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Yvon est originaire d’une famille de petits paysans montagnards du Grand Bornand,
au Chinaillon au lieu dit « la Bouvardière », la partie du village la plus haute.
La famille est plutôt pauvre, Yvon est le troisième garçon d’une fratrie qui en
comptera quatre. L’aîné est né infirme, « la maman avait accouché à la maison, un
accouchement long… C’est la sage femme qui l’a assistée et voilà que le bébé est
marqué pour la vie. D’après le médecin, il ne devait vivre que jusqu’à 7 ans, il est
mort à 70 ! ».
Il y avait cinq fermes aux alentours. Tout le monde avait des abeilles, quelques bêtes… Notre maison
est celle qui est le plus à gauche, cachée par la tête du promeneur. Derrière, c’est une maison d’un
voisin, refaite en 1954. A droite, un autre voisin qui s’appelait aussi Tochon-Ferdollet. Le troisième
bâtiment, c’est une grange, qui appartient au voisin le plus à droite. Il manque un cinquième voisin qui
n’est pas sur la photo, mais c’était tout le village de la Bouvardière.
Le second frère c’est Roland, et puis en 1934, c’est la naissance d’Yvon. « Mon plus
vieux souvenir, je devais avoir quatre ans, une nuit, j’ai vu mon papa agenouillé. Je
lui demande ce qu’il faisait, il m’a dit qu’il était l’heure d’aller dormir. Mais il priait !
Voir mon père, comme ça avoir l’humilité de prier à genou : quel témoignage ! j’ai été
marqué pour toujours. J’avais une grande admiration pour lui ». Yvon a baigné dans
cette ambiance confiante dans le Seigneur. Une famille très pratiquante, très
marquée par la prière. D’ailleurs, tous les soirs, toute la famille faisait sa prière tous
ensemble et Yvon se souvient encore de la maman,
qui faisait le catéchisme à tous ses enfants.
Ces familles paysannes, se sont toujours reconnu une affinité avec Jésus artisan, le
villageois simple, qui ne se distingue pas des autres hommes ou si peu, avant de
prendre les sentiers de Galilée et de Judée pour annoncer la Bonne Nouvelle de
Dieu.
« La neige faisait partie de notre vie… Quand il avait neigé, il n’était pas aisé de
rejoindre le village. Notre papa avait eu une idée pour faire la trace. Il remplissait un
sac à patates de neige, rajoutait de l’eau pour faire du poids et le tirait devant nous
pour écraser la neige. C’est sûr, qu’il fallait forcer ! Cela ne se faisait pas
sans efforts. De même pour glisser sur la neige, nous n’avions ni skis
ni luge, mais pour nous amuser, nous attachions un demi tonneau
que nous tirions avec une ficelle ».
C’est un chalet d’alpage puis de location quand on a été plus grands.
On l’a vendu autour de 66. On ne pouvait pas le garder, il fallait louer une
maison pour faire un peu d’argent. Autrefois l’été, les vaches mangeaient en
haut on pouvait y rentrer l’herbe pour l’hiver.
Ils sont plusieurs copains du Grand-Bornand à être devenus
prêtres : ce n’est pas un hasard si leur cœur est devenu tout
brulant de l’amour de Dieu eux qui ont grandi dans des familles
très modestes, ce qui les a poussés toujours vers les
nécessiteux qu’ils ont croisé sur leur chemin… Ils reparleront souvent de leur
enfance et de leur village qu’ils ont vu passer de l’indigence à l’aisance, et de
l’aisance à l’abondance par l’ingéniosité des hommes et par la grâce spectaculaire
de « l’or blanc ».
Le Chinaillon est devenu un grand village, rempli de belles maisons. Le maire a eu l’idée de faire bâtir
une maison pour accueillir des touristes. La route passait juste à côté, puis montait vers le col de la
Colombière.
Ce choix de la pauvreté ne sera jamais remis en cause… Durant toute sa vie, Yvon a
continué à réfléchir aux injustices, à chercher tous les moyens qu’il avait à sa
disposition pour lutter contre toute forme d’exclusion ou de pauvreté. Cette réflexion
alimentée en permanence par la passion de la Parole de Dieu. « on ne disait pas
qu’on était pauvre, c’est bien qu’on était tous à la même enseigne. Un tournant
important s’est pris après la guerre de 39-45. Une seule famille avait la radio, on
achetait le journal on se le prêtait… C’était une belle entraide. Les cinq foyers de
notre village formaient une seule et même famille. On allait chez les uns ou les
autres sans problème ».
Yvon va à l’école très jeune : il a juste 5 ans ! « mon frère Roland ne voulait pas y
aller tout seul alors je suis allé avec lui ! ». L’école est loin : elle se trouve au dessous
de la plate forme : « là il y a la route et le fleuve, il faut toujours descendre et monter .
Cela m’a donné le goût de la marche : nous avions 900 mètres de dénivelé tous les
jours ! A l’école du village, on apprenait surtout à se taire et puis nous enchainions
avec le catéchisme, par le jeu des questions/ réponses. Nous avons été éduqués
dans la rigueur ! »
Aujourd’hui encore, deux des frères d’Yvon vivent au Grand Bornand. Ses racines
sont pour toujours dans ce coin de montagne qui a tant changé mais qui reste le
même pour lui
Yvon était bien jeune mais il a entendu bien des fois parler de la guerre…
Un épisode malheureux de la résistance s’y est déroulé. « Beaucoup ont été fusillés
ce jour là… C’était à la fin de la guerre. La commune ne voulait pas, mais elle a été
obligée de subir cette violence
La maison des parents d’Yvon était la plus haute du village, alors les jeunes
arrivaient le soir et venaient souvent dormir dans la grange. « ils repartaient le
lendemain. Ils remontaient vers un village plus haut, la Culaz, au pied de la
montagne. L’hiver, mon père se levait avant le matin et trainait des branches pour
effacer les traces sinon c’était la mort ! Un jour, les allemands sont venus à la
« Dans ma vie itinérante des derniers mois, je n’avais pas entendu parler des combats du plateau des Glières qu’on cite
aujourd’hui comme un épisode glorieux de l’histoire de la Résistance. (…) Pour éviter un massacre, on avait obtenu des
Allemands que le siège serait confié à un détachement de la Milice. Le maquis des Glières constitué au départ par une
centaine d’hommes avait fini par être à la fin le refuge de plus de quatre cents réfractaires. Le ravitaillement était un
problème : à la solution duquel le commandement de la Milice collabora à sa manière en fermant les yeux sur des
promenades imprudentes de bovidés dans la direction du plateau. Lorsque la situation s’aggrava en février 1944, en
raison de la pression des Allemands qui menaçaient d’intervenir, des pourparlers eurent lieu mais (…) ne purent aboutir.
Une unité alpine allemande mit tout le monde d’accord en prenant l’affaire en main. Le plateau fut nettoyé en quarante-
huit heures par des professionnels. (…) C’étaient des garçons de dix-sept à vingt ans. Ils étaient une centaine. On les
enchaîna par groupes de dix et on les fit passer devant une cour martiale improvisée.
Soixante-seize furent condamnés à mort et fusillés sur-le-champ au lieu-dit Le Grand-Bornand. Il y avait parmi eux des
familles entières, des frères, des parents. La plupart d’entre eux, chrétiens convaincus sont des paysans issus de la terre
savoyarde. Le plus âgé avait combattu à Verdun. Le plus jeune venait d’avoir seize ans. Si les Souvenirs que j’écris
servent à transmettre ce souvenir, ils n’auront pas été tout à fait inutiles ».
Extrait du livre « Souvenirs, Maurice Bardèche » Il évoque notamment la mémoire des 76 miliciens assassinés par les communistes
au Grand-Bornand, le 24 août 1944.
maison. Ma mère tremblait comme une feuille : ils ont fouillé toute la maison : ils
avaient des doutes. Moi, je regardais, j’écoutais, j’étais encore petit ».
Un autre jour, le voisin était dehors, il était en train de s’occuper du fumier. Il a failli
être touché par une balle. « Moi, je n’étais pas plus inquiet que ça, j’étais confiant.
On ne se rend pas toujours compte de l’ampleur du danger quand on est enfant ».
Beaucoup plus tard, une rencontre…
C’était en 1964, le Curé du grand Bornand me demande de venir célébrer la messe
dans la vallée du Bouchet en juillet. Un père de famille m’aborde, il m’explique qu’il
vient de Thonon et que ses trois enfants ont été tués ici. Ils avaient 16, 18 et 19 ans.
Un autre, témoigne que son frère a été arrêté et fusillé. Il s’est trouvé là avec les
autres, il n’a pas pu s’expliquer. Il avait écrit une lettre une heure avant sa mort.
« Dans une heure, je serai tué
et je n’ai rien fait : ma chérie tu
auras le souci d élever tous les
enfants et un jour on se
retrouvera. Dieu
t’accompagnera dans ta vie : je
pardonne à celui qui me
tuera… »
Beaucoup ont écrit des
lettres poignantes qui disaient leur incompréhension mais surtout leur courage.
En 1948 c’est la mort du papa…
« j’avais seulement treize ans. C’était la conséquence de la guerre de 14-18.
Il avait été gazé à l’hypérit, sous forme de bombe lancée par les allemands ;
J’ai croisé des guerres durant toute ma jeunesse. Mais la guerre ne résout rien !
La violence par la violence c’est l’enfer.
Mon frère Roland, le 2ème assumait comme il pouvait la place du père. C’était bien
lourd pour la maman. Le médecin est venu en juillet, la maman a été convoquée… il
est mort le jour de la fête de François d’Assise le 4 octobre.
Nous vivions avec ce que nous avions. La fabrication du reblochon nous permettait
d’améliorer un peu le quotidien, mais les difficultés financières étaient un problème
permanent.
La chance va lui sourire grâce au Père Angelloz : « Mon grand frère handicapé placé
à Seyssel, une famille nombreuse, la tristesse de voir mourir mon père quand j’avais
douze ans… sans le Père Angelloz, je n’aurais jamais pu faire d’études. Mais il m’a
dit qu’il allait m’aider et que je pourrais aller au collège. Quelle grâce ! Je rends grâce
à Dieu pour cela. C’était un véritable ami bien qu’il ait 9 ans de plus que moi. Lui a
été ordonné prêtre en 1951 au Grand Bornand. Moi ce sera 11 ans après en 62 avec
deux autres bornandins qui devenaient prêtres».
Yvon rentre au collège Saint Joseph à Thônes. C’est Annecy qui va payer les
études. Francis était un homme gai et jovial qui lui a donné l’envie de faire le
séminaire. C’est là qu’Yvon va côtoyer plusieurs prêtres qui ont marqué la vie de tout
le diocèse. « le village du Grand Bornand a vraiment été un village propice aux
vocations : des frères, des prêtres, des religieuses, un milieu qu’on ne retrouve plus
aujourd’hui. Le monde bouge c’est ainsi. A l’époque j’ai vécu une réelle fraternité
nous étions tous copains ! »
Francis Angelloz, vicaire aumônier à Combloux de 1951 à
1958 puis curé à Nancy sur Cluses en 1959 et 1960 avant
que la vie l’emmène à bien d’autres endroits. Il a fait partie
de ces prêtres ouvriers qui s’étaient immergés totalement
dans la vie du monde du travail.
Francis a exercé la profession de facteur
« Grâce à Francis, j’ai pu entrer au collège, il est carrément allé voir l’évêque. Il m’a
présenté à l’Eglise du diocèse qui m’a payé des études parce que c’était un collège
qu’elle gérait. J’étais timide, d’un milieu paysan… Je parlais très bien le patois. Il y
avait déjà la France des petites gens à l’époque et celle des gens très à l’aise. Ça fait
partie de la vie depuis toujours. Ça ne m’a pas empêché d’être moi-même et
d’avancer. Mon cousin Armand Anthoine Milhomme m’a rejoint pour continuer ses
études, il est devenu prêtre lui aussi »
Francis, c’était l’ami de toujours. J’étais là pour son dernier souffle. Pour ses
funérailles, il fallait voir le nombre de musulmans. J’en connaissais plusieurs grâce à
lui. Il m’a permis de toujours me poser cette question : « est-ce que je rencontre
vraiment l’autre ? » Vouloir accueillir, c’est une chose, mais ensuite, comment aller
plus loin ? Jésus nous envoie comme témoins d’une foi qui nous fait courir et
chanter, qui nous fait danser ! Nous n’avons rien à perdre. Tout est à ouvrir. Nous
avons tout pour faire route ensemble. La catéchèse est dans la vie ! Nous vivons les
dernières paroles du Christ : « allez par toutes les nations et faites des disciples… Et
depuis longtemps, déjà, les nations sont chez nous ! Qu’allons nous construire
ensemble ? Il faut absolument chercher du côté de tout ce que nous avons en
commun et pas du côté de tout ce qui nous sépare. Hommes femmes, générations,
religions… J’ai vécu une époque formidable pour travailler avec les magrébins.
Guy Betemps, c’était un autre copain, il a été ordonné sous diacre le jour de mon
ordination.
Dominique Blanchet, Gabriel Perrissin tous devenus prêtres eux aussi : Ils ont
accompagné ma route. Autrefois, nous faisions des petits boulots pour rendre
service : réparation de chaussures, jardinage… Nous vivions une grande amitié et un
partage de foi qui ont compté beaucoup dans ma vocation de prêtre.
Yvon a mal vécu ces années collège. Il avait l’impression de laisser la famille toute
seule pendant qu’il étudiait. Il avait quitté la vie paysanne difficile. Il devait rester à
l’internat pour qu’il n’y ait pas trop de frais. Il y avait 3 jours de congé en dehors des
vacances scolaires : le 11 novembre, le mardi gras et le lundi de Pentecôte. « Il fallait
partir à pied de Thônes à 5 h du matin pour arriver en haut. J’ai appris à vivre avec
peu, il fallait beaucoup réfléchir avant de réaliser le projet de se rendre en famille. S’il
pleuvait est-ce que je partais vraiment ? Alors je rentrais seulement pour les
vacances. J’étais utile à la famille, pas question de faire des camps !
Puis Yvon ira au Grand Séminaire d’Annecy en octobre 1954. La formation reçue
requérait la soumission plus qu’elle ne tolérait l’initiative. C’est pourtant dans ce
contexte que nait en lui la quête de l’absolu de l’Evangile. « j’aurais voulu entrer à la
mission de France mais elle venait de fermer ses portes. Qu’allais-je faire ? »
Une interruption de trois ans durant le séminaire parce qu’il y avait la guerre en
Algérie…
Ceux de ma génération sont presque tous partis. J’y suis allé entre 1957 et 1959.
Aujourd’hui encore j’ai du mal à parler de cette période insupportable : Nous sommes
partis
avec un objectif de paix, là-bas on nous a donné un fusil. Je suis arrivé en même
temps qu’un autre séminariste, nous avons pris la chambre de deux hommes tués
depuis peu... Lui a pris la responsabilité des vêtements, moi je suis allé sur le terrain.
Ce sont des choses que l’on n’oublie pas. J’ai exprimé mon refus de la violence et
depuis je n’ai jamais changé de point de vue. Pas de réponse physique même si je
suis agressé. La guerre laisse des traces, elle est principe de mort. J’ai longtemps
voulu retourner en Algérie avec le projet de reconstruire ce que nous avions démoli,
mais cela n’a pas été possible. Ma mission devait s’accomplir ailleurs. Toutefois j’ai
contribué à ma manière, notamment financièrement à des projets, depuis la France,
en envoyant à l’Eglise d’Alger la pension qui était versée au retour et que je continue
à verser aujourd’hui
Un souvenir durant la guerre. Il est venu un moment où j’ai proposé aux camarades
de prier. Nous pouvions nous lever à 5 heures et commencer… au début nous étions
2 ou 3 et puis certains nous ont rejoints. Quelquefois nous étions une douzaine ! Le
dimanche, quand nous n’étions pas en marche, nous nous réunissions plus
longuement, il fallait se serrer les uns contre les autres, la pièce où nous nous
retrouvions était toute petite. Certains m’ont reparlé de ces moments. Ça nous a aidé
de prier ensemble.
Les années d’Algérie. Je baignais dans une atmosphère de rejet du monde
arabo musulman et pourtant je me suis trouvé avec eux et je ne regrette rien. Ils
m’ont apporté beaucoup d’amitié et du coup beaucoup de joie.
J’ai trouvé peu à peu mon style de vie : ce qui me guidait, c’était la volonté de mener
une existence toute simple, comme celle de n’importe quel homme. Il me semble que
Jésus Christ a vécu ainsi à en Galilée. Non pas comme un misérable ni comme un
religieux, ni encore comme un homme politique… tout simplement comme un
homme ordinaire. Ce que j’ai toujours recherché, c’est le contact avec les personnes
que je croisais, les ouvriers, les voisins…
être au milieu des maghrébins demandait de ne pas vouloir les convertir… Pour tous
ceux qui me demandaient si je faisais du prosélytisme, je répondais « pas du tout ! »
je me surveillais. Je me surveillais, c’est le mot que j’emploie, pour avoir des relations
d’ami à ami, et non de supérieur à inférieur. Non pas d’un chrétien supérieur à un
musulman inférieur. Ç’aurait été le pire ; ceci a beaucoup facilité les choses dans
mes relations avec ces populations. Je n’avais aucune tactique missionnaire. Je
voulais simplement avancer dans une vérité humaine. Aujourd’hui encore, il est
difficile pour un musulman de croire au désintéressement des chrétiens. C’est une
difficulté majeure de tout dialogue.
Yvon se décrit comme un homme qui est prêtre. « je suis un homme ! » Le
sacerdoce ne met pas l’homme entre parenthèses. Quand on m’appelle mon père
cela m’irrite parce que cela me met un peu à part. j’aime être soumis aux mêmes
joies et difficultés que les autres. Le personnage de prêtre ne doit pas m’empêcher
de vivre l’Evangile. L’important pour moi, c’est de me situer avec les plus pauvres.
De vivre les difficultés des autres avec les moyens de l’Evangile, c'est-à-dire de
l’Amour. L’important, c’est enfin d’être véritablement lié à Jésus Christ. D’où la place
de la prière, de l’Eucharistie, de la Parole de Dieu. Vivre l’Evangile c’est être en
capacité de critiquer tous les absolus qui risquent de surgir ailleurs.
Bien sûr je ne pouvais épouser jusqu’au bout la condition des hommes. J’ai fait des
études, je n’ai pas le souci d’une famille avec les problèmes qui s’y rattachent. Je vis
également dans le climat d’une certaine sécurité ne connaissant pas le chômage,
l’Eglise ne me laissera jamais tomber..
Finalement après une vie auprès des hommes et des femmes de son temps,
Yvon affirme « la grande force qui travaille l’homme, c’est la communion. J’essaie de
découvrir et de favoriser ce qui permet d’avancer vers la responsabilité et la
solidarité. Ma mission de prêtre : comment porter le témoignage de la lutte pour la
justice au nom de Dieu et de l’Evangile ? »
Il faut que l’Eglise ne puisse faire rien d’autre que révéler Jésus Christ. Qu’elle
naisse, qu’elle renaisse au monde moderne. Qui dit naissance dit petitesse,
pauvreté, fragilité, impuissance. Il faut qu’elle advienne au monde à la manière du
Christ qui est advenu au monde comme un petit enfant.
Mais pourquoi les musulmans nous prennent ils pour des marabouts ? Les
juifs n’ont jamais considéré Jésus comme un prêtre. Ils l’ont pris pour un prophète ou
un meneur politique. Ils le comparent à un personnage et non à un membre de la
caste politique. Il faudrait aujourd’hui que les gens nous comparent ainsi, cela
suppose un style de vie, un certain engagement.
A propos des prêtres de Tibhérine, fallait il que l’Eglise détache des hommes à
ce genre de mission dont les résultats n’avaient rien de spectaculaire ? Pourtant
cette mission là était bien essentielle… une catégorie de population qu’on ne
rencontrerait jamais,
Yvon respectait le ministère des prêtres qui ne faisaient pas du tout la même
chose que lui, simplement, il appréciait énormément qu’il puisse vivre pleinement sa
vocation de prêtre pauvre au milieu des pauvres. (prado) ; La justice pour les petits,
les exploités, les rejetés n’est pas une activité périphérique, une occupation
marginale par rapport à l’apostolat habituel, mais une exigence de l’Alliance au cœur
même de l’Eglise, dans son existence quotidienne ; dans la grande mission
évangélisatrice de l’Eglise, nous sommes tous complémentaires. Tout au long de
l’histoire, des besoins nouveaux, des situations inédites, ont fait surgir dans l’Eglise,
des ministères nouveaux ; différents mais non supérieurs à ceux qui existaient déjà.
Demain, d’autres situations, d’autres besoins feront naitre d’autres ministères. Il y a
une seul Esprit, qui anime de l’intérieur ce grand corps qu’est l’Eglise, et qui distribue
à chacun, comme il l’entend les charismes, dons et ministères, en vue du
témoignage communautaire.
Cela donne à Yvon une attention fraternelle à l’apostolat des prêtres de
paroisses, des aumôniers ; je n’ai jamais été nommé Curé. Cela me donnait une
grande liberté pour réaliser ce à quoi je me sentais vraiment appelé.je ne veux pas
être autre chose que le messager de la Bonne nouvelle de la part du Dieu vivant.
Rendre présents les exclus : immigrés, miséreux…
Une vie spirituelle profonde. Les lettres de Saint Paul, une passion.
Une vie de prière. Tour à tour supplication et action de grâce, ma prière est remplie
de la vie des hommes de toutes nations que mon existence actuelle me fait
spontanément rencontrer, au jour le jour. Elle fait partie intégrante de la vie
quotidienne. Il n’y a pas d’un côté qui vivent et qui se battent avec les aléas de la vie
et de l’autre ceux qui prient. Il n’y a pas à choisir entre les deux. La force de
l’Evangile, c’est de faire vivre, à ceux qui lui soumettent leur vie, des exigences
humainement contradictoires. Si nous choisissons, nous appauvrissons l’Evangile.
L’homme de l’Evangile, c’est toute en même temps. L’homme de combat pour la
justice, et l’homme de la louange gratuite et émerveillée au Dieu vivant… L’homme
de la libération et de la communion
Biographie
Yvon
Famille des Alpes couchant côté France et famille des Alpes levant côté Italie l’Italie .
1934 : naissance d’Yvon au Chinaillon
4 enfants
L’ainé est
Le second est Roland
Le troisième est Yvon
Le quatrième est
l’aîné est né infirme ; la maman a accouché à la maison, un accouchement long : c’est la sage femme
qui a fait l’accouchement : le petit marqué pour la vie ; il devait vivre jusqu’à 7 ans d’après le
médecin et il est mort à 70 ans.
Souvenirs d’Yvon : A 4 ans le papa est agenouillé ; Yvon lui demande ce qu’il fait ainsi , et le papa lui
dit il faut aller dormir : il a été baigné dans une enfance très pratiquante et très marquée par la
prière. Tous les soirs, toute la famille faisait la prière tous ensemble.
La maman faisait le catéchisme à la maison pour tous ses enfants.
Yvon va à l’école à 5 ans car son frère Roland ne veut pas y aller tout seul.
L’école se trouve au dessus de la plate forme : là il y a la route et le fleuve :
Il faut toujours monter et descendre ;
Au Chinaillon à 1 km il y a une chapelle gardée, arrangée et belle ,bien entretenue mais hélas on n’y
célèbre pas de messe.
Yvon , une fois prêtre ira pour y célébrer des messes.
Yvon a un copain qui a 9 ans de plus que lui : Francis Angeloz Il fut ordonné prêtre en 1951.
1945 : tous les gens arrêtes par les Allemands furent emmenés en Haute Savoie et furent fusillés au
Grand Bornand (100 personnes ) : les autres communes n’accceptèrent pas cette soumission mais la
commune du Grand Bornand fut obligé de subir cette violence.
1947: le papa meurt Yvon à 13 ans : conséquence de l4 18 gazé : hypérit (bombe lancée par les
Allemands),
Passage sur le maquis des Glières : attaqué par les Allemands,
La guerre ne résout aucun problème : la violence par la violence c’est l’enfer.
Roland le 2ème assume la place du père.
Lourd pour la maman : juillet 47 Yvon voit le médecin avec le père ; la maman est convoquée par le
médecin :
Décédé le 4/10 le jour de la fête de St François d’Assise, :
Yvon rentre en classe le jeudi en 5ème au collège à Thones
Colllège en 6ème seul moyen de pouvoir payer ses études : collège de Thones et Annecy vont payer les
études
Aidé par Francis jovial gai, à donner envie à Yvon de faire le séminaire.
Francis Angelloz, prêtre aumonier à Cluses, Guy Betemps, Dominique Blanchet,Gabriel Perrissin tous
devenus prêtres ont accompagné ma route.
1954 : première radio à la maison dans le village qui avait 5 maisons avec 3 maisons qui s’appelaient
Tochon : point de vue magnifique, soleil tôt le matin
20 ans en vacances
Octobre 1954 : entre au grand séminaire d’Annecy
Mal vécu le collège : impression de laisser la famille toute seule pdt qu’il fait des études
Vie difficile de la petite paysannerie ;
En internat car trop cher pour rentrer
3 jours de congé en dehors des vacances scolaires : le 11 novembre, le mardi gras et le lundi de
Pentecôte.
Il faut partir à pied de Thones à 5 h du matin pour arriver chez soi:
Apprendre à vivre avec peu : bcp réfléchir avant de réaliser le projet de se rendre en famille;
S’il pleut est-ce qu’on part vraiment ?
Je rentrais chez moi pdt vacances scolaires
Utile à la famille, pas question de faire des camps.
Collège qui préparait à l’entrée au séminaire. Jusqu’en terminale.
1957-1959 : Guerre d’Algérie :
Période très difficile à vivre pour Yvon : a exprimé son refus de la violence ; Pas de réponse physique
même si je suis agressé.
La guerre laisse des traces, elle est principe de mort. A voulu retourner en Algérie avec le projet de
reconstruire ce qui avait été démoli :cela n’a pas été possible.
A contribué à sa manière en finançant des projets depuis la France en envoyant à l’Eglise d’Alger la
pension qui était versée au retour.
1962 : ordonné prêtre ministère à St Julien en Genevois comme aumônier du nouveau lycée A
animé des camps ; Taizé.
Quand on reprend l’ensemble
Au collège à Thones il fallait raconter comment faire le reblochon :
Yvon parlait et racontait : déjà le contact
Aimait écrire, raconter, les rédactions ;
Les frères n’aimaient pas l école : Yvon lui l’aimait.
Ecole : village du chinaillon et village du G B
Les copains demandaient à Yvon de les aider à faire les devoirs pour tous ;
S’il pleuvait ils s’arrêtaient dans la grange pour faire les devoirs
Plusieurs copains : Raymond Pochat a été arrêté à la fin du collège
Dominique Blanchet 1er de classe, prêtre, Gabriel Pérrissin, Firmin Bastard, bricoleur
Il arrangeait les skis, les chaussures
Ne pas perdre de temps, arranger des lieux de bricolage, faire des quarts en arrondi
Lucien le plus jeune des frères a fait des skis lui-même, très bricoleur
Faisait chauffer du bois dur, feuillard, arrondissait , faisait sécher, a fait les quarts ;
N a pas pu passer le brevet : il fallait garder les vaches
Le bac : il fallait payer 10 francs
A découvert que quand on n’ a pas les moyens la volonté ne suffit pas ;
Lever tous les jours à 6h du matin
Arranger les bicyclettes par Lucien
Parrain : gd bricoleur Pochat
Antoine Milhomme : tous les noms sont doubles
Antoine : ancêtre
Milhomme : tribu nombreuse pour différencier
Cousin : Armand AM
1969 : départ pour le Rwanda : 5ans à Kigali comme aumônier de lycée. A appris le Kinyarwanda
1975 : le Maroc : Casablanca 7500 élèves musulmans, chrétiens, juifs. De nombreuses rencontres
inter-amicales, inter-religieuses. Apprendre le respect des coutumes de chacun, une compréhension
mutuelle.
1998 : retour dans le diocèse d’Annecy : collaboration avec Henri Duperthuy.
Aumônier de prison : le prisonnier n’est pas que prisonnier ; Jésus s’est fait homme au milieu des
hommes : il est le Christ serviteur ;
Cluses : fait l’expérience de vivre en frères ; mise sur les relations humaines, au travail en équipes.
L’Evangile apprend à rencontrer les gens, les respecter, vivre l’accueil de part et d’autre. ; « Tu as
rencontré ton frère, tu as rencontré Dieu ».
Le Père veut que tous les hommes soient sauvés parfois par des chemins différents du mien. A la
source de l’Evangile se trouve le Christ. Mais à la source du Christ se trouve Dieu le Père dans le
chemin du judaïsme.
Avoir du respect mutuel les uns pour les autres
Découvrir la source pour vivre le présent et ouvrir un avenir.
Jésus nous donne les clés
Vatican a été un fantastique souffle de vie : cheminons ensemble dans le respect de chaque
propositions. « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés
Si nous vivons par l’Esprit , nous marcherons dans son souffle. La Résurrection, c’est dès aujourd’hui
qu’elle s’accomplit.
Je vis un ministère fantastique, je rencontre toutes les religions, et tous les milieux ; Cela me comble
d’espérance : le monde est en marche sous le signe de l’amour fraternel. J’ai la conviction que l’Esprit
Saint souffle aujourd’hui dans tout ce monde qui cherche un sens et l’Eglise se situe dans ce
mouvement. Prenons la parole ! nous rencontrerons le dialogue, l’avenir, la joie. Nous pourrons
conjuguer « vivre » et « croire »
Une interview de 2015
Pour vous comme prêtre qu’est-ce qui est difficile à vivre ?
Quand je constate l’état du monde aujourd’hui, hérité du passé, je remarque qu’il y aura
toujours des personnes qui cherchent, qui pensent à l’inutilité de la guerre, qui vivent avec la
certitude qu’il est possible de se comprendre. Mais il y en a d’autres qui savent tout, qui ont
réponse à tout. Ceux là me questionnent. Il y a tant de blocages : Quelquefois, je me dis qu’il
faudrait la mort du dictionnaire ! Alors je pose la question « que veut dire pour toi le mot
fraternité ? » et moi-même je m’interroge. Comment vivre tous ensemble ? Que chacun
puisse s’exprimer, mais qu’avant il y ait du respect mutuel ! Découvrir la source pour vivre le
présent et ouvrir un avenir… Jésus nous donne les clés : dans les actes des apôtres, les
premiers chrétiens ont su s’adapter aux changements. Mais surtout ils vivaient vraiment la
communion : (Ac 2, 42 et sui) non seulement « ils étaient assidus à l’enseignement des
apôtres » mais ils étaient « fidèles à la communion fraternelle, au partage du pain et
permanents à la prière » Que demander de plus ? Ne manquons pas cela aujourd’hui !
Qu’est-ce qui est porteur de vie ?
Vatican II a été un fantastique souffle de vie : comment se fait il que ce souffle se soit trouvé
bloqué ? Pourquoi vivons-nous tant de rejets aujourd’hui encore ? Nous sommes entrain de
prendre conscience de ce manque. La démarche synodale est bonne pour cela. Elle nous
donne l’occasion de cheminer ensemble dans le respect de chaque proposition. On rejoint
alors le commandement nouveau du Christ : « aimez vous les uns les autres comme je vous ai
aimés » ; Si nous vivons par l’Esprit, nous marcherons dans son souffle. L’Église vit une
dimension de Pentecôte permanente et c’est le moment de s’en souvenir. La résurrection, c’est
dès aujourd’hui qu’elle s’accomplit ! (Col 3,1) De ce côté-là, je vis un ministère fantastique.
Je rencontre toutes les religions et tous les milieux. Cela me comble d’espérance : le monde
est en marche sous le signe de l’amour fraternel. J’ai la conviction que l’Esprit Saint souffle
aujourd’hui dans tout ce monde qui cherche un sens et l’Église se situe dans ce mouvement.
Prenons la parole ! Nous rencontrerons le dialogue, l’avenir, la joie. Nous pourrons conjuguer
« vivre » et « croire » !