Download - Déclaration conjoint contre_le_gaspillage_alimentaire

Transcript
Page 1: Déclaration conjoint contre_le_gaspillage_alimentaire

1

Déclaration conjointe contre le gaspillage alimentaire  

   Nous, universitaires et chercheurs des universités de différents pays, membres du Parlement européen, hommes et femmes politiques, représentants d'organisations internationales et de la société civile, nous sommes réunis aujourd'hui, le 28 Octobre 2010, au Parlement européen à Bruxelles pour agir ensemble en faveur de la prévention et de la réduction du gaspillage alimentaire à l'échelle européenne et mondiale. La quantité de nourriture gaspillée est alarmante. On estime que 50% de la nourriture produite dans le monde est perdue, gaspillée ou transformée, dans des proportions extrêmement variables suivant les pays et les saisons (Lundqvist, 2010). Si le monde entier était aussi vorace que les Européens, il faudrait trois planètes pour nourrir la population mondiale (FAO et l’institut pour l’Environnement de Stockholm). En Grande-Bretagne, tous les ans, 18 millions de tonnes de nourriture encore parfaitement comestible sont jetées (WRAP) par les seuls ménages ; ce gaspillage représente un coût annuel de 14 milliards de livres sterling (environ16,5 milliards d’euros). Pourtant, 4 millions de personnes au Royaume-Uni n'ont pas accès à une alimentation saine. En Suède, on estime qu’un ménage moyen jette 25% des aliments achetés. En Italie, environ 20 millions de tonnes de déchets alimentaires se forment chaque année tout au long de la chaîne alimentaire, de la production à la distribution. Le peuple danois jette annuellement 2,93 milliards de dollars (environ 2,15 milliards d'euros) à la poubelle. Une famille danoise moyenne avec 2 adultes et 2 enfants jette l’équivalent de 1341 euros de produits alimentaires chaque année (Conseil Danois de l'agriculture et l'alimentation, 2010). Selon une étude publiée récemment par l’ADEME, un français jette en moyenne 7 kilos d’aliments non entamés et encore emballés chaque année. En France, près de 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Une étude réalisée par l'Institut national du diabète et des maladies digestives et rénales a démontré que 40% des aliments produits aux États-Unis étaient jetés tout au long de la chaîne alimentaire.

Page 2: Déclaration conjoint contre_le_gaspillage_alimentaire

2

Parallèlement à ce gaspillage à tous les niveaux, la suralimentation devient un grave problème de santé publique dans un nombre croissant de pays. Selon une étude américaine menée par PLoS One, les Etats-Unis et les pays occidentaux consomment chaque jour un excédent de 1400 calories par personne, soit un total de 150 trillions de calories par an. Nous sommes donc profondément alarmés par la quantité de nourriture gaspillée et par le nombre croissant de personnes souffrant de la faim dans le monde (elles sont environ 1 milliard aujourd’hui). Nous nous trouvons à un point critique de l'histoire de l’humanité et de l’histoire de la planète : la rareté des ressources, la dégradation des systèmes de subsistance et l'insécurité alimentaire d’une très large partie de la population sont de graves sources de préoccupation et représentent des défis majeurs pour le monde de demain. Le gaspillage alimentaire a de lourds impacts sur l'environnement, l’économie, la société et la santé. Il représente plus d’un quart de la consommation totale de l'eau douce, ressource fragile et limitée, et plus de 300 millions de barils de pétrole par an, selon une étude publiée récemment. Chaque tonne de nourriture gaspillée génère en moyenne 4,2 tonnes de CO2 (même s’il faut tenir compte de variations importantes entre les produits d’origine animale et les produits d’origine végétale). Cesser de gaspiller de la nourriture équivaudrait à retirer une voiture sur 4 de la circulation au Royaume-Uni (LoveFoodHateWaste.com, 2008). 1. Par la présente déclaration, nous proclamons notre engagement de réduire de 50% la quantité de nourriture gaspillée tout au long de la chaine alimentaire, au niveau régional, national et mondial. Nous appelons tous les acteurs de la chaîne alimentaire, de la fourche à la fourchette (agriculteurs, acteurs de la distribution et de la commercialisation, consommateurs) à se mobiliser pour rendre cet objectif réalisable. 2. Nous préconisons que la réduction de 50% du gaspillage alimentaire à l'échelle mondiale devienne un élément essentiel de toutes les politiques agricoles et sociales au niveau national, tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement.

Page 3: Déclaration conjoint contre_le_gaspillage_alimentaire

3

Des démarches doivent être engagées dès aujourd’hui afin d'identifier les mesures à adopter pour que cet objectif soit atteignable d'ici 2025. 3. A partir des organismes fondateurs de cette déclaration, nous visons à créer un partenariat mondial contre le gaspillage alimentaire afin d’augmenter la portée de cet engagement et d’impliquer un nombre croissant d’acteurs de la chaine alimentaire et de membres de la communauté. Ce partenariat mondial s'engagera à mutualiser les technologies, les méthodes, les projets et les idées susceptibles d’augmenter la capacité des institutions mondiales, européennes, nationales et régionales et des gouvernements à trouver des solutions contre le gaspillage alimentaire. 4. Nous demandons à l'Organisation des Nations Unies d’inclure la lutte contre le gaspillage alimentaire dans l'objectif 7 («préserver l’environnement») des Objectifs du Millénaire pour le Développement, afin de parvenir de manière concertée et organisée à réduire le gaspillage alimentaire. 5. Les institutions internationales ont souligné à maintes reprises la nécessité urgente d'aider les pays en voie de développement et les économies émergentes à augmenter leur production agricole et alimentaire, notamment en augmentant les investissements, tant publics que privés, dans l'agriculture, le secteur agro-alimentaire et le développement rural. En plus d'augmenter la production agricole, il est nécessaire de renforcer autant que possible l’efficacité de la chaine d’approvisionnement, c’est à dire de permettre que les aliments produits atteignent effectivement les consommateurs. En accord avec la déclaration finale des ministres de l'agriculture des pays du G8 en 2009 sur "l'Agriculture, la sécurité alimentaire et l'agenda international", nous demandons un soutien accru (y compris au moyen d’investissements dans la science, la recherche, la technologie, l'éducation, la diffusion et l'innovation) dans l'agriculture, la chaine alimentaire et les actions en direction des consommateurs, afin de réduire le gaspillage alimentaire. Lors du Sommet Mondial de l'Alimentation en 2009, il a été décidé d'augmenter la production agricole alimentaire de 70% d’ici 2050 — une augmentation considérable —, mais aucune discussion n’a évoqué une approche complémentaire, consistant à rendre la chaîne d'approvisionnement plus efficace et donc à réduire la quantité de nourriture jetée. Il est temps de reconsidérer l'attitude courante de

Page 4: Déclaration conjoint contre_le_gaspillage_alimentaire

4

prodigalité vis à vis de nos maigres ressources. Et de changer nos modes de consommation dispendieux et nos habitudes de gaspillage. 6. Nous exhortons les gouvernements et les organisations telles que la Food Standards Agency à développer des solutions pratiques et à améliorer la communication afin d’aider les consommateurs à tirer le meilleur profit de la nourriture qu'ils achètent et de leur apprendre à moins la gaspiller. Nous appelons à plus de transparence dans l’étiquetage des produits et demandons que les emballages alimentaires soient conçus pour faciliter la consommation intégrale de la nourriture qu’ils contiennent. Nous demandons aux représentants politiques, aux institutions publiques, aux autorités et aux médias d’informer le public du problème du gaspillage alimentaire par le biais d’actions de sensibilisation et de campagnes d’information. Nous incitons l'Union européenne à s'engager dans le développement de l'intelligence écologique. « L’intelligence écologique » désigne la capacité d’analyser l’impact de chaque action sur l'environnement et les écosystèmes. C’est une étape essentielle dans tout effort visant à minimiser la détérioration de nos ressources et à promouvoir un mode de vie durable. Elle doit être soutenue par la législation et faire l’objet d’actions de sensibilisation du grand public. Grâce à une prise de conscience renouvelée et participative de l'environnement, nous espérons que les citoyens européens contribueront à la réalisation de cet objectif. 7. Nous exhortons la Commission européenne à prendre position sur la question du gaspillage alimentaire et nous demandons que la lutte contre le gaspillage alimentaire devienne l'un des points prioritaires à l'ordre du jour de la Commission européenne. Vu les articles 191 et 192 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui visent à promouvoir un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement, nous demandons instamment à la Commission européenne de revoir la législation existante applicable aux déchets en vue d'élaborer une proposition de directive spécifique d’ici 2015. Nous invitons la Commission à procéder à une comptabilisation, dans les plans nationaux d'émission de gaz à effet de serre, des économies réalisées, en équivalent de CO2, par le recyclage et le compostage et à soutenir les États membres dans l’introduction d’objectifs contraignants et ambitieux de recyclage des déchets alimentaires.

Page 5: Déclaration conjoint contre_le_gaspillage_alimentaire

5

 Les promoteurs de la Déclaration contre le gaspillage alimentaire:    1. Andrea Segre, Doyen de la Faculté d'agriculture de l'Université de Bologne et président de Last Minute Market (Italie). 2. Silvia Gaiani, chercheur, département d'économie agricole, Faculté d'agriculture de l'Université de Bologne (Italie). 3. Luca Falasconi, chercheur, département d'économie agricole, Faculté d'agriculture de l'Université de Bologne, et partenaire de Last Minute Market (Italie). 4. Guillaume Bapst, co-fondateur de l'A.N.D.E.S, Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires (France) 5. Tory Coates, FoodCycle (Royaume-Uni) 6. Paul Connett, professeur de chimie, St. Lawrence University, New York (Etats-Unis) 7. Jan Lundqvist, professeur en politique de l'eau, SIWI, (Suède) 8. Selina Juul, Stop Wasting Food Movement (Danemark) 9. Claudio Pagliara, journaliste, correspondant de la RAI à Jérusalem (Israël),

 Références - ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), Le gaspillage alimentaire au cœur de la campagne nationale grand public sur la réduction des déchets Dossier de Presse, 15 Novembre2010. - Lundqvist, J., C. de Fraiture and D. Molden. Saving Water: From Field to Fork – Curbing Losses and Wastage in the Food Chain. SIWI Policy Brief. SIWI, 2008. - WRAP, Household Food and Drink Waste in the UK, November 2009. - Danish Agriculture & Food Council Report 2010. - Kevin D. Hall, Juen Guo, Michael Dore, Carson C. Chow, “The Progressive Increase of Food Waste in America and Its Environmental Impact”, Laboratory of Biological Modeling, National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases, Bethesda, Maryland, United States of America, 2009. http://www.fao.org/wsfs/world-summit/en/ http://www.g8agricultureministersmeeting.mipaaf.com/en/ http://www.LoveFoodHateWaste.com

Page 6: Déclaration conjoint contre_le_gaspillage_alimentaire

6

http://www.lisbon-treaty.org/wcm/the-lisbon-treaty/treaty-on-the-functioning-of-the-european-union-and-comments/part-3-union-policies-and-internal-actions/title-xx-environment-climate-change/479-article-191.html http://www.lisbon-treaty.org/wcm/the-lisbon-treaty/treaty-on-the-functioning-of-the-european-union-and-comments/part-3-union-policies-and-internal-actions/title-xx-environment-climate-change/480-article-192.html