Éducation et formation scolaires en contexte autochtone, un
développement à consolider
Yvonne da Silveira, Ph.D.
Université du Québec en Abitibi-
Témiscamingue (UQAT)
Symposium international sur le développement nordique
Gouvernement du Québec & Conseil nordique des ministres en
collaboration avec l’Université Laval / Québec, 25 février 2015
N. B. : Je remercie Véronique Paul, agente de recherche, et Sylvie Tanguay, secrétaire, de
l’URFDEMIA (UQAT), pour leur soutien à la préparation de cette communication.
• Situation géographique
• Objectif de la présentation
• Quelques caractéristiques du contexte autochtone de scolarisation
• Profil d’éducation et de formation scolaires aujourd’hui
• Perspective de scolarisation bilingue additive, modèle théorique
• Réalisations, initiatives et défis
o Exemples particuliers à l’UQAT
Plan de la présentation
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Situationgéographique
• Vaste territoire
nordique
• Contexte
d’éloignement
• Petites
communautés
isolées
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Objectif de la présentation
Donner un aperçu du profil de l’éducation etde la formation scolaires en contexteautochtone québécois et noter desréalisations et des défis importants à relever.
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Quelques caractéristiques du contexte de scolarisation autochtone
• Contexte sociolinguistique non homogène
• Changements culturels profonds depuis la colonisation etl’instauration de l’institution scolaire assimilatrice (Vick-Westgate, 2002)
• Réalité biculturelle, bilingue et diglossique
• Socialisation traditionnelle et socialisation scolaire: deuxvisions divergentes de la relation de l’individu à la société.
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Quelques caractéristiques du contexte de scolarisation autochtone (suite)
� 1re = dynamique collective face au savoir / apprentissage
• observation, imitation
• tradition orale
• holistique
• orientée vers une plus grande responsabilité envers et pour les autres
• autosuffisance personnelle ≠ indépendance sociale
� 2e = dynamique plutôt individuelle et décontextualisée
• visant des savoirs abstraits propres au développement scolaire
• ancrée dans l’écrit
• orientée vers la compétitivité et la neutralité affective 6
Socialisation, un continuum ayant à ses deux extrémités les dynamiques suivantes (Douglas, 2009):
:
Quelques caractéristiques du contexte de scolarisation autochtone (suite)
• Scolarisation en langue officielle imposée. Parfois, présencede la langue maternelle (L1) autochtone comme langue descolarisation dans les premières années.
• Perte accélérée des langues autochtones (Drapeau, 2011).
• Développement bilingue particulier et développementinadéquat de la littératie scolaire (Mowatt et Maheux, 2009).
• Parcours d’éducation et de formation scolaires faisant desAutochtones des minorités involontaires évoluant encontexte diglossique.
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Quelques caractéristiques du contexte de scolarisation autochtone (suite)
• Contrairement aux minorités volontaires, dont lesimmigrants, qui
«adhéreraient fortement à l’idéologie de la mobilité socialepar l’école (…), les minorités dites involontaires, c’est-à-direles groupes issus d’une conquête, du colonialisme ou del’esclavage, auraient un rapport de méfiance avec lesinstitutions majoritaires et douteraient que l’éducationpuisse véritablement représenter un véhicule de mobilitésociale. Ils résisteraient également aux demandesd’assimilation linguistique et culturelle et auraient tendanceà réclamer une transformation radicale du curriculum.»
(Ogbu, 1992; Ogbu & Simon, 1998; cités dans Mc Andrew et al.,2008)
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Quelques caractéristiques du contexte de scolarisation autochtone (suite)
• La maîtrise indienne de l’éducation indienne,déclaration de principe (Fraternité nationale desIndiens du Canada, 1972) ne semble-t-elle pas abonderdans ce sens?
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Profil d’éducation et de formation scolaires aujourd’hui
Parcours qui semble organisé pour mener à l’échec
malgré la présence de langues autochtones en
éducation et la place centrale de l’élève (MEQ,
2001)
• L1 et culture 1re plutôt ignorées ou peu considérées
• Variété du français des Premières Nations ignorée(Daviault, 2013)
• Scolarisation en L2 comme si c’était en L1
• Problématiques multiples dans cette situation complexeconcernant le développement bilingue scolaire, lesressources enseignantes, les programmes scolaires (Hot,2013)
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• De nombreuses statistiques sur la déperdition scolaire encontexte autochtone (Richards, 2011)
• Peu de recherches approfondies des facteurs scolaires liésà la trajectoire des élèves autochtones (Moldoveanu et al.,2011; da Silveira et al., 2012)
• École non encore intégrée aux réalités autochtones; netient pas assez compte des identités autochtones; ne leurressemble pas; méfiance.
Profil d’éducation et de formation scolaires aujourd’hui (suite)
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• Conséquences
o Nombre restreint d’enseignants autochtones. D’ailleurs,ironiquement, ces enseignants formés dans le mêmesystème scolaire pour tous, ont «une façon normée etvue comme correcte d’enseigner la littératie» sans égardà la réalité de l’élève (Heydon & Stooke, 2012, dans Hot,2013)
o Mouvement de personnel enseignant important
o Au lieu de rassembler, l’école semble induire unedistance entre les populations autochtones et les nonautochtones sur le plan social, économique ou autre.
Profil d’éducation et de formation scolaires aujourd’hui (suite)
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Perspective de scolarisation bilingue additive –modèle théorique• Quatre éléments structurels de l’organisation scolaire
contribuant à l’émancipation par opposition à la démobilisation (abandon) d’élèves issus de minorités ethnolinguistiques (Cummins, 2001a : 181; notre traduction libre) :o inclusion linguistique et culturelle additive versus soustractive
o participation collaborative de la communauté versus son exclusion
o pédagogie orientée vers un modèle d’interaction réciproque versus un modèle de transmission
o évaluation constituant un plaidoyer de non-discrimination à la faveur des élèves versus une légitimation du système d’évaluation établi 13
Perspective de scolarisation bilingue additive (suite)
• Le modèle de Cummins en rejoint d’autres sous certains angles. Un consensus semble s’en dégager : reconnaissance et valorisation de l’identité culturelle de l’apprenant de groupe minoritaire, à savoir sa culture et sa langue, par la communauté, la famille et l’école, ainsi que par l’apprenant lui-même sont importantes pour un développement bilingue additif (Hamers & Blanc, 2000; Lambert, 1974; 1977; Armand, 2012; entre autres).
• D’ailleurs, rejeter la culture de l’enfant ne revient-il pas à rejeter ce dernier (Cummins, 2001b)?
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Des études menées en contexte inuit du Nunavik, encore peu nombreuses, semblent être des appuis empiriques à la scolarisation bilingue additive (voir Hot, 2013) :• Conséquences positives de l’usage de l’inuktitut à l’école telles
que : estime de soi, meilleure maîtrise de la langue seconde, donc soutien possible de la réussite scolaire (Taylor & Wright, 2004; Wright & Taylor & MacArthur, 2000; de La Sablonnière, Usborne & Taylor, 2011), même si les conditions actuelles du programme de scolarisation bilingue en place ne semblent pas favoriser au maximum le bilinguisme additif (Usborne et al, 2009)
Réalisations, initiatives et défis
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Exemples particuliers à l’UQAT
Formation des enseignants inuit du Nunavik, le partenariat
Ivujivik, Puvirnituq, UQAT depuis 1984
• Cogestion de l’ensemble des activités de formation en contextede travail interculturel et trilingue
• 3 programmes de certificat en enseignement au préscolaire et auprimaire en milieu nordique développés en partenariat
• Recherche-action actuellement en cours en vue d’améliorer lescommunications par la visioconférence
• Développement d’un lexique spécifique à l’éducation en inuktitut
• etc.
Réalisations, initiatives et défis
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Recherches en éducation et formation à l’UQAT• Exploration de nouvelles pratiques d’enseignement pour
favoriser le développement de la compétence à écrire d’élèves anicinapek et innus du primaire. (Y. da Silveira, 2012-2015; FRQSC)
• Projet de mise en place d’une approche d’accompagnement à la formation des enseignants inuit par la vidéoconférence. (G. Pellerin, 2011-2016; CRSH)
• Pratiques pédagogiques différenciées et réussite scolaire de deux catégories d’élèves du primaire à risque : élèves autochtones et élèves provenant de milieux défavorisés (M. Moldoveanu, 2011-2015; cochercheure: da Silveira; FRQSC)
• Une analyse des déterminants de persévérance et de réussite des étudiants autochtones à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. (M. Loiselle, 2006-2009)
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Réalisations, initiatives et défis (suite)
• Persévérance scolaire en Abitibi-Témiscamingue : la perspective des jeunes autochtones de 14-24 ans (B. Sioui, 2009-2011)
• Revitalisation de langue et impact sur l’identité autochtone (Projet Yawenda : la revitalisation de la langue huronne-wendat, L.-J. Dorais, 2007-2012; cochercheures: da Silveira et Maheux; ARUC-CRSH)
• Développement de compétences professionnelles même si l’étudiant n’obtient pas le diplôme attendu (Lavoie, 2013)
• Le jeu symbolique pour favoriser l’émergence de l’écrit des enfants autochtones en contexte de maternelle : possibilité et défis pour les enseignants autochtones (Jacob, 2015)
• Résultats non «imposants» comme en recherche classique, mais qui peuvent faire une différence et qui sont absolument à encourager.
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Réalisations, initiatives et défis (suite)
Défis liés à la formation interculturelle
Développer des écoles qui :
Développer une formation des enseignants qui :
et
Développer la recherche en partenariat basé sur l’écoute des besoins, le respect, le dialogue, la confiance, etc.
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• reconnaissent et contribuent au
maintien de l’identité culturelle
autochtone
• en permettant aux jeunes de développer
les connaissances et les compétences
nécessaires à la vie dans la société
contemporaine
• tient compte des rapports des cultures
en contact
• s’adapte aux réalités autochtones
• en respectant les règles administratives
des universités
• permet la dispensation du savoir
autochtone
• en s’assurant que les étudiants
acquièrent les compétences exigées
pour l’obtention des crédits requis pour
la diplomation
• «La fascination qu’exerce sur nous des coutumes, en apparence très éloignées des nôtres, le sentiment contradictoire de présence et d’étrangeté dont elles nous affectent, ne tiennent-ils pas à ce que ces coutumes sont beaucoup plus proches qu’il ne semble de nos propres usages, dont elles présentent une image énigmatique et qui demande à être décryptée? (La pensée sauvage, C. Lévi-Strauss, 1962).» (Gohard-Radenkovic, A. (1999 :15).
• Plus que jamais, les défis du contexte scolaire autochtone nous concernent tous. Innovons en partenariat.
Conclusion
20
Beaucoup reste à faire...
21
• Résultats non «imposants» comme en recherche classique, mais qui peuvent faire une différence et qui sont absolument à encourager.
RéférencesALDERMAN REYES, S. & CRAWFORD, J. (2012). Diary of a Bilingual School.
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Références (suite)
Références (suite)
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