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La maladie Cœliaque
Pr Jacques SCHMITZ Service de Gastro-entérologie, Hôpital Necker Enfants malades, Paris
Pr Christophe CELLIER Service de Gastro-entérologie, Hôpital Européen, Georges Pompidou, Paris
La maladie cœliaque, ou intolérance au gluten, se manifeste typiquement, par un syndrome de malabsorption. C'est
l'ingestion du gluten qui entraîne, chez un sujet génétiquement prédisposé, une atrophie villositaire de la muqueuse
intestinale1. Il ne faut pas confondre l'intolérance au gluten avec l'allergie au gluten, plus rare, qui met en jeu les
mécanismes immunitaires, en particulier les réactions à IgE (œdème de Quincke…).
Les prévalence des formes symptomatiques, chez l'adulte, est assez variable en Europe, comprise entre 1/1000 et
0,1/1000 2,3. Elle n'est pas connue en France où une enquête récente a révélé une incidence annuelle de 1,3/100000 dans
la Somme. Chez l'enfant, l'incidence annuelle est voisine de 1/2500, comme dans le reste de l'Europe. La prévalence des
formes silencieuses, asymptomatiques, de la maladie, détectées par des tests sérologiques positifs (voir plus loin) est
probablement 6 à 10 fois plus élevée (1/200 à 1/500) si les études en cours en France confirment les données qui
s'accumulent en Europe et en particulier en Italie. La prévalence de la maladie paraît donc en forte augmentation, elle est
plus souvent diagnostiquée, parce que son dépistage est plus facile. Le traitement est unique : c'est l'éviction totale du
gluten de l'alimentation. Ce régime, qui peut paraître contraignant, entraîne une régression totale des signes de la maladie.
Quelques mots sur le gluten
Le gluten est, en technologie boulangère, la fraction protéique de la farine de blé ou d'autres céréales. Les protéines du
gluten qui déclenchent la maladie portent un nom différent selon l'origine de la farine : gliadines, issues du blé et de
l'épeautre (une sorte de blé), sécalines du seigle, hordéines de l'orge et avenines de l'avoines. Ce sont les protéines des
céréales les plus proches génétiquement du blé qui sont les plus toxiques : ainsi, l'avoine, plus lointaine parente du blé que
les deux autres, est justement celle dont la toxicité a été récemment infirmée. Les caractérisation des peptides toxiques de
gliadine est en cours4.
Les différentes formes cliniques
La forme du nourrisson et du jeune enfant est la plus classique. L'enfant présente une diarrhée chronique, est fatigué,
anorexique, et renfermé. Son abdomen est ballonné et ses membres grêles. Il existe le plus souvent un ralentissemnt de la
croissance. Plus rarement, chez l'enfant plus âgé, la maladie peut être moins atypique, limitée à une petite taille isolée, une
anémie ferriprive chronique, des anomalies de l'émail dentaire, ou des arthralgies5.
Chez l'adulte, les signes habituels de la maladie sont, comme chez l'enfant, la diarrhée et un amaigrissement inquiétant6,7.
Plus souvent que chez ce dernier, la maladie est monosymptomatique (anémie ferriprive, ostéoporose…) ou atypique (se
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manifestant par des crampes musculaires, une stomatite aphteuse, des irrégularités menstruelles, voire des fausses
couches à répétition, un hippocratisme digital)3,7. Il faut donc penser systématiquement à la maladie cœliaque devant ces
symptômes2.
Le terrain
La maladie est fréquente en Europe et aux Etats-Unis. AU contraire, elle est rare, voire exceptionnelle, en Asie ou en
Afrique sub-saharienne.
Les antécédents familiaux de la maladie cœliaque sont un argument de faveur du diagnostic puisque la maladie affecte
environ un parent de premier degré sur 10 dans une famille où un malade a été diagnostiqué.
Le terrain génétique explique en effet en grande partie la survenue de la maladie : de nombreuses études ont montré
qu'elle était polygénique, liée à plusieurs gènes ; les uns jouent un rôle prépondérant et ont été identifiés, ce sont les gènes
du complexe majeur d'histocompatibilité (HLA DQ2) qui sont aussi impliqué dans la survenue des maladies auto
immunes souvent associées à la maladie cœliaque ( diabète, thyroïdite…) ; les autres, mineurs, restent à découvrir.
Un diagnostic plus facile
La sensibilité et la spécificité des nouveaux tests sérologiques permettent actuellement de proposer le dépistage de la
maladie et d'indiquer à bon escient la biopsie intestinale toujours indispensable au diagnostic. Il suffit d'adresser le patient
à son laboratoire d'analyses habituel.
���� A la recherche des antidcorps3…
Le patient atteint de la maladie cœliaque produit des anticorps dirigés contre la fraction toxique du gluten : c'est-à-dire la
gliadine. On recherchera donc les anticorps suivants, dosés par technique ELISA :
- AAG = Anticorps Anti-Gliadine de type IgG (positif dans 90 à 100% des cas chez les jeunes enfants en phase active).
- AAG = Anticorps Anti-Gliadine de type IgA (positifs dans 60 à 100% des cas) moins sensibles mais plus spécifiques quoique non interprétables chez les porteurs d'un déficit en IgA.
D'autres anticorps sont plus spécifiques, témoignant plus directement de la lésion intestinale histologique ; en effet, ils
reconnaissent du matériel intercellulaire de la muqueuse :
- AAE = Anticorps Anti-Endomysium (spécificité et sensibilité optimales) idéal dans les formes cliniques pauvres.
- AAR = Anticorps Anti-Réticuline de type IgA (de moins en moins utilisé).
Cependant ces anticorps sont dosés en immunofluorescence indirecte, sur coupe de tissu et sont d'interprétation plus
délicate.
- AAT, enfin = Anticorps Anti-Transglutaminase ; très spécifiques, car la transglutaminase est l'autoantigène principal de la maladie, ils sont actuellement à l'étude9.
En pratique, en cas de suspicion de la maladie cœliaque, on utilise actuellement les AAG (IgG, IgA) et les AAE.
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���� L'histologie apporte la signature du diagnostic1,8
Une fois tous ces examens réalisés, la fibroscopie oeso-gastro-duodénale reste indispensable. Le diagnostic repose
sur les examens suivants :
- En macroscopie : classique aspect en "mosaïque", réduction du nombre de valvules conniventes, et aspect en "écailles" de ces valvules.
- En microscopie : la maladie cœliaque est caractérisée par la présence d'une atrophie villositaire totale (A.V.T.) ou sub-totale, proximale (duodénale ou duodéno-jéjunale), qui associe, à la disparition des villosité, une hyperplasie des cryptes et une infiltration de la muqueuse par des cellules immunitaires et en particulier une infiltration de l'épithétlium par des lymphocytés T.
Lorsqu'elle est associée à la présence d'anticorps anti-endomysium, l'atrophie villositaire est quasi-pathognomonique de la
maladie cœliaque. La disparition de ces lésions après la mise au régime sans gluten établit définitivement le diagnostic.
Les complications de la maladie : ostéopénie et néoplasies Chez l'adulte, la complication la plus fréquente (50% des cas) est l'ostéopénie. Réversible avec le régime quand elle l'a
pas été constituée avant la période de croissance (jusqu'à 20 ans), elle représente l'argument majeur pour l'observance du
traitement surtout dans les formes pauci ou asymptomatiques. Pour l'évaluer, il faut faire pratiquer une
ostéodensitométrie osseuse (non remboursée). L'anémie hypochrome isolée est une autre complication fréquente.
Une complication rare, mais grave, est la survenue de lymphomes non-hodgkiniens à cellules T de localisation
abdominale.
Chez l'enfant, les complications sont surtout nutritionnelles (ostéoporose, retard staturo-pondéral, retard pubertaire),
et le plus souvent découvertes en même temps que le diagnostic. Elles sont réversibles avec le régime.
Un seul traitement : le régime sans gluten (R.S.G.) ���� Un régime strict
Il suffit de supprimer tous les aliments susceptibles de contenir du gluten (donc à base de blé, seigle et orge) et de
leur substituer des aliments à base d'autres céréales. Les fabricants de produits sans gluten ont réussi à créer des substituts
à partir d'amidon de maïs, de riz, ou de fécule de pomme de terre, et ainsi ont pu fabriquer de véritables spécialités
pâtissières dites "sans gluten", qui rendent le régime pus facile. Certaines de ces spécialités bénéficient d'ailleurs du
T.I.P.S. pris en charge par la sécurité sociale. Plusieurs études très récentes ont montré que l'avoine (50g/j) n'était pas
toxique pour le cœliaque.
La disparition des signes cliniques est alors spectaculaire. En quelques jours, l'humeur change ; en quelques semaines, les
symptômes digestifs s'amendent ; en quelques mois le malade reprend du poids et l'enfant sa croissance ; en 1 ou 2 ans, la
muqueuse intestinale se normalise.
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���� Un régime difficile
Ce régime peut être cher : en moyenne 120 € par mois et par foyer. En effet, c'est souvent toute la famille qui adopte
le R.S.G. et les produits de substitution ne sont pas bon marché. En outre le remboursement des TIPS par la sécurité
sociale est plafonné à 33,5 € pour l'enfant et 46 € par mois pour l'adulte.
Le gluten étant présent dans la grande majorité des produits de l'industrie agro-alimentaire, toutes les étiquettes de
composition des produits achetés doivent alors être lues minutieusement, afin d'être sûr que les produits n'en contiennent
pas.
Les produits de l'alimentation infantile comportent la mention "sans gluten" ou "contient du gluten". Mais il faudrait que
cette information se trouve sur l'ensemble des produits de l'industrie agro-alimentaire ; ce qui n'est pas le cas aujourd'hui
malgré les efforts dans ce sens de quelques industriels de l'agro-alimentaire. C'est pourquoi, il ne faut pas hésiter, au
moindre doute, à contacter les services consommateurs dont le numéro de téléphone figure sur l'emballage et à consulter
une diététicienne expérimentée.
���� Un régime à vie…
Que ce soit pou r l'adulte ou pour l'enfant, la plupart des spécialistes préconisent le régime à vie. En ce qui concerne
l'adulte, le régime doit être strict.
L'A.F.D.I.A.G. est l'Association Françaises Des Intolérants Au Gluten. Elle aide les familles dans la réalisation du
régime sans gluten (liste des aliments permis, adresses utiles), et les soutient dans leur parcours, en leur proposant des
réunions d'informations. Les patients doivent être encouragés à adhérer à cette association.
Le Groupe d'Etude et de Recherche sur la Maladie Cœliaque est un groupe de cliniciens et de recherche sur la
maladie cœliaque (www.maladiecoeliaque.com).
1 CICLITERA P.J., STRURGESS R. : "Clinicopathologic mechanisms in celiac disease" Curr. Opin. Gastroent. 1992, 8 : 262-267. 2 CATASSI C., FABIANI E., RÄTSCH I.M, et al : "Celiac disease in the general population should we treat asymptomatic cases ?" J. Pediatr Gastoent. Nutr., 1997, 24 : S 10-13. 3 CATASSI C., FABIANI E., RÄTSCH I.M, ROSSINI M., BORIDCCHIRA F., CANDELA F. : "Celiac disease in the year 2000, exploringg the iceberg" Lancet, 1993, 34 : 150-151. 4 SCHMITZ J. : "Particularités de la maladie coeliaque chez l'enfant" Gastoent. Clin. Biol. 1996, 20 : B 42-49. 5 CORAZZA G.R., FRISONI M., TREGGIANI E.A., VALENTINI R.A., FILIPPONI C., VOLTA U., et al. : "Subclinical celiac sprue : increasing occurrence and clues to its diagnosis" J. Clin. Gastroent., 1993, 16 : 16-21. 6 FERGUSSON A., ARRANZ E., O'MAHONY S. : "Clinical and pathological spectrum of celiac - disease activ, silent, latent, potential." Gut. 1193, 34 : 150-151. 7 BOUHR B., DOHIN S. : "Arguments en faveur d'une maladie coeliaque chez l'adulte devant un syndrome de malabsorption" C.H. Le Mans 1998. Service d'hépato-gastroentérologie. 8 DIETRICH W., EHNIST T., BAUER M., et al. : "Identification of tissues transglutaminase aas the autoantigen of celiac disease" Nature Med. 1197, 3 : 797-201. 9 ANDERSON R.P., DEGANO P., GODKIN AJ., JEWELL D.P., HILL A.V. : "In vitro antigen challenge in celiac dusease identifies a single transglutaminase-modified peptide as a dominant A-gliadin T-cell epitote" Nat Med. 2000 Mars, 6 (3) : 337-42.