Dérivation ventriculo-péritonéaledu liquide cérébro-spinal
Jean ChazalService de neurochirurgie A,CHU de Clermont-Ferrand,Université d’Auvergne<[email protected]>
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DÉFINITIONS
La derivation ventriculo-peritoneale (DVP) du
liquide cerebro-spinal (LCS) est le moyen le plus
utilise pour traiter une hydrocephalie.
L’hydrocephalie est la consequence d’une gene a
la circulation - resorption du LCS soit a l’inte-
rieur du cerveau dans les ventricules, soit a sa
surface ou celle de la moelle spinale (figure 1).
Cette gene est provoquee par la presence d’un
obstacle qui n’est pas toujours visible sur les
explorations d’imagerie (scanner et resonance
magnetique nucleaire).
Une accumulation de LCS se produit et le but de
la DVP est de traiter cette accumulation de LCS
en le derivant des ventricules du cerveau vers le
peritoine abdominal, membrane assurant l’etan-
cheite de la cavite abdominale, capable de resor-
ber le liquide derive.
Sur le plan clinique, l’hydrocephalie peut se
reveler de facon aigue ou chronique.
La forme aigue peut se produire rapidement, en
quelques heures ou quelques jours, avec un
tableau clinique bruyant caracterise par des
cephalees, accompagnees eventuellement de
nausees, de vomissements, de vertiges, de trou-
bles visuels (flou ou vision double) et de bour-
donnements d’oreilles.
La forme chronique apparaıt insidieusement.
Elle est plus frequente chez les sujets ages, chez
lesquels elle a ete nommee initialement « hydro-
cephalie a pression normale ». Le tableau cli-
nique comporte des troubles de la marche, des
troubles psycho-intellectuels (troubles de la
memoire, desorientation temporo-spatiale, fati-
gabilite intellectuelle, desinteret) et des troubles
sphincteriens (envies pressantes et fuites urinai-
res le plus souvent).
Deux alternatives existent a la DVP :
– la derivation ventriculo-cardiaque (DVC), utili-
see essentiellement quand il existe une contre-
indication a la DVP ;
– la ventriculo-cisternostomie endoscopique,
methode de choix quand un obstacle evident
est mis en evidence dans le systeme ventricu-
laire et qu’il est possible de la contourner en
creant pour le LCS un passage qui naturelle-
ment n’existe pas.
TECHNIQUE ET MATÉRIEL UTILISÉ
La derivation est installee entre les ventricules
du cerveau et la cavite abdominale.
L’implantation du catheter ventriculaire, point
de depart de la derivation, ne necessite pas de
rasage. Une tonsure de petite surface est prati-
quee pour l’incision cutanee, dont la longueur
est de 2 a 3 cm, soit au-dessus et en arriere de
l’oreille, soit dans la region frontale.
Le catheter ventriculaire est introduit dans le
ventricule cerebral, le droit en general, par l’in-
termediaire d’un trou de trepan de 5 a 10 mm de
diametre (figure 2A, B). Ce catheter est raccorde
a la surface du crane a une valve (volume d’une
amande environ) dont le role est de controler le
debit du LCS derive. Cette valve est raccordee
elle-meme a un autre catheter tunnellise sous
la peau jusque dans la region abdominale, ou il
est implante dans la cavite peritoneale
(figure 2C) avec une longueur variant de 20 cm
chez l’adulte a 40 cm chez l’enfant (en prevision
de la croissance).
Dans la plupart des cas, le materiel implante est
invisible sous la peau. Il arrive cependant qu’il
fasse legerement saillie, particulierement chez
les sujets dont la peau est peu epaisse. Dans quel-
ques cas, il se peut que le chirurgien decide d’im-
planter la valve elle-meme a distance du crane
dans la region thoracique, particulierement lors-
qu’elle est construite avec des materiaux suscep-
tibles de parasiter les examens complementaires
par scanner ou resonance magnetique nucleaire.
Lorsqu’il existe une contre-indication a l’utilisa-
tion du peritoine, la derivation peut se faire en
direction du cœur, par l’intermediaire d’un
tronc veineux de la region cervicale, le catheter
etant implante dans l’oreillette droite du cœur,
sous controle radioscopique.
La duree d’une intervention chirurgicale pour la
mise en place d’une derivation ventriculo-
peritoneale ou cardiaque est de 35 a 60 minutes.
Elle peut etre pratiquee quel que soit l’age du
patient, qu’il s’agisse d’un nourrisson, y compris
d’un premature de faible poids, ou d’un sujet tres
age. Elle est realisee sous anesthesie generale.
La valve regulant la derivation du LCS fonc-
tionne avec un debit d’autant plus eleve que le
sujet est en position debout, en raison d’une
pression differentielle entre son extremite infe-
rieure et son extremite superieure ; il se produit
un effet « siphon » a partir de la cavite perito-
neale ou cardiaque, situee naturellement beau-
coup plus bas que les ventricules cerebraux.
En position couchee, la pression entre les deux
extremites a tendance a s’egaliser et la valve ne
fonctionne que si la pression dans les ventricules
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DOI : 10.1684/nro.2009.0141 neurologie.com | vol. 1 n°8 | octobre 2009 1
Docteur qu ’est-ce que?
s’eleve et devient superieure a la pression regnant dans la
cavite peritoneale ou cardiaque.
Il existe aujourd’hui, sur le marche, plus d’une centaine de
types de valves. Les plus frequemment implantees dans
notre pays sont les valves a pression d’ouverture reglable
par voie transcutanee, le reglage pouvant se faire au cours
d’une simple consultation. Il a pour but d’augmenter ou
de reduire le debit de la derivation en fonction des resul-
tats obtenus sur le plan clinique et dans le domaine de
l’imagerie.
Dans 20 % des cas, l’hydrocephalie peut etre traitee sans
implantation d’une derivation, par une ventriculo-
cisternostomie en technique endoscopique. Il s’agit de
retablir une circulation normale du LCS du systeme ventri-
Figure 1. Schematisation du cerveau et de la moelle spinale. Les points noirs representent les obstacles eventuels a la circula-
tion du LCS a l’interieur des ventricules, a la peripherie du cerveau ou de la moelle, tandis que le trait noir represente le cathe-
ter dans un des ventricules lateraux.
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culaire vers la surface du cerveau, en perforant une mem-
brane non fonctionnelle, normalement etanche et dont
l’ouverture permet au LCS circulant de contourner l’obsta-
cle se trouvant dans le systeme ventriculaire. Cette tech-
nique n’est pas applicable aux hydrocephalies dont la
gene a la circulation du LCS n’est pas clairement mise en
evidence par l’imagerie (figure 3).
COMPLICATIONS
L’infection est la complication la plus redoutable. Sa fre-
quence est variable selon les services. Le taux moyen est
estime a 4 %, avec une predominance des infections preco-
ces, dans le premier mois qui suit l’implantation (70 %).
Elles peuvent survenir beaucoup plus tardivement,
au-dela de 6 mois dans 10 % des cas.
Le germe le plus frequemment responsable est le staphylo-
coque epidermidis qui, eventuellement present sur la peau
du patient, peut coloniser la derivation. Le tableau clinique
comporte des signes de meningite, une hyperthermie, des
douleurs abdominales dans le cas d’une DVP. Il peut se com-
pliquer d’une septicemie dans le cas d’une DVC.
Le plus souvent, la derivation doit etre retiree chirurgica-
lement, remplacee par une derivation temporaire vers l’ex-
terieur, en attendant que l’antibiotherapie adaptee ait
gueri l’infection. La DVP, ou la DVC, peut alors etre reim-
plantee en utilisant si possible un site d’implantation et
un trajet differents. Dans le cas particulier d’une DVC, il
peut se produire des complications thrombotiques du sys-
teme veineux conduisant le catheter au cœur, voire des
calcifications intracardiaques. Il est alors souhaitable de
transformer cette DVC en DVP.
L’implantation d’une derivation dans le peritoine peut se
compliquer de problemes purement abdominaux (10 % des
cas environ). Il peut s’agir de pseudo-kystes par defaut de
resorption du LCS par le peritoine. Dans 50 % des cas, une
infection est responsable. Il peut s’agir d’une ascite, surve-
nant generalement lorsque la derivation a ete implantee
chez un patient souffrant d’une tumeur cerebrale a l’ori-
gine de l’hydrocephalie. Une appendicite peut survenir
particulierement chez l’enfant (3,2 ‰ par an), la frequence
des appendicites chez les enfants porteurs d’une DVP etant
plus elevee que chez les enfants sans prothese.
D’autres complications sont citees, plus rares : hernie et
hydrocele, perforation viscerale, occlusion sur bride.
Une DVP ne constitue pas une contre-indication a une
chirurgie digestive eventuelle, y compris par laparoscopie.
Une exception est constituee par la survenue d’une perito-
nite qui impose que la derivation soit temporairement
retiree de la cavite abdominale, le temps de la guerison
de la peritonite.
La DVP ne contre-indique pas la grossesse et l’accouche-
ment par voie basse ou par cesarienne.
La DVP et la DVC constituent un materiel prothetique com-
portant des zones de connexions. Des accidents mecani-
ques peuvent se produire, particulierement chez l’enfant,
chez lequel la croissance est une des causes essentielles de
ce type de complication.
Une deconnexion de l’un des elements de la derivation peut
se produire, avec eventuellement la migration de celui-ci.
Le retrait du materiel migre, que ce soit dans la cavite peri-
toneale ou dans la cavite cardiaque est souhaitable.
Il est generalement admis qu’un nourrisson qui recoit une
DVP sera reopere au moins une fois avant l’age adulte.
Chez l’adulte, le taux des complications mecaniques est
plus faible, aux environs de 5 %.
Des complications liees au fonctionnement du materiel
lui-meme peuvent se produire :
– l’hypodrainage (insuffisance de drainage) : se caracteri-
sant par la persistance des troubles cliniques et de la dila-
tation des ventricules cerebraux ;
– l’hyperdrainage (exces de drainage) : se traduisant soit
par un affaissement du cerveau, avec constitution a sa
peripherie d’hematomes (hematomes sous-duraux), soit
par une diminution trop importante du volume des ven-
tricules cerebraux, qui deviennent trop petits (ventricules
fentes) avec pour consequence un mauvais fonctionne-
ment de la derivation.
Figure 2. A) Site cranien d’implantation possible de la DVP. B) Site cranien d’implantation possible de la DVP. C) Site d’implantation du catheter peritoneal.
A B C
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L’utilisation de valves dont le debit est reglable par voie
transcutanee permet de pallier le plus souvent ces deux
types de complications sans avoir a reintervenir chirurgi-
calement.
En cas d’hypodrainage, il faut augmenter le debit de la
valve.
En cas d’hyperdrainage, les hematomes sous-duraux peu-
vent se resorber « spontanement » a la suite d’une diminu-
tion du debit de la valve, permettant aux ventricules de se
dilater a nouveau et au cerveau de reprendre sa place.
Cette procedure peut se reveler insuffisante, et il n’est pas
exceptionnel qu’un hematome secondaire a un hyperdrai-
nage justifie une intervention chirurgicale d’evacuation.
Le probleme des ventricules fentes est plus difficile a trai-
ter. En theorie, la diminution du debit de la valve permet
aux ventricules de se dilater a nouveau et de reprendre
une taille voisine de la normale. Dans la realite, la proce-
dure de reglage de la valve par voie percutanee peut se
reveler insuffisante, et une intervention plus complexe,
destinee a augmenter la capacite volumique du crane, est
necessaire. Cette situation se produit le plus souvent chez
les patients qui ont recu une DVP dans l’enfance, et dont le
volume cranien s’est insuffisamment developpe en raison
d’un systeme liquidien de trop petit volume.
RÉSULTATS
Chez l’enfant, le taux de resultats favorables, avec inser-
tion scolaire normale, est compris entre 60 et 80 % selon
les series. Dans les cas ou il existe un handicap, la persis-
tance de troubles neurologiques est le plus souvent liee
(80 %) a la maladie qui s’est compliquee d’une hydrocepha-
lie ou qui s’est associee a celle-ci (par exemple une menin-
gite ou une meningo-encephalite).
Figure 3. Ventriculo-cisternostomie. La sonde perfore une membrane non fonctionnelle retablissant la circulation du LCS bloquee dans
l’aqueduc (a).
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Chez l’adulte, le taux de resultats favorables est d’autant
plus eleve qu’il s’agit d’une hydrocephalie avec une cause
connue, sachant que la derivation ne traite que les conse-
quences directes de l’hydrocephalie, les consequences de la
maladie responsable (par exemple une hemorragie menin-
gee) pouvant persister.
Chez le sujet age, souffrant d’hydrocephalie chronique
(dite a pression normale), le taux de succes est variable,
de 50 a 70 %. Les resultats insuffisants ou les echecs sont
le plus souvent lies a une pathologie cerebrale associee,
comme une maladie degenerative de type Alzheimer, ou
une pathologie vasculaire, atheromateuse ou hypertensive.
SUIVI
Chez l’enfant, une premiere consultation apres la mise en
place de la derivation est prescrite a 3 mois, puis tous les
un a 2 ans, selon les services.
Un controle radiologique de la derivation est conseille avec
une frequence determinee par la croissance, en moyenne
tous les 2 ans.
Chez l’adulte, une consultation de controle est egalement
prescrite a 3 mois. La surveillance ulterieure peut ne com-
porter qu’une consultation tous les 2 a 3 ans.
Un scanner cerebral ou un examen par resonance magne-
tique nucleaire est justifie en bonne periode clinique. Il ser-
vira de point de comparaison en cas de complication et
donc de degradation du statut clinique (figure 4).
Les valves reglables par voie percutanee comportent des
elements ferromagnetiques et le reglage peut etre modifie
par un passage a l’IRM. Leur controle en service de neuro-
chirurgie est donc necessaire apres l’examen IRM.
Un patient porteur d’une derivation du LCS, son entou-
rage, ses parents s’il s’agit d’un enfant, doivent etre claire-
ment informes des signes de dysfonctionnement d’une
derivation : cephalees, nausees, vomissements, hyperther-
mie, hypersomnie, douleurs abdominales, alteration inex-
pliquee des performances scolaires, reapparition des trou-
bles neurologiques qui ont justifie la mise en place de la
derivation.
Aucune activite professionnelle et sportive n’est contre-
indiquee, a l’exception de la plongee sous-marine, suscep-
tible de comporter des variations de pression intracra-
nienne pouvant deborder les capacites d’adaptation de la
derivation, et les sports violents comportant des risques de
traumatisme cranien repetes.
Enfin, il est conseille a tout sujet porteur d’une derivation
du LCS, d’avoir sur lui une fiche ou une carte mentionnant
le type de sa valve et les chiffres du dernier reglage
pratique.
Figure 4. A) Hydrocephalie avec dilatation des ventricules lateraux. B) Hydrocephalie traitee, catheter ventriculaire en place.
A B
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