Institut Supérieur des Transports Ecole Supérieure de Commerce
Année 2005-2006 1
République du Sénégal
Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle
Ecole Supérieure de Commerce Institut Supérieur des Transports
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Mémoire de Maîtrise présenté par M. Famara DIEDHIOU Pour l’obtention du diplôme de Maîtrise en Transport et Logistique
Sous la direction du Commandant Mamadou Makhorédia DIOP
Directeur de Mémoire
Promotion 2005-2006
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REMERCIEMENTS
Les deux ans de formation que nous avons vécus à l’Institut Supérieur des Transports
de l’Ecole Supérieure de Commerce nous ont permis de découvrir un nouvel univers. Notre
reconnaissance va d’abord à l’administration ont le credo est de toujours mieux faire.
Nous nous félicitons et louons la dévotion de nos professeurs qui ont fait de
l’enseignement un sacerdoce plus qu’un métier. Leur conscience professionnelle nous a
convaincus de leur détermination et conviction à former et modeler les cadres africains de
demain sous toutes les dimensions de la personnalité et dans la perspective d’assumer
pleinement leurs futures responsabilités professionnelles.
Nous sommes particulièrement reconnaissant à Monsieur Ababacar Sédikh Sy,
Directeur général de l’Ecole Supérieure de Commerce, à notre Directeur d’institut, Monsieur
Mamadou Diallo et à notre encadreur, le Commandant Mamadou Makhorédia Diop à qui
nous devons le produit final de ce travail académique. S’il est des qualités que nous lui
connaissons à l’œuvre ce sont sa rigueur, son intransigeance et sa patience.
Durant nos stages, nous avons découvert la conscience du personnel des entreprises du
rôle qu’ils doivent jouer pour compléter la formation théorique des étudiants. Nous tenons à
remercier le personnel de la société de transport de produits pétroliers TransGaye qui nous
accueilli.
Nous avons rencontré dans le cadre de nos recherches diverses personnes évoluant
dans les divers organes et segments du sous secteur des produits pétroliers au Sénégal et au
Mali. Nos remerciements vont au personnel de la Direction de l’Energie, à messieurs Kanté à
la Direction des établissements classés, Abdoulaye Guéye au Comité National des
Hydrocarbures.
Nous nous rappelons avec beaucoup de considération des personnes de la corporation
des transporteurs et de celle des distributeurs. Nous voulons citer monsieur Patrick Bellassée,
Directeur général des Entreprises Sénégalaises des Transports Bellassée et Président du
Bureau des transporteurs de produits pétroliers, monsieur William Charles Pereira,
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Responsable S.S.E (Santé- Sécurité- Environnement) de l’entreprise Daniel Haddad & Fils,
monsieur Abraham Ndiaye, comptable de la société Transports Amadou Diagne (TAD),
monsieur Fernandez, Directeur fondateur de API (Alanau Petrolium Intrenational), monsieur
Bernard Moïse Kane, responsable du transport à Elton.
Notre reconnaissance va également à monsieur Malick Kassé, Chef de Division Etudes
et Planification à la Direction Nationale des Transports Terrestres, Maritimes et Fluviaux du
Mali ainsi qu’à nos hôtes, la famille Samaké à Bamako.
Nous remercions toute notre famille pour le soutien qu’elle nous a toujours apporté ; nos
camarades de classe pour la compréhension mutuelle et la convivialité qui a prévalu en notre
sein tout au long des deux ans de formation. Nous souhaitons à tous une bonne et
enrichissante carrière professionnelle et succès dans toute entreprise.
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DEDICACE
Nous dédions ce travail à notre famille pour tous les sacrifices qu’ils se sont imposés pour nos
études.
Nous gardons la fraîche mémoire de notre instituteur de la classe de CM 2, Monsieur Nicolas
Basséne, qui n’avait de cesse de nous rappeler que :
« Vous ne saurez jamais combien de fois vos parents comptent sur vous tant que vous
n’avez pas vos propres enfants. »
Nous croyons maintenant avoir compris ce conseil qui nous accompagnera pour toujours.
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RESUME EXECUTIF
La libéralisation du transport des produits pétroliers au Sénégal a été recommandée par
la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Elle vise comme objectifs
l’allégement de la facture énergétique des pays en développement qui bénéficiaient des
subventions des institutions de Bretton Woods pour financer certains secteurs de
développement notamment celui de l’énergie.
Dans le cadre de l’application de la réforme, l’Etat du Sénégal ajoutera au cadre
institutionnel le Comité National des Hydrocarbures qui sera chargé de la gestion et de la
régulation du sous secteur des produits pétroliers en collaboration avec les Directions de
l’Energie, des Transports Terrestres, et de l’Environnement.
La réforme va apporter beaucoup de changements. Des nouvelles sociétés et des
emplois seront créés. L’approvisionnement du pays en produits pétroliers est assuré.
Les multinationales vont renforcer les réglementations technique et sociale avec beaucoup
d’innovations à travers des formations de renforcement de capacités. Les formations
apporteront un beaucoup de changements qui amèneront certaines sociétés de transport
d’hydrocarbures à revoir leur organisation.
La restructuration organisationnelle des sociétés se justifie également par les
nécessités d’améliorer leurs méthodes de gestion afin de s’assurer une rentabilité dans le
nouveau contexte très concurrentiel. Les transporteurs feront face à beaucoup de problèmes.
Ces problèmes sont causés par certains actes posés par la puissance publique et les
multinationales mais également par des problèmes inhérents à la corporation des
transporteurs.
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Sommaire Remerciements Dédicace Glossaire Résumé exécutif Introduction Première Partie : Cadre Théorique et Méthodologique Chapitre 1 - Le Cadre Théorique 1 - 1 - Concept et historique de la libéralisation 1 - 2 – Historique du libéralisme 1 – 2 – 1 – Les Physiocrates 1 – 2 – 2 – Les classiques britanniques 1 – 2 – 3 –Les néoclassiques 1 – 2 – 4 – La libéralisation dans les transports 1 - -3 – Le contexte de l’étude 1 – 3 – 1 – Les raisons de la libéralisation au Sénégal 1 – 4 – Problématique 1 – 5 – Question de recherche
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1 – 6 – Objectifs de recherche 1 – 7 – Hypothèse de recherche 1 – 8 – Résultats attendus Chapitre 2 – Méthodologie de recherche 2 – 1 – Outils de recherche et collecte de l’information 2 – 2 – Outils d’analyse 2 – 3 –Problèmes 2 – 4 – Limites de l’étude Deuxième Partie : Le Segment du transport des produits pétroliers au Sénégal Chapitre 1 – Le Sous secteur des produits pétroliers au Sénégal 1 – 1 – Rôle des produits pétroliers dans l’économie 1 – 2 – Le Cadre institutionnel 1 – 2 – 1 – Le Ministère de l’Energie et des Mines 1 – 2 – 2 –Le Ministère de l’Intérieur 1 – 2 – 2 – Le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature 1 – 2 – 3 – La Direction de l’Energie 1 – 2 – 4 – La Direction des Transports Terrestres 1 – 2 – 5 – Le Comité National es Hydrocarbures 1 – 2 – 6 – La Direction des Etablissements Classés 1 – 3 – Le Cadre des activités : Les acteurs du transport 1 – 3 – 1 –Les Chargeurs 1 – 3 – 2 – Les Distributeurs 1 – 3 – 4 – Les Transporteurs Chapitre 2 : Les enjeux de la libéralisation
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2 – 1 – Les enjeux pour l’Etat 2 – 1 - 1 – L’augmentation des transporteurs 2 – 1 – 2 – Le renforcement de la réglementation 2 – 2 – Les enjeux pour les chargeurs 2 – 2 – 1 – La maîtrise de la chaîne logistique 2 – 2 – 2 – Le renforcement de capacités Troisième partie : Impacts de la libéralisation du transport des hydrocarbures Chapitre 1 : Les contraintes de changement 1 – Les contraintes organisationnelles 1 – 1 - Une restructuration efficace 1 – 2 – Restructuration et rentabilité 1 – 3 – Organisation et innovations technologiques Chapitre 2 – Les contraintes techniques 2 – 1 – Le renouvellement de l’équipement 2 – 2 – Contraintes techniques et rentabilité Chapitre 3 : La réglementation sociale 3 – 1 – Le renforcement de capacités 3 – 2 – Aptitude du personnel Quatrième partie : Recommandations Chapitre 1 : Révision de la politique 1 – 1 – La révision des textes 1 – 2 – La protection des sociétés de transport 1 – 3 – Le renforcement du contrôle de l’Etat 1 – 4 – Le contrôle e l’action des multinationales 1 – 5 – La limitation du nombre de licences
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Chapitre 2 : Nécessité et définition d’une nouvelle stratégie pour les transporteurs 2 - 1 – Nécessité d’une bonne organisation 2 – 2 – Définition d’une nouvelle stratégie 2 – 3 – Impératifs d’organisation des transporteurs
Conclusion Annexes Bibliographie
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GLOSSAIRE
1 - Breton Woods (accords de) : Conférence tenue en juillet 1944 à Bretton Woods aux Etats
Unis, pour recréer l’ordre monétaire mondial qui avait été perturbé successivement par les
difficultés de fonctionnement de l’étalon or. La crise de 1929, la seconde guerre mondiale…
44 pays y assistaient. L’URSS y était en observateur. La conférence décida de la création du
Fonds Monétaire International et de la Banque internationale pour la reconstruction et le
développement (BIRD) et aboutit à ce que l’on a nommé les accords de Bretton Woods.
Breton Woods consacrait la primauté du dollar en tant qu’étalon monétaire et monnaie de
réserve.
2 - Chargeur : Personne physique ou morale confiant une marchandise à acheminer à un
transporteur pour copte d’autrui. Le chargeur procède au chargement et à la rédaction des
documents relatifs au transport, à moins qu’il n’ait confié cette dernière à un intermédiaire.
3 - Dérégulation : Disposition qui consiste à supprimer les mesures juridiques ou techniques
considérées comme un frein au développement de certains trafics. Apparue aux Etats-Unis
(Deregulation) dans le transport aérien, à la fin des années 70, stimulée par le GATT (General
Agreement on Tariffs and Trade) puis l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et
l’Organisation des Nations U nies (ONU), la déréglementation se généralise à tous les modes
de transport et au monde entier, au Etats du nord comme aux Etats du sud. Elle s’accompagne
d’une politique de privatisation.
La déréglementation a fait entrer le transport aérien dans la mondialisation qu’il accélère
largement. Elle touche aussi tous les modes de transport terrestres.
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4 - Externalité : Dans le cadre de l’Union Européenne, on emploie cette expression chaque
fois que le bien-être d’un individu est affecté par les calculs d’autres individus qui ne tiennent
pas compte des retombées négatives lors de leur prise de décision. En transport, il s’agit des
nuisances sonores, d’insécurité (accidents), des nuisances liées à l’effet de coupure, à la
pollution. Leurs effets négatifs représentaient en valeur 4% du PIB de l’Union Européenne en
1994, ce qui correspond à la valeur ajoutée de ce secteur.
5 - Installation ou établissement classé : Le Code de l’Environnement énumère dans la liste
des établissements classés les usines, ateliers, dépôts, chantiers, carrières et, d’une manière
générale, les installations industrielles, artisanales ou commerciales exploitées ou détenues
par une personne physique ou morale, publique ou privée, et toutes autres activités qui
présentent soit des dangers pour la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, la
nature et l’environnement en général, soit des inconvénients pour la commodité du voisinage.
Ils sont divisés en deux classes suivant le danger ou la gravité des inconvénients que peut
présenter leur exploitation ; elles sont soumises soit à autorisation soit à déclaration.
(Code de l’Environnement, Titre II ? Chapitre 1)
6 - Libéralisme : Doctrine économique pratiquée aux XVII éme et XIX éme siècles en
réaction contre l’interventionnisme naissant de l’Etat, et qu’on a caractérisé par la formule
« Laissez faire, Laissez passer ». Elle suppose que seules les « lois naturelles » de l’économie
sont aptes à augmenter le bien-être des hommes. Le principal moteur de l’activité économique
est l’intérêt personnel, et le libre jeu. La concurrence permet l’ajustement entre tous les
intérêts pour parvenir à un équilibre général. L’Etat, dans ce contexte, doit faire respecter la
propriété privée, mais ne doit surtout pas intervenir dans les mécanismes du marché. Le
libéralisme dans son sens le plus strict n’est plus appliqué aujourd’hui. Partout, les Etats ont
dû intervenir dans l’activité économique, donnant naissance à des régimes socialistes,
étatiques dirigistes, ou simplement à des politiques « concertées ».
La traduction du libéralisme au niveau du commerce international est le libre-échange.
7 - Licence : Autorisation soit d’exploiter un brevet, soit de fabriquer, d’importer ou
d’exporter certaines marchandises. En matière de commerce international, le régime des
licences est souvent lié au contingentement des échanges internationaux et s’accompagne
alors de droits spéciaux se superposant aux droits de douane.
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8 - OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole créée en Septembre 1960 pour
permettre aux pays exportateurs de pétrole de définir une attitude commune cohérente par
rapport aux pays consommateurs. L’OPEP regroupe les pays suivants : Fédération des émirats
arabes unis, Algérie, Iran, Irak, Libye, Nigeria, Qatar, Venezuela.
En 1981, les pays membres de l’OPEP fournissaient 39,5% environ du march2 mondial de
pétrole.
9 - Politique concertée : Ensemble des mesures gratuites élaborées à partir d’un commun
accord des principaux partenaires de la vie économique qui vise à maîtriser globalement et
indirectement la croissance de l’économie. Le but de cette politique est de limiter les
fluctuations naturelles de l’économie dans ce qu’elles ont d’insupportable aujourd’hui sur le
plan social (crise, dépression) en harmonisant la croissance. La politique concertée se traduit
par :
1- la détermination concertée d’un cadre d’action souhaitable ; c’est le plan ;
2- un certain nombre de conventions entre les différents acteurs de la vie économique :
Etat, patronat, syndicats ; ce sont par exemple les contrats de progrès.
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INTRODUCTION Dans les années quatre vingt dix des problèmes sont intervenus dans les
finances mondiales ont commencé à connaître des problèmes pour répondre
pleinement aux besoins des pays en développement. En effet, l’aide apportée aux
pays en développement, essentiellement destinée aux secteurs de
développement des économies notamment le secteur de l’énergie va désormais
aux secteurs socio-économiques : éducation, santé, lutte contre la pauvreté1. Les
pays bénéficiaires des aides seront appelés à prendre leur secteur en charge.
En effet, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) vont
entreprendre, dans un cadre général, une étude diagnostique du fonctionnement
du secteur de l’énergie des pays sous développés. Les conclusions de l’étude
relevèrent que le secteur de l’énergie entre autres connaîtrait une meilleure
gestion et son financement serait facilité avec la promotion des investissements
privés.
Les institutions de Breton Woods demandèrent à ces pays d’ouvrir leur
secteur de l’énergie à l’investissement privé afin d’alléger leur facture
énergétique. Certains pays tels que le Sénégal et le Mali vont alors s’engager
dans un processus de libéralisation de leur secteur de l’énergie.
1 - ++
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Au Sénégal, tous les segments du sous-secteur aval des produits pétroliers
seront libéralisés. Il s’agit notamment de l’importation, du raffinage, du stockage,
du transport et de la distribution. Pour les besoins de notre étude nous allons
nous intéresser au segment du transport seulement dans le contexte de la
libéralisation.
L’Etat du Sénégal mettra en place un nouveau cadre institutionnel qui
résultera de la révision de l’ancien cadre auquel seront ajoutés de nouveaux
organes de contrôle du sous secteur des produits pétroliers. Il sera créé par
décret (n°décret) le Comité National des Hydrocarbu res (CNH) dont la mission est
de réguler le sous-secteur aval des produits pétroliers en collaboration avec les
principaux ministères impliqués dans le fonctionnement de ce sous secteur.
La libéralisation du transport des produits pétroliers est entrée en vigueur en
1998. La nouvelle politique énergétique sera traduite à travers l’élaboration de la
Lettre de Politique de Développement du Secteur de l’Energie (LPDSE) (f. note).
Elle va impliquer trois acteurs : l’Etat, les multinationales et les transporteurs.
Chaque acteur aura son rôle à jouer. La puissance publique et les multinationales
qui ont des enjeux définis à travers la libéralisation.
L’Etat veillera à favoriser la sécurité de l’approvisionnement du pays en
produits pétroliers au moindre coût. L’Etat doit ainsi remédier aux problèmes
d’inadéquation entre l’offre et la demande de transport avec l’entrée de nouveaux
transporteurs. Cette ouverture permettra l’introduction de la concurrence et
l’élimination des monopoles. La libéralisation répond également aux besoins
indirects de création de nouvelles sociétés et d’emplois qui doivent élargir et
améliorer le tissu socio-économique national. Une douzaine de nouvelles sociétés
sera ainsi créée. Cette nouvelle situation va requérir l’intervention de l’Etat.
Le rôle dévolu à la puissance publique dans le nouveau contexte se limitera à
la régulation du marché. Mais cette mission sera très difficile à remplir à cause de
la faiblesse des moyens et du niveau de développement face aux multinationales
qui vont imposer beaucoup d’exigences dans le nouveau marché libéralisé. L’Etat
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éprouvera des problèmes pour maîtriser la situation. L’opportunité de la
libéralisation est perceptible mais le contexte n’était pas propice.
L’enjeu principal des multinationales est d’apporter les changements que
requièrent les innovations technologiques et les exigences techniques intervenus
dans le domaine du transport des produits pétroliers. Les enjeux pour les majors
relèvent d’une politique de défense de leurs intérêts économiques et de leur
image de marque qui implique, par ailleurs, la maîtrise des risques de pollution de
l’environnement et des accidents à travers la promotion de la culture de la
sécurité. La lutte contre la pollution est devenue l’affaire de tous. Elle incombe
d’abord à la puissance publique, aux acteurs sociaux - économiques et enfin aux
populations.
L’objectif final de la promotion de la culture de la sécurité par les
multinationales est l’amélioration de la qualité des services et de la qualité de vie
dans un environnement sain. Pour ce faire, les majors vont imposer aux
transporteurs une nouvelle réglementation sociale, technique et
environnementale. Cette réglementation apportera beaucoup de changements
dans le segment du transport des produits pétroliers.
Les structures organisationnelles des sociétés seront les affectées par les
innovations. En effet, dans l’application de la réglementation technique
l’organisation administrative des sociétés sera revue avec la création des postes
des responsables chargés de l’application et du suivi du respect des normes
sécuritaires.
La restructuration organisationnelle des sociétés répond aussi aux besoins de
donner plus d’efficacité à leurs méthodes de gestion dans le nouveau contexte
très concurrentiel. L’impératif de rentabilité a aussi conduit certaines entreprises à
procéder au recrutement de personnes compétentes et expérimentées pour les
postes clés de l’administration. Il a également emmené certains transporteurs à
effectuer des licenciements de certaines catégories de personnel non
indispensables. Les nécessités de compétences du personnel apporteront des
changements considérables dans la réglementation technico-sociale. Elle sera
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beaucoup améliorée avec l’introduction des formations de renforcement de
capacités.
Les majors vont s’intéresser au professionnalisme et à l’aptitude physique des
conducteurs qui seront sensibilisés aux mesures préventives à prendre et le
comportement à adopter en cas d’accidents. Les formations vont élever leur
niveau professionnalisme des chauffeurs pour permettre la maîtrise des
innovations technologiques introduites dans le transport des hydrocarbures.
Les exigences techniques auront des implications financières. Elles vont
contraindre les transporteurs au renouvellement coûteux de leur parc automobile.
Ce renouvellement de l’équipement et l’entrée des nouveaux transporteurs vont
entraîner le dépassement de la demande par l’offre de transport. La conséquence
immédiate est un phénomène de surcapacité de l’offre auquel s’ajoute l’impact
des variations saisonnières des flux de transport. Ces deux facteurs demeurent
les principaux problèmes des transporteurs. Mais certains problèmes
proviendraient aussi des faiblesses d’organisation de leur corporation qui ne
favorise pas la bonne défense de leurs intérêts.
Les difficultés sont accentuées par l’incapacité et des fois le manque de
volonté de l’Etat à remplir le rôle de régulation du marché qui lui est dévolu et les
exigences techniques très contraignantes parfois imposées par les
multinationales aux transporteurs. La résolution des nombreux problèmes que
traverse le segment du transport des hydrocarbures passe par la révision des
textes de la libéralisation avec l’implication de tous les acteurs intervenant dans le
segment. Elle requiert aussi des transporteurs la définition de nouvelles stratégies
compatibles au nouveau contexte du marché.
Compte tenu de ce que nous venons d’évoquer, notre étude comportera quatre
parties. La première partie traitera du cadre théorique et méthodologique avec
respectivement le cadre théorique au chapitre1 et le cadre méthodologique au
chapitre 2.
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La deuxième partie sera consacrée à la présentation du segment du transport
des hydrocarbures au Sénégal. Nous verrons le secteur des hydrocarbures dans
le premier chapitre et les enjeux de la libéralisation dans le second chapitre.
La troisième partie portera sur l’analyse et l’exploration de l’impact de la
libéralisation du transport des hydrocarbures au Sénégal. Elle comprendra un
seul chapitre qui portera sur les contraintes de changement avec en sous titre les
contraintes organisationnelles, techniques et sociales.
Nous ferons des recommandations dans la quatrième partie. Nous
suggérerons la nécessité de la révision des textes de la réforme et de la
nécessité pour les transporteurs de définir une stratégie de développement avec
des objectifs clairs.
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PPRREEMMIIEERREE PPAARRTTIIEE
CCAADDRREE TTHHEEOORRIIQQUUEE EETT MMEETTHHOODDOOLLOOGGIIQQUUEE
Cette partie est consacrée au cadre théorique et méthodologique de notre
étude.
Dans le premier chapitre nous ferons une exploration du concept et l’historique
de libéralisation. Nous examinerons la méthodologie de recherche dans le second
chapitre.
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Chapitre 1
Cadre théorique
1-Concept et historique de la Libéralisation
1-1- Le Concept de libéralisation
Pour mieux comprendre notre étude sur les enjeux et l’impact de la
libéralisation du transport des hydrocarbures au Sénégal, il convient de
commencer par la définition et l’historique du concept de libéralisme.
Le vocable « libéralisation » est dérivé de la théorie du libéralisme. La
libéralisation est une politique qui prévaut dans le domaine de l’économie. Elle
est de nos jours appliquée dans les domaines aussi divers notamment politique,
social, culturel. Elle se rencontre aussi dans tous les secteurs du transport.
Stricto sensu, le libéralisme est une doctrine économique qui prône la théorie
du « Laissez faire, laissez passer ». Le libéralisme est généralement défini par les
théoriciens comme « la possibilité pour les individus d’organiser leur vie comme
ils l’entendent. La seule limite étant de ne pas porter atteinte à la liberté des
autres. »
Malgré leur diversité, le point commun à toutes les pensées libérales est la
limitation de l’action de l’Etat. Toutefois certains requièrent l’intervention de la
puissance publique. Mais cette action doit se limiter aux seules missions de
contrôle et de régulation du marché afin de limiter et d’éviter les dérives que peut
entraîner la concurrence. Cette intervention aussi limitée q’elle soit est une des
contradictions de la libéralisation dans beaucoup d’économies comme le Sénégal.
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1 - 2- Historique du libéralisme
La doctrine du libéralisme a connu beaucoup de théories tout au long de
l’histoire et de l’évolution de la pensée économique. Le libéralisme repose sur
deux principes fondateurs. D’une part, il faut respecter l’ordre naturel, et l’Etat ne
doit pas intervenir dans l’économie. Cette analyse se retrouve aussi bien chez les
physiocrates que chez les classiques anglais ou chez les néoclassiques.
1-2-1- Les Physiocrates
Les premiers libéraux sont les physiocrates français et les classiques
britanniques. L’école physiocrate est un courant économique qui avait comme
chef de file François Quesnay (1694-1774)2. Pour les physiocrates, libéraux
hostiles aux interventions de l’Etat, le véritable enrichissement n’est pas
monétaire mais agricole. Ils s’opposent en cela aux mercantilistes.
Les physiocrates pensent que l’objectif de la vie n’est pas l’enrichissement
mais le bonheur. Pour atteindre ce bonheur, ils préconisent une vie naturelle aux
champs. L’appareil productif de leur époque étant essentiellement agricole, les
physiocrates conçoivent que seule l’agriculture est en mesure de produire un
surplus, c’est-à-dire un produit net. Ils soutiennent que l’activité manufacturière
est stérile car elle ne dégage aucun produit net ; elle transforme les richesses,
mais n’en crée pas.
La limitation de la définition de la richesse au produit agricole et de considérer
l’agriculture comme seule activité productive constitue l’erreur de la théorie des
physiocrates. Mais c’est parce la pensée subit toujours les influences de l’époque.
Cette conception de la stérilité de l’activité manufacturière est contredite par
l’évolution de l’économie. Les pays se développent avec l’industrie
manufacturière mais pas avec l’agriculture seulement. On comprend Quesnay
2 -Médecin et économiste français inspirateur de l’école physiocrate.
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parce qu’il est du XVII éme siècle alors que la révolution industrielle débute au
XVIII éme siècle.
Les physiocrates distinguent trois classes d’agents économiques : la classe
des agriculteurs, qui est productive ; la classe des propriétaires fonciers et enfin la
classe urbaine nommée « classe stérile ». Ils rejettent l’intervention de l’Etat dans
l’économie parce que les intérêts privés sont conformes à l’intérêt général. Ils
défendent le libre échangisme et s’opposent au protectionnisme. 3
La théorie libérale des physiocrates sera prolongée et approfondie par les
classiques anglais qui vont l’orienter en tenant compte de l’évolution de
l’économie.
1-2-2- L’école classique britannique
Le courant libéral de l’école des classiques britanniques émergera avec la
révolution industrielle au XVIII éme siècle. Ses principaux théoriciens sont Adam
Smith, Thomas Malthus, David Ricardo et John Stuart Mill. Elle s’étendra jusqu’à
la publication des Principes d’économie politique (1848) par John Stuart Mill.
La pensée des classiques britanniques sera le fondement de la pensée
économique moderne parce que depuis lors l’économie mondiale est déterminée
par l’industrie qu’ils considèrent comme outil productif.
Adam Smith (1723-1790), est considéré comme étant le fondateur du
libéralisme moderne. Dans son livre Recherche sur la nature et les causes de la
richesse des nations (1776), Adam Smith considère que « l’homme recherche à
être sympathique et à adopter un comportement sociable. Il n’est donc pas besoin
d’un Etat fort et autoritaire parce qu’il y’a peu de comportements asociaux à
réfréner. »4
3 -Marc Montoussé, Théories économiques. Bréal, 1999 4 - Montoussé. op. cit
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L’œuvre de Smith a pour but principal de déterminer les moyens d’accroître la
production afin de rendre la nation plus prospère. Il pense que le premier moyen
d’augmenter la production est de diviser le travail. Cette division du travail est le
facteur principal de l’accroissement. Smith est à ce titre un des précurseurs de la
spécialisation des pays et des industries qui prévaut de nos jours.
Le deuxième moyen d’enrichir la nation toujours, selon Smith, est de favoriser
l’enrichissement individuel parce que les individus enrichissent intentionnellement
la nation en oeuvrant pour leur intérêt personnel. C’est la célèbre notion de « la
main invisible » parce que pour s’enrichir les individus doivent « produire, créer
des industries et par conséquent embaucher. »
Cette conception de l’enrichissement général de la nation est considérée par
les détracteurs de la pensée libérale comme un des mensonges du libéralisme.
L’enrichissement exponentiel des industriels s'accompagne de la paupérisation
des employés.
Adam Smith prône la concurrence et le libre-échangisme. Il est adepte du
nécessaire respect de l’ordre naturel parce que l’économie s’équilibre
automatiquement. Il rejette, par conséquent, l’intervention de l’Etat dont le rôle
minimal doit se limiter à trois fonctions dont deux régaliennes et une tutélaire. La
puissance publique doit protéger la nation contre les autres nations (Armée),
protéger les individus de l’injustice et de l’oppression (Justice et Police). Elle doit
aussi s’occuper de la construction des infrastructures pour favoriser le
développement de la nation.
Smith croyait croit que le développement économique va toujours aboutir à la
prospérité de la nation. L’histoire semble contredire cette thèse. En effet, le
développement de l’industrie s’accompagne de celui du prolétariat et par
conséquent de la pauvreté. Il existait en son époque des lois d’aide aux pauvres
(Poor Laws) qui ont été votées depuis 1601. Le vote de ces lois se justifie par
l’expansion de la pauvreté. Mais son contemporain Malthus était contre ces lois
d’aide aux pauvres.
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Thomas Malthus (1766-1894) est un pasteur et économiste libéral
britannique. Dans son livre Essai sur le principe de la population paru en 1798, il
rejette toute action de l’Etat qu’il accuse d’entraver la régulation démographique
parce que l’augmentation de la population est un danger à la subsistance du
monde. Malthus prône plutôt la limitation de la croissance de la population au
moyen d’obstacles naturels (famines et épidémies liées à la sous alimentation) et
d’obstacles artificiels (le recul de l’âge de mariage et la chasteté conjugale).
Malthus rejette toutefois la contraception qu’il considère comme un vice. C’est
quasiment la même mentalité qui prévaut chez l’église actuelle. Selon lui la
sélection naturelle et sociale est le plus sûr moyen d’entraver l’augmentation
rapide de la population. Aussi croit-il en « l’utilité de la misère » et préconise la
suppression de toute aide aux pauvres. C’est sous ce registre qu’il influencera
fortement la sélection naturelle du darwinisme et les thèses néo-malthusiennes
développées à propos du tiers monde. Le libéralisme de Malthus est fondé sur la
loi de la population. Son contemporain David Ricardo théorisera sur la répartition
et le libre-échangisme.
Dans son œuvre Principe de l’économie politique et de l’impôt (1817), David
Ricardo (1772-1823) traite du partage des revenus par les trois catégories
sociales qui interviennent dans l’économie : les salariés, les capitalistes et les
propriétaires fonciers dont les parts dans le revenu sont fonction de la valeur du
travail fourni. Ricardo est favorable au libre-échangisme comme Adam Smith et à
la spécialisation qui sont toutes deux favorables à toutes les nations. Il prône le
libre-échangisme à cause de ses avantages comparatifs. Ricardo est aussi pour
la limitation de l’intervention de l’Etat. Ricardo et ses prédécesseurs
démarqueront de John Stuart Mill qui juge l’intervention de la puissance publique
nécessaire.
John Stuart Mill (1806-1873) adhérera aux principes du « laisser-faire » mais
accepte l’intervention de l’Etat. Mill soutient dans son livre Principes d’économie
politique (1848) que l’Etat doit intervenir dans le domaine social en procédant à
un certain réformisme à travers « l’éducation des femmes, la réglementation de la
durée de travail, l’aide aux pauvres et une instruction publique de qualité gratuite
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pour tous pour permettre le regroupement des ouvriers et des entrepreneurs ».5
John Stuart Mill élargit davantage la liste des secteurs d’intervention qui doivent
être dévolus à l’Etat notamment les domaines sociaux.
L’école classique anglais a posé les fondements de la pensée économique
moderne. Ses théories seront reprises par les néoclassiques qui ont fondé la
micro-économie.
1- 2- 3- L’école néoclassique
Les principaux fondateurs de l’école néoclassique sont le Français Léon
Walras (1834-1910), le britannique William Stanley Jevons (1835-1882) et
l’autrichien Carl Menger (1840-1921). Les libéraux néoclassiques ont développé
la théorie de l’équilibre général. Léon Walras explique dans son œuvre Eléments
d’économie politique pure que si
«Les conditions de la concurrence pure et parfaite sont réunies, c’est-à-dire,
l’ordre naturel est respecté, l’économie se maintient automatiquement en
équilibre »6.
C’est la concurrence déloyale qui entraîne les déséquilibres entre l’offre et la
demande dans le marché. Les néoclassiques pensent que « les agents
économiques sont des « homo æconomicus » c'est-à-dire des êtres rationnels dont la
seule préoccupation est de maximiser leur profit s’ils sont producteurs et à maximiser
leur satisfaction et minimiser leur travail s’ils sont consommateurs ». Ils soutiennent
aussi que dans la fixation des prix des ajustements successifs sont nécessaires
pour définir un prix d’équilibre. Les néoclassiques condamnent aussi l’intervention
de l’Etat parce qu’elle altère l’ordre naturel et perturbe le fonctionnement
autorégulateur du marché.
A son origine le libéralisme était une théorie économique qui s’est élargie au
cours de son histoire à certains secteurs sociaux : éducation, santé. L’idée
5 - op. cit. 6 -op.cit
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Année 2005-2006 25
principale sur laquelle s’accordent les théoriciens est la question de l’intervention
de l’Etat dans le jeu du marché. La majorité la rejette à la différence de quelques
penseurs comme John Stuart Mill qui juge utile une intervention minimale de l’Etat
dans certains domaines.
Au XX éme siècle la pensée libérale s’est propagée dans les champs culturel
et religieux. Le libéralisme a maintenant d’autres significations synonymes de
liberté d’expression, de culte et de comportement. Le vocable « liberal » en
anglais a parfois pris des allures de liberté à outrance. L’église anglicane
américaine croit que l’intronisation de religieux homosexuels, rejetée par l’église
catholique, relève d’un acte libéral. Les mariages entre personnes de même sexe
s’inscrivent aussi dans le même ordre d’idée.
Le libéralisme est appliqué maintenant dans tous les domaines et tous les
secteurs de la vie de l’homme. Dans les transports le vocable employé est la
libéralisation qui consiste en la promotion de l’investissement privé et de la
concurrence.
1-2- 4- La libéralisation dans les transports
Si la théorie économique libérale est née en Europe, la libéralisation des
transports a vu le jour aux Etats-Unis. Les Etats-Unis sont ainsi appelés le
Royaume du libéralisme à cause de leur très ancienne tradition libérale.
L’Amérique est dans ce domaine très en avance par rapport au reste du monde.
Dans les transports, la libéralisation est souvent complétée par une
déréglementation. Elle implique le même esprit qu’en économie. Mais les
spécificités des transports d’une économie à l’autre, généralement dictées par les
priorités économiques, sont à la base de sa différenciation d’un pays à un autre.
Il convient de s’attarder sur la différenciation des deux mots, libéralisation et
déréglementation, qui prêtent parfois à confusion.
La libéralisation suppose la fixation des prix par une autorité indépendante qui
tient compte de certaines considérations généralement sociales.
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Année 2005-2006 26
La déréglementation prône la liberté totale de fixation de prix par les acteurs qui
interviennent dans le secteur considéré. Elle prône « la suppression des mesures
juridiques ou techniques considérées comme frein au développement de certains
trafics ».
La libéralisation s’applique maintenant à tous les secteurs et à tous les modes
de transport. Aussi le transport aérien a été le premier mode à être touché par la
déréglementation à cause se sa vocation internationale. Les Etats-Unis ont été
les premiers à libéraliser le transport pour permettre une fluidité du trafic entre les
Etats Elle est apparue dans les années soixante dix avec la Deregulation Act à
travers l’Air Cargo act de 1977 et the Airline Deregulation act de 1978.
Cette déréglementation du transport américain touche d’abord le marché
intérieur et se traduit par une baisse des prix du transport aérien. Mais elle va
avoir rapidement des conséquences internationales majeures. Très vite, le
phénomène se propage au monde entier. En Europe le Royaume Uni, pays
reconnu pour sa promptitude à suivre les Etats-Unis, a été le premier à libéraliser
le transport aérien. La Communauté Européenne (CEE) ne s’y engage qu’en
1986 avec la signature de l’acte unique qui donne l’impulsion à la libéralisation.
La déréglementation est stimulée à son origine par le GATT (General
Agreement on Tariffs and Trade) puis l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) et l’Organisation des Nations Unies. Elle se généralise à tous les modes
de transport et au monde entier, aux Etats du Nord comme aux Etats du Sud.
1- 3- Le Contexte de l’étude
Après le constat du bilan mitigé des programmes d’ajustement structurel que
les pays en voie de développement connaissent depuis les années 80-90, la
même politique subit actuellement des orientations nouvelles selon le
comportement de la finance mondiale.7 Les bailleurs de fonds internationaux
(Banque Mondiale et Fonds Monétaire Internationale) visent désormais
7 - Les Politiques d’ajustement structurel au Sénégal, site officiel du Gouvernement du Sénégal, 7 Février 2006.
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l’assainissement et la rationalisation de certains secteurs spécifiques de
l’économie qui demandent de grandes dépenses. Parmi ces secteurs, on compte
celui de l’énergie.
En 1990, le Docteur Carlo PICOLLO, à la tête d’un groupe d’experts de
l’Organisation des Nations Unies, entreprit une étude dont les conclusions
relevèrent que les pays en voie de développement (PED) auraient pu réaliser des
économies de 1,4 milliards de dollars américains.
L’allégement de la facture énergétique de ces pays en développement doit se
réaliser à travers une rationalisation des systèmes de fourniture et de distribution
des produits pétroliers. Ces pays doivent réhabiliter les infrastructures pour
donner au secteur l’efficacité requise parce que jusqu’alors le système dans tous
ses segments était inefficace.
En effet, la manne financière dont bénéficiaient les PED des bailleurs de fonds
bilatéraux et internationaux, pour financer les investissements dans le secteur de
l’énergie, a connu une réduction drastique à cause de l’échec des méthodes de
gestion. Il s’y ajoute le changement de priorités. Les fonds vont désormais aux
secteurs socio-économiques : éducation, santé, lutte contre la pauvreté et
sécurité sociale.
Depuis lors certains pays tels les pays PED, bénéficiaires de ces
financements, seront appelés à libéraliser le secteur aval de l’énergie dans tous
ses segments. Dans la sous-région, le Sénégal, le Mali, la Gambie, la Guinée
Bissau et le Cap Vert vont appliquer la réforme de la libéralisation.
1 – 3 – 1- Les raisons internes de la libéralisatio n au Sénégal
Au Sénégal, le secteur de l’énergie avait commencé à connaître des difficultés
d’approvisionnement et de transport. Les transporteurs présents sur le terrain des
opérations affichaient des signes d’incapacité à répondre à la demande qui a
augmenté avec la croissance du tissu industriel.
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La libéralisation survient de manière effective en 1998 avec l’adoption de
certains décrets8 et l’élaboration de la nouvelle politique énergétique déclinée à
travers la Lettre de Politique de Développement du Secteur de l’Energie (LPDSE)
qui a été élaborée en 19979. La libéralisation a pour objectifs essentiels de
soulager les dépenses de l’Etat et de donner plus d’efficacité au sous-secteur des
produits pétroliers en l’ouvrant aux investissements privés.
Les activités du sous-secteur aval des hydrocarbures seront alors ouvertes à
l’investissement privé. Il s’agit notamment des segments de l’importation, du
raffinage, du stockage, de la distribution et du transport. A l’exception du raffinage
où la Société Africaine de Raffinage (SAR) dispose d’un monopole de fait, tous
les autres segments ont connu l’entrée de nouveaux acteurs.
Le segment du transport accueillera beaucoup de nouveaux investisseurs. Il
connaîtra des changements dans ses aspects législatif et réglementaire,
technique, et social. Les conséquences de la réforme sont immédiates. Le
contexte du marché va beaucoup changer. La situation du marché relativement
stable qui prévalait avant la libéralisation est désormais très concurrentielle.
L’Etat a entrepris une étude dans un cadre général du sous secteur aval des
hydrocarbures mais pas une évaluation spécifique à chaque segment. C’est ce
qui constitue l’intérêt de notre étude. Nous nous proposons donc de nous
intéresser au segment transport uniquement dans l’espace sénégalais.
1- 4- Problématique
Le segment du transport des produits pétroliers connaît actuellement de
nombreux dysfonctionnements qui demandent la réalisation d’un diagnostic pour
voir si l’efficacité visée par les acteurs à travers la libéralisation est atteinte sur la
base de l’observation des résultats actuels.
8 - Décret n° 98-338 du 21 Avril 1998 fixant les conditions d’exercice des activités d’importation, de stockage, de transport et de distribution des hydrocarbures. Décret n° 98-342 du 21 Avril fixant les modalités de détermination des prix des hydrocarbures raffinés. 9 -Lettre de Politique de Développement du Secteur de l’Energie du Sénégal, Gouvernement du Sénégal, 2002…
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Les enjeux pour l’Etat de l’acheminement des produits pétroliers à tout point
du territoire sont atteints. Il y’a eu création de nouvelles sociétés et d’emplois. Si
les objectifs de l’Etat sont atteints, est- ce que les transporteurs ont atteint leurs
objectifs de maximisation de profit ? Est - ce que le contexte actuel leur permet de
rentabiliser leurs investissements ?
Les rapports entre l’Etat et les transporteurs, de même que les relations entre
transporteurs dans leur configuration actuelle ne sont pas de nature à améliorer la
situation. Qu’est-ce qui est exactement à l’origine de ces problèmes ?
Proviennent-ils des faiblesses et insuffisances des textes de la libéralisation ?
Doit-on chercher les causes dans l’organisation et la gestion des sociétés ? Ne
faut-il pas plutôt orienter la recherche vers l’exploration des rapports entre les
différents acteurs ? Est-ce que les majors n’usurpent pas les prérogatives qui
relèvent du rôle de la puissance publique ?
En effet, il semble y’avoir de multiples causes qui peuvent expliquer ces
problèmes. La baisse du chiffre d’affaires de toutes les grandes sociétés exclut la
thèse de la mauvaise gestion des entreprises. Si ces sociétés ont connu « un âge
d’or » avec une organisation modeste et une gestion souvent traditionnelles, la fin
de cet « âge d’or » ne peut se justifier par le changement de politique.
Par conséquent, l’avènement de la libéralisation et la survenue simultanée des
problèmes ne peuvent pas être une simple coïncidence. Les changements
techniques et organisationnels intervenus ne peuvent pas à eux seuls expliquer
tous les problèmes.
Pour répondre à ces multiples questions, nous verrons les effets des actions
de chaque intervenant dans le segment du transport des hydrocarbures dans la
mesure où les conséquences ne proviennent pas seulement des seuls problèmes
internes aux entreprises de transport. Les responsabilités sont partagées entre
les pouvoirs publics et les multinationales.
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1- 5- Question de recherche
Est- ce que la libéralisation a permis d’alléger la facture énergétique du pays
et de mettre fin aux problèmes du segment tout en favorisant les intérêts de
chaque acteur comme le voudrait l’esprit de la doctrine libérale ?
1- 6- Objectifs de recherche
L’objectif de notre étude est de chercher à savoir si les enjeux de la
libéralisation cadrent avec les impacts de son application en explorant l’action des
trois intervenants. L’analyse des textes législatifs permettra d’établir la
responsabilité de la puissance publique. De même l’introduction des nouvelles
réglementations par les majors n’a pas seulement d’impact positif. Nous verrons
l’effet de ces nouvelles réglementations sur les sociétés.
L’Etat et les distributeurs ne sont pas les seuls acteurs dont les actions ont
des effets notables sur l’activité. Les transporteurs qui sont à la fois principaux
bénéficiaires et principales victimes des changements sont aussi responsables
pour une large part de certains problèmes. Notre étude se limitera au segment du
transport des hydrocarbures au Sénégal depuis l’avènement de la libéralisation.
1- 7- Hypothèse de recherche
Les enjeux de la libéralisation du segment du transport des hydrocarbures ont
incontestablement un impact positif. Sur le plan socio-économique, des
entreprises et des emplois ont été créés. La réforme a permis de remédier aux
problèmes de transport des produits sur toute l’étendue du territoire. Les
entreprises connaissent une gestion en phase de changement. La
professionnalisation du personnel a largement contribué à une amélioration de la
qualité des services et d »e la qualité de vie avec une meilleure prise en compte
des dangers de pollution.
Les réglementations technique et sociale ont apporté des innovations très
positives.
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Mais le coût de ces changements est élevé pour les entreprises. La plupart
des sociétés sont confrontées à des problèmes qui découlent de l’action de
acteurs qui interviennent dans le segment. Les problèmes ne sont pas seulement
dus à des causes internes aux entreprises de transport. Les chargeurs comme
les pouvoirs publics y ont largement contribué.
En l’absence d’une législation sociale nationale adaptée doublée des
négligences observées sur les contrôles techniques, l’action des multinationales
sera plus ressentie à cause des nombreuses exigences qu’ils imposent aux
sociétés de transport. Aussi les transporteurs doivent s’attendre à une tendance
de développement et de modernisation calquée sur les changements qui
s’opèrent dans les pays développés.
Les majors imposeront des priorités à réaliser qui ne s’inscrivent pas dans le
cadre local mais plutôt à un niveau international à cause de la mondialisation des
activités. Les coûts des changements vont affecter les sociétés pendant
longtemps. Mais les entreprises finiront par se redresser en dépit des problèmes
actuels. Le rétablissement de la situation difficile des sociétés serait plus rapide si
la politique est révisée en impliquant tous les acteurs et que la puissance
publique vienne en aide aux sociétés.
1- 8- Résultats attendus
Nos résultats intéressent d’abord les transporteurs, principaux bénéficiaires de
effets positifs de la réforme et qui subissent également son impact négatif. Les
conclusions de l’étude doivent permettre aux sociétés de transport de mieux
orienter leur politique dans le sens de remédier aux problèmes auxquels elles font
face.
L’exploration critique de l’action des multinationales vise à apporter des
correctifs à certaines de leurs actions qui sont préjudiciables aux sociétés de
transport. Elle soulignera également le rôle déterminant qu’elles jouent dans la
modernisation du transport des produits pétroliers pour voir comment donner plus
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Année 2005-2006 32
d’efficacité à leur intervention en atténuant son impact négatif. Les résultats de
l’étude serviront également aux investisseurs potentiels dans le segment du
transport d’hydrocarbures à des fins de prospection du segment.
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Chapitre 2
Méthodologie de recherche
2-1-Outils de recherche et de collecte d’informatio n
Nous analyserons d’abord les textes élaborés dans le cadre de la
libéralisation. Nous mènerons des enquêtes auprès des groupes d’acteurs qui
interviennent dans la chaîne du transport des hydrocarbures. Les autorités
publiques, les transporteurs et les chargeurs seront ainsi nos principales
populations cibles.
Nous ferons aussi des observations sur le terrain. Nos données seront
complétées par des recherches documentaires.
2- 2- Outils d’analyse
Nous dépouillerons les résultats de nos enquêtes et recherches, exploiterons
les statistiques. Nous explorerons les textes législatifs qui régissent le segment et
les décrets élaborés dans le cadre de la réforme, les contrats qui lient les
transporteurs aux chargeurs. Nous analyserons la nature des rapports existant
entre les différents acteurs et entre les transporteurs en leur sein.
2- 3- Problèmes
La délicatesse du thème et ses rapports avec l’actuelle actuelle dominée par
les problèmes d’approvisionnement en produits pétroliers et en énergie a été un
obstacle à l’obtention de certaines données statistiques. Certaines entreprises
sont réticentes à divulguer certaines données qui relèvent d’une importance
stratégique. Il s’agit notamment des données financières le comme la baisse du
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chiffres, et des volumes transportés. Il y’a également les informations relatives à
l’état de leur parc automobile.
Nous avons découvert lors de nos recherches une certaine dispersion et un
certain manque de coordination entre les directions de la tutelle qui expliquent
qu’il est souvent difficile d’obtenir certaines données. La Direction de l’Energie et
le Comité National des Hydrocarbures ne disposent pas de toutes les statistiques
notamment sur les volumes totaux transportés par les sociétés de transport.
Cette situation s’explique selon les responsables des différentes directions par le
manque de moyens et l’insuffisance de la ressource humaine.
Le manque de documentation concernant le sous-secteur des produits
pétroliers au niveau national demeure le principal problème. Il n’y a pas encore, à
notre connaissance, d’étude particulière entreprise sur un segment du sous-
secteur aval des produits pétroliers de manière spécifique.
2- 4- Les limites de l’étude
La complémentarité des différents segments du sous-secteur n’implique pas
forcément des corrélations entre elles. Il faut se garder de confondre les
problèmes d’un segment avec ceux des autres parce qu’ils sont différents. Leur
combinaison constitue l’ensemble des problèmes du sous-secteur des produits
pétroliers. Ceux que nous évoquerons de même que les aspects positifs de la
libéralisation concerneront donc seulement le segment du transport des produits
pétroliers.
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DEUXIEME PARTIE
LE SEGMENT DU TRANSPORT DES PRODUITS PETROLIERS
AU SENEGAL
Le segment du transport des hydrocarbures est un maillon très important dans
le sous secteur des produits pétroliers. Il relève d’un intérêt stratégique dans
l’économie nationale. Le transport des hydrocarbures est régi par un cadre
institutionnel qui comprend des organes étatiques. Ce cadre a été révisé et
renforcé afin de permettre et faciliter l’application de la libéralisation.
L’Etat, les distributeurs et les transporteurs sont les acteurs qui interviennent
dans le segment. Chaque intervenant a ses intérêts. Mais dans le cadre de la
libéralisation, ce sont l’Etat et les distributeurs qui avaient des enjeux définis. La
puissance publique doit veiller à la sécurité de l’approvisionnement du pays. Les
multinationales défendent leurs intérêts économiques et leur image de marque
dans la perspective d’un développement durable.
Cette partie portera sur le sous-secteur des produits pétroliers au sénégal.
Nous examinerons le cadre institutionnel au chapitre premier. Le deuxième
chapitre évoquera les enjeux pour la puissance publique et les majors à travers la
libéralisation.
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Chapitre 1
Le Sous secteur des produits pétroliers
au Sénégal
Pour mieux comprendre l’importance des hydrocarbures dans l’économie du
Sénégal, nous ferons une appréciation de leurs impacts dans le fonctionnement
de l’économie mondiale. Le sous secteur des produits pétrolier détermine
l’évolution de toute économie. C’est le seul domaine économique dont les
problèmes et dysfonctionnements ont des effets immédiats.
Aucune nation n’est épargnée. Les pays développés comme les pays en
développement sont touchés au même titre. Ces produits ont ainsi créé une
interdépendance entre pays et économies. Au Sénégal, son importance et les
implications de son fonctionnement font intervenir plusieurs autorités étatiques et
acteurs socio-économiques.
1-1- Rôle des produits pétroliers dans l’économie
Dés la fin de la seconde guerre mondiale, les produits pétroliers ont constitué
l’arme de contrôle de l’économie mondiale pour leurs enjeux et leur importance
stratégique et surtout pour leurs implications géopolitiques. Ils conditionnent la
croissance de l’économie mondiale. Les grandes nations industrialisées auront
compris que celui qui contrôle leur circulation aura la mainmise sur l’économie
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Année 2005-2006 37
mondiale. Pour parer aux problèmes d’approvisionnement du monde, la
communauté internationale a créé l’Organisation des Pays Producteurs de
Pétrole (OPEP). Aussi ils constituent une arme de pression redoutable sur les
grandes puissances.
Les membres du G8 ont souligné l’importance du pétrole dans l’économie
mondiale dans leur déclaration commune à la suite du sommet de Glengeagles
en Ecosse en Juillet 2005. En effet, ils ont relevé que :
« Une forte croissance mondiale a entraîné une hausse importante de la
demande énergétique et, venant s’ajouter aux contraintes pesant sur les
capacités et aux incertitudes quant à l’offre, a conduit à des prix élevés et
volatiles du pétrole… La persistance du prix élevé de l’énergie fait peser sur la
croissance économique mondiale... Des investissements importants dans la
prospection, la production et les infrastructures énergétiques seront nécessaires
à court, à moyen et à long terme pour répondre aux besoins d’une économie
mondiale en expansion ».
Cette déclaration témoigne du rôle important et déterminant des produits
pétroliers dans l’économie mondiale. Son expansion et sa croissance sont
conditionnées par les capacités de production de ces produits. Les produits
pétroliers constituent aussi une arme de pression redoutable pour les pays
producteurs sur les grandes puissances. Aussi chaque fois que le marché subit
le moindre problème, les répercussions sont planétaires.
Le monde n’éprouve pas beaucoup de problèmes d’approvisionnement à
cause des moyens de transport performants. Ces moyens permettent une bonne
circulation de ces produits des zones de production aux lieux de consommation.
Les raisons déjà évoquées expliquent que l’Etat du Sénégal ait recours à la
réforme de la libéralisation pour remédier aux dysfonctionnements du sous
secteur des produits pétroliers sous peine de ralentir l’activité économique.
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L’Etat a mis en place un nouveau cadre législatif et réglementaire en vu de
faciliter la mise en œuvre de la réforme. Ses organes doivent assurer le bon
fonctionnement du sous-secteur, faciliter et assainir le marché.
1-2 - Le Cadre institutionnel
Le cadre institutionnel du segment du transport des hydrocarbures est
complexe à cause de la pluralité des autorités ministérielles qui interviennent
dans le sous-secteur des produits pétroliers. Officiellement, le segment relève du
Ministère de l’Equipement et des Transports Terrestres.
1-2-1- Le Ministère de l’Energie et des Mines
Le Ministère de l’Energie est l’autorité étatique chargée d’assurer la sécurité
de l’approvisionnement du pays en produits pétroliers. Il veille à la bonne distribution
des produits sur tout le territoire national à travers l’action des transporteurs et des
distributeurs.
1- 2 – 2- Le Ministère de l’Intérieur :
Le Ministère de l’intérieur assure la protection civile. Il veille au respect des
règles de circulation des camions citernes qui constituent les seuls moyens de
transport des hydrocarbures à l’intérieur du pays comme dans les corridors
frontaliers entre pays.
1-2-2- Le Ministère de l’Environnement et de la protection de la nature
Le Ministère de l’Environnement est l’autorité de tutelle de la Direction des
Etablissements Classés qui délivre les autorisations de construction des
établissements classés. Il veille à la prévention de tous les risques de pollution de
l’environnement.
La pluralité des ministères qui interviennent dans le déroulement des
opérations du segment du transport des hydrocarbures reflète le nombre de ses
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Année 2005-2006 39
organes de contrôle. Les principaux ministères ont une direction qui intervient sur le
champ des opérations. Dans le processus d’accompagnement et de facilitation de la
mise en œuvre de la libéralisation, les pouvoirs publics ont renforcé le cadre
institutionnel avec le Comité National des Hydrocarbures.
1-2-3- La Direction de l’Energie
La Direction de l’Energie est chargée de l’orientation, la mise en oeuvre et le
contrôle de la politique énergétique nationale. Elle coiffe donc toutes les autres
directions dans le secteur de l’Energie en termes d’importance de responsabilités.
Elle a connu une restructuration avec la mise en place d’une organisation efficace à
même de conduire la nouvelle politique libérale.
1-2-4- La Direction des Transports Terrestres (DTT)
Tous les modes de transport terrestres dépendent de la Direction des
transports Terrestres (DTT). Mais avec la libéralisation, le transport des produits
pétroliers est sous la tutelle du Comité National des Hydrocarbures. Toutefois, la
DTT intervient dans l’étude des dossiers de demande de licence de transport de
produits pétroliers.
1-2-5- Le Comité National des Hydrocarbures (CNH)
Le Comité National des Hydrocarbures est l’innovation qui a été apportée au
cadre institutionnel. Il a pour mission le contrôle et la réglementation du sous
secteur aval des hydrocarbures (raffinage, stockage, distribution, vente et
importation). Le CNH travaille en étroite collaboration avec les différents
départements qui ont chacun un représentant dans son secrétariat permanent qui
siége périodiquement sur convocation de son président qui est le Directeur du
Comité.
La Direction du Port Autonome de Dakar et celle des Douanes sont aussi
représentées dans le secrétariat restreint. Le Comité effectue aussi le calcul du
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Année 2005-2006 40
prix du carburant, l’analyse des statistiques et reçoit les dossiers de demande de
licence des opérateurs qui veulent investir dans un des segments des produits
pétroliers. Il délivre les licences après accord du Ministre de tutelle.
1-2-6- La Direction des Etablissements Classés (DEC )
La Direction des Etablissements Classés (DEC) relève du Ministère de
l’environnement et de la Protection de la Nature. Elle est sous l’autorité de la
Direction de l’Environnement. Elle est chargée de l’étude des dossiers de
demande d’installation d’établissements classés. L’autorisation de construction
d’un établissement classé est obtenue après la réalisation d’une étude d’impact
sur l’environnement. Cette étude constitue la grande spécificité dans la mise en
place d’une entreprise de transport de produits pétroliers comparé aux autres
transports terrestres notamment celui des solides10.
Le contrôle technique effectif de ces établissements est confié à des bureaux
de contrôle agréés qui vérifient la sûreté et la conformité des cuves et des
bouteilles des sociétés de transport d’hydrocarbures. Les personnels de ces trois
directions ont les compétences requises pour l’accomplissement de leurs
fonctions. Mais elles déplorent leur incapacité à remplir pleinement et
convenablement leur rôle pour manque de moyens et/ou insuffisance de
pouvoirs.
1- 3 - Le Cadre des Activités : Les acteurs du tran sport des hydrocarbures
Les chargeurs et les transporteurs sont les deux groupes d’acteurs qui
interviennent sur le terrain des opérations. L’Etat est un acteur dont le rôle
consiste essentiellement au contrôle et à l’assainissement du marché.
10 - Pour la définition et le classement des établissements dans les annexes, voir Code de l’Environnement du Sénégal, 2001 en son titre II, chapitre premier, articles 9 à 27, pages 10 à 15.
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1- 3 – 1- Les chargeurs
Les chargeurs des produits pétroliers sont les distributeurs auxquels
s’ajoutent des indépendants. Les indépendants sont des clients qui effectuent des
opérations ponctuelles d’achat de produits pétroliers et sollicitent les services des
transporteurs la livraison. Ce sont généralement de opérateurs économiques
moyens propriétaires de boulangerie et des personnes qui ont des chantiers.
1 – 3 – 2-Les distributeurs
Les distributeurs sont divisés en deux groupes. Le premier groupe est
constitué par les sociétés multinationales Total, Shell, Mobil. Ces multinationales
sont actionnaires dans les capitaux des dépôts de produits pétroliers et de la
raffinerie. Elles se sont constituées en une association informelle sans statut
juridique officiel appelée le Groupement des Professionnels de l’Industrie du
Pétrole (GPP).
Le GPP rassemble des statistiques sur le sous-secteur des produits pétroliers
dans son ensemble. Il constitue l’interlocuteur du gouvernement dans la défense
des intérêts de ses membres. Les multinationales sont les grands clients des
sociétés de transport. Elles disposent de l’exclusivité du parc de certains
transporteurs.
Le second groupe est formé par les nouveaux distributeurs qui sont venus
grâce à la libéralisation. Il s’agit notamment de Alanau Petrolieum International
(API), AlHazar, Cheikh Gueye et Fils, Elton, Ramsés, StarOil, Touba Oil). Leur
part plutôt moyenne, pour le moment, dans les volumes transportés fait que
jusque là ils n’ont pas de transporteur exclusif. Elton a connu une expansion
fulgurante. Elle a déjà l’exclusivité de Transport la Flèche, filiale de la société
Alkaly Fall (AKF).
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On peut lire sur ce graphique que les ventes des nouveaux distributeurs sont
encore très petites. A l’exception de Elton, il n’y a que les multinationales qui
offrent le marché de transport pour les transporteurs. Cette situation sera à
l’origine du phénomène de surcapacité que nous verrons au chapitre 2 de la
troisième partie dans les contraintes de renouvellement de l’équipement de
transport et problèmes de rentabilité des investissements.
1 – 3 – 4-Les transporteurs
Le sous-secteur des produits pétroliers est caractérisé par une politique
d’externalisation qui implique la spécialisation. Chaque acteur se consacre à une
activité. (Voir glossaire). C’est la spécialisation prônée par certains libéraux
(Adam Smith et David Ricardo). Le segment se caractérise par un monopole
familial. Les premières sociétés sont des entreprises familiales appartenant à des
étrangers qui ont acquis la nationalité sénégalaise. Progressivement il y’a eu des
opérateurs locaux qui l’ont intégré. Les nouveaux venus sont presque tous des
sénégalais. Cela n’est pas dû à des contraintes législatives.11
11 - Au Mali le transport des produits pétroliers est exclusivement réservé aux nationaux (comme le transport du cacao en Côte d’Ivoire et celui du coton au Burkina Fasso et Niger). Les étrangers qui veulent investir dans le segment transport des hydrocarbures au Mali doivent avoir des associés maliens. (Source : Entrepôts Maliens au Sénégal (EMASE).
Ventes des distribueurs (Année 2005)
Débouchés
Mobil
Shell
Total
Elton
Oryx
API
AlAzar oil
Serigne Geye et Fils
ERES
Star Oil
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Année 2005-2006 43
Au Sénégal, le transport intérieur des hydrocarbures ne se fait que par
camions-citernes. Les transporteurs sont généralement des professionnels dont
la tâche consiste à déplacer les produits d’un dépôt à un point de distribution ou
de consommation. Ils sont pour le moment au nombre de quinze pour onze
distributeurs.
Les transporteurs étaient au nombre de huit avant la libéralisation. Mais
certains avaient été autorisés à entrer dans le marché sans licence. Il se posait le
besoin de combler le déficit observé dans l’offre de transport qui était en
inadéquation avec la demande.
En termes de taille du parc, les anciens transporteurs ont des parcs plus
grands et par conséquent des parts de marché plus larges parce qu’ils
transportent pour les plus grands distributeurs. Mais sur cet aspect il y’a parmi les
nouveaux transporteurs certains qui sont parvenus à s’imposer en consentant des
investissements énormes en équipements.
La mise en place du dispositif d’accompagnement de la politique énergétique
reflète les enjeux que l’Etat et ses partenaires du sous-secteur des hydrocarbures
visent à travers la libéralisation. Dans le segment transport, les deux principaux
acteurs à afficher des enjeux sont les pouvoirs publics et les distributeurs. Outre
les recommandations des institutions de Bretton Woods, les enjeux de la
libéralisation sont un ensemble de raisons provenant de ces deux acteurs avec
chacun ses objectifs. Nous allons, dans le chapitre suivant voir les enjeux de
l’Etat et des multinationales.
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Chapitre 2
Les enjeux de la libéralisation
La libéralisation du transport des hydrocarbures été imposée par la Banque
mondiale et le FMI. Toutefois, la situation du sous-secteur des produits pétrolier
justifie l’opportunité de son ouverture à l’investissement privé. L’Etat veillera à
garantir l’approvisionnement du pays. L’enjeu pour les multinationales est
d’introduire les changements imposés les innovations technologiques.
2 - Les enjeux des intervenants
L’Etat et les multinationales sont les deux acteurs à avoir des enjeux définis
qui doivent se réaliser avec l’entrée de la libéralisation.
2 -1- Les enjeux pour l’Etat
Les enjeux pour la puissance publique consistent essentiellement en la
nécessité de l’augmentation des transporteurs et le renforcement de la
réglementation socio-technique.
2- 1- 1- L’augmentation des transporteurs
Toutes les économies avancées reposent sur des réseaux de transport
fiables, nombreux et compétitifs afin de favoriser les échanges. L’équipement doit
être performant et diversifié pour favoriser la croissance économique. Le premier
enjeu pour l’Etat est de garantir la sécurité et la continuité de l’approvisionnement
du pays en produits pétroliers et au moindre coût. Pour cela il fallait augmenter le
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Année 2005-2006 45
nombre des transporteurs pour assurer l’adéquation entre l’offre et la demande et
supprimer tout monopole avec l’introduction de la concurrence.
Avant la libéralisation, le nombre de sociétés de transport des hydrocarbures
était restreint mais ils satisfaisaient la demande. Cependant, les besoins du pays
en produits pétroliers ont connu une augmentation avec les progrès économiques
enregistrés par l’économie. Des unités industrielles, socio-économiques et des
centrales électriques ont été installées dans les régions intérieures. Le secteur de
la pêche était de plus en plus motorisé. Les habitudes des populations ont
changé avec l’usage de la climatisation et du gaz butane pour la cuisine.
Paradoxalement, beaucoup de transporteurs ont commencé à connaître des
problèmes de renouvellement de leur parc automobile.
L’inadéquation entre l’offre et la demande de transport se révélait de plus en
plus importante. Pour remédier à cette situation la puissance publique procédera
à la libéralisation du segment du transport qui doit permettre le bon
fonctionnement de l’économie. Il faut ainsi noter que même si la libéralisation a
été imposée par les institutions de Breton Woods, il reste que le besoin se faisait
sentir. Dans la plupart des pays en développement le défaut de planification est
un fait récurrent. Les besoins sont ressentis mais on attend généralement jusqu’à
ce que la situation atteigne un niveau critique ou irréversible pour se résigner à
prendre la décision qui sied.
La libéralisation survint alors en 1998 pour assurer l’adéquation entre l’offre et
la demande de transport et alléger la facture énergétique du pays. L’Etat étale
ses objectifs à travers certains décrets12 et sa Lettre de Politique de
Développement du Secteur de l’Energie (LPDSE). Ses objectifs portent sur tous
les segments du sous secteur aval des produits pétroliers (importation, raffinage,
stockage, transport et distribution). Ils s’articulent autour des axes suivants :
12 Décret n° 98 – 338 du 21 avril 1998 fixant les conditions d’exercice des activités d’importation, de stockage, de transport et de distribution des hydrocarbures. Décret n°98 – 342 du 21 avril fixant les modalités de détermination des prix des hydrocarbures raffinés.
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-libéralisation totale des activités du sous secteur et stimulation de la
concurrence en vue d’une diminution du coût des produits ;
-abolition de tous les monopoles existants sur les segments de la chaîne de
distribution (importation, raffinage, stockage, transport, distribution) ;
- modifications légales et réglementaires permettant l’accès des particuliers
aux installations existantes de stockage et de transport ;
- abolition de la convention SAR et institution d’une surtaxe sur l’importation
de produits pétroliers ;
-libéralisation complète des prix à long terme et dans une période
intermédiaire application d’un prix plafond pouvant être ajusté tous les mois.
De manière plus succincte, il s’agit :
- d’éliminer tous les facteurs d’inefficacité ;
- de diminuer le coût d’approvisionnement supporté par les consommateurs ;
- de favoriser le financement du développement du secteur de l’énergie ;
- d’introduire la concurrence avec l’entrée des nouveaux acteurs à travers une
abolition de tous les monopoles existants sur les segments.
Il s’agit donc de procéder à une libéralisation totale avec la suppression de
tous les monopoles afin d’instaurer la concurrence. La réglementation sociale
n’apparaît pas explicitement dans les enjeux ; nous décelons là une des
faiblesses ou insuffisances des textes de la réforme ; mais elle demeure une des
priorités de l’Etat. Mais la réglementation technique et environnementale est une
priorité.
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Evolution du marché sénégalais de 1991 à 2001 (Source Direction de l’Energie)
Le graphique révèle une augmentation nette des volumes de produits
pétroliers consommés par le marché sénégalais à partir de la 8éme année, 1998,
la date d’entrée de la libéralisation. Nous attribuons cette augmentation à l’entrée
des nouveaux transporteurs qui ont augmenté les capacités de l’offre de
transport. Cette augmentation brutale témoigne aussi de l’opportunité de la
libéralisation.
2 - 1 - 2- Le renforcement de la réglementation.
Le renforcement de la réglementation technique et environnementale réside
aussi parmi les enjeux de la puissance publique. L’entrée des nouveaux
transporteurs doit s’accompagner de nouvelles mesures pour éviter l’éventualité
des dérives. L’Etat doit alors assurer la sécurité des acteurs et des populations.
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Le concept d’environnement est défini ici comme « l’ensemble des éléments
objectifs (qualité de l’air, bruit) et subjectifs (beauté d’un paysage, qualité d’un site)
constituant le cadre de vie d’un individu »13.
La préservation, la valorisation et la défense de l’environnement sont
devenues des préoccupations constantes des pouvoirs publics. La pollution de
l’air et les nuisances sonores, appelées externalités dans le monde du transport,
engendrées par le trafic affectent les populations riveraines des infrastructures.
Les enjeux de la puissance publique dans ce domaine visent l’amélioration de la
qualité de l’environnement urbain. La réduction des externalités implique une
série d’interventions soit « correctives » (à la réception), mais de plus en plus
« préventives » (à la source).14
La série d’interventions préventives explique l’installation des sociétés de
transport de transport de produits pétroliers dans des sites isolés à l’écart des
habitations. Mais avec l’urbanisation rapide de la capitale, beaucoup de sociétés
se trouvent au centre de quartiers, entourées par des habitations. C’est
notamment le cas des premières sociétés (Daniel Haddad et Fils ou DHF, Khoury
Transport, Faouzzie Lauyousse, AKF, TRANSGAYE, Entracom).
La réglementation technique a aussi été renforcée. Elle est relative aux poids,
dimensions et règles de circulation des véhicules. Le contrôle technique des
véhicules est assuré par des services privés spécialisés avant leur mise en
circulation. Les enjeux de l’Etat comportent des dimensions socio-économique,
technique et environnemental. L’ouverture du segment aux privés lui donnera
plus d’efficacité et ménagera les investissements publics. Ces objectifs de l’Etat
se complètent et se confondent parfois avec ceux des chargeurs. Toutefois les
buts visés ne sont pas toujours les mêmes.
13 -Grand Larousse Universel, Tome VI, p. 3801. 14 Eddy BLOY et al, Evaluer la Politique des transports, éditions Economica, Presse Universitaire de Lyon, 1977, p.96
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2- 2 - Les enjeux pour les chargeurs
Les enjeux des multinationales s’inscrivent dans le cadre d’une politique
globale d’intégration qui régit leur activité et le développement de leurs rapports
avec tous les maillons de la chaîne de distribution. Il s’agit d’abord de la défense
de leurs intérêts et de leur image de marque. Ces deux facteurs passent par la
maîtrise de la chaîne logistique et le respect de la réglementation.
2 - 2 -1- La maîtrise de la chaîne logistique
Le transport de produits pétroliers est un segment de la chaîne
d’approvisionnement d’un pays. La chaîne logistique moderne s’est élargie et
est devenue plus globale en intégrant tous les acteurs.
Son « intégration s‘est poursuivie en englobant …l’amont et l’aval pour couvrir
l’ensemble des flux physiques (des produits), d’information et financières depuis
les clients jusqu’aux fournisseurs…, formant ainsi la chaîne logistique globale ou
« supply chain ». Elle recouvre un champ d’activités très large allant de la
conception ( en partie), l’achat (également en partie), l’approvisionnement, la
production, la distribution jusqu’au soutien logistique et au recyclage ».15
Pour les chargeurs, la maîtrise de cette chaîne logistique se justifie pour une
large part par le souci de défense de leurs intérêts économiques d’abord et de
leur image de marque. Ces deux impératifs requièrent la maîtrise de tous les
risques et dangers possibles.
Les acteurs socio-économiques doivent mobiliser leurs efforts dans la
perspective d’un environnement sûr et plus propice au développement de toute
activité. C’est pour cette raison qu’on assiste ces dernières années à l’émergence
de nouvelles préoccupations ayant un impact sur le secteur des transports en
15 -Faly BADJI, La Chaîne Logistique du Périssable, Eléments de cours et étude de cas, Ecole Supérieure de Commerce, 2005/2006.
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Année 2005-2006 50
général et celui des hydrocarbures en particulier par rapport aux préoccupations
de sûreté et de sécurité.
Toute activité doit s’accompagner d’un programme de protection de
l’environnement pour assurer un développement socialement soutenable et
économiquement rentable dans sa zone d’exécution ou d’opération. C’est le
concept de développement durable largement répandu qui relie la protection la
protection de l’environnement à un certain degré de développement économique
et social.
Dans les grands ensembles bien organisés et intégrés comme l’Union
Européenne16, les pays membres discutent conjointement des principes et
modalités de la coopération dans le domaine de la sécurité des transports. La
coopération sur la protection de l’environnement est devenue une question
mondiale. Beaucoup de conventions ont vu le jour depuis le début des années
« 90 » (voir en annexe les conventions relatives à la protection de
l’environnement).
Les propositions concernant « l’interdiction du transport du fioul lourd par des
pétroliers à simple coque, l’introduction de sanctions pénales pour les
responsables d’accident de pollution résultant de négligences flagrantes.17» sont
adoptés dans le cadre communautaire. Les majors visent ainsi essentiellement
l’accroissement de la productivité en veillant à l’amélioration de la qualité de vie
dans un environnement sain.
2- 6 - Le renforcement de la réglementation socio - technique
Vu l’importance accordée aux aspects environnementaux en l’absence d’une
législation socio-technique adéquate et le manque de moyens de la puissance
publique, les majors se voient obligés d’intervenir pour mettre des gardes fous.
L’idée de l’accroissement de la productivité chez les multinationales passe par
16 -L’Union Européenne constituera notre référence parce qu’il est pour le moment le bloc socio-économique le plus avancé dans le processus d’intégration. Voir T. R Lakshmanan et al, Integration of Transport and Trade Facilitation, Selected Regional Case Studies, The World Bank, Washington, DC, 2001. 17 -Maurice WOLKOWITSCH, Géographie des Transports, Aménagement et Environnement, Durand Colin, Paris 1992.
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l’amélioration de la qualité des services. Les attributs de l’image de marque
relèvent de la réglementation sociale relative au temps de conduite, temps de
repos et le niveau d’instruction des conducteurs.
L’atteinte de ces attributs est condition de la professionnalisation des
conducteurs et de l’impératif de disposer d’un équipement dynamique et
performant. Les majors vont alors entreprendre des programmes de renforcement
de capacités des acteurs du segment du transport. Ils vont aussi exiger le
renouvellement du parc automobile afin de se conformer aux nouvelles
innovations technologiques.
Les enjeux pour les chargeurs rentrent dans le cadre des impératifs de
maîtrise de la « supply chain » moderne. Elle requiert la coordination de tous les
intervenants : distributeurs et transporteurs dans l’optique de la maîtrise de tous
les risques et dangers. Total se fixe la « mission de satisfaire durablement par
l’innovation et l’action les besoins en énergie ». Son éthique est « qu’au-delà de son
professionnalisme, l’ambition du Groupe c’est de répondre aux enjeux de l’ensemble de
ses métiers en terme de valorisation des ressources naturelles, de protection de
l’environnement, d’adaptation de ses opérations à la culture des pays accueillant ses
activités et de dialogue avec la société dans son ensemble. Cette responsabilité se
décline en une démarche active de développement et d’une promotion d’une culture de
la sécurité ».18
Les enjeux sont les mêmes chez toutes les multinationales. Les programmes
de formation des conducteurs ont les mêmes contenus comme nous le verrons
dans la troisième partie. Seules les appellations diffèrent dans certains cas. Il
s’agit de la maîtrise des risques et dangers à travers la formation du personnel
pour augmenter la productivité.
Les enjeux pour l’Etat et les majors sont d’une opportunité avérée et
s’inscrivent dans le cadre d‘un combat foncièrement universel d’abord et
économique ensuite. La lutte contre la pollution pour l’amélioration de la qualité
de vie dans un environnement sain est un combat qui incombe à tout le monde
18 Total Outre-Mer, Produits et Services, Pour vous nous voulons être la référence, 2006.
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Année 2005-2006 52
mais plus particulièrement aux décideurs et aux acteurs économiques. L’objectif
prioritaire de l’Etat est d’assurer la sécurité du transport pour permettre
l’approvisionnement de tout le pays avec en sus des apports d’amélioration de la
sphère sociale et de la sécurité des populations.
Les politiques menées pour l’atteinte des enjeux auront de nombreux impacts
sur les sociétés de transport. L’évaluation des impacts de la libéralisation révèle
des résultats très positifs pour la puissance publique et les multinationales. Les
retombées seront nombreuses. Mais pour les transporteurs ce n’est pas tout à
fait le même cas. La nouvelle politique n’a pas un impact totalement positif. Les
résultats sont souvent mitigés voire controversés.
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TROISIEME PARTIE
IMPACTS DE LA LIBERALISATION DU TRANSPORT DES
PRODUITS PETROLIERS AU SENEGAL
La libéralisation du transport des produits pétroliers au Sénégal a apporté
beaucoup de changements. L’Etat a actuellement atteint son objectif d’assurer
l’acheminement des produits pétroliers à tout point sur toute l’étendue du territoire
national. Les capacités de l’offre de transport ont même largement dépassé la
demande. Cette situation a un impact considérable sur les sociétés de transport.
Les multinationales ont introduit beaucoup de changements dans le segment
en termes d’innovations. Les actions de l’Etat et des multinationales ont apporté
beaucoup de changements dont les effets sont des impératifs de changements
avec des contraintes organisationnelles, techniques et sociales.
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Chapitre 1
Les contraintes de changement
La libéralisation a des conséquences certes positives. Le tissu socio-
économique du segment s’est élargi avec la création de nouvelles sociétés et
d’emplois. La couverture de l’approvisionnement intérieur du territoire national est
garantie.
Le segment du transport est dans une phase de professionnalisation et de
modernisation intense. Le nouveau contexte concurrentiel a entraîné des
changements organisationnels. Les restructurations sont devenus un impératif
d’adaptation à la concurrence. Il y’a également des changements techniques et
des impératifs réglementaires sociaux.
1 - Les contraintes organisationnelles
Le segment du transport des produits pétroliers est caractérisé par un
monopole familial. Les premières entreprises sont des sociétés familiales comme
l’illustre leur appellation.19La gestion de ces sociétés était relativement simple La
définition d’une stratégie de développement n’était pas nécessaire. Le segment
était stable parce qu’il n’y avait qu’une dizaine de transporteurs affectés aux
majors. Mais le nouveau contexte impose une organisation mieux élaborée pour
répondre aux contraintes de la concurrence.
19 - Entreprises Sénégalaises de Transport Bellassée : ESTB ; Transport Gaye : TRANSGAYE ; Daniel Haddad et Fils : DHF ; Alkaly Fall : AKF. Transport Faouzie Layousse ; Khoury Transport, Transport Amadou Diagne (TAD), Cheikh Kane (CK).
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Année 2005-2006 55
1-1- Restructuration efficace
L’organisation administrative des sociétés était modeste et simple. La
simplicité des organisations s’explique par le fait que les sociétés sont
généralement de simples « camionneurs ». Leur activité consiste en un
déplacement des produits d’un dépôt à un lieu de consommation. Les services
logistiques étaient limités. Il n’y avait que l’empotage au dépôt et le dépotage au
lieu de consommation ou de distribution. L’organisation des sociétés était
conditionnée par leur développement.
Il y’avait généralement la Direction, la comptabilité, le garage dont le
responsable assumait les tâches de chef des ateliers et contrôlait en même
temps le magasin. L’avènement de la libéralisation a introduit un nouveau
contexte concurrentiel. La survie de toute entreprise demande une restructuration
organisationnelle avec une redéfinition et une répartition plus claires des rôles
dans l’optique d’une gestion plus efficace et rationnelle.
Les restructurations ont ainsi conduit à la suppression de certains postes qui
n’étaient pas nécessaires.20 Mais il y’a eu aussi la création de nouveaux postes
de responsabilités. Le segment du transport des hydrocarbures est en pleine
mutation comme tous les secteurs socio-économiques. L’informatique et les
méthodes de gestion modernes ont été intégrées à tous les systèmes.
1- 2- Restructuration et rentabilité
Les exigences actuelles s’expriment dans un cadre difficile. La crise entraînée
par la concurrence a diminué les marges de profit. Toutes les anciennes
entreprises ont subi une baisse considérable de leur chiffre d’affaires. Pour faire
face à cette crise, il est nécessaire de procéder à certains changements dans le
20 - Les Entreprise Sénégalaises de Transport Bellassée (ESTB) ont du supprimer le poste d’électriciens.
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Année 2005-2006 56
but d’atteindre une certaine rentabilité à travers une rationalisation plus
rigoureuse des dépenses.
A cet effet, certaines sociétés ont ajouté des postes à leur organisation.
TransGaye a créé le poste d’inspecteur. L’agent sert d’intermédiaire entre la
direction, le directeur administratif et financier et le garage. La société Transport
Amadou Diagne a recruté un comptable expérimenté et un chef de garage ancien
employé à Total.
Ces changements ont été apportés par les entreprises à leur propre initiative.
Il y’a d’autres qui ont été imposés par les multinationales. La promotion de la
sécurité et de la protection de l’environnement, par les majors, a demandé la
création et le recrutement de certaines spécialités comme les responsables
HSEQ (Health, Security, Environment and Quality) chez tous les transporteurs de
Shell et chez les transporteurs de Total celui du responsable SSE (Sécurité,
Santé et Environnement).
Ces responsables sont des agents qualifiés qui sont généralement des
ingénieurs (DHF). Ils ont la triple charge de l’amélioration de la qualité des
services en assurant une meilleure sécurité du personnel en même temps avec la
protection de l’environnement. Ils sont chargés du suivi des conducteurs qui ont
subi des formations de renforcement de capacités. Ils contrôlent également le
niveau de service des garages.
1- 3- Organisation et innovations technologiques
Les avancées technologiques requièrent aussi l’embauche d’ingénieurs en
mécanique dont les connaissances s’adaptent facilement aux évolutions
technologiques. L’équipement du transport des hydrocarbures est renouvelé en
permanence. D’une manière générale, la majorité des acteurs du segment du
transport ont besoin d’un renforcement de capacité dans les méthodes de
gestion.
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Année 2005-2006 57
Les méthodes de gestion informelles risquent de compromettre l’avenir de toute
société qui se cloître dans une gestion traditionnelle dans le nouveau contexte
très concurrentiel. Les entreprises introduisent maintenant des changements
dans ces deux domaines que sont l’organisation administrative et la gestion.
La concurrence, les innovations technologiques et les exigences nouvelles
des chargeurs demandent la création de nouveaux postes et l’embauche de
personnels qualifiés. Les impératifs organisationnels répondent ainsi au besoin
de s’adapter aux évolutions du marché. Les avancées relatives aux impératifs
techniques sont encore beaucoup plus rapides.
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Chapitre 2
Les contraintes techniques et sociales
.
Les contraintes techniques se justifient par le besoin de disposer d’un
équipement performant pour faire face à la concurrence. Les transporteurs doivent
opérer le renouvellement de leur parc automobile afin de s’assurer une place sur le
marché. Les majors conditionnent l’attribution des contrats de transport au bon état
des véhicules.
2 - 1- Le renouvellement de l’équipement
La nature et les caractéristiques des hydrocarbures, nocivité et dilatation,
entraînent une évolution constante des technologies. L’équipement est coûteux.
(Voir tableau 2 des coûts de quelques équipements). Les citernes et les tracteurs
doivent être renouvelées avec l’apparition de nouvelles générations selon
l’évolution des normes en matière de protection de l’environnement. Les
changements ne sont donc pas soumis à un choix volontaire. Ce sont des
exigences imposées soit par la législation locale ou internationale. Dans les pays
en développement, ce sont généralement des conventions signées au niveau
international ou communautaire qui orientent et déterminent les changements. La
tendance s’est mondialisée avec la politique de prévention des accidents de
pollution.
Equipement Neuf Occasion Durée de vie
Citerne 100.000.000 Fcfa 40.000.000Fcfa 30 ans
Tracteur 50.000.000 Fcfa 22.000.000 Fcfa 10 à 15 ans
Pneumatique
(prix unitaire)
270.000 Fcfa
480.000 Fcfa
Variable entre7-10ans
Tableau 2 : Coûts de certains équipements
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Année 2005-2006 59
Les données du tableau 2 illustrent le coût élevé des investissements à
effectuer pour l’équipement. Il s’y ajoute aussi les investissements à faire pour
l’installation des ateliers (mécanique, tôlerie, soudure, électricité) qui doivent
aussi répondre à certaines normes avec tout le matériel nécessaire pour leur
fonctionnement. Toute société de transport doit disposer des trois ateliers
mécanique, soudure, tôlerie au moins.
De nos jours le transport maritime de produits pétroliers est obligatoire avec
des bateaux à doubles coques seulement. Le dynamisme et la performance
d’une société sont conditionnés par l’état des véhicules. Le mauvais état du
réseau routier dans certaines régions demande des véhicules en bon état. En
effet, la livraison des produits à tout point du territoire national est obligatoire dans
les soixante douze (72) heures qui suivent la réception de la commande.
Actuellement, les problèmes de sécurité et de retard au ferry de la Gambie
obligent les véhicules à faire le détour de la Gambie en passant par la région de
Tambacounda pour rallier les régions de Ziguinchor et Kolda.
Ces raisons ont amené la majorité des entreprises à consentir de gros
investissements pour le renouvellement de leur parc automobile. TAD disposait
de quatre citernes en 1998. Son parc automobile est de 25 citernes en 2006. Soit
une augmentation de 2 citernes par an. ESTB a ajouté 4 tracteurs et 5 porteurs à
son parc. DHF s’est dotée d’une quinzaine de nouveaux véhicules parmi lesquels
on compte des camions de transport de produits solides.
2 – 2 - Contraintes techniques et de rentabilité
Les entreprises ont des problèmes pour rentabiliser leurs investissements. La
divergence de leurs intérêts avec ceux de l’Etat explique les actions de la
puissance publique qui ne vont pas souvent dans le sens de leur profit. Les
entreprises ont des objectifs de maximisation du profit alors que la puissance
publique est mue par le devoir de service public au moindre coût. Leur conflit
d’objectifs explique l’ignorance par les autorités de tutelle de certaines données
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Année 2005-2006 60
économiques et notamment les coûts de production. Par conséquent, les
transporteurs sont confrontés à un problème de rentabilisation de leurs
investissements.
La puissance publique, et les chargeurs dans une moindre mesure, expriment
des demandes ou posent des actes qui ne facilitent pas aux transporteurs
l’atteinte de leurs objectifs de rentabilité. La structure actuelle des prix a connu sa
dernière révision en 1994. Malgré les changements intervenus dans le sous-
secteur et les interpellations des acteurs21 pour une nouvelle révision, l’Etat
n’affiche aucune volonté d’opérer les changements indispensables. La société
ESTB a subi une baisse de 35% de son chiffre d’affaires.22
Certains comportements de certaines multinationales ont aussi des impacts très
négatifs sur les sociétés. La signature de contrats de transport avec certains
nouveaux transporteurs provoque la sous exploitation des parcs de grands
transporteurs. Il se pose ici un paradoxe doublé d’un dilemme pour les
transporteurs. Ils doivent obéir aux impératifs de renouvellement d’un parc qui
sera sous utilisé. Comment peut-on prétendre rentabiliser ses investissements
dans un marché soumis à une telle logique ?
Une augmentation des coûts d’entretien des véhicules immobilisés résulte de
la sous-exploitation du parc. Le problème est d’autant plus compliqué car la
solution généralement utilisée par les transporteurs en cas d’augmentation ou de
diminution de la demande est d’essayer d’augmenter ou de diminuer le matériel
roulant ou tout simplement de le reconvertir. Ces solutions ne sont pas possibles
dans le transport des produits pétroliers parce que l’équipement est conçu pour
transporter seulement cette catégorie de produits liquides. Il s’y ajoute aussi le
problème du retour à vide.
La deuxième conséquence est le phénomène des fluctuations saisonnières
auxquelles sont soumis les flux de transport. En saison sèche, l’activité connaît
21 -Voir conclusions de l’Atelier sur le sous-secteur des hydrocarbures tenu à Saly Potudal du 31 Mai au 03 Juin 2006. 22 -Source : M. Patrick BELLASSE, Directeur de la société.
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des flux intenses. Durant la saison des pluies, elle connaît une réduction
drastique. En outre, les équipements sont prévus pour écouler les pointes. En
dehors de ces pointes on est en présence de surcapacités.
Cette situation ne dépend plus maintenant des aléas naturels seulement. Elle
est devenue permanente avec l’entrée des nouveaux transporteurs dans le
marché et fragilise les grandes sociétés. Les transporteurs ne peuvent pas
réduire leur équipement ou le reconvertir comme le peuvent faire les
transporteurs de produits solides qui peuvent transporter plusieurs variétés de
marchandises.
La surcapacité entraîne une rigidité de l’offre à côté de celle de la demande.
Les capacités des transporteurs ne peuvent pas être diminuées et la demande de
transport ne connaît pas une augmentation rapide. Toutefois, disposer d’un parc
assez grand est un avantage dans certains cas. Une entreprise avec un grand
nombre de camions peut facilement faire face à un aléa, une panne par exemple.
En revanche, si le parc dépasse un certain nombre, on est confronté à des
surcoûts liés à des charges d’entretien des véhicules. Ces coûts sont augmentés
par ceux engendrés par les exigences sécuritaires. En effet, les transporteurs
doivent aussi doter leurs véhicules d’équipements de sécurité et de sûreté.
Le transport des hydrocarbures est actuellement le siège de fréquentes
inadaptations entre l’offre et la demande. Ces inadéquations sont tantôt dues aux
fluctuations saisonnières, tantôt causées par le phénomène de surcapacité. Les
transporteurs doivent répondre aux impératifs techniques de renouvellement des
équipements pour satisfaire les exigences de la concurrence et les évolutions
techniques.
Les coûts de opérations et les conséquences des variations saisonnières du
trafic, mettent beaucoup d’entreprises dans une situation financière très difficile.
Les innovations techniques ont aussi un aspect très positif. Le renouvellement du
parc a beaucoup contribué à l’amélioration de la qualité des services. Mais c’est
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surtout avec la réglementation sociale que les changements sont encore
beaucoup plus importants.
3 - Les contraintes réglementaires sociales
Les impératifs réglementaires sociaux se traduisent par une politique de
renforcement de capacités du personnel des sociétés d’abord et l’aptitude
physique et intellectuelle des conducteurs pour pouvoir maîtriser les innovations
technologiques.
3 - 1- Le renforcement de capacités
Les bouleversements que connaît le secteur des transports se perçoivent sur
l’équipement, l’infrastructure et le personnel. Les avancées ont été possibles avec
fondamentalement la formation et l’adaptation de la ressource humaine. La
formation du personnel est devenue incontournable. Les compétences de la
ressource humaine sont ainsi devenues un élément indispensable pour
l’amélioration de la qualité des services.
Depuis l’avènement de la libéralisation les chauffeurs bénéficient de
programmes de formation pour le renforcement de capacités. Ces formations ont
largement contribué à la maîtrise des risques et l’adaptation aux évolutions
technologiques. En l’absence d’une législation sociale adéquate et de
l’intervention de la puissance publique, les majors interviennent pour prévenir les
dangers d’accidents et de catastrophes.
Le Sénégal accuse de grandes déficiences dans ce domaine. La tâche
s’avère coûteuse parce que l’Etat n’est pas assez outillé dans ce domaine. Il est
en effet très difficile aux pays en développement d’entreprendre seuls de telles
politiques. Dans l’Union Européenne, la législation sociale a été révisée et
adoptée dans un cadre communautaire en avril 2006. C’est ce règlement qui est
adopté au Sénégal.
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Année 2005-2006 63
« Il ‘agit d’un règlement sur le temps de conduite et de repos des conducteurs
routiers …Le texte fixe la liste des contrôles à effectuer au nombre desquels
figure la vitesse et suggère un catalogue …des infractions : dépassement des
durées de conduite, défaut de repos journalier ou hebdomadaire minimal,
absence de pauses minimales, défaut d’installation de tachygraphes ».23
Ce règlement met l’accent sur et traduit l’intérêt accordé à la culture de la
sécurité en conduite. Malgré les différences de contexte et les écarts de niveau
de développement entre le Sénégal et l’Europe, cette législation a été imposée au
Sénégal par les majors avant même son adoption en Europe. Il se pose même la
question de savoir si nos pays ne constituent pas des zones d’expérimentation
dans ce cadre ?
Pour faciliter l’application de ce règlement, le personnel de conduite suit des
formations qui portent sur tous les aspects de leur métier et des dangers
possibles en entreprise. Il s’agi notamment de :
-l’organisation générale de l’entreprise de transport de produits pétroliers ;
-système de santé, sécurité et environnement (SSE) ;
-La maintenance rapide ;
-La conduite rapide ;
-le transport rapide ;
-Le service à la clientèle.
Ces différents points portent sur l’entreprise de transport produits pétroliers
dans son ensemble : l’organisation, le personnel, l’équipement, et enfin la qualité
des services. Cette politique est suivie d’audits des sociétés par les
multinationales. Les audits concernent essentiellement le personnel de conduite
qui a suivi les formations. Les entreprises sont ainsi classées sur la base de notes
avec des mentions. Chez Shell, il y’a trois mentions : faible, semi-professionnel et
professionnel.
23 - Transports Actualités, Le Bimensuel des Transports et de la Logistique Internationale, n° 236 du 10 février au 2 mars 2006.
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Année 2005-2006 64
Les majors appliquent également la World Transport Policy (Politique
Mondiale des Transports). Cette politique s’intéresse aux aspects suivants :
-Le niveau des chauffeurs ;
-l’âge des véhicules qui est revue annuellement ;
-La ligne de conduite des chauffeurs dont les meilleurs reçoivent des
récompenses à titre incitatif ;
-La promotion et la culture d’une conduite défensive. (Le chauffeur doit avoir
une vigilance permanente. Il lui est demandé de céder le passage
même s’il a la priorité pour prévenir les risques d’accidents.)
-la santé des conducteurs (Ils doivent faire leur bilan de santé annuel
complet.)
Les contenus des formations varient relativement d’une multinationale à
l’autre mais elles visent toutes la sécurité du transport et la protection des
population et de l’environnement. Le personnel est sensibilisé aux dangers
d’accidents et des mesures à prendre pour prévenir les accidents ou des
comportements à adopter. Les multinationales s’intéressent de plus en plus au
niveau intellectuel et à l’aptitude physique des conducteurs. Ces deux aspects
constituent les récentes exigences qui seront appliquées à l’avenir.
3 – 2 – Aptitude physique et intellectuelle du per sonnel
Les évolutions dans la réglementation sociale sont très importantes. Les
carences et faiblesses de cette réglementation au niveau national obligent les
multinationales à intervenir. L’état de santé des conducteurs, préoccupation
initialement et généralement observée dans le transport aérien, est maintenant
devenue une priorité pour les majors. Cette exigence a obligé les sociétés de
transport à disposer de médecins. Outre l’aptitude physique, les majors exigent à
présent un certain niveau au personnel de conduite. Total exige un niveau
d’instruction nécessaire à la compréhension et la manipulation des innovations
technologiques. La multinationale demande à ses transporteurs de recruter à
l’avenir des conducteurs qui ont le niveau « Bac + 2 ».
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Année 2005-2006 65
Les multinationales exigent aussi de leurs transporteurs le versement des
cotisations à l’Institut de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES) et à la caisse
de sécurité sociale. La constance et le suivi dans l’accompagnent des formations
conduisent à prévenir qu’elles vont aboutir à la certification des entreprises aux
normes ISO 9001-2000 relative au processus et ISO 14001-2000 relative à
l’environnement. Le processus va sûrement s’élargir aux sociétés de transport
des produits pétroliers parce que la Société africaine de raffinage est déjà
certifiée.
Les contraintes organisationnelles sont particulières aux entreprises mais leur
importance reflète l’intérêt que les sociétés accordent à leur performance. La
restructuration organisationnelle des sociétés vise l’atteinte de la rentabilité. Mais
la rentabilité d’une société qui évolue dans le nouveau contexte concurrentiel
passe nécessairement par la performance de son parc. Les deux facteurs : bonne
organisation et bon équipement rehaussent la qualité des services. Mais des
services de qualité ne sont offerts que par un personnel qualifié et conscient de
son rôle.
Les améliorations intervenues dans le domaine technique n’ont été
réalisables qu’avec les changements intervenus dans la réglementation sociale.
Le phénomène de la mondialisation a affecté le segment du transport des
produits pétroliers. Les innovations qu’il connaît s’inscrivent dans un cadre
universel à cause de l’impératif de respect des normes environnementales.
L’analyse des enjeux de la libéralisation donne des résultats plutôt positifs
aussi bien pour l’Etat que pour les majors. Les impacts des formations des
conducteurs sont déjà très positifs Les formations sont très positivement
appréciées par les transporteurs. Toutefois, les résultats ne sont pas entièrement
positifs. Les changements ont des coûts pour les sociétés qui subissent
actuellement des sacrifices énormes. Certaines ont du mal à allier changements
et rentabilité. Les causes de leurs problèmes ont plusieurs sources. On les trouve
dans l’application de la politique.
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La faiblesse des textes, l’incapacité et parfois le refus de la puissance
publique à remplir son rôle de régulation et d’assainissement du marché et de
réviser la structure des prix handicapent les transporteurs. L’action des majors
n’est pas non plus exempte d’impact négatif sur les sociétés de transport. Le
comportement de certaines multinationales, comme la signature de contrats de
transport avec les nouveaux transporteurs, est la cause principale du phénomène
de surcapacité qui est préjudiciable aux grandes sociétés. Toutefois, il faut
reconnaître qu’une partie des problèmes des transporteurs relève d’elles-mêmes.
Dans la perspective de solutions pour remédier à ces problèmes, nous avons
formulé des recommandations en guise d’ébauche de solutions.
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QUATRIEME PARTIE
RECOMMANDATIONS
Les problèmes auxquels les transporteurs font face sont divers et variés. Ils
découlent des comportements des trois acteurs du segment : l’Etat, les
multinationales et les transporteurs. Certains problèmes proviennent de la
faiblesse et de l’insuffisance des textes législatifs. Il s’y ajoute aussi le manque de
volonté de la puissance publique à faire respecter les règles de la concurrence.
Certains comportements des multinationales contribuent à fragiliser les
sociétés de transport. Les transporteurs sont aussi responsables de certaines de
leurs difficultés comme le non-respect des règles de la concurrence.
Dans la perspective de la résolution de ces nombreux problèmes nous
recommandons la révision des textes de la réforme et un changement de
stratégie pour les transporteurs.
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Chapitre 1
Révision de la politique
Les problèmes actuels que traverse le sous-secteur des produits pétroliers
dans son ensemble sont révélateurs des dysfonctionnements causés par la
libéralisation. Ces dysfonctionnements sont perçus sur tous les segments :
importation, raffinage, stockage, transport et distribution. Leurs sources se
retrouvent dans la définition des textes, les rapports entre les acteurs (Etat,
distributeurs et transporteurs) mais aussi dans l’organisation et la gestion des
entreprises et également dans les rapports entre transporteurs.
Les nouvelles exigences et les changements qui émanent des pouvoirs
publics et des majors font qu’il est actuellement très difficile pour les transporteurs
d’allier efficacité et rentabilité. La situation s’explique par plusieurs raisons dont la
solution passe d’abord par une révision de la politique actuelle.
1- La révision de la politique
La révision de la politique doit favoriser le bon fonctionnement du segment.
Elle comprendra la révision des textes, l’obligation de protection des sociétés par
l’Etat, le renforcement du contrôle de l’Etat, la limitation des licences et le contrôle
de l’action des multinationales par l’Etat.
1 -1- La révision des textes
Depuis la date d’entrée en vigueur de la libéralisation en 1998, tous les
segments du sous-secteur des produits pétroliers connaissent en permanence
des problèmes. Ils varient d’un segment à un autre et proviennent principalement
de la faiblesse des textes réglementaires et législatifs. Il y’a aussi et surtout le
manque de préparation organisationnelle et technique. Les difficultés touchent
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Année 2005-2006 69
essentiellement les sociétés de transport des hydrocarbures. Les textes sont
inadaptés.
Dans le processus d’élaboration des textes de la libéralisation, la puissance
publique a consulté uniquement les multinationales mais pas les transporteurs.
Le manque de concertation entre la tutelle et les transporteurs est l’une des
premières causes des difficultés. La tendance actuelle dans tous les secteurs
socio-économiques est la concertation. L’esprit de la libéralisation voudrait que
chaque acteur ait la possibilité de défendre ses intérêts.
L’Etat doit donc impliquer aussi bien les multinationales que les transporteurs
dans l’élaboration des textes. La concertation entre acteurs doit permettre à
chaque intervenant de défendre ses intérêts en ayant la pleine conscience des
enjeux pour le fonctionnement de l’économie et en veillant au respect des
intérêts des autres.
Le souci de l’Etat d’assurer l’approvisionnement du pays en produits
pétroliers et au moindre coût sans que le surplus dû au prix du transport ne se
répercute sur le consommateur du produit justifie la politique de péréquation et de
stabilisation qui harmonise les prix du transport sur tout le territoire national. La
structure actuelle des prix ne permet pas aux transporteurs d’optimiser leurs
profits. Sa dernière révision date de 1994. Il y’a de cela seize (16) ans. Le
consultant Sexsmith qui a réalisé l’étude diagnostique portant sur le sous-secteur
des produits pétroliers a demandé que les prix du transport soient relevés
d’urgence de 63%.
Le refus de réviser la structure des prix cause un grand préjudice aux
transporteurs. La libéralisation a accentué les problèmes des transporteurs.
Toutes les grandes sociétés ont subi une baisse de presque de moitié de leurs
chiffres d’affaires. La relève des tarifs et leur révision fréquente sont nécessaires
pour permettre aux entreprises d’assurer une adéquation entre leurs
investissements et les coûts des services.
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Cette solution permettra aux sociétés de mieux répondre aux exigences de
desservir des zones peu fréquentées et satisfaire la demande quelque soit son
niveau que l’Etat leur impose. La puissance publique doit protéger ces entreprises
de la fragilisation qu’elles subissent actuellement.
1- 2 - La protection des sociétés
La protection des sociétés de transport d’hydrocarbures peut revêtir deux
formes. L’Etat peut fournir des subventions en espèce. Mais cette formule est
contradictoire à l’esprit de la libéralisation qui prône la promotion de
l’investissement privé et de la concurrence. Elle va plutôt créer des situations de
monopole et coûtera cher à l’Etat. Mais c’est plus ou moins la solution qui a été
réalisée par le Mali.
Après l’entrée en vigueur de la réforme de la libéralisation en 1992, le Mali a
pu obtenir un financement auprès de la Banque Mondiale. Le financement a
permis de renouveler son parc avec un lot de 800 unités comprenant des
véhicules de transport de produits pétroliers et une partie de véhicules de
transport passagers.24 La Banque Mondiale a montré une certaine réticence
parce que la subvention créerait un monopole de fait. Mais elle a accordé le
financement.
La deuxième formule de soutien de l’Etat aux transporteurs consistera en une
subvention en nature. Pour ce faire, il y’a deux modalités. La première est que
l’Etat opère une diminution des taxes fiscales sur les sociétés de transport
d’hydrocarbures pour une période relativement moyenne dans le temps. La
deuxième solution procédera d’une dispense des taxes fiscales pour un espace
de temps plus ou moins court. Cette dispense des taxes fiscales permettra aux
sociétés en difficultés de se redresser et de résorber les pertes subies à cause du
refus de relever le prix du transport. Elle permettra de sauver des emplois au lieu
d’en supprimer.
24 - Ministère malien des Transports.
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1- 3 - Le renforcement du contrôle de l’Etat
Les manquements de l’Etat dans l’accomplissement de ses prérogatives de
régulation et d’assainissement du marché et de la réglementation
environnementales constituent des menaces pour les sociétés et les populations.
Le manque et l’insuffisance des moyens matériels et humains sont des réalités
mais il convient de reconnaître que l’Etat n’effectue aucun contrôle sur le marché.
Le désengagement de l’Etat dans la gestion directe doit s’accompagner d’un
renforcement de son rôle dans la régulation pour définir les règles du jeu. La
concurrence doit être assainie. Il y’a des pratiques comme le transport hors taxe
que pratiquent certains transporteurs qui relèvent d’une concurrence déloyale.
L’intervention de l’Etat doit aussi être renforcée dans le domaine de la
réglementation environnementale. Le respect des normes dans ce domaine
mérite plus d’attention et de suivi. La conscience et le niveau de respect de ces
normes accusent des écarts énormes entre sociétés. Les taxes perçues à cet
effet doivent être fonction du niveau de pollution et de la localisation de la société
selon qu’elle se trouve en zone urbaine ou périurbaine.
Il convient de souligner que la culture de la sécurité est une réalité chez les
transporteurs. La rareté des accidents est la preuve du niveau de sécurité qui
prévaut dans le segment. Toutefois la prévention et l’amélioration permanentes
doivent être érigées en règles de travail et de conduite.
La réglementation technique demeure aussi un autre domaine auquel la
puissance publique ne s’intéresse pas beaucoup. Jusqu’à présent l’Etat observe
un certain mutisme par rapport à cette question. Les majors occupent encore le
terrain.
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1- 4- Le contrôle de l’action des multinationales p ar l’Etat
En l’absence de l’intervention de l’Etat, les multinationales sont obligées
d’intervenir. Certaines multinationales imposent parfois un âge limite des
véhicules qui n’est même pas appliqué en Europe, la zone de référence en la
matière. Mais c’est surtout dans la réglementation sociale que l’intervention de
l’Etat est le moins sentie. Sa place est encore occupée par les majors qui ont
apporté beaucoup de changements. La coopération est parfaite entre les
distributeurs et les transporteurs dans ce domaine.
L’exigence faite aux transporteurs par les majors de verser les cotisations à
l’IPRES (Institut de Prévoyance Retraite) et à la Caisse de sécurité sociale est
une tâche qui incombe à l’Etat mais pas aux majors. L’immixtion des
multinationales s’inscrit dans leur politique de promotion du personnel et du bien-
être de tous ceux qui interviennent dans la chaîne d’approvisionnement.
Les exigences sociales des majors ne prennent pas très souvent en compte
les réalités sociales. Exiger un niveau « Bac + 2 » pour le recrutement des
conducteurs risque d’exclure une très grande frange de la population active. Mais
les raisons qui sous tendent cette exigence sont aussi valables. La maîtrise des
innovations technologiques demande un certain niveau.
Mais il faut prendre en compte les réalités sociales. La promptitude des
multinationales à faire appliquer au Sénégal les changements adoptés en Europe
atteste de leur ignorance volontaire de cette réalité.
L’importance que revêt la réglementation dans le segment du transport
d’hydrocarbures ne permet pas qu’elle soit laissée à la seule volonté des majors.
Le manque de concertation entre les acteurs justifie la prise de certaines
décisions par les pouvoirs publics et les majors de façon unilatérale. Mais le
manque de suivi dans leur application et certaines faiblesses observées dans ces
textes ouvrent la voie à l’intervention et souvent au dictat des multinationales.
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Les relations entre tutelle et transporteurs ou entre majors et transporteurs
passent généralement de la confrontation à la négociation dans un contexte
généralement marqué par la soumission des transporteurs à l’Etat ou aux majors.
Dans un secteur aussi sensible et stratégique que celui du transport des
produits pétroliers avec des acteurs aux intérêts différents voire divergents, un
dysfonctionnement prévalant à quelque niveau de la chaîne provoquera la
réaction de tout acteur qui sent ses intérêts menacés. Seule une politique
concertée entre les intervenants peut mettre fin aux problèmes. La puissance
publique doit aussi intervenir dans le marché pour résoudre le problème de
surcapacité du à l’inadéquation entre l’offre et la demande de transport.
1- 5- Limitation du nombre de licences
La résolution du problème de surcapacité passe par la maîtrise de l’évolution
du nombre de distributeurs et celui des transporteurs. Le dépassement des
besoins de la demande de transport par les capacités des transporteurs
provoquera toujours des déséquilibres entre les deux variables. L’équilibre parfait
n’est pas possible en transport mais l’Etat doit limiter le nombre de licences de
transporteurs pour remédier aux problèmes de surcapacité. L’octroi des licences
doit suivre l’évolution du nombre de distributeurs pour éviter les déséquilibres
permanents. La libéralisation doit être conforme au contexte mais pas adapter le
contexte à la libéralisation.
La limitation des licences est certes contraire à l’esprit du libéralisme. La
libéralisation consiste en l’ouverture du secteur aux investisseurs privés et la
promotion de la concurrence. Plus les acteurs sont nombreux mieux c’est. Mais il
faut trouver les solutions intermédiaires entre libéralisation totale et libéralisation
partielle selon le contexte pour assurer la survie des entreprises.
Les ententes entre les compagnies aériennes dans les pays développés
limitent les possibilités de concurrence parfaite qui pourraient déstabiliser les
compagnies. Voilà un exemple latent des contradictions de la libéralisation. Mais
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Année 2005-2006 74
les acteurs doivent défendre leurs intérêts même si la politique est en déphasage
avec l’esprit même du libéralisme pourvu que chacun y gagne.
L’Etat doit également moraliser l’entrée dans le segment en associant le
Bureau des Transporteurs des produits pétroliers à l’étude des dossiers de
demande de licence de transport. Cette politique facilitera la régulation et
l’assainissement de la concurrence dans le segment. Le jeu du marché serait plus
propre s’il est donné aux transporteurs le pouvoir de proposer ou d’imposer des
sanctions contre tout contrevenant aux règles de concurrence.
Toutefois l’application de toutes ces recommandations ne peut pas mettre fin
à tous les problèmes des transporteurs. Il y’a des difficultés inhérentes aux
entreprises et dont la solution passe par un changement de stratégie. Le
changement de contexte doit pousser les sociétés de transport à anticiper sur les
changements plutôt que de les subir passivement. La flexibilité des organisations
est devenue un impératif de nos jours.
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Chapitre2
Une nouvelle stratégie pour les entreprises
L’évolution et le succès de toute entreprise dans un univers concurrentiel comme
le contexte actuel passent nécessairement par la définition d’une stratégie. Les
sociétés de transport d’hydrocarbures doivent se fixer des objectifs de
développement et d’optimisation clairs.
2- 1- Nécessité d’une bonne organisation
L’atteinte des objectifs d’optimisation de leur profit requiert des préalables. Il
faut d’abord une bonne organisation et une bonne structure. Les compétences
des employés doivent être privilégiées au moment de leur recrutement. La
concurrence ne s’accommode pas de l’improvisation dans la gestion. Elle n’est
pas compatible avec le contexte actuel.
La gestion traditionnelle a prévalu au début de la vie des premières
entreprises de transport des hydrocarbures. Mais cet « âge d’or » est révolu. Son
déclin a commencé avec l’élargissement du cercle des transporteurs pour
disparaître définitivement avec la libéralisation.
Tout au début de la libéralisation, entre 1999-2000, lorsque les majors,
notamment Shell, ont requis de leurs transporteurs la création du poste de
responsable Health Security, Environment and Quality, certaines entreprises (la
société de transport Daniel Haddad et Fils :DHF) ont improvisé le responsable en
affectant tout simplement un de leurs employés à ce poste. Très vite il s’est avéré
que la personne n’avait pas le profil requis. C’est alors qu’ils ont été obligés de
recruter un ingénieur.
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La tendance au recrutement de spécialistes ou de personnels qualifiés s’est
généralisée à toutes les entreprises. Il s’agit surtout de responsables pour les
postes administratifs dont la bonne gestion est une condition indispensable pour
permettre à l’entreprise d’allier efficacité et rentabilité parce qu’ils constituent le
socle des sociétés.
Parmi ces postes clés, il faut citer en premier lieu la direction administrative et
la comptabilité. Les financiers doivent veiller à la rentabilité des investissements.
Le contexte actuel demande un investissement rationnel avec une bonne maîtrise
des intrants (coûts de production et des charges). Il serait un truisme de
souligner la nécessité d’une bonne politique marketing.
Le manque de politique en mercatique est un fait très présent dans le segment
du transport de produits pétroliers. Les sociétés ne font pas souvent la
prospection du marché pour chercher les opportunités25. L’encrage dans les
habitudes de l’ancienne politique d’affectation des transporteurs aux majors est la
principale explication à cette attitude. Il n’était pas besoin de chercher les
opportunités parce que le marché est bien et strictement partagé entre les
acteurs. Le nouveau contexte doit provoquer des changements de
comportement.
Il est donc impératif d’avoir un directeur administratif et financier, un
comptable et un directeur marketing expérimentés et compétents. Mais les efforts
de ces responsables n’auront les résultats positifs escomptés que si le garage est
performant. La synergie des efforts de ces responsables est indispensable. C’est
une gestion intégrée qui doit prévaloir au lieu de la séparation ou de l’autonomie
de chaque poste.
En effet, nous avons déjà vu que les principaux critères que privilégient les
distributeurs dans la classification des transporteurs sont le dynamisme, la
disponibilité des véhicules et l’expérience. Tous ces critères mettent donc le
25 - Le reproche a été fait par Monsieur FERNANDEZ, Fondateur Directeur Général de Alanau Petrolium International (API). Il lui a fallu aller chercher un transporteur après la création de sa société de distribution.
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garage au centre de l’activité de l’entreprise parce que c’est sa bonne gestion qui
assure en définitive la performance de la société. Il faudrait donc des
compétences avérées pour le chef de garage.
En outre, les innovations technologiques et les impératifs techniques exigent
une certaine maîtrise dont la méconnaissance ou ignorance est génératrice de
coûts et de grands dangers. S’il est requis le niveau « Bac + 2 » aux chauffeurs, il
faut donc prévoir qu’à l’avenir leur superviseur qui est logiquement le chef de
garage doit impérativement avoir le niveau d’un ingénieur.
Un parc dont les véhicules ont des pannes fréquentes est un handicap grave
pour toute entreprise qui est soumise à la concurrence. Aussi, il faut un bon chef
de garage qui a la maîtrise des opérations techniques et de la réglementation
sociale. Le responsable doit avoir la conscience professionnelle du rôle primordial
qu’il doit jouer pour assurer la rentabilité de son entreprise. Il faut une bonne
gestion du personnel de conduite et de l’équipement pour pouvoir rentabiliser les
lourds investissements consentis. Transport Amadou Diagne a dû débaucher et
recruter un ancien superviseur à Total pour la gestion de son garage.
Le chef de garage doit aussi veiller à la bonne gestion du magasin. Les achats
doivent être rationnels et répondre exactement aux besoins de l’entreprise. Les
pièces détachées constituent le premier poste des charges des sociétés de
transport mais leur achat n’obéit souvent à aucune planification. Il se posera
inéluctablement le problème de la conservation. Le stockage et la conservation
du matériel posent souvent problème quand le responsable n’est pas
suffisamment formé.
Pour ce faire, il faut une bonne prévision des besoins de la société. C’est à ce
niveau que les erreurs de gestion sont plus fréquentes. Les défauts de prévisions
qu’il s’exprime en excédents ou en manquants coûteront cher à la société. Il faut
alors une bonne maîtrise de ces achats et une bonne gestion du matériel en
stock.
Les ébauches de solutions sont destinées à la résolution de certains
problèmes. Le problème de surcapacité de l’offre de transport, devenu
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permanent, doit amener les entreprises à explorer de nouvelles pistes pour
rentabiliser leurs investissements. La diversification des activités dans le transport
est la solution la plus accessible et la plus facile à réaliser.
2 - 2- Définition d’une nouvelle stratégie
Un des premiers effets de la libéralisation dans le transport frontalier a été
l’interdiction du transport de produits pétroliers sur le Mali, exclusivement réservé
aux transporteurs maliens. Le transport par les transporteurs sénégalais a connu
une réduction ou un abandon sur les corridors de la Gambie et la Guinée Bissau.
Les entreprises qui ne font que du transport de liquide sont et seront plus
éprouvées par les conséquences du phénomène de surcapacité. Elles
gagneraient à s’investir dans le transport de marchandises solides comme
beaucoup de leurs concurrents.
Le transport de solides est un marché très vaste parce que jusque là l’offre ne
peut pas satisfaire la demande dans ce domaine surtout sur le marché malien.
Les entreprises qui ont diversifié leurs activités ont atténué la baisse de leurs
chiffres d’affaires avec cette solution. Le transport de gaz butane comme des
bouteilles de gaz butane est un marché prometteur qui offre des opportunités de
diversification du transport dans le sous secteur des produits pétroliers au niveau
national.
Les problèmes des sociétés de transport d’hydrocarbures ne relèvent pas
seulement de cette catégorie. La corporation accuse de sérieux problèmes de
cohésion.
2- 3- Les impératifs d’organisation des transporteu rs
La libéralisation a accentué les problèmes d’organisation de la corporation des
transporteurs. Beaucoup d’acteurs ne sont pas pour le moment conscients des
implications de leur refus d’adhérer au syndicat sur la nature de leurs relations
avec l’Etat et les multinationales et les transporteurs des pays frontaliers.
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Année 2005-2006 79
Monsieur Patrick Bellassée, Président du Bureau des transporteurs des
hydrocarbures, a souligné que le segment demeure un secteur mal connu des
sénégalais alors qu’il est un maillon essentiel dans le fonctionnement de
l’économie nationale et dans les échanges frontaliers. Le comportement de
certains transporteurs favorise cet état de fait.
La corporation demeure la grande muette du sous secteur des produits
pétroliers en dépit de ses nombreux problèmes. Une bonne entente leur
permettrait de réguler et d’assainir eux-mêmes le marché. Il n’aurait pas besoin
de l’intervention de l’Etat. Les faiblesses d’organisation de leur corporation ont
des conséquences dans leurs rapports avec les transporteurs des pays
frontaliers.
Les transporteurs maliens ont déploré l’absence de leurs confrères sénégalais
à l’occasion des nombreuses négociations qu’ils ont eues dans le cadre de la
définition des clés de répartition des pourcentages de transport à attribuer aux
transporteurs des deux pays. En lieu et place des transporteurs sénégalais, les
maliens ont toujours eu comme interlocuteur les autorités sénégalaises. C’est en
des circonstances pareilles que le maliens ont obligé leurs autorités à interdire le
transport des hydrocarbures aux transporteurs sénégalais à destination du Mali.
Une bonne organisation doit leur permettre de bien défendre leurs intérêts dans
les négociations bilatéraux.
L’Etat ne peut pas s’acquitter de la tâche de négocier avec les autres
transporteurs des pays frontaliers comme les véritables concernés.26 Il n’a pas
non plus joué son rôle dans cette situation. Ce fait est révélateur des difficultés
d’organisation ou du moins des faiblesses organisationnelles des transporteurs.
Mais il trahit aussi et surtout leur mise à l’écart dont la puissance publique a
toujours fait montre dans l’orientation de la politique du sous secteur des produits
pétroliers.
26 - Le Mali est très en avance sur le Sénégal. Leurs transporteurs maliens se sont regroupés en quinze syndicats et trois fédérations. Ils constituent un lobby très puissant dans la définition de la politique de leur pays.
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Année 2005-2006 80
John Stuart Mill soutient que l’Etat doit assurer une éducation gratuite et de
qualité pour tous afin de permettre aux travailleurs et aux entrepreneurs de
s’organiser. Il est du devoir de l’Etat de demander aux transporteurs de bien
s’organiser en rendant obligatoire l’adhésion au syndicat à cause de l’importance
et des enjeux stratégiques de leur activité dans le développement de l’économie
nationale.
La bonne défense des leurs intérêts requiert d’abord des transporteurs une
bonne entente et une cohésion en leur sein. Jusque là il y’a des sociétés qui n’ont
pas adhéré au syndicat. Certains nouveaux transporteurs ne sont même pas
formellement connus du bureau27. Le dispersion est un facteur qui affaiblit le
segment et de surcroît les intérêts des acteurs. Les pouvoirs publics et les majors
s’imposent à eux avec autant de facilité parce que jusque là ils n’y a pas une
organisation solide à même d‘opposer sa décision aux leurs et de se faire
entendre.
Cette liste, loin d’être exhaustive, évoque les principaux problèmes auxquels
les sociétés et leur corporation sont confrontées. Il faut un diagnostic approfondi
des problèmes des sociétés pour pouvoir remédier une bonne fois pour tout à ces
problèmes qui ne relèvent pas de l’action de l’Etat ou des multinationales
seulement.
Les réponses aux problèmes des transporteurs requièrent une concertation en
leur sein d’abord puis avec l’Etat et les multinationales. C’est la voie obligée pour
solutionner le sérieux problème de la surcapacité de l’offre. Mais l’Etat doit surtout
sévir pour assainir le marché. Si la situation perdure elle risque de conduire à une
situation de concurrence inouïe pour ne pas dire sauvage. La fragilisation
extrême du segment risque d’avoir des conséquences socio-économiques
regrettables. Les licenciements ou la réduction des salaires seront les solutions
pour les entreprises de remédier aux problèmes financiers.
27 -Cette situation a été dénoncée par M. Patrick BELLASSE. Nous avons constaté les faits dans le cadre de nos enquêtes. Certaines sociétés donnent des numéros de téléphone sur lesquels nous n’avons jamais pu les joindre.
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CONCLUSION
La libéralisation du transport des produits pétroliers a été imposée par la
Banque Mondiale et le Fonds monétaire international. L’aide apportée aux pays
en développement pour financer les secteurs de développement comme celui de
l’énergie vont désormais aux secteurs sociaux. Mais l’importance et le rôle
déterminant de l’énergie interdisent le désengagement total des bailleurs
internationaux.
La facture énergétique des pays en développement est de plus en plus
importante. Il fallait alors trouver des solutions pour permettre à ces pays
d’assurer leur propre approvisionnement en énergie, en général, et en produits
pétroliers, en particulier. Pour ce faire, l’alternative de la promotion de
l’investissement privé est adoptée. C’est la libéralisation dont l’objectif premier est
d’alléger la facture énergétique des Etats.
L’esprit premier de la libéralisation implique le désengagement de la
puissance publique. Mais dans la plupart des cas l’Etat intervient pour réguler et
assainir le secteur. L’enjeux stratégique des produits pétroliers dans le
fonctionnement et la croissance des économies ne permet le désengagement
total de la puissance publique.
L’Etat du Sénégal a d’abord mis en place un nouveau cadre institutionnel avec
la révision et l’élaboration de textes législatifs pour permettre l’application de la
réforme. Des services publics ont alors été mis en place pour réguler le secteur.
Le Comité National des Hydrocarbures a été créé avec pour mission la régulation
et l’assainissement du sous secteur des produits pétroliers.
Le segment du transport des produits pétroliers est le lieu d’intervention de
trois acteurs qui sont l’Etat, les distributeurs ou chargeurs et les transporteurs.
L’Etat et les multinationales avaient des enjeux clairs à travers la libéralisation.
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Quoiqu’elle n’ait pas réellement été planifiée les objectifs visés et les
changements qu’elle doit apporter sont multiples.
Le premier enjeu pour la puissance publique est de veiller à la sécurité de
l’approvisionnement du pays en produits pétroliers et au moindre coût. Garantir le
transport des hydrocarbures sur toute l’étendue du territoire relevant de ses
prérogatives, l’Etat doit ainsi remédier à l’inadéquation entre la demande et l’offre
de transport qui se révélait de plus en plus importante sur le marché avant
l’entrée de la libéralisation. Il s’y ajoute aussi que la libéralisation contribuera
certainement à l’amélioration de la sphère socio-économique avec la création de
nouvelles sociétés et d’emplois. Les objectifs de ses enjeux seront atteints.
Les enjeux de la libéralisation pour les majors s’inscrivent dans le cadre de
leur politique de défense de leur image de marque. L’amélioration de l’image de
marque passe nécessairement par la relève de la qualité des services. La
promotion de la culture de la sécurité sous l’optique de la protection civile et de la
défense de l’environnement est devenues un impératif dans le développement de
toute activité socio-économique.
Les enjeux des majors procèdent ainsi d’un souci purement technique avec la
nécessité de répondre aux exigences de la chaîne logistique qui requiert la
maîtrise de toutes les opérations et de tous les risques sur tout le processus. Il
faut donc une intégration globale des opérations qui implique la commande de
l’amont et de l’aval.
La maîtrise des dangers et risques d’accident et de pollution a amené les
multinationales à entreprendre de programmes de formation intense pour le
renforcement de capacités du personnel de conduite. Les résultats ont eu un
impact positif très significatif. Aussi ces formations sont très positivement
appréciées par les transporteurs. La réglementation technique est devenue plus
stricte et contraignante quant au respect des normes techniques et des exigences
sécuritaires. Des innovations technologiques ont été introduites.
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Les changements auront de multiples conséquences chez les transporteurs.
Les entreprises se sont engagées dans un processus de renouvellement coûteux
de leur parc pour pouvoir répondre aux exigences techniques imposées par les
chargeurs. Il en découlera un problème de surcapacité dû à un phénomène de
surcapacité de l’offre de transport sur le marché avec l’entrée des nouveaux
transporteurs. La surcapacité a perturbé et fragilisé les entreprises et rendra
difficile la rentabilisation des investissements. La question de ce paradoxe de
consentir des investissements énormes pour le renouvellement d’un parc qui sera
sous exploité demeure entière pour les transporteurs.
L’évolution des rapports entre l’offre et la demande a été inversée. Avant la
réforme la demande de transport était relativement supérieure à l’offre.
Désormais c’est la tendance contraire qui prévaut. Cette situation s’explique par
l’écart énorme qui existe entre le nombre de nouveaux chargeurs et le nombre de
nouveaux transporteurs. Le développement des capacités des nouveaux
distributeurs est très en deçà des capacités d’investissement des transporteurs.
Les sociétés ont subi dans leur totalité des baisses énormes de leur part de
marché et, par conséquent, de leur chiffre d’affaires.
Le nouveau contexte très concurrentiel est devenu difficile. Les problèmes
sont accentués par le non respect des règles de concurrence par certains
transporteurs. Le manque d’intervention de la puissance publique dans la
régulation de la concurrence favorise aussi les complications du jeu du marché
pour les grandes sociétés.
L’attitude de l’Etat est tantôt justifiée par un manque de moyens tantôt par un
manque de volonté. L’application de la réforme de la libéralisation va souvent à
l’encontre des intérêts des transporteurs. Le refus de réviser la structure des prix
ne permet pas aux entreprises de rentabiliser leurs investissements.
Les problèmes de entreprises ne proviennent pas seulement de l’action de
l’Etat. Certains sont inhérents aux sociétés d’autres sont dus à des influences de
la nature. Parmi les problèmes propres aux entreprises, il y’a l’adaptation au
nouveau contexte qui requiert des entreprises de nombreux changements. Il y’a
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d’abord les impératifs organisationnels. La restructuration des organisations est
un préalable qui doit faciliter le changement des méthodes de gestion afin d’allier
efficacité et rentabilité.
Les postes déterminants de l’administration comme demandent des
compétences pour apporter des résultats tangibles à l’entreprise. Les erreurs de
gestion risquent de compliquer les problèmes. En outre, l’exigence des
multinationales de créer le poste de responsables chargés du suivi de la
réglementation sécuritaire et sociale plaide en faveur de ces changements.
Il y’a ensuite les problèmes causés par les aléas naturels que les sociétés ne
peuvent pas maîtriser. L’activité de transport est soumise à des variations
saisonnières. A certaines périodes de l’année le problème de surcapacité gagne
en acuité. Les transporteurs ne peuvent pas parer à cette situation parce que
l’équipement ne peut pas être reconverti pour transporter d’autres produits. Les
véhicules sont conçus pour transporter des produits pétroliers seulement. Le
retrait forcé de certains véhicules de la circulation à cause de la surcapacité de
l’offre entraîne des coûts d’entretien. Les coûts dus à ce phénomène viennent
s’ajouter à ceux qui proviennent des innovations technologiques.
Les innovations technologiques ont des répercussions sur la législation
sociale. La maîtrise des outils demande un certain niveau d’instruction. Les
multinationales deviennent de plus en plus exigeantes par rapport au niveau
d’instruction et l’aptitude physique des conducteurs. Ces changements vont avoir
un impact considérable sur le terrain social et économique. Beaucoup de
personnes seront exclues du monde du travail du segment du transport des
produits pétroliers faute de pouvoir répondre au critère du niveau d’instruction.
Les nombreux problèmes évoqués demandent l’intervention de l’Etat à
plusieurs niveaux. L’assainissement et la régulation de la concurrence impératifs.
Les pratiques de concurrence déloyales doivent être sanctionnées. L’Etat doit
aussi protéger les sociétés de transport pour leur permettre de respecter les
exigences qu’il leur impose. Il s’agit entre autres de satisfaire la demande de
transport quelque soit le niveau et la destination.
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Il faut aussi la révision de la structure des prix dans le cadre global de la
révision de la politique actuelle. Il faut donc une révision de la politique.
L’élaboration des nouveaux textes doit impliquer tous les acteurs notamment les
transporteurs pour leur permettre de défendre leurs intérêts. Il faut permettre à
chaque acteur de défendre ses intérêts dans le respect de ceux des autres. Toute
politique doit être le résultat de la concertation des principaux intervenants
concernés.
L’Etat peut aussi octroyer des aides aux transporteurs pour résoudre les
problèmes de la baisse de leur chiffre d’affaires. L’aide pourrait prendre la forme
de subventions en espèces ou en nature. Il s’agira d’allouer des soutiens
financiers aux sociétés ou de leur alléger ou tout simplement les dispenser des
taxes fiscales pour un espace de temps relativement long ou court.
La libéralisation est intervenue à un moment difficile pour beaucoup de
sociétés de transport. Mais les changements qu’elle a entraînés témoignent de
son opportunité. Les problèmes auxquels les entreprises sont confrontées
proviennent de la faiblesse et de l’inadaptation des textes de la réforme. Il faut
apporter les rectificatifs nécessaires en impliquant tous les acteurs et renforcer
les organes de contrôle de l’Etat en ressources humaines, financières et
matérielles.
L’évolution du marché relative au développement des groupes des principaux
intervenants ne peut que conduire à des problèmes. Le déséquilibre énorme
entre le nombre de chargeurs et de transporteurs est la preuve que la situation
n’était pas propice à la libéralisation totale. Il faut plutôt une libéralisation partielle
et contrôlée.
Toutefois, les problèmes sont prévisibles. Le passage d’un contexte non
libéral à une économie libéralisée est source de problèmes ou de conflit. L’entrée
des nouveaux transporteurs ne peut que perturber le marché parce qu’elle
implique une diminution des parts de marché des entreprises trouvées sur le
marché. Les problèmes ne sont donc pas particuliers au Sénégal. Le passage
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d’un contexte non libéralisé à un contexte libéralisé est généralement suivi d’une
période de perturbation. Mais la situation finit généralement par se stabiliser. Les
sociétés de transport vont donc se redresser à long terme. Il faut souligner leur
capacité d’adaptation dans ce contexte difficile. Jusque là il n’est enregistré
aucune mort de société. Cette remarque augure d’une bonne fin. La période de
turbulence va durer mais les entreprises vont finir par se redresser.
La libéralisation aura encore pour longtemps de nombreuses répercussions
sur tissu social et économique. Les changements positifs qu’elle a apportés
témoignent de son opportunité paradoxalement le développement et de
l’évolution du marché font dire que le moment n’est pas propice pour son
application.
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