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DOSSIER PEDAGOGIQUE
Hernani de Victor Hugo
mise en scène Christine Berg
du vendredi 27 janvier au samedi 4 février 2012
Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected],
Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]
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texte Victor Hugo
mise en scène Christine Berg
scénographie et costumes Pierre-André Weitz
lumières Elie Romero
régie plateau Marine Molard
musique Gabriel Philippot
assistanat à la mise en scène Léo Cohen-Paperman
avec
Loïc Brabant La duègne, Ricardo
Vanessa Fonte doña Sol
Jean-Michel Guérin don Ruy Gomes
Marine Molard don Sanchez
Antoine Philippot Hernani
Pierre-Benoist Varoclier don Carlos
directeur de production Vincent Marcoup
administration Anne Delépine
Coproduction ici et maintenant théâtre / Espace Jean Vilar de Revin
La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la
Culture / Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec
l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne et subventionnée par la Ville
de Châlons-en-Champagne et le Conseil Général de la Marne.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l’ADAMI et
de Copie privée.
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Hernani
dossier pédagogique
sommaire
LE PROJET ARTISTIQUE
Notes d’intention
Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11
Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle
page 4
page 7
page 10
HERNANI de Victor Hugo
Biographie de Victor Hugo
Le drame romantique
L’origine d’Hernani
Extraits de la pièce
Charles Quint
Histoire des arts Le cénacle romantique
Histoire des arts Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903
page 12
page 14
page 17
page 18
page 21
page 22
page 24
L’EQUIPE ARTISTIQUE page 27
Bibliographie, Sitographie page 30
« La voix haute et puissante du peuple, qui ressemble à celle de Dieu, veut
désormais que la poésie ait la même devise que la politique : TOLERANCE ET
LIBERTE ».
Victor Hugo, préface d’Hernani
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LE PROJET ARTISTIQUE
Notes d’intention
Hernani
Rarement une œuvre dramatique aura été aussi occultée par la réaction que suscita sa première
représentation. Aujourd’hui encore, l’intrigue d’Hernani est largement méconnue : rares sont ceux
chez qui ce titre rappelle la légende des deux amants qui meurent volontairement par le poison la
nuit de leurs noces, ou la fable d’un bandit qui retrouve son rang à la cour d’Espagne. Dans la plupart
des esprits, Hernani évoque une formidable bataille littéraire, une date décisive dans la lutte mythique
qui opposa les classiques aux romantiques.
Entre février et novembre 1830, les partisans des classiques et les adeptes des romantiques se sont
retrouvés chaque soir au Théâtre-Français, les uns pour huer la pièce, les autres pour tenter de la
soutenir. Mais au-delà du mythe, qui se rappelle les personnages, qui se souvient vraiment du détail
de l’intrigue ?
D’une manière générale, Hernani semble aujourd’hui encore, payer le tribut de son formidable succès
de 1830 : comme tous les mythes, connu de tous mais fondamentalement ignoré…
La représentation théâtrale permet d’entrevoir le chef d’œuvre derrière le mythe. L’ambivalence de la
pièce, sa polyphonie et la richesse d’interprétation qu’elle autorise, prennent alors toute leur
dimension. Un monarque libertin se cache dans une armoire comme un vulgaire amant de vaudeville,
avant de devenir un empereur juste et clément. Un vieillard ridicule se fait cocufier comme le premier
Arnolphe venu et se transforme, à la fin du drame, en spectre shakespearien. Ici pas vraiment de
masques, mais des visages différents : comme dans la vie, les personnages ne se divisent pas en
grotesques et sublimes mais chacun d’eux est à la fois l’un et l’autre, au gré des péripéties de
l’action.
Certes Hernani est un mythe. C’est aussi une prophétie politique.
Premières réflexions
Comment ne pas être fasciné par la puissance poétique d’une telle œuvre ?
Et pourquoi s’interdire d’y plonger, de tenter le grand voyage dans cette cathédrale ?
La pièce est d’une force de composition exceptionnelle. Elle utilise tous les ressorts du théâtre
romantique et dans sa diversité baroque, elle se permet tout : les coups de théâtre se succèdent, les
personnages se métamorphosent, les images poétiques créent un univers d’une rare puissance.
A chaque nouvelle lecture, l’émotion me submerge. Bien sûr, ces deux jeunes amants qui meurent le
jour de leurs noces, c’est pathétique, grandiose, mais ce n’est pas tout.
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La fable politique, par exemple, est remarquable : Hernani, représentant ce « peuple-océan » qui
entraîne tout sur son passage et bouleverse définitivement le vieil ordre, est mis en action sous nos
yeux, comme le moteur des générations à venir contre qui personne ne pourra rien.
Les métamorphoses des personnages sont d’une théâtralité exceptionnelle et révèlent, dans le tissu
même de la fable, que, qui qu’on soit, l’histoire et ses soubresauts nous font vaciller, nous ouvrent
des horizons que nous devons voir. Don Carlos, le roi libertin, devient un monarque magnanime et
tolérant ; Ruy Gomes, lui, ne devient pas meilleur, au contraire, il est la part sombre de nous-mêmes,
celle irréductible du ressentiment et de la vengeance qui ne nous laisse que l’amertume de notre
condition…
Je crois qu’il faut toucher la dimension poétique, obscure de cette œuvre. Elle réside à beaucoup
d’endroits et en particulier dans les portraits des personnages.
L’un des axes majeurs est dans la force, la lourdeur même, écrasante, des figures paternelles : le
passé ne lâche pas sa proie…La scénographie sera donc un jeu de portraits géants faisant écrin
d’abord à la fameuse scène des portraits où Ruy Gomes cache Hernani à Don Carlos dans sa galerie
de tableaux de famille. Mais au-delà de cette seule scène, la dimension mythique de la parole
donnée au père et par là, serment intouchable, embrase toute l’œuvre. Chaque personnage est hanté
par un père absent et chaque personnage aussi, se convertit, se transforme en un autre, donnant
ainsi à voir une infinité de caractères, de personnes qui se construisent devant nous.
Il y a dans Hernani une thématique très forte de l’ombre et de la lumière, ô combien théâtrale.
Beaucoup de scènes sont nocturnes (le début de 4 actes sur 5), et symboliquement, toute la pièce
est une lutte entre l’obscurité (l’obscurantisme) et le jour, l’avenir…Il n’est pas certain d’ailleurs que la
lumière l’emporte. Mais l’élément feu sera très présent sur scène.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire de transposer l’époque ; elle est marquée clairement (Espagne
1519) mais n’empêche en rien l’envolée de la fable jusqu’à nous par le truchement d’une symbolique
particulièrement riche. Nous travaillerons donc dans une esthétique inspirée du seizième siècle
espagnol ; pas dans la reconstitution historique mais dans un rappel des formes et des matières.
Encore un paradoxe : Hernani est aussi, par certains aspects, une comédie. Il ne faut pas occulter
cette dimension baroque qui se permet, du grotesque au sublime, de nous embarquer avec une
duègne cupide dans une armoire de barbon cocufié…
Tout est possible dans ce théâtre, tout est jeu, et ce monstre de Victor Hugo mène une sarabande
qui nous éblouit, depuis son dix-neuvième siècle, jusque dans nos tripes.
Christine Berg, juin 2010
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Pistes dramaturgiques
Dans cette œuvre complexe, trois grandes pistes se présentent, trois fils qui se tressent et qu’il
faudra explorer.
En premier lieu, celui qui saute aux yeux, c’est le fil sentimental. Cette merveilleuse et tragique
histoire d’amour, c’est le Roméo et Juliette français… Les deux jeunes amants beaux, brillants et
fous d’amour, vont mourir la nuit de leur noces, parce qu’ils ont une destinée fatale. L’amour est
incommensurable et funeste. Lié à la mort… Mais, au bout du compte, lorsqu’on aime follement,
n’est-ce pas ce qu’on peut souhaiter de plus accompli ? Ne pas survivre à celui qui part, mourir avec
lui, tout simplement, puisque le monde n’est pas acceptable sans l’autre. Cette part sentimentale de
la pièce est dominée par la grande figure de Dona Sol (avec celle d’Hernani aussi bien sûr, mais lui, il
est dans toutes…) Le personnage de Dona Sol est magistral parce qu’il est totalement mystérieux ; je
l’appelle « la silencieuse » (de fait, elle parle peu) mais elle rayonne avec une force inouïe. Le soleil.
Tout tourne autour d’elle…
Le deuxième fil qui structure la pièce est psychanalytique : il met en scène l’intangibilité de la parole
donnée. Cet engagement est lié à la figure écrasante du père. Une sorte de surmoi monstrueux et
funeste. On ne peut échapper que par la mort. Cette figure est incarnée par Don Ruy Gomes,
personnage complexe, bouleversant par ailleurs, lié lui aussi par sa propre parole. En creux, on lit
évidemment la révolte de la jeunesse contre le vieil ordre, la tradition. Même si les héros en meurent,
on doit entendre : ne respectez pas une loi inique !
La troisième piste, la plus complexe, est politique (celle de Don Carlos). L’espace du pouvoir est
fermé, sombre, austère, tandis qu’autour existe un espace de liberté, d’affranchissement, qui certes
est celui du proscrit, mais celui d’un possible bonheur. Les personnages qui ont le pouvoir sont
tyranniques mais doués de conversions inattendues. Une notion capitale et complètement nouvelle
se fait jour dans la scène du tombeau : celle du « peuple-océan ». Ce qui dépassera les clivages et
fera accéder la société à un autre monde. Mais personne n’y est prêt.
Du point de vue stylistique, quelques décisions notoires s’imposent. La réduction de la distribution à
6 acteurs nous débarrasse d’un certain poids d’apparat romantique (plus de troupe de conjurés, de
valets et domestiques, de gardes armés…). Ce théâtre historique, ajusté du coup à sa dimension
métaphorique et politique, acquiert une force nouvelle.
Nous respecterons le vers baroque, non pas comme de la prose, mais comme une véritable
explosion du vers classique ; c’est-à-dire qu’il faut faire sonner les vers réguliers (il y en a) par
opposition aux vers morcelés, hachés, synonymes à eux seuls de la révolution qui s’opère, dans les
Lettres et dans la société.
La scénographie s’inspire de ces deux espaces qui caractérisent l’univers hugolien. Une forteresse
imprenable est le lieu du pouvoir et de l’enfermement. Mais elle est aussi un jeu de trappes,
d’escaliers, de portes dérobées, de balcons, de fenêtres par lesquels entre et sort et virevolte un
monde de la nuit, grotesque ou macabre. Et ce petit monde tourne sur lui-même jusqu’à exploser ses
limites lorsque le « peuple-océan » est évoqué, promesse d’un avenir tout différent mais encore
tellement improbable.
Christine Berg, juillet / août 2011
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Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11
Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) et Hernani (Antoine Philippot)
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Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) entre Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier) et Hernani (Antoine Philippot)
Hernani (Antoine Philippot) et Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier)
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HERNANI, de Victor Hugo
Biographie de Victor Hugo
Victor Marie Hugo naît à Besançon le 26 février 1802.
Théoricien du drame, il est le principal auteur de la
révolution romantique au théâtre.
La vocation du jeune Victor Hugo s’affirme vite. En 1816
il note « Je veux être Chateaubriand ou rien ».
Déchiré par l’opposition politique et personnelle de ses
parents, pris dans les remous de l’histoire, qui lui fait
vivre la guerre d’Espagne, Hugo cherche très jeune,
dans le théâtre, une solution imaginaire aux
contradictions du monde et du moi.
1822 marque son véritable début dans la vie comme
dans la carrière des lettres, avec la publication le 8 juin
de son premier recueil poétique.
C’est en 1827, avec le drame Cromwell, qui s’ouvre sur une préface, que l’auteur se pose en
théoricien et en chef du romantisme ( il oppose à la tragédie dont il critique l’artifice et les limites, le
drame moderne qui doit mêler, comme le fait la nature même, le sublime et le grotesque, deux
éléments de la réalité).
La publication des Orientales en 1829 qui exploitent avec éclat et virtuosité le goût et la sympathie
des contemporains pour l’Orient, celle du Dernier jour d’un condamné, appel humanitaire pour la
suppression de la peine de mort, affermissent la jeune gloire que les Odes et Ballades et la Préface
de Cromwell avaient déjà fondée.
Toutefois à cette époque il ne s’est toujours pas imposé au théâtre, bien que la rénovation de la
scène apparaisse comme la première tache de la génération nouvelle : Cromwell est injouable et
Marion Delorme est censuré.
Avec Hernani qui triomphe à la Comédie Française en 1830, Victor Hugo s’impose définitivement et
la victoire de la jeune garde romantique sur la vieille garde classique devient un fait acquis.
De 1830 à 1843, Hugo connaît une période féconde ; il aborde tous les genres. Au théâtre, il cherche
le succès populaire avec un drame en vers : Le roi s’amuse en 1832, puis trois drames en prose :
Lucrèce Borgia, Marie Tudor en 1833 et Angelo, tyran de Padoue en 1835, mais il revient à une
inspiration plus élevé dans Ruy Blas (1838), son chef d’œuvre dramatique avec Hernani.
Cette dure et féconde période qui a permis à Hugo de conquérir le premier rang s’achève sur un
échec littéraire. Au retour d’un voyage avec Juliette Drouet dans la vallée du Rhin, lui vient l’idée des
Burgraves. Cette pièce est un véritable échec. Découragé Hugo renonce pour un temps au théâtre.
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Après le décès de sa fille il se tourne vers la politique. Soutenant dans un premier temps la
candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, il rompt avec le parti de
l’ordre et prononce un violent réquisitoire contre les desseins dictatoriaux de « Napoléon Petit ». Il
sera alors expulsé du territoire français en décembre 1851 jusqu’en septembre 1870.
Ces vingt années d’exil et de labeur solitaire seront la période la plus féconde et la plus haute de son
génie. Devenu ardemment républicain, il ne cesse de dénoncer le nouveau régime : il refuse
l’amnistie que lui accorde Napoléon III en 1859. Le proscrit de Guernesey jouit alors d’un prestige
mondial.
Victor Hugo marque son retour au théâtre avec l’écriture à partir de 1866, de plusieurs pièces, dont la
série du Théâtre en liberté.
Mille francs de récompense, rédigé en 1866, quatre ans après Les Misérables, reprend le thème de la
fatalité sociale développé dans ce roman. La dramaturgie carnavalesque est ici mise au service d’une
dénonciation virulente des préjugés bourgeois et des carences de la justice humaine. Avec cette
pièce en prose, le théoricien du drame romantique se démarque astucieusement des contraintes du
mélodrame pour nous donner un modèle de théâtre engagé, à la fois drôle et sérieux.
Revenu à Paris le 5 septembre 1870, élu à l’Assemblée nationale qui siège à Bordeaux, Hugo donne
en pleine séance sa démission de député. Battu aux élections suivantes, il sera élu sénateur de Paris
en 1876. Il interviendra vigoureusement pour l’amnistie en faveur des Communards. Mais il est déçu
par l’orientation du nouveau régime ; en août 1872, il regagnera même sa maison d’exil, pour y
séjourner près d’un an.
Il se mêlera de moins en moins à la vie politique. Il continue à écrire, mais le rythme n’est plus celui
des années précédentes : et la plupart des œuvres publiées de 1870 à 1885 sont des œuvres déjà
commencées dans l’exil. Durant cette époque Hugo récolte la moisson semée durant les années
d’exil. Sa gloire ne cesse de grandir en dépit des deuils et des malheurs domestiques qui
l’assombrissent.
Victor Hugo atteint de congestion pulmonaire meurt le 22 mai 1885. Le 1er juin le gouvernement
décide les funérailles nationales ; son cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe et transporté au
Panthéon.
Hugo a été le plus populaire des écrivains de son époque. Il le doit en partie à ce destin d’exilé
auquel il a su donner une couleur légendaire, à une position politique qui lui a valu d’être, au moment
où naissait la troisième République, le symbole du régime nouveau : mais aussi à sa sensibilité
même, à son entente des sentiments fondamentaux, qu’ils soient ceux de l’existence privée ou de la
vie civique, à son éloquence à la fois éclatante et simple.
Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, © édition Bordas
Le drame romantique
Bien qu’il lui succède, le drame romantique n’est pas l’héritier du drame bourgeois. La Révolution,
l’Empire, la Restauration ont bouleversé l’histoire et les mentalités. A époque nouvelle, théâtre
nouveau.
Cette aspiration à la nouveauté s’alimente d’influences étrangères. On découvre avec passion les
œuvres de Byron, de Walter Scott et surtout de Shakespeare ainsi que celles du « Sturm und
Drang ». Le répertoire de la tragédie classique apparaît en comparaison plus fade et plus démodé
que jamais.
Le drame romantique se fonde sur une exigence première : la liberté de l’art qui ne connaît « d’autres
lois que les lois de la nature » (Préface de Cromwell, 1827). C’est un refus général des interdits.
Les unités classiques sont vivement remises en cause. Le dramaturge devient maître du temps en
fonction de son sujet. L’unité de lieu est jugée factice et créatrice d’impersonnalité. Seule l’unité
d’action trouve grâce aux yeux de Victor Hugo, mais Musset n’hésite pas à la briser dans
Lorenzaccio. Même la majesté de l’alexandrin est attaquée. Contre l’avis de Victor Hugo qui conserve
le mètre pour mieux le « libérer », Stendhal juge la prose plus précise , plus conforme en tout cas à la
manière de parler des Français.
La liberté romantique est la condition nécessaire de la totalité.
Ce désir de représenter la totalité des êtres et des choses ne postule donc aucun réalisme à la
manière de Diderot, ou plus tard, de Zola. L’art transfigure la réalité. « Miroir de concentration »
(Hugo), le drame romantique trie ses matériaux, métamorphose le monde, non pour l’embellir, mais
pour le placer dans une lumière, qui condensée, fera mieux ressortir ses couleurs.
L’histoire fournit ainsi la plupart des sujets parce qu’elle incarne une destinée collective. Un triple
traitement lui confère valeur d’universalité :
- la « couleur locale » qui inscrit le drame dans une temporalité donnée ;
- un jeu d’échos, de correspondances ou de projections, qui assure un lien entre le passé et
l’actualité (derrière Cromwell et l’exécution de Charles Ier d’Angleterre se dressent l’ombre de
Napoléon et l’exécution du duc d’Enghien) ;
- l’évocation historique qui se prête à une représentation du devenir humain : « Quel que soit le
drame, écrit Hugo dans la préface des Burgraves, qu’il entretienne une légende, une histoire
ou un poème, c’est bien, mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. »
Insistant sur la complexité et les contradictions de l’être, le romantisme prône enfin le mélange des
genres et des tons. C’est la théorie hugolienne du sublime et du grotesque (souvent confondu avec le
laid). A l’âme appartient le sublime « dégagé de tout alliage impur » avec « en apanage tous les
charmes, toutes les grâces, toutes les beautés » ; au laid, les « ridicules » et les « infirmités »
présents, par exemple, dans le personnage du bouffon. Toujours il s’agit de rendre compte de la
double dimension, spirituelle et charnelle, de l’homme.
Par-delà le drame bourgeois, le théâtre romantique renoue toutefois avec un certain classicisme en
réintroduisant la notion de héros. Une passion fougueuse, empreinte d’absolu, caractérise celui-ci.
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Tous pourraient reprendre ce cri de Lucrèce dans l’André del Sarto de Musset : « Je ne sais ni
tromper, ni aimer à demi » ; ils meurent ou tuent par amour. La fatalité s’acharne sur eux. Chatterton
porte « au front » la marque de l’inspiration ; Lorenzaccio ressent l’irrésistible besoin d’imprimer au
monde sa « volonté » ; sur les quatre générations des Burgraves plane un fratricide ancien ; et
Hernani se voit comme une « âme de malheur faite avec des ténèbres ». Criminel (Lucrèce Borgia),
victime (Chatterton) ou proscrit (Hernani), le héros romantique atteint à la grandeur, dans le bien
comme dans le mal :
Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau,
Quelque chose de grand de sublime et de beau,
(Hernani, IV, 2.)
dit don Carlos à l’ombre de Charlemagne. C’est qu’à l’inverse de ce qui se passait dans la tragédie
classique, la noblesse d’âme n’a aucun rapport avec la noblesse du sang. Le héros, même rejeté au
ban de la société, conserve et construit sa supériorité : « J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avez
l’âme », lance avec mépris Ruy Blas à don Salluste.
Alain Couprie, Le théâtre, 2ème édition, Armand Colin, 2009.
La Préface de Cromwell
Voici quelques extraits de la Préface de Cromwell, qui contribua à placer Victor Hugo à la tête de la
nouvelle école poétique,
choisis par Léo Cohen-Paperman, assistant à la mise en scène
"[…] Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c'est le drame ;
et le drame qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la
tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la poésie, de la littérature actuelle.
[...] Ainsi, pour résumer rapidement les faits que nous avons observés jusqu'ici, la poésie a trois âges,
dont chacun correspond à une époque de la société : l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs
sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. L'ode chante
l'éternité, l'épopée solennise l'histoire, le drame peint la vie. Le caractère de la première poésie est la
naïveté, le caractère de la seconde est la simplicité, le caractère de la troisième, la vérité.
[...] Du jour où le christianisme a dit à l'homme : « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un
périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et
les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours
courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie » ; de ce jour le drame
a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les
instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent
l'homme depuis le berceau, jusqu'à la tombe ?
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La poésie du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère de notre temps
est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque,
qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création.
[...] On voit bien combien l'arbitraire distinction des genres croule vite devant la raison et le goût. On
ne ruinerait pas moins aisément la règle des deux unités.
Nous disons deux et non trois unités, l'unité d'action ou ensemble, la seule vraie et fondée, étant
depuis longtemps hors de cause.
[...] L'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.
[...] Ce qu'il y a d'étrange, c'est que les routiniers du théâtre qui prétendent appuyer leur règle des
deux unités sur la vraisemblance, tandis que c'est précisément le réel qui la tue. Quoi de plus
invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu
banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les
conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun
à leur tour ? (...) Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local pour se
passer dans l'antichambre, c'est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en
quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes,
nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions.
L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieux. L'action encadrée de force dans les vingt-
quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.
Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. [...] On rirait d'un cordonnier qui voudrait
mettre le même soulier à tous les pieds ! [...] Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu [...], y faire
pédantesquement entre, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la
providence déroule à si grandes masses dans la réalité ! C'est mutiler hommes et choses, c'est faire
grimacer l'histoire.
[...] La nature donc ! La nature et la vérité. Et ici, afin de montrer que, loin de démolir l'art, les idées
nouvelles ne veulent que le reconstruire plus solide et mieux fondé, qui, à notre avis, sépare la réalité
selon l'art de la réalité selon la nature. Il y a étourderie à les confondre, comme le font quelques
partisans peu avancés du romantisme. La vérité de l'art ne saurait jamais être, ainsi que l'ont dit
plusieurs, la réalité absolue.
D'autres, ce nous semble, l'ont déjà dit : le drame est un miroir où se réfléchit la nature. Mais si ce
miroir est un miroir ordinaire, une surface plane et unie, il ne renverra des objets qu'une image terne
et sans relief, fidèle mais décolorée ; on sait ce que la couleur et la lumière perdent à la réflexion
simple. Il faut donc que le drame soit un miroir de concentration qui, loin de les affaiblir, ramasse et
condense les rayons colorants, qui fasse d'une lueur une lumière, d'une lumière une flamme. Alors
seulement le drame est avoué de l'art.
Le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans
l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art.
[...] Le vers au théâtre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie. Il n'est là
qu'une forme, et une forme qui doit tout admettre, qui n'a rien à imposer au drame, et au contraire
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doit tout recevoir de lui pour tout transmettre au spectateur. [...] Malheur au poète si son vers fait la
petite bouche ! Mais cette forme est une forme de bronze qui encadre la pensée dans son mètre,
sous laquelle le drame est indestructible, qui le grave plus avant dans l'esprit de l'acteur, avertit celui-
ci de ce qu'il omet et de ce qu'il ajoute, l'empêche d'altérer son rôle, de se substituer à l'auteur, rend
chaque mot sacré, et ce que ce qu'a dit le poète se retrouve longtemps après encore debout dans la
mémoire de l'auditoire. L'idée trempée dans le vers, prend souvent quelque chose de plus incisif et
de plus éclatant. C'est le fer qui devient acier.
On sent que la prose, nécessairement bien plus timide, obligée de sevrer le drame de toute poésie
lyrique ou épique, réduite au dialogue et au positif, est loin d'avoir ses ressources. Elle a les ailes bien
moins larges. [...] La médiocrité y est à l'aise.
[...] Disons-le donc hardiment. Le temps en est venu, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté
comme la lumière pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus nativement libre au monde, les
choses de la pensée.
[...] « Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas », disait Napoléon, quand il fut convaincu d'être
homme ; et cet éclair d'une âme de feu qui s'entrouvre illumine à la foi l'art et l'histoire, ce cri
d'angoisse est le résumé du drame et de la vie. »
L’origine d’Hernani
Victor Hugo s’inspire de sources diverses pour cristalliser dans la légende de chevalerie hispanique,
comme dans Le Cid de Corneille, auquel il se référait volontiers, l’ambition romantique de sa
génération. Il tire son sujet ainsi, selon ses dires, d’un passage d’une vieille chronique espagnole :
« Don Carlos, tant qu’il ne fut qu’archiduc d’Autriche et roi d’Espagne, fut un prince amoureux de son
plaisir, grand coureur d’aventures, sérénades et estocades sous les balcons de Saragosse, ravissant
volontiers les belles aux galants, voluptueux et cruel au besoin. Mais du jour où il fut empereur, une
révolution se fit en lui. » Il tira ensuite sans doute l’ambiance hispanique de ses souvenirs de ce pays,
où il habita quelque temps à la suite de son père durant les campagnes napoléoniennes, et de textes
récents sur l’histoire locale, toujours selon ses dires. On peut aussi noter des analogies avec des
pièces qui lui ont peut-être inspiré certains passages : Le Tisserand de Ségovie d’Alarcon ou La
Dévotion à la croix de Calderon (histoires d’amour, d’honneur et de sang) mais aussi des sources
moins latines, tels que Evadne or The Statue de Richard Lalor Sheil (la scène des portraits), Egmont
de Goethe, Les Brigands de Schiller… Cette pièce tire son nom d'une ville espagnole qui a pour nom
Ernani où l'on a rajouté le H de Hugo pour en faire HERNANI.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernani_%28Hugo%29
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Extraits de la pièce
I
LE ROI
Sarragosse
ACTE I
SCENE DEUXIEME
DONA SOL, riant.
C'est là ce qui vous désespère !
Un baiser d'oncle ! Au front ! Presque un baiser de père !
HERNANI
Non. Un baiser d'amant, de mari, de jaloux.
Ah ! vous serez à lui, madame, y pensez-vous !
O l'insensé vieillard, qui, la tête inclinée,
Pour achever sa route et finir sa journée,
A besoin d' une femme, et va, spectre glacé,
Prendre une jeune fille ! O vieillard insensé !
Pendant que d'une main il s'attache à la vôtre,
Ne voit-il pas la mort qui l' épouse de l'autre ?
Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur ?
Vieillard, va-t'en donner mesure au fossoyeur ?
- Qui fait ce mariage ? on vous force, j'espère !
DONA SOL
Le roi, dit-on, le veut.
HERNANI
Le roi ! Le roi ! Mon père
Est mort sur l'échafaud, condamné par le sien.
Or, quoiqu' on ait vieilli depuis ce fait ancien,
Pour l' ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve,
Pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !
Lui, mort, ne compte plus. Et tout enfant, je fis
le serment de venger mon père sur son fils.
[…]
DONA SOL
Vous m'effrayez !
HERNANI
Chargé d'un mandat d'anathème,
Il faut que j'en arrive à m'effrayer moi-même !
Ecoutez : l’homme auquel, jeune, on vous destina,
Ruy de Silva, votre oncle, est duc de Pastrana,
19
Riche homme d'Aragon, comte et grand de Castille.
A défaut de jeunesse, il peut, ô jeune fille,
Vous apporter tant d'or, de bijoux, de joyaux,
Que votre front reluise entre des fronts royaux,
[…]
Voilà donc ce qu' il est. Moi, je suis pauvre, et n'eus
Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.
[…]
En attendant, je n'ai reçu du ciel jaloux
Que l'air, le jour et l'eau, la dot qu'il donne à tous.
Or du duc ou de moi souffrez qu'on vous délivre.
Il faut choisir des deux, l'épouser, ou me suivre.
DONA SOL
Je vous suivrai.
HERNANI
Parmi mes rudes compagnons,
Proscrits dont le bourreau sait d'avance les noms,
Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s' émousse,
Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?
Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?
Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !
[…]
DONA SOL
Je vous suivrai.
[…]
DONA SOL
A minuit. Demain. Amenez votre escorte.
Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.
Vous frapperez trois coups.
[…]
DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l’armoire.
Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?
Croyez-vous donc qu'on soit si bien dans une armoire ?
Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos
des yeux effarés.
HERNANI, la main sur la garde de son épée.
Quel est cet homme ?
DONA SOL
O ciel ! au secours !
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HERNANI
Taisez-vous,
Doña Sol ! vous donnez l'éveil aux yeux jaloux.
Quand je suis près de vous, veuillez, quoi qu'il advienne,
Ne réclamer jamais d' autre aide que la mienne.
A don Carlos.
Que faisiez-vous là ?
DON CARLOS
Moi ? – Mais, à ce qu'il paraît,
Je ne chevauchais pas à travers la forêt.
HERNANI
Qui raille après l'affront s'expose à faire rire
Aussi son héritier !
DON CARLOS
Chacun son tour. – Messire,
Parlons franc. Vous aimez madame et ses yeux noirs,
Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs,
C'est fort bien. J'aime aussi madame, et veux connaître
Qui j'ai vu tant de fois entrer par la fenêtre,
Tandis que je restais à la porte.
HERNANI
En honneur,
Je vous ferai sortir par où j' entre, seigneur.
DON CARLOS
Nous verrons. J'offre donc mon amour à madame.
Partageons. Voulez-vous ? J'ai vu dans sa belle âme
Tant d'amour, de bonté, de tendres sentiments,
Que madame, à coup sûr, en a pour deux amants.
- Or, ce soir, voulant mettre à fin mon entreprise,
Pris, je pense, pour vous, j' entre ici par surprise,
Je me cache, j' écoute, à ne vous celer rien ;
Mais j' entendais très mal et j' étouffais très bien ;
Et puis je chiffonnais ma veste à la française.
Ma foi, je sors !
HERNANI
Ma dague aussi n'est pas à l'aise
Et veut sortir !
[…]
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Charles Quint
1519 : une année charnière au plan politique
La didascalie initiale qui présente les personnages d’Hernani se termine par ‘indication d’un lieu et
d’une date : « Espagne – 1519 » ; elle inscrit donc d’emblée le drame dans l’histoire. 1519 représente
en effet une année de transition politique aux enjeux énormes, et c’est ce que Victor Hugo choisit de
représenter, notamment dans l’acte IV. L’empereur Maximilien meurt le 12 janvier. Le roi don Carlos,
le roi François Ier de France (alors âgé de vingt-cinq ans), le roi d’Angleterre Henri VIII, le duc de Saxe
Frédéric III le Sage se disputent sa succession pour un Saint-Empire constitué en réalité d’un
assemblage de plusieurs centaines de villes et d’Etats –l4espagen, le royaume de Naples et de Sicile,
la Sardaigne, les Pays-Bas, l’Artois, la Flandre, la France-Conté et les possessions espagnoles
d’Amérique – qui entretiennent des rapports complexes avec les Saint-Siège, donc avec le pape
Léon X.
L’élection de l’empereur du Saint Empire [romain] germanique
L’empereur n’est pas l’héritier héréditaire du pouvoir mais il est élu par un collège, c’est-à-dire
l’assemblée des sept grands électeurs germaniques, les archevêques de Cologne, Mayence et
Trèves, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg (futur duc de Prusse) et le
comte palatin du Rhin ; les électeurs désigneront finalement le 28 juin 1519, entre les deux candidats
restés en lice – le roi d’Espagne et François Ier -, Charles Ier d’Espagne qui est proclamé à dix-neuf
ans, sous le nom de Charles V ou Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, un
immense territoire, sur lequel « jamais le soleil ne s’y couche ».
Cette élection se déroule à Francfort et non à Aix-la-Chapelle comme dans la pièce. En choisissant
un lieu éminemment symbolique comme décor de l’ensemble du quatrième acte, au sein même du
tombeau de Charlemagne, Hugo charge cet événement qu’il a voulu dramatiser d’une importante
dimension politique et épique. Don Carlos est le protagoniste de l’acte qui le montre devenant
Charles Quint. Le spectateur apprend qu’il connaît l’existence d’une conspiration contre lui et qu’il
est près à la châtier sévèrement, il assiste à son attente impatiente des résultats de l’élection, à un
long monologue […] à la fois politique et métaphysique sur le pouvoir, à la proclamation de sa
nomination à la tête du Saint-Empire, à l’arrestation des conjurés et, dans cet acte des
métamorphoses, inspiré par la figure sublime de Charlemagne, à sa clémence inattendue et
grandiose à l’égard des grands d’Espagne révoltés […]. Cet acte généreux prend toute son ampleur
quand il s’adresse à son ennemi intime, Hernani, qui se révèle être le noble Juan d’Aragon et renonce
à sa vengeance devant tant de magnanimité.
L’avènement de Charles Quint, favorisé par la puissance financière des banquiers allemands Fugger,
alliés du Habsbourg, qui remettent aux électeurs des lettres de change payables seulement si
Charles est élu, marque le début d’une longue rivalité entre le royaume de France et l’empire des
Habsbourg. C’est donc le destin politique de quasiment toute l’Europe qui est mis en scène dans
Hernani avec, en même temps la naissance d’un véritable homme d’Etat, des aperçus sur les
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coulisses du pouvoir, la façon dont se trahissent les convoitises comme les ambitions individuelles et
les interactions des puissances politiques, financières et morales.
Ghislaine Zaneboni, in Victor Hugo, Hernani, Hatier Poche, Classiques & Cie, p. 225, L’œuvre dans l’histoire.
HISTOIRE DES ARTS
���� Le Cénacle romantique
En 1820, apparaît le groupe que l'on va qualifier par la suite de romantique : le Cénacle.
Composé de jeunes écrivains français, il se réunit entre 1820 et 1823 d'abord à la bibliothèque de
l'Arsenal (dont Charles Nodier était le conservateur) avec Vigny et Dumas puis chez Hugo.
Le Cénacle accueille aussi de jeunes peintres, musiciens, sculpteurs (Berlioz, Liszt, Chopin,
Deschamps, Delacroix) et de jeunes auteurs romantiques (Charles Nodier, Saint-Beuve, Musset,
Nerval, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Vigny). Tous se passionnent pour les Méditations
Poétiques de Lamartine.
Alphonse de Lamartine, L’isolement, 1820
Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
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Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;
Je ne demande rien à l'immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi !
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
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Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
Alphonse de Lamartine, in Méditations poétiques, 1820
Le Cénacle « passe à l'action » en 1830, le 25 Février, lors de la première d'Hernani.
���� Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903
La première d’Hernani donne lieu à la célèbre querelle entre classiques et romantiques, qui eut
lieu au Théâtre-Français à l'occasion de la première du drame éponyme de Victor Hugo.
Le drame de Victor Hugo, Hernani, est créé à la Comédie-Française le 25 février 1830. Pressentant
un climat hostile, les amis de Hugo décident d'aller soutenir la pièce le premier soir pour s'opposer
aux tenants d'un théâtre traditionnel. À la tête de ce mouvement se trouve Théophile Gautier, en gilet
rouge – c'est lui qui témoignera de cette soirée tumultueuse dans son Histoire du romantisme. Il est
accompagné de Balzac, Nerval, Berlioz… Leur groupe a fort à faire dès le début de la représentation.
L'œuvre surprend par l'audace des situations, l'exaltation d'un amour impossible, la dénonciation
d'un pouvoir sclérosé et par ses vers acrobatiques. Les acteurs jouent devant une salle houleuse où
la violence d'un clan domine l'exubérance du clan adverse ; mais les partisans du romantisme
finissent par l'emporter, à partir du quatrième acte, situé dans le tombeau de Charlemagne à Aix-la-
Chapelle. C'est un triomphe, mais le vacarme se poursuivra pendant les représentations suivantes.
Ce soir-là, le théâtre romantique remporte une victoire historique mais brève sur le théâtre d'esprit
classique. À partir de 1850, les œuvres de Hugo, Dumas, Nerval, Lamartine, Vigny… s'effaceront peu
à peu devant le succès du théâtre bourgeois, tandis que Musset préfère écrire un théâtre édité et non
joué.
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Hernani/103660
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Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903, Maison de Victor Hugo, Paris
Contexte historique
Après Martignac, plus libéral que Villèle, Charles X charge en août 1829 le prince de Polignac de
former un nouveau ministère sans tenir compte de la volonté des Chambres. Les principaux ministres
incarnent la fidélité à l’Ancien Régime et sont l’objet d’une réelle impopularité. Soumise à l’examen
de la censure, la pièce de Victor Hugo est cependant autorisée alors que sa précédente création,
Marion Delorme, avait été interdite par Charles X pour « atteinte à la majesté royale ». Le 29
septembre 1829, Hugo invite ses amis chez lui pour donner lecture d’Hernani, ou l’Honneur castillan,
l'histoire d'amour malheureuse d'un proscrit, Hernani, pour une jeune infante, doña Sol. On
s'enthousiasme pour cette pièce qui rompt avec les canons du théâtre classique, notamment avec
les trois unités de temps, de lieu et d'action énoncées par Boileau sous le règne de Louis XIV. Le soir
du 25 février 1830, le Tout-Paris emplit la salle du Théâtre-Français, pour assister à la « première » du
drame de Victor Hugo, Hernani. Jour de bataille : l'affrontement — romantiques contre classiques —
est annoncé depuis plusieurs semaines ; l'enjeu est de taille. Hugo a mobilisé une claque inhabituelle,
recrutée parmi ses amis.
Analyse de l'image
Fils d’un élève d’Ingres et d’une miniaturiste, le peintre et graveur Albert Besnard se situe à mi-
chemin entre l’académisme et la mouvance impressionniste. Auteur de grandes compositions
(plafond du Théâtre-Français) et de portraits, il peint cette toile pour honorer une commande de Paul
Meurice, fondateur de la Maison de Victor Hugo.
Le tableau représente la salle Richelieu avant le lever du rideau. D’emblée on remarque l’agitation
régnant dans un endroit où le calme et les mœurs policées dominent en temps normal ; « une rumeur
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d’orage grondait dans la salle », dira Théophile Gautier. Au premier plan, portant les cheveux longs et
des vêtements excentriques en signe d’appartenance à la mouvance romantique, les partisans
d’Hugo ne peuvent tenir en place. Plusieurs d’entre eux, la bouche ouverte, lancent insultes et
quolibets à leurs adversaires. Sur la gauche du tableau, on reconnaît Théophile Gautier, bravant
l’adversaire avec son torse bombé et son gilet rouge. L’un de ses alliés, monté sur la scène, semble
vouloir singer les gestes et la pose d’un spectateur de l’autre camp. Entre ces deux personnages,
tous les occupants des premiers rangs se regroupent en une cohorte informe, parcourue par
l’effervescence de la joute oratoire qu’elle mène avec les autres spectateurs du balcon. Parmi les
défenseurs de la pièce venus pour l’occasion, citons Louis Boulanger, Gérard de Nerval, Alfred de
Musset, Petrus Borel, Célestin Nanteuil, Auguste de Châtillon. La plupart étaient déjà là à l’ouverture
des portes du théâtre en début d’après-midi et se sont livrés pour passer le temps à un chahut où les
chansons l’ont disputé aux cris d’animaux. Entre les « pro » et les « anti » Hernani, la salle compte
d’autres éminents spectateurs venus par simple curiosité. Parmi eux citons en particulier
Chateaubriand.
Dès les premiers vers, la querelle est engagée. « Il suffisait, écrit Théophile Gautier, de jeter les yeux
sur ce public pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas là d'une représentation ordinaire ; que deux
systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, — ce n'est pas trop dire — étaient en
présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que
la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre. L'attitude générale était hostile, les coudes se faisaient
anguleux, la querelle n'attendait pour jaillir que le moindre contact, et il n'était pas difficile de voir que
ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et
ne lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière. » (Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain,
Paris, Librairie José Corti, 1985, p. 393.)
Ponctuée de cris d'indignation, d’ovations et d'échanges variés, la représentation s’achève,
applaudie à tout rompre par la jeune garde romantique. La partie n'est pas jouée pour autant : on
n'en est qu'à la première. La presse du lendemain n'est pas tendre, ni pour Hugo ni pour ses jeunes
acolytes, traités d'obscènes et de républicains.
Interprétation
Après avoir remporté la bataille poétique avec Lamartine, Hugo, Vigny, Nerval, les romantiques
voulaient passer à l'action directe, dont le terrain désigné est le théâtre : là où se font et défont les
réputations, là où l'écrivain est en prise directe avec le public, là où les passions s'exacerbent.
Revendiquer la liberté dans l'art, c'est revendiquer du même pas la liberté de la presse, la liberté
d'expression, les libertés politiques. « C'est le principe de liberté, écrit Hugo, qui […] vient renouveler
l'art comme il a renouvelé la société. » (Lettre d'Hugo de 1830 citée par Paul Bénichou, Le Sacre de
l’écrivain, Paris Librairie José Corti, 1985, p. 393.). Avec le recul, Hernani paraît frapper les trois
coups des « Trois Glorieuses ».
Auteur : Michel WINOCK
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=446
L’EQUIPE ARTISTIQUE
CHRISTINE BERG
Formation d’actrice au Cours René Simon Paris, Etudes de Lettres Modernes
Comédienne de 1980 à 1999 dans plusieurs spectacles mis en scène par Françoise Roche, José
Renault, Jean Deloche, Michèle Berg, Michel Boy.
Metteur en scène
2011 LE MOCHE
de Marius von Mayenburg
2010 LETTRES A LOUISE
de Gustave Flaubert
2009 L’ILE DES ESCLAVES
de Marivaux
LE ROI NU
de Evguéni Schwartz
2008 DES COUTEAUX DANS LES POULES
de David Harrower
LES BONNETIERES
de Bernard Weber, d’après les témoignages d’ouvrières de la bonneterie
2007 SHITZ
de Hanokh Levin
2006 COURTELINE OPERETTE
d’après Georges Courteline
2005 PYGMALION
de Georges Bernard Shaw
SERMONS JOYEUX
de Jean-Pierre Siméon
2004 NOCE
de Jean-Luc LAGARCE
2003 L’INTERVENTION
de Victor HUGO
NOUS LES HEROS
de Jean-Luc LAGARCE (sortie Classes de la Comédie de Reims)
2002 TABLEAU D’UNE EXECUTION
de Howard BARKER
2001 L’ATELIER VOLANT
de Valère NOVARINA
CABARET POUR INVENTER LA LANGUE
d’après Valère Novarina, Jean-Pierre Verheggen
2000 L’OMBRE DE LA VALLEE
de John Millington SYNGE
1999 QUAND JE PARLE, MA VOIX N’EST PAS DETRUITE
de Bernard WEBER, d’après les paroles de femmes algériennes de Reims
1997 LE CHIEN DU JARDINIER
de Lope de Vega (avec les Classes de la Comédie de Reims)
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Formatrice
Responsable des Ateliers Théâtre du Crous / Université de Reims, destinés aux étudiants, de 1992 à
2008.
Enseignante dans les Classes de la Comédie de Reims (école de formation d’acteurs
professionnels) ; dans les classes option théâtre (Lycée Chagall Reims, Lycée Saint-Exupéry Saint-
Dizier) ; au Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims.
Enseignante dans les Unités d’Enseignement Transversales de l’Université de Reims.
ici et maintenant théâtre historique : http://icietmaintenanttheatre.fr/historique.php
LOÏC BRABANT - La duègne, Ricardo
Après les cours Simon, il intègre la classe libre de l’Ecole de l’Acteur Florent puis entre à l’Ecole du
Théâtre National de Chaillot.
Il est pensionnaire à la Comédie-Française pendant quatre ans.
Il a joué notamment sous la direction d’Antoine Vitez dans Le Mariage de Figaro (Beaumarchais) et La
Vie de Galilée (Brecht), de Lluis Pasqual dans Comme il vous plaira (Shakespeare), de Georges
Lavaudant dans Lorenzaccio (Musset), de Dario Fo dans Le Médecin Malgré Lui et Le Médecin
Volant (Molière), de Yannis Kokos dans Iphigénie (Racine).
Acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN, il joue sous la direction de Christian Schiaretti dans
L’Homme, La Bête et la Vertu (Pirandello), Les Mystères de l’Amour (Vitrac), La Poule d’eau
(Witkiewicz), Ahmed Philosophe et les Citrouilles (Badiou), La Place Royale (Corneille), Mère Courage
et ses enfants et L’Opéra de Quat’sous (Brecht), La lune des pauvres (Siméon).
Installé à Reims depuis quelques années il collabore avec plusieurs compagnie qui sont implantées
en Champagne-Ardenne : SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans John a
disparu (Horowitz), Rêve d’automne (Fosse), L’anniversaire (Pinter) et Les Trois sœurs (Tchekhov) ;
Théâtre Théâtre sous la direction de Serge Added dans L’Armoire (Added), Jouer Bartleby (Melville)
et Faisons un rêve (Guitry) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans
Pygmalion (Shaw), L’Ile des esclaves (Marivaux).
VANESSA FONTE - doña Sol
Après l’école Claude Mathieu à Paris, elle intègre le Conservatoire National Supérieur d’Art
Dramatique de Paris de 2007 à 2010.
Depuis elle a joué notamment sous la direction de Georges Weler dans Le Malade imaginaire
(Molière) et Le Roi se meurt (Ionesco) et de Gérard Desarthe dans Les Estivants (Gorki).
JEAN-MICHEL GUERIN – don Ruy Gomes
Sous la direction de Christian Schiaretti, il est acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN et joue
dans la plupart de ses mises en scène, notamment : L’Homme, la Bête, la Vertu (Pirandello), La
Noce chez les petits bourgeois (Brecht), Le grand théâtre du monde (Caldéron), Les Coréens
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(Vinaver), Ahmed le subtil, Ahmed philosophe, Ahmed se fâche (Badiou), D’entre les morts, Le petit
ordinaire et La lune des pauvres (Siméon), L’amour des mots (Calaferte).
Il est également metteur en scène. Il a fondé et co-dirigé la compagnie C’est la nuit. Il a mis en scène
Théophile en prison d’après Théophile Viau, Lecture sous l’arbre, Mythologies d’après Pierre Michon,
Le Nom sur le bout de la langue (Quignard).
Au cinéma et à la télévision, il joue notamment dans Ma femme est une actrice de Yvan Attal, Les
Duellistes de Denis Granier-Deferre, Camping sauvage de Bonilauri et Ali.
Il collabore avec plusieurs compagnies de Champagne-Ardenne : Alliage Théâtre sous la direction de
José Renault dans L’Amour des mots (Calaferte) et Arlequin serviteur de deux maîtres (Goldoni) ;
SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans L’Anniversaire (Pinter) et Les Trois
sœurs (Tchekhov) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans Tableau d’une
exécution (Barker) et Le Roi nu (Schwartz).
ANTOINE PHILIPPOT - Hernani
Après des études de Lettres modernes, il intègre l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg –
promotion 2008.
Il a joué au théâtre sous la direction de Olivier Py dans Conte de Grimm (Grimm), de Marion Lécrivain
dans L’Homme qui rit (Hugo), de Jean-Pierre Garnier dans La Coupe et les lèvres (Musset), de Jean-
Michel Ribes dans René l’énervé et Christine Berg dans Le Roi Nu (Schwartz) et Lettres à Louise
(Flaubert).
PIERRE-BENOIST VAROCLIER – don Carlos
Après des études d'économie et de philosophie, il devient doctorant en lettres modernes de l'Ecole
Normale Supérieure. Il intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique puis la
London Academy of Music and Dramatic Art.
Au cinéma, il a joué pour Volker Schlöndorff, Guillaume Canet, Philippe Lioret, Gérard Mordillat et
Philippe Garrel.
Il a joué au théâtre sous la direction de David Géry dans Les Acteurs de bonne foi (Marivaux), de
François Rancillac dans Le Roi s’amuse (Hugo) et Nicolas Liautard dans Le Misanthrope (Molière).
GABRIEL PHILIPPOT – compositeur et pianiste
Après une Licence de Musicologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, il est actuellement
en seconde année de master au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en écriture
musicale. Il a obtenu son prix d’Harmonie au CNSMP en 2011.
Depuis 2007 il est compositeur, arrangeur et musicien pour la compagnie Ici et maintenant théâtre.
PIERRE - ANDRE WEITZ – scénographie et costumes
Après des études instrumentales, Pierre- André Weitz suit des études d’Art Lyrique au Conservatoire
de Strasbourg et obtient un diplôme d’architecte.
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Après avoir été assistant décorateur de Marie-Hélène Butel et de Gilone Brun, il signe ses premiers
décors et costumes avec George Dandin (Molière), puis enchaîne avec La Mouette (Tchekhov). Il
travaille ensuite avec Pierre-Etienne Heymann, François Rancillac et François Berreur.
Depuis 1993, Pierre-André Weitz collabore aux mises en scène d’Olivier Py, dont il crée les décors,
notamment Les aventures de Paco Goliard (Py), Les drôles (Mazev).
Il signe également les costumes de La servante et Nous les héros (Lagarce), Miss Knife et sa
baraque chantante (Rivaud/Py), Le visage d’Orphée, la jeune fille, le diable et le moulin et L’eau de la
vie (d’après Grimm) ou encore Le soulier de satin (Claudel).
Il travaille également avec Jean-Michel Rabeux pour les décors et les costumes de Arlequin poli par
l’amour (Marivaux), L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (Copi), Déshabillages (Rabeux) et
récemment pour Feu l’amour d’après trois pièces de Feydeau.
Pour l’Opéra, Pierre-André Weitz a collaboré aux productions du Freischütz (Weber) à Nancy en
1999, des Contes d’Hoffmann (Offenbach) à Genève en 2001, de La damnation de Faust (Berlioz) à
Genève en 2003, tous mis en scène par Olivier Py puis Othello (Verdi) dans une mise en scène de
Michel Raskine à l’Opéra de Lyon.
En tant que chanteur, Pierre-André Weitz a participé à plusieurs productions de l’Atelier Lyrique du
Rhin, de l’Opéra du Rhin et de l’Opéra de Lyon.
Il enseigne la scénographie à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg.
Bibliographie
- Victor HUGO, Hernani, Gallimard, Folio Théâtre, 1995.
- Paul BENICHOU, Le Sacre de l'écrivain, 1750-1830, Paris, Librairie José Corti, 1985, rééd.
Gallimard, 1996.
- Théophile GAUTIER, Victor Hugo, publication posthume, 1902, rééd. Honoré Champion, 2000.
- Hubert JUIN, Victor Hugo, tome I « 1802-1843 », Paris, Flammarion, 1992.
- Anne MARTIN-FUGIER, Les Romantiques, 1820-1848, Paris, Hachette, 1999.
- Emile VERHAEREN, Hugo et les romantiques, Bruxelles, Complexe, 2002.
Sitographie
Le site de la compagnie - ici et maintenant théâtre - :
- http://icietmaintenanttheatre.fr/
et la page du spectacle :
- http://icietmaintenanttheatre.fr/spectacle1.php?id=19
La page du spectacle sur theatre-contemporain.net :
- http://theatre-contemporain.net/spectacles/Hernani/
LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde 3 chaussée Bocquaine
51100 Reims Tél : 03.26.48.49.00
www.lacomediedereims.fr
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DOSSIER PEDAGOGIQUE
Hernani de Victor Hugo
mise en scène Christine Berg
du vendredi 27 janvier au samedi 4 février 2012
Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected],
Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]
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texte Victor Hugo
mise en scène Christine Berg
scénographie et costumes Pierre-André Weitz
lumières Elie Romero
régie plateau Marine Molard
musique Gabriel Philippot
assistanat à la mise en scène Léo Cohen-Paperman
avec
Loïc Brabant La duègne, Ricardo
Vanessa Fonte doña Sol
Jean-Michel Guérin don Ruy Gomes
Marine Molard don Sanchez
Antoine Philippot Hernani
Pierre-Benoist Varoclier don Carlos
directeur de production Vincent Marcoup
administration Anne Delépine
Coproduction ici et maintenant théâtre / Espace Jean Vilar de Revin
La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la
Culture / Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec
l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne et subventionnée par la Ville
de Châlons-en-Champagne et le Conseil Général de la Marne.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l’ADAMI et
de Copie privée.
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Hernani
dossier pédagogique
sommaire
LE PROJET ARTISTIQUE
Notes d’intention
Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11
Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle
page 4
page 7
page 10
HERNANI de Victor Hugo
Biographie de Victor Hugo
Le drame romantique
L’origine d’Hernani
Extraits de la pièce
Charles Quint
Histoire des arts Le cénacle romantique
Histoire des arts Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903
page 12
page 14
page 17
page 18
page 21
page 22
page 24
L’EQUIPE ARTISTIQUE page 27
Bibliographie, Sitographie page 30
« La voix haute et puissante du peuple, qui ressemble à celle de Dieu, veut
désormais que la poésie ait la même devise que la politique : TOLERANCE ET
LIBERTE ».
Victor Hugo, préface d’Hernani
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LE PROJET ARTISTIQUE
Notes d’intention
Hernani
Rarement une œuvre dramatique aura été aussi occultée par la réaction que suscita sa première
représentation. Aujourd’hui encore, l’intrigue d’Hernani est largement méconnue : rares sont ceux
chez qui ce titre rappelle la légende des deux amants qui meurent volontairement par le poison la
nuit de leurs noces, ou la fable d’un bandit qui retrouve son rang à la cour d’Espagne. Dans la plupart
des esprits, Hernani évoque une formidable bataille littéraire, une date décisive dans la lutte mythique
qui opposa les classiques aux romantiques.
Entre février et novembre 1830, les partisans des classiques et les adeptes des romantiques se sont
retrouvés chaque soir au Théâtre-Français, les uns pour huer la pièce, les autres pour tenter de la
soutenir. Mais au-delà du mythe, qui se rappelle les personnages, qui se souvient vraiment du détail
de l’intrigue ?
D’une manière générale, Hernani semble aujourd’hui encore, payer le tribut de son formidable succès
de 1830 : comme tous les mythes, connu de tous mais fondamentalement ignoré…
La représentation théâtrale permet d’entrevoir le chef d’œuvre derrière le mythe. L’ambivalence de la
pièce, sa polyphonie et la richesse d’interprétation qu’elle autorise, prennent alors toute leur
dimension. Un monarque libertin se cache dans une armoire comme un vulgaire amant de vaudeville,
avant de devenir un empereur juste et clément. Un vieillard ridicule se fait cocufier comme le premier
Arnolphe venu et se transforme, à la fin du drame, en spectre shakespearien. Ici pas vraiment de
masques, mais des visages différents : comme dans la vie, les personnages ne se divisent pas en
grotesques et sublimes mais chacun d’eux est à la fois l’un et l’autre, au gré des péripéties de
l’action.
Certes Hernani est un mythe. C’est aussi une prophétie politique.
Premières réflexions
Comment ne pas être fasciné par la puissance poétique d’une telle œuvre ?
Et pourquoi s’interdire d’y plonger, de tenter le grand voyage dans cette cathédrale ?
La pièce est d’une force de composition exceptionnelle. Elle utilise tous les ressorts du théâtre
romantique et dans sa diversité baroque, elle se permet tout : les coups de théâtre se succèdent, les
personnages se métamorphosent, les images poétiques créent un univers d’une rare puissance.
A chaque nouvelle lecture, l’émotion me submerge. Bien sûr, ces deux jeunes amants qui meurent le
jour de leurs noces, c’est pathétique, grandiose, mais ce n’est pas tout.
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La fable politique, par exemple, est remarquable : Hernani, représentant ce « peuple-océan » qui
entraîne tout sur son passage et bouleverse définitivement le vieil ordre, est mis en action sous nos
yeux, comme le moteur des générations à venir contre qui personne ne pourra rien.
Les métamorphoses des personnages sont d’une théâtralité exceptionnelle et révèlent, dans le tissu
même de la fable, que, qui qu’on soit, l’histoire et ses soubresauts nous font vaciller, nous ouvrent
des horizons que nous devons voir. Don Carlos, le roi libertin, devient un monarque magnanime et
tolérant ; Ruy Gomes, lui, ne devient pas meilleur, au contraire, il est la part sombre de nous-mêmes,
celle irréductible du ressentiment et de la vengeance qui ne nous laisse que l’amertume de notre
condition…
Je crois qu’il faut toucher la dimension poétique, obscure de cette œuvre. Elle réside à beaucoup
d’endroits et en particulier dans les portraits des personnages.
L’un des axes majeurs est dans la force, la lourdeur même, écrasante, des figures paternelles : le
passé ne lâche pas sa proie…La scénographie sera donc un jeu de portraits géants faisant écrin
d’abord à la fameuse scène des portraits où Ruy Gomes cache Hernani à Don Carlos dans sa galerie
de tableaux de famille. Mais au-delà de cette seule scène, la dimension mythique de la parole
donnée au père et par là, serment intouchable, embrase toute l’œuvre. Chaque personnage est hanté
par un père absent et chaque personnage aussi, se convertit, se transforme en un autre, donnant
ainsi à voir une infinité de caractères, de personnes qui se construisent devant nous.
Il y a dans Hernani une thématique très forte de l’ombre et de la lumière, ô combien théâtrale.
Beaucoup de scènes sont nocturnes (le début de 4 actes sur 5), et symboliquement, toute la pièce
est une lutte entre l’obscurité (l’obscurantisme) et le jour, l’avenir…Il n’est pas certain d’ailleurs que la
lumière l’emporte. Mais l’élément feu sera très présent sur scène.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire de transposer l’époque ; elle est marquée clairement (Espagne
1519) mais n’empêche en rien l’envolée de la fable jusqu’à nous par le truchement d’une symbolique
particulièrement riche. Nous travaillerons donc dans une esthétique inspirée du seizième siècle
espagnol ; pas dans la reconstitution historique mais dans un rappel des formes et des matières.
Encore un paradoxe : Hernani est aussi, par certains aspects, une comédie. Il ne faut pas occulter
cette dimension baroque qui se permet, du grotesque au sublime, de nous embarquer avec une
duègne cupide dans une armoire de barbon cocufié…
Tout est possible dans ce théâtre, tout est jeu, et ce monstre de Victor Hugo mène une sarabande
qui nous éblouit, depuis son dix-neuvième siècle, jusque dans nos tripes.
Christine Berg, juin 2010
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Pistes dramaturgiques
Dans cette œuvre complexe, trois grandes pistes se présentent, trois fils qui se tressent et qu’il
faudra explorer.
En premier lieu, celui qui saute aux yeux, c’est le fil sentimental. Cette merveilleuse et tragique
histoire d’amour, c’est le Roméo et Juliette français… Les deux jeunes amants beaux, brillants et
fous d’amour, vont mourir la nuit de leur noces, parce qu’ils ont une destinée fatale. L’amour est
incommensurable et funeste. Lié à la mort… Mais, au bout du compte, lorsqu’on aime follement,
n’est-ce pas ce qu’on peut souhaiter de plus accompli ? Ne pas survivre à celui qui part, mourir avec
lui, tout simplement, puisque le monde n’est pas acceptable sans l’autre. Cette part sentimentale de
la pièce est dominée par la grande figure de Dona Sol (avec celle d’Hernani aussi bien sûr, mais lui, il
est dans toutes…) Le personnage de Dona Sol est magistral parce qu’il est totalement mystérieux ; je
l’appelle « la silencieuse » (de fait, elle parle peu) mais elle rayonne avec une force inouïe. Le soleil.
Tout tourne autour d’elle…
Le deuxième fil qui structure la pièce est psychanalytique : il met en scène l’intangibilité de la parole
donnée. Cet engagement est lié à la figure écrasante du père. Une sorte de surmoi monstrueux et
funeste. On ne peut échapper que par la mort. Cette figure est incarnée par Don Ruy Gomes,
personnage complexe, bouleversant par ailleurs, lié lui aussi par sa propre parole. En creux, on lit
évidemment la révolte de la jeunesse contre le vieil ordre, la tradition. Même si les héros en meurent,
on doit entendre : ne respectez pas une loi inique !
La troisième piste, la plus complexe, est politique (celle de Don Carlos). L’espace du pouvoir est
fermé, sombre, austère, tandis qu’autour existe un espace de liberté, d’affranchissement, qui certes
est celui du proscrit, mais celui d’un possible bonheur. Les personnages qui ont le pouvoir sont
tyranniques mais doués de conversions inattendues. Une notion capitale et complètement nouvelle
se fait jour dans la scène du tombeau : celle du « peuple-océan ». Ce qui dépassera les clivages et
fera accéder la société à un autre monde. Mais personne n’y est prêt.
Du point de vue stylistique, quelques décisions notoires s’imposent. La réduction de la distribution à
6 acteurs nous débarrasse d’un certain poids d’apparat romantique (plus de troupe de conjurés, de
valets et domestiques, de gardes armés…). Ce théâtre historique, ajusté du coup à sa dimension
métaphorique et politique, acquiert une force nouvelle.
Nous respecterons le vers baroque, non pas comme de la prose, mais comme une véritable
explosion du vers classique ; c’est-à-dire qu’il faut faire sonner les vers réguliers (il y en a) par
opposition aux vers morcelés, hachés, synonymes à eux seuls de la révolution qui s’opère, dans les
Lettres et dans la société.
La scénographie s’inspire de ces deux espaces qui caractérisent l’univers hugolien. Une forteresse
imprenable est le lieu du pouvoir et de l’enfermement. Mais elle est aussi un jeu de trappes,
d’escaliers, de portes dérobées, de balcons, de fenêtres par lesquels entre et sort et virevolte un
monde de la nuit, grotesque ou macabre. Et ce petit monde tourne sur lui-même jusqu’à exploser ses
limites lorsque le « peuple-océan » est évoqué, promesse d’un avenir tout différent mais encore
tellement improbable.
Christine Berg, juillet / août 2011
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Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11
Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) et Hernani (Antoine Philippot)
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Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) entre Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier) et Hernani (Antoine Philippot)
Hernani (Antoine Philippot) et Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier)
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HERNANI, de Victor Hugo
Biographie de Victor Hugo
Victor Marie Hugo naît à Besançon le 26 février 1802.
Théoricien du drame, il est le principal auteur de la
révolution romantique au théâtre.
La vocation du jeune Victor Hugo s’affirme vite. En 1816
il note « Je veux être Chateaubriand ou rien ».
Déchiré par l’opposition politique et personnelle de ses
parents, pris dans les remous de l’histoire, qui lui fait
vivre la guerre d’Espagne, Hugo cherche très jeune,
dans le théâtre, une solution imaginaire aux
contradictions du monde et du moi.
1822 marque son véritable début dans la vie comme
dans la carrière des lettres, avec la publication le 8 juin
de son premier recueil poétique.
C’est en 1827, avec le drame Cromwell, qui s’ouvre sur une préface, que l’auteur se pose en
théoricien et en chef du romantisme ( il oppose à la tragédie dont il critique l’artifice et les limites, le
drame moderne qui doit mêler, comme le fait la nature même, le sublime et le grotesque, deux
éléments de la réalité).
La publication des Orientales en 1829 qui exploitent avec éclat et virtuosité le goût et la sympathie
des contemporains pour l’Orient, celle du Dernier jour d’un condamné, appel humanitaire pour la
suppression de la peine de mort, affermissent la jeune gloire que les Odes et Ballades et la Préface
de Cromwell avaient déjà fondée.
Toutefois à cette époque il ne s’est toujours pas imposé au théâtre, bien que la rénovation de la
scène apparaisse comme la première tache de la génération nouvelle : Cromwell est injouable et
Marion Delorme est censuré.
Avec Hernani qui triomphe à la Comédie Française en 1830, Victor Hugo s’impose définitivement et
la victoire de la jeune garde romantique sur la vieille garde classique devient un fait acquis.
De 1830 à 1843, Hugo connaît une période féconde ; il aborde tous les genres. Au théâtre, il cherche
le succès populaire avec un drame en vers : Le roi s’amuse en 1832, puis trois drames en prose :
Lucrèce Borgia, Marie Tudor en 1833 et Angelo, tyran de Padoue en 1835, mais il revient à une
inspiration plus élevé dans Ruy Blas (1838), son chef d’œuvre dramatique avec Hernani.
Cette dure et féconde période qui a permis à Hugo de conquérir le premier rang s’achève sur un
échec littéraire. Au retour d’un voyage avec Juliette Drouet dans la vallée du Rhin, lui vient l’idée des
Burgraves. Cette pièce est un véritable échec. Découragé Hugo renonce pour un temps au théâtre.
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Après le décès de sa fille il se tourne vers la politique. Soutenant dans un premier temps la
candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, il rompt avec le parti de
l’ordre et prononce un violent réquisitoire contre les desseins dictatoriaux de « Napoléon Petit ». Il
sera alors expulsé du territoire français en décembre 1851 jusqu’en septembre 1870.
Ces vingt années d’exil et de labeur solitaire seront la période la plus féconde et la plus haute de son
génie. Devenu ardemment républicain, il ne cesse de dénoncer le nouveau régime : il refuse
l’amnistie que lui accorde Napoléon III en 1859. Le proscrit de Guernesey jouit alors d’un prestige
mondial.
Victor Hugo marque son retour au théâtre avec l’écriture à partir de 1866, de plusieurs pièces, dont la
série du Théâtre en liberté.
Mille francs de récompense, rédigé en 1866, quatre ans après Les Misérables, reprend le thème de la
fatalité sociale développé dans ce roman. La dramaturgie carnavalesque est ici mise au service d’une
dénonciation virulente des préjugés bourgeois et des carences de la justice humaine. Avec cette
pièce en prose, le théoricien du drame romantique se démarque astucieusement des contraintes du
mélodrame pour nous donner un modèle de théâtre engagé, à la fois drôle et sérieux.
Revenu à Paris le 5 septembre 1870, élu à l’Assemblée nationale qui siège à Bordeaux, Hugo donne
en pleine séance sa démission de député. Battu aux élections suivantes, il sera élu sénateur de Paris
en 1876. Il interviendra vigoureusement pour l’amnistie en faveur des Communards. Mais il est déçu
par l’orientation du nouveau régime ; en août 1872, il regagnera même sa maison d’exil, pour y
séjourner près d’un an.
Il se mêlera de moins en moins à la vie politique. Il continue à écrire, mais le rythme n’est plus celui
des années précédentes : et la plupart des œuvres publiées de 1870 à 1885 sont des œuvres déjà
commencées dans l’exil. Durant cette époque Hugo récolte la moisson semée durant les années
d’exil. Sa gloire ne cesse de grandir en dépit des deuils et des malheurs domestiques qui
l’assombrissent.
Victor Hugo atteint de congestion pulmonaire meurt le 22 mai 1885. Le 1er juin le gouvernement
décide les funérailles nationales ; son cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe et transporté au
Panthéon.
Hugo a été le plus populaire des écrivains de son époque. Il le doit en partie à ce destin d’exilé
auquel il a su donner une couleur légendaire, à une position politique qui lui a valu d’être, au moment
où naissait la troisième République, le symbole du régime nouveau : mais aussi à sa sensibilité
même, à son entente des sentiments fondamentaux, qu’ils soient ceux de l’existence privée ou de la
vie civique, à son éloquence à la fois éclatante et simple.
Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, © édition Bordas
Le drame romantique
Bien qu’il lui succède, le drame romantique n’est pas l’héritier du drame bourgeois. La Révolution,
l’Empire, la Restauration ont bouleversé l’histoire et les mentalités. A époque nouvelle, théâtre
nouveau.
Cette aspiration à la nouveauté s’alimente d’influences étrangères. On découvre avec passion les
œuvres de Byron, de Walter Scott et surtout de Shakespeare ainsi que celles du « Sturm und
Drang ». Le répertoire de la tragédie classique apparaît en comparaison plus fade et plus démodé
que jamais.
Le drame romantique se fonde sur une exigence première : la liberté de l’art qui ne connaît « d’autres
lois que les lois de la nature » (Préface de Cromwell, 1827). C’est un refus général des interdits.
Les unités classiques sont vivement remises en cause. Le dramaturge devient maître du temps en
fonction de son sujet. L’unité de lieu est jugée factice et créatrice d’impersonnalité. Seule l’unité
d’action trouve grâce aux yeux de Victor Hugo, mais Musset n’hésite pas à la briser dans
Lorenzaccio. Même la majesté de l’alexandrin est attaquée. Contre l’avis de Victor Hugo qui conserve
le mètre pour mieux le « libérer », Stendhal juge la prose plus précise , plus conforme en tout cas à la
manière de parler des Français.
La liberté romantique est la condition nécessaire de la totalité.
Ce désir de représenter la totalité des êtres et des choses ne postule donc aucun réalisme à la
manière de Diderot, ou plus tard, de Zola. L’art transfigure la réalité. « Miroir de concentration »
(Hugo), le drame romantique trie ses matériaux, métamorphose le monde, non pour l’embellir, mais
pour le placer dans une lumière, qui condensée, fera mieux ressortir ses couleurs.
L’histoire fournit ainsi la plupart des sujets parce qu’elle incarne une destinée collective. Un triple
traitement lui confère valeur d’universalité :
- la « couleur locale » qui inscrit le drame dans une temporalité donnée ;
- un jeu d’échos, de correspondances ou de projections, qui assure un lien entre le passé et
l’actualité (derrière Cromwell et l’exécution de Charles Ier d’Angleterre se dressent l’ombre de
Napoléon et l’exécution du duc d’Enghien) ;
- l’évocation historique qui se prête à une représentation du devenir humain : « Quel que soit le
drame, écrit Hugo dans la préface des Burgraves, qu’il entretienne une légende, une histoire
ou un poème, c’est bien, mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. »
Insistant sur la complexité et les contradictions de l’être, le romantisme prône enfin le mélange des
genres et des tons. C’est la théorie hugolienne du sublime et du grotesque (souvent confondu avec le
laid). A l’âme appartient le sublime « dégagé de tout alliage impur » avec « en apanage tous les
charmes, toutes les grâces, toutes les beautés » ; au laid, les « ridicules » et les « infirmités »
présents, par exemple, dans le personnage du bouffon. Toujours il s’agit de rendre compte de la
double dimension, spirituelle et charnelle, de l’homme.
Par-delà le drame bourgeois, le théâtre romantique renoue toutefois avec un certain classicisme en
réintroduisant la notion de héros. Une passion fougueuse, empreinte d’absolu, caractérise celui-ci.
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Tous pourraient reprendre ce cri de Lucrèce dans l’André del Sarto de Musset : « Je ne sais ni
tromper, ni aimer à demi » ; ils meurent ou tuent par amour. La fatalité s’acharne sur eux. Chatterton
porte « au front » la marque de l’inspiration ; Lorenzaccio ressent l’irrésistible besoin d’imprimer au
monde sa « volonté » ; sur les quatre générations des Burgraves plane un fratricide ancien ; et
Hernani se voit comme une « âme de malheur faite avec des ténèbres ». Criminel (Lucrèce Borgia),
victime (Chatterton) ou proscrit (Hernani), le héros romantique atteint à la grandeur, dans le bien
comme dans le mal :
Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau,
Quelque chose de grand de sublime et de beau,
(Hernani, IV, 2.)
dit don Carlos à l’ombre de Charlemagne. C’est qu’à l’inverse de ce qui se passait dans la tragédie
classique, la noblesse d’âme n’a aucun rapport avec la noblesse du sang. Le héros, même rejeté au
ban de la société, conserve et construit sa supériorité : « J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avez
l’âme », lance avec mépris Ruy Blas à don Salluste.
Alain Couprie, Le théâtre, 2ème édition, Armand Colin, 2009.
La Préface de Cromwell
Voici quelques extraits de la Préface de Cromwell, qui contribua à placer Victor Hugo à la tête de la
nouvelle école poétique,
choisis par Léo Cohen-Paperman, assistant à la mise en scène
"[…] Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c'est le drame ;
et le drame qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la
tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la poésie, de la littérature actuelle.
[...] Ainsi, pour résumer rapidement les faits que nous avons observés jusqu'ici, la poésie a trois âges,
dont chacun correspond à une époque de la société : l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs
sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. L'ode chante
l'éternité, l'épopée solennise l'histoire, le drame peint la vie. Le caractère de la première poésie est la
naïveté, le caractère de la seconde est la simplicité, le caractère de la troisième, la vérité.
[...] Du jour où le christianisme a dit à l'homme : « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un
périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et
les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours
courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie » ; de ce jour le drame
a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les
instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent
l'homme depuis le berceau, jusqu'à la tombe ?
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La poésie du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère de notre temps
est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque,
qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création.
[...] On voit bien combien l'arbitraire distinction des genres croule vite devant la raison et le goût. On
ne ruinerait pas moins aisément la règle des deux unités.
Nous disons deux et non trois unités, l'unité d'action ou ensemble, la seule vraie et fondée, étant
depuis longtemps hors de cause.
[...] L'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.
[...] Ce qu'il y a d'étrange, c'est que les routiniers du théâtre qui prétendent appuyer leur règle des
deux unités sur la vraisemblance, tandis que c'est précisément le réel qui la tue. Quoi de plus
invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu
banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les
conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun
à leur tour ? (...) Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local pour se
passer dans l'antichambre, c'est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en
quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes,
nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions.
L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieux. L'action encadrée de force dans les vingt-
quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.
Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. [...] On rirait d'un cordonnier qui voudrait
mettre le même soulier à tous les pieds ! [...] Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu [...], y faire
pédantesquement entre, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la
providence déroule à si grandes masses dans la réalité ! C'est mutiler hommes et choses, c'est faire
grimacer l'histoire.
[...] La nature donc ! La nature et la vérité. Et ici, afin de montrer que, loin de démolir l'art, les idées
nouvelles ne veulent que le reconstruire plus solide et mieux fondé, qui, à notre avis, sépare la réalité
selon l'art de la réalité selon la nature. Il y a étourderie à les confondre, comme le font quelques
partisans peu avancés du romantisme. La vérité de l'art ne saurait jamais être, ainsi que l'ont dit
plusieurs, la réalité absolue.
D'autres, ce nous semble, l'ont déjà dit : le drame est un miroir où se réfléchit la nature. Mais si ce
miroir est un miroir ordinaire, une surface plane et unie, il ne renverra des objets qu'une image terne
et sans relief, fidèle mais décolorée ; on sait ce que la couleur et la lumière perdent à la réflexion
simple. Il faut donc que le drame soit un miroir de concentration qui, loin de les affaiblir, ramasse et
condense les rayons colorants, qui fasse d'une lueur une lumière, d'une lumière une flamme. Alors
seulement le drame est avoué de l'art.
Le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans
l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art.
[...] Le vers au théâtre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie. Il n'est là
qu'une forme, et une forme qui doit tout admettre, qui n'a rien à imposer au drame, et au contraire
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doit tout recevoir de lui pour tout transmettre au spectateur. [...] Malheur au poète si son vers fait la
petite bouche ! Mais cette forme est une forme de bronze qui encadre la pensée dans son mètre,
sous laquelle le drame est indestructible, qui le grave plus avant dans l'esprit de l'acteur, avertit celui-
ci de ce qu'il omet et de ce qu'il ajoute, l'empêche d'altérer son rôle, de se substituer à l'auteur, rend
chaque mot sacré, et ce que ce qu'a dit le poète se retrouve longtemps après encore debout dans la
mémoire de l'auditoire. L'idée trempée dans le vers, prend souvent quelque chose de plus incisif et
de plus éclatant. C'est le fer qui devient acier.
On sent que la prose, nécessairement bien plus timide, obligée de sevrer le drame de toute poésie
lyrique ou épique, réduite au dialogue et au positif, est loin d'avoir ses ressources. Elle a les ailes bien
moins larges. [...] La médiocrité y est à l'aise.
[...] Disons-le donc hardiment. Le temps en est venu, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté
comme la lumière pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus nativement libre au monde, les
choses de la pensée.
[...] « Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas », disait Napoléon, quand il fut convaincu d'être
homme ; et cet éclair d'une âme de feu qui s'entrouvre illumine à la foi l'art et l'histoire, ce cri
d'angoisse est le résumé du drame et de la vie. »
L’origine d’Hernani
Victor Hugo s’inspire de sources diverses pour cristalliser dans la légende de chevalerie hispanique,
comme dans Le Cid de Corneille, auquel il se référait volontiers, l’ambition romantique de sa
génération. Il tire son sujet ainsi, selon ses dires, d’un passage d’une vieille chronique espagnole :
« Don Carlos, tant qu’il ne fut qu’archiduc d’Autriche et roi d’Espagne, fut un prince amoureux de son
plaisir, grand coureur d’aventures, sérénades et estocades sous les balcons de Saragosse, ravissant
volontiers les belles aux galants, voluptueux et cruel au besoin. Mais du jour où il fut empereur, une
révolution se fit en lui. » Il tira ensuite sans doute l’ambiance hispanique de ses souvenirs de ce pays,
où il habita quelque temps à la suite de son père durant les campagnes napoléoniennes, et de textes
récents sur l’histoire locale, toujours selon ses dires. On peut aussi noter des analogies avec des
pièces qui lui ont peut-être inspiré certains passages : Le Tisserand de Ségovie d’Alarcon ou La
Dévotion à la croix de Calderon (histoires d’amour, d’honneur et de sang) mais aussi des sources
moins latines, tels que Evadne or The Statue de Richard Lalor Sheil (la scène des portraits), Egmont
de Goethe, Les Brigands de Schiller… Cette pièce tire son nom d'une ville espagnole qui a pour nom
Ernani où l'on a rajouté le H de Hugo pour en faire HERNANI.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernani_%28Hugo%29
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Extraits de la pièce
I
LE ROI
Sarragosse
ACTE I
SCENE DEUXIEME
DONA SOL, riant.
C'est là ce qui vous désespère !
Un baiser d'oncle ! Au front ! Presque un baiser de père !
HERNANI
Non. Un baiser d'amant, de mari, de jaloux.
Ah ! vous serez à lui, madame, y pensez-vous !
O l'insensé vieillard, qui, la tête inclinée,
Pour achever sa route et finir sa journée,
A besoin d' une femme, et va, spectre glacé,
Prendre une jeune fille ! O vieillard insensé !
Pendant que d'une main il s'attache à la vôtre,
Ne voit-il pas la mort qui l' épouse de l'autre ?
Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur ?
Vieillard, va-t'en donner mesure au fossoyeur ?
- Qui fait ce mariage ? on vous force, j'espère !
DONA SOL
Le roi, dit-on, le veut.
HERNANI
Le roi ! Le roi ! Mon père
Est mort sur l'échafaud, condamné par le sien.
Or, quoiqu' on ait vieilli depuis ce fait ancien,
Pour l' ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve,
Pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !
Lui, mort, ne compte plus. Et tout enfant, je fis
le serment de venger mon père sur son fils.
[…]
DONA SOL
Vous m'effrayez !
HERNANI
Chargé d'un mandat d'anathème,
Il faut que j'en arrive à m'effrayer moi-même !
Ecoutez : l’homme auquel, jeune, on vous destina,
Ruy de Silva, votre oncle, est duc de Pastrana,
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Riche homme d'Aragon, comte et grand de Castille.
A défaut de jeunesse, il peut, ô jeune fille,
Vous apporter tant d'or, de bijoux, de joyaux,
Que votre front reluise entre des fronts royaux,
[…]
Voilà donc ce qu' il est. Moi, je suis pauvre, et n'eus
Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.
[…]
En attendant, je n'ai reçu du ciel jaloux
Que l'air, le jour et l'eau, la dot qu'il donne à tous.
Or du duc ou de moi souffrez qu'on vous délivre.
Il faut choisir des deux, l'épouser, ou me suivre.
DONA SOL
Je vous suivrai.
HERNANI
Parmi mes rudes compagnons,
Proscrits dont le bourreau sait d'avance les noms,
Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s' émousse,
Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?
Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?
Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !
[…]
DONA SOL
Je vous suivrai.
[…]
DONA SOL
A minuit. Demain. Amenez votre escorte.
Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.
Vous frapperez trois coups.
[…]
DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l’armoire.
Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?
Croyez-vous donc qu'on soit si bien dans une armoire ?
Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos
des yeux effarés.
HERNANI, la main sur la garde de son épée.
Quel est cet homme ?
DONA SOL
O ciel ! au secours !
20
HERNANI
Taisez-vous,
Doña Sol ! vous donnez l'éveil aux yeux jaloux.
Quand je suis près de vous, veuillez, quoi qu'il advienne,
Ne réclamer jamais d' autre aide que la mienne.
A don Carlos.
Que faisiez-vous là ?
DON CARLOS
Moi ? – Mais, à ce qu'il paraît,
Je ne chevauchais pas à travers la forêt.
HERNANI
Qui raille après l'affront s'expose à faire rire
Aussi son héritier !
DON CARLOS
Chacun son tour. – Messire,
Parlons franc. Vous aimez madame et ses yeux noirs,
Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs,
C'est fort bien. J'aime aussi madame, et veux connaître
Qui j'ai vu tant de fois entrer par la fenêtre,
Tandis que je restais à la porte.
HERNANI
En honneur,
Je vous ferai sortir par où j' entre, seigneur.
DON CARLOS
Nous verrons. J'offre donc mon amour à madame.
Partageons. Voulez-vous ? J'ai vu dans sa belle âme
Tant d'amour, de bonté, de tendres sentiments,
Que madame, à coup sûr, en a pour deux amants.
- Or, ce soir, voulant mettre à fin mon entreprise,
Pris, je pense, pour vous, j' entre ici par surprise,
Je me cache, j' écoute, à ne vous celer rien ;
Mais j' entendais très mal et j' étouffais très bien ;
Et puis je chiffonnais ma veste à la française.
Ma foi, je sors !
HERNANI
Ma dague aussi n'est pas à l'aise
Et veut sortir !
[…]
21
Charles Quint
1519 : une année charnière au plan politique
La didascalie initiale qui présente les personnages d’Hernani se termine par ‘indication d’un lieu et
d’une date : « Espagne – 1519 » ; elle inscrit donc d’emblée le drame dans l’histoire. 1519 représente
en effet une année de transition politique aux enjeux énormes, et c’est ce que Victor Hugo choisit de
représenter, notamment dans l’acte IV. L’empereur Maximilien meurt le 12 janvier. Le roi don Carlos,
le roi François Ier de France (alors âgé de vingt-cinq ans), le roi d’Angleterre Henri VIII, le duc de Saxe
Frédéric III le Sage se disputent sa succession pour un Saint-Empire constitué en réalité d’un
assemblage de plusieurs centaines de villes et d’Etats –l4espagen, le royaume de Naples et de Sicile,
la Sardaigne, les Pays-Bas, l’Artois, la Flandre, la France-Conté et les possessions espagnoles
d’Amérique – qui entretiennent des rapports complexes avec les Saint-Siège, donc avec le pape
Léon X.
L’élection de l’empereur du Saint Empire [romain] germanique
L’empereur n’est pas l’héritier héréditaire du pouvoir mais il est élu par un collège, c’est-à-dire
l’assemblée des sept grands électeurs germaniques, les archevêques de Cologne, Mayence et
Trèves, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg (futur duc de Prusse) et le
comte palatin du Rhin ; les électeurs désigneront finalement le 28 juin 1519, entre les deux candidats
restés en lice – le roi d’Espagne et François Ier -, Charles Ier d’Espagne qui est proclamé à dix-neuf
ans, sous le nom de Charles V ou Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, un
immense territoire, sur lequel « jamais le soleil ne s’y couche ».
Cette élection se déroule à Francfort et non à Aix-la-Chapelle comme dans la pièce. En choisissant
un lieu éminemment symbolique comme décor de l’ensemble du quatrième acte, au sein même du
tombeau de Charlemagne, Hugo charge cet événement qu’il a voulu dramatiser d’une importante
dimension politique et épique. Don Carlos est le protagoniste de l’acte qui le montre devenant
Charles Quint. Le spectateur apprend qu’il connaît l’existence d’une conspiration contre lui et qu’il
est près à la châtier sévèrement, il assiste à son attente impatiente des résultats de l’élection, à un
long monologue […] à la fois politique et métaphysique sur le pouvoir, à la proclamation de sa
nomination à la tête du Saint-Empire, à l’arrestation des conjurés et, dans cet acte des
métamorphoses, inspiré par la figure sublime de Charlemagne, à sa clémence inattendue et
grandiose à l’égard des grands d’Espagne révoltés […]. Cet acte généreux prend toute son ampleur
quand il s’adresse à son ennemi intime, Hernani, qui se révèle être le noble Juan d’Aragon et renonce
à sa vengeance devant tant de magnanimité.
L’avènement de Charles Quint, favorisé par la puissance financière des banquiers allemands Fugger,
alliés du Habsbourg, qui remettent aux électeurs des lettres de change payables seulement si
Charles est élu, marque le début d’une longue rivalité entre le royaume de France et l’empire des
Habsbourg. C’est donc le destin politique de quasiment toute l’Europe qui est mis en scène dans
Hernani avec, en même temps la naissance d’un véritable homme d’Etat, des aperçus sur les
22
coulisses du pouvoir, la façon dont se trahissent les convoitises comme les ambitions individuelles et
les interactions des puissances politiques, financières et morales.
Ghislaine Zaneboni, in Victor Hugo, Hernani, Hatier Poche, Classiques & Cie, p. 225, L’œuvre dans l’histoire.
HISTOIRE DES ARTS
���� Le Cénacle romantique
En 1820, apparaît le groupe que l'on va qualifier par la suite de romantique : le Cénacle.
Composé de jeunes écrivains français, il se réunit entre 1820 et 1823 d'abord à la bibliothèque de
l'Arsenal (dont Charles Nodier était le conservateur) avec Vigny et Dumas puis chez Hugo.
Le Cénacle accueille aussi de jeunes peintres, musiciens, sculpteurs (Berlioz, Liszt, Chopin,
Deschamps, Delacroix) et de jeunes auteurs romantiques (Charles Nodier, Saint-Beuve, Musset,
Nerval, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Vigny). Tous se passionnent pour les Méditations
Poétiques de Lamartine.
Alphonse de Lamartine, L’isolement, 1820
Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
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Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;
Je ne demande rien à l'immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi !
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
24
Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
Alphonse de Lamartine, in Méditations poétiques, 1820
Le Cénacle « passe à l'action » en 1830, le 25 Février, lors de la première d'Hernani.
���� Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903
La première d’Hernani donne lieu à la célèbre querelle entre classiques et romantiques, qui eut
lieu au Théâtre-Français à l'occasion de la première du drame éponyme de Victor Hugo.
Le drame de Victor Hugo, Hernani, est créé à la Comédie-Française le 25 février 1830. Pressentant
un climat hostile, les amis de Hugo décident d'aller soutenir la pièce le premier soir pour s'opposer
aux tenants d'un théâtre traditionnel. À la tête de ce mouvement se trouve Théophile Gautier, en gilet
rouge – c'est lui qui témoignera de cette soirée tumultueuse dans son Histoire du romantisme. Il est
accompagné de Balzac, Nerval, Berlioz… Leur groupe a fort à faire dès le début de la représentation.
L'œuvre surprend par l'audace des situations, l'exaltation d'un amour impossible, la dénonciation
d'un pouvoir sclérosé et par ses vers acrobatiques. Les acteurs jouent devant une salle houleuse où
la violence d'un clan domine l'exubérance du clan adverse ; mais les partisans du romantisme
finissent par l'emporter, à partir du quatrième acte, situé dans le tombeau de Charlemagne à Aix-la-
Chapelle. C'est un triomphe, mais le vacarme se poursuivra pendant les représentations suivantes.
Ce soir-là, le théâtre romantique remporte une victoire historique mais brève sur le théâtre d'esprit
classique. À partir de 1850, les œuvres de Hugo, Dumas, Nerval, Lamartine, Vigny… s'effaceront peu
à peu devant le succès du théâtre bourgeois, tandis que Musset préfère écrire un théâtre édité et non
joué.
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Hernani/103660
25
Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903, Maison de Victor Hugo, Paris
Contexte historique
Après Martignac, plus libéral que Villèle, Charles X charge en août 1829 le prince de Polignac de
former un nouveau ministère sans tenir compte de la volonté des Chambres. Les principaux ministres
incarnent la fidélité à l’Ancien Régime et sont l’objet d’une réelle impopularité. Soumise à l’examen
de la censure, la pièce de Victor Hugo est cependant autorisée alors que sa précédente création,
Marion Delorme, avait été interdite par Charles X pour « atteinte à la majesté royale ». Le 29
septembre 1829, Hugo invite ses amis chez lui pour donner lecture d’Hernani, ou l’Honneur castillan,
l'histoire d'amour malheureuse d'un proscrit, Hernani, pour une jeune infante, doña Sol. On
s'enthousiasme pour cette pièce qui rompt avec les canons du théâtre classique, notamment avec
les trois unités de temps, de lieu et d'action énoncées par Boileau sous le règne de Louis XIV. Le soir
du 25 février 1830, le Tout-Paris emplit la salle du Théâtre-Français, pour assister à la « première » du
drame de Victor Hugo, Hernani. Jour de bataille : l'affrontement — romantiques contre classiques —
est annoncé depuis plusieurs semaines ; l'enjeu est de taille. Hugo a mobilisé une claque inhabituelle,
recrutée parmi ses amis.
Analyse de l'image
Fils d’un élève d’Ingres et d’une miniaturiste, le peintre et graveur Albert Besnard se situe à mi-
chemin entre l’académisme et la mouvance impressionniste. Auteur de grandes compositions
(plafond du Théâtre-Français) et de portraits, il peint cette toile pour honorer une commande de Paul
Meurice, fondateur de la Maison de Victor Hugo.
Le tableau représente la salle Richelieu avant le lever du rideau. D’emblée on remarque l’agitation
régnant dans un endroit où le calme et les mœurs policées dominent en temps normal ; « une rumeur
26
d’orage grondait dans la salle », dira Théophile Gautier. Au premier plan, portant les cheveux longs et
des vêtements excentriques en signe d’appartenance à la mouvance romantique, les partisans
d’Hugo ne peuvent tenir en place. Plusieurs d’entre eux, la bouche ouverte, lancent insultes et
quolibets à leurs adversaires. Sur la gauche du tableau, on reconnaît Théophile Gautier, bravant
l’adversaire avec son torse bombé et son gilet rouge. L’un de ses alliés, monté sur la scène, semble
vouloir singer les gestes et la pose d’un spectateur de l’autre camp. Entre ces deux personnages,
tous les occupants des premiers rangs se regroupent en une cohorte informe, parcourue par
l’effervescence de la joute oratoire qu’elle mène avec les autres spectateurs du balcon. Parmi les
défenseurs de la pièce venus pour l’occasion, citons Louis Boulanger, Gérard de Nerval, Alfred de
Musset, Petrus Borel, Célestin Nanteuil, Auguste de Châtillon. La plupart étaient déjà là à l’ouverture
des portes du théâtre en début d’après-midi et se sont livrés pour passer le temps à un chahut où les
chansons l’ont disputé aux cris d’animaux. Entre les « pro » et les « anti » Hernani, la salle compte
d’autres éminents spectateurs venus par simple curiosité. Parmi eux citons en particulier
Chateaubriand.
Dès les premiers vers, la querelle est engagée. « Il suffisait, écrit Théophile Gautier, de jeter les yeux
sur ce public pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas là d'une représentation ordinaire ; que deux
systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, — ce n'est pas trop dire — étaient en
présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que
la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre. L'attitude générale était hostile, les coudes se faisaient
anguleux, la querelle n'attendait pour jaillir que le moindre contact, et il n'était pas difficile de voir que
ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et
ne lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière. » (Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain,
Paris, Librairie José Corti, 1985, p. 393.)
Ponctuée de cris d'indignation, d’ovations et d'échanges variés, la représentation s’achève,
applaudie à tout rompre par la jeune garde romantique. La partie n'est pas jouée pour autant : on
n'en est qu'à la première. La presse du lendemain n'est pas tendre, ni pour Hugo ni pour ses jeunes
acolytes, traités d'obscènes et de républicains.
Interprétation
Après avoir remporté la bataille poétique avec Lamartine, Hugo, Vigny, Nerval, les romantiques
voulaient passer à l'action directe, dont le terrain désigné est le théâtre : là où se font et défont les
réputations, là où l'écrivain est en prise directe avec le public, là où les passions s'exacerbent.
Revendiquer la liberté dans l'art, c'est revendiquer du même pas la liberté de la presse, la liberté
d'expression, les libertés politiques. « C'est le principe de liberté, écrit Hugo, qui […] vient renouveler
l'art comme il a renouvelé la société. » (Lettre d'Hugo de 1830 citée par Paul Bénichou, Le Sacre de
l’écrivain, Paris Librairie José Corti, 1985, p. 393.). Avec le recul, Hernani paraît frapper les trois
coups des « Trois Glorieuses ».
Auteur : Michel WINOCK
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=446
L’EQUIPE ARTISTIQUE
CHRISTINE BERG
Formation d’actrice au Cours René Simon Paris, Etudes de Lettres Modernes
Comédienne de 1980 à 1999 dans plusieurs spectacles mis en scène par Françoise Roche, José
Renault, Jean Deloche, Michèle Berg, Michel Boy.
Metteur en scène
2011 LE MOCHE
de Marius von Mayenburg
2010 LETTRES A LOUISE
de Gustave Flaubert
2009 L’ILE DES ESCLAVES
de Marivaux
LE ROI NU
de Evguéni Schwartz
2008 DES COUTEAUX DANS LES POULES
de David Harrower
LES BONNETIERES
de Bernard Weber, d’après les témoignages d’ouvrières de la bonneterie
2007 SHITZ
de Hanokh Levin
2006 COURTELINE OPERETTE
d’après Georges Courteline
2005 PYGMALION
de Georges Bernard Shaw
SERMONS JOYEUX
de Jean-Pierre Siméon
2004 NOCE
de Jean-Luc LAGARCE
2003 L’INTERVENTION
de Victor HUGO
NOUS LES HEROS
de Jean-Luc LAGARCE (sortie Classes de la Comédie de Reims)
2002 TABLEAU D’UNE EXECUTION
de Howard BARKER
2001 L’ATELIER VOLANT
de Valère NOVARINA
CABARET POUR INVENTER LA LANGUE
d’après Valère Novarina, Jean-Pierre Verheggen
2000 L’OMBRE DE LA VALLEE
de John Millington SYNGE
1999 QUAND JE PARLE, MA VOIX N’EST PAS DETRUITE
de Bernard WEBER, d’après les paroles de femmes algériennes de Reims
1997 LE CHIEN DU JARDINIER
de Lope de Vega (avec les Classes de la Comédie de Reims)
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Formatrice
Responsable des Ateliers Théâtre du Crous / Université de Reims, destinés aux étudiants, de 1992 à
2008.
Enseignante dans les Classes de la Comédie de Reims (école de formation d’acteurs
professionnels) ; dans les classes option théâtre (Lycée Chagall Reims, Lycée Saint-Exupéry Saint-
Dizier) ; au Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims.
Enseignante dans les Unités d’Enseignement Transversales de l’Université de Reims.
ici et maintenant théâtre historique : http://icietmaintenanttheatre.fr/historique.php
LOÏC BRABANT - La duègne, Ricardo
Après les cours Simon, il intègre la classe libre de l’Ecole de l’Acteur Florent puis entre à l’Ecole du
Théâtre National de Chaillot.
Il est pensionnaire à la Comédie-Française pendant quatre ans.
Il a joué notamment sous la direction d’Antoine Vitez dans Le Mariage de Figaro (Beaumarchais) et La
Vie de Galilée (Brecht), de Lluis Pasqual dans Comme il vous plaira (Shakespeare), de Georges
Lavaudant dans Lorenzaccio (Musset), de Dario Fo dans Le Médecin Malgré Lui et Le Médecin
Volant (Molière), de Yannis Kokos dans Iphigénie (Racine).
Acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN, il joue sous la direction de Christian Schiaretti dans
L’Homme, La Bête et la Vertu (Pirandello), Les Mystères de l’Amour (Vitrac), La Poule d’eau
(Witkiewicz), Ahmed Philosophe et les Citrouilles (Badiou), La Place Royale (Corneille), Mère Courage
et ses enfants et L’Opéra de Quat’sous (Brecht), La lune des pauvres (Siméon).
Installé à Reims depuis quelques années il collabore avec plusieurs compagnie qui sont implantées
en Champagne-Ardenne : SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans John a
disparu (Horowitz), Rêve d’automne (Fosse), L’anniversaire (Pinter) et Les Trois sœurs (Tchekhov) ;
Théâtre Théâtre sous la direction de Serge Added dans L’Armoire (Added), Jouer Bartleby (Melville)
et Faisons un rêve (Guitry) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans
Pygmalion (Shaw), L’Ile des esclaves (Marivaux).
VANESSA FONTE - doña Sol
Après l’école Claude Mathieu à Paris, elle intègre le Conservatoire National Supérieur d’Art
Dramatique de Paris de 2007 à 2010.
Depuis elle a joué notamment sous la direction de Georges Weler dans Le Malade imaginaire
(Molière) et Le Roi se meurt (Ionesco) et de Gérard Desarthe dans Les Estivants (Gorki).
JEAN-MICHEL GUERIN – don Ruy Gomes
Sous la direction de Christian Schiaretti, il est acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN et joue
dans la plupart de ses mises en scène, notamment : L’Homme, la Bête, la Vertu (Pirandello), La
Noce chez les petits bourgeois (Brecht), Le grand théâtre du monde (Caldéron), Les Coréens
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(Vinaver), Ahmed le subtil, Ahmed philosophe, Ahmed se fâche (Badiou), D’entre les morts, Le petit
ordinaire et La lune des pauvres (Siméon), L’amour des mots (Calaferte).
Il est également metteur en scène. Il a fondé et co-dirigé la compagnie C’est la nuit. Il a mis en scène
Théophile en prison d’après Théophile Viau, Lecture sous l’arbre, Mythologies d’après Pierre Michon,
Le Nom sur le bout de la langue (Quignard).
Au cinéma et à la télévision, il joue notamment dans Ma femme est une actrice de Yvan Attal, Les
Duellistes de Denis Granier-Deferre, Camping sauvage de Bonilauri et Ali.
Il collabore avec plusieurs compagnies de Champagne-Ardenne : Alliage Théâtre sous la direction de
José Renault dans L’Amour des mots (Calaferte) et Arlequin serviteur de deux maîtres (Goldoni) ;
SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans L’Anniversaire (Pinter) et Les Trois
sœurs (Tchekhov) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans Tableau d’une
exécution (Barker) et Le Roi nu (Schwartz).
ANTOINE PHILIPPOT - Hernani
Après des études de Lettres modernes, il intègre l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg –
promotion 2008.
Il a joué au théâtre sous la direction de Olivier Py dans Conte de Grimm (Grimm), de Marion Lécrivain
dans L’Homme qui rit (Hugo), de Jean-Pierre Garnier dans La Coupe et les lèvres (Musset), de Jean-
Michel Ribes dans René l’énervé et Christine Berg dans Le Roi Nu (Schwartz) et Lettres à Louise
(Flaubert).
PIERRE-BENOIST VAROCLIER – don Carlos
Après des études d'économie et de philosophie, il devient doctorant en lettres modernes de l'Ecole
Normale Supérieure. Il intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique puis la
London Academy of Music and Dramatic Art.
Au cinéma, il a joué pour Volker Schlöndorff, Guillaume Canet, Philippe Lioret, Gérard Mordillat et
Philippe Garrel.
Il a joué au théâtre sous la direction de David Géry dans Les Acteurs de bonne foi (Marivaux), de
François Rancillac dans Le Roi s’amuse (Hugo) et Nicolas Liautard dans Le Misanthrope (Molière).
GABRIEL PHILIPPOT – compositeur et pianiste
Après une Licence de Musicologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, il est actuellement
en seconde année de master au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en écriture
musicale. Il a obtenu son prix d’Harmonie au CNSMP en 2011.
Depuis 2007 il est compositeur, arrangeur et musicien pour la compagnie Ici et maintenant théâtre.
PIERRE - ANDRE WEITZ – scénographie et costumes
Après des études instrumentales, Pierre- André Weitz suit des études d’Art Lyrique au Conservatoire
de Strasbourg et obtient un diplôme d’architecte.
30
Après avoir été assistant décorateur de Marie-Hélène Butel et de Gilone Brun, il signe ses premiers
décors et costumes avec George Dandin (Molière), puis enchaîne avec La Mouette (Tchekhov). Il
travaille ensuite avec Pierre-Etienne Heymann, François Rancillac et François Berreur.
Depuis 1993, Pierre-André Weitz collabore aux mises en scène d’Olivier Py, dont il crée les décors,
notamment Les aventures de Paco Goliard (Py), Les drôles (Mazev).
Il signe également les costumes de La servante et Nous les héros (Lagarce), Miss Knife et sa
baraque chantante (Rivaud/Py), Le visage d’Orphée, la jeune fille, le diable et le moulin et L’eau de la
vie (d’après Grimm) ou encore Le soulier de satin (Claudel).
Il travaille également avec Jean-Michel Rabeux pour les décors et les costumes de Arlequin poli par
l’amour (Marivaux), L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (Copi), Déshabillages (Rabeux) et
récemment pour Feu l’amour d’après trois pièces de Feydeau.
Pour l’Opéra, Pierre-André Weitz a collaboré aux productions du Freischütz (Weber) à Nancy en
1999, des Contes d’Hoffmann (Offenbach) à Genève en 2001, de La damnation de Faust (Berlioz) à
Genève en 2003, tous mis en scène par Olivier Py puis Othello (Verdi) dans une mise en scène de
Michel Raskine à l’Opéra de Lyon.
En tant que chanteur, Pierre-André Weitz a participé à plusieurs productions de l’Atelier Lyrique du
Rhin, de l’Opéra du Rhin et de l’Opéra de Lyon.
Il enseigne la scénographie à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg.
Bibliographie
- Victor HUGO, Hernani, Gallimard, Folio Théâtre, 1995.
- Paul BENICHOU, Le Sacre de l'écrivain, 1750-1830, Paris, Librairie José Corti, 1985, rééd.
Gallimard, 1996.
- Théophile GAUTIER, Victor Hugo, publication posthume, 1902, rééd. Honoré Champion, 2000.
- Hubert JUIN, Victor Hugo, tome I « 1802-1843 », Paris, Flammarion, 1992.
- Anne MARTIN-FUGIER, Les Romantiques, 1820-1848, Paris, Hachette, 1999.
- Emile VERHAEREN, Hugo et les romantiques, Bruxelles, Complexe, 2002.
Sitographie
Le site de la compagnie - ici et maintenant théâtre - :
- http://icietmaintenanttheatre.fr/
et la page du spectacle :
- http://icietmaintenanttheatre.fr/spectacle1.php?id=19
La page du spectacle sur theatre-contemporain.net :
- http://theatre-contemporain.net/spectacles/Hernani/
LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde 3 chaussée Bocquaine
51100 Reims Tél : 03.26.48.49.00
www.lacomediedereims.fr
1
DOSSIER PEDAGOGIQUE
Hernani de Victor Hugo
mise en scène Christine Berg
du vendredi 27 janvier au samedi 4 février 2012
Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected],
Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]
2
texte Victor Hugo
mise en scène Christine Berg
scénographie et costumes Pierre-André Weitz
lumières Elie Romero
régie plateau Marine Molard
musique Gabriel Philippot
assistanat à la mise en scène Léo Cohen-Paperman
avec
Loïc Brabant La duègne, Ricardo
Vanessa Fonte doña Sol
Jean-Michel Guérin don Ruy Gomes
Marine Molard don Sanchez
Antoine Philippot Hernani
Pierre-Benoist Varoclier don Carlos
directeur de production Vincent Marcoup
administration Anne Delépine
Coproduction ici et maintenant théâtre / Espace Jean Vilar de Revin
La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la
Culture / Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec
l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne et subventionnée par la Ville
de Châlons-en-Champagne et le Conseil Général de la Marne.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l’ADAMI et
de Copie privée.
3
Hernani
dossier pédagogique
sommaire
LE PROJET ARTISTIQUE
Notes d’intention
Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11
Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle
page 4
page 7
page 10
HERNANI de Victor Hugo
Biographie de Victor Hugo
Le drame romantique
L’origine d’Hernani
Extraits de la pièce
Charles Quint
Histoire des arts Le cénacle romantique
Histoire des arts Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903
page 12
page 14
page 17
page 18
page 21
page 22
page 24
L’EQUIPE ARTISTIQUE page 27
Bibliographie, Sitographie page 30
« La voix haute et puissante du peuple, qui ressemble à celle de Dieu, veut
désormais que la poésie ait la même devise que la politique : TOLERANCE ET
LIBERTE ».
Victor Hugo, préface d’Hernani
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LE PROJET ARTISTIQUE
Notes d’intention
Hernani
Rarement une œuvre dramatique aura été aussi occultée par la réaction que suscita sa première
représentation. Aujourd’hui encore, l’intrigue d’Hernani est largement méconnue : rares sont ceux
chez qui ce titre rappelle la légende des deux amants qui meurent volontairement par le poison la
nuit de leurs noces, ou la fable d’un bandit qui retrouve son rang à la cour d’Espagne. Dans la plupart
des esprits, Hernani évoque une formidable bataille littéraire, une date décisive dans la lutte mythique
qui opposa les classiques aux romantiques.
Entre février et novembre 1830, les partisans des classiques et les adeptes des romantiques se sont
retrouvés chaque soir au Théâtre-Français, les uns pour huer la pièce, les autres pour tenter de la
soutenir. Mais au-delà du mythe, qui se rappelle les personnages, qui se souvient vraiment du détail
de l’intrigue ?
D’une manière générale, Hernani semble aujourd’hui encore, payer le tribut de son formidable succès
de 1830 : comme tous les mythes, connu de tous mais fondamentalement ignoré…
La représentation théâtrale permet d’entrevoir le chef d’œuvre derrière le mythe. L’ambivalence de la
pièce, sa polyphonie et la richesse d’interprétation qu’elle autorise, prennent alors toute leur
dimension. Un monarque libertin se cache dans une armoire comme un vulgaire amant de vaudeville,
avant de devenir un empereur juste et clément. Un vieillard ridicule se fait cocufier comme le premier
Arnolphe venu et se transforme, à la fin du drame, en spectre shakespearien. Ici pas vraiment de
masques, mais des visages différents : comme dans la vie, les personnages ne se divisent pas en
grotesques et sublimes mais chacun d’eux est à la fois l’un et l’autre, au gré des péripéties de
l’action.
Certes Hernani est un mythe. C’est aussi une prophétie politique.
Premières réflexions
Comment ne pas être fasciné par la puissance poétique d’une telle œuvre ?
Et pourquoi s’interdire d’y plonger, de tenter le grand voyage dans cette cathédrale ?
La pièce est d’une force de composition exceptionnelle. Elle utilise tous les ressorts du théâtre
romantique et dans sa diversité baroque, elle se permet tout : les coups de théâtre se succèdent, les
personnages se métamorphosent, les images poétiques créent un univers d’une rare puissance.
A chaque nouvelle lecture, l’émotion me submerge. Bien sûr, ces deux jeunes amants qui meurent le
jour de leurs noces, c’est pathétique, grandiose, mais ce n’est pas tout.
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La fable politique, par exemple, est remarquable : Hernani, représentant ce « peuple-océan » qui
entraîne tout sur son passage et bouleverse définitivement le vieil ordre, est mis en action sous nos
yeux, comme le moteur des générations à venir contre qui personne ne pourra rien.
Les métamorphoses des personnages sont d’une théâtralité exceptionnelle et révèlent, dans le tissu
même de la fable, que, qui qu’on soit, l’histoire et ses soubresauts nous font vaciller, nous ouvrent
des horizons que nous devons voir. Don Carlos, le roi libertin, devient un monarque magnanime et
tolérant ; Ruy Gomes, lui, ne devient pas meilleur, au contraire, il est la part sombre de nous-mêmes,
celle irréductible du ressentiment et de la vengeance qui ne nous laisse que l’amertume de notre
condition…
Je crois qu’il faut toucher la dimension poétique, obscure de cette œuvre. Elle réside à beaucoup
d’endroits et en particulier dans les portraits des personnages.
L’un des axes majeurs est dans la force, la lourdeur même, écrasante, des figures paternelles : le
passé ne lâche pas sa proie…La scénographie sera donc un jeu de portraits géants faisant écrin
d’abord à la fameuse scène des portraits où Ruy Gomes cache Hernani à Don Carlos dans sa galerie
de tableaux de famille. Mais au-delà de cette seule scène, la dimension mythique de la parole
donnée au père et par là, serment intouchable, embrase toute l’œuvre. Chaque personnage est hanté
par un père absent et chaque personnage aussi, se convertit, se transforme en un autre, donnant
ainsi à voir une infinité de caractères, de personnes qui se construisent devant nous.
Il y a dans Hernani une thématique très forte de l’ombre et de la lumière, ô combien théâtrale.
Beaucoup de scènes sont nocturnes (le début de 4 actes sur 5), et symboliquement, toute la pièce
est une lutte entre l’obscurité (l’obscurantisme) et le jour, l’avenir…Il n’est pas certain d’ailleurs que la
lumière l’emporte. Mais l’élément feu sera très présent sur scène.
Je pense qu’il n’est pas nécessaire de transposer l’époque ; elle est marquée clairement (Espagne
1519) mais n’empêche en rien l’envolée de la fable jusqu’à nous par le truchement d’une symbolique
particulièrement riche. Nous travaillerons donc dans une esthétique inspirée du seizième siècle
espagnol ; pas dans la reconstitution historique mais dans un rappel des formes et des matières.
Encore un paradoxe : Hernani est aussi, par certains aspects, une comédie. Il ne faut pas occulter
cette dimension baroque qui se permet, du grotesque au sublime, de nous embarquer avec une
duègne cupide dans une armoire de barbon cocufié…
Tout est possible dans ce théâtre, tout est jeu, et ce monstre de Victor Hugo mène une sarabande
qui nous éblouit, depuis son dix-neuvième siècle, jusque dans nos tripes.
Christine Berg, juin 2010
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Pistes dramaturgiques
Dans cette œuvre complexe, trois grandes pistes se présentent, trois fils qui se tressent et qu’il
faudra explorer.
En premier lieu, celui qui saute aux yeux, c’est le fil sentimental. Cette merveilleuse et tragique
histoire d’amour, c’est le Roméo et Juliette français… Les deux jeunes amants beaux, brillants et
fous d’amour, vont mourir la nuit de leur noces, parce qu’ils ont une destinée fatale. L’amour est
incommensurable et funeste. Lié à la mort… Mais, au bout du compte, lorsqu’on aime follement,
n’est-ce pas ce qu’on peut souhaiter de plus accompli ? Ne pas survivre à celui qui part, mourir avec
lui, tout simplement, puisque le monde n’est pas acceptable sans l’autre. Cette part sentimentale de
la pièce est dominée par la grande figure de Dona Sol (avec celle d’Hernani aussi bien sûr, mais lui, il
est dans toutes…) Le personnage de Dona Sol est magistral parce qu’il est totalement mystérieux ; je
l’appelle « la silencieuse » (de fait, elle parle peu) mais elle rayonne avec une force inouïe. Le soleil.
Tout tourne autour d’elle…
Le deuxième fil qui structure la pièce est psychanalytique : il met en scène l’intangibilité de la parole
donnée. Cet engagement est lié à la figure écrasante du père. Une sorte de surmoi monstrueux et
funeste. On ne peut échapper que par la mort. Cette figure est incarnée par Don Ruy Gomes,
personnage complexe, bouleversant par ailleurs, lié lui aussi par sa propre parole. En creux, on lit
évidemment la révolte de la jeunesse contre le vieil ordre, la tradition. Même si les héros en meurent,
on doit entendre : ne respectez pas une loi inique !
La troisième piste, la plus complexe, est politique (celle de Don Carlos). L’espace du pouvoir est
fermé, sombre, austère, tandis qu’autour existe un espace de liberté, d’affranchissement, qui certes
est celui du proscrit, mais celui d’un possible bonheur. Les personnages qui ont le pouvoir sont
tyranniques mais doués de conversions inattendues. Une notion capitale et complètement nouvelle
se fait jour dans la scène du tombeau : celle du « peuple-océan ». Ce qui dépassera les clivages et
fera accéder la société à un autre monde. Mais personne n’y est prêt.
Du point de vue stylistique, quelques décisions notoires s’imposent. La réduction de la distribution à
6 acteurs nous débarrasse d’un certain poids d’apparat romantique (plus de troupe de conjurés, de
valets et domestiques, de gardes armés…). Ce théâtre historique, ajusté du coup à sa dimension
métaphorique et politique, acquiert une force nouvelle.
Nous respecterons le vers baroque, non pas comme de la prose, mais comme une véritable
explosion du vers classique ; c’est-à-dire qu’il faut faire sonner les vers réguliers (il y en a) par
opposition aux vers morcelés, hachés, synonymes à eux seuls de la révolution qui s’opère, dans les
Lettres et dans la société.
La scénographie s’inspire de ces deux espaces qui caractérisent l’univers hugolien. Une forteresse
imprenable est le lieu du pouvoir et de l’enfermement. Mais elle est aussi un jeu de trappes,
d’escaliers, de portes dérobées, de balcons, de fenêtres par lesquels entre et sort et virevolte un
monde de la nuit, grotesque ou macabre. Et ce petit monde tourne sur lui-même jusqu’à exploser ses
limites lorsque le « peuple-océan » est évoqué, promesse d’un avenir tout différent mais encore
tellement improbable.
Christine Berg, juillet / août 2011
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Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11
Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) et Hernani (Antoine Philippot)
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Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) entre Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier) et Hernani (Antoine Philippot)
Hernani (Antoine Philippot) et Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier)
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HERNANI, de Victor Hugo
Biographie de Victor Hugo
Victor Marie Hugo naît à Besançon le 26 février 1802.
Théoricien du drame, il est le principal auteur de la
révolution romantique au théâtre.
La vocation du jeune Victor Hugo s’affirme vite. En 1816
il note « Je veux être Chateaubriand ou rien ».
Déchiré par l’opposition politique et personnelle de ses
parents, pris dans les remous de l’histoire, qui lui fait
vivre la guerre d’Espagne, Hugo cherche très jeune,
dans le théâtre, une solution imaginaire aux
contradictions du monde et du moi.
1822 marque son véritable début dans la vie comme
dans la carrière des lettres, avec la publication le 8 juin
de son premier recueil poétique.
C’est en 1827, avec le drame Cromwell, qui s’ouvre sur une préface, que l’auteur se pose en
théoricien et en chef du romantisme ( il oppose à la tragédie dont il critique l’artifice et les limites, le
drame moderne qui doit mêler, comme le fait la nature même, le sublime et le grotesque, deux
éléments de la réalité).
La publication des Orientales en 1829 qui exploitent avec éclat et virtuosité le goût et la sympathie
des contemporains pour l’Orient, celle du Dernier jour d’un condamné, appel humanitaire pour la
suppression de la peine de mort, affermissent la jeune gloire que les Odes et Ballades et la Préface
de Cromwell avaient déjà fondée.
Toutefois à cette époque il ne s’est toujours pas imposé au théâtre, bien que la rénovation de la
scène apparaisse comme la première tache de la génération nouvelle : Cromwell est injouable et
Marion Delorme est censuré.
Avec Hernani qui triomphe à la Comédie Française en 1830, Victor Hugo s’impose définitivement et
la victoire de la jeune garde romantique sur la vieille garde classique devient un fait acquis.
De 1830 à 1843, Hugo connaît une période féconde ; il aborde tous les genres. Au théâtre, il cherche
le succès populaire avec un drame en vers : Le roi s’amuse en 1832, puis trois drames en prose :
Lucrèce Borgia, Marie Tudor en 1833 et Angelo, tyran de Padoue en 1835, mais il revient à une
inspiration plus élevé dans Ruy Blas (1838), son chef d’œuvre dramatique avec Hernani.
Cette dure et féconde période qui a permis à Hugo de conquérir le premier rang s’achève sur un
échec littéraire. Au retour d’un voyage avec Juliette Drouet dans la vallée du Rhin, lui vient l’idée des
Burgraves. Cette pièce est un véritable échec. Découragé Hugo renonce pour un temps au théâtre.
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Après le décès de sa fille il se tourne vers la politique. Soutenant dans un premier temps la
candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, il rompt avec le parti de
l’ordre et prononce un violent réquisitoire contre les desseins dictatoriaux de « Napoléon Petit ». Il
sera alors expulsé du territoire français en décembre 1851 jusqu’en septembre 1870.
Ces vingt années d’exil et de labeur solitaire seront la période la plus féconde et la plus haute de son
génie. Devenu ardemment républicain, il ne cesse de dénoncer le nouveau régime : il refuse
l’amnistie que lui accorde Napoléon III en 1859. Le proscrit de Guernesey jouit alors d’un prestige
mondial.
Victor Hugo marque son retour au théâtre avec l’écriture à partir de 1866, de plusieurs pièces, dont la
série du Théâtre en liberté.
Mille francs de récompense, rédigé en 1866, quatre ans après Les Misérables, reprend le thème de la
fatalité sociale développé dans ce roman. La dramaturgie carnavalesque est ici mise au service d’une
dénonciation virulente des préjugés bourgeois et des carences de la justice humaine. Avec cette
pièce en prose, le théoricien du drame romantique se démarque astucieusement des contraintes du
mélodrame pour nous donner un modèle de théâtre engagé, à la fois drôle et sérieux.
Revenu à Paris le 5 septembre 1870, élu à l’Assemblée nationale qui siège à Bordeaux, Hugo donne
en pleine séance sa démission de député. Battu aux élections suivantes, il sera élu sénateur de Paris
en 1876. Il interviendra vigoureusement pour l’amnistie en faveur des Communards. Mais il est déçu
par l’orientation du nouveau régime ; en août 1872, il regagnera même sa maison d’exil, pour y
séjourner près d’un an.
Il se mêlera de moins en moins à la vie politique. Il continue à écrire, mais le rythme n’est plus celui
des années précédentes : et la plupart des œuvres publiées de 1870 à 1885 sont des œuvres déjà
commencées dans l’exil. Durant cette époque Hugo récolte la moisson semée durant les années
d’exil. Sa gloire ne cesse de grandir en dépit des deuils et des malheurs domestiques qui
l’assombrissent.
Victor Hugo atteint de congestion pulmonaire meurt le 22 mai 1885. Le 1er juin le gouvernement
décide les funérailles nationales ; son cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe et transporté au
Panthéon.
Hugo a été le plus populaire des écrivains de son époque. Il le doit en partie à ce destin d’exilé
auquel il a su donner une couleur légendaire, à une position politique qui lui a valu d’être, au moment
où naissait la troisième République, le symbole du régime nouveau : mais aussi à sa sensibilité
même, à son entente des sentiments fondamentaux, qu’ils soient ceux de l’existence privée ou de la
vie civique, à son éloquence à la fois éclatante et simple.
Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, © édition Bordas
Le drame romantique
Bien qu’il lui succède, le drame romantique n’est pas l’héritier du drame bourgeois. La Révolution,
l’Empire, la Restauration ont bouleversé l’histoire et les mentalités. A époque nouvelle, théâtre
nouveau.
Cette aspiration à la nouveauté s’alimente d’influences étrangères. On découvre avec passion les
œuvres de Byron, de Walter Scott et surtout de Shakespeare ainsi que celles du « Sturm und
Drang ». Le répertoire de la tragédie classique apparaît en comparaison plus fade et plus démodé
que jamais.
Le drame romantique se fonde sur une exigence première : la liberté de l’art qui ne connaît « d’autres
lois que les lois de la nature » (Préface de Cromwell, 1827). C’est un refus général des interdits.
Les unités classiques sont vivement remises en cause. Le dramaturge devient maître du temps en
fonction de son sujet. L’unité de lieu est jugée factice et créatrice d’impersonnalité. Seule l’unité
d’action trouve grâce aux yeux de Victor Hugo, mais Musset n’hésite pas à la briser dans
Lorenzaccio. Même la majesté de l’alexandrin est attaquée. Contre l’avis de Victor Hugo qui conserve
le mètre pour mieux le « libérer », Stendhal juge la prose plus précise , plus conforme en tout cas à la
manière de parler des Français.
La liberté romantique est la condition nécessaire de la totalité.
Ce désir de représenter la totalité des êtres et des choses ne postule donc aucun réalisme à la
manière de Diderot, ou plus tard, de Zola. L’art transfigure la réalité. « Miroir de concentration »
(Hugo), le drame romantique trie ses matériaux, métamorphose le monde, non pour l’embellir, mais
pour le placer dans une lumière, qui condensée, fera mieux ressortir ses couleurs.
L’histoire fournit ainsi la plupart des sujets parce qu’elle incarne une destinée collective. Un triple
traitement lui confère valeur d’universalité :
- la « couleur locale » qui inscrit le drame dans une temporalité donnée ;
- un jeu d’échos, de correspondances ou de projections, qui assure un lien entre le passé et
l’actualité (derrière Cromwell et l’exécution de Charles Ier d’Angleterre se dressent l’ombre de
Napoléon et l’exécution du duc d’Enghien) ;
- l’évocation historique qui se prête à une représentation du devenir humain : « Quel que soit le
drame, écrit Hugo dans la préface des Burgraves, qu’il entretienne une légende, une histoire
ou un poème, c’est bien, mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. »
Insistant sur la complexité et les contradictions de l’être, le romantisme prône enfin le mélange des
genres et des tons. C’est la théorie hugolienne du sublime et du grotesque (souvent confondu avec le
laid). A l’âme appartient le sublime « dégagé de tout alliage impur » avec « en apanage tous les
charmes, toutes les grâces, toutes les beautés » ; au laid, les « ridicules » et les « infirmités »
présents, par exemple, dans le personnage du bouffon. Toujours il s’agit de rendre compte de la
double dimension, spirituelle et charnelle, de l’homme.
Par-delà le drame bourgeois, le théâtre romantique renoue toutefois avec un certain classicisme en
réintroduisant la notion de héros. Une passion fougueuse, empreinte d’absolu, caractérise celui-ci.
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Tous pourraient reprendre ce cri de Lucrèce dans l’André del Sarto de Musset : « Je ne sais ni
tromper, ni aimer à demi » ; ils meurent ou tuent par amour. La fatalité s’acharne sur eux. Chatterton
porte « au front » la marque de l’inspiration ; Lorenzaccio ressent l’irrésistible besoin d’imprimer au
monde sa « volonté » ; sur les quatre générations des Burgraves plane un fratricide ancien ; et
Hernani se voit comme une « âme de malheur faite avec des ténèbres ». Criminel (Lucrèce Borgia),
victime (Chatterton) ou proscrit (Hernani), le héros romantique atteint à la grandeur, dans le bien
comme dans le mal :
Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau,
Quelque chose de grand de sublime et de beau,
(Hernani, IV, 2.)
dit don Carlos à l’ombre de Charlemagne. C’est qu’à l’inverse de ce qui se passait dans la tragédie
classique, la noblesse d’âme n’a aucun rapport avec la noblesse du sang. Le héros, même rejeté au
ban de la société, conserve et construit sa supériorité : « J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avez
l’âme », lance avec mépris Ruy Blas à don Salluste.
Alain Couprie, Le théâtre, 2ème édition, Armand Colin, 2009.
La Préface de Cromwell
Voici quelques extraits de la Préface de Cromwell, qui contribua à placer Victor Hugo à la tête de la
nouvelle école poétique,
choisis par Léo Cohen-Paperman, assistant à la mise en scène
"[…] Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c'est le drame ;
et le drame qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la
tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la poésie, de la littérature actuelle.
[...] Ainsi, pour résumer rapidement les faits que nous avons observés jusqu'ici, la poésie a trois âges,
dont chacun correspond à une époque de la société : l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs
sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. L'ode chante
l'éternité, l'épopée solennise l'histoire, le drame peint la vie. Le caractère de la première poésie est la
naïveté, le caractère de la seconde est la simplicité, le caractère de la troisième, la vérité.
[...] Du jour où le christianisme a dit à l'homme : « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un
périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et
les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours
courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie » ; de ce jour le drame
a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les
instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent
l'homme depuis le berceau, jusqu'à la tombe ?
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La poésie du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère de notre temps
est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque,
qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création.
[...] On voit bien combien l'arbitraire distinction des genres croule vite devant la raison et le goût. On
ne ruinerait pas moins aisément la règle des deux unités.
Nous disons deux et non trois unités, l'unité d'action ou ensemble, la seule vraie et fondée, étant
depuis longtemps hors de cause.
[...] L'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.
[...] Ce qu'il y a d'étrange, c'est que les routiniers du théâtre qui prétendent appuyer leur règle des
deux unités sur la vraisemblance, tandis que c'est précisément le réel qui la tue. Quoi de plus
invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu
banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les
conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun
à leur tour ? (...) Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local pour se
passer dans l'antichambre, c'est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en
quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes,
nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions.
L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieux. L'action encadrée de force dans les vingt-
quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.
Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. [...] On rirait d'un cordonnier qui voudrait
mettre le même soulier à tous les pieds ! [...] Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu [...], y faire
pédantesquement entre, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la
providence déroule à si grandes masses dans la réalité ! C'est mutiler hommes et choses, c'est faire
grimacer l'histoire.
[...] La nature donc ! La nature et la vérité. Et ici, afin de montrer que, loin de démolir l'art, les idées
nouvelles ne veulent que le reconstruire plus solide et mieux fondé, qui, à notre avis, sépare la réalité
selon l'art de la réalité selon la nature. Il y a étourderie à les confondre, comme le font quelques
partisans peu avancés du romantisme. La vérité de l'art ne saurait jamais être, ainsi que l'ont dit
plusieurs, la réalité absolue.
D'autres, ce nous semble, l'ont déjà dit : le drame est un miroir où se réfléchit la nature. Mais si ce
miroir est un miroir ordinaire, une surface plane et unie, il ne renverra des objets qu'une image terne
et sans relief, fidèle mais décolorée ; on sait ce que la couleur et la lumière perdent à la réflexion
simple. Il faut donc que le drame soit un miroir de concentration qui, loin de les affaiblir, ramasse et
condense les rayons colorants, qui fasse d'une lueur une lumière, d'une lumière une flamme. Alors
seulement le drame est avoué de l'art.
Le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans
l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art.
[...] Le vers au théâtre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie. Il n'est là
qu'une forme, et une forme qui doit tout admettre, qui n'a rien à imposer au drame, et au contraire
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doit tout recevoir de lui pour tout transmettre au spectateur. [...] Malheur au poète si son vers fait la
petite bouche ! Mais cette forme est une forme de bronze qui encadre la pensée dans son mètre,
sous laquelle le drame est indestructible, qui le grave plus avant dans l'esprit de l'acteur, avertit celui-
ci de ce qu'il omet et de ce qu'il ajoute, l'empêche d'altérer son rôle, de se substituer à l'auteur, rend
chaque mot sacré, et ce que ce qu'a dit le poète se retrouve longtemps après encore debout dans la
mémoire de l'auditoire. L'idée trempée dans le vers, prend souvent quelque chose de plus incisif et
de plus éclatant. C'est le fer qui devient acier.
On sent que la prose, nécessairement bien plus timide, obligée de sevrer le drame de toute poésie
lyrique ou épique, réduite au dialogue et au positif, est loin d'avoir ses ressources. Elle a les ailes bien
moins larges. [...] La médiocrité y est à l'aise.
[...] Disons-le donc hardiment. Le temps en est venu, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté
comme la lumière pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus nativement libre au monde, les
choses de la pensée.
[...] « Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas », disait Napoléon, quand il fut convaincu d'être
homme ; et cet éclair d'une âme de feu qui s'entrouvre illumine à la foi l'art et l'histoire, ce cri
d'angoisse est le résumé du drame et de la vie. »
L’origine d’Hernani
Victor Hugo s’inspire de sources diverses pour cristalliser dans la légende de chevalerie hispanique,
comme dans Le Cid de Corneille, auquel il se référait volontiers, l’ambition romantique de sa
génération. Il tire son sujet ainsi, selon ses dires, d’un passage d’une vieille chronique espagnole :
« Don Carlos, tant qu’il ne fut qu’archiduc d’Autriche et roi d’Espagne, fut un prince amoureux de son
plaisir, grand coureur d’aventures, sérénades et estocades sous les balcons de Saragosse, ravissant
volontiers les belles aux galants, voluptueux et cruel au besoin. Mais du jour où il fut empereur, une
révolution se fit en lui. » Il tira ensuite sans doute l’ambiance hispanique de ses souvenirs de ce pays,
où il habita quelque temps à la suite de son père durant les campagnes napoléoniennes, et de textes
récents sur l’histoire locale, toujours selon ses dires. On peut aussi noter des analogies avec des
pièces qui lui ont peut-être inspiré certains passages : Le Tisserand de Ségovie d’Alarcon ou La
Dévotion à la croix de Calderon (histoires d’amour, d’honneur et de sang) mais aussi des sources
moins latines, tels que Evadne or The Statue de Richard Lalor Sheil (la scène des portraits), Egmont
de Goethe, Les Brigands de Schiller… Cette pièce tire son nom d'une ville espagnole qui a pour nom
Ernani où l'on a rajouté le H de Hugo pour en faire HERNANI.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernani_%28Hugo%29
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Extraits de la pièce
I
LE ROI
Sarragosse
ACTE I
SCENE DEUXIEME
DONA SOL, riant.
C'est là ce qui vous désespère !
Un baiser d'oncle ! Au front ! Presque un baiser de père !
HERNANI
Non. Un baiser d'amant, de mari, de jaloux.
Ah ! vous serez à lui, madame, y pensez-vous !
O l'insensé vieillard, qui, la tête inclinée,
Pour achever sa route et finir sa journée,
A besoin d' une femme, et va, spectre glacé,
Prendre une jeune fille ! O vieillard insensé !
Pendant que d'une main il s'attache à la vôtre,
Ne voit-il pas la mort qui l' épouse de l'autre ?
Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur ?
Vieillard, va-t'en donner mesure au fossoyeur ?
- Qui fait ce mariage ? on vous force, j'espère !
DONA SOL
Le roi, dit-on, le veut.
HERNANI
Le roi ! Le roi ! Mon père
Est mort sur l'échafaud, condamné par le sien.
Or, quoiqu' on ait vieilli depuis ce fait ancien,
Pour l' ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve,
Pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !
Lui, mort, ne compte plus. Et tout enfant, je fis
le serment de venger mon père sur son fils.
[…]
DONA SOL
Vous m'effrayez !
HERNANI
Chargé d'un mandat d'anathème,
Il faut que j'en arrive à m'effrayer moi-même !
Ecoutez : l’homme auquel, jeune, on vous destina,
Ruy de Silva, votre oncle, est duc de Pastrana,
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Riche homme d'Aragon, comte et grand de Castille.
A défaut de jeunesse, il peut, ô jeune fille,
Vous apporter tant d'or, de bijoux, de joyaux,
Que votre front reluise entre des fronts royaux,
[…]
Voilà donc ce qu' il est. Moi, je suis pauvre, et n'eus
Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.
[…]
En attendant, je n'ai reçu du ciel jaloux
Que l'air, le jour et l'eau, la dot qu'il donne à tous.
Or du duc ou de moi souffrez qu'on vous délivre.
Il faut choisir des deux, l'épouser, ou me suivre.
DONA SOL
Je vous suivrai.
HERNANI
Parmi mes rudes compagnons,
Proscrits dont le bourreau sait d'avance les noms,
Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s' émousse,
Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?
Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?
Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !
[…]
DONA SOL
Je vous suivrai.
[…]
DONA SOL
A minuit. Demain. Amenez votre escorte.
Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.
Vous frapperez trois coups.
[…]
DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l’armoire.
Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?
Croyez-vous donc qu'on soit si bien dans une armoire ?
Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos
des yeux effarés.
HERNANI, la main sur la garde de son épée.
Quel est cet homme ?
DONA SOL
O ciel ! au secours !
20
HERNANI
Taisez-vous,
Doña Sol ! vous donnez l'éveil aux yeux jaloux.
Quand je suis près de vous, veuillez, quoi qu'il advienne,
Ne réclamer jamais d' autre aide que la mienne.
A don Carlos.
Que faisiez-vous là ?
DON CARLOS
Moi ? – Mais, à ce qu'il paraît,
Je ne chevauchais pas à travers la forêt.
HERNANI
Qui raille après l'affront s'expose à faire rire
Aussi son héritier !
DON CARLOS
Chacun son tour. – Messire,
Parlons franc. Vous aimez madame et ses yeux noirs,
Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs,
C'est fort bien. J'aime aussi madame, et veux connaître
Qui j'ai vu tant de fois entrer par la fenêtre,
Tandis que je restais à la porte.
HERNANI
En honneur,
Je vous ferai sortir par où j' entre, seigneur.
DON CARLOS
Nous verrons. J'offre donc mon amour à madame.
Partageons. Voulez-vous ? J'ai vu dans sa belle âme
Tant d'amour, de bonté, de tendres sentiments,
Que madame, à coup sûr, en a pour deux amants.
- Or, ce soir, voulant mettre à fin mon entreprise,
Pris, je pense, pour vous, j' entre ici par surprise,
Je me cache, j' écoute, à ne vous celer rien ;
Mais j' entendais très mal et j' étouffais très bien ;
Et puis je chiffonnais ma veste à la française.
Ma foi, je sors !
HERNANI
Ma dague aussi n'est pas à l'aise
Et veut sortir !
[…]
21
Charles Quint
1519 : une année charnière au plan politique
La didascalie initiale qui présente les personnages d’Hernani se termine par ‘indication d’un lieu et
d’une date : « Espagne – 1519 » ; elle inscrit donc d’emblée le drame dans l’histoire. 1519 représente
en effet une année de transition politique aux enjeux énormes, et c’est ce que Victor Hugo choisit de
représenter, notamment dans l’acte IV. L’empereur Maximilien meurt le 12 janvier. Le roi don Carlos,
le roi François Ier de France (alors âgé de vingt-cinq ans), le roi d’Angleterre Henri VIII, le duc de Saxe
Frédéric III le Sage se disputent sa succession pour un Saint-Empire constitué en réalité d’un
assemblage de plusieurs centaines de villes et d’Etats –l4espagen, le royaume de Naples et de Sicile,
la Sardaigne, les Pays-Bas, l’Artois, la Flandre, la France-Conté et les possessions espagnoles
d’Amérique – qui entretiennent des rapports complexes avec les Saint-Siège, donc avec le pape
Léon X.
L’élection de l’empereur du Saint Empire [romain] germanique
L’empereur n’est pas l’héritier héréditaire du pouvoir mais il est élu par un collège, c’est-à-dire
l’assemblée des sept grands électeurs germaniques, les archevêques de Cologne, Mayence et
Trèves, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg (futur duc de Prusse) et le
comte palatin du Rhin ; les électeurs désigneront finalement le 28 juin 1519, entre les deux candidats
restés en lice – le roi d’Espagne et François Ier -, Charles Ier d’Espagne qui est proclamé à dix-neuf
ans, sous le nom de Charles V ou Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, un
immense territoire, sur lequel « jamais le soleil ne s’y couche ».
Cette élection se déroule à Francfort et non à Aix-la-Chapelle comme dans la pièce. En choisissant
un lieu éminemment symbolique comme décor de l’ensemble du quatrième acte, au sein même du
tombeau de Charlemagne, Hugo charge cet événement qu’il a voulu dramatiser d’une importante
dimension politique et épique. Don Carlos est le protagoniste de l’acte qui le montre devenant
Charles Quint. Le spectateur apprend qu’il connaît l’existence d’une conspiration contre lui et qu’il
est près à la châtier sévèrement, il assiste à son attente impatiente des résultats de l’élection, à un
long monologue […] à la fois politique et métaphysique sur le pouvoir, à la proclamation de sa
nomination à la tête du Saint-Empire, à l’arrestation des conjurés et, dans cet acte des
métamorphoses, inspiré par la figure sublime de Charlemagne, à sa clémence inattendue et
grandiose à l’égard des grands d’Espagne révoltés […]. Cet acte généreux prend toute son ampleur
quand il s’adresse à son ennemi intime, Hernani, qui se révèle être le noble Juan d’Aragon et renonce
à sa vengeance devant tant de magnanimité.
L’avènement de Charles Quint, favorisé par la puissance financière des banquiers allemands Fugger,
alliés du Habsbourg, qui remettent aux électeurs des lettres de change payables seulement si
Charles est élu, marque le début d’une longue rivalité entre le royaume de France et l’empire des
Habsbourg. C’est donc le destin politique de quasiment toute l’Europe qui est mis en scène dans
Hernani avec, en même temps la naissance d’un véritable homme d’Etat, des aperçus sur les
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coulisses du pouvoir, la façon dont se trahissent les convoitises comme les ambitions individuelles et
les interactions des puissances politiques, financières et morales.
Ghislaine Zaneboni, in Victor Hugo, Hernani, Hatier Poche, Classiques & Cie, p. 225, L’œuvre dans l’histoire.
HISTOIRE DES ARTS
���� Le Cénacle romantique
En 1820, apparaît le groupe que l'on va qualifier par la suite de romantique : le Cénacle.
Composé de jeunes écrivains français, il se réunit entre 1820 et 1823 d'abord à la bibliothèque de
l'Arsenal (dont Charles Nodier était le conservateur) avec Vigny et Dumas puis chez Hugo.
Le Cénacle accueille aussi de jeunes peintres, musiciens, sculpteurs (Berlioz, Liszt, Chopin,
Deschamps, Delacroix) et de jeunes auteurs romantiques (Charles Nodier, Saint-Beuve, Musset,
Nerval, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Vigny). Tous se passionnent pour les Méditations
Poétiques de Lamartine.
Alphonse de Lamartine, L’isolement, 1820
Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
23
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;
Je ne demande rien à l'immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi !
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
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Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
Alphonse de Lamartine, in Méditations poétiques, 1820
Le Cénacle « passe à l'action » en 1830, le 25 Février, lors de la première d'Hernani.
���� Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903
La première d’Hernani donne lieu à la célèbre querelle entre classiques et romantiques, qui eut
lieu au Théâtre-Français à l'occasion de la première du drame éponyme de Victor Hugo.
Le drame de Victor Hugo, Hernani, est créé à la Comédie-Française le 25 février 1830. Pressentant
un climat hostile, les amis de Hugo décident d'aller soutenir la pièce le premier soir pour s'opposer
aux tenants d'un théâtre traditionnel. À la tête de ce mouvement se trouve Théophile Gautier, en gilet
rouge – c'est lui qui témoignera de cette soirée tumultueuse dans son Histoire du romantisme. Il est
accompagné de Balzac, Nerval, Berlioz… Leur groupe a fort à faire dès le début de la représentation.
L'œuvre surprend par l'audace des situations, l'exaltation d'un amour impossible, la dénonciation
d'un pouvoir sclérosé et par ses vers acrobatiques. Les acteurs jouent devant une salle houleuse où
la violence d'un clan domine l'exubérance du clan adverse ; mais les partisans du romantisme
finissent par l'emporter, à partir du quatrième acte, situé dans le tombeau de Charlemagne à Aix-la-
Chapelle. C'est un triomphe, mais le vacarme se poursuivra pendant les représentations suivantes.
Ce soir-là, le théâtre romantique remporte une victoire historique mais brève sur le théâtre d'esprit
classique. À partir de 1850, les œuvres de Hugo, Dumas, Nerval, Lamartine, Vigny… s'effaceront peu
à peu devant le succès du théâtre bourgeois, tandis que Musset préfère écrire un théâtre édité et non
joué.
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Hernani/103660
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Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903, Maison de Victor Hugo, Paris
Contexte historique
Après Martignac, plus libéral que Villèle, Charles X charge en août 1829 le prince de Polignac de
former un nouveau ministère sans tenir compte de la volonté des Chambres. Les principaux ministres
incarnent la fidélité à l’Ancien Régime et sont l’objet d’une réelle impopularité. Soumise à l’examen
de la censure, la pièce de Victor Hugo est cependant autorisée alors que sa précédente création,
Marion Delorme, avait été interdite par Charles X pour « atteinte à la majesté royale ». Le 29
septembre 1829, Hugo invite ses amis chez lui pour donner lecture d’Hernani, ou l’Honneur castillan,
l'histoire d'amour malheureuse d'un proscrit, Hernani, pour une jeune infante, doña Sol. On
s'enthousiasme pour cette pièce qui rompt avec les canons du théâtre classique, notamment avec
les trois unités de temps, de lieu et d'action énoncées par Boileau sous le règne de Louis XIV. Le soir
du 25 février 1830, le Tout-Paris emplit la salle du Théâtre-Français, pour assister à la « première » du
drame de Victor Hugo, Hernani. Jour de bataille : l'affrontement — romantiques contre classiques —
est annoncé depuis plusieurs semaines ; l'enjeu est de taille. Hugo a mobilisé une claque inhabituelle,
recrutée parmi ses amis.
Analyse de l'image
Fils d’un élève d’Ingres et d’une miniaturiste, le peintre et graveur Albert Besnard se situe à mi-
chemin entre l’académisme et la mouvance impressionniste. Auteur de grandes compositions
(plafond du Théâtre-Français) et de portraits, il peint cette toile pour honorer une commande de Paul
Meurice, fondateur de la Maison de Victor Hugo.
Le tableau représente la salle Richelieu avant le lever du rideau. D’emblée on remarque l’agitation
régnant dans un endroit où le calme et les mœurs policées dominent en temps normal ; « une rumeur
26
d’orage grondait dans la salle », dira Théophile Gautier. Au premier plan, portant les cheveux longs et
des vêtements excentriques en signe d’appartenance à la mouvance romantique, les partisans
d’Hugo ne peuvent tenir en place. Plusieurs d’entre eux, la bouche ouverte, lancent insultes et
quolibets à leurs adversaires. Sur la gauche du tableau, on reconnaît Théophile Gautier, bravant
l’adversaire avec son torse bombé et son gilet rouge. L’un de ses alliés, monté sur la scène, semble
vouloir singer les gestes et la pose d’un spectateur de l’autre camp. Entre ces deux personnages,
tous les occupants des premiers rangs se regroupent en une cohorte informe, parcourue par
l’effervescence de la joute oratoire qu’elle mène avec les autres spectateurs du balcon. Parmi les
défenseurs de la pièce venus pour l’occasion, citons Louis Boulanger, Gérard de Nerval, Alfred de
Musset, Petrus Borel, Célestin Nanteuil, Auguste de Châtillon. La plupart étaient déjà là à l’ouverture
des portes du théâtre en début d’après-midi et se sont livrés pour passer le temps à un chahut où les
chansons l’ont disputé aux cris d’animaux. Entre les « pro » et les « anti » Hernani, la salle compte
d’autres éminents spectateurs venus par simple curiosité. Parmi eux citons en particulier
Chateaubriand.
Dès les premiers vers, la querelle est engagée. « Il suffisait, écrit Théophile Gautier, de jeter les yeux
sur ce public pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas là d'une représentation ordinaire ; que deux
systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, — ce n'est pas trop dire — étaient en
présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que
la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre. L'attitude générale était hostile, les coudes se faisaient
anguleux, la querelle n'attendait pour jaillir que le moindre contact, et il n'était pas difficile de voir que
ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et
ne lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière. » (Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain,
Paris, Librairie José Corti, 1985, p. 393.)
Ponctuée de cris d'indignation, d’ovations et d'échanges variés, la représentation s’achève,
applaudie à tout rompre par la jeune garde romantique. La partie n'est pas jouée pour autant : on
n'en est qu'à la première. La presse du lendemain n'est pas tendre, ni pour Hugo ni pour ses jeunes
acolytes, traités d'obscènes et de républicains.
Interprétation
Après avoir remporté la bataille poétique avec Lamartine, Hugo, Vigny, Nerval, les romantiques
voulaient passer à l'action directe, dont le terrain désigné est le théâtre : là où se font et défont les
réputations, là où l'écrivain est en prise directe avec le public, là où les passions s'exacerbent.
Revendiquer la liberté dans l'art, c'est revendiquer du même pas la liberté de la presse, la liberté
d'expression, les libertés politiques. « C'est le principe de liberté, écrit Hugo, qui […] vient renouveler
l'art comme il a renouvelé la société. » (Lettre d'Hugo de 1830 citée par Paul Bénichou, Le Sacre de
l’écrivain, Paris Librairie José Corti, 1985, p. 393.). Avec le recul, Hernani paraît frapper les trois
coups des « Trois Glorieuses ».
Auteur : Michel WINOCK
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=446
L’EQUIPE ARTISTIQUE
CHRISTINE BERG
Formation d’actrice au Cours René Simon Paris, Etudes de Lettres Modernes
Comédienne de 1980 à 1999 dans plusieurs spectacles mis en scène par Françoise Roche, José
Renault, Jean Deloche, Michèle Berg, Michel Boy.
Metteur en scène
2011 LE MOCHE
de Marius von Mayenburg
2010 LETTRES A LOUISE
de Gustave Flaubert
2009 L’ILE DES ESCLAVES
de Marivaux
LE ROI NU
de Evguéni Schwartz
2008 DES COUTEAUX DANS LES POULES
de David Harrower
LES BONNETIERES
de Bernard Weber, d’après les témoignages d’ouvrières de la bonneterie
2007 SHITZ
de Hanokh Levin
2006 COURTELINE OPERETTE
d’après Georges Courteline
2005 PYGMALION
de Georges Bernard Shaw
SERMONS JOYEUX
de Jean-Pierre Siméon
2004 NOCE
de Jean-Luc LAGARCE
2003 L’INTERVENTION
de Victor HUGO
NOUS LES HEROS
de Jean-Luc LAGARCE (sortie Classes de la Comédie de Reims)
2002 TABLEAU D’UNE EXECUTION
de Howard BARKER
2001 L’ATELIER VOLANT
de Valère NOVARINA
CABARET POUR INVENTER LA LANGUE
d’après Valère Novarina, Jean-Pierre Verheggen
2000 L’OMBRE DE LA VALLEE
de John Millington SYNGE
1999 QUAND JE PARLE, MA VOIX N’EST PAS DETRUITE
de Bernard WEBER, d’après les paroles de femmes algériennes de Reims
1997 LE CHIEN DU JARDINIER
de Lope de Vega (avec les Classes de la Comédie de Reims)
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Formatrice
Responsable des Ateliers Théâtre du Crous / Université de Reims, destinés aux étudiants, de 1992 à
2008.
Enseignante dans les Classes de la Comédie de Reims (école de formation d’acteurs
professionnels) ; dans les classes option théâtre (Lycée Chagall Reims, Lycée Saint-Exupéry Saint-
Dizier) ; au Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims.
Enseignante dans les Unités d’Enseignement Transversales de l’Université de Reims.
ici et maintenant théâtre historique : http://icietmaintenanttheatre.fr/historique.php
LOÏC BRABANT - La duègne, Ricardo
Après les cours Simon, il intègre la classe libre de l’Ecole de l’Acteur Florent puis entre à l’Ecole du
Théâtre National de Chaillot.
Il est pensionnaire à la Comédie-Française pendant quatre ans.
Il a joué notamment sous la direction d’Antoine Vitez dans Le Mariage de Figaro (Beaumarchais) et La
Vie de Galilée (Brecht), de Lluis Pasqual dans Comme il vous plaira (Shakespeare), de Georges
Lavaudant dans Lorenzaccio (Musset), de Dario Fo dans Le Médecin Malgré Lui et Le Médecin
Volant (Molière), de Yannis Kokos dans Iphigénie (Racine).
Acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN, il joue sous la direction de Christian Schiaretti dans
L’Homme, La Bête et la Vertu (Pirandello), Les Mystères de l’Amour (Vitrac), La Poule d’eau
(Witkiewicz), Ahmed Philosophe et les Citrouilles (Badiou), La Place Royale (Corneille), Mère Courage
et ses enfants et L’Opéra de Quat’sous (Brecht), La lune des pauvres (Siméon).
Installé à Reims depuis quelques années il collabore avec plusieurs compagnie qui sont implantées
en Champagne-Ardenne : SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans John a
disparu (Horowitz), Rêve d’automne (Fosse), L’anniversaire (Pinter) et Les Trois sœurs (Tchekhov) ;
Théâtre Théâtre sous la direction de Serge Added dans L’Armoire (Added), Jouer Bartleby (Melville)
et Faisons un rêve (Guitry) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans
Pygmalion (Shaw), L’Ile des esclaves (Marivaux).
VANESSA FONTE - doña Sol
Après l’école Claude Mathieu à Paris, elle intègre le Conservatoire National Supérieur d’Art
Dramatique de Paris de 2007 à 2010.
Depuis elle a joué notamment sous la direction de Georges Weler dans Le Malade imaginaire
(Molière) et Le Roi se meurt (Ionesco) et de Gérard Desarthe dans Les Estivants (Gorki).
JEAN-MICHEL GUERIN – don Ruy Gomes
Sous la direction de Christian Schiaretti, il est acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN et joue
dans la plupart de ses mises en scène, notamment : L’Homme, la Bête, la Vertu (Pirandello), La
Noce chez les petits bourgeois (Brecht), Le grand théâtre du monde (Caldéron), Les Coréens
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(Vinaver), Ahmed le subtil, Ahmed philosophe, Ahmed se fâche (Badiou), D’entre les morts, Le petit
ordinaire et La lune des pauvres (Siméon), L’amour des mots (Calaferte).
Il est également metteur en scène. Il a fondé et co-dirigé la compagnie C’est la nuit. Il a mis en scène
Théophile en prison d’après Théophile Viau, Lecture sous l’arbre, Mythologies d’après Pierre Michon,
Le Nom sur le bout de la langue (Quignard).
Au cinéma et à la télévision, il joue notamment dans Ma femme est une actrice de Yvan Attal, Les
Duellistes de Denis Granier-Deferre, Camping sauvage de Bonilauri et Ali.
Il collabore avec plusieurs compagnies de Champagne-Ardenne : Alliage Théâtre sous la direction de
José Renault dans L’Amour des mots (Calaferte) et Arlequin serviteur de deux maîtres (Goldoni) ;
SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans L’Anniversaire (Pinter) et Les Trois
sœurs (Tchekhov) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans Tableau d’une
exécution (Barker) et Le Roi nu (Schwartz).
ANTOINE PHILIPPOT - Hernani
Après des études de Lettres modernes, il intègre l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg –
promotion 2008.
Il a joué au théâtre sous la direction de Olivier Py dans Conte de Grimm (Grimm), de Marion Lécrivain
dans L’Homme qui rit (Hugo), de Jean-Pierre Garnier dans La Coupe et les lèvres (Musset), de Jean-
Michel Ribes dans René l’énervé et Christine Berg dans Le Roi Nu (Schwartz) et Lettres à Louise
(Flaubert).
PIERRE-BENOIST VAROCLIER – don Carlos
Après des études d'économie et de philosophie, il devient doctorant en lettres modernes de l'Ecole
Normale Supérieure. Il intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique puis la
London Academy of Music and Dramatic Art.
Au cinéma, il a joué pour Volker Schlöndorff, Guillaume Canet, Philippe Lioret, Gérard Mordillat et
Philippe Garrel.
Il a joué au théâtre sous la direction de David Géry dans Les Acteurs de bonne foi (Marivaux), de
François Rancillac dans Le Roi s’amuse (Hugo) et Nicolas Liautard dans Le Misanthrope (Molière).
GABRIEL PHILIPPOT – compositeur et pianiste
Après une Licence de Musicologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, il est actuellement
en seconde année de master au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en écriture
musicale. Il a obtenu son prix d’Harmonie au CNSMP en 2011.
Depuis 2007 il est compositeur, arrangeur et musicien pour la compagnie Ici et maintenant théâtre.
PIERRE - ANDRE WEITZ – scénographie et costumes
Après des études instrumentales, Pierre- André Weitz suit des études d’Art Lyrique au Conservatoire
de Strasbourg et obtient un diplôme d’architecte.
30
Après avoir été assistant décorateur de Marie-Hélène Butel et de Gilone Brun, il signe ses premiers
décors et costumes avec George Dandin (Molière), puis enchaîne avec La Mouette (Tchekhov). Il
travaille ensuite avec Pierre-Etienne Heymann, François Rancillac et François Berreur.
Depuis 1993, Pierre-André Weitz collabore aux mises en scène d’Olivier Py, dont il crée les décors,
notamment Les aventures de Paco Goliard (Py), Les drôles (Mazev).
Il signe également les costumes de La servante et Nous les héros (Lagarce), Miss Knife et sa
baraque chantante (Rivaud/Py), Le visage d’Orphée, la jeune fille, le diable et le moulin et L’eau de la
vie (d’après Grimm) ou encore Le soulier de satin (Claudel).
Il travaille également avec Jean-Michel Rabeux pour les décors et les costumes de Arlequin poli par
l’amour (Marivaux), L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (Copi), Déshabillages (Rabeux) et
récemment pour Feu l’amour d’après trois pièces de Feydeau.
Pour l’Opéra, Pierre-André Weitz a collaboré aux productions du Freischütz (Weber) à Nancy en
1999, des Contes d’Hoffmann (Offenbach) à Genève en 2001, de La damnation de Faust (Berlioz) à
Genève en 2003, tous mis en scène par Olivier Py puis Othello (Verdi) dans une mise en scène de
Michel Raskine à l’Opéra de Lyon.
En tant que chanteur, Pierre-André Weitz a participé à plusieurs productions de l’Atelier Lyrique du
Rhin, de l’Opéra du Rhin et de l’Opéra de Lyon.
Il enseigne la scénographie à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg.
Bibliographie
- Victor HUGO, Hernani, Gallimard, Folio Théâtre, 1995.
- Paul BENICHOU, Le Sacre de l'écrivain, 1750-1830, Paris, Librairie José Corti, 1985, rééd.
Gallimard, 1996.
- Théophile GAUTIER, Victor Hugo, publication posthume, 1902, rééd. Honoré Champion, 2000.
- Hubert JUIN, Victor Hugo, tome I « 1802-1843 », Paris, Flammarion, 1992.
- Anne MARTIN-FUGIER, Les Romantiques, 1820-1848, Paris, Hachette, 1999.
- Emile VERHAEREN, Hugo et les romantiques, Bruxelles, Complexe, 2002.
Sitographie
Le site de la compagnie - ici et maintenant théâtre - :
- http://icietmaintenanttheatre.fr/
et la page du spectacle :
- http://icietmaintenanttheatre.fr/spectacle1.php?id=19
La page du spectacle sur theatre-contemporain.net :
- http://theatre-contemporain.net/spectacles/Hernani/
LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde 3 chaussée Bocquaine
51100 Reims Tél : 03.26.48.49.00
www.lacomediedereims.fr
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