C’est sous cette chaleur écrasante annonçant la
fin de l’été qu’Archibald vous dévoile son
cinquième numéro. Profitez des derniers jours de
vacances pour découvrir nos coups de cœur
musicaux (les génies d’Alt-J en page 16) ou cinéma
(bien sûr The Dark Knight Rises mais aussi Holy
Motors). Finir l’été en beauté et toujours de manière
décalée, voilà le but qu’on s’est fixé. Vous pourrez
ainsi trouver en page5 un reportage exclusif sur la
fête de la musique de Brive-la-Gaillarde qui crucifie
tous les clichés qu’on pourrait avoir sur la Corrèze.
Enfin, un peu de teasing, ne ratez pas la nouvelle
formule d’Archibald dès Septembre, on vous
réserve de petites surprises ! (et suivez nous sur
Twitter @archibald_mag ainsi que le Facebook
www.facebook.com/archibaldmag)
Société (p. 4) : la fête de la musique à Brive-la-
Gaillarde
Cinéma (p. 7) : Holy Motors
The Dark Knight Rises
Musique (p. 15) : Alt-J (∆)
Pantiero jour 3
Jazz à Juans
Para One
Hot Chip
La Playlist Archibald
par Paul Demougeot
Suite à l’article paru dans le
Tecknikart de mai dernier intitulé
« la bouse ou la vie » consacré aux
difficultés à trouver un contenu
culturel acceptable dans la
Creuse, nous avons décidé de nous
rendre dans le département juste
au sud, la Corrèze afin de vérifier
par nous même si la culture était à
ce point défaillante dans ce coin
de France. Et quoi de mieux que la
fête de la musique de Brive-la-
Gaillarde pour répondre à nos
questions.
En arrivant, je vois une scène érigée
au plein milieu d’une petite place
ou trois bonhommes reprennent
des classiques rock connus et
reconnus. Ils ne chantent pas, se
contentent d’assurer les instrus et
les quelques spectateurs présents
chantent en cœur les refrains.
Première impression : ici, on connait
ses classiques.
Après un passage par le stand de
bière pas vraiment bonne,
changement d’endroit et
d’atmosphère, je croise quelques
hipsters corréziens qui n’ayant peut-
être pas l’habitude de croiser
d’autres jeunes sapés comme moi,
me dévisagent. Les brivistes ont sorti
leur plus bel habit, ils sont propres
sur eux, chacun voulant donner la
meilleure image possible en cette
fête. Et ce ne sont pas les reprises
hasardeuses de Manu Chao ou de
la célèbre Porque te vas qui
viendront perturber leur bonheur. A
l’angle de la rue de Corrèze et de
la rue Majour (j’ai vérifié), deux
papis superbes jouent du blues bien
gras avec seulement deux guitares
acoustiques. Les vrais sont là.
Je continue mon petit voyage à la
recherche de la scène « hip hop »
annoncée sur le programme : je la
cherche sans relâche. En entrant
dans la cour où est censé se
dérouler le show, je crois une demi-
seconde assister à un concert
d’Odezenne, finalement ce ne sera
que la musique d’entracte. Enfin, le
rappeur tant espéré arrive, vêtu
entièrement d’habits militaires,
béret vissé sur la tête. Il porte le joli
nom de DCS Spirit et commence à
balancer son flow devant quelques
septuagénaires béats. Les seules
groupies dont il pourrait se targuer
sont deux danseuses « orientales »
qui attendent leur tour pour monter
sur la scène. Une femme plutôt
âgée du premier rang attire mon
attention, elle semble vivre le
spectacle comme jamais, même
celui qui semble être son fils ne se
remue pas autant. Au fur et à
mesure que les chansons défilent,
la cour se vide et il se retrouve à
réciter ses textes seulement devant
une quinzaine de personnes. Son
heure est passée, il doit plier
bagages et laisser la place aux
danseuses orientales. Bizarrement,
plusieurs hommes de 60 ans ou plus,
surement en manque d’action
reviennent au premier rang.
Résultats des courses : au risque de
décevoir les journalistes
« branchés » de Tecknikart, on sait
s’amuser aussi dans ces coins de
France, peut-être que l’offre
culturelle n’est pas aussi élevée
qu’autre part mais les personnes
qui souhaitent faire l’effort de se
cultiver peuvent y arriver et trouver
leur bonheur, surtout au XXIe siècle.
par Adrien Bonneau
“De l'aube à la nuit, quelques
heures dans l'existence de Monsieur
Oscar, un être qui voyage de vie
en vie. Tour à tour grand patron,
meurtrier, mendiante, créature
monstrueuse, père de famille... M.
Oscar semble jouer des rôles,
plongeant en chacun tout entier -
mais où sont les caméras ? Il est
seul, uniquement accompagné de
Céline, longue dame blonde aux
commandes de l'immense
machine qui le transporte dans
Paris et autour. Tel un tueur
consciencieux allant de gage en
gage. À la poursuite de la beauté
du geste. Du moteur de l'action.
Des femmes et des fantômes de sa
vie. Mais où est sa maison, sa
famille, son repos ?”
Autant mettre les choses au clair,
Leos Carax de son vrai nom Alex
Christophe Dupont est un
réalisateur de talent, mais son
cinéma n’est pas accessible à tout
le monde. Lorsque que l’on
regarde Holy Motors bien que la
réalisation visuelle soit sans erreurs il
faut voir bien au-dessus de ça, un
peu comme une chasse aux
trésors, le réalisateur nous donne
des indices tout au long du film, à
nous de trouver la solution pour
ensuite décrocher le gros lot, sauf
que voilà, à la fin avec tous les
indices en main c’est encore à toi
de trouver le gros lot.
Du début à la fin tu crois avoir
trouvé le fin mot de l’histoire, parce
que dans chaque séries télévisées
tu réussis à trouver le meurtrier, Et
c’est après 1h55 et une poignée de
cheveux en moins que tu permets
de relire le synopsis et de te dire
“j’ai toujours rien compris !!” à ce
jeu la Leos Carax est toujours le plus
fort.
En fait, analyser de façon rationnel
Holy Motors revient à essayer
d’enseigner la mécanique
quantique à un enfant de 3 ans.
Il faut se laisser porter par le film
sans essayer de trouver une théorie
dont seul vous et vous-même
détenez la clef et comprendre que
l’essentiel du film et un trip venant
directement du cerveau de Carax.
Il ne parle alors que de lui, de ses
expériences et de son cinéma. Et
ce réalisateur maudit en a des
choses à exprimer, une industrie
cinématographique qui ne le
reconnait pas, des échecs qu’il
répertorie alors dans les
personnages. Monsieur Oscar, dans
une limousine, est en route vers sa
journée de travail. Rôle après rôle, il
va accomplir nombre de missions .
Il va croiser des belles femmes, des
étrangères, des chanteuses, des
enfants, … Il va provoquer du
changement, dépasser les bornes
et intriguer. Leos Carax ressort son
Monsieur Merde, il va même
montrer deux amoureux avec le
Pont Neuf en fond.Un hommage à
lui-même, un hommage à son
œuvre dans un film égocentrique
et très sincère ou finalement il ne
parle que de lui, de sa vie et de son
œuvre.
Parlons-en de ce Monsieur Merde,
Denis Lavant 11 rôles, 11
personnages à incarner à l’écran
et une performance qui aurait très
largement mérité plus de
reconnaissance par le Jury à
Cannes… car oui c’est aussi un
grand oublié de Cannes.
Ainsi Holy Motors semble avoir
trouvé un sujet original jamais
abordé d’une telle façon au
cinéma, criant de vérité, critique
de société et une sorte de thérapie
pour le réalisateur : “Je continue
comme j’ai commencé, pour la
beauté du geste”. Bref. Un voyage
en limousine, une expérience et
une expédition dans l’âme du
cinéma. C’est autre chose que l’on
n’a pas l’habitude de voir, c’est
unique. C’est une œuvre à part qui
mérite d’être vue et connue au
moins des cinéphiles.
Pour moi c’est un 9 sur 10, et le
point manquant est attribué à mon
insu car j’ai surement dû louper
quelques choses.
Holy Motors (2012), de Leos Carax
avec Denis Lavant, Edith Scob
par Paul Demougeot
Christopher Nolan emmenait déjà
en 2008 avec The Dark Knight le film
de super-héros dans des territoires
jusque-là peut exploités, en
donnant du relief et en exploitant
la part sombre du héros de
Gotham City. On se demandait
comment l’on pourrait à nouveau
apprécier quelconque film traitant
des héros de chez Marvel ou DC
Comics et les films qui suivirent ne
nous apportèrent pas la satisfaction
éprouvée en voyant par exemple
Heath Ledger (le Joker) s’enfuir de
prison après avoir mis une bombe
dans le ventre d’un prisonnier.
En bouclant sa trilogie, Nolan
surprend encore, allant toujours
plus loin dans le grandiose, la
mégalomanie, la terreur installés
lors des deux premiers opus. Le
casting nous laissait déjà présager
de bonnes choses avec les
apparitions du génial Tom Hardy en
Bane (sorte de colosse terroriste),
du pipou Joseph Gordon-Levitt et
de Marion Cotillard aka la
personne qui sait le mieux mourir de
l’histoire du cinéma (ouch le vilain
spoil)(peopledyinglikemarioncotillar
d.tumblr.com). Les puristes de séries
reconnaitront aussi pour de petits
rôles le Sir Baelish de Game of
Thrones et le Joey Quinn de Dexter.
On retrouve donc ce bon vieux
Gotham City huit ans après les
évènements qui ont marqués la fin
de TDK. Bruce Wayne qui a pris la
responsabilité du meurtre d’Harvey
Dent afin que ses lois contre le
milieu mafieux puissent voir le jour
ne sort plus et reste coincé chez lui,
il ressemble à un vieillard, son corps
mutilé le fait souffrir. Sauf qu’un
beau jour, le très méchant Bane
arrive à Gotham dans le but d’y
instaurer un chaos sans nom et de
rendre à la vraie population ce qui
lui appartient, vous avez dit peur du
communisme ?
Batman est donc une nouvelle fois
appelé au secours, bien que
traqué par certains flics. Le temps
d’apprendre à se battre sans
cartilage dans son genou et se
remettre le dos droit, il part donc à
la rescousse de la population, aidé
par le super-flic Gordon-Levitt et
une Catwoman incarnée par Anne
Hathaway très surprenante par
rapport à ce qu’elle nous avait
habitué. Malheureusement, les
premiers combats contre Bane
sont inégaux et Bruce est vite
renvoyé à ses méditations.
C’est pendant son absence qu’une
partie intéressante du film a lieu,
Gotham est littéralement coupée
du monde extérieur, les ponts sont
détruits et l’armée veille à chaque
point de passage encore existant.
Des pseudos procès expéditifs ont
lieu et condamnent les puissants de
la ville à la mort ou à l’exil (qui
consiste à traverser le fleuve gelé,
soit mourir) rappelant ainsi la
fameuse blague de « la mort ou
tchétché ? »
Le film, très long (2h44), explore
petit à petit toutes les phobies de
l’Amérique post-Bush : les attaques
terroristes, les mensonges d’Etat et
même la folie du monde boursier
(l’impressionnante scène de
braquage de la bourse). Sauf que
cette fois le danger ne vient pas de
l’extérieur mais de la ville même, et
plus précisément des souterrains.
Car c’est dans les égouts que la
bande à Bane a élu domicile,
organisant comme une seconde
ville que personne ne veut voir
dans cet endroit sinistre. Ce sont
donc les rejetés du système qui
s’attaquent aux puissants de la ville.
Il existe aux Etats-Unis des
souterrains de grandes villes
comme Las Vegas habités par les
plus démunis que la municipalité
essaye de cacher aux touristes
abondant par milliers dans la cité
chaque année.
The Dark Knight Rises est un de ces
films pleins, qui ne te lâche pas de
la première à la dernière minute,
respectant les consignes du
blockbuster américain tout en
ajoutant le style si particulier à
Nolan.
Là où le film excelle, c’est qu’il
s’inscrit parfaitement dans notre
époque en essayant de
décortiquer tout ce qui la construit.
The Dark Knight Rises, de
Christopher Nolan (2012) avec
Christian Bale, Tom Hardy, Joseph
Gordon-Levitt.
par Laura Cuissard
Le titre de l’album de l’album n’est
pas un euphémisme, il ne faut pas
le lire comme une promesse en
l’air : c’est en effet une Awesome
Wave, titre tiré du livre American
Psycho de Bret Easton Ellis, une
«vague incroyable » qui vous saisit
pour ne plus vous lâcher, au point
que ces 4 musiciens d’origine
anglaise sont le phénomène de
cette année 2012, la rédaction
d’Archibald est prête à en faire le
pari.
Mais qu’ont-ils de si spécial ?
Dressons un rapide tableau de
l’histoire du groupe : tout
commence de manière plutôt
banale pour ce groupe formé il y a
4 ans et composé de quatre
membres âgés de 22 à 26 ans qui
se sont rencontrés à l’université de
la ville de Leeds, alors qu’ils
étudiaient la littérature anglaise et
l’art. Quatre sages garçons donc,
cheveux bien peignés, lunettes
geeks sur le nez, cols boutonnés,
avec un charisme timide et bien
rangé, plus proches de l’image de
Belle and Sebastian ou des plus
récents The XX (qui eux aussi ont
été formés en école d’arts
plastiques) que des groupes
incontrôlables et déjantés à
l’image photogénique qui ruinent
les chambres d’hôtels. Ils ont monté
leur premier groupe, Daljit Dhaliwal,
renommé plus tard Films, mais
parce qu’on risquait de les
confondre avec le groupe
californien The Films, les Films
devinrent Alt-j, puisque le maintien
des touches « alt » et « j » sur mac
permet de réaliser un triangle (∆),
forme qui les obsède et signifiant le
changement en mathématiques.
Après des semaines de casse-tête
à essayer de percer le mystère Alt j,
une réponse, une piste, une
ébauche d’explication a semblé
s’imposer : ils sont tout simplement
inclassable. Les quatre garçons
admettent avoir une inspiration
commune, l’excellent album In
Rainbows (2007) de Radiohead,
mais autrement, chacun a amené
son univers : des Deftones, au hip
hop (le beat de Tesselate), à la
dubstep (référence claire dans
Fitzpleasure ), leur musique est au
carrefour de ces styles en
apparence contradictoire. Alt-J
veut dépasser les catégories, se
libérer des mouvements musicaux
qui rythment les décennies, et faire
une synthèse de ce qui leur plaît,
en réfléchissant peu au résultat qui
en découlera. Pas question, ici, de
chercher un son faisant échos aux
années 80, à paraître retro ou
vintage comme la tendance le
veut. Ils ne sont pas nostalgiques, ils
ont le regard dirigé vers l’avenir si
bien que l’on peut dire qu’un
nouveau mouvement semble sur le
point de poindre son nez, la
fracture entre rap et rock semblant
définitivement abolie et ringarde.
Comme le triangle qui est un
symbole utilisé à la fois par la
science mais aussi par la théologie,
ils réussissent à allier des idées qui
semblent au premier abord en
compétition : la précision
scientifique de leur instrument
faisant appel à la raison et une
sorte de transcendance planante
portée par la foi, l’harmonie
géométrique de leurs notes et la
passion habitée de leur chant, le
côté intellectuel de leurs références
et les sons accessibles, ayant un
écho dans notre chair. Ils sont
audacieux, et comme inconscients
de la petite révolution qu’ils
amorcent (“L'innovation à tout prix
n’a jamais été notre but ultime. On
a toujours fonctionné de manière
très naturelle”), de cette nouvelle
pop qui naît dans nos oreilles. On
peut quand même s’aventurer à
faire de timides comparaisons, leurs
sons plaintifs rappellent Radiohead,
leurs paroles engagées et leur
inventivité les rapprochant des
enragés Wu Lyf (la révélation de
l’année dernière), la folie juvénile
proche des écossais Django Django
ou de Born Ruffians, la délicatesse
et la voix peinée des Wild Beasts, la
rythmique à quelque chose
d’ethnique, d’instinctif, auquel
s’ajoute la délicatesse et
l’harmonie d’une chorale. Mais
encore une fois, rien n’est
satisfaisant, rien ne correspond
complétement, aucune étiquette
ne tient sur leurs minois.
A cette inventivité s’ajoute deux
choses nécessaires : la perfection
de la forme et du fond. Ils se sont
forgés une réputation de
perfectionnistes, leur valant le nom
de petits prodiges, excellence qui
paraît au travers de la construction
de leur premier album : s’enchaîne
tout naturellement l’intro, les
interludes (il y en a 3), avec une
recherche d’une continuité dans
les sons, commençant par les
chants tourmentés et saccadés
d’une jeune femme abandonnée
dans Interlude I et se concluant en
douceur sur la dérive d’un amant
cherchant le paix dans Hand
Made, comme si les morceaux
avaient été conçus les uns à la
suite des autres pour emmener ses
auditeurs dans une longue ballade
tortueuse et inspirée.
Perfection de la forme donc, de
l’orchestration, mais également du
fond, de ce que ces quatre anglais
veulent nous dire. Rien n’est laissé
au hasard : nous l’avons vu pour le
titre de l’album, en référence à
American Psycho, le nom du
groupe, mais aussi leurs chansons
sont une mine de référence.
L’auditeur ne peut être passif, il doit
mener sa petite enquête pour
découvrir le message qu’on veut lui
transmettre, sa curiosité est attisée
si bien qu’on ne peut s’empêcher
de repasser en boucle les
morceaux pour repérer les indices,
les références, comprendre les
rouages et s’approprier pleinement
cet objet encore non identifié.
Ainsi, Matilda a été composée en
parallèle du film de Luc Besson
Léon (on peut d'ailleurs y entendre
Joe Newman susurrer en français :
"Elle a besoin de toi, cela vient de
Matilda"), la chanson Taro relate la
mort du photographe de guerre
Robert Capa qui a marché sur une
mine alors qu’il allait prendre en
photo un convoi français et l’amour
celui-ci pour Gerda Taro, son
amour décédé dix ans plus tôt. Ils
citent le jeune chanteur
britannique folk quasi inconnu en
France Johnny Flynn qui a fait un
très beau duo avec Laura Marling.
A la manière d’un collage, An
Awesome Wave est une
juxtaposition de ce qui les inspire,
même si à première vue, elles ne
semblent pas aller ensemble : ainsi
le clip Tesselate met en scène de
jeunes bad boys et des bimbos à la
manière du peintre de la
Renaissance Raphael dans son
célèbre œuvre « L’école
d’Athènes » (photo ci-dessus). Les
genres s’entrechoquent, les
cultures se confondent, les barrières
tombent. Alors que les spécialistes
s’évertuent à nous répéter que l’art
semble être arrivé au bout de ce
qu’il avait à dire, que la création
est morte, Alt J nous montre bien
que nous assistons bel et bien à une
naissance d’un nouveau type, d’un
mouvement encore sans nom.
Alt-J (∆) , An Awesome Wave
(2012), Infectious Music
(oui on est trop pauvres pour aller
aux 4 jours donc voilà)
par Alexia Armand
photos Paul Demougeot
La soirée débute à 20h, avec
Monogold pour ouvrir le bal.
Originaire de Brooklyn, le trio lance
des notes fraîches et estivales, avec
un certain optimisme et des
mélodies légères comme la petite
brise qui serpente entre les
spectateurs, pas très nombreux
cela dit. Ça sonne comme du
Grizzly Bear (en un peu plus joyeux)
ou du Animal Collective. Pas très
connu, ils ne reçoivent pas trop
l'attention de l'audience, venue
pour Baxter Dury ou Friendly Fires ;
les trois New Yorkais ne se laissent
cependant pas démonter, et
s'amusent en jouant leurs tracks.
Agréable à l'oreille, mais pas
transcendant, Monogold anime
doucement la soirée en achevant
leur apparition avec Spirit or
Something.
Après une petite pause, nous
accueillons le quatuor parisien
portant le curieux pseudonyme de
Apes and Horses. Les musiciens sont
bons et leurs petites manies lorsqu'ils
jouent sortent un peu de l'ordinaire.
Guitare, voix, batterie, basse et
synthé se marient à merveille aux
lumières, dansants sur les visages
spectateurs. Pas encore très
connus, ils font leurs preuves avec
leurs propres compo. Enfants des
Pink Floyd et influencés par
Radiohead, Apes and Horses font
partie de cette nouvelle génération
d'artistes à la recherche d'une
nouvelle branche musicale, tout
comme Wu Lyf et Alt J. Ce sont des
inclassables, favorables au retour
du slow et aux interludes musicales,
où le verbe laisse toute la place à
la note. La finesse des morceaux et
l'interprétation passionnée du
groupe rend l'instant un peu
dramatique, juste comme il faut
pour une catharsis auditive.
C'est ensuite au tour de Baxter Dury
de brûler les planches du Pantiero.
Ce quadragénaire Britannique nous
apporte une Happy Soup,
constituée de ces acolytes
musiciens et choristes. C'est
impressionnant de voir à quel point
il est sympathique et content de se
produire devant le public français.
Un gorgée de bière tout en
racontant un peu n'importe quoi
avant d’enchaîner les titres de son
dernier album avec quelques
variantes : on note l'Isabelle
accompagné de postures disons
théâtrales par monsieur Dury, un
Leek at the Disco beaucoup plus
rock que sur l'album, le Happy Soup
en force, Picnic en the edge
carrément délirant, et un gig
cloturé par Oscar Brown et Cocain
man, deux morceaux plus anciens.
La choriste est la touche raffinée et
exotique de ce spectacle ; et le
guitariste expert, dont la mèche
balance de gauche à droite,
dégage une véritable sensualité
jusqu'aux pores de sa peau. Le seul
bémol, c'est le manque d'originalité
dans le choix des morceaux
interprétés. Cela dit, le public du
Festival Pantiero un peu blasé
parfois, suit Baxter et son équipe
dans une folie aussi agréable que
passagère.
Pour terminer la soirée, les tant
attendus Friendly Fires cavalent sur
scène pour faire bouger les
sudistes. Plutôt orienté pop et
électro, ces Anglais ont compris
que marcher sur les traces de
Prince peut faire dandiner la terre
entière. Ils ont été reconnu grâce à
leur apparition musicales dans le
jeu vidéo Gran Turismo 5, ainsi que
la série américain Gossip Girl. Ce
projet musical n'est certes pas
particulièrement ambitieux, mais
possède l'avantage de répandre la
bonne humeur autant que de faire
chavirer la bière des gobelets du
Festival. On remarque avec surprise
les talents de danseur d'Ed
Macfarlane, le chanteur, qui
parcourt avec aisance l'espace
scénique et se déhanche comme
au Brésil. On termine donc sur une
note légère : le public sort l’œil
pétillant et les cheveux en bataille
de la folle soirée numéro 3 du
Festival Pantiero.
Apes and Horses
Baxter Dury
par Julie Perez
L’été à Juan les Pins il y a la plage,
les bars et les boutiques hors de prix
mais il y a aussi un festival de Jazz
qui depuis 52 ans accueille aussi
bien de grands artistes, tels que Ray
Charles, Ella Fitzgerald ou encore
Nina Simone, que des musiciens
plus méconnus mais tout aussi
talentueux qui passionnent les
connaisseurs et permettent aux
amateurs de découvrir ce style de
musique qui en a inspiré tant
d’autres. Alors c’est partit, cultivons
nous à travers 9 jours de concerts
auxquels j’ai eu la chance
d’assister.
Jour 1: Adam Cohen et Norah
Jones
Après un premier échauffement
dans les rues d’Antibes avec la
partie Jazz Off du festival, celui-ci
s’ouvre officiellement avec la
seconde participation de Norah
Jones. Mais ne sautons pas les
étapes car quasiment tous les
concerts disposent d’une première
partie. Ce soir là c’est Adam
Cohen qui s’y colle. Oui, oui le fils
de Leonard Cohen pour ceux qui
connaissent. Auteur-compositeur, il
nous livre à la guitare des balades
romantiques, épurées et poétiques.
A découvrir sur ses trois albums et
notamment le dernier «Like a Man».
On regrettera juste son jeu de
scène, un peu prétentieux.
Néanmoins on ne peut lui
reprocher de ne pas communiquer
avec le public, tandis que Norah
Jones mérite cette critique. L’artiste
a parfaitement exécuté son dernier
album, plus pop que le précédent,
tout en insérant ses anciens succès,
mais elle n’a justement fait que le
jouer, tel quel, sans interprétation
particulière, sans présence
scénique et sans complicité avec le
public. La belle Norah nous donne
un concert musicalement agréable
mais qui aurait mérité d’être moins
lisse.
Jour 2 : Anoushka Shankar et
Charlie Winston
Juste après Norah Jones voici
sdemi-soeur, Anoushka Shankar,
princesse de la musique indienne,
fille de Ravi Shankar, le célèbre
joueur de sitar qui avait collaboré
avec les Beatles. Tout le monde
n’apprécie pas la si particulière
musique indienne, mais, même si
elle a du rester assise pour pouvoir
jouer de son immense instrument,
Anoushka a su faire danser la foule
avec ses compositions (tirées de
son dernier album «Traveller»)
mélangeant, avec originalité et
talent, le flamenco espagnol et les
sonorités indiennes. Le public est
conquis et prêt à passer à un tout
autre genre, plus pop. Le chanteur-
musicien-auteur-compositeur
anglais Charlie Winston est en effet
la tête d’affiche de ce soir. Pour sa
deuxième participation au Jazz à
Juan, il met le feu à la foule grâce
à ses chansons les plus rythmées
(Tant le fameux «Hobo» que les
nouveaux titres de son album
«Running Still» sortit fin 2011), sa
maîtrise du Beat Box et sa présence
incroyable sur scène, jouant avec
les lumières et avec le public.
Public qu’il saura aussi charmer en
jouant ses balades seul sur scène,
armé uniquement de sa guitare ou
de son piano et surtout de sa voix.
Jour 3 : Robin McKelle et Tom Jones
Avec son album «Soul Flower» la
diva jazzy et pétillante Robin
McKelle a envouté le public du
festival. Sa voix chaude et son
attitude décontractée ont donné
une introduction soul au concert
de Tom Jones. Le crooner était
attendu par des centaines de fans
et au vu de leur réaction, il a su les
satisfaire. Alternant ses titres jazz des
années 60 et ses titres pop plus
récents, il a joué de ses airs
charmeurs et de sa voix profonde
et puissante pour conquérir un
public aux anges.
Jour 4: Sonny Rollins
Qui d’autre que cet immense
saxophoniste, en passe de devenir
citoyen d’honneur d’Antibes (tout
comme Picasso), pour être le
parrain de l’édition 2012 du Jazz à
Charlie Winston
Juan? Courbé d’avoir tellement
joué, le «Saxophonus Colossus»,
génie dans son domaine, mêle
mélodies des îles et jazz pur. Sonny
Rollins est profondément respecté
par le public, et que l’on aime ou
non le jazz, on ne peut être
qu’impressionné par l’incroyable
performance de ce maître du
saxophone.
Jour 5: Alex Stuart Quartet et The
Juan Guitar Summit
Chaque année se tient le concours
de révélation du Jazz à Juan, le
gagnant ayant le droit à un
concert l’année suivante. C’est ce
qui s’est passé pour le Alex Stuart
Quartet, formation de Jazz élue en
2011. Originaire d’Australie, le
leader Alex Stuart a réuni des
musiciens venus des quatre coins
du monde, associant ainsi jazz et
world musique. Mélange assez
spécial qui, si on en sent la
recherche et la qualité technique,
plaira surtout aux purs amateurs de
jazz. Il en est de même pour le Juan
Guitar Summit qui réunit pas moins
de 6 artistes se complétant
parfaitement. 5 guitaristes vont se
succéder: Biréli Lagrène apportant
une touche manouche, Philip
Catherine (non non, pas le
chanteur à la banane mais un
célèbre jazzman belge), Mike Stern,
connu notamment pour avoir joué
sur les albums de Miles Davis, et
Richard Bona auteur-compositeur
et surtout chanteur qui a fait vibrer
le public grâce à sa voix chaude.
Le groupe Troc, composé
notamment du batteur à la
renommée mondiale André
Céccarelli et reformé pour
l’occasion, s’ajoute à cette liste
d’artistes tous célèbres dans leur
domaine. Une affiche de rêve pour
les connaisseurs donc. Ils semblent
d’ailleurs apprécier même si la
soirée traîne en longueur et que
beaucoup partent avant la fin (Une
heure du matin) ne profitant pas
ainsi de tous ces artistes à qui il
aurait peut-être fallu donner plus
qu’une soirée.
Jour 6: Jazz Crusaders et Bobby
McFerrin&Yellow Jackets
Un pianiste, un tromboniste, un
saxophoniste, et c’est parti pour un
groupe formé en 1960 (avec à
l’époque un batteur) qui va
enflammer la foule grâce à son
mélange de jazz, de soul et de
funk. Un moment agréable,
notamment grâce à leur joie de
vivre contagieuse, qui donne envie
de découvrir ce jazz un peu moins
pointu. Les impros et les solos, tant
au piano qu’aux cuivres, attestent,
comme si cela était vraiment
nécessaire, du talent de ces
musiciens hors pair. Autres
musiciens de talent, les quatre
Yellow Jackets (non, ils n’avaient
pas de vestes jaunes) qui
accompagne avec une musique
mélangeant pop, musique
africaine, latino et bien sûr jazz,
Bobby McFerrin. Vous connaissez le
célèbre «Dont Worry, Be Happy»? Et
bien c’est lui. Maître incontesté du
BeatBox à la sauce jazzy, ses
vocalises impressionnent et
conquièrent les fans comme les
novices.
Jour 7: Keith Jarrett, Gary Peacock
et jack DeJohnette
Ce soir c’est LE grand soir pour tous
les puristes. Le festival reçoit
comme tous les ans le pianiste
prodige Keith Jarrett, adulé par ses
pairs comme par son public. Et ce
serait être sourd que ne pas
reconnaître le génie artistique du
pianiste, encore une fois même si
l’on n’aime pas sa musique. On
peut certes lui reprocher d’agir
comme une diva irascible, jouant
dos au public, faisant éteindre
pratiquement toutes les lumières et
s’arrêtant de jouer si quelque chose
ne lui convient pas, mais c’est le
prix à payer lorsqu’on accueille une
telle star. Avec ses deux compères
de toujours, Gary Peacock
contrebassiste et Jack DeJohnette
batteur, il nous offre de la grande
musique, un jazz sans fioritures,
classique et à écouter au moins
une fois dans sa vie.
Jour 8: Chic feat Nile Rodgers et
Kool and the Gang
Et cette année le Jazz à Juan se
clot sur une note funky. Ce soir on
remonte dans les années 70, vers le
disco et le funk qui puisent leurs
racines dans la musique jazz. Chic
et Kool and the Gang vous les
connaissez forcément, ou du moins
leurs chansons. Le monde entier a
déjà dansé sur le «Freak» du groupe
Chic. En tout cas le public de ce
soir-là le fit. Chic a trouvé le bon
filon en reprenant toutes les
chansons écrites et produites par
Nile Rodgers leur leader (l’autre
membre Bernard Edwards ayant
disparu) mais normalement
chantées par Diana Ross, David
Bowie («Let’s Dance» c’est eux) ou
encore Madonna avec «Like a
Virgin». La foule endiablée était
donc prête à recevoir d’autres rois
des années 70, les Kool and the
Gang. Si ils ont aussi su faire danser
leurs fans, on peut tout de même
leur reprocher d’avoir voulu trop
allonger leurs titres, de les avoir trop
délayés et de donc perdre un peu
de cette ambiance festive qui les
caractérise. Résultat: la foule est
moins motivée que pour Chic, et le
concert s’éternise. Ils exécutent
leurs plus grands tubes à la fin,
toujours avec des digressions qui
donne de la lourdeur à la musique,
et s’en vont sans rappel, ce qui
laisse les fans sur leur fin.
Le Jazz à Juan se finit tout de
même dans une ambiance festive
et c’est tant mieux car le concert
gratuit de Gospel du lendemain qui
conclue habituellement le festival
fut annulé à cause du mauvais
temps. On reste donc sur une note
plutôt positive pour ce Jazz à Juan
qui a su nous faire bouger et surtout
découvrir de nouveaux horizons,
bref élargir notre culture et ça c’est
toujours bon à prendre !
par Yohanna Andriamanisa
«
Premier de la classe, sans aller en
classe, connasse, collectionneur de
cravate. Efficace dans la cabine,
comme derrière les machines, Para
One fait pleurer les gamines. » En
2007, Para One posait ces quelques
phrases simples et efficaces sur un
des derniers morceaux de TTC
(Ambition, sur l’album 3615 TTC).
Depuis, Jean-Baptiste de Laubier
de son vrai nom a bien évolué.
Producteur fidèle de TTC, il était
signé chez Institubes jusqu’à ce
que ce label ferme. Para One s’unit
alors avec Bobmo et Surkin pour
créer un joli bébé : le label Marble.
C’est donc sur Marble que Para
One a sorti mi-juin son premier
album : Passion. Cet album, c’est le
plus beau cadeau qu’on pouvait
te faire en cet été. Voici une petite
pépite électro aux beats hyper
travaillés qui te rafraîchissent les
oreilles quand le soleil tape trop (sur
Wake me Up). Au contraire, les
rythmes funk et la voix
délicieusement groovy de Jaw sur
When The Night réchauffent les
nuits parfois fraiches et te motivent
à aller danser toute la nuit. Il est vrai
que parfois les multiples influences
de Para One rendent cet album un
peu fouillis, mais comment lui en
vouloir ? D’autant plus que les
nostalgiques de TTC (dont je fais
partie) seront plus qu’heureux de
retrouver Teki Latex sur non pas un
mais deux morceaux : Every Little
Thing, chanson parfaite pour
draguer sur la plage avec Irfane (tu
sais, celui qui chante avec
Breakbot) en second guest + Lean
on Me à écouter quand tu auras
pécho sur la plage (attention au
sable, ça irrite) et que tu rentres à
pied face au soleil levant. En bref,
Para One nous régale avec la
bande son électro de l’été : un
assemblage multi faces de
morceaux efficaces et Passion-és.
Passion, (Juin 2012) Marble Records
par Yohanna Andriamanisa
On pénètre dans l’univers
bouillonnant d’Hot Chip comme
dans une marmite électronique. Il
est impossible de ne pas être
totalement immergé, submergé de
sons, de la voix aïgue d’Alexis
Taylor, de rythmes entrainants. Ce
nouvel album des londoniens a
pour ingrédients un florilège de pop
songs pêchues, entêtantes, voire
parfois trop. On pense par exemple
à la sympathique How do you do ?
dont le clip à l’esthétique cheap
90’s et les paroles niaises forcent
quand même à se demander si le
soleil ne nous a pas trop tapé sur la
tête. Cependant, ce cinquième
album d’Hot Chip reste
extrêmement bon car il va plus loin
que le simple album pop de l’été.
L’ambiance va changeante,
d’abord dansante, puis
mélancolique sur le merveilleux titre
Look at where we are, presque
musique de club sur Night and Day,
jusqu’au tube Flutes (et faire un
tube de 7 minutes, c’est
honorable). En merveilleux
chimistes musicaux, les Hot Chip
jouent de tous les matériaux dont ils
disposent : les voix se mêlent
jusqu’à devenir des instruments à
part entière, les rythmes saccadés
n’hésitent pas à éclater en mille
morceaux la composition des
morceaux. Cet album a une
certaine habilité à voguer de façon
schizophrène entre les genres, les
ambiances. De ce fait, il nous laisse
ce gout étonnant, rafraichissant
même si parfois déconcertant. Si
vous trouvez quand même que
tout ça manque de joie estivale, on
vous conseille le chouette remix de
Look at Where we Are par Major
Lazer (dispo sur la chaine youtube
de Domino Records).
Domino Rec (juin 2012)
Top Related