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Le Soir Mardi 1er septembre 2020

11chronique

VÉRONIQUE LAMQUIN

D ans le monde d’avant (le Covid),Bruxelles réfléchissait à se den-sifier. Surtout en deuxième cou-

ronne, la première étant déjà bien ser-vie. Pour absorber l’accroissement dé-mographique, sans favoriser l’étalementurbain. Pas simple parce que la densitén’a pas bonne réputation : synonyme detours inhospitalières, antinomique de laqualité de vie en ville.

Dans le monde d’après (la pandémie),Bruxelles réfléchit à se densifier. Dansles quartiers, plutôt éloignés du centre,où cela fait sens. Dans une démarchedurable. Difficile, parce que la ville autemps de la crise sanitaire n’a pas bonnepresse. « On est passé de la mauvaise ré-putation à l’accusation. Le virus a libérél’idée que la densité, c’est mal, alors quele problème se situait surtout au niveaudes interactions sociales. Et puis, on laconfond parfois aussi avec la suroccupa-tion des logements, », résume JérômeBaratier.

« Il faut atterrir dans le consensus »Le directeur de l’agence d’urbanisme del’agglomération de Tours, professeur af-filié à l’Ecole urbaine de Paris, ne se ré-signe pas pour autant. Au contraire. « Ily a deux grands malentendus urbains :la place de la voiture et la densification.Il y a l’idée que la densité, au départ,c’est un mouvement spontané, quiamène l’insalubrité et qu’il faut donc en-cadrer et assainir, c’est l’urbanisme, quiamène l’hygiénisme. Le malentendudure depuis longtemps, oppose les pla-nificateurs et les citoyens. La convictionque la densité est une bonne chose pourla ville, qu’elle est une bonne réponsedans l’équation environnementale, estrécente. Pour les habitants, la méfiancereste là, elle ne date pas d’hier ! Ce qu’ilfaut faire, maintenant, c’est atterrir, enfabriquant du consensus sur ces théma-tiques-là. »

C’est précisément l’objectif de la mas-ter class, organisée par Perspective.brussels, l’administration en charge dela stratégie de développement en Ré-gion bruxelloise, et modérée par JérômeBaratier. L’idée ? Faire travailler, huitjours durant (du 22 au 29 octobre), unecinquantaine de personnes (experts,étudiants, habitants, associations) surcinq sites concrets d’un kilomètre carré

chacun. Avec cette question : « quellestratégie de densification vous sembleadaptée au lieu ? » A celles et ceux quiseraient tentés de répondre « aucune,on veut préserver l’espace tel quel, avecson brin de nature », Jérôme Baratieroppose un « vous avez une vision trèsconservatrice de la densité, elle peut êtrenaturelle aussi ! La densité, ce n’est pasque du bâti. » « Et surtout, quelle solu-tion apportez-vous alors à l’étalementurbain ? », ajoute Tom Sanders, direc-teur de la stratégie territoriale chezPerspective. « Je n’ose pas imaginer quel’on remette en cause la nécessité decréer des logements à Bruxelles, ni leconstat que les quartiers centraux sontdéjà très denses. Et il est faux d’affirmerqu’on peut répondre aux besoins en mo-bilisant les logements vides. Par ailleurs,on doit créer des crèches, des écoles, deslignes de métro, des îlots de fraîcheur,des zones de silence, etc. » Un rôle deplanification dévolu à la classe politique,arbitre de tous ces intérêts. « En sachantque le temps n’est plus à l’attractivité dela ville mais à son apaisement. »

Une condition : la participation citoyenneEn décembre dernier, à l’issue d’unepremière journée d’études organisée,autour de la densité, par l’organe de pla-nification, il avait d’ailleurs été concluque « la question n’est plus : faut-il den-sifier Bruxelles. Mais : comment ? » Dif-férents intervenants internationaux,forts de leur expérience, étaient venusrappeler que l’on peut obtenir la mêmedensité en construisant des tours, desblocs moins élevés, voire des bâtimentstrès bas. Surtout, deux principes s’impo-

saient : l’adaptation du projet à l’envi-ronnement et sa co-construction avecles habitants. L’exercice pratique orga-nisé par Perspective devrait permettre,espèrent ses initiateurs, de tester des so-lutions concrètes, en dialogue avec lesriverains et les élus (à la frilosité parta-gée). « Il s’agit surtout d’expérimenter lechemin pour y arriver, sans enjeu opéra-tionnel direct », insiste Jérôme Baratier.Histoire de montrer la voie. En sachantque Bruxelles ne brille pas (encore) parses exemples de participation citoyenneréussie (le tram à Neder-over-Heem-beek excepté). L’opposition menée pourl’heure contre les Plans d’aménagementdirecteur (PAD) Loi (les tours dans lequartier européen), Josaphat ou Portede Ninove en sont une preuve flagrante,qui sonne le retour de certains combatsurbains. « La Région s’est mise en diffi-culté en associant les citoyens alors quebeaucoup de choses étaient déjà déci-dées pour certains dossiers. A l’inverse,quand on travaille avec les habitants dèsl’entame de la réflexion, les débats sontplus constructifs et apaisés », insisteTom Sanders, dont les équipes gèrentcette co-construction. « Tout est unequestion de sincérité, abonde Jérôme

Baratier. On est dans l’insincérité si onfait croire, à tort, aux citoyens, qu’ils ontune marge de manœuvre. »

Et si, après le Covid, il fallait plutôtrepartir d’une page blanche ? Tom San-ders ressort le Plan régional de dévelop-pement durable (adopté en 2018), quibalise l’avenir de la Région bruxelloise àl’horizon 2040. « Tout est là, lesconstats et les priorités : une ville avecdes équipements, qui soit polycentrique,qui assure l’équilibre entre les espacesbâtis, les espaces ouverts accessibles etceux qui sont préservés pour la biodiver-sité, qui développe sa mobilité et l’activi-té productive, qui construit des loge-ments… Il ne faut donc pas tout réin-venter. Il faut surtout accélérer, la ma-nière de faire doit être repensée… Il fautsortir des stéréotypes, notamment sur ladensité, pacifier les débats. » Encorefaudrait-il que le PRDD soit un outilconnu des Bruxellois(es). « Oui ! Il fautdonner un cap, une vision. Le PRDD lesporte. Il n’est pas parfait, mais le cadreexiste, il faut s’en servir ! »

https ://perspective.brussels/fr/actualités/explorez-de-nouveaux-chemins-pour-la-densite-en-region-bruxelloise

« La densité, ce malentenduurbain »

La Région bruxelloise poursuit sa réflexion sur la densification de son territoire. Malgré le Covid. Avec une nouvelle méthode de co-construction concrète.

VÉRONIQUE LAMQUIN CHEFFE BRUXELLES

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La conviction que la densitéest une bonne chose pourla ville est récente. Pour leshabitants, la méfiance restelà, elle ne date pas d’hier !Ce qu’il faut faire,maintenant, c’est atterrir, en fabriquant du consensussur ces thématiques-là

La question n’est plus :faut-il densifierBruxelles. Mais : comment ? © BELGA.

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Parce que je suis convaincu que seul un Etat laïcest capable de protéger le pluralisme,de le préserver en le transformant en unité réelle,je demande que le Liban soit déclaré Etat laïc.Michel Aoun Président libanais, dans un discours à l’occasion du centenaire du Liban

La chronique de Carta Academica sur les rankings des universitésTous les samedis, « Le Soir » publie une chronique de Carta Academica sur un sujet d’actualité.Cette semaine : les rankings mondiaux et l’irruption des indicateurs de performance dans le mondede la recherche mettent en péril l’avenir de l’Université, estime le comité de Carta Academica.

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