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ARRÊTÉ DES COMPTES 2018Règles françaises, Résultat fiscal et IFRS

Mardi 27 novembre 20188h30-18h00 - Salle Pleyel - Paris 8e

A une date proche de vos clôtures pour vous donner ledécryptage des impacts comptables

à jour des projets de loi de finances de fin d’année

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Fusions et Acquisitions et IFRS (Ed. F. Lefebvre)

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LaRéférence

L' ÉDITO de Muriel Jasor

L es conditions de travail ne leur conviennent pas, ils ne rechignent pas à rejoindre le

milieu de l’entreprise, leurs prétentions salariales sont très élevées, ils refusent certaines contraintes géographiques… Les ingénieurs peuvent se permettre de jouer les divas. Leur recrutement est en tension : seulement 2,5 % sont en recherche d’emploi, selon l’IESF, Société des ingénieurs et scientifiques de France. Pour être plus précis, le pourcentage monte à 3,4 % si l’on compte les plus jeunes diplômés qui s’insèrent en moins d’un an.Ces professionnels passent pour incontournables en entreprise et ils le savent : 54 % des ingénieurs s’estiment acteurs de la transformation numérique. Il n’empêche, certains profils restent difficiles à trouver sur le marché de l’emploi. Les as des études,

des systèmes d’information et autres chefs de projet sont des perles rares que se disputent les entreprises. Les sociétés de services, les cabinets de conseil et les sociétés d’ingénierie sont tout particulièrement à la peine. Et, phénomène nouveau, même les secteurs traditionnellement convoités par les ingénieurs connaissent, eux aussi, des difficultés : l’industrie ferroviaire, l’informatique électronique et optique ainsi que le secteur dit du « commerce réparation ». Voilà qui sans doute explique pourquoi l’ingénieur est mieux rémunéré que les autres top managers. A 57.000 euros, sa rémunération brute moyenne est supérieure de 17 % à celle des autres cadres. A noter : la population d’ingénieurs comprend désormais une proportion de 28,5 % de femmes pour la promotion de 2017. n

Heureux comme un ingénieur en France

Géraldine Dauvergne @Geraldinedauver

et Camille Marchais

U n DRH me confiait qu’il ne parvenait pas à rencon-trer les talents de son entreprise, ceux qui créent dela valeur, plus de deux ou trois fois au cours de leur

carrière… annonce de leur démission comprise ! », raconte Michel Font, managing partner chez Nelta, cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement de carrière des talents, cadres supérieurs et dirigeants. « Les grandes entreprises ne savent pas retenir leurs talents, faute de temps, alors qu’ils sont des éléments moteurs du change-ment. » Les recruter est devenu tout aussi difficile.

Niveau record de la pénurie des talentsTous les indicateurs sont dans le rouge. L’Apec prévoit un millésime 2018 de l’emploi des cadres exceptionnelle-ment tendu, dans toutes les fonctions (voir l’infographie en page 2). Le géant de l’intérim et du recrutement Man-power juge, pour sa part, que la pénurie des talents a atteint un niveau record en 2018. Les métiers du numéri-que et de l’ingénierie sont, de loin, les plus en tension. L’édition 2018 de l’enquête nationale de l’IESF – la société des ingénieurs et scientifiques de France – montre qu’en France, les ingénieurs touchent une rémunération supé-rieure de 17 % en moyenne à celle des autres cadres. Selon la même source, 49 % des recruteurs déclarent avoir rencontré des difficultés pour recruter ces profils, au lieu de 41 % en 2016 et de 37 % en 2015. La demande est très forte aussi du côté des développeurs et data scien-tists… « Chaque jour, les développeurs reçoivent plusieurs appels de recruteurs, raconte Marlène Ribeiro, directrice exécutive chez Michael Page, spécialiste des recrute-ments dans l’IT et les technologies. Lorsqu’ils s’ennuient ou ne se sentent pas considérés, ils quittent sans regret leur employeur ! Pour protéger ses salariés des concurrents, il est indispensable de savoir les écouter. »Impossible d’appliquer la même recette à tous les pro-fils. Coller au plus près des attentes personnelles des collaborateurs, c’est le secret des recrutements qui aboutissent aujourd’hui. « Le salaire ne suffit plus, ana-lyse Michel Font. La reconnaissance, l’équilibre, la lati-tude sont devenus beaucoup plus importants qu’un chè-que. Les employeurs doivent revoir leurs promesses, en prenant en compte une constante : la quête de sens est ce qui compte le plus pour les collaborateurs aujourd’hui. » Voici les tendances qui marchent pour attirer et fidéli-ser les perles rares.

La pénurie des talents a atteint un niveau record en 2018. Voici sept pistes pour séduire et retenir les profils que les entreprises s’arrachent.

RESSOURCES HUMAINES

COMMERCIAL l DIGITAL l DIRECTION GÉNÉRALE l FINANCE l JURIDIQUE l MARKETING l RH

Guerre des talents : comment attirer et fidéliser ?

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l Les fonctions les plus recherchées l Les secteurs les plus dynamiques l Comment gérer les Millennials

EXCLUSIF L’interview

anti-management de Karl Lagerfeld

À LIRE PAGE 8

LUNDI 2 JUILLET 2018 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 22728 | ISSN 0.153.4831 | NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT EXECUTIVES.LESECHOS.FR

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02 // A LA UNE Lundi 2 juillet 2018 Les Echos

Vincent [email protected]

C e n’est plus un secret pour per-sonne : la transformation numé-rique touche désormais l’ensem-

ble des organisations et des secteurs d’activité. Pour trouver les talents capa-bles d’investir ces nouveaux métiers et champs d’expertise, les entreprises, soutenues par la reprise économique, n’hésitent plus à recruter. Déjà première fonction d’embauche de cadres dans le

secteur privé en 2017, l’informatique resterait largement en tête en 2018 et concentrerait près d’un cinquième des 271.000 recrutements de cadres envisa-gés cette année, en hausse de 12 %.Pour autant, les autres fonctions de l’entreprise ne sont pas en reste. « Avec respectivement 19 % et 17 % des embau-ches prévues, les fonctions études-R&D et commercial-marketing offriraient d’importantes opportunités pour les cadres en 2018, souligne l’Apec. Par ailleurs, la fonction production indus-

Portées par la reprise économique, les entreprises n’hésitent plus à recruter pour faire face aux bouleversements induits par le numérique.

d’empowerment, de création d’entre-prise, ou de réseaux. Le groupe a aussi lancé avec Elle Active des podcasts sur smartphone, autour de conseils pour monter une entreprise, soigner son image, ou négocier son salaire. Avec l’idée de ne pas se limiter à faire du recrutement frontal, mais créer aussi un contenu ou un événement attrayant pour d’éventuelles recrues, avec un marketing personnalisé à l’extrême et d’apparence informelle.Mêmes subtilités chez Amazon France. Le groupe vient de clôturer son premier Amazon Campus Challenge, compéti-tion destinée aux étudiants en master. Les gagnants se voient proposer un stage ainsi qu’une dotation. Par petits groupes, les compétiteurs accompa-

gnent une TPE ou une PME dans la mise en œuvre d’une stratégie d’e-commerce sur la marketplace d’Amazon. La pre-mière édition de cet événement, qui a rassemblé le 26 juin près de 220 partici-pants, s’est révélée un outil stratégique de séduction autant que de repérage de talents. « Amazon est la deuxième entre-prise d’e-business mondiale, donc un très beau tremplin pour l’avenir », apprécie Héloïse Traisnel, étudiante à Skema Business School et gagnante du con-cours.

2 Redéfinir les contours de la rémunération

Un salaire fixe ou un brut élevé n’est plus toujours synonyme de rémunéra-tion attractive. Pour se démarquer de la

concurrence, mieux vaut valoriser le package global, avec le nombre de jours de congé, les RTT, l’intéressement et la participation, l’existence d’un CE et de tout dispositif fiscalement avantageux ou permettant de préparer l’avenir. Toutes choses que le collaborateur perdra s’il lui vient l’envie de quitter l’entreprise…

3 Moderniser l’environnementde travail

Canapés et baby-foot se sont répandus dans les grandes entreprises sous l’influence des startuppeurs. La salle de sport privée réservée aux salariés devient un classique. Sont-ils à ce point des critères de choix décisifs pour les futurs collaborateurs ? « Les plus jeunes

générations sont sensibles à l’univers des start-up. Mais l’intérêt de la mission confiée reste prédominant aux yeux des professionnels du digital », estime Marlène Ribeiro, chez Michael Page.

4 Promettre l’aventureAttirer les talents du numérique sur le seul prestige de la marque, voilà qui ne marche pas vraiment. « Les grands groupes auraient plutôt intérêt à rendre plus attractif le projet qu’elles proposent à leurs futurs développeurs », conseille Marlène Ribeiro. Or les équipes RH ne parlent que très rarement le langage de ces spécialistes. « Les développeurs adorent ce qui est en construction, précise la spécialiste. Ils fuient face à un projet où il n’y a que de la mainte-nance et des bugs à corriger ! Ils sont aussi à la recherche d’un environnement humain, d’une équipe où le responsable saura les faire progresser. » Les start-up l’ont bien compris. Pour attirer les perles rares du digital, elles mettent en avant le projet et sa technicité, le sens du collectif et la personnalité des fondateurs. Tout ce qui constitue une aventure technique et humaine.

5 Former et challengerLe développeur est obnubilé par la crainte de se trouver emprisonné dans une compétence ou un langage de programmation dépassé. « Il est cons-tamment en veille et en attente de forma-tion, assure Marlène Ribeiro. Il a besoin d’être challengé sans cesse. Il sera très sensible à une proposition qui lui permet de monter en compétence et de ne pas perdre de sa valeur. » Une aspiration en réalité partagée par tous les profils. AXA a ainsi conclu un partenariat avec Coursera, leader de la formation en ligne, afin de mettre à disposition gratuitement l’ensemble du catalogue pour tous les salariés, de manière illimitée et sur le temps de travail.

6 Accompagner au long coursles hauts potentiels

Il y a quelques années, un Summer Camp ou un MBA suffisait à fidéliser un talent. « Aujourd’hui, la durée des pro-grammes destinés à retenir les hauts potentiels s’allonge énormément », cons-tate Michel Font, chez Nelta. Le simple fait d’offrir un tel programme permet de faire patienter un collaborateur entre le moment où il est détecté comme haut potentiel et celui où s’ouvre le poste auquel il peut prétendre. L’accompagne-ment est la meilleure solution pour fidéliser ces profils, le consultant en est convaincu. « Un talent coûte deux ans de son salaire à remplacer. Le maintenir dans l’entreprise coûte 5 à 15 % au maxi-mum de son salaire en investissement d’accompagnement. »Ces programmes d’accompagnement intègrent du coaching, des learning expeditions et des ateliers de codéve-loppement. « Les problématiques abor-dées concernent aussi bien le manage-ment, le développement de compétences et de l’employabilité, mais aussi l’équili-bre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la gestion du doute, ou les problématiques fiscales et patrimonia-les », détaille Michel Font.

7 Trouver un équilibre entre viesprofessionnelle et personnelle

« Dans un grand cabinet de conseil en stratégie parisien, aucun des talents éligibles ne s’est porté candidat cette année pour devenir associé, rapporte Michel Font. Renseignements pris, plus personne ne voulait de la vie d’un associé ! » Un changement de mentali-tés de plus en plus pris en compte. Pour faciliter la vie de leurs colla-borateurs, les grandes entreprises proposent désormais des places en crèche, le télétravail, ou des services de conciergerie.Une politique sociale et familiale bien pensée peut même permettre de domp-ter les plus rétifs des développeurs. « Les grands groupes redeviennent attractifs à leurs yeux lorsque ceux-ci s’installent dans la vie, signale Marlène Ribeiro, chez Michael Page. Les condi-tions offertes par les grandes entreprises en matière de congés familiaux ou un package social bien pensé constituent des atouts de poids. » n

trielle et chantier a enregistré la plus forte progression des recrutements de cadres en 2017 (+22 %), et les embauches devraient se poursuivre. » Idem pour les fonctions achats, qualité, maintenance, logistique, sécurité et finance, compta-bilité, audit dont le nombre de recrute-ments devrait augmenter, en moyenne, de 7 % cette année. Seules les fonctions strictement support (administration, RH, communication, juridique) et la direction générale verraient leur dyna-mique d’embauche se tasser légère-ment, en recul de 3 %.

Les services en pointeEn concentrant près de sept recrute-ments prévus sur dix, les services reste-raient, logiquement, le principal secteur

porteur de l’emploi cadre en 2018. Avec leurs volumes conséquents et leurs taux de croissance supérieurs à 10 %, les embauches dans les activités informati-ques et télécommunications, l’ingénie-rie-R&D, les activités juridiques-comp-tables et de conseil devraient se révéler tout aussi dynamiques. « Ces secteurs accompagnent souvent la transformation numérique, notamment toutes les problé-matiques concernant la cybersécurité et les activités de Big Data, remarque l’Apec. L’ingénierie-R&D, en appui de l’industrie, est particulièrement sollicitée pour les projets d’accompagnement de l’usine du futur ou de développement de l’intelligence artificielle. » A croire que, pour les cadres, l’avenir professionnel sera numérique ou ne sera pas. n

La transformation numérique dope l’emploi des cadres

1 Créer un sentiment de complicité avec les candidats

C’est désormais au recruteur d’aller séduire les candidats, et non l’inverse. « Nos cibles sont chassées tous les jours, rappelle un chargé de mission marque employeur d’un grand groupe. Nous devons faciliter et accélérer toutes les étapes du recrutement. » Les outils qui permettent d’interagir avec elles sont privilégiés : les réseaux sociaux bien sûr, mais aussi les chat-bots, forums virtuels, jobboards, chatli-ves… « Nous inventons de nouvelles façons de recruter, poursuit-il. Par exem-ple avec My Little Paris, AXA a créé un lieu éphémère où les femmes parlent

SUITE DE LA PAGE 1

…Guerre des talents : comment attirer et fidéliser ?

L’IA POUR CHASSER LES TALENTS DE LA TECH

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Les Echos Lundi 2 juillet 2018 A LA UNE // 03

Valérie Landrieu @ValLandrieu

L a dernière édition du baromètrede l’Apec sur la situation desjeunes diplômés valide l’hypo-

thèse d’une tension qui s’accroît sur ces profils : un an après l’obtention d’un diplôme, les promotions 2016 étaient à 83 % en situation d’emploi. Et l’Apec note que « ces niveaux sont en légère progression par rapport à la

précédente promotion ». Pour de jeunes talents conscients de leur attractivité, le choix du poste et de l’entreprise repose bien évidemment, à 34 %, sur le contenu de la mission et, à 27,5 %, sur son adéquation avec un projet profes-sionnel, selon les statistiques de la CGE, la Conférence des grandes éco-les. Des critères qu’une étude du NewGen Talent Centre de l’Edhec, datée de juin 2018, vient compléter. Près d’un jeune diplômé sur deux y

GOUVERNER, C’EST OSERLe Colloque Dirigeants en Pays d’Avignon se penche, pour sa 10e édition, sur les évolutions qui ont marqué l’entreprise sur la base d’une enquête conçue par l’Ifop et le laboratoire IGS-RH.Il rassemblera, du 5 au 7 juillet 2018, à la maison Jean Vilar en Avignon, 120 participants issus des entrepri-ses, de la politique, de la culture, du monde académique. Thématique : « Gouverner, c’est oser ».

EN BREF

LES ENTREPRISES FRIANDES DE FREE-LANCESPlus d'un quart (28,9 %) des entre-prises françaises font appel à des free-lances pour accomplir des fonctions stratégiques, comme directeur des RH ou marketing, ou pour le développement de pro-duits, à en croire la récente enquête menée par SD Worx et l'Antwerp Management School.

ARRÊT SUR SOI

L es débats autour de l’électiondu prochain patron du Medefet certaines dispositions de la

loi Pacte concernant la finalité des entreprises posent, notamment, la question du type de gouvernance des entreprises.Si l’on veut caricaturer le débat : d’un côté, les tenants du capitalisme traditionnel qui donne tout pouvoir aux propriétaires et à celui qu’ils ont mandaté sur le plan opérationnel ; de l’autre, un modèle plus inspiré des pratiques allemandes où les partenaires sociaux participent aux décisions stratégiques concernant l’entreprise. Un tel modèle s’élargit à la prise en compte de l’intérêt des autres parties prenantes.En France, il semble que la majorité du patronat soit sur une position traditionnelle. Pourtant, sur le plan managérial, presque tous ont fait l’expérience de la puissance des pratiques participatives. Ils savent que plus les collaborateurs sont associés, plus ils sont engagés. Toute la démarche du lean management, notamment, repose sur ce principe et fait progresser les pratiques à partir du terrain. Mais lorsqu’il s’agit de la gouvernance de l’entreprise, on se heurte à des oppositions rigides et sans nuance.Le succès de l’expérience allemande et sa résilience dans

une économie mondialisée sont balayés par ceux qui ne veulent pas de cette gouvernance. Ils mettent en avant la différence culturelle et la maturité des partenaires sociaux outre-Rhin. Pourquoi de telles réticences des dirigeants ? La première explication est la peur. On parle de faire entrer le loup dans la bergerie. Comme si les partenaires sociaux, qui participeraient de façon plus étroite à la gouvernance, se révélaient des prédateurs.

pET APRÈS ?

Cette peur est le reflet de deux fragilités. Il y a d’abord la crainte de ne pas arriver à convaincre, ou plutôt de n’avoir à convaincre que des interlocuteurs du même milieu et du même environnement que soi. Ensuite, celle de maintenir secret ce qui doit l’être. Pourtant, Carlos Ghosn disait récemment que ceux dont il craignait le moins la révélation des contenus des conseils d’administration étaient les représentants des salariés.

La tentation de l’exercice solitaire du pouvoir et de la réduction, au maximum, des espaces de contestation est toujours le reflet d’une faiblesse. Elle organise un dispositif où les sources de challenges sont neutralisées. Ce qui appauvrit le débat, et donc limite la puissance des décisions. Alors que le thème de la diversité est reconnu par tous comme important, dans les plus hautes sphères du pouvoir, la tendance au confort de l’entre-soi est forte.Favoriser la présence de salariés aux conseils d’administration, c’est aussi prendre acte que l’entreprise n’est pas une propriété comme une autre. C’est un organisme vivant au sein duquel se forgent des destins d’individus. Le monde d’aujourd’hui se construit avec les acteurs qui le composent. Les dirigeants qui ont peur de cette réalité vivent dans le passé comme les partenaires qu’ils dénoncent à chaque fois qu’ils s’opposent au changement. Faire participer, donner envie, convaincre est au cœur du leadership actuel. Espérons que le nouveau patron du Medef en sera convaincu et qu’il entraînera ses pairs dans cette voie.

GouvernanceÉRIC ALBERTAssocié gérant d’Uside

Les entreprises se retrouvent face à des enjeux d’attractivité inédits. Monter en compétence, se développer, ne pas s’ennuyer figurent au nombre des critères décisifs des « talents » pour le choix d’un poste et d’une entreprise.

Propos recueillis par Florent Vairet @florentvairet

Pourquoi si peu de femmes dans le numérique ?Les stéréotypes exercent une pression inconsciente forte. Les filles intéressées par l’informatique n’osent pas être diffé-rentes et s’engager dans une filière où les femmes sont sous-représentées. La ten-dance n’est pas encourageante. Entre 2010 et 2015, les filles sont 7 % de moins à pas-ser un bac scientifique, passeport pour intégrer une école d’ingénieur. Les rares filles qui persistent en études d’informati-que quittent généralement leur poste au bout de dix ans. En cause ? Le sexisme dit ordinaire qui devient intenable. Ces envi-ronnements sont trop masculins et les entreprises ne savent pas accompagner les femmes sur un plateau technique et combattre les réflexes sexistes.

Comment remédier à cela ?Il faudrait former tous les salariés à l’égalité femmes-hommes afin qu’ils identifient le sexisme ordinaire. Ensuite, mettre en place un dispositif pour per-mettre aux femmes de se confier au

département des ressources humaines en cas d’incidents sexistes. Et enfin, prouver aux managers que les équipes mixtes sont plus performantes. De nombreuses études montrent que la mixité favorise l’innovation, la flexibilité, la communica-tion et in fine, la croissance.

Mais à quel niveau agir pour promouvoir l’inclusion ?Nous sommes dans une situation d’urgence. Il faut agir sur tous les chan-tiers en même temps : la formation initiale en incitant les jeunes filles à acquérir des compétences numériques, la formation professionnelle en encourageant les fem-mes à investir ces métiers à l’employabilité élevée, et enfin sur le terrain des entrepri-ses avec des dispositifs – bienveillants – pour changer les mentalités sans effrayer les hommes. Les entreprises ont à y gagner. Des chasseurs de têtes sont enga-gés à prix d’or pour renouveler les équipes de développeurs. Au lieu de payer ces cabinets, je dis aux entreprises d’investir dans les formations initiale et continue et d’accompagner les politiques publiques. Il faut le faire maintenant ! n

Dans le milieu du numérique, les femmes n’occupent que 27,5 % des postes. Salwa Toko, la nouvelle présidente du Conseil national du numérique, milite pour plus de mixité dans ces métiers.

LE RECOURS AUX MARCHÉS DEVIENT STRUCTURELDepuis la crise financière de 2008, les entreprises européen-nes se sont massivement tour-nées vers les marchés pour se financer. L'agence de nota-tion Standard & Poor's relève ainsi que leur financement obligataire est passé de 10 % en 2016 à 16 % aujourd'hui.

UNE MASSE SALARIALE EN VOIE D’EXPLOSIOND’ici à 2030, les salaires des sala-riés hautement qualifiés pour-raient fortement grimper en raison d’une pénurie de compétences, selon le cabinet Korn Ferry. En France, le coût d’une telle inflation est estimé à plus de 78 milliards d’euros, contre 511 milliards pour l’ensemble de la zone EMEA.

DR

déclare vouloir acquérir de nouvelles compétences et développer une ouver-ture d’esprit et des qualités personnel-les dans sa carrière. « Le deuxième objectif est ne pas s’ennuyer et avoir une diversité de missions », signale Manuelle Malot, la directrice du département Carrières de l’école de management. Vient, en toile de fond, un désir de sens et d’utilité de leur participation individuelle. « Une jeune femme est venue me trouver pour me faire part de sa déception », poursuit la directrice. « Diplômée en marketing, elle avait passé ses six premiers mois de travail sur le design de la première lettre d’un produit. »

« Ne me managez pas, développez-moi »Traditionnellement organisées en pôle d’expertise, les entreprises font face à des jeunes qui réclament exactement le contraire. « Nous notons une accélé-ration du syndrome déceptif », avertit Manuelle Malot, qui recommande aux entreprises qui consultent le centre d’anticiper des missions transversales. Car les représentants de la généra-tion Y restent en moyenne 22,5 mois dans leur premier emploi, selon l’étude du NewGen Talent Centre. Quasiment un moins de 30 ans sur deux a déjà quitté son premier emploi ! Un mau-vais coup pour les entreprises qui estiment que le retour sur investisse-ment lors d’un recrutement d’un jeune diplômé donne toute sa mesure à partir de la troisième année.Les Millennials, que l’on jugeait ina-daptés à l’entreprise, semblent dire à leurs managers : « Ne me managez plus, développez-moi. » Le prix de leur fidélité à l’entreprise ? Il tiendrait en trois attentes : reconnaissance des performances, transparence et honnêteté, aide au développement des compétences. n

Millennials : une génération exigeante

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« Les équipes mixtes sont plus performantes »

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SALWA TOKO PRÉSIDENTE DU CONSEIL NATIONAL DU NUMÉRIQUE ET DE L’ASSOCIATION BECOMTECH

AVEC LES MANAGERS MILLENNIALS, LES CODES VONT CHANGER

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04 // Lundi 2 juillet 2018 Les Echos

ANNE OUTIN-ADAMDirecteur des politiques juridiques et économiques de la CCI Paris Ile-de-France et expert au Club des juristes.

AU NOM DE LA LOI

D eux cent quatre-vingt-quatorzevoix contre 95, le Parlement aadopté le 21 juin la loi relative à

la protection du secret des affaires, transposant ainsi la directive européenne du 18 juin 2016. Malgré ce score élevé, rarement un texte aura fait couler autant d’encre et agité les réseaux sociaux.En cause, un dispositif qui mettrait à mal la liberté d’information des journalistes, organes de presse et lanceurs d’alerte. D’où le recours déposé le 25 juin par l’opposition auprès du Conseil constitutionnel…Il y a quelques années, traiter du sujet « secret des affaires » aurait pu apparaître comme une provocation. L’époque était à la transparence à tout-va, répondant à une méfiance généralisée à l’égard des opérateurs économiques : on saluait ses mérites, vantait ses vertus et le secret était suspect, créant une inégalité de fait entre ceux qui le possèdent et les autres.Plus récemment, la transparence a profondément innervé notre droit des sociétés. C’est peu dire que le cadre normatif des entreprises n’est pas propice à la préservation du secret de leur patrimoine immatériel. Pourtant, il est certaines informations que la société n’a pas intérêt à communiquer. L’Union européenne en a pris conscience et a conféré à la préservation du secret des affaires une légitimité qui lui manquait jusqu’alors, mettant en avant des statistiques inquiétantes – 1 entreprise sur 5 se déclarant victime d’au moins une tentative de violation de ses secrets au cours des dix dernières années.Sans nul doute, la loi adoptée répond à un enjeu de compétitivité internationale face à des concurrents, d’outre-Atlantique ou d’Asie, qui sur ce terrain de l’intelligence économique s’avèrent bien mieux armés que nous. Conscient de cet enjeu, le législateur ne s’est pas contenté d’instaurer un dispositif de réparation de la

Secret des affaires : le voile est levé

Valérie Landrieu @ValLandrieu

A près trois mois de visites d’usinesà travers le monde avec CarloBozotti, désormais retraité,

Jean-Marc Chéry (Ensam Paris) a pris les commandes de STMicroelectronics. L’une des premières décisions de l’ancien numéro deux du spécialiste des semi-conducteurs a été de constituer un comité exécutif. « Avec un comité de direction d’une vingtaine de membres, notre précédente organisation traduisait une volonté de concentration sur l’exécu-tion et la délivrance de résultats. Tout en conservant fermement cette volonté, nous voulons aussi aujourd’hui faire évoluer la société et transformer certains de ses processus clefs », explique celui qui est le premier Français à diriger le groupe né de la fusion de Thomson Semiconduc-teurs et de l’italien SGS, en 1987.La nouvelle instance de pilotage réunit les patrons d’activité et quelques fonctions support, avec une volonté de rééquilibrage des périmètres. A commencer par celui du directeur financier. A Lorenzo Grandi (physique et MBA de Bocconi) désormais, les finances, les infrastructures et les services. Dans le même temps, le juridique fait son entrée dans la garde rapprochée. L’Américain Steven Rose (doctorat en droit) reporte désormais directement au PDG. « Etant donné la complexité des blocs de propriété intellectuelle dans les grands contrats, placer le juridique à ce niveau de responsabilités est une arme offensive et défensive essentielle de l’organisation », commente Jean-Marc Chéry.Les patrons d’activité, des historiques du groupe, constituent la colonne vertébrale de l’organisation. Claude Dardanne (Esi-gelec) est, depuis janvier 2016, président du groupe microcontrôleurs et circuits

LE COMITÉ EXÉCUTIF

Jean-Marc ChéryPrésident-directeur général

Steven RosePrésident

legal counsel

GeorgesPenalver

Président ressources

humaines et RSE

Marco MontiPrésident groupe produits automobiles et discrets

Lorenzo GrandiPrésident finance, infrastructure et services, et directeur financier

Claude DardannePrésidentgroupe microcontrôleurs et circuits intégrés numériques

MarcoCassisPrésident ventes, marketing, communication et stratégie

Orio BellezaPrésident technologie, manufacturing et qualité

Benedetto VignaPrésident groupe produits

analogiques,MEMS et capteurs

« LES ÉCHOS » / SOURCE : SOCIÉTÉ / PHOTOS : SOCIÉTÉ, AFP

Valérie Landrieu @ValLandrieu

L ’IFA, l’Institut français des admi-nistrateurs, publie ce mercredi4 juillet, un baromètre de la

composition des conseils d’administra-tion des entreprises du CAC 40, actua-lisé après les assemblées générales. Quatre axes clefs s’en dégagent.

Mixité et extranationalitéCe travail statistique, réalisé par Ethics & Boards, témoigne d’abord des progrès de la gouvernance à la française. « En termes de diversité des conseils, la France se situe dans de bons standards », souli-gne-t-on à l’IFA. « La France est au pre-mier rang international en matière de mixité, fait valoir Agnès Touraine, la présidente de l’association. Près de 40 %

des administrateurs sont extranationaux, sachant qu’ils ne représentent que 15 % aux Etats-Unis. »

Représentant des salariésAutre donnée à retenir : 72,5 % des conseils d’administration ont au moins un administrateur représentant des salariés ou des salariés actionnaires. « Il y a encore onze entreprises qui n’ont ni l’un ni l’autre », note toutefois Agnès Touraine. Avec la loi Pacte, et alors que le gouvernement pousse la question de l’actionnariat salarié, le nombre de ces administrateurs devrait encore évoluer. L’Afep et le Medef sont également atten-tifs : le sujet figure dans les dernières révisions du Code. Les organisations patronales y ont apporté l’ajout suivant : « Afin d’assurer une représentation des administrateurs salariés là où se pren-nent les décisions stratégiques au sein d’un groupe, ces derniers siégeront au conseil de la société qui déclare se référer aux dispositions du présent Code. »Aujourd’hui à 8,1 % des effectifs des conseils d’administration, la représenta-tion des salariés est considérée comme un mouvement de fond. L’IFA veut procéder à un premier bilan de l’appli-cation de la loi Rebsamen qui en portait le principe. « Il faut prendre le temps de

mesurer la bonne intégration de ces administrateurs dans la collégialité du conseil », explique-t-on à l’IFA.

IndépendantsLe baromètre met aussi à mal quelques idées reçues, en particulier celle relative à la consanguinité des conseils. Plus de 68 % des administrateurs sont considé-rés comme indépendants. Face à eux : des administrateurs « structurellement non indépendants », des représentants des salariés et des représentants des salariés actionnaires, des exécutifs...Cette émergence des indépendants est également visible à l’échelle du SBF 120. Edité à trois reprises sur la période 2013-2017, le baromètre consacré aux conseils d’administration de cet indice indique que la proportion d’administra-teurs indépendants est passée de 52,9 % à 56,7 % en quatre ans.

Peu de cumuls de mandatsAutre préjugé à reconsidérer : celui relatif au PDG. Il reste la figure emblématique de l’entreprise trico-lore, mais dix-neuf groupes sur qua-rante fonctionnent aujourd’hui en séparant les fonctions de président et de directeur général. Le sujet de la dissociation fait plancher l’IFA : Ross

La gouvernance a évolué. Le travail statistique réalisé par Ethics & Boards pour l’Institut français des administrateurs, après les assemblées générales, témoigne des progrès réalisés dans les boards.

intégrés numériques, un actif clef pour STMicroelectronics. Cet ancien de Thom-son Semiconducteurs partage le marché fragmenté de l’Internet des objets avec Benedetto Vigna (diplômé en physique subnucléaire de l’université de Pise). Le président groupe produits analogiques, MEMS et capteurs s’est notamment fait remarquer, au cours des dernières années, pour le nombre de brevets dépo-sés dans le domaine du micro-usinage.

Supply chain, conception et R&DMarco Maria Monti (Ecole polytechnique de Milan, PhD d’électronique de l’univer-sité de Pavie) est l’homme de l’automobile intelligente et connectée. Le marché est porteur. Un millier de composants STMi-croelectronics sont, par exemple, présents dans l’Audi A8. A une autre échelle, les grands clients de l’entreprise s’appellent Apple, Cisco, HP, Samsung ou Nintendo.Avec la nouvelle organisation, communi-cation et stratégie ont enrichi le rayon

d’action de Marco Cassis (université poly-technique de Milan). Ce dernier continue par ailleurs de piloter ventes et marketing à travers le monde, notamment en Asie-Pa-cifique où le groupe réalise 59 % de son chiffre d’affaires. Dirigeant du pôle produc-tion de puces (front-end) depuis 2008, Orio Bellezza (université de Milan), qui fut un temps vice-président de l’activité recherche et développement, reprend la technologie, les opérations et la qualité. L’entreprise sera ainsi mieux armée pour son reposi-tionnement stratégique, estime son patron.A Georges Penalver (Ensam, ENST), aujourd’hui déchargé de la stratégie, de faire passer le message auprès des 45.000 salariés du groupe. « Nous avons de grands sujets de digitalisation dans les domaines de la supply chain, de la con-ception globale, de la recherche et du développement, précise le PDG. Et la société doit aujourd’hui œuvrer pour créer les conditions qui lui permettront d’être encore plus efficace. » n

Jean-Marc Chéry, qui succède à Carlo Bozotti au poste de PDG, a créé une instance de pilotage resserrée autour de huit patrons. La nouvelle organisation doit faciliter la transformation du spécialiste des semi-conducteurs.

STMicroelectronicsadopte la formule comexORGANIGRAMME

violation du secret mais d’étendre sa protection à toutes les phases des procédures judiciaires – y compris précontentieuse – au cours desquelles un secret serait produit. Ce faisant, il répond à une demande forte des entreprises.Et contrairement à ce qui est affirmé, en aucun cas la protection du secret des affaires n’affecte les droits des salariés, le droit de la presse ou les libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression des lanceurs d’alerte. Toutes ces situations font l’objet de dérogations explicites.Il appartient désormais aux entreprises de prendre leurs responsabilités en mettant en place des « mesures de protection raisonnables » pour rendre éligibles leurs informations stratégiques à la protection du secret d’affaires.Toutefois, un bémol : l’introduction d’une amende civile exorbitante du droit commun en cas de procédure dilatoire ou abusive des entreprises. Ce dispositif, pour le coup, interpelle du point de vue de sa constitutionnalité : il porte manifestement atteinte au principe du libre accès à la justice, spécifiquement pour les PME et start-up qui seront naturellement dissuadées d’agir en justice.Finalement, qu’il s’agisse de transparence ou de secret, c’est toujours la défiance qui sous-tend le débat… L’inconscient collectif assurément, dirait Jung. n

Un baromètre de transformation des conseils d’administrationGOUVERNANCE

McInnes, le président du groupe Safran, préside le tout nouveau groupe de travail.Le taux de cumul des mandats pourrait également surprendre : en 2018, 89 % des administrateurs n’ont qu’un mandat. Le cumul est un peu plus important dans le SBF 120, mais, signale Agnès

Touraine, « ce chiffre est extrêmement surveillé par les investisseurs ». Au demeurant, avec neuf séances de conseil en moyenne par an, sans compter les réunions de comité, il est de plus en plus difficile d’être un cumulard. D’autant que le taux d’assiduité des administra-teurs sera bientôt individualisé. n

l DIRECTION GÉNÉRALE l JURIDIQUE

L’ACTUALITÉ BUSINESS COMPÉTENCE PAR COMPÉTENCEP. 4-7

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Les Echos Lundi 2 juillet 2018 EXECUTIVES // 05

Delphine [email protected]

L a nouvelle a fait frissonner lemarché du travail en berne :Manpower s’engage à recruter

entre 5.000 et 6.000 intérimaires en CDI cette année. En clair ? Ces personnes sont recrutées par Manpower en con-trat indéterminé puis dépêchées dans des entreprises clientes de l’agence pour y travailler en intérim.

Une plus grande sécurité77 % des CDI intérimaires (CDII) se disent pleinement satisfaits de leur

statut, d’après une étude nationale réalisée par l’Observatoire de l’intérim et du recrutement en janvier dernier. Le salarié en CDII dispose de toutes les garanties et avantages d’un CDI classi-que : sécurité de l’emploi, congés payés, couverture sociale, formation entre les missions, etc. Il est rémunéré a minima au SMIC mensuel +15 % pour les agents de maîtrise et +25 % pour les cadres. Contrairement à l’intérim classique, la durée maximale d’une mission passe de dix-huit à trente-six mois. En contrepartie, le signataire est tenu de réaliser les missions proposées dès

Entré en vigueur le 6 mars 2014 et repris dans la loi Rebsamen du 17 août 2015, ce contrat hybride un peu particulier est désormais ancré dans le paysage au même titre que les autres contrats de travail.

Manpower s’est engagé à recruter entre 5.000 et 6.000 intérimaires en CDI cette année. Photo Hamilton/RÉA

Q uelques mois après son entrée enBourse sur Euronext, le groupeSMCP – qui commercialise les

marques Sandro, Maje et Claudie Pierlot – dresse un premier bilan de cette expé-rience. « Notre IPO a donné plus de visibi-lité et une forme de statut à notre groupe qui a grandi très rapidement », explique Jean-Baptiste Dacquin, directeur des ressources humaines (DRH) du groupe.

• L’IPO, condition sine qua non au rachatCes deux dernières années, SMCP a connu de nombreux changements. En avril 2016, après des mois de négocia-tions, le groupe familial a annoncé la prise de participation majoritaire du géant chinois Shandong Ruyi à son capital. Ce changement d’investisseur a interrompu un processus d’entrée en Bourse voulu par les actionnaires.

Un document de base, déposé auprès de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, avait en effet déjà mis la pression sur des acquéreurs potentiels. Une fois cette prise de participation majoritaire, et non un changement de culture assure-t-on en interne, absorbée par l’ensemble de l’entreprise, Shandong Ruyi a voulu favoriser cette IPO afin de démontrer l’importance du groupe dans le métier de la mode et du luxe. Une grande pre-mière pour cette société chinoise. « Ils ont fait preuve d’une grande agilité », reconnaît Jean-François Louit, avocat associé de Mayer Brown, qui a accompa-gné les dirigeants dans le cadre de la prise de contrôle de l’investisseur chi-nois, puis dans l’opération d’IPO.

• Le DRH, en lien avec les conseilsL’implication s’est faite totale de mars à octobre 2017, qu’il s’agisse de la direc-tion générale comme du comité exécutif composé des CEO des trois marques, du CFO ou directeur financier, de la direc-trice de la stratégie et du développe-ment, du directeur digital du groupe, des fondateurs, du DRH, du CEO SMCP Asia et du CEO SMCP North America, ainsi que des conseils. « Le fait de s’introduire en Bourse implique des

contraintes nouvelles sur la gouver-nance : la parité, la représentation du personnel et la nomination d’un adminis-trateur indépendant », explique Jean-François Louit. « Le LBO n’avait pas été prévu pour une sortie en IPO si rapide. Lors de l’IPO, il nous a fallu trouver un équilibre permettant de maintenir l’enga-gement des équipes en place et d’attirer de nouveaux talents », ajoute Caroline Lan, avocate chez Mayer Brown. De son côté, le DRH – déjà sensibilisé à ces questions puisqu’il avait participé à trois LBO avant cette cotation – a dû convaincre le management actionnaire des intérêts de l’entreprise à une telle opération et faire preuve d’une grande pédagogie. « Les managers investis dans les LBO successifs ont pris des risques en investissant leur épargne personnelle », précise Jean-Bap-tiste Dacquin. Il a aussi dû jongler avec la confidentialité exigée par l’IPO et la communication indispensable auprès de l’ensemble des salariés.

• Des caps stratégiques maintenusLe jeudi 19 octobre 2017, le groupe dit de « luxe abordable » a finalement fixé à 22 euros le prix d’introduction de ses actions, tout près du milieu de la four-chette de 20 à 25 euros qu’il avait préa-

Le groupe familial SMCP, un an après son rachat par des investisseurs chinois, a décidé de s’introduire en Bourse à Paris. Retour sur cette IPO menée de manière un peu particulière.

Leçons RH d’une cotation en Bourse

MARIE HAUTEFORTJuriste aux Editions Lamy

SOCIALEMENT VÔTRE

L e Code du travail est formel : lerecours au travail de nuit nepeut pas être le mode d’organi-

sation normal de travail, il doit être justifié par « la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale » (C. trav., art. L. 3122-1). Cette disposition est d’ordre public, ce qui signifie que le fait de passer par la négociation collective ne protège pas l’employeur contre toute contestation. Néanmoins, l’accord collectif est plus difficile à remettre en question qu’une décision unilatérale, comme le prouve un arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2018.En 2003 et en 2005, deux accords d’entreprise ont autorisé la société Auchan à recourir au travail de nuit aux heures du petit matin, afin d’approvisionner les rayons en res-pectant la chaîne alimentaire, avant l’ouverture au public, les magasins devant ouvrir à 8 h 30.En 2016, le syndicat FO décide de saisir le TGI en référé afin d’obtenir l’interdic-tion, sous astreinte, de tout travail avant 6 h du matin. Il met l’employeur au défi de démontrer que son souci d’ouvrir à la même heure que ses concurrents correspond bien aux prévisions de la loi. Comment pourra-t-il justifier que son activité économique ne peut pas continuer sans travail nocturne ?A sa grande surprise, l’Union syndicale est déboutée. Dès lors qu’il s’agit d’un accord collectif, ce n’est plus à l’employeur de faire la démonstration de sa licéité, c’est au syndicat de prou-ver que l’accord est contraire à la loi. La démarche, qui aurait été efficace si le travail de nuit provenait d’une décision unilatérale (Cass. soc., 24 sept. 2014, affaire Sephora), tourne court quand il s’agit d’attaquer un accord. n

Le CDI intérimaire fonctionne-t-il vraiment ?

lors qu’elles sont compatibles avec sa capacité de mobilité et les indemnités de fin de mission disparaissent.

Fidéliser les meilleurs élémentsDu côté des entreprises, le constat est plus partagé. Selon Synergie, cabinet spécialiste du recrutement, 1.000 CDII sont signés chaque mois par les entreprises de travail temporaire depuis le début de l’année. Ces sociétés sont essentiel-lement à l’initiative des CDI intéri-maires aussi bien pour les personnes dont le contrat est en cours (66 %) que pour celles dont il est terminé (62 %).Ce type de contrat leur permet de fidéliser leurs meilleurs éléments et les profils les plus recherchés, le tout dans un contexte concurren-tiel important. La grande majorité des signataires de CDII sont en effet connus de longue date par leur agence d’emploi. Ils se distinguent aussi du reste de l’ensemble de la population intérimaire par leur âge – surtout les 30-50 ans – ainsi que par leurs niveaux de formation et de qualification un peu plus élevés que l’ensemble.

Une transformation RH nécessaireNéanmoins, le CDII transforme les termes de la relation à l’emploi et diffère fort du contrat de travail temporaire classique. Les enseignes doivent adapter leur politique de ressources humaines, organiser des processus de recrutement plus lourds afin de garantir la diversifica-tion des profils, assurer les entretiens professionnels obligatoires, etc. Sachant que le CDII instaure une véritable relation hiérarchique entre l’agence et le salarié. Le risque économique d’une nouvelle masse salariale n’est pas non plus à prendre à la légère. Enfin, le taux de démission de ces contrats repré-sente un autre facteur de risque pour les entreprises intérimaires. Fiables et bons éléments, les salariés en CDII sont souvent débauchés par l’entreprise utilisatrice. n

EMPLOI

GRH

Travail de nuit : quid de l’accord d’entreprise ?

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lablement défini. Des débuts « pous-sifs », d’après les experts, qui n’ont pas empêché SMCP de continuer à dérou-ler sa stratégie initiée en 2014. Quatre axes de croissance porteurs sont privi-légiés : la capacité à prospérer autour d’un ADN attractif, le développement de nouvelles gammes de produits

maroquinerie et chaussures, le digital et un développement géographique. « Notre stratégie n’a pas bougé, mais nous sommes de plus en plus visibles. Le fait d’être coté à la Bourse de Paris a renforcé notre attractivité pour de futurs candidats », conclut le directeur des ressources humaines. — D. I.

Le groupe SMCP commercialise les marques Sandro, Maje et Claudie Pierlot. Ici, l’un de leur magasin parisien. Photo Nicolas Tavernier/RÉA

l RH

PEUT-ON DÉLIBÉRÉMENT REFUSER DE SIGNER DEUX CDD, PUIS SE PRÉVALOIR D’UN CDI ?

echo.st/m319463

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06 // EXECUTIVES Lundi 2 juillet 2018 Les Echos

Vincent [email protected]

C hez AccorHotels, la transforma-tion – qui n’est pas seulementnumérique – touche tout le

monde, y compris la direction finan-cière. Alors qu’il détenait encore 50 % de ses hôtels en filiales il y a une dizaine d’années, le groupe a décidé de réduire la voilure et en possède aujourd’hui moins de 10 %. « Cette évolution nous oblige, encore davantage qu’hier, à appor-ter à nos hôteliers des services qui ont, pour eux, une vraie valeur ajoutée, souli-gne sa directrice des SI Finance, Nata-cha Loinger. La direction financière doit

donc traiter à la fois ses clients internes, et ses clients et partenaires externes. »Pour permettre à ses hôteliers de déga-ger du temps et leur « éviter de passer des heures derrière un tableur Excel au lieu d’être au contact des clients », AccorHo-tels a, en plus d’un nouveau système de facturation entièrement dématérialisé, proposé à 900 établissements répartis dans 20 pays à travers le monde d’opter pour une solution cloud, Anaplan, capa-ble de les aider à élaborer leurs budgets et prévisions financières. Pour paramé-trer au mieux cet outil, particulièrement modulable, de futurs utilisateurs, busi-ness analysts ou directeurs d’hôtels, ont été conviés à des ateliers de « design

Engagé dans une transformation profonde de son modèle économique, le groupe d’hôtellerie veut offrir davantage de services à ses établissements partenaires. Une démarche à laquelle la direction financière participe pleinement, comme l’explique sa directrice SI Finance, Natacha Loinger.

thinking », conçus comme des lieux de coconstruction. « Cette méthode nous a permis d’impliquer les opérationnels tout au long du processus, pour bien définir la direction et assurer l’adoption des utilisa-teurs », appuie Damien Palacci, partner chez BearingPoint et conseil d’AccorHo-tels dans ce projet.

PrévisibilitéRésultat : les données financières com-muniquées chaque mois via cette nou-velle interface par les 900 établisse-ments concernés remontent automatiquement au groupe, en transi-tant par le business analyst chargé de la zone géographique où l’hôtel se situe.

MARC BERTONÈCHEProfesseur des Universités et enseignant à Oxford, HEC Paris et au Col-lège des ingénieurs

DES CHIFFRES ET DES LETTRES

ont frappé Goldman Sachs, qui a sciem-ment manipulé les chiffres et dissimulé une partie de la dette grecque, induisant en erreur en 2001 l’ensemble des Etats de l’UE ? Quelles mesures concrètes ont été décidées pour réagir aux débordements inacceptables de la NSA ? Comment l’Europe envisage-t-elle de contrecarrer l’acquisition potentielle de belles sociétés européennes par quelques gros groupes américains gorgés de cash, en partie grâce à des pratiques fiscales pour le moins contestables ? Sans parler du « Cloud Act » adopté récemment dans la plus grande discrétion et qui constitue un puissant outil d’espionnage au service de l’administration américaine. Et on pourrait, sans difficulté, allonger la liste.Puisse l’Europe se réveiller rapidement pour se préparer aux durs combats à venir, se munir des mêmes outils per-mettant la mise en place d’une puissante dissuasion économique, seule garantie d’un équilibre durable entre les grands blocs et entrer, forte et unie, et cons-ciente de son expérience industrielle et de son poids commercial, dans la redou-table guerre économique de demain. n

Comment AccorHotels accompagnele pilotage financier de ses hôteliersTRANSFORMATION

La solution retenue s’adapte aux différentes catégories d’hôtel afin de couvrir toute la gamme, de l’offre abordable d’un Ibis jusqu’aux prestations luxueuses, comme ici avec l’hôtel thalasso de Trouville. Photo Pascal Sittler/RÉA

Surtout, les hôteliers peuvent désormais faire des simulations pour peaufiner leurs prévisions et évaluer, en temps réel, l’impact financier de telle ou telle décision stratégique. « Chacun peut entrer des critères spécifiques à son hôtel en fonction de sa localisation, affirme Natacha Loinger. Sur le poste “food & beverage”, par exemple, un établissement parisien ou un hôtel en régions ne feront pas face au même niveau de demande des clients. » Harmonisée dans les 20 pays où elle est déployée, la solution s’adapte aux différentes catégories d’hôtel afin de couvrir toute la gamme, de l’offre abordable d’un Ibis jusqu’aux presta-tions luxueuses d’un Raffles. « Tout l’enjeu était de concilier les besoins de personnalisation pour les hôtels et de consolidation à l’échelle du groupe, néces-saire pour améliorer notre visibilité », précise la directrice des SI Finance.Ce nouveau système a également facilité la tâche des financiers chargés de la con-solidation. Auparavant contraints d’agglo-mérer, à la main, des données de fichiers Excel au format parfois exotique, ils peuvent dorénavant consacrer ce temps à l’analyse des données financières qui leur sont automatiquement fournies. « Nous encourageons d’ailleurs nos hôteliers à faire des prévisions les plus proches possible de la réalité afin qu’ils puissent engager, en cas de difficultés et avec le soutien de nos direc-teurs opérationnels régionaux, des actions ciblées – marketing, budgétaires – en mesure de corriger le tir », ajoute Natacha Loinger. Ou comment encourager tout un chacun à regarder vers l’avant, plutôt que dans le rétroviseur.

4À NOTER34 % des directeurs financiers interro-gés par BearingPoint dans le cadre de son étude sur le CFO 4.0 ont déjà un projet autour de la data afin d’améliorer les process de planning et de forecas-ting. En savoir plus : echo.st/m321967.

La rédaction des « Echos Executives »

A près avoir traversé un léger troud’air en 2016, les recrutementsdans les cabinets d’audit et

d’expertise comptable ont repris de la vigueur l’an passé. Selon l’enquête natio-nale réalisée chaque année par le cabinet Hays via un questionnaire transmis à 16.500 employeurs et 17.500 collabora-teurs, 86 % des structures interrogées assurent avoir embauché au moins une nouvelle personne en 2017, soit 15 points de plus que l’année précédente. « Le niveau d’expérience demandé reste majo-ritairement orienté vers les profils débu-tants, avec moins de deux ans d’expé-rience, et confirmés, avec trois à sept ans d’expérience, ajoute le cabinet. Les métiers les plus recherchés sont liés à l’expertise comptable (78 %) et au social (47 %), devant l’audit (28 %) et les fonc-tions support (19 %). »Ces recrutements interviennent la plu-part du temps pour compenser la démis-sion d’un ancien collaborateur (76 %), et dans six cas sur dix pour répondre à une création de poste. « Ces deux motifs de recrutement sont à l’équilibre dans les plus grands cabinets, remarque Hays. Ce sont les cabinets moyens, entre 10 et 50 salariés, qui enregistrent le nombre le plus important de démissions, leurs collabora-teurs cherchant bien souvent à intégrer de plus grandes structures. » Pour y trouver un meilleur climat interne et/ou social et une bonne culture d’entreprise ? C’est en tout cas la première raison invoquée

(23 %) par les démissionnaires interro-gés, juste devant le besoin d’un meilleur équilibre entre vies familiale et profes-sionnelle (19 %). « Quelle que soit la raison de leur départ, ils sont 20 % à avoir quitté leur cabinet en 2017 et 9 sur 10 sont partis de leur propre initiative », notent les rédacteurs de l’étude.

Les « soft skills » dans le viseurDans ce contexte particulièrement dyna-mique, les cabinets ont arrêté de tergiver-ser lors de leurs procédures de recrute-ment. Deux tiers des structures ont mis entre un et trois mois pour trouver leurs collaborateurs, quand 80 % des candidats ont passé moins d’un trimestre à cher-cher un nouveau poste. Il faut dire que les deux parties utilisent souvent les mêmes canaux pour se rencontrer : 72 % des employeurs et 71 % des collaborateurs se tournent d’abord vers les cabinets de recrutement et d’intérim, avant de faire confiance aux cooptations et autres relations pour 63 et 65 % d’entre eux.Au rang des compétences les plus recherchées, les « soft skills » reprennent de l’importance. « Sur les deux dernières années, le critère “personnalité, comporte-ment, relationnel” évolue nettement parmi les recruteurs et décideurs qui cherchent des collaborateurs opérationnels (93 %), comme des managers (85 %) », précise Hays. Les qualités managériales liées au charisme, au leadership ou à la pédago-gie arrivent quant à elles en seconde position lorsqu’il s’agit de recruter un profil cadre (66 %). n

Plus de huit cabinets sur dix affirment avoir embauché au moins un nouveau collaborateur en 2017, soit le plus fort volume de recrutement depuis cinq ans.

Audit et expertise comptable :des recrutements au sommetPROFILS

A yant étudié, vécu et travaillé auxEtats-Unis pendant de longuesannées, je ne peux sérieuse-

ment pas être accusé de quelque forme d’antiaméricanisme que ce soit. Mais force est de constater que les Etats-Unis ont, vis-à-vis du reste du monde, une attitude parfois brutale et souvent contestable qui suscite depuis bien longtemps des réactions vives d’opposi-tion, voire de franche hostilité.On sait depuis longtemps que les Etats-Unis défendent, avec hargne et parfois une bonne dose de mauvaise foi, leurs seuls intérêts, qu’ils profitent sans rete-nue de l’avantage concurrentiel déme-suré que leur procurent le statut et la suprématie du dollar, qu’ils privilégient sans aucun scrupule le droit américain – celui qu’ils fixent eux-mêmes de manière unilatérale et brutale et qu’ils imposent aux autres nations de façon arbitraire – au détriment du droit inter-national, et qu’ils vénèrent éperdument la concurrence tant qu’ils gagnent, mais sont prêts à tous les excès et coups bas quand ils commencent à perdre.Face à ce nationalisme profond, il nous faut inlassablement regretter la tragique impuissance européenne. Où sont les sanctions du Vieux Continent ? Qui oseraun jour quantifier les dégâts provoqués sur les institutions et l’économie euro-péennes par la crise des subprimes et réclamer réparation ? Quelle amende ou quelle interdiction d’opérer en Europe

Agitation américaine et impuissance européenne

l FINANCE

LES 5 PILIERS DE LA STRATÉGIE DIGITALE D’ACCORHOTELS

echo.st/m320997

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Les Echos Lundi 2 juillet 2018 EXECUTIVES // 07

À NE PAS MANQUER

Le 4 juillet, à Paris, sera présentée la version enrichie de la « Charte éthique RH » de la confédération CFE-CGC : « Comment permettre aux salariés de garder la main sur leurs données ? » // Le 12 juillet, à Paris, dans le cadre des Rencontres financières internationales de Paris Europlace, aura lieu la Matinale de l'Institut du capitalisme responsable, et deux événements : le Grand Prix de l'assemblée générale, et les Grands Prix de la mixité.

EMMANUELLE LE NAGARDProfesseure de marketing

N os messageries ont été,à la fin du mois de maisubmergées de messages

provenant de différents sites se préoccupant brusquement du caractère sensible des données qu’ils possédaient sur nous, et nous enjoignant de continuer la relation. Cette sollicitude soudaine était bien sûr liée à la mise en application du fameux RGPD (règlement général sur la protection des données).Le principe général de ce règlement européen est celui du consentement éclairé. Cela signifie qu’il est nécessaire que les internautes donnent leur accord par un acte positif, clair et univoque. En outre, le RGPD apporte un certain nombre de dispositions nouvelles, en visant à rendre la gestion des données personnelles à la fois plus facile pour les entreprises et plus protectrice des libertés individuelles. Il demande notamment à ce que les conditions d’utilisation affichées par les sites soient plus pédagogiques et lisibles. On ne peut donc que louer les principes de ce règlement, qui a en outre le mérite d’attirer l’attention des internautes sur le caractère sensible de leurs données personnelles.Cependant, le paradoxe de la vie privée perdure. Il stipule que si les individus sont en théorie opposés à la divulgation de leurs données

personnelles, ils sont en pratique prêts à les communiquer avec la plus grande facilité. D’ailleurs, pour la majorité d’entre eux, ils ne sont pas prêts à interrompre leur navigation pour lire plusieurs pages de conditions d’utilisation, même simplifiées. Qui a ainsi lu les nouvelles conditions d’utilisation dans le détail ? Et combien ont refusé de les approuver sur une base « éclairée » ? Beaucoup arguent du fait qu’ils n’ont « rien à cacher ». Dans la mesure où cette collecte de données demeure indolore et invisible, elle est facilement acceptée. La donne changerait peut-être si on plaçait chaque internaute face à la masse de données collectéessur lui, et si on lui permettait d’en visualiser les conséquences en termes de personnalisation, processus qui peut parfois aboutir à un appauvrissement du choix. Sous cet éclairage cru, le brouillard du consentement pourrait alors se dissiper. n

RGPD : le brouillard du consentement

Florent Vairet @florentvairet

S on historique de navigation, sontemps passé sur une page ou lenombre de ses clics… sur Inter-

net, on croyait le traçage du client à son paroxysme. Eh bien, il est possible d’aller encore plus loin. Content-Square, une start-up française qui compte déjà des clients prestigieux comme Renault ou Goldman Sachs, a conçu un système pour tracer les mouvements de la souris des internau-tes. Rakuten France (ex-Priceminister), place de marché en ligne, a adopté la solution pour identifier puis éliminer les étapes sur lesquelles les clients perdaient inutilement du temps. Objectif : diminuer le taux de sortie sur sa page « panier ».

46 secondes sur la page « panier »L’ancienne version rassemblait à la fois le récapitulatif de la commande et les informations relatives à la livraison. La direction de l’expérience client se rendait bien compte qu’elle était « trop fouillis, voire incompréhensible », sans pourtant pouvoir en identifier les cau-

ses, leurs analyses étaient trop impréci-ses, « nous savions que nous avions un trou dans la raquette de notre Web analy-tics », confie Raphael Bonstein, direc-teur de produit et expérience chez Rakuten. Après un audit de Content-Square, les chiffres étaient sans appel : un client passait en moyenne 46 secon-des sur la page « panier », un chiffre supérieur à la moyenne du secteur de l’e-commerce. Surtout, il y avait une différence de 15 secondes passée sur la page « panier » entre celui qui achetait et celui qui quittait le site sans finaliser sa commande, ce qui relevait d’une incompréhension de la page.Pour comprendre ce qui bloquait, la start-up a déployé sa solution sur la page concernée de Rakuten. Par le truche-ment d’un traçage des mouvements de l’internaute, ils ont retracé de manière précise le parcours client, bien au-delà de ce qu’auraient permis de simples tags comptant les clics des internau-tes. Désormais, tout est scruté de près. Un signal est envoyé toutes les 15 milli-secondes sur la position de la souris de l’internaute. « Il y a un lien très fort entre le survol des zones de la souris et ce que regarde l’internaute », explique Pierre Casanova, vice-président de ContentS-quare. Les 15 millisecondes offrent une granularité très fine pour comprendre le parcours du client, et ainsi identifier les étapes les plus poussives.

Quid de l’anonymat ?Sans jamais permettre d’identifier un individu, les données catégorisent

différents profils d’utilisateurs et mettent en lumière les étapes qui les découragent : ceux qui sont perdus dans leur navigation, ceux qui cherchent désespérément à se déconnecter ou encore ceux qui cher-chent à revenir à l’étape précédente…Après avoir observé que le client s’y perdait parmi toutes les infor-mations, il a été décidé de scinder la page historique du panier de l’ex-Priceminister. Désormais, il y en aura une avec le récapitulatif de la com-mande et une autre avec les détails de la livraison. Résultat immédiat : le client ne passe plus que 35 secon-des sur le panier, 11 de moins que précédemment, soit une éternité de gagnée dans l’univers impitoyable de l’e-commerce. D’après l’entreprise, cela s’est traduit par une hausse des visites et une baisse des annulations de panier.

Généraliser l’outil au reste des équipesLa simplicité d’utilisation de cet outil pousse Rakuten à diffuser la pratique de l’analyse de l’expérience utilisateur au sein de l’entreprise. « Nous voulons démocratiser la prati-que de cet outil pour les différents métiers, comme les commerciaux, le marketing ou encore le SAV », souligne Raphael Bonstein. « Ils seront alertés automatiquement pour faire du monitoring proactif sur le site » en cas de mauvaises performan-ces dans la navigation du site. n

L’ex-Priceminister a revu la structure de sa page « panier ». Pour cela, les mouvements de la souris de l’internaute ont été scrupuleusement étudiés.

Camille Marchais

L e cabinet de conseil en stratégied’innovation Supper vient de publierune étude réalisée par OpinionWay

sur l’utilité des marques. Manque de con-fiance, mauvaise écoute, inutilité… Les 1.014 personnes ayant répondu au sondage sont loin d’être satisfaites. Pourtant, une voie d’amélioration est possible, celle de la cocréation. Décryptage.Bien que près de deux tiers des Français prétendent faire confiance aux mar-

L’écart entre les deux parties se creuse. Que doit faire la marque pour regagner l’intérêt des consommateurs ?

L’outil d’analyse des mouvements de la souris par l’utilisateur devrait être utilisé par de nombreux métiers comme les commerciaux, le marketing ou encore le SAV. Photo Denis Allard/RÉA

Rakuten boosteles performances de son « panier » en ligne

E-COMMERCE

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ILS ONT BOUGÉ en partenariat avec Nominations.fr

Florie Garnier rejoint MeilleursAgents en tant que DRH // Guillaume Cavalin est désormais directeur juridique d’Idinvest Partners // Etienne Demailly assume la direction financière de Jouve // Olivier Theulle devient directeur des opérations et des SI de FNAC Darty // Pierre-Antoine Giraux prend la direction marketing de SOS Acces-soire // Tristan de Silguy est élu partner d’Egon Zehnder.

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DIGITAL NEW WORLD

l NUMÉRIQUE l MARKETING

LE CLASSEMENT 2018 DE L’ACCUEIL CLIENT

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ques, 10 % seulement leur accordent un total crédit. Au nombre des secteurs boudés par les consommateurs, les opérateurs téléphoniques avec 48 % de confiance accordée, l’agroalimentaire (49 %) et les banques et assurances (51 %). A l’inverse, sur le podium des secteurs les plus fiables se placent l’automobile (68 %), la mode (66 %) et le luxe (62 %), qui élaborent davantage d’affinités avec leurs clients. « Les mar-ques dans ces secteurs développent des services personnalisés, indique Pierre Désangles, CEO de Supper. Des construc-teurs automobiles envisagent de déployer des services embarqués tels qu'un guide touristique dans le GPS des voitures familia-les. A chaque fois que le conducteur s’appro-che d’un monument historique, l’appareil lui raconte l’histoire du site ». Malgré cela, pourquoi une telle méfiance ?

Le profit avant l’utilitéElle est surtout due à une fracture entre les marques et les clients. Pour 89 % d’entre eux, elles privilégient leur profit plutôt que l’utilité du produit ou du service qu’elles délivrent au consomma-teur. Par ailleurs, le manque d’écoute est aussi pointé du doigt par 61 % des person-nes interrogées. Une relation qui se dégrade et s’expliquerait par une prise de conscience des clients « qui portent un regard de plus en plus méfiant sur tout ce qui est marketé et qui ne répond pas à leursbesoins », explique Pierre Désangles.Mais surtout, les produits et les services sont jugés inutiles (72 %). Et 76 % des sondés reconnaissent que les innova-tions portées par les marques sont non conformes à leurs besoins. Le modèle suivi par la majorité des grands groupes ne fonctionne plus. Manque d’empathie,

Marques et clients, bientôt le divorce ?trop centrés sur eux-mêmes, ils en oublient ce pourquoi ils créent un pro-duit ou un service. Et c’est sans déplaire aux jeunes pousses qui prennent plus de risques. Agiles, elles trouvent un besoin particulier et prennente risque d’y répondre en sachant qu’elles ne seront pas rentables tout de suite. « Elles misent tout sur un segment du marché, une niche, qui n’intéresse pas les plus grands. Pourquoi un AccorHotels n’a pas inventé l’offre d’Airbnb ? questionne Pierre Désangles. Certaines marques sont trop éloignées des gens. Ce sont des indus-tries massives. Aujourd’hui, nous ne créons plus les marques comme avant. »

Aider les marques à créer des produits ou services Pour innover et mieux répondre aux besoins des consommateurs, les partici-

pants ont mis en avant le principe de cocréation, plébiscité par 73 % d’entre eux. Encore peu adoptée chez les entre-prises, cette méthode prend deux formes : tester un produit puis donner son avis, ou bien participer directement en interne à son développement. « C’est ce qu’a fait une compagnie aérienne américaine qui cher-chait à garder la confiance de ses clients. Elle les a sollicités lors du processus de recrutement du personnel navigant. Plutôt que de leur demander comment ils voulaient être servis, l’entreprise les a laissés décider d’eux-mêmes », rapporte Pierre Désangles. Alors que près de 80 % des Français n’ont jamais été sollicités pour le faire, 62 % voudraient aider leur marque préférée à créer des produits ou des services, en particulier les 25-34 ans (69 %). Par ailleurs, plus de la moitié estime pouvoir faire un meilleur travail. n

Page 8: À LIRE PAGE 8 Guerre des talents : commentpresse.actuca.com/fichiers/2018_07/195688_les echos...02// A LA UNE Lundi 2 juillet 2018 Les Echos Vincent Bouquet vbouquet@lesechos.fr C

08 // Lundi 2 juillet 2018 Les Echos

KARL LAGERFELD, CRÉATEUR, DESIGNER, PHOTOGRAPHE

« Je n’ai pas de patron, à part moi et Choupette ! »Exclusivité avant le défilé du 3 juillet pour la Paris Fashion Week et leçon d’anti-management d’une icône de la mode. Karl Lagerfeld a ouvert les portes du studio Chanel aux « Echos Executives » pour livrer la vision « décoiffante » et l’idée qu’il se fait de son métier. Amateur de bons mots, toujours mordant, souvent ironique mais sans morgue, le grand couturier impose, du haut de ses 84 ans, un rythme effréné au monde de la mode.

A ce sujet, préparez-vous votre succession ?Je ne prépare rien du tout, l’après n’est pas mon problème. Et comme j’ai un contrat à vie, il va falloir que les maisons me suppor-tent jusqu’à la fin car je n’ai pas l’intention d’arrêter. Je fais un métier dans des condi-tions exceptionnelles et je suis ravi de le faire. Je serais imbécile de tout laisser tomber.

Quels couturiers de la nouvelle génération avez-vous repérés ? Marine Serre, Jacquemus et bien d’autres. La mode, c’est la continuation ou le con-traire… Au bout d’un moment, il faut détruire ce qui a été.

Allez-vous prendre des vacances cet été ? « Vacances », c’est « vacant » donc ça ne me plaît pas. Je passerai mes vacances à dessi-ner et à préparer la collection de septembre-octobre. Naturellement, je traîne et lis davantage durant cette période. Néanmoins, durant l'année, je ne néglige pas mon som-meil. Je dors sept heures, sinon je ne vaux rien. Les batteries ont besoin de se recharger. Evidemment, Choupette dort à mes côtés. n

Propos recueillis par Florent Vairet @florentvairet

Quel est votre titre chez Chanel ?Je n’ai pas de titre. Je suis en profession libérale avec des contrats à vie avec des maisons. Trois ans durant, j’ai eu le statut d’employé : c’était lorsque je travaillais chez Balmain, il y a longtemps. Cela m’a suffi. Aujourd’hui, je n’ai pas de patron, à part moi et Choupette, mon chat. Néan-moins, je suis d’une intégrité totale envers les PDG des marques pour lesquelles je travaille, même si je ne suis jamais en exclusivité avec eux, ce qui serait pour moi « stérilisant ». Je dois avoir la possibilité – même si je ne l’utilise pas – de faire ce que je veux, où je veux et quand je veux.

Vous ne rendez jamais de comptes à quiconque…Quelle horreur ! Plutôt me flinguer.

Que faites-vous des contraintes, celles du marketing par exemple ?Je ne veux pas entendre parler de marketing. J’ai des idées à mettre en œuvre qui sont l’opinion générale… d’une personne seule. Je décide une chose, et on ne discute pas. Ce que j’ai envie de faire, je le fais. Si on me le refuse pour des raisons financières, je m’en vais car je ne travaille pas pour les pauvres (rires). Mais je ne formule pas de demandes idiotes qu’on pourrait me refuser. En vérité, il y a une bonne osmose avec mon équipe et nous tombons d’accord sans rester autour d’une table de réunion pendant des heures. Traîner en réunion, c’est une espèce de justification de son salaire, c’est pour faire sérieux.

Vous parlez d’osmose… Comment travaillez-vous en équipe ?Je suis beaucoup plus à l’aise avec les autres que les gens ne l’imaginent. Certains employés, chez Chanel, n’ont travaillé avec personne d’autre que moi. C’est que je ne dois pas être si horrible. Je dirais même que je suis « facile ». Je considère que tout le monde est au même niveau : j’ai besoin des couturières des ateliers, de la directrice des studios, de tout le monde jusqu’aux femmes de chambre à qui je demande toujours comment elles vont. Je déteste la hiérarchie.

Pourtant la mode, les défilés nécessitent un chef d’orchestre…Oui et c’est moi. Mais tout se fait naturelle-ment et dans la bonne humeur. L’atmos-phère dans la mode est beaucoup plus apaisée qu’on ne le croit.

Vos équipes disposent-elles d’une latitude dans l’interprétation de vos dessins ?Oh ! pas des masses. Parfois, les couturiè-res peuvent développer mon travail, mais ce n’est souvent pas nécessaire. Mes des-sins sont très précis. On y voit tout, de l’allure des vêtements aux détails techni-ques des matières. Rien ne manque. Je saismême dessiner en trois dimensions, ce que mes confrères ne savent pas faire.

Je ne veux pas entendre parler de marketing. J’ai des idées à mettre en œuvre qui sont l’opinion générale… d’une personne seule.

Sa source d’apaisement« Choupette m’a rendu meilleur. Jamais je n’aurais pensé que je tomberais dans le piège de l’animal de compa-gnie. Elle m’apporte ce que peu d’humains peuvent apporter : confiance et affection. C’est énorme. Désor-mais, je regarde les animaux avec des yeux différents. »

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Où trouve-t-on l’inspiration quand on dessine seize collections par an ?C’est un miracle. La plupart des idées – et souvent les meilleures – me viennent en dormant. Je place un bloc papier à côté de moi, et je les note dès que je me réveille. Pour le reste, je garde constamment les yeux ouverts, je suis surinformé et regarde tout. Il y a un sectarisme épouvantable qui consiste à dire « je ne regarde que ce qui m’inté-resse ». Tout m’intéresse, même ce qui ne m’intéresse pas.

Vous travaillez pour deux mai-sons différentes, Chanel et Fendi.Quand je fais du Fendi, je ne fais pas du Chanel. Pour preuve, ça ne s’est jamais ressemblé. Et puis, il y a bien assez de créateurs qui essaient d’imiter Chanel pour que je ne commence pas moi-même à la copier pour Fendi.

Grand couturier, photographe, caricaturiste politique pour un journal allemand, propriétaire d’une librairie à Paris, pour-quoi une telle boulimie d’activités ?L’une inspire l’autre. J’ai peur de travailler sur une chose isolée. J’aime être partout.

Combien d’heures travaillez-vous par jour ?Je ne sais pas, je ne suis pas payé à l’heure.

Quel est votre moteur ?Je ne veux pas décevoir mes équipes et mes maisons… Ma quantité de travail ne me coûte pas un effort particulier, je travaille comme je respire. Certains disent même que j’ai porté préjudice au métier de couturier à cause de la cadence que j’ai imposée dans les collections. Ils n’auraient plus le temps de se reposer, de méditer ou de réfléchir. Eh bien ceux qui se plaignent n’ont qu’à rester chez eux, à gérer de petites affaires et à bricoler avec leurs fins de mois difficiles ! Si vous travaillez pour une grosse affaire, vous êtes obligés de vous donner entièrement.

Qu’imaginez-vous que l’on retien-dra de vous ?Ça, je le laisse aux observateurs, ces considérations ne m’intéressent pas. Je ne garde aucune archive et n’écrirai pas de mémoires. Je m’intéresse unique-ment à ce que je fais, et ce que je vais faire. Si l’on commence à penser à son passé, on est foutu. Un proverbe alle-mand dit « pas de crédit sur le passé » : j’en ai fait ma devise.

Pas de respect pour le passé ? C’est pour moi un mode de survie. Sinon, vous vous grisez de vos succès passés, vous n’avancez plus et vous finissez par vous noyer. L’insatisfaction personnelle est la meilleure stimula-tion possible. Si vous commencez à être content de vous, il est temps de vous trouver un successeur.

Je ne laisserai rien derrière moi. Je m’intéresse uniquement à ce que je fais, et ce que je vais faire. Si l’on commence à penser à son passé, on est foutu.

L a gouvernance concerne l’Etat,les entreprises ou les associa-tions. Intimement liée au

fonctionnement économique et aux rapports existant entre les grands acteurs de l’entreprise, elle passe d’une nature répressive à une gouvernance positive, source de création de valeur.

1 Qu’est-ce que la gouvernance ?

C’est un système qui permet la défense de l’intérêt social, la conduite, la gestion, le contrôle et la pérennité de l’entreprise. Elle précise les pouvoirs, les responsabilités et les relations des actionnaires et des dirigeants. Les meilleures pratiques peuvent être relayées par les médias.

2 Différentes formesLa forme juridique (SA, SARL, SAS…), l’organisation (association ou entre-prise), la taille, le stade de développement(start-up ou entreprise mûre), la compo-sition de l’actionnariat vont déterminer différents types de gouvernance.

3 Missions prioritairesDirigeants et administrateurs construi-sent ensemble la stratégie. La prise de risques fait partie intégrante de l’organi-sation. Il ne s’agit évidemment pas de supprimer le risque mais de le connaître et le maîtriser. Chaque société cherche à optimiser le rapport risque-rentabilité. Certains indicateurs sociaux peuvent apparaître préoccupants, notamment le taux de turnover, le départ de cadres clefs, l’augmentation de l’absentéisme…

4 Enjeux du développement durableLa gouvernance vérifiera que la RSE est bien intégrée dans la politique de développement. Aux administrateurs de s’assurer de la conformité aux lois et règlements. Organe suprême, l’assemblée générale dispose de pouvoirs importants et exclusifs.

5 Au quotidienObjectif d’une bonne gouvernance : créer de la valeur. Une fois le cadre défini, l’entreprise devra composer son conseil d’administration ou de sur-veillance, voire son comité stratégique. Attention aux conflits d’intérêts ! Choisie, et non pas uniquement impo-sée, la gouvernance d’entreprise jouera un rôle dans la performance économi-que et sociale. Aussi contribuera-t-elle à la sauvegarde des intérêts des action-naires comme de ceux de l’ensemble des parties prenantes. —Régine Turmeau

Les 5 idées à retenir de…

LU POUR VOUS

« Manuel de gouver-nance d’entreprise »Pierre Cabane (Eyrolles)

5 LE DIRIGEANT DANS UN MONDEDISRUPTIF6 jours de rencontres inspirantes, de workshops pour innover et être Leader de la transformation de vos entreprises !www.lesechos-formation.fr/cycle-dirigeant.htmUn service proposé par Les Echos Solutions

LES ECHOS FORMATION

La rubrique « Ils ont bougé » présente dans ce numéro, qui rend compte des principaux mouvements à l’intérieur de chaque grande fonction de l’entreprise, nous a été fournie par notre partenaire Nomination.fr, le service de veille et d’information sur les décideurs.