses
échecs à la responsabilité du groupe.
- Les élèves se sentent en général plus protégés quand ils sont à l’intérieur d’un
grand groupe. C’est le cas de l’élève 1 qui se dit rassurée dans le groupe-classe.
- Les élèves qui jugent de façon récurrente leur sentiment d’efficacité, avant
même d’avoir exécuté la tâche, émettent des évaluations plus ou moins positives de leurs
aptitudes personnelles. En effet, les élèves 2 et 3, ayant un sentiment de compétences élevé se
jugent également de manière relativement favorable, ce traduisant par une bonne estime de
soi. Au contraire, l’élève 4 en faisant ressortir son sentiment d’incompétence développe une
estime de soi plus faible. Cela nous a surpris, puisqu’aux dire de son enseignante, il s’agissait
d’un élève plutôt confiant.
Ce dernier point montre bien qu’il est important de comprendre comment fonctionne
les élèves de leur point de vue pour interpréter correctement ce que nous pouvons observer, et
ainsi ne pas se laisser influencer par des faux-semblants.
6. Praxiologie
D’un point de vue pratique, nous avons été amenées à interroger les élèves sur leurs
expériences subjectives. Les entretiens que nous avons menés nous ont fait prendre
conscience qu’il était important de se demander comment nos élèves pouvaient percevoir les
situations qu’ils peuvent rencontrer à l’école, et plus particulièrement dans la classe. En tant
que futures enseignantes nous avons pu constater qu’ils ne laissaient pas forcément
transparaître, dans leurs attitudes, ce qu’ils pouvaient réellement ressentir. Les entretiens
d’autoconfrontation nous ont donc permis de comprendre comment ces élèves fonctionnaient
de leur point de vue, ce qui pouvait leur poser problème. Nous avons été surprises en
30
découvrant tout ce qu’ils pouvaient prendre en compte lors de la situation. La façon dont ils
pouvaient se juger nous montre que les élèves vivent et ressentent différemment une même
situation.
De plus, l’EPS est une discipline où le concept de soi physique est construit
principalement dans les activités qui la composent. En effet, le corps est un élément essentiel
de cette discipline car les élèves sont particulièrement exposés au regard des autres. Ceci est
d’autant plus vrai dans les activités physiques à visée artistique. Cette importance du regard
des autres peut se trouver également une facette du concept de soi académique ayant attrait au
domaine scolaire (français, mathématiques, histoire et sciences). Notamment lors d’activités
d’expressions tels que l’oral, les exposés, la récitation de poésie… Cela prouve que l’estime
de soi est à prendre en compte dans tous les domaines de l’école.
Afin d’agir positivement sur l’estime de soi en EPS, ainsi que dans les autres
domaines scolaires, il convient de créer les conditions d’un climat motivationnel de maîtrise
(Ames 1984) afin d’éviter les crispations de soi. Il faut mettre en place des buts de maîtrise et
non des buts de performance. Ce climat doit permettre de créer pour chaque élève les
conditions d’une « sécurité psychologique » à l’égard de l’estime de soi, et notamment du
regard des autres.
Pour instaurer un climat motivationnel de maîtrise voici quelques pistes d’intervention
que l’enseignant doit prendre en compte, en référence au TARGET d’Epstein (1988) :
Tâche Une information régulière de l’enseignant sur les objectifs à atteindre, les
compétences à construire.
Mise en place de tâches dont les critères de réussite de reposent pas sur
une comparaison avec les autres
Donner la possibilité aux élèves de choisir les tâches à accomplir
(différenciation pédagogique).
Autorité Un style d’enseignement démocratique (différent d’autoritaire,
privilégiant l’autonomie et la responsabilisation des élèves, ainsi que la
dévolution des rôles.
31
Reconnaissance Pas de punition, récompense ou classement
Statut positif de l’erreur qui concerne « ce que fait l’élève », pas « ce qu’il
est). Ne pas utiliser le terme de faute.
Utilisation de feedbacks centrés sur les prestations de l’élève en relation
avec la tâche, pas avec la personne.
Atténuer l’importance du regard des autres.
Groupement Mettre en place des groupes hétérogènes plutôt qu’homogènes ; des
groupes de besoins plutôt que des groupes de niveau.
Evaluation Evaluation formative et formatrice, privées et référencées aux objectifs à
atteindre.
Evaluation sommative centrée sur la maîtrise de l’exécution et portant sur
ce qui a été enseigné.
Temps Donner du temps (situations/séquence d’enseignement de longue durée)
pour permettre de réels apprentissages.
Nous sommes également consciente que le sentiment de compétence personnelle est
une caractéristique essentielle du bien être psychologique des individus. Pour Marcotte (2007)
« Se sentir compétent pour agir efficacement dans son environnement et avoir un certain
contrôle sur le résultat de ses actions comptent parmi les besoins fondamentaux de l’être
humain ». Pour Bandura (1986), « nos comportements sont fortement influencés par le genre
de scénario que nous nous improvisons mentalement dans une situation donnée. Ces scénarios
sont à l’image de nos anticipations de réussite ou d’échec associées à la perception que nous
avons de nos capacités et ils provoquent différents types d’émotions positives ou négatives ».
Ces émotions jouent sur notre motivation à agir. La façon dont nous percevons nos
compétences peut alors avoir un impact sur nos attitudes, nos comportements. Les enfants,
comme nous avons le remarquer, se sentent plus ou moins compétents en fonction des
situations auxquelles ils peuvent être confrontés. Or, certaines personnes, malgré des
compétences manifestes et des habiletés mentales normales ou élevées, considèrent que leurs
capacités d’apprendre sont limitées et perçoivent leurs compétences inférieures à la réalité. Ce
phénomène, appelé l’illusion d’incompétence, serait même répandu chez certains enfants
d’âge scolaire. « En contexte scolaire, l’illusion d’incompétence se caractérise par un
décalage négatif marqué entre les capacités réelles de l’élève et l’évaluation qu’il fait de ces
dernières », (Marcotte, 2007). Ce sentiment d’illusion d’incompétence peut avoir plusieurs
32
conséquence, tout d’abord les élèves attribuent leurs succès à la chance, à l’effort, l’aide reçue
plutôt qu’à leurs habiletés propres (Bouffard et al, 2003). D’autres effets sont également à
craindre sur le long terme : isolement social, abandon scolaire prématuré, difficulté
d’orientation concernant le choix de leur futur métier. Ce phénomène nous paraît important à
prendre en compte, même s’il est encore méconnu et rare, il convient de s’y attarder afin de
nous rendre compte qu’un élève qui sous estime des capacités scolaires ne doit pas être
négligé.
Enfin, des actions simples peuvent aider les élèves à construire leur estime de soi.
Voici une liste non exhaustive de ce qui peut être mis en place quotidiennement. Pour cela
l’enseignant doit, par exemple :
- Etablir des règles claires, les faire respecter avec constance et loyauté ;
- S’efforcer de préserver le respect de soi même pour tous ;
- Rester à l’écoute des problèmes et des difficultés de chacun ;
- Laisser le droit à l’erreur ;
- Aider les élèves à décoder leurs intérêts et communiquer leurs attentes ;
- Veiller à donner des retours positifs ;
- Manifester de l’attention à leur égard ;
- Créer des conditions favorisant les échanges, l’interdépendance ;
- Développer des comportements de soutien mutuel ;
- Faire appel aux responsabilités et en permettre le partage ;
- Permettre l’entraide et le soutien mutuel ;
- Aider les élèves à s’auto évaluer.
33
7. Conclusion
Notre travail nous conforte dans l’idée que l’on peut viser, à l’école, des objectifs de
renforcement et de stabilisation de l’estime de soi. Pour cela il est nécessaire de porter une
attention soutenue vis-à-vis des climats, des contenus, et des situations d’apprentissage. En
particulier, cela implique de repérer et d’apprécier les éléments susceptibles d’affecter
l’estime de soi dans les situations scolaires, d’être attentif aux différentes variables sociales,
personnelles et interpersonnelles et d’évaluer l’impact des modalités d’enseignement et
d’évaluation sur l’estime de soi. Ces éléments nous montrent combien l’école est importante
dans la construction de soi au-delà de l’atteinte d’objectifs d’apprentissages cognitifs. Ces
conditions d’apprentissage, constituant un cadre indispensable, sont malgré tout insuffisantes
si elles ne sont pas associées à des conditions relationnelles favorables. Pour cela, nous
pensons que l’enseignant, en tant qu’interlocuteur privilégié de l’enfant, détient un rôle
primordial. Il se doit d’accompagner les enfants non seulement dans leurs travaux scolaires
mais également de manière plus générale dans le renforcement de leur estime de soi, en tenant
compte de leur diversité. A lui de créer des conditions favorables et bienveillantes où l’enfant
se sent en sécurité et confiant.
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