Yves Sillard, président du Geipan

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Charente-Maritime LUNDI 3 AOÛT 2009 WWW.SUDOUEST.COM SYLVAIN COTTIN [email protected] P as plus qu’il ne goûte à la soupeauxchoux,onnesoup- çonnera guère Yves Sillard de voir des petits hommes verts par- tout. Ce n’est d’ailleurs qu’à la de- mandeduprésidentChiracquece scientifique de renom a rendu pu- bliques, en 2007, les archives jus- qu’alorsclasséessecret-défensedes phénomènes aérospatiaux non- identifiés.Mais,à73ans,cecartésien àl’originedesprogrammesAriane et Concorde n’écarte pas non plus l’hypothèseextraterrestrelorsqu’il s’agit d’expliquer l’inexplicable. Sousl’égideduCnes(Centrenatio- nal d’études spatiales), il préside le Groupement d’études sur les phé- nomènesaérospatiauxnonidenti- fiés (GEIPAN). « Sud Ouest ». Vous, le père de la fusée Ariane, vous le pilote de l’ar- mée de l’air aux 1 200 heures de vol, vous n’avez jamais croisé la queue du moindre OVNI… Ça com- mence mal ? Yves Sillard. J’aurais bien aimé, mais je n’ai jamais vu rien en effet. Cequinem’empêchepasdelutter aujourd’hui contre ce refus de re- garder en face un phénomène qui interpelle, certes, mais qui est in- contestable. Je trouve paradoxale- mentpeuscientifiquequel’onn’ar- rivepasàavoiruneattitudeouverte lorsquelesobservationsdephéno- mènesaérospatiauxnonidentifiés (PAN) sont de qualité. « Sur les 1 600 observations recensées en France depuis un demi-siècle, 460 sont inexplicables, mais indiscutables » Le débat qui oppose les pro et anti- ovnis frôle même parfois le secta- risme et l’intolérance… Et je suis chargé de faire l’équilibre entrecesdeuxtendancesopposées. D’un côté l’union rationaliste qui, souscouvertdecombattrel’obscu- rantisme,refuseparprinciped’étu- dier le phénomène, et de l’autre quelques ufologues excessifs, qui considèrent l’hypothèse extrater- restre tellement évidente qu’ils re- vendiquentn’importequeltémoi- gnage, y compris les plus farfelus. En France, depuis 50 ans, 6 000 personnes auraient été confrontées à un PAN ? Oui, ce qui représente environ 1 500 cas. Mais, sur le total, seuls 460 sont sérieux, c’est-à-dire qu’ils ne s’expliquent pas par un phéno- mènemétéorologiquesoutechni- que,commeparexemplelarentrée dans l’atmosphère d’un débris de fuséerussequiavaitengendréune dizainedetémoignagesaumoisde septembre2008.Mais460PANavé- rés après une enquête officielle, ça commence à faire beaucoup. À quoi ressemblent ces mystérieuses apparitions ? À des choses assez variées, qu’il s’agisse d’un phénomène lumi- neux,d’unevégétationbrûléedans unjardin,d’unobjetmétalliquequi décolleàtoutevitesse,d’unatterris- sagesilencieuxoubiend’unengin trèsbasdansleciel,quipeutparfois provoquer l’arrêt d’un moteur au- tomobile ou sembler paralyser les gens. Mais le dénominateur com- mun de ces observations reste les performances dynamiques de ces engins, elles laissent imaginer des vitessessupersoniquesetdeschan- gements de direction avec des an- gles prodigieux. En revanche, per- sonne n’a jamais signalé la moindre attitude agressive. La légende veut que ce soit en fait des essais d’aéronefs militaires or- ganisés dans le plus grand secret… On a beaucoup avancé cette thèse au moment de la Guerre Froide. Mais je n’y crois pas. Depuis le temps, ces merveilleux engins rus- ses ou américains équiperaient leursarmées.Cequiestjuste,àl’in- verse, c’est que le gouvernement américain a un problème avec les ovnis. Et en maintenant ainsi le se- cret,ilrenforcehélascettecroyance populaire selon laquelle « on nous cache tout, on ne nous dit rien… » Des engins en forme de soucoupes, des phénomènes lumineux, etc. L’espèce humaine ne manquerait- elle pas un peu d’originalité au mo- ment d’imaginer les moyens de transport extraterrestre ? Encore une fois, ce ne sont pour moiquedesobservationsetdeshy- pothèses.Maislespilotesdel’armée ou de l’aviation civile ont raconté avoir vu des engins au comporte- ment encore plus incroyable. Cer- tains sont même convaincus d’avoir évité une collision de jus- tesse. Malgré votre prudence, on vous de- vine tout de même intrigué par ces témoignages… Jesuistoutàfaitcertainquecesob- servations sont indiscutables, et nonexplicablesparaucundesphé- nomènes que nous connaissons. Maisbon,aprioril’hypothèsed’un voyage depuis une exoplanète ha- bitéeparaîtassezinvraisemblable. Sauf que c’est pratiquement la seule explication possible. Toujours en considérant qu’il ne s’agit là que d’une hypothèse, pourquoi alors ces extraterrestres nous survoleraient aussi souvent sans jamais avoir eu l’idée de venir nous serrer la main ? Beaucoup de scientifiques esti- ment que sur les 200 à 300 mil- liards de planètes que compte no- tre galaxie, certaines sont habitées et ressemblent à la Terre. Mais ces éventuelles civilisations peuvent aussi avoir des millions d’années d’avance technologique sur la nô- tre, ce qui rendrait déjà plausible leurs voyages jusqu’à nous. Quant à l’absence de contact, nous pou- vonségalementimaginerqueleur réflexion éthique ou philosophi- que nous dépasse largement, et qu’ilspourraientnousétudiersans nous perturber. Mais là nous som- mes pour l’heure proche de la science-fiction. « Des engins qui décollent à des vitesses supersoniques, d’autres qui paralysent les gens et le moteur de leurs voitures… » L’ouverture au public des archives secrètes du GEIPAN n’engendre- t-elle pas un effet pervers depuis deux ans, en multipliant par exem- ple les témoignages autant que les hallucinations ? Pas plus de témoignages farfelus qu’auparavantnon.Aucontraire,il n’yarieneudevéritablementsigni- ficatif en France depuis deux ou trois ans. Au-delà du recensement de ces phénomènes, le but du GEI- PAN reste aussi de coordonner les différentsservicesdel’Étatsurlesu- jet, et notamment les gendarmes qui sont en première ligne au mo- ment de recueillir et de vérifier la fiabilité des témoignages. Leur mentalité a d’ailleurs beaucoup évolué,etj’aimeraisqued’autresen fassentautant…quel’onarrêteain- si de sourire bêtement lorsque quelqu’un nous raconte quelque chosequel’onnecomprendpas,et quiserapeut-êtreunjouressentiel. Maisilrestedutravail,beaucoupde gens se taisent par crainte du ridi- cule,leGEIPANdoitlesdéculpabili- ser. YVES SILLARD Retiré à Brives-sur- Charente, le père de la fusée Ariane préside le Groupe d’études sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés C’est le gendarme des extraterrestres Yves Sillard chez lui, à Brives-sur-Charente : « J’ai la conviction que beaucoup de témoignages sont indiscutables. » PHOTO DOMINIQUE JULLIAN Au printemps 2008, des observa- tions de boules lumineuses blan- ches ou oranges se multipliaient en Bretagne et en Vendée. L’une d’elle rapportée par plusieurs témoins avait défrayé la chronique sur l’île d’Yeu. Mais comme le soupçon- naient les enquêteurs du GEIPAN, le mystère s’est éclairci lorsqu’une personne en week-end sur l’île a in- diqué avoir lancé huit lanternes thaïlandaises à l’occasion de l’anni- versaire de son épouse. Ces ballons sont des montgolfières festives en papier très en vogue en Thaïlande et au Brésil et dont la mode com- mence à gagner l’Europe. En Charente-Maritime, les deux dernières observations fiables et inexpliquées ont eu lieu à Périgny (1997) et Corme-Royal (1996). El- les sont très longuement détaillées sur le site Internet du GEIPAN (www.cnes-geipan.fr). L’OVNI DE L’ÎLE D’YEU

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Itw Yves Sillard, président du Geipan, par Sylvain Cottin

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Charente-MaritimeLUNDI 3 AOÛT 2009WWW.SUDOUEST.COM

SYLVAIN [email protected]

Pas plus qu’il ne goûte à lasoupeauxchoux,onnesoup-çonneraguèreYvesSillardde

voir des petits hommes verts par-tout. Ce n’est d’ailleurs qu’à la de-mandeduprésidentChiracquecescientifiquederenomarendupu-bliques, en 2007, les archives jus-qu’alorsclasséessecret-défensedesphénomènes aérospatiaux non-identifiés.Mais,à73ans,cecartésienàl’originedesprogrammesArianeet Concorde n’écarte pas non plusl’hypothèseextraterrestrelorsqu’ils’agit d’expliquer l’inexplicable.Sousl’égideduCnes(Centrenatio-nald’étudesspatiales),ilprésideleGroupement d’études sur les phé-nomènesaérospatiauxnonidenti-fiés(GEIPAN).

« Sud Ouest ». Vous, le père de lafusée Ariane, vous le pilote de l’ar-mée de l’air aux 1 200 heures devol, vous n’avez jamais croisé laqueue du moindre OVNI… Ça com-mence mal ?Yves Sillard. J’aurais bien aimé,mais je n’ai jamais vu rien en effet.Cequinem’empêchepasdelutteraujourd’hui contre ce refus de re-garderenfaceunphénomènequiinterpelle, certes, mais qui est in-contestable. Je trouve paradoxale-mentpeuscientifiquequel’onn’ar-rivepasàavoiruneattitudeouvertelorsquelesobservationsdephéno-mènesaérospatiauxnonidentifiés(PAN)sontdequalité.

« Sur les1 600 observationsrecensées en Francedepuis un demi-siècle,460 sontinexplicables, maisindiscutables »

Le débat qui oppose les pro et anti-ovnis frôle même parfois le secta-risme et l’intolérance…Etjesuischargédefairel’équilibreentrecesdeuxtendancesopposées.D’un côté l’union rationaliste qui,souscouvertdecombattrel’obscu-rantisme,refuseparprinciped’étu-dier le phénomène, et de l’autrequelques ufologues excessifs, quiconsidèrent l’hypothèse extrater-

restre tellement évidente qu’ils re-vendiquentn’importequeltémoi-gnage,ycomprislesplusfarfelus.

En France, depuis 50 ans,6 000 personnes auraientété confrontées à un PAN ?Oui, ce qui représente environ1 500 cas. Mais, sur le total, seuls460 sont sérieux, c’est-à-dire qu’ilsne s’expliquent pas par un phéno-mènemétéorologiquesoutechni-que,commeparexemplelarentréedans l’atmosphère d’un débris defuséerussequiavaitengendréunedizainedetémoignagesaumoisdeseptembre2008.Mais460PANavé-rés après une enquête officielle, çacommenceàfairebeaucoup.

À quoi ressemblentces mystérieuses apparitions ?À des choses assez variées, qu’ils’agisse d’un phénomène lumi-neux,d’unevégétationbrûléedansunjardin,d’unobjetmétalliquequidécolleàtoutevitesse,d’unatterris-sagesilencieuxoubiend’unengintrèsbasdansleciel,quipeutparfoisprovoquer l’arrêt d’un moteur au-tomobile ou sembler paralyser lesgens. Mais le dénominateur com-mun de ces observations reste lesperformances dynamiques de cesengins, elles laissent imaginer desvitessessupersoniquesetdeschan-gements de direction avec des an-gles prodigieux. En revanche, per-sonne n’a jamais signalé lamoindreattitudeagressive.

La légende veut que ce soit en faitdes essais d’aéronefs militaires or-ganisés dans le plus grand secret…On a beaucoup avancé cette thèseau moment de la Guerre Froide.

Mais je n’y crois pas. Depuis letemps,cesmerveilleuxenginsrus-ses ou américains équiperaientleursarmées.Cequiestjuste,àl’in-verse, c’est que le gouvernementaméricain a un problème avec lesovnis.Etenmaintenantainsilese-cret,ilrenforcehélascettecroyancepopulaireselonlaquelle« onnouscachetout,onnenousditrien… »

Des engins en forme de soucoupes,des phénomènes lumineux, etc.L’espèce humaine ne manquerait-elle pas un peu d’originalité au mo-ment d’imaginer les moyens detransport extraterrestre ?Encore une fois, ce ne sont pourmoiquedesobservationsetdeshy-pothèses.Maislespilotesdel’arméeou de l’aviation civile ont racontéavoir vu des engins au comporte-ment encore plus incroyable. Cer-tains sont même convaincusd’avoir évité une collision de jus-tesse.

Malgré votre prudence, on vous de-vine tout de même intrigué par cestémoignages…Jesuistoutàfaitcertainquecesob-

servations sont indiscutables, etnonexplicablesparaucundesphé-nomènes que nous connaissons.Maisbon,aprioril’hypothèsed’unvoyage depuis une exoplanète ha-bitéeparaîtassezinvraisemblable.Sauf que c’est pratiquement laseuleexplicationpossible.

Toujours en considérant qu’il nes’agit là que d’une hypothèse,pourquoi alors ces extraterrestresnous survoleraient aussi souventsans jamais avoir eu l’idée de venirnous serrer la main ?Beaucoup de scientifiques esti-ment que sur les 200 à 300 mil-liards de planètes que compte no-tregalaxie,certainessonthabitéeset ressemblent à la Terre. Mais ceséventuelles civilisations peuventaussi avoir des millions d’annéesd’avance technologique sur la nô-tre, ce qui rendrait déjà plausibleleurs voyages jusqu’à nous. Quantà l’absence de contact, nous pou-vonségalementimaginerqueleurréflexion éthique ou philosophi-que nous dépasse largement, etqu’ilspourraientnousétudiersansnous perturber. Mais là nous som-

mes pour l’heure proche de lascience-fiction.

« Des enginsqui décollentà des vitessessupersoniques,d’autresqui paralysent les genset le moteur de leursvoitures… »

L’ouverture au public des archivessecrètes du GEIPAN n’engendre-t-elle pas un effet pervers depuisdeux ans, en multipliant par exem-ple les témoignages autant que leshallucinations ?Pas plus de témoignages farfelusqu’auparavantnon.Aucontraire,iln’yarieneudevéritablementsigni-ficatif en France depuis deux outrois ans. Au-delà du recensementde ces phénomènes, le but du GEI-PAN reste aussi de coordonner lesdifférentsservicesdel’Étatsurlesu-jet, et notamment les gendarmesqui sont en première ligne au mo-ment de recueillir et de vérifier lafiabilité des témoignages. Leurmentalité a d’ailleurs beaucoupévolué,etj’aimeraisqued’autresenfassentautant…quel’onarrêteain-si de sourire bêtement lorsquequelqu’un nous raconte quelquechosequel’onnecomprendpas,etquiserapeut-êtreunjouressentiel.Maisilrestedutravail,beaucoupdegens se taisent par crainte du ridi-cule,leGEIPANdoitlesdéculpabili-ser.

YVES SILLARDRetiré à Brives-sur-Charente, le pèrede la fusée Arianepréside le Grouped’études sur lesphénomènesaérospatiauxnon identifiés

C’est le gendarmedes extraterrestres

Yves Sillard chez lui, à Brives-sur-Charente : « J’ai la conviction que beaucoup de témoignages sont indiscutables. »PHOTO DOMINIQUE JULLIAN

Au printemps 2008, des observa-tions de boules lumineuses blan-ches ou oranges se multipliaient enBretagne et en Vendée. L’une d’ellerapportée par plusieurs témoinsavait défrayé la chronique sur l’îled’Yeu. Mais comme le soupçon-naient les enquêteurs du GEIPAN,le mystère s’est éclairci lorsqu’unepersonne en week-end sur l’île a in-diqué avoir lancé huit lanternesthaïlandaises à l’occasion de l’anni-

versaire de son épouse. Ces ballonssont des montgolfières festives enpapier très en vogue en Thaïlandeet au Brésil et dont la mode com-mence à gagner l’Europe.

En Charente-Maritime, les deuxdernières observations fiables etinexpliquées ont eu lieu à Périgny(1997) et Corme-Royal (1996). El-les sont très longuement détailléessur le site Internet du GEIPAN(www.cnes-geipan.fr).

L’OVNI DE L’ÎLE D’YEU