DOULEUR du Blessé Médullaire Cours DES MPR, Amiens 24 avril
2013
Marc LE FORT
Brigitte PERROUIN-VERBE
Eléments épidémiologiques
• Prévalence : 65-85% (40% neuropathique) et 1/3 douleur sévère • Symptôme difficile à prendre en charge :
• forte corrélation avec un médiocre devenir (j, y et social) • affecte sommeil, AVQ, réinsertion, retour au travail, QdV
• Pronostic : résolution faible à long terme
Activités perturbées par la douleur
• Sommeil 56%
• Vie sociale / récréative 40%
• Activité générale 28%
• Relations 14%
• Prise en charge thérapeutique 13% Réadaptation
Ravenscroft and al. Spinal Cord 2000 ; 38 : 611-614
Douleur = complication majeure
• Si douleur : – 37% des tétraplégiques
– 23% des paraplégiques
l’échangeraient
contre une perte fonctionnelle vésicale, anale ou sexuelle
• 38% des paraplégiques échangeraient une récupération motrice, sexuelle ou viscérale contre un soulagement de leur douleur
Nepomuceno et al. Arch Phys Med Rehabil 1979 ; 60 : 605-9
Conséquences de la douleur
• Quête thérapeutique 87%
• Détresse 75%
• Traitements additionnels 43%
• Dépression 39%
• Chômage 18%
Ravenscroft ; Nepomuceno ;
Störmer et al. Spinal Cord 1997 ; 35 : 446-55
Survenue de la douleur
• Délai moyen d’apparition : 1,6 an • Douleur lésionnelle :
• 1,2 an • présentes dans 50% cas
dans les trois 1ers mois • Douleurs sous lésionnelle :
• 51% dans les 2 ans • Douleur viscérale : 4,2 ans • Douleur d’apparition tardive => bilan • Rôle des épines irritatives
(Pain 2003)
Identification : caractéristiques et classification
Type Système Structures en cause / Pathologies Nociceptive Musculo-squelettique * os, articulation, muscle * instabilité mécanique * spasme musculaire * syndrome de sur-utilisation Viscérale * lithiase rénale et pathologie digestive *dysfonctionnement sphinctérien * céphalée par hyper-réflectivité autonome Neuropathique Au-dessus du niveau ( Above -level NP) * syndromes canalaires * syndrome douloureux régional complexe Au niveau ( At-level NP) * compression radiculaire (syndrome queue de cheval) * syringomyélie * traumatisme médullaire / ischémie (zone transitionnelle) * syndrome de double lésion (moelle + racine) En-dessous du niveau ( Below -level NP) * traumatisme médullaire / ischémie
Questionnaire d’aide au diagnostic de la douleur neuropathique DN4
Répondez aux 4 questions : oui/non pour chaque item • Interrogatoire
– Question 1 : la douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caracté́ristiques suivantes ? • 1 brûlure • 2 sensation de froid douloureux • 3 décharges électriques
– Question 2 : est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs symptômes ? • 4 fourmillements • 5 picotements • 6 engourdissement • 7 démangeaisons
• Examen – Question 3 : est-elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence ?
• 8 hypoesthésie au tact • 9 hypoesthésie à la piqûre
– Question 4 : la douleur est-elle provoquée ou augmentée par ? • 10 le frottement
Score /10 et seuil diagnostique à 4
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
définitions et caractéristiques • Above-level neuropathic pain : localisée en territoire « sain »
• At-level NP = lésionnelle : de type segmentaire localisée dans les territoires adjacents à la lésion
– douleur de déafférentation segmentaire (zone de transition) le plus souvent circonférentielle et bilatérale (2 dermatomes au-dessus et en-dessous) – douleur radiculaire (unilatérale)
• Below-level NP = sous-lésionnelles centrale (central dysesthesia syndrome)
souvent toute la partie du corps dont voies longues sensitives interrompues N° de la lésion
PJ Siddall 2000, 2006, 2009
Prévalence des différents types de douleurs neuropathiques
Auteurs Douleur lésionnelle Douleur
sous-lésionnelle
Rintala 1998 (interview)
32% 10%
Siddall 1999 (longitudinale)
36% 19%
Siddall 2003 (longitudinale)
41%
34%
Werhagen 2004 (rétrospective)
34% 66%
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
identification Douleur spontanée Douleur provoquée
Continue Paroxystique
Superficielle Brûlure Profonde Étau
Décharges électriques
Coups de poignard
Élancements
Allodynie Hyperalgésie
Dynamique (frottement cutané)
Statique (pression)
Thermique
Chaud
Froid
Piqûre
association fréquente à des paresthésies et/ou des dysesthésies, à une sensation d’engourdissement
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets Classification ASIA-IMSOP : les standards
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets Classification ASIA-IMSOP : les standards
Grade AIS
A Complète: aucune motricité ou sensibilité dans les territoires sacrés S4-S5.
B
Incomplète: la sensibilité mais pas la motricité est préservée au-dessous du niveau neurologique et inclue les territoires sacrés S4-S5, et aucune fonction motrice préservée sur plus de 3 niveaux en dessous du niveau moteur de chaque côté.
C Incomplète: la motricité est préservée au-dessous du niveau neurologique et plus de la moitié des muscles clés au-dessous de ce niveau a une cotation inférieure à 3
D Incomplète: la motricité est préservée au-dessous du niveau lneurologique et au moins la moitié des muscles clés au-dessous de ce niveau a une cotation ≥ 3
E Normale: la sensibilité et la motricité sont normales
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets
• 7 Types de Douleurs :
– 1. Musculo-squelettique (nociceptive) : • zone avec part de préservation sensitive (au-dessus, au niveau et en-dessous de la lésion)
• caractère mécanique, douleur à la palpation
– 2. Douleur viscérale (nociceptive): • habituellement localisée au thorax ou abdomen
• sourde, mal localisée avec sensation de serrement
• en rapport avec une pathologie ou dysfonction d’organe
– 3. Autre douleur nociceptive : ≠ origine musculo-squelettique ni viscérale exemples : problème cutané ou céphalée
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets
– 4. Douleur lésionnelle (neuropathique) : • segmentaire (condition nécessaire =lésion de la moelle et des racines)
• perçue dans le dermatome du niveau de la lésion et trois niveaux en-dessous de ce niveau
• brûlures, élancements, décharges électriques, hyperalgésie, allodynie +
– 5. Douleur sous-lésionnelle (neuropathique) : • dans la région située plus de 3 niveaux en-dessous de la lésion de la moelle épinière
– 6. Douleur lésionnelle et sous-lésionnelle (at- and below-level neuropathic pain) : • douleurs des deux types et patient incapable de les distinguer
– 7. Autre douleur neuropathique : non liée à la lésion médullaire et/ou radiculaire
• au-dessus ou en-dessous du niveau (ex : mononeuropathies compressives)
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets
• En résumé :
– International SCI core data set
– International SCI pain basic data set
• une question d’entrée
• identification et localisation des 3 douleurs les plus invalidantes
• score d’intensité : échelle numérique
• évaluation durée et calendrier
• 3 items « Life interference » du Multidimensional Pain Inventory SCI Version (MPI-SCI)
• 3 items spécifiques (activités générales, humeur, sommeil)
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
évaluation : les data sets
• En résumé :
– International SCI core data set
– International SCI pain basic data set
• une question d’entrée
• identification et localisation des 3 douleurs les plus invalidantes
• score d’intensité : échelle numérique
• évaluation durée et calendrier
• 3 items « Life interference » du Multidimensional Pain Inventory SCI Version (MPI-SCI)
• 3 items spécifiques (activités générales, humeur, sommeil)
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
facteurs prédictifs de chronicité
• Données socio démographiques :
– Âge : > 50 ans, Below level neuropathic pain + ( Werhagen, 2004)
– Sexe : • controversé
• plus de douleurs nociceptives chez la femme (Cardenas, 2044, Norrbrink, 2003)
– lésion non traumatique (Werhagen, 2007)
• Données lésionnelles :
– Niveau : pas de différence significative
– Type : • syndrome spinal antérieur +? (Siddall, 2003)
• lésion de la substance grise (Finnerup, 2003)
• Etiologie de la lésion : plaie par balle?
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
facteurs de risque psychologique • 1. présomption scientifique (grade B) : corrélation douleurs chroniques
neuropathiques / dépression et anxiété
• 2. présomption scientifique (grade B) : douleurs chroniques en partie cause de persistance d’un tableau anxio-dépressif du blessé médullaire.
• 3. présomption scientifique (grade B ou C) : association capacités adaptatives insuffisantes (« patients dysfonctionnels ») et certains traits cognitivo-comportementaux (catastrophisme, idées fausses sur la douleur, locus de contrôle externe, colère) / moins bon vécu douloureux à intensité égale (douleurs chroniques en général)
• 4. aucune présomption scientifique : – influence des antécédents dépressifs ou anxieux – concomitance avec la paraplégie d’une psychose, d’un terrain hystérique ou
paranoïaque, d’une étiologie suicidaire du traumatisme, de conduites addictives, de conduites à risques ou de comportements violents
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
facteurs sociaux et environnementaux
Potentiellement impliqués dans la survenue de douleurs
chroniques du blessé médullaire :
• faible niveau social (grade B)
• désinsertion professionnelle (grade B)
• investissement socio-environnemental (grade C)
• niveau de dépendance élevé (grade C)
(D Goossens, 2009)
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Other neuropathic pain (ex « above-level NP »)
– Syndrome douloureux régional complexe : • considéré comme peu fréquent ( 10%, Gellman 1988 • fréquent chez les tétraplégiques • critères cliniques (Budapest) => radiographies, scintigraphie
– Mononeuropathies compressives : • médian 3%, ulnaire 3,4% • chez patients venant consulter pour troubles MS : médian 34%, ulnaire
24% (Nogajski, 2006)
=> explorations électrophysiologiques
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Douleurs lésionnelles : – Douleur radiculaire : unilatérale
• compression radiculaire ? : TDM surtout si d’apparition tardive
– Douleur de déafférentation segmentaire
• Moelle fixée? (post traumatic tethered cord)
• Syringomyélie => IRM (suivi prospectif des lésions médullaires)
a fortiori si douleurs d’apparition secondaire
• Douleurs sous lésionnelles : syrinx ?
• Rôles des épines irritatives : bilan complet : clinique, neuro-urologique, abdominal
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Syringomyélie :
– Définition neuroradiologique (Wang, 1996)
• hyposignal en T1, hypersignal en T2
• même intensité que signal du LCS
• contours bien définis
• ≠ myélomalacie
– débordant le site traumatique • minimum d’extension requis ≥ 2 niveaux vertébraux (Williams)
– pas de communication avec le 4ème ventricule
• Physiopathologie:
LA THEORIE DE WILLIAMS :
« SLOSH AND SUCK »
BLOCAGE DE LA CIRCULATION DU LCS
Syringomyelie post-traumatique
VALSALVA
« SLOSH »
VALSALVA
« SUCK »
« SLOSH »
VALSALVA
« SUCK »
« SLOSH »
VALSALVA
« SUCK »
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
Clinique : 3,2% Rossier (Brain 1985 )
3,43% El Masry (JNNP, 1996)
4,45% Schurch (JNNP, 1996)
Neuroradiologique :
20,9% Wang (Paraplegia, 1996)
28% Perrouin-Verbe
(Spinal Cord, 1998)
Autopsies : 18% Wozniewicz (Paraplegia, 1983)
20% Squier (JNNP, 1994)
• Syringomyélie :
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Syringomyélie :
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Syringomyélie :
Douleur = maître-symptôme (Schurch 1996, Rossier 1985)
• At-level NP (mais au-dessus du niveau lésionnel initial)
• souvent inaugurale • interscapulaire, cervicale et irradiant au(x) membre(s) supérieur(s) • augmentée par efforts et changement posturaux • associée à la triade clinique habituelle : déficit sensitif dissocié, déficit moteur et abolition des réflexes • symptomatologie suspendue avec normal gap • symptomatologie le plus souvent unilatérale
• Douleurs sous-lésionnelles • plus rarement • 4/30 de la série de Rossier
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Syringomyélie :
Délai d’apparition / délai diagnostique :
Rossier Délai d’apparition de 3 mois à 34 ans Délai 1er symptôme / diagnostic 2,8 ans
SPT : complication tardive? Série nantaise
Groupe prospectif : délai diagnostique 3,4 ans Groupe non suivi : délai diagnostique 23,2 ans
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Syringomyélie :
Chirurgie du syrinx : triade : - drainage - arachnoïdolyse - plastie durale d’agrandissement
=> 75% d’amélioration sur la douleur Jaksche (Acta Neurochir, 2005) Lee (Spine, 2001)
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Moelle fixée :
Primum movens des myélopathies progressives cystiques et non cystiques (Williams, Edgar et Quail) Moelle fixée et douleurs lésionnelles (perilesional myelo-radiculopathies?) Définition (Wang, 1994) :
« Tethered cord is the adhesion of the cord to the aspects of the bony canal »
Paraplégies thoraciques et thoraco-lombales ++ : • douleurs lésionnelles • douleurs de la zone de préservation partielle
Bilan de douleur d’un blessé médullaire
• Moelle fixée :
Zones de mobilité : Cervicales : aggravation motrice des muscles les plus caudaux préservés Thoraco-lombales : douleurs lésionnelles et ZPP => arachnoidolyse et plastie durale
Lamotrigine*
DN médullaire
Antidépresseurs
tricycliques
(25-150 mg/j)
Opiacés* Cannabis (ATU)*
Lidocaine/ kétamine iv (centres spécialisés)
Prégabaline (150-600 mg/j)
Gabapentine (1200-3600 mg/j)
Composante “nociceptive” majoritaire
Tramadol
(200-400 mg/j) Effets II ou CI
Inefficacité
Association avec les tricycliques ou
le tramadol
Efficacité
Partielle
Echec Lésion incomplète +
allodynie
* Seuls ou associés aux trts précédents si efficacité partielle
IRSNA
Duloxétine ( Vranken 2011)
Allodynie
Attal & Mazaltarine, 2009 Teasell, 2010
Douleur neuropathique du blessé médullaire :
quel traitement ?
Modèles organisationnels
• Lien entre l’équipe prenant en charge le blessé médullaire et la structure douleur
• pas de tribunal : 1 malade devant 10 médecins • pas de multidisciplinarité systématique : seuls les
patients douloureux complexes relèvent d’une approche multiple
• Plusieurs organisations sont possibles
Modèles organisationnels • Cs MPR puis CS structure douleur multidisciplinaire
• Cs MPR + médecin Algologue
• Cs MPR + médecin psychiatre ou psychologue puis structure
douleur
• Cs MPR + médecin algologue + médecin anesthésiste ou neurochirurgien
• Cs MPR + infirmière référente douleur puis structure douleur
• Cs MPR puis directement hospitalisation de jour ou complète dans les lits de douleur
RETOUR D’INFORMATION SUR L’EVALUATION ET LA SYNTHESE DU PROJET THERAPEUTIQUE
• Recommandations pour la pratique clinique Octobre 2007
• Annals of Physical Medicine and Rehabilitation Mars 2009
Top Related