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J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
CARTOGRAPHIE DES ESPECES DE FEUILLES VEGETALES
UTILISEES COMME EMBALLAGES ALIMENTAIRES
EN COTE D’IVOIRE
ONZO F. C.1, AKA S.
2, 3, AZOKPOTA P.
1, DJE K. M.
2, BONFOH B.
3
1- Laboratoire de Formulations Alimentaires et de Biologie Moléculaire (LAFAB) ; Département
de Nutrition, Sciences et Technologie Alimentaires, Faculté des Sciences Agronomiques,
Université d‟Abomey-Calavi, 01 BP 526, Cotonou, Bénin ;
2- Laboratoire de Biotechnologie et de Microbiologie des Aliments, UFR des Sciences et
Technologies des Aliments, Université NANGUI Abrogoua, 02 BP 801 Abidjan 02, Côte d‟Ivoire
3- Centre Suisse de Recherches Scientifiques (CSRS) en Côte d‟Ivoire 01 BP 1303, Abidjan 01,
Côte d‟Ivoire
(Reçu le 30 Janvier 2014 ; Révisé le 30 Mai 2014 ; Accepté le 15 Juin 2014)
RESUME
Le présent travail a fait un inventaire quantitatif et qualitatif des espèces de feuilles
végétales utilisées comme emballages alimentaires en Côte d‟Ivoire. Cet inventaire a été
réalisé à travers une enquête basée sur une méthode de ratissage systématique des répondants. Au total, 360 productrices-vendeuses d‟aliments ont été enquêtées dans 12
principales localités de la Côte d‟Ivoire. L‟identité, le domaine d‟activités, le groupe
ethnique des productrices d‟aliments de même que les informations relatives aux feuilles végétales utilisées pour emballer les aliments, leurs noms locaux et
significations, leurs modes d‟utilisation et la disponibilité saisonnière ont constitué
l‟essentiel des données collectées. Une douzaine d‟espèces de feuilles végétales ont été identifiées comme emballages d‟une multitude de denrées alimentaires réparties sur tout
le territoire de la Côte d‟Ivoire. Les feuilles de Thaumatococcus daniellii de Musa
paradisiaca et Musa acuminata sont les plus utilisées, respectivement par 58,86, 28,47 et ; 5.69 % des enquêtées, notamment au Sud, à l‟Ouest, au Centre et l‟Est du pays. Les
feuilles de Tectona grandis, de Cola cordifolia, de Thalia geniculata, de Ficus
platyphylla et de Piliostigma thonningii sont répandues au Centre et au Nord du pays. Les feuilles de Manihot esculenta, de Theobroma cacao et de Colocasia esculenta se
retrouvent surtout au Centre du pays, tandis que les feuilles des épis de Zea mays sont
populaires, notamment au Sud et au Centre du pays. En outre, les feuilles de Musa paradisiaca, Musa acuminata, Tectona grandis, Colocasia esculenta, Theobroma
cacao, Zea mays et de Manihot esculenta font déjà l‟objet de domestication en Côte
d‟Ivoire.
Mots clés : Emballages végétaux, feuilles végétales, Côte d‟Ivoire, Thaumatococcus
daniellii, Musa paradisiaca, Musa sp., Tectona grandis.
ABSTRACT
This work was quantitatively and qualitatively identified species of plant leaves used as food packaging in Côte d'Ivoire. This identification has been performed through a
survey based on the method of systematic sweep of respondents. A total of 360
processors of foods were surveyed in 12 mains localities of Côte d'Ivoire. Information such as identity, activity, ethnic group of the processors, as well as data related to the
plant leaves used for food packaging and their local names have been collected. About
12 species of plant leaves have been identified and used to package a variety of foods in Côte d‟Ivoire. The main species identified are Thaumatococcus daniellii, Musa
paradisiaca and Musa acuminata which are used, by 58.7, 28.47 and 5.69% of the
respondents, respectively in the South, West and the Centre of the country. Species of plant Leaves of Zea mays, Cola cordifolia, Thalia geniculata, Manihot esculenta, Ficus
platyphylla, Piliostigma thonningii Theobroma cocoa and Colocasia esculenta are
ONZO F. C. & al.
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mainly prevalent in the northern of the country. In Côte d‟Ivoire, Musa paradisiacal,
Musa acuminata, Tectona grandis, Colocasia esculenta, Theobroma cacao and Manihot
esculenta are going for domestication.
Keywords: Vegetal plant leaves species, vegetal foods packaging, Thaumatococcus
daniellii, Musa paradisiaca, Musa sp., Tectona grandis.
INTRODUCTION
epuis des siècles, l‟Homme a toujours fait
recours aux emballages pour contenir et
transporter les aliments. Ces emballages
alimentaires sont aussi utilisés pour
conditionner, protéger et conserver les aliments
destinés à être consommés (BARROT, 1994 ;
MALDONADO et LOUPPE, 1999 ;
OJEKALE et al., 2007). En général, les
emballages sont constitués de divers matériaux
incluant les cartons, les métaux, les verres et
les plastiques (TPA, 1999 ; TPA, 2000). Parmi
les différents types d‟emballages, les
emballages plastiques occupent une place de
choix en Afrique (NAJI et MICAH, 2007). En
Afrique, notamment dans la zone
subsaharienne, les emballages plastiques sont
fortement utilisés dans les lieux publics, les
services, les rues et même dans la restauration
collective pour emballer, conserver ou
transporter divers types d‟aliments.
En Côte d‟Ivoire, le secteur agroalimentaire
regroupe une dizaine d‟entreprises fabriquant
plusieurs gammes de sachets plastiques et fait
vivre des milliers de populations du secteur
informel (CCI, 2006 ;
http://www.nkibusiness.com /annuaire/ ville/
abidjan/plastique-caoutchouc/).
Malheureusement, du fait de leur caractère non
biodégradable, ces emballages plastiques
posent un problème de salubrité publique, de
pollution environnementale entraînant des
conséquences considérables. En outre, des
informations ont révélé que ces sachets
plastiques contiennent divers composés
chimiques qui sont nocifs à la santé humaine
surtout lorsqu‟ils sont utilisés à chaud pour
emballer certains aliments (TPA, 1999 ;
ANONYME, 2012).
En revanche, il existe en Afrique une tradition
de vieille date d‟utilisation d‟emballages
locaux naturels qui servent à emballer plusieurs
aliments. Ces emballages sont constitués de
produits végétaux ou de résidus de produits de
récolte biodégradables dont les plus dominants
sont les feuilles végétales (BARROT, 1994 ;
TPA, 2000 ; ADEGUNLOYE et al., 2006 ;
OJEKALE et al., 2007 ; ADEBAYO et
KOLAWOLE, 2010 ; AJALA et al., 2011 ;
SHALOM et al., 2013). En effet, plusieurs
espèces de feuilles végétales sont utilisées pour
cuire, protéger, transporter ou commercialiser
les aliments pâteux ou solides. Certaines
feuilles utilisées comme emballages
alimentaires donnent particulièrement aux
denrées des caractéristiques organoleptiques
très appréciées des consommateurs (OJEKALE
et al., 2007).
En Côte d‟Ivoire, à l‟instar de certains pays
africains tels que le Bénin, le Burkina Faso, le
Togo, le Ghana, les espèces de feuilles
végétales telles que Thaumatococcus daniellii,
Musa paradisiaca, Zea mays ou Tectona
grandis sont utilisées comme emballages pour
la commercialisation des denrées alimentaires y
compris la viande et le poisson frais (TPA,
1995 ; CNRA, 2009). Ces espèces de feuilles
végétales sont également utilisées comme des
assiettes pour contenir ou conserver les
aliments cuits prêts à être consommés. Cette
forme d‟utilisation est beaucoup plus répandue
en Côte d‟Ivoire dans l‟ensemble du pays, aussi
bien au niveau des restaurations de rue que
pour la consommation familiale. Par ailleurs,
les feuilles végétales utilisées comme
emballages alimentaires jouent un grand rôle
au plan culturel dans certaines régions de la
Côte d‟Ivoire. En effet, dans ces milieux,
l‟offre d‟un aliment emballé dans les feuilles
végétales à une personne est une marque d‟un
profond respect, d‟une grande considération et
constitue un témoignage de l‟hospitalité et de
convivialité vis-à-vis de la personne.
Actuellement, les feuilles végétales peuvent
D
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
21
être considérées comme une filière génératrice
de revenus faisant l‟objet d‟impor-tantes
transactions commerciales animées dans
l‟informel par des acteurs constitués de
transformatrices, de transporteurs, de
fournisseurs.
Cependant, on s‟aperçoit que les feuilles
végétales utilisées comme emballages
alimentaires sont très peu connues scientifi-
quement en Côte d‟Ivoire, en l‟absence d‟un
inventaire exhaustif au plan quantitatif et
qualitatif. Certains questionnements méritent
d‟être élucidés, à savoir : quelles sont les
différentes espèces de feuilles végétales
utilisées comme emballages alimentaires en
Côte d‟Ivoire ? Quel potentiel de disponibilité
en ces feuilles possède-t-elle la Côte d‟Ivoire ?
Quelles sont les savoir-faire traditionnels
conservables pour la valorisation des feuilles
végétales pour l‟emballage des aliments en
Côte d‟Ivoire ?
Le présent travail s‟insère dans un programme
portant sur les emballages-feuilles et vise
principalement à valoriser les feuilles végétales
utilisées comme emballages alimentaires dans
la sous région dans la perspective de leur
utilisation pour la fabrication d‟emballages
modernes, respectueux des normes
environnementales. Le programme prévoit
l‟identification des feuilles végétales utilisées
comme emballages alimentaires en Côte
d‟Ivoire, au Bénin et au Burkina Faso. Les
espèces de feuilles utilisées seront caractérisées
au plan chimique physique, mécanique,
génétique et au plan de leur aptitude à être
utilisées comme emballages modernes. Ensuite
leur effet sur les aliments emballés au cours de
la conservation sera évalué afin de s‟assurer de
leur innocuité. Enfin, leur aptitude à la
domestication sera évaluée. Cette phase du
travail consiste spécifiquement à évaluer la
diversité écologique des espèces végétales
utilisées comme emballages alimentaires en
Côte d‟Ivoire ainsi que les connaissances
endogènes en matière d‟approvisionnement et
d‟utilisation desdits emballages.
2. METHODOLOGIE
2.1. Zone et méthode d’enquête
La méthodologie de collecte des informations
sur les espèces de feuilles végétales utilisées
comme emballages alimentaires est
essentiellement basée sur une enquête. Douze
localités de Côte d‟Ivoire ont été enquêtées, à
savoir : Bouaké, Daloa, Buyo, San-Pédro,
Sansandra, Abengourou, Bonoua, Man,
Korhogo, Abobo, Yopougon et Port-Bouёt
(Figure 1). Ces localités ont été retenues pour
l‟enquête en tenant compte de la forte densité,
de la nature de leurs populations (populations
cosmopolites) et de la diversité culturelle des
peuples tant au plan social qu‟au plan
alimentaire. En raison du fort taux
d‟immigration de la population (26%), les
immigrants des pays frontaliers de la Côte
d‟Ivoire ont été également pris en compte.
La méthode de boule de neige a été utilisée
pour la collecte des données. Cette méthode a
consisté à un ratissage systématique, au moyen
d‟un questionnaire servant de guide, des
personnes utilisant les espèces de feuilles
végétales comme emballages alimentaires. Au
total, 360 personnes ont été enquêtées dans les
12 localités ciblées.
: Localités enquêtées
Figure 1. Localisation des zones enquêtées
en Côte d‟Ivoire
Les informations mentionnées sur le
questionnaire sont relatives au statut socio-
culturel de l‟enquêtée (identité, domaine
d‟activités, genre, niveau de scolarisation, âge,
ONZO F. C. & al.
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
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ethnie), aux noms locaux et aux significations,
aux modes d‟utilisation, aux techniques de
confection, à la disponibilité saisonnière, au
mode d‟approvisionnement et au niveau de
domestication des espèces utilisées pour
l‟emballage.
2.2. Analyse des données issues de l’enquête Après encodage, pour l‟exploitation des
données, les différentes informations collectées
sur les fiches d‟enquête ont été analysées à
l‟aide du logiciel SAS version 9.1 (SAS, 1999).
Le test de Khi-2 a été utilisé pour les analyses
qualitatives et quantitatives. Les résultats sont
synthétisés sous forme de tableaux et de
figures.
3. RESULTATS
3.1. Statut socioculturel de la population
enquêtée La répartition de la population enquêtée selon
le statut socio-culturel est représentée à la
figure 2. Les informations collectées sur le
statut socioculturel de la population enquêtée
font état de ce que la population productrice-
vendeuse d‟aliments emballés dans les feuilles
végétales est globalement constituée de
98,33 % de femmes et 1,67 % d‟hommes. Cette
population est à
59,72 % analphabète. Par ailleurs, 27,22 % et
13,06 % des enquêtés ont fait respectivement
des études primaires et des études secondaires
(Figure 2a). Cette population est répartie en
plusieurs catégories selon les âges (Figure 2b).
La première catégorie est composée de
population relativement jeune (dont l‟âge est
compris entre 15 à 29 ans représentant
43,61 %). La deuxième catégorie est composée
de 39,45 % de gens dont l‟âge varie entre 30 à
45 ans. Cette catégorie peut être considérée
comme population active. La troisième
catégorie représentant 13,33 % des enquêtés
concerne la population dont l‟âge est compris
entre 45 à 59 ans. La population relativement
moins active représente 3,61 % pour une
tranche d‟âge comprise entre 60 et 75 ans. Les
enquêtés appartiennent à 24 groupes
socioculturels typiquement ivoiriens
essentiellement composés des Baoulé
(15,28 %), des Bété (13,33 %) et des Agni
(12,78 %) (Figure 2c). Ces différents groupes
socioculturels sont répartis en quatre grands
blocs constitués par les Akan (40,85 %), les
Krou (25,56 %), les Voltaïque ou Gur
(10,55 %) et les Mandé (19,73 %) (Figure 2d).
a ) Répartition selon le niveau de scolarisation b) Répartition par âge
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
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c) Répartition détaillée selon les groupes
socioculturels
d) Répartition par bloc de groupes
socioculturels
Figure 2 : Répartition de la population enquêtée sur la base du statut socioculturel
3.2. Principales espèces de feuilles végétales
utilisées comme emballages alimentaires en
Côte d’Ivoire
Onze (11) espèces de feuilles végétales
utilisées comme emballages alimentaires ont
été identifiées dans les localités enquêtées
(Figure 3). A peu près 58% des personnes
enquêtées déclarent utiliser les feuilles de
Thaumatococcus daniellii comme feuilles
végétales pour les emballages alimentaires en
Côte d‟Ivoire.
Figure 3 : Principales espèces de feuilles végétales utilisées
comme emballages alimentaires en Côte d‟Ivoire
ONZO F. C. & al.
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
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Les feuilles de Musa paradisiaca et Musa
acuminata sont utilisées par 28,47 % des
répondants. Viennent ensuite Tectona grandis,
les feuilles des épis de Zea mays et de Cola
cordifolia, utilisées respectivement par 5,69 ;
3,42 et 1,59 % des productrices enquêtées. Les
feuilles de Thalia geniculata (0,91 %), de
Manihot esculenta (0,68 %), de Ficus
platyphylla (0,46 %), de Piliostigma thonningii
(0,46 %) de Theobroma cacao (0,23 %) et de
Colocasia esculenta (0,23 %) sont également
utilisées pour emballer différents aliments. La
répartition des espèces de feuilles végétales par
rapport à leurs utilisations dans les localités est
présentée dans le tableau I. Les appellations
locales selon les groupes socioculturels sont
mentionnées dans le tableau II. Très souvent,
les feuilles portent le nom des raisons de leur
utilisation ou le nom de la plante dont elles
sont issues (Tableau III). Les feuilles de
Thaumatococcus daniellii servent généralement
à emballer l‟attiéké ; pour cela la majorité des
enquêtés l‟appellent feuilles d‟attiéké. Chez
certains Agni et Baoulé, cette feuille est utilisée
pour le partage de nourritures après les
règlements de litiges ou après les cérémonies
rituelles d‟où le nom de N’gotro-gna en langue
locale.
3.3. Mode d’approvisionnement et niveau de
domestication des espèces de feuilles
identifiées
Dans toutes les localités enquêtées, les feuilles
de Thaumatococcus daniellii se retrouvent sur
les marchés. Dans les zones forestières et au
Centre de la Côte d‟Ivoire (Daloa, Buyo, San-
Pédro, Sansandra, Abengourou, Bonoua, Man,
et Bouaké), les productrices d‟aliments
s‟approvisionnent, soit, directement, par
cueillette dans les champs, soit par achat sur les
marchés. Par contre, à Korhogo qui est une
zone de savane, les productrices les achètent
sur les marchés régulièrement approvisionnés
par les vendeurs résidant dans les zones
forestières et au Centre. Bien qu‟Abobo,
Yopougon et Port-Bouët faisant partie du
district d‟Abidjan soient des zones forestières,
les productrices d‟aliments font leur
approvisionnement en emballages sur les
marchés. Par ailleurs, généralement les
utilisateurs des feuilles de Musa paradisiaca et
Musa acuminata, de Tectona grandis, de Cola
cordifolia, de Thalia geniculata, de Ficus
platyphylla, de Piliostigma thonningii, de
Colocasia esculenta, de Theobroma cacao et
de Manihot esculenta obtiennent ces espèces de
feuilles par cueillette. En outre, les feuilles des
épis de Zea mays sont obtenues par achat. Au
total, à peu près 46 % des espèces de feuilles
utilisées comme emballages des aliments sont
uniquement obtenues par cueillette contre
31 %, obtenues uniquement par achat. Il en
résulte 23 % des répondants qui obtiennent les
feuilles à la fois par cueillette et par achat. On
s‟aperçoit que de toutes ces feuilles, 59 % sont
des espèces sauvages car leurs plantes poussent
naturellement. Il s‟agit essentiellement des
feuilles de Thaumatococcus daniellii et de
Thalia geniculata. Toutefois, les feuilles de
Thaumatococcus daniellii sont abondantes
aussi bien en saison pluvieuse qu‟en saison
sèche. Dans tous les cas, à peu près 54% des
emballages feuilles sont disponibles aussi bien
en saison pluvieuse qu‟en saison sèche.
Par ailleurs, les espèces de feuilles de Musa
paradisiaca et Musa acuminata, de Tectona
grandis, de Colocasia esculenta, de
Theobroma cacao, de Zea mays et de Manihot
esculenta sont des espèces domestiquées. En
effet, 32,9 % des répondants affirment que ces
plantes sont largement cultivées et reproduites.
Seulement 8,1 % des enquêtées savent que
certaines variétés des espèces de Musa
paradisiaca et Musa acuminata, de Tectona
grandis, de Theobroma cacao, de Zea mays et
de Manihot esculenta ont été sélectionnées.
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
25
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
Tableau I : Répartition (%) par localité des espèces de feuilles utilisées comme emballages alimentaires en Côte d‟Ivoire
- : Espèces de feuilles non utilisées dans la localité ou dans la commune
Grandes zones Localités/ Communes
Thaumatococcus daniellii
Musa paradisiaca et Musa acuminata
Zea mays Tectona grandis
Cola Cordifolia
Thalia geniculata
Piliostigma thonningii
Manihot esculenta
Colocasia esculenta
Ficus platyphylla
Theobroma cacao Total
Centre Bouaké 59,1 7,57 9,1 9,1 4,54 3,03 - 4,54 1,51 - 1,51 100
Daloa 40 56,67 - - 3,33 - - - - - - 100
Sud San-Pédro 54,05 45,95 - - - - - - - - - 100
Sassandra 58,82 41,18 - - - - - - - - - 100
Abobo 66,67 23,33 10 - - - - - - - - 100
Yopougon 60 36,67 3,33 - - - - - - - - 100
Port-Bouët 70 20 10 - - - - - - - - 100
Bonoua 93,34 3,33 3,33 - - - - - - - - 100
Est Abengourou 50 50 - - - - - - - - - 100
Ouest Man 56,25 40,63 3,12 - - - - - - - - 100
Buyo 93,33 6,67 - - - - - - - - - 100
Nord Korhogo 10 - - 63,33 6,67 6,67 6,67 - - 6,67 - 100
ONZO F. C. & al.
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
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Tableau II : Noms locaux des principales espèces de feuilles végétales
utilisées comme emballages alimentaires en Côte d‟Ivoire
Groupes socioculturels en
blocs
Groupes socioculturels
détaillés
Différentes espèces de feuilles utilisées comme emballages alimentaires
Thaumatococcus
daniellii
Musa
paradisiac
a et Musa
sp
Zea mays Tecton
a
grandis
Cola
cordifoli
a
Colocasi
a
esculenta
Manihot
esculent
a
Thobrom
a cacao
Thalia
geniculat
a
Piliostigm
a
thonningii
Ficus
platyphyll
a
Akan Abouré N’ban-fa Koko-fa - - - - - - - - -
Abron Djkébègnoho - - - - - - - - - -
Abbey Attô-vê/ayor N’dé-vê Agbô-vê - - - - - - - -
Adjoukrou Egb-sawr Oklèb-
sawr
Kokotou-
sawr
- - - - -
-
- -
Agni Egau-gna/N’gotro-gna
Bana-gna Ablé-gna Teck-gna
Walè-gna
Côco-gna
Agba-gna
Coco-gna
Aladjan Ankouawi/ankoualo
u
Nevrywi Doudouro
u
- - - - - - - -
Attié Inecé/atchèkè-baté Domou-
baté
N’kouè-
baté
- - - - - - - -
Baoulé Wésse-gna/N’gotro-gna
Manda-gna
Ablé-gna Teck-gna
Walè-gna
Côcogna Agba-gna
Coco-gna - - -
N‟zima Dolbo-gna/Bolo-
gna
Bana-gna Ablê-gna - - - - - - - -
Krou Bété Gbeugli-kpo Batin-kpo Gougogbô - - - - - - - -
Kouzié Zro-orvri Piteur-win - - - - - - - - -
Kroumen Ouwlouwè-
gnawè/Mlan-gnawè
Kouè-
gnawè
- - - - - - - - -
Neyo Bobo-gnohui Ma-gnokui - - - - - - - - -
Wobé Coinhi-win Peye-win - - - - - - - - -
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
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Mandé Dioula Tchèkè-flabourou Branda-
flabourou
Kabafla-
bourou
Teck-flabourou - - - - Demiceni
tchèkè-flabourou
- -
Mahouka Tchèkè-flabourou Branda-
flabourou
Kaba-
flabourou
Teck-flabourou - - - - Demiceni
tchèkè-flabourou
- -
Malinké Tchèkè-flabourou Branda-
flabourou
Kaba-
flabourou
Teck-flabourou - - - - Demiceni
tchèkè-flabourou
- -
Gouro Djêkè Mirla Gôhô - - - - - - -
Toura Dekoi-pou Glodé - - - - - - - - -
Yacouba Sêhê-lê Kilôhô-lê Kpêuhén-lê
- - - - - - - -
Gur Koulango Ababè-gnoho Blanabè-
gnoho
Dogodjobè - - - - - - - -
Lobi Atchéké-goussouko - - - - - - - - - -
Senoufo Woro-wague Bada-wague
Kardigne crogne
Teck-wague Wanon-wague
- - - Lohobadangue Tchiam-wague
Kahagbo-wague
Tagbana Tchéké-fla - - - - - - Mangani
mag
- - - - - - -
- : Espèces de feuilles non utilisées par le groupe socioculturel
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Tableau III : Signification des noms locaux des principales espèces de feuilles végétales
utilisées comme emballages alimentaires en Côte d‟Ivoire
Groupes
socioculturels
en blocs
Groupes
socioculturels
détaillés
Différentes feuilles utilisées comme emballages alimentaires
Thaumatococcus
daniellii
Musa
paradisiaca
et Musa sp
Zea mays Tectona
grandis
Cola
cordifolia
Colocasia
esculenta
Manihot
esculenta
Thobroma
cacao
Thalia
geniculata
Piliostigma
thonningii
Ficus
platyphylla
Akan Abouré N‟banfa Feuille de bananier
- - - - - - - - -
Abron Feuilles d'attiéké - - - - - - - - - -
Abbey Feuilles
d'attiéké/feuilles
Feuille de
bananier
Feuilles
de maïs
- - - - - - - -
Adjoukrou Egb-sawr Feuille de
bananier
Feuilles
de maïs
- - - - - - - -
Agni Feuilles de
Egau/Feuilles
servant de partage de
nourritures après
le règlement d'un conflit ou
après un
sacrifice
Feuille de
bananier
Feuilles
de maïs
Feuilles
de teck
Feuilles
de walè
Feuilles de
taro
Feuilles
de manioc
Feuilles
du
cacaoyer
Aladjan Feuilles d'attiéké Feuille de bananier
Feuilles de maïs
- - - - - - - -
Attié Feuilles dont les
tiges servent à la fabrication de
natte/ Feuilles
d'attiéké
Feuille de
bananier
Feuilles
de maïs
- - - - - - - -
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
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J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
Baoulé Feuilles de
cola/Feuilles servant de
partages de
nourritures après le
règlement
d'un conflit ou d'un
sacrifice
Feuille
de bananier
Feuilles de
maïs
Feuilles de
teck
Feuilles de
walè
Feuilles de
taro
Feuilles de
manioc
Feuilles du
cacaoyer
- - -
N‟zima Feuilles de Dolbo/feuilles
de Bolo
Feuille de
bananier
Feuilles de maïs
- - - - - - - -
Krou Bété Feuilles d'attiéké
Feuille de
bananier
Feuilles de maïs
- - - - - - - -
Kouzié Feuilles
d'attiéké
Feuille
de
bananier
- - - - - - - - -
Kroumen Feuilles
d'attiéké
Feuille
de bananier
- - - - - - - - -
Neyo Feuilles
d'attiéké
Feuille
de
bananier
- - - - - - - - -
Wobé Coinhi-win Feuille
de
bananier
- - - - - - - - -
ONZO F. C. & al.
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
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Tableau III (suite) : Signification des noms locaux des principales espèces de feuilles végétales
utilisées comme emballages alimentaires en Côte d‟Ivoire
Groupes socioculturels en blocs
Groupes
socioculturels
détaillés
Différentes feuilles utilisées comme emballages alimentaires
Thaumatococ
cus daniellii
Musa paradisia
ca et
Musa sp
Zea
mays
Tectona
grandi
s
Cola
cordifol
ia
Colocasia
esculent
a
Manihot
esculen
ta
Thobro
ma
cacao
Thalia
genicula
ta
Piliostigma
thonningi
i
Ficus
platyphyl
la
Mandé Dioula Feuilles d'attiéké
Feuille de bananier
Feuilles de
maïs
Feuilles de
teck
- - - - Petites feuilles
d'attiéké
- -
Mahouka Feuilles
d'attiéké
Feuille de
bananier
Feuill
es de maïs
Feuill
es de teck
- - - - Petites
feuilles d'attiéké
- -
Malinké Feuilles
d'attiéké
Feuille de
bananier
Feuill
es de maïs
Feuill
es de teck
- - - - Petites
feuilles d'attiéké
- -
Gouro Feuilles
d'attiéké
Feuille de
bananier
Feuill
es de
maïs
- - - - - - -
Toura Feuilles de
Dekoi
Feuille de
bananier
Yacouba Feuilles dont
les tiges servent à
construire les
maisons
Feuille de
bananier
Feuill
es de maïs
Gur Koulango Feuilles de
Ababè
Feuille de
bananier
Feuill
es de
maïs
- - - - - - - -
Lobi Feuilles
d'attiéké
- - - - - - - - - -
Senoufo Feuilles de
cola
Feuille de
bananier
Feuill
es des épis
de
maïs
Feuill
es de teck
Feuilles
de wanon
- - - Petites
feuilles de cola
Feuilles
de Tchiam
Feuilles
de kahagbo
Tagbana Feuilles - - - - - - Feuilles - - - - - - -
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
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J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
d'attiéké de taro
ONZO F. C. & al.
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
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3.4. Différentes utilisations des espèces de
feuilles végétales identifiées
Plusieurs raisons sous-tendent l‟utilisation des
feuilles végétales comme emballages
alimentaires. Ces raisons varient selon la nature
des feuilles (propriétés physiques, aptitude à
transmettre une certaine odeur ou couleur) et le
type de denrées alimentaires destinées à
l‟emballage. Dans ces conditions, certaines
espèces de feuilles sont choisies
particulièrement parce qu‟elles ne sont pas
toxiques, ou ne se fanent pas vite. D‟autres sont
choisies pour leur souplesse, leur rigidité, leur
résistance ou encore pour leur flexibilité ou
maniabilité de même que pour leur largesse ou
leur volume. Dans tous les cas, les différentes
utilisations trouvent leur ancrage dans la
tradition et les valeurs socio-culturelles. En
effet, 40 % des enquêtées utilisent les
emballages feuilles pour des questions de
savoir-faire transmis de mère en fille. Mais
l‟utilisation des feuilles végétales comme
emballages alimentaires revêt également un
intérêt socioculturel auquel les populations
ivoiriennes sont restées particulièrement très
attachées. En effet, chez les Bété, dans la
localité de Daloa par exemple, offrir un aliment
emballé dans les feuilles à une autorité est un
signe de respect et une marque de grande
considération vis à vis de cette dernière. On
s‟aperçoit que 4,44 % des répondants Bété
utilisent les feuilles de Thaumatococcus
daniellii pour préparer le riz rien que pour
donner un bon arôme au riz et pour obtenir une
bonne croûte.
En dehors des utilisations des feuilles comme
emballages alimentaires, certaines espèces de
feuilles végétales sont utilisées pour leur vertu
thérapeutique ou consommées comme
légumes-feuilles jouant ainsi un rôle socio-
économique doublement avantageux. En effet,
dans la médecine traditionnelle, les feuilles de
Tectona grandis seraient utilisées pour soigner
les plaies de ventre, les infections et l‟anémie
dans la localité de Korhogo. Les feuilles de
Thaumatococcus daniellii soigneraient les seins
infectés après l‟accouchement. Quant aux
feuilles de Musa paradisiaca et Musa
acuminata, elles soigneraient le paludisme, la
fatigue, les plaies de ventre et seraient utilisées
pour le traitement de la dracunculose, une
infection causée par le Dracunculus medinensis
(vers de guinée). En outre, les feuilles de Cola
cordifolia soigneraient les infections cutanées
telles que les boutons, les démangeaisons et les
brulures. Contrairement aux feuilles de Ficus
platyphylla qui soigneraient les plaies de
ventre, les feuilles de Manihot esculenta
interviendraient dans le traitement de la de
fièvre typhoïde. Elles sont également utilisées
pour confectionner des sauces de même que les
feuilles de Colocasia esculenta et les jeunes
pousses de Theobroma cacao.
Avant leurs utilisations, différents traitements
sont appliqués aux emballages feuilles.
Toutefois, ces traitements varient selon la
nature des feuilles et le type d‟aliment pour
lequel elles sont utilisées. Ainsi, à peu près
49 % des productrices nettoient les feuilles
avec un tissu propre avant de les utiliser ; 25 %
les lavent deux à trois fois avec de l‟eau et
21 % les font passer à feu doux après les avoir
nettoyées. Par ailleurs, 2 % des enquêtées
nettoient les feuilles, les font précuire et les
font rincer à l‟eau tiède avant de les utiliser
pour l'emballage. La confection des emballage-
feuilles se fait de façon manuelle en fonction
de la forme que la productrice de denrées
alimentaires désire donner à l‟aliment.
Toutefois, le mode de confection est surtout lié
au type d‟aliment à emballer.
4. DISCUSSION
On s‟aperçoit qu‟il existe une diversité
d‟espèces de feuilles végétales utilisées comme
emballages alimentaires en Côte d‟Ivoire, signe
d‟une vivacité du secteur de l‟artisanat
agroalimentaire très visible dans toutes les
localités enquêtées dans la mesure où c‟est le
seul secteur consommateur des emballages
végétaux identifiés. Ce secteur est justement
animé par toutes les catégories d‟âge, aussi
bien les femmes que les hommes. La
proportion des jeunes s‟adonnant à ce secteur
d‟activité est la plus importante, ce qui pourrait
assurer la pérennisation du secteur de
l‟artisanat agroalimentaire qui contribue
considérablement à l‟augmentation du Produit
Intérieur Brut (PIB) en Côte d‟Ivoire. Il a été
rapporté que la population ivoirienne est
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
33
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
essentiellement jeune et constitue une
importante main-d‟œuvre au service du
développement de la nation (ODOUNFA,
2003 ; INS, 2013). Par ailleurs, les récentes
études démographiques ont rapporté que près
d‟une femme sur deux (à peu près 51 %) et un
peu plus d‟un homme sur trois (soit environ
36 %) n‟ont aucun niveau d‟instruction. Le
même rapport a notifié que, dans tous les cas,
les hommes sont plus instruits que les femmes
(INS, 2013). Cette situation est un peu
déplorable dans la mesure où le secteur de
l‟artisanat agroalimentaire est animé
essentiellement par les femmes qui ont besoin
d‟un minimum d‟instructions pour mieux
mener les activités de production. En effet,
l‟observation ou le respect des bonnes
pratiques d‟hygiène et des bonnes pratiques de
fabrication, aussi bien dans la fabrication des
aliments que dans la confection des emballages
à partir des feuilles, nécessite un niveau
minimum d‟instructions ou de formation à
défaut qu‟il convient de donner à ces femmes.
Dans ce secteur de l‟artisanat agroalimentaire
en Côte d‟Ivoire, onze (11) espèces de feuilles
végétales utilisées pour emballer différents
types de denrées alimentaires ont été recensées.
Ce sont les feuilles de Thaumatococcus
daniellii, de Musa paradisiaca et Musa
acuminata, de Tectona grandis, de Thalia
geniculata, de Manihot esculenta, de Cola
cordifolia, de Ficus platyphylla, de Piliostigma
thonningii, de Theobroma cacao, de Colocasia
esculenta et les feuilles des épis de Zea mays.
AKOA et al. (2012) dans leur étude sur les
caractéristiques sensorielles du dockounou ont
rapporté qu‟en plus des feuilles de
Thaumatococcus daniellii et de Musa spp., les
feuilles de Cola nitida sont aussi utilisées pour
emballer le dockounou, une denrée alimentaire
à base de banane plantain et de céréale, très
consommée en Côte d‟Ivoire.
Cependant, cette espèce de feuille n‟a pas été
recensée, probablement pour la simple raison
qu‟elle ne serait plus indiquée pour emballer le
dockounou, étant donné que généralement, les
espèces de feuilles de Cola nitida servent à
emballer principalement certains produits frais
(TPA, 1995 ; OJEKALE et al., 2007).
En Côte d‟Ivoire, les feuilles de
Thaumatococcus daniellii et de Musa
paradisiaca et Musa acuminata sont largement
répandues au Sud, à l‟Ouest et à l‟Est du pays
qui sont essentiellement des zones forestières et
au Centre qui est une zone de savane arborée
(INS, 2013) justifiant ainsi leur abondance ou
leur disponibilité dans cette partie du pays. Ces
feuilles sont aussi rencontrées dans d‟autres
pays forestiers de l‟Afrique de l‟Ouest où elles
sont également utilisées pour emballer les
aliments (ADEGUNLOYE et al., 2006 ;
ADEBAYO et KOLAWOLE, 2010 ;
OJEKALE et al., 2013 ; SHALOM et al.,
2013). Au Nigeria, par exemple, ces espèces de
feuilles servent à emballer différentes
catégories de denrées alimentaires y compris
les aliments frais (viande fraiche, noix de cola),
les aliments semi-transformés (graines de néré
fermentées) ou les aliments cuits (riz, haricots,
farine de maïs, foutou d‟igname, etc.)
(OJEKALE et al., 2007).
Par ailleurs, on peut noter que l‟utilisation de
ces feuilles en Côte d‟Ivoire remonte à une
tradition ancienne. En effet, le bulletin TPA
(1995) avait rapporté qu‟en Côte-d'Ivoire, les
feuilles de bananier, de Thaumatococcus
daniellii (communément appelées feuilles
d‟attiéké) servent à emballer les aliments.
La banane plantain (Musa paradisiaca) est la
3ème
culture vivrière de la Côte d‟Ivoire avec
1 400 000 tonnes de fruits produits
annuellement et plus de 220 000 tonnes de
banane dessert (Musa acuminata) exportées
annuellement (CNRA, 2008 ; CNRA, 2011).
C‟est probablement cette raison qui
expliquerait leur disponibilité en toute saison
de l‟année et qu‟elles soient obtenues par
cueillette.
L‟utilisation d‟une espèce de feuilles végétales
comme emballages alimentaires dans une zone
donnée semble être liée à la disponibilité de
l‟espèce dans ladite zone plutôt qu‟à une
préférence de la productrice ou une spécificité
du produit à emballer. En effet, les feuilles de
Tectona grandis ont été recensées
essentiellement à Bouaké et à Korhogo. A
Korhogo par exemple, les espèces de Tectona
ONZO F. C. & al.
J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
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grandis représentent plus de 50 % des feuilles
utilisées pour emballer les denrées
alimentaires, conformément aux informations
rapportées plus tôt (MALDONADO et
LOUPPE, 1999). En effet, la plante de teck est
largement cultivée au Nord et au Centre du
pays, le Nord étant une zone de savane et le
Centre, une végétation de savane arborée
(MALDONADO et LOUPPE, 1999). Ainsi, les
feuilles de teck sont à la disposition de la
population en toute saison. Par contre, les
résultats de la présente investigation ont révélé
que les productrices qui achètent les feuilles de
Thaumatococcus daniellii disent qu‟elles
poussent naturellement. Pourtant, le rapport du
CNRA (2011) a mentionné le contraire en
donnant des informations sur la domestication.
Cela signifie que soit, les productrices ne sont
pas informées des programmes de
domestication de l‟espèce, soit elles ne
connaissent pas l‟origine desdites feuilles ou
encore alors le programme de domestication
par le CNRA ne serait pas vulgarisé ou serait à
la phase pilote. De toute façon, les programmes
de domestication méritent de faire l‟objet d‟une
intense vulgarisation soutenue. Thaumato-
coccus daniellii est une espèce qui a été
domestiquée dans la plupart des régions du
Sud-Ouest du Nigeria où elle contribue à
l‟économie de la population rurale (OJEKALE
et al., 2007 ; ADEBAYO et KOLAWOLE,
2010 ; SHALOM et al., 2013). Elle joue
également un grand rôle dans l‟économie des
femmes rurales ivoiriennes car la collecte des
arilles du fruit de cette plante qui font l‟objet
d‟un commerce international est assuré par les
femmes (CNRA, 2009). Bien que les feuilles
de Manihot esculenta et de Theobroma cacao
soient largement rependues au Sud, à l‟Ouest et
à l‟Est du pays, c‟est seulement à Bouaké que
ces feuilles sont utilisées pour l‟emballage des
aliments. Peut-être que la population rurale
préfèrerait produire le cacao et du manioc étant
donné que la Côte d‟Ivoire est le premier
producteur mondial de cacao et grande
consommatrice de manioc (CNRA, 2011 ; INS,
2013).
On note également une diversité dans
l‟utilisation des feuilles par rapport à la nature
du produit à emballer. En effet, comme
rapporté par AJALA et al. (2011), les feuilles
de Theobroma cacao et de Colocasia esculenta
sont généralement utilisées pour emballer les
aliments prêts à être consommés comme les
déshabillés de banane et de taro qui sont des
denrées alimentaires cuites à la vapeur. Il serait
donc important d‟étudier les propriétés des
feuilles utilisées comme emballages alimen-
taires pour permettre une sélection judicieuse
en fonction des usages et de la nature du
produit à emballer. L‟utilisation des feuilles
végétales comme emballages alimentaires est
liée aux valeurs culturelles des utilisatrices, aux
propriétés des feuilles, à leur qualité sensorielle
sur l‟aliment et à la conservation de ces
aliments. Plusieurs auteurs (ADEGUNLOYE
et al., 2006 ; ADEBAYO et KOLAWOLE,
2010 ; AJALA et al., 2011 ; AKOA et al.,
2012; OJEKALE et al., 2013) ont aussi justifié
l‟emploi des emballages végétaux par les
mêmes arguments.
En dehors des utilisations des feuilles comme
emballages alimentaires, certaines espèces de
feuilles végétales sont utilisées pour leur vertu
thérapeutique. C‟est le cas des feuilles de
Tectona grandis qui soigneraient l‟hypergly-
cémie dans le cas du diabète (VARMA et
JAYBHAYE, 2010). La littérature a également
rapporté que la plante de Musa paradisiaca y
compris ses feuilles et ses fruits permettrait de
traiter le diabète, l‟hypertension artérielle,
l‟asthme, l‟insomnie, la dysenterie, la diarrhée,
l‟ulcère (SWATHI et al., 2011 ; SAMPATH et
al., 2012 ; SUNIL et al., 2012). La plante de
Piliostigma thonningii serait aussi utilisée dans
le traitement traditionnel de l‟ulcère de Buruli
(YEMOA et al., 2008). Cependant, des
données cliniques devraient confirmer toutes
ces informations liées au caractère théra-
peutique desdites feuilles végétales.
5. CONCLUSION
Il existe une diversité d‟espèces de feuilles
végétales utilisées traditionnellement comme
emballages d‟une multitude de denrées
alimentaires en Côte d‟Ivoire, avec une certaine
répartition territoriale : les feuilles de
Thaumatococcus daniellii et de Musa
paradisiaca et Musa acuminata qui sont les
Cartographie des espèces de feuilles végétales utilisées comme emballages alimentaires
en cote d‟ivoire.
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J. Rech. Sci. Univ. Lomé (Togo), 2014, Série A, 16(2): 19-36
espèces de feuilles les plus utilisées comme
emballages des aliments sont essentiellement
répandues au Sud, à l‟Ouest, au Centre et à
l‟Est du pays ; les feuilles de Tectona grandis,
de Cola cordifolia, de Thalia geniculata, de
Ficus platyphylla et de Piliostigma thonningii
se rencontrent principalement au Centre et au
Nord du pays. L‟utilisation de ces feuilles
comme emballages alimentaires est jalou-
sement gardée et conservée par les valeurs
socioculturelles ancrées dans les traditions
depuis de veilles dates augurant ainsi d‟une
pérennisation de l‟utilisation des feuilles
comme emballages alimentaires. Par ailleurs,
ces feuilles sont choisies pour l‟emballage en
fonction de leurs propriétés et de la nature du
produit à emballer grâce aux savoir-faire des
productrices. Ces propriétés méritent d‟être
connues au plan scientifique pour une
meilleure valorisation des espèces. Le
programme de domestication de certaines
espèces de feuilles utilisées comme emballages
alimentaires réduirait la pression sur
l‟environnement du fait de l‟exploitation
desdites espèces à l‟état sauvage. La suite des
travaux envisage l‟étude des propriétés
mécaniques, physiques des feuilles de même
que leur caractérisation au plan génétique.
L‟effet des feuilles sur la qualité des aliments
emballés au cours de la conservation doit être
évalué. Au regard des résultats obtenus, on
pourra concevoir la confection d‟emballages
modernes et respectueux des normes environ-
nementales, couplée avec les programmes de
domestication des espèces de feuilles utilisées
pour ces emballages.
6. REMERCIEMENTS
Ce travail a été réalisé dans le cadre du Projet
PROVEAO financé par l‟UEMOA à qui nous
exprimons nos remerciements et nos sentiments
de profonde gratitude. Nos remerciements vont
aussi à l‟endroit des élus locaux, les enquêteurs
et les productrices de denrées alimentaires
enquêtées.
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