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AVERTISSEMENT

Ce texte a été téléchargé depuis le site

http://www.leproscenium.com

Ce texte est protégé par les droits d’auteur.

En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France).

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe.

Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori.

Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public

puissent toujours profiter de nouveaux textes.

Y A TROP DE POUSSIERES

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EUGENIE GERMAIN- 83 ans

NICOLE - sa fille

PIERRE - son gendre

DENIS - le curé

MAITRE HONOME - le notaire

ELISABETH - la 2nde

fille

FRANCK - 30 ans à peine

GILBERTE - l’amie d’Eugénie, 82 ans

MYRIAM - l’aide ménagère, 25- 30 ans

CAROLE – L’employée des pompes Funèbres (le rôle peut être masculin)

Décor : Un salon classique avec obligatoirement une commode à tiroirs, un vase, un autre

objet décoratif et un cadre

Par une froide journée de décembre; Eugénie tricote, Pierre lit le journal et Nicole un

magazine

NICOLE –Tu vas rester toute la journée ici, sans rien faire, Pierre ?

PIERRE - Je suis en RTT, et j’en profite pour me reposer un peu, je ne l’ai pas volé il me

semble, ce repos ?

NICOLE - Quand tu seras bien reposé, tu pourras peut être m’aider.

PIERRE - A quoi faire ? À lire ton torchon ?

NICOLE – (elle referme son magazine) Non, à pousser les lits, je voudrais faire la poussière

en dessous; il y a des endroits où la poussière aime bien aller, mais pas Myriam.

EUGENIE - Elle n’est pas payée pour ça.

NICOLE - C’est pourquoi, je vais le faire. Ou plutôt nous irons le faire, enfin si monsieur

daigne bouger ses fesses.

PIERRE - Ouais, c’est bon, j’irai après.

NICOLE - Quel enthousiasme, ton soutien fait plaisir à entendre.

EUGENIE - Je t’aiderai moi, Nicole, laisse ce pauvre Pierre se reposer, il est déjà bien assez

fatigué par son travail au bureau, assis toute la journée, il n’a plus l’habitude de se lever, ça lui

demande un gros effort.

NICOLE - Maman, ce n’est plus de ton âge.

EUGENIE - Des efforts, j’en ai fait durant toute ma vie, je peux encore en faire un dernier.

NICOLE - Oui sans doute, mais ce n’est pas la peine de te casser le dos en deux.

EUGENIE - Pierre poussera mon fauteuil roulant, n’est-ce pas Pierre ?

PIERRE - C’est bon, je vais y aller pousser vos lits ce n’est pas la peine d’en faire tout un

fromage.

EUGENIE - Mais personne n’en fait tout un fromage et surtout pas moi, car je déteste le

fromage.

PIERRE - Non, vous c’est plus le genre qui en fait tout une pendule.

NICOLE - Tu ne vas tout de même pas reprocher à maman de faire trop de bruit.

PIERRE - Non, elle est juste comme une pendule qui toutes les heures répète la même

chose.

EUGENIE - Vous n’aimez plus le chant mélodieux du coucou, Pierre, pourtant il est encore

chez lui, le coucou. Même s’il vous a donné la maison, il reste dedans sa vie durant. Ah ça ne

se déniche pas comme ça, un coucou. Mais rassurez-vous Pierre, ça se termine.

NICOLE - Que veux-tu dire maman ?

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PIERRE - J’ai toujours été patient, et puis ne dit-on pas que le plus beau c’est d’attendre…?

NICOLE - Pierre tais-toi, et toi maman, tricotes. Oh, je n’aime pas quand tu parles comme

ça, tu ferais mieux de ne rien dire plutôt que de dire …je ne sais pas trop quoi.

EUGENIE - Bon ben si je n’ai plus le droit de parler, je vais me taire ; tic tac tic tac tic tac.

NICOLE - Quoi encore maman ?

EUGENIE - Je me contente de faire l’horloge; tic tac tic tac.

PIERRE - Vous ne préférez pas faire le radio réveil ça fait moins de bruit.

NICOLE - Oh ! Pierre, n’en rajoute pas non plus, vous m’usez, c’est fatiguant d’être

toujours entre vous deux à compter les points.

PIERRE - Tu n’avais qu’à pas accepter cette vie à trois.

NICOLE - C’était la solution la plus économique, tu le sais aussi bien que moi.

PIERRE - Ouais.

EUGENIE - Je crois que je n’y arriverai jamais. (Elle s’énerve)

NICOLE - Tu n’arriveras jamais à quoi maman ?

EUGENIE - À finir ce pull.

NICOLE - Ce n’est pas grave maman, ne t’énerve pas, tu as tout le temps.

EUGENIE - Non justement, je n’ai plus le temps, je voudrais l’avoir terminé avant de partir.

NICOLE - (surprise) Partir, tu vas partir, mais où vas-tu aller ?

PIERRE - Peu importe. (Heureux) Les voyages forment la jeunesse.

NICOLE - Oui, mais justement à son âge ?

EUGENIE - Voyons ma petite fille, ne te fais pas plus bête que tu n’es. A mon âge, où veux

tu que j’aille ?

NICOLE - Je ne sais pas, passer une semaine ou deux chez Elisabeth, peut être ?

EUGENIE - Tu sais bien que ta sœur ne m’invite jamais chez elle.

PIERRE - Ah ça non, elle est ici à 100 %. Même pas un week-end, elle aurait tout de même

pu la prendre un week-end sur deux.

EUGENIE - C’est comme ça, je l’encombre.

NICOLE - Ne dis pas ça, Elisabeth t’adore.

EUGENIE - Oui, elle m’adore, mais au lieu de m’adorer, je préférerais qu’elle m’aime un

peu plus.

NICOLE - Maman, tu n’as pas le droit de dire ça.

EUGENIE - Ah, ça non plus ? Et bien tant pis, je l’ai dit. Parce que tu sais Nicole, à mon

âge, on dit ce qu’on pense, je n’ai plus le temps de m’encombrer l’esprit avec des faux

semblants.

NICOLE - Tiens, je vais l’appeler, tu pourras peux t’être y aller samedi et comme ça tu

verras.

EUGENIE - Je verrai quoi ? Tu ne l’appelleras pas. En voila des façons « allo Elisabeth,

c’est Nicole; tu peux me débarrasser de maman ce week-end »

NICOLE - Mais non, maman.

EUGENIE - Oui, tu as raison, elle aurait de toute façon dit non. Et d’un autre coté, je la

comprends, les pendules anciennes ça ne va pas avec tout. Ici je fais un peu partie du décor,

n’est- ce pas Pierre ?

PIERRE - Plus qu’un peu, vous êtes l’élément principal du décor. C’est bien simple dès que

l’on veut retapisser, on s’assure que la tapisserie sera bien assortie à la couleur de vos yeux.

EUGENIE - C‘est trop aimable à vous.

PIERRE - Non c’est normal ; n’est-ce pas Nicole ?

NICOLE - Je préfère me taire. Enfin maman, si Elisabeth ne t’a jamais prise chez elle c’est

parce que, parce que ….

PIERRE - Parce que tout est moderne chez elle et que vous, vous tirez plus sur le rustique

EUGENIE - Y a qu’à dire comme ça, et puis de toute façon, c’est ici chez moi. J’y ai été très

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heureuse, très triste souvent, mais heureuse quelquefois, enfin avant…

NICOLE - Maman, si Elisabeth, ne te reçoit pas souvent c’est…que….

EUGENIE - Jamais, dis plutôt qu‘elle ne me reçoit, jamais.

NICOLE - Bon, d’accord, jamais. C’est à cause de ses enfants elle n’a pas de place.

EUGENIE - Ne te fatigue pas à chercher des excuses à ta sœur, Nicole. Je te rappelle juste

que son dernier gamin a 30 ans et que ça fait 10 ans qu’il a quitté le nid pour aller faire du

théâtre à Paris mais je ne sais pas ce qu’il joue car je n’en ai jamais entendu parler.

PIERRE - Il faudra demander à Elisabeth.

EUGENIE - Oui, encore une chose à faire avant de partir.

NICOLE - Bon vas-tu enfin te décider à nous dire où tu vas ?

EUGENIE - Au cimetière tout simplement; il n’y a plus que lui qui veuille encore de moi. Là

bas, on accepte tout le monde quelque soit le style de la pièce

NICOLE - Maman, tu es injuste. Tout le monde t’aime ici, n’est- ce pas Pierre ?

PIERRE - Oui, oui. (Il lit le journal et n’écoutait plus la conversation)

EUGENIE - Je sais très bien que je vous dérange.

NICOLE - Mais pas du tout, maman, n’est-ce pas Pierre ?

PIERRE - Oui, oui (machinalement)

NICOLE - Tu vois maman !

EUGENIE - Je vois surtout qu’il est grand temps que je laisse la place, n’est-ce pas Pierre ?

PIERRE - (machinalement) Oui, oui

EUGENIE - Tu entends, Nicole, c’est bien ce que je disais.

NICOLE - Mais non maman, Pierre n’a pas compris ta question, voila tout.

EUGENIE - Pierre ne comprend jamais mes questions, Pierre n’entend que ce qu’il veut

entendre.

NICOLE - Pierre, dis à maman qu‘elle est encore jeune, qu’elle a encore de beaux jours

devant elle et surtout que l’on ne pourrait pas vivre sans elle.

PIERRE - Tout ça !

NICOLE - Oui et qu’aussi, tu ne pourrais plus te passer d’une pendule ici.

PIERRE - Tu sais j’ai une montre et très précise !

NICOLE - (reproche) Pierre, dis lui quelque chose qui la rassure.

PIERRE - Enfin Nicole, ta mère a beaucoup de défaut, mais elle est lucide. Elle sait qu’elle a

plus de beaux jours derrière elle que devant et que de toute façon, tout a une fin, même les

meilleures choses.

EUGENIE - Merci Pierre, pour une fois je suis d’accord avec vous.

NICOLE - Et bien justement, ce serait trop bête de s’arrêter là.

EUGENIE - C’est pourtant ce qui va arriver d’ici peu.

NICOLE - Maman tu es fatiguée, nous reparlerons de ça plus tard.

EUGENIE - Il n’y aura pas de plus tard, j’ai 83 ans.

NICOLE - Oui et alors ?

PIERRE - On a oublié votre anniversaire, ah c’est ça! Elle va nous en faire un caca nerveux.

EUGENIE - Pas du tout, c’était il y a 2 mois, et vous m’avez fait une jolie surprise. Il y avait

presque toute la famille, tout le monde m’attendait au restaurant, sauf ma petite fille qui ne l’a

jamais trouvé, aux dernières nouvelles, elle le cherche encore.

PIERRE - Ah les femmes et l’orientation. Non, si non c’était bien. On avait d’ailleurs très

bien mangé, je m‘en rappelle maintenant et je crois même me souvenir que j’avais un peu

picolé, il faut dire que c’était du bon vin.

NICOLE - Ça t’avait fait plaisir; c’était une belle fête, tu avais été très surprise !

EUGENIE - Eh oui. Surtout quand le serveur m’a tendu l’addition. Mais bon, j’ai payé de

bon cœur, pour une fois que je voyais presque tout le monde; même l’artiste raté était là, il

n’a pas dit un mot, mais il était là.

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PIERRE - Si vous voulez on recommencera pour vos 84 ans ?

EUGENIE - Non.

PIERRE - Ah vous ne voulez pas !

EUGENIE - Ce n’est pas ça, mais je ne serai plus là.

NICOLE - Mais si maman. (Rassurante)

EUGENIE - Mais non, c’est comme ça, on n’y peut rien j’ai atteint la limite, 83 ans et demi

c’est l’âge auquel les femmes meurent.

NICOLE - Qui t’a dit ça ?

EUGENIE - Les sondages.

PIERRE - Les sondages ?

NICOLE - Enfin maman, on ne fait pas de sondage sur ces choses là.

PIERRE - Remarque, ça pourrait être intéressant. Bonjour, madame, à quel âge souhaitez-

vous mourir ? (Il rit)

NICOLE - Pierre ce n’est pas drôle.

PIERRE - Non, mais ce qui est drôle c’est que notre chère Eugénie confonde les sondages et

les statistiques.

NICOLE - Ah ! Tu sais maman, 83 ans c’est l’âge moyen. Ça ne veut pas dire que toutes les

femmes meurent à 83 ans.

PIERRE - Alors que pour les hommes c’est à peine 76 ans, encore une injustice.

EUGENIE - Bien fait pour eux.

NICOLE - 83 ans c’est une moyenne; toi tu peux la dépasser.

EUGENIE - C’est toi qui me dis ça, toi qui, pendant des années m’as dit que la moyenne

c’était déjà bien, que l’on ne pouvait jamais avoir plus.

NICOLE - C’était à l’école, maman.

EUGENIE - L’école et la vie c’est pareil. Dans la famille on n’est pas fait pour avoir plus

que la moyenne.

PIERRE - Tiens, tiens, Nicole, je croyais que tu étais une élève brillante !

NICOLE - Pierre, lis ton journal.

PIERRE - Il ne m’intéresse plus, je préfère entendre toutes les révélations que ta mère va

nous faire sur son lit de mort.

NICOLE - Mais on en est pas là. (Choquée)

PIERRE - En tout cas moi, je suis prêt.

EUGENIE - Moi, aussi.

NICOLE - Et bien pas moi.

PIERRE - Alors dites-moi, Eugénie, votre Nicole, c’était un cancre ?

EUGENIE - Je n’ai pas dit cancre, elle avait beaucoup de difficultés scolaires mais…

PIERRE - Mais, c’est qu’elle m’a toujours dit le contraire.

NICOLE - Ça n’a plus beaucoup d’importance tout ça, maintenant. Maman, fait une déprime

et toi tu veux savoir combien j’ai fait de faute à la dictée du brevet.

EUGENIE - Je ne fais pas de déprime, je suis vieille et folle.

NICOLE - Personne n’a jamais dit que tu étais folle. En tout cas je ne l’ai jamais entendu

dire et toi Pierre ?

PIERRE - Ah non. Je reconnais que je l’ai peut être pensé une ou deux fois mais je l’ai

toujours gardé pour moi.

EUGENIE - Il n’est nul besoin de me le dire, je m’en suis rendue compte par moi- même.

NICOLE - Ah bon, comment ?

EUGENIE - Tout simplement parce que je ne sais même plus ce qu’il y a sur mon compte en

banque.

PIERRE - Ce n’est pas grave, tout va bien, votre compte se porte comme un charme.

EUGENIE - C’est ce que je croyais, jusqu’à hier. Mais j’ai reçu un appel téléphonique de ma

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banque pour m‘avertir que mon compte était à découvert. Moi qui ne dépense quasiment rien

et qui pensais avoir des économies. Tu te rends compte Nicole, je dépense sans même m’en

apercevoir, si ce n’est pas être folle ça ?

NICOLE - Ne t’en fais pas maman, c’est sans doute une erreur de la banque, Pierre va

arranger ça. Toi vas te reposer un peu dans ta chambre, tu y verras plus clair tout à l’heure.

EUGENIE - Tu sais qu’il fait nuit très tôt à cette saison, je ne suis pas sure d’y voir plus clair

tout à l’heure.

NICOLE - Oui, je sais, mais repose toi quand même, ne serait-ce qu’une heure ou deux.

EUGENIE - Je n’ai pas le temps, les heures passent trop vite, les aiguilles de la pendule

s’excitent en ce moment et j’ai encore beaucoup de choses à faire avant de partir. (Elle va

sortir)

NICOLE - Où vas- tu?

EUGENIE - Je vais voir monsieur le curé.

NICOLE - D’accord, mais mets ton manteau.

EUGENIE - Si tu veux, mais tu sais ça n’y changera rien, manteau ou pas, l’heure c’est

l’heure. (Elle sort)

NICOLE - Tu as entendu Pierre, maman dit qu’elle n’a plus d’argent sur son compte en

banque.

PIERRE - Oui, j’ai entendu, je ne suis pas sourd.

NICOLE - Et… tu en penses quoi ?

PIERRE - Qu’elle radote, ou qu’elle a mal compris.

NICOLE - C’est forcement une erreur, maman ne dépense presque rien.

PIERRE - Elle a quand même fait un gros cheque pour le restaurant, le jour de ses 83 ans.

NICOLE - Oui, d’accord mais de là à être à découvert. Je vais appeler la banque, je veux

tirer cette histoire au clair.

PIERRE - Laisse tomber, dans 2 heures elle n’y pensera même plus.

NICOLE - Pas question je vais leurs remonter les bretelles. A-t-on idée de faire des frayeurs

à une femme de son âge ? (Elle prend le téléphone) Maman est perturbée avec toutes leurs

bêtises.

PIERRE - (il la stoppe dans son mouvement) Laisse, la banque est fermée à cette heure ci.

NICOLE - Ah bon, quelle heure est il ?

PIERRE - J’sais pas l’horloge est sortie.

NICOLE - Mais enfin, Pierre il est (elle regarde sa montre) 14h 30.

PIERRE - Justement c’est l’heure de la pose dans les banques.

NICOLE - N’importe quoi, laisse moi téléphoner.

PIERRE - Non, tu vas les déranger.

NICOLE - Enfin Pierre qu’est-ce qui te prend ?

PIERRE - Nicole assied toi. (Il la force à s’asseoir)

NICOLE - J’étais très bien debout.

PIERRE - Et bien relève toi, mais qu’est- ce que tu peux être contrariante des fois.

NICOLE - Pourquoi, ne veux-tu pas que j’appelle la banque ?

PIERRE - Parce que grâce à moi, tu vas faire l’économie d’un coup de fil.

NICOLE - Ah bon, comment ?

PIERRE - Car moi, je peux te donner l’explication.

NICOLE - Ah bon, tu sais pourquoi la banque a fait une erreur ?

PIERRE - Je vais t’expliquer. Tu sais que j’ai une procuration sur le compte de ta mère.

NICOLE - Oui, c’est toi qui l’as voulue, pour pouvoir vider le compte, quand elle mourra

sans être obligé de passer par un notaire. (Elle réalise) Non, ne me dis pas que tu as déjà vidé

son compte ?

PIERRE - Oh! Tout de suite les grands mots, bon c’est vrai que j’ai fait un petit retrait, mais

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ce n’est pas moi qui ai mis le compte à découvert.

NICOLE - C’est qui alors ?

PIERRE - Elle sans doute, mais sans le savoir.

NICOLE - Oui, car tu ne lui as évidemment pas dit que tu avais pris de l’argent sur son

compte.

PIERRE - Evidemment, je n’allais pas la perturber inutilement.

NICOLE - Et à moi, tu aurais pu le dire.

PIERRE - J’allais le faire.

NICOLE - Bon, admettons, et cet argent, il est où ?

PIERRE - Il s’est transformé. Maintenant il est rouge et il fait 300 chevaux.

NICOLE - Non, tu l’as donné à un indien pour qu’il achète des chevaux !

PIERRE - Mais non, je l’ai donné à Éric.

NICOLE - Éric, mon fils !

PIERRE - Qui est accessoirement le mien, oui.

NICOLE - Et il s’est acheté des chevaux ?

PIERRE - Non, une magnifique voiture rouge, un bolide. Un de ceux dont j’ai toujours rêvé.

Mais tu sais il a dit qu’il me la prêterait. (Enfantin)

NICOLE - Il est sympa. Et, dis moi, ça coûte combien tout cet élevage ?

PIERRE - (il lui dit le prix à l’oreille)

NICOLE - (surprise) Francs ?

PIERRE - Ben non, euros, elle est neuve. (Nicole tombe assise) Ah je t’avais bien dit de

t’asseoir. Mais encore une fois tu ne m’as pas écouté.

NICOLE - Mais, ça fait une fortune. Elle avait tout ça sur son compte, maman ?

PIERRE - Avec ses livrets oui.

NICOLE – Tu as tout vidé ? Mais…

PIERRE - Mais, mais… mais Éric est son héritier, disons qu’il a eu son cadeau un peu avant

l‘heure, et, sans frais de succession.

NICOLE - Oui, d’accord mais les enfants d’Elisabeth, qu’est- ce qu‘ils auront ?

PIERRE - Ce que leurs parents leurs laisseront. Arrête de te soucier des autres.

NICOLE - Enfin Pierre ! Ce sont les petits enfants de Maman, au même titre qu’Éric.

PIERRE - Non, car Éric est notre fils et que c’est chez nous que vit ta mère. C’est donc nous

qui en avons tous les inconvénients. Il est normal d‘en avoir, ne serait-ce qu‘un seul avantage;

la procuration. Combien de fois ta sœur a-t-elle pris ta mère ?

NICOLE - Zéro.

PIERRE - Voila, j’ai donc partagé au prorata temporis. Je t’assure que je n’ai pas fait

d’erreur de calcul, j’ai bien vérifié.

NICOLE - Oui, d’accord, enfin tout de même, tu aurais du m’en parler avant.

PIERRE - A quoi bon, tu n’aurais pas été d’accord, on se serait disputé inutilement et on

aurait perdu du temps. Je fais comme ta mère, plus le temps de laisser traîner les choses.

NICOLE - Et Éric, qu’est- ce qu’il en pense ?

PIERRE - Que du bien. Tu sais ce n’est pas le genre de cadeau qui se refuse.

NICOLE - Oui, mais tout de même, tu le gâtes de trop.

PIERRE – On a que lui, et puis si on ne le gâte pas un peu, qui le fera ?

NICOLE - Oui, c’est vrai, j’espère qu’il m’emmènera faire un tour, il l’aura quand ?

PIERRE - Dans 2 mois.

NICOLE - (déçue) Ah, c’est long. Et que va-t-on dire à maman ?

PIERRE - Je ne sais pas moi, qu’on a placé l’argent, au cas où elle devrait aller en maison de

retraite.

NICOLE - Oui, mais quand elle va voir la voiture d’Éric, elle va se poser des tas de

questions. Elle sait très bien que ce n’est pas avec son salaire qu’il pourrait s’offrir une telle

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voiture.

PIERRE - Elle ne la verra pas, puisqu’elle va bientôt partir.

NICOLE - La voiture d’Éric, où ça ?

PIERRE - Non ta mère.

NICOLE - (choquée) Oh Pierre!

PIERRE – Ah, ce n’est pas moi qui le dit; mais elle.

NICOLE - Bon, ce n’est pas tout ça. Moi, je voudrais profiter de ta grande forme, viens

donc dans notre chambre.

PIERRE - (intéressé) Voyez vous cela, ma Nicole veut remercier son gentil Pierre, pour sa

bonne idée. (Il la prend par la taille)

NICOLE - Non, tu vas m’aider à pousser le lit, il y a vraiment trop de poussières en dessous.

PIERRE - Ah (déçu) (il sortent)

Entrées de Denis et Eugénie

EUGENIE - C’est parfait, ils ne sont pas là, on va pouvoir tout organiser.

DENIS - Enfin, Eugénie, pourquoi tout ces mystères ?

EUGENIE - Bon, Denis, je ne vais pas tourner autour du pot, ça fait 8 ans que l’on se

connaît, je pense que le courant a toujours bien passé entre nous ?

DENIS - Tout à fait Eugénie, tout à fait. Et ce dès le premier jour, il faut dire que je n’ai pas

toujours l’occasion de rencontrer des paroissiennes telle que vous.

EUGENIE - Et justement profitez-en, car ça ne durera pas.

DENIS - Comment ça Eugénie? Vous avez des reproches à me faire, aurais-je dit ou fait

quelque chose qui vous aura chagriné ?

EUGENIE - Pas le moins du monde, Denis. Non, comme toujours, vous avez été parfait,

même votre prêche de dimanche était parfait.

DENIS - Je suis heureux que ça vous ait plu, vous avez aimé l’image entre l’amour de Dieu

et le supermarché ?

EUGENIE - A vrai dire, je n y’ai pas compris grand-chose.

DENIS - Eh bien, ils n’ont jamais de rupture de stock.

EUGENIE - Ah oui. Bon, mais ce n’est pas de ça dont je veux vous parler. Non, il faut que je

vous dise que je vais partir.

DENIS - Vous prenez un peu de vacances, et où allez vous ?

EUGENIE - Ce sera des grandes, de très grandes vacances.

DENIS - Vous partez comment ?

EUGENIE - Je ne sais pas encore.

DENIS - Donc ce n’est pas pour maintenant, vous n’avez pas encore pris vos billets ?

EUGENIE - De toute façon, je ne prends qu’un aller.

DENIS - Ah (triste) vous voulez quitter définitivement la région.

EUGENIE - Eh oui, tout ce qu’il y a de plus définitif.

DENIS - Et en quoi puis je vous être utile ?

EUGENIE - Je ne pourrai pas partir sans passer chez vous.

DENIS - C’est gentil Eugénie, je serai fier et ému de vous dire au revoir, après tout ce que

vous avez fait pour moi.

EUGENIE - Et bien maintenant je vais travailler pour votre patron ;

DENIS - Vous allez à l’évêché ?

EUGENIE - Mais non.

DENIS - Vous allez rentrer dans les ordres, à votre âge ?

EUGENIE - Pas plus. Je vais aller rejoindre mon cher Théodore.

DENIS - Il est mort Eugénie, vous le savez bien.

EUGENIE - Ah oui que je le sais, et c’est là que je vais le rejoindre.

DENIS - (inquiet) Enfin Eugénie, vous n’allez tout de même pas mettre fin a vos jours ?

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EUGENIE - Vous savez Denis, ce n’est pas moi qui vais l’écrire le mot, « fin », rassurez

vous, mais il va s’écrire très bientôt, j’ai plus de 83 ans. Il y a bien quelqu’un qui va s’en

charger pour moi.

DENIS - Allons, allons, vous êtes en pleine santé, vous respirez la joie de vivre et puis la

paroisse à encore besoin de vous.

EUGENIE - Soyez sans crainte Denis, je penserai à vos bonnes œuvres, quoique ça va être

difficile, je suis à sec.

DENIS - Pardon !

EUGENIE - Non ça c’est un autre problème. Je le réglerai avec mon notaire, vous, vous

n’êtes pas là pour ça.

DENIS - Et je suis là pour quoi exactement ?

EUGENIE - Ce n’est pas facile à demander.

DENIS - Eugénie, nous sommes amis, vous pouvez tout me dire, on s’est souvent confiés

l’un à l’autre.

EUGENIE - Attention, je me suis souvent confiée à vous, mais jamais l’inverse. Je ne

connais rien de vos amours, moi.

DENIS – (reproche) Voyons Eugénie.

EUGENIE - Oui, bon, voila, j’ai….

DENIS - Je vous écoute. Vous voulez me dire que vous avez des remords, des regrets.

EUGENIE - (elle lui coupe la parole) Mais je n’ai ni remord ni regret, je veux juste que vous

me disiez ce que vous direz sur moi à mon oraison funèbre.

DENIS - Voila une bien étrange question.

EUGENIE - Et voila une bien étrange réponse.

DENIS - Mais c’est que…. je ne sais pas, j’improviserai le moment venu.

EUGENIE - Soyez honnête Denis, vous avez déjà bien du y penser, à mon âge, on a plus de

chance de mourir que de gagner au loto.

DENIS - Il n’y a pas qu’au votre.

EUGENIE - Eh bien ne le répétez à personne, car personne ne jouerait plus au loto. Non

sérieusement Denis, vous avez bien du préparer un petit quelque chose.

DENIS - Absolument pas, je vous l’assure.

EUGENIE - Eh bien vous me décevez, un garçon méthodique et organisé comme vous,

Léon, lui il prévoyait tout ça.

DENIS - Qui était ce Léon ? Mon prédécesseur.

EUGENIE - Mais non, Léon Zitrone.

DENIS - Oui, mais uniquement pour les grands de ce monde.

EUGENIE - Vous voulez insinuer que je ne suis pas grande à vos yeux. (Elle se dresse sur la

pointe de pieds)

DENIS - Non seulement à mes yeux mais à mon cœur aussi.

EUGENIE - Raison de plus. Allez, jetez vous à l’eau, et si vous voulez je pourrai vous aider.

DENIS - À me jeter à l’eau !

EUGENIE - Non pour le texte, on peut le rédiger ensemble.

DENIS - Ça ne se fait pas.

EUGENIE - Ah bon, dommage. (Suppliante) Même pour moi.

DENIS - Bon, mais c’est bien parce que c’est vous. (Cédant)

EUGENIE - Merci, Denis

DENIS - Mais ce jour là; quand vous l’entendrez vous ferez semblant d’être surprise.

EUGENIE - Promis, rassurez vous, je sais très bien faire semblant. Je ne broncherai pas.

DENIS - Je sais Eugénie, je sais.

EUGENIE - Et comment le savez- vous ?

DENIS - C’est vous qui me l’avez dit à confesse.

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EUGENIE - Ah oui, mais ça reste entre nous.

DENIS - Evidemment. Bon, alors, je dirai (ton solennel) « celle que l‘on pleure aujourd’hui »

EUGENIE - Vous êtes sûr qu’ils vont pleurer ?

DENIS - Oui, et puis s’ils ne pleurent pas je dirai « celle que vous devriez pleurer

aujourd’hui »

EUGENIE - Voila très bien, ensuite.

DENIS - « eh bien, cette femme était une fidèle servante du seigneur, elle a mis sa vie au

service de Dieu et des hommes »

EUGENIE - Ah non ! (Reproche)

DENIS - Quoi, ce n’est pas bien ça ?

EUGENIE - Mais non, vous savez comment on appelle ça une femme qui met sa vie au

service des hommes ?

DENIS - De la dévotion, ou l’amour de son prochain.

EUGENIE - Moi j’appelle ça : une pute.

DENIS - (choqué) Eh bien Eugénie.

EUGENIE - Il faut appeler un chat, un chat et moi je n’ai rien d’une pute.

DENIS - Non, bien sûr que non.

EUGENIE - Heureusement que je vous fais répéter, je l’ai échappé belle. Mais c’est qu’il

allait me faire passer pour une traînée celui là.

DENIS - Donc, je dirai plutôt « elle a mis sa vie au service de Dieu et de sa famille, elle

s’est dévouée pour ses enfants puis ses petites enfants »

EUGENIE - (émue) Ah ça oui (silence) et c’est tout ?

DENIS - Euh non, je pourrais rajouter « elle a régulièrement fleuri l’église »

EUGENIE - Oui, d’accord, mais tout ça vous l’aviez déjà dit à l’enterrement de madame

Beurdouche, ce n’est pas très original. Je mérite tout de même d’avoir une plus belle messe

qu’elle.

DENIS - Ce n’est pas très charitable ce que vous dites là, Eugénie.

EUGENIE - Ah parce qu’elle était charitable, madame Beurdouche, elle ! Quand elle

choisissait les chants de la messe du dimanche, elle ne prenait que ceux que personne ne

connaît pour que l’on n’entende que le doux son de sa grosse voix de casserole.

DENIS - (reproche) Eugénie, voyons.

EUGENIE - Rassurez vous, j‘irai à confesse, mais je dois vider mon sac avant de partir, je

veux voyager léger.

DENIS - Le pardon, Eugénie, vous connaissez le pardon ?

EUGENIE - Et comment, je ne connais que lui. J’ai pardonné à madame Beurdouche, j’ai

même pardonné à mon gendre, c’est tout dire.

DENIS - Qu’avait-il donc à se faire pardonner, celui là ?

EUGENIE - Tout. Tous les sons qui sortent de sa bouche ne sont qu’offenses pour moi.

DENIS - Et vous par contre, vous ne le provoquez jamais ? Jamais la moindre mesquinerie ?

EUGENIE - Jamais.

DENIS - (reproche) Eugénie.

EUGENIE - Bon, si des fois. (Elle se reprend) Mais, je ne suis pas à confesse, on est là pour

écrire le scénario.

DENIS - Quel scénario ?

EUGENIE - Celui de mes obsèques. Bon, pour les chants, surtout ne demandez rien à mes

filles, je vous noterai tout sur une feuille.

DENIS - Oui. Toutefois, vos filles auraient peut être aimé choisir un chant qu’elles

apprécient tout particulièrement.

EUGENIE - Si vous voulez, mais là vous prenez des risques.

DENIS - Ah bon, vous en êtes certaine ?

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EUGENIE – Oh, je les connais. Elisabeth va vouloir que l’on chante « puisque tu pars » de

Goldman.

DENIS - C’est joli, j’aime beaucoup, moi aussi.

EUGENIE - Oui, mais elle n’en pense pas un mot. Elle choisira ça pour faire genre, parce

qu’elle n’osera pas vous imposer « viens boire un p’tit coup à la maison »

DENIS - Je demanderai à Nicole, elle vous connaît mieux, vous êtes plus proches.

EUGENIE – Oui. Elle, elle va vouloir «j’veux pas que tu t’en ailles » de Michel Jonasz, en

pensant ouf, elle est partie. Non moi, je veux la chanson qu’Elton John a chanté a

l’enterrement de Lady Dy, un truc sobre quoi.

DENIS - Sobre et ordinaire, tout à votre image.

EUGENIE - Exactement; les lectures, je les ai déjà choisies, je vous les noterai également

sur la feuille et, ce sera le fils d’Élisabeth qui les lira.

DENIS - Très bien, je suppose qu’il sait lire?

EUGENIE - Oui, je pense qu’il fera ça très bien, il parait qu’il est acteur. Ça sera le moment

de nous montrer ce qu’il vaut, enfin, s’il a retrouvé sa voix.

DENIS - Et s’il n’est pas trop ému. Parce que, vous ne l’avez jamais vu sur scène ?

EUGENIE - Ah non, jamais, ça va être la première fois. C’est moi qui en suis émue par

avance.

DENIS - C’est parfait, vous avez vraiment pensé à tout, je vais pouvoir vous laisser vous

reposer un peu, Eugénie.

EUGENIE - Mais qu’est-ce que vous avez tous à vouloir que je me repose, ce n’est pas

parce que je vais mourir que je suis fatiguée.

DENIS - Certes, vous vous reposerez plus tard (il va partir) à bientôt Eugénie.

EUGENIE - Oui, mais dites, si vous pouviez rajouter un petit truc à mon discours, ça me

ferait bien plaisir, parce que pour l’instant c’est un peu juste.

DENIS - J’y réfléchirai. (Il sort)

EUGENIE - (seule) Il va falloir qu’il se décarcasse un peu plus celui là, sinon je ne lui

léguerai rien. Bon ; le curé, c’est fait ; j’attends le notaire, il ne devrait plus tarder.

On sonne.

EUGENIE / (fort) Ne bougez pas, j’y vais

NICOLE / (off) Ah tu es revenue maman ?

EUGENIE / Non, je hurle depuis l’autre bout de la rue ! (pour elle en sortant) Mais bien sûre

que je suis revenue. (Elle revient aussitôt avec une femme)

EUGENIE / Je suis surprise, je pensais que vous étiez un homme.

CAROLE / Ben écoutez non, je suis bien une femme pas trop déçue ?

EUGENIE / Non, il en faut partout. Assoyez-vous maitre !

CAROLE / Maitre ???? Maitre quoi ?

EUGENIE / Ben maitre, maitre…ah, j’ai oublié votre nom !

CAROLE / Carole Larue, je suis l’employée des pompes funèbres.

EUGENIE / Ah ben, vous ne travaillez pas avec mon notaire, alors ?

CAROLE / Du tout, moi je suis là, pour votre convention obsèques.

EUGENIE / Mais oui, le truc que j’ai souscrit pour être bien tranquille.

CAROLE / Voilà, (elle sort des documents) vous aviez pris le contrat « mourir en toute

quiétude ». Ainsi, vous pourrez mourir sans vous fatiguer

EUGENIE / Voilà et sans fatiguer les autres, c’est bien ce que je recherchais.

CAROLE / Et vous avez mille fois raison. Mais si je reviens vers vous aujourd’hui, ce qu’il y

a quelques petits détails à revoir ensemble.

EUGENIE / Eh bien, vous avez eu chaud !

CAROLE / Non, je trouve même qu’il fait plutôt froid.

EUGENIE / Non, je veux dire ; vous avez failli me rater.

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CAROLE / Vous alliez sortir, je vous dérange ?

EUGENIE / Mais non, mais un peu plus j’étais déjà morte.

CAROLE / Raison de plus pour faire vite

EEUGENIE / Je vous écoute.

CAROLE / Voilà, il faut revoir vos mensurations. Car sur le contrat, il est marqué 1, 75 m ;

mais on pense que vous avez rapetissé

EUGENIE / C’est possible.

CAROLE / C’est systématique. Donc inutile de fabriquer un cercueil trop long, il faut

penser à nos forets, et ne pas abattre des arbres pour rien.

EUGENIE / Oui, je serai ravi de sauver la vie d’un brave sapin.

CAROLE / Un chêne, vous aviez choisit chêne rustique.

EUGENIE / Ah oui, peut-être bien.

CAROLE / Si vous permettez (elle a sorti son mètre, et commence à mesurer Eugénie quand

entre Nicole)

NICOLE - Bonjour Madame ; Tu joues à quoi maman ?

EUGENIE - Je ne joue pas. Je passe la visite médicale.

NICOLE / (à Carole) C’est vrai ? A son âge, est-ce bien utile ?

CAROLE / C’est même capitale.

EUGENIE/ Oui pour le pauvre petit chêne.

NICOLE / Maman, tu délires, ça ne vas pas bien.

EUGENIE / Oh que si très bien. Dites le lui, docteur.

CAROLE / Parfaitement bien, elle a certes perdu 8 centimètres, mais c’est tout à fait normal.

EUGENIE / Ah oui quand même.

CAROLE / C’est plutôt une bonne nouvelle, non ?

EUGENIE / Oui plutôt, c’est la première de la journée.

NICOLE / Je ne comprends pas tout.

EUGENIE / Ce n’est pas grave, va donc t’occuper de ton incapable.

NICOLE/ Tu parles de Pierre ?

EUGENIE / Tu en as un autre ?

NICOLE / Non ! (elle sort)

EUGENIE / Voilà, revenons à nos moutons.

CAROLE / Donc ; pour la taille, c’est bon, j’ai noté. Vous comptez perdre encore un ou 2

centimètres peut-être ?

EUGENIE / Oh non, je ne pense pas en avoir le temps.

CAROLE / Ah vous partez bientôt ?

EUGENIE/ Oui très prochainement.

CAROLE / Je vois, les obsèques risquent donc d’avoir lieu en hiver.

EUGENIE / C’est fort probable.

CAROLE / Vous faites bien de me le dire, il faudra que les convoyeurs s’habillent

chaudement, ça vous fera donc un petit supplément.

EUGENIE / Ah !! Ce n’était pas prévu ?

CAROLE / Non, c’était juste noté 4 porteurs, mais pas d’indication particulière quant à leur

tenue.

EUGENIE / Ah ben, heureusement que vous en parlez, sinon, ils allaient venir à

poils…remarquez ça aurait pu faire des heureux.

CAROLE / Les anciens contrats, sont mal rédigés, ils ne sont pas assez précis. Tenez par

exemple, ce n’est pas noté, si vous voulez un livre de condoléance ?

EUGENIE /. C’est quoi ?

CAROLE / Une sorte de livre d’or que l’on laisse à l’entrée de l’église et ainsi vos amis

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peuvent y noter un petit mot.

EUGENIE / Ah c’est bien ; mais c’est bête, je ne pourrai pas le lire.

CAROLE / Malheureusement non. Mais c’est vrai que généralement les gens n’expriment

que des regrets et inscrivent des choses très gentilles.

EUGENIE / Des faux culs quoi ! Oui ben, si jamais la mère Dupain, meure avant moi, je

noterai qu’elle me doit toujours 180 francs depuis 1992.

CAROLE / Il faudra convertir en euros.

EUGENIE / Non, ça ne ferait pas assez.

CAROLE / Ah, une autre petite chose mais qui a son importance. Au cimetière, où voulez

vous avoir la tête ?

EUGENIE / Be dans le cercueil comme tout le monde ! Vous n’allez tout de même pas me

laisser la tête qui dépasse.

CAROLE / Non je parlais de l’orientation ; au nord au sud ? Ailleurs ?

EUGENIE / ça m’est égale.

CAROLE / Parfait, bon ben écoutez on a fait le tour de la question. Je vous chiffre le montant

des modifications et je vous envoie la facture.

EUGENIE / Je préfère que vous repassiez ça sera plus discret.

CAROLE / Je ferai selon vos volontés. Les dernières en quelques sortes.

EUGENIE / Oui ; et faites vite, sinon….ben sinon, tintin !

CAROLE / J’ai compris à très bientôt (elle sort, et Eugénie s’assoit)

EUGENIE / Encore des frais imprévus !

Entrée de Pierre et Nicole

PIERRE - Ah! Ça y est, l’horloge a repris sa place!

EUGENIE - Oui, et elle va vous demander de la laisser seule encore un peu; elle attend son

notaire.

NICOLE - Pour quoi faire ?

EUGENIE - Pour quoi faire ? Quelle question, pas un contrat de mariage, c’est pour rédiger

mon testament.

PIERRE - Ah bon, il vous reste encore des trucs ?

NICOLE - Tu as fait une donation, il y a 10 ans, maman.

EUGENIE - Oui, rassure-toi, la maison est bien à toi, je ne peux pas te la reprendre. Non

c’est pour le reste.

PIERRE - (intéressé) Et, vous avez de beaux restes ?

EUGENIE - Vous le saurez bien assez tôt.

NICOLE - Tous les meubles, les tableaux, ses bijoux tout ça c’est encore a maman.

EUGENIE - Et mes quelques liquidités, ah, j’oubliais mon compte à découvert, à qui vais- je

le donner celui-là ?

PIERRE - (pressé) Tu viens Nicole, on va faire la poussière dans l’autre chambre.

NICOLE - J’arrive, j’en profite pendant qu’il est motivé.

EUGENIE - Je vois ça, et surtout, prenez votre temps.

NICOLE - À plus tard maman, tu m’appelles, si tu as besoin de quelque chose.

EUGENIE - Oui, compte là- dessus. (Sortie de Nicole et Pierre)

EUGENIE - Ils en font une tête, on dirait que ce sont eux qui vont mourir. Ou alors ils

s’entraînent pour le jour de mon enterrement.

Retour de Nicole

NICOLE - Ah maman, j’ai oublié de te dire, Elisabeth a téléphoné elle va passer te voir.

EUGENIE - Tiens donc, quelle coïncidence !

NICOLE - Ça fait 2 mois qu’elle voulait venir t’embrasser mais elle a eu un empêchement.

EUGENIE - Un long empêchement sans doute. Elle veut passer me dire au revoir ?

NICOLE - Tu lui demanderas. (Elle sort)

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EUGENIE - Je devrais mourir plus souvent, je sens que je vais avoir beaucoup de visite.

(On sonne) ça c’est le notaire. (Elle sort et revient avec maître Honome)

MAITRE HONOME - Bonjour madame Germain.

EUGENIE - Toujours aussi ponctuel, maître Honome. C’est une qualité que j’apprécie.

MAITRE HONOME - Merci madame, je suis ici pour vous servir.

EUGENIE - Et pour vous servir au passage.

MAITRE HONOME - Je ne comprends pas.

EUGENIE - Vos frais, cher maître vous allez bien vous servir au passage !

MAITRE HONOME - Oui, évidemment, il faut bien que je vive.

EUGENIE - Et moi il faut bien que je meure, on est donc fait pour s’entendre.

(Pierre, intrigué est derrière la porte restée entrouverte)

MAITRE HONOME - Effectivement, je suis ici pour vous entendre.

EUGENIE - Prenez une chaise, maître et écoutez moi. Je suppose que vous avez pris de

quoi écrire ?

MAITRE HONOME - Oui, je connais tout de même un peu mon métier, j’ai toujours ça sur

moi.

EUGENIE - Parfait, je souhaite vous faire part de mes dernières volontés. (Sourire de Pierre

derrière la porte)

MAITRE HONOME - Je vous écoute, mais, vous vous souvenez que vous avez déjà donné

à vos 2 filles il y a 10 ans ?

EUGENIE - Oh oui, je m’en souviens, ce n’est pas ce que j’ai fait de mieux. Bon bref, c’est

fait, on ne revient plus là-dessus.

MAITRE HONOME - Alors, je soussignée Eugénie, Germain, saine de corps et d’esprit.

(Grimaces de Pierre)

EUGENIE - Oui, merci, c’est d’ailleurs vraiment dommage de partir maintenant, je ne me

suis jamais sentie aussi saine.

MAITRE HONOME - Ensuite, je noterai votre état civil complet, j’ai tout ça dans votre

dossier.

EUGENIE - Oui, très bien, allons directement à l’essentiel.

MAITRE HONOME - Je vous écoute.

PIERRE - (pour lui) Moi aussi.

EUGENIE - Pardon, qu’avez- vous dit maître ?

MAITRE HONOME - (fort) J’ai dit ; je vous écoute.

EUGENIE - Eh oh, pas la peine de brailler je ne suis pas sourde. J’avais cru que vous aviez

rajouté quelque chose après.

MAITRE HONOME - Non, je suis tout ouï.

EUGENIE - Je donne à mon petit fils Éric, la voiture qu’il a déjà.

MAITRE HONOME - Je ne comprends pas. (Grimaces de Pierre)

EUGENIE - Lui, il comprendra.

MAITRE HONOME - Oui, mais vous ne pouvez donner que des choses vous appartenant.

EUGENIE - J’ai bien compris.

MAITRE HONOME - Ah j’y suis, c’est votre voiture et c’est lui qui s’en sert.

EUGENIE - Exactement.

MAITRE HONOME - On ne précise pas la marque de la voiture ?

EUGENIE - Non, on ne précise pas, car je n’y connais rien, je sais juste qu’elle coûte très

chère.

MAITRE HONOME - C’est une belle voiture. (Admiratif)

EUGENIE - Je pense. Ensuite, je lègue à mon gendre Pierre (Pierre est heureux) le pull que

je suis en train de lui tricoter. (Déception de Pierre)

MAITRE HONOME - Il va être heureux, il aura un beau souvenir de vous.

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EUGENIE - Je lui donne également mon radio réveil.

MAITRE HONOME - Toujours à Pierre ?

EUGENIE - Ah oui, toujours, c’est que je l’aime beaucoup mon gendre, vous savez.

MAITRE HONOME - Je vois ça.

EUGENIE - Mes fourrures et mes robes je les donne à ….

MAITRE HONOME - Encore à Pierre ? (Pierre fait signe toc toc)

EUGENIE - Non, à Stéphane, mon autre petit fils. Le fils de ma fille Elisabeth.

MAITRE HONOME - Vous n’avez pas plutôt une petite fille ? Si ce sont des vêtements de

femme, il vaudrait mieux les donner à une femme.

EUGENIE - Si, j’en ai une. Mais lui il fait du théâtre, il s’en servira pour se déguiser, je

pense à tout, maître vous savez.

MAITRE HONOME - Je vois, je vois. Et à votre petite fille ?

EUGENIE - Là ça se complique. Je ne peux pas lui donner de vêtements je ne sais même pas

la taille qu’elle fait. Je ne l’ai pas vue depuis sa communion.

MAITRE HONOME - C’était quand ?

EUGENIE - Ça va faire 20 ans.

MAITRE HONOME - Effectivement, elle a du quelque peu changer. Laissez-lui, quelques

bijoux, il n’y a pas de problème de taille avec les bijoux, sauf quand ils sont mal taillés. (Il

sourit)

EUGENIE - Ben c’est-à-dire que les bijoux, je comptais les laisser à ma fille. (Pierre est

heureux) C’est elle qui les mérite le plus.

MAITRE HONOME - Ce serait quand même bien que votre petite fille puisse avoir un

souvenir de vous.

EUGENIE - Vous avez raison maître, je lui donne tous mes albums photos, c’est un beau

condensé de souvenir ça, non ?

MAITRE HONOME - Tout a fait. Alors, je note. Les albums photos iront à ma petite file…

comment s’appelle t- elle ?

EUGENIE - Oui, bonne question. Comment elle s’appelle, déjà, elle ? Ah ça ne me revient

pas.

MAITRE HONOME - Cherchez bien, ça va vous revenir, je suis sûr que vous l’avez sur le

bout de la langue ?

EUGENIE - Non je dirais plutôt que je l’ai à travers de la gorge. Y a qu’à ne rien mettre.

MAITRE HONOME - Impossible, il faut être précis.

EUGENIE - Mettez, à l’autre.

MAITRE HONOME - Non, je ne peux pas.

EUGENIE - Ah bon sang, mais comment s’appelle t- elle celle- ci ? Ah oui, Marielle.

PIERRE - Non, Muriel.

EUGENIE - Muriel, c’est peut être bien ça, merci maître. Mais comment le saviez-vous?

C’était marqué dans votre dossier ?

PIERRE - Oui

MAITRE HONOME - Oui, c’est ça. Dites je ne sais pas à quoi c’est du, mais il y a une

ambiance bizarre dans cette pièce ? Comme si nous n’étions pas seuls. (Pierre ferme la porte

qu’il rouvrira un peu plus tard)

EUGENIE - Vous voyez bien qu’il n’y a personne, bon continuons. Pour mes 3 petits

enfants c’est fait, ils ont eu leur part.

MAITRE HONOME - Ce n’est pas très équitable, entre une voiture d’un coté et un album

photos de l’autre.

EUGENIE - Ah ! Pardon maître, j’en ai bien 4 ou 5 des albums photos.

MAITRE HONOME - Oui, enfin…tout de même.

EUGENIE - On ne va pas couper la voiture en trois et puis Éric, je le vois, lui, ce n’est pas

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comme les deux autres...

MAITRE HONOME - C’est vous qui voyez.

EUGENIE - C’est bien ce que je dis. Ensuite je donne à mes filles …(la porte s’ouvre à

nouveau)

MAITRE HONOME - On va procéder par ordre, l’une après l’autre, ce sera plus simple.

EUGENIE - Non, pour faire plus simple, j’ai mis des étiquettes derrières les tableaux avec

leurs prénoms et également sous les bibelots.

MAITRE HONOME - Ah vous avez pensé à tout.

EUGENIE - Je ne veux rien laisser au hasard, c’est l’avantage d’avoir été prévenue.

MAITRE HONOME - Par les médecins ?

EUGENIE - Non, par la moyenne.

MAITRE HONOME - Je ne comprends pas.

EUGENIE - Ce n’est pas grave, vous n’êtes pas ici, pour comprendre mais pour m’écouter.

MAITRE HONOME - Très bien, mais votre fille va les voir, les étiquettes en faisant le

ménage.

EUGENIE - Il y a peu de chance, elle ne fait pas le ménage, c’est Myriam, qui le fait, et en

elle j’ai toute confiance.

MAITRE HONOME - Cette Myriam, c’est …. ?

EUGENIE - Oui ma troisième, celle que j’ai adoptée, il y a 5 ans. (Pierre est stupéfait) Et

justement, c’est à elle que je lègue tous mes bijoux, car elle, elle n’a rien eu lors de ma

donation. (Pierre ne va pas bien)

MAITRE HONOME - Eh oui, ce n’était pas encore votre fille à l’époque !

EUGENIE - Je donne aussi, à Myriam, mon compte titre.

PIERRE - Elle avait un compte titre ? (Surprise)

EUGENIE - Eh oui, maître! Et sur celui-ci, mon gendre n’avait pas procuration, il est donc

en bonne santé.

MAITRE HONOME - Votre gendre ?

EUGENIE - Non, mon compte titre, il n’a pas pris froid, personne de l’a découvert.

MAITRE HONOME - Parfait, vous avez terminé ?

EUGENIE - Ah non, j’oubliais.

PIERRE - Quoi encore, qu’est-ce qu’elle a d’autre ?

EUGENIE - Minute maître je vais vous le dire.

MAITRE HONOME - Je vous écoute.

PIERRE - Et moi donc.

EUGENIE - Je veux que les meubles qui sont dans cette maison y restent et qu’ils reviennent

à Nicole.

PIERRE - Ouf.

EUGENIE - Sauf cette commode et son contenu, qui iront chez monsieur le curé.

MAITRE HONOME - Parfait, y a t- il des objets de valeurs de l’intérieur ?

EUGENIE - Oui, et je suis sûre qu’il en fera bon usage.

MAITRE HONOME - Si vous avez terminé, vous signez ici.

EUGENIE - Merci. (Elle signe)

MAITRE HONOME - Enfin, si vous voulez encore modifier quelque chose on pourra

toujours le faire.

EUGENIE - Non, je n’en aurai plus le temps. (Pierre ferme la porte)

MAITRE HONOME - Au revoir; madame Germain, et merci de votre confiance.

EUGENIE - Au revoir maître, je ne vous dis pas à bientôt, sauf si vous venez à mon

enterrement.

MAITRE HONOME - J’essaierai de passer.

EUGENIE - Parfait, ça me fera plaisir de vous revoir. Je dirai à Denis qu’il vous garde une

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bonne place.

MAITRE HONOME - Qui c’est Denis ?

EUGENIE - Le curé, je vous raccompagne, maître.

MAITRE HONOME - Merci (ils sortent et Pierre entre)

PIERRE - Non, je rêve, elle a adopté une fille, et sans nous en parler. Mais quelle garce !

Elle a l’air d’une pauvre vieille, bien gentille, mais elle cache bien son jeu. En réalité elle est

maligne comme la galle. Et dans cette commode qu’est-ce qu’elle y cache ? (Il ouvre un tiroir

et fouille) C’est pour le curé tout ça ? (Il sort des culottes et des soutiens- gorge) Il en fera bon

usage, qu’elle a dit, je ne vois vraiment pas comment ?

Entrée de Nicole

NICOLE - Tu viens Pierre, je t’attends. Mais, que cherches-tu ?

PIERRE - (il range tout vite fait) Euh… des cigarettes.

NICOLE - Dans la commode de maman ?

PIERRE - Oui, des fois qu’elle m’en ait cachées, c’est là qu’elle les cache.

NICOLE - Tu ne fumes plus depuis 15 ans !

PIERRE - Ah mais oui, c’est vrai…mais… j’ai subitement l’envie dans griller une.

NICOLE - Ah non, tu ne vas pas recommencer. Si tu es stressé, viens bouger le lit, ça va

t’occuper l’esprit et les muscles.

Retour d’Eugénie

EUGENIE - Ouah, il fait froid dehors, c’est un temps à attraper la mort.

NICOLE - Alors reste au chaud, maman.

PIERRE - Oui, ne bougez plus, reprenez votre place et finissez ce pull.

EUGENIE - Il a raison, ce sera dommage qu’il y manque une manche.

NICOLE - Ça c’est bien passé maman, avec le notaire ?

EUGENIE - Très bien, tu sais, le plus gros a été donné depuis longtemps.

NICOLE - Oui, il n’y a plus de surprise à avoir.

PIERRE - Sait-on jamais ? (Il sort)

NICOLE - Que dis tu Pierre ? (Elle le suit)

EUGENIE - Je dois quand même avouer que ça m’amuse un peu tout ça. Quand je pense à la

tête qu’ils vont faire à la lecture du testament, j’ai hâte d’y être.

Entrée de la fille - Elisabeth

ELISABETH - Bonjour maman, j’ai fait aussi vite que j’ai pu.

EUGENIE - Bonjour Zabeth. Pourquoi, tant de précipitation ?

ELISABETH - Enfin, pour te voir maman. Dès que Nicole m’a dit…

EUGENIE - C’est elle qui t’a dit, j’en étais sûre. Tu n’es même pas venue spontanément.

ELISABETH - Si, si bien sûr, comme toujours.

EUGENIE - Oui, c’est ça, comme toujours, ou plutôt comme à chaque fois.

ELISABETH - Oui.

EUGENIE - Et c’est qu’on les compte les fois et sur les doigts d’un manchot.

ELISABETH - Oh maman, je t’en prie ne fait pas de mauvais esprit, j’ai eu pas mal de

soucis.

EUGENIE - C’est quoi cette fois ? Ton divorce, ça fait 8 ans qu’il te crée du souci.

ELISABETH - C’est long, maman, ça ne se règle pas comme ça.

EUGENIE - Ah je vois ça, vous n’êtes pas d’accord pour la garde des enfants.

ELISABETH - Enfin maman, ils sont grands, tu le sais bien.

EUGENIE - Non, justement je me suis arrêtée à la communion de la petite.

ELISABETH - De Muriel, elle était mignonne tout en blanc.

EUGENIE - Muriel, c’était bien ça, le notaire ne s’est pas trompé. Moi je l’aurais appelée ;

Marielle. Remarque, je n’étais pas loin.

ELISABETH - Elle a 32 ans maintenant, c’est une belle jeune femme.

Page 18: Y A TROP DE POUSSIERES - La plus grande bibliothèque de textes de théâtre à … · 2015-03-05 · NICOLE - Tu ne vas tout de même pas reprocher à maman de faire trop de bruit.

EUGENIE - Sans doute.

ELISABETH - Et, Stéphane en a déjà 29, ça passe, hein, maman !

EUGENIE - Eh oui, ça passe. Il est toujours comédien, celui-là ?

ELISABETH - Toujours, maman, toujours.

EUGENIE - Tant mieux, j’espère qu’il pourra se libérer.

ELISABETH - Quand ça ?

EUGENIE - Pour mes funérailles, ta sœur ne t’en a pas parlé ?

ELISABETH - Vaguement si.

EUGENIE - Menteuse. Bon, mais tu sais c’est plus que vague, c’est précis.

ELISABETH - Tu as déjà fixé la date ? Remarque ce n’est pas plus mal, je pourrai le dire à

Muriel, elle pourra s’arranger. Tu sais il faut la prévenir longtemps à l’avance.

EUGENIE - Oui, ça lui laissera le temps de trouver. Mais vois- tu, ça, ce n’est pas possible,

malheureusement, je n’ai pas la date exacte, je te dirais bien dans 3 mois, mais…

ELISABETH - A Pâques !!! Tu veux faire ça à Pâques, c’est impossible Muriel part 15 jours

à cette période

EUGENIE - Eh bien, elle ne viendra pas, de toute façon, elle n’avait pas de rôle.

ELISABETH - Où ça ?

EUGENIE - T’occupe. Mais tu sais Zabeth, ce n’est pas moi qui choisirai la date.

ELISABETH - C’est qui ?

EUGENIE - Vous.

ELISABETH - Oui, ben…. (Elle sort son agenda) pas un mardi alors, car j’ai mon cours de

Gym tous les mardis.

EUGENIE - Tu t’arrangeras avec Denis.

ELISABETH - C’est qui ?

EUGENIE - Le curé.

ELISABETH - Dis maman, c’est quoi que tu as, au juste ?

EUGENIE - Que j’ai où ?

ELISABETH - Ben ta maladie, c’est quoi ? Es tu certaine d’être condamnée ?

EUGENIE - La vieillesse Zabeth, la vieillesse et elle n’épargne personne. Si, ceux qui

meurent avant. Et on sait tous par quoi elle se termine, la vieillesse.

ELISABETH - Et toi, tu sens ta fin toute proche ?

EUGENIE - Ah mais ce n’est pas moi qui la sens.

ELISABETH - Et c’est qui ?

EUGENIE - Les sondages. Euh non, je me trompe encore, ce sont les statistiques.

ELISABETH - Ah tu m’as fait peur. J’ai cru que c’était ton horoscope.

EUGENIE - Mais non, je m’en moque moi des conneries de la mère Tessier, moi je regarde

les chiffres, ça c’est du sérieux.

ELISABETH - Tu fais de la numérologie ?

EUGENIE - Oui, et je vais bientôt faire de la minéralogie.

ELISABETH - Tu t’intéresses aux minerais ? Remarque, c’est bien, je t’approuve là-dessus.

Au moins tu sauras où tu mets les pieds, tu seras moins dépaysée en arrivant sous terre.

EUGENIE - Non, pas aux minerais, aux plaques d’immatriculations, tu ne connais pas les

plaques minéralogiques ?

ELISABETH - Si, évidemment; mais dis moi, tu t’es acheté une voiture ?

EUGENIE - (fière) Eh oui !

Retour de Carole.

CAROLE / Excusez moi, je n’ai pas sonné, je fais vite le moteur tourne.

EUGENIE / Celui de votre voiture je suppose ?

CAROLE / Oui effectivement. J’aurais encore une petite question à vous poser.

EUGENIE / Je vous écoute.

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CAROLE / Je peux parler devant madame ?

EUGENIE / Mais oui docteur, je n’ai aucun secret pour ma fille.

CAROLE / Très bien. Alors, c’est au sujet de l’assistance rapatriement, vous ne l’avez pas

souscrite ?

ELISABETH / Tu pars en vacances maman.

EUGENIE / Oui. (Carole) C’est utile ?

CAROLE / (discrète) Oui si vous comptez mourir loin de chez vous, on prend tout en charge.

EUGENIE / Ah non, moi je veux faire ça ici.

CAROLE / C’est vous qui voyez. Je vous laisse au revoir, mesdames (elle sort)

ELISABETH / Maman, tu ne va pas partir trop loin, à ton âge, il faut être raisonnable.

EUGENIE / Mais je le suis ma petite fille, je le suis !

Entrées de Nicole et Pierre

ELISABETH - Bonjour, (elle les embrasse) vous ne savez pas ce que maman vient de me

dire ?

NICOLE - On s’en doute un peu, elle t’a parlé de son voyage.

ELISABETH - Oui, et elle va le faire avec sa nouvelle voiture.

NICOLE - Quoi, qu’est-ce que c’est que cette histoire encore, maman ?

EUGENIE - Je vous laisse vous expliquer entre vous, moi je suis fatiguée.

NICOLE - Tu m’as dit que non, tout à l'heure.

EUGENIE - C’était tout à l'heure, maintenant, je le suis. (Elle sort)

ELISABETH - Alors, c’est vrai, elle s’est achetée une voiture ?

PIERRE - Enfin, oui, quoique non, pas exactement.

ELISABETH - Peux tu être plus précis, Pierre, s’il te plait ?

NICOLE - Non, il ne peut pas, c’est assez compliqué.

PIERRE - Et Eugénie, veut nous en faire la surprise.

ELISABETH - Si elle veut nous en faire la surprise, pourquoi nous en a-t-elle parlé ?

NICOLE - Enfin, tu sais comme elle est. C’est pour nous mettre l’eau à la bouche

ELISABETH - Non, je ne le sais pas.

PIERRE - Tu n’as qu’à venir la voir plus souvent.

ELISABETH - Je fais ce que je peux, mais ce n’est pas simple, avec tous les bouchons.

NICOLE - Il fallait la prendre un peu chez toi, ça t’aurait évité d’avoir à affronter, les

bouchons.

PIERRE – Eh, il n’y a jamais de bouchon par ici, tu habites à 15 minutes, trouve toi une

autre excuse.

ELISABETH - Je parlais des bouchons de champagne que l’on fait régulièrement sauter au

boulot, on a toujours un truc à fête.

PIERRE - Nous on aurait bien aimé, en faire sauter un, pour fêter le départ de ta mère, par

exemple.

NICOLE - (choquée) Pierre enfin, tu n’y penses pas.

PIERRE - Laisse-moi finir, son départ en vacances. Si par chance, tu l’avais prise ne serait-

ce qu’une seule fois en vacances.

ELISABETH - Ce n’est pas si simple.

NICOLE - Tu l’as déjà dit.

ELISABETH - C’est parce que c’est vrai, j’ai rencontré quelqu’un.

NICOLE - Non !

ELISABETH - Si

NICOLE - Tu aurais du le dire à maman, elle aurait été heureuse pour toi.

ELISABETH - Oh non, je ne crois pas.

NICOLE - Mais si, elle aurait bien compris qu’il fallait que tu refasses ta vie. Tu n’allais pas

rester sur un échec.

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PIERRE - Alors, comment s’appelle t- il, ce monsieur ? Enfin, je m’avance peut être ce n’est

peut être pas un homme ?

ELISABETH - Si mais…

NICOLE - Alors où est le problème ?

ELISABETH - C’est un copain de Stéphane.

NICOLE – Non !!!

PIERRE - Tu es avec un mec de 30 ans !

ELISABETH - A peine.

NICOLE - Et Stéphane, qu’est- ce qu’il en dit ?

ELISABETH - Rien, il me fait la gueule.

PIERRE - Ça se comprend un peu.

ELISABETH - Alors tu comprends aussi, qu’il vaut mieux ne rien dire à maman.

NICOLE - Oui; il sera temps de lui dire après.

ELISABETH - Après quoi ?

NICOLE - Ben, après sa mort. Ce n’est pas la peine de la perturber inutilement.

PIERRE - Eh ben dis donc; il y a des journées à marquer d‘une pierre blanche. J‘en ai appris

plus, sur cette famille, en 1 heure que durant 35 ans.

NICOLE - Ben qu’as tu appris d’autre Pierre ?

PIERRE - Euh….. Rien

On sonne

NICOLE - Tiens, encore une visite.

ELISABETH - C’est peut être lui.

NICOLE - Lui qui ?

PIERRE - Son bébé.

ELISABETH - Il m’attend dans la voiture, il doit s’impatienter. Je lui avais dit que je n’en

aurais que pour 5 minutes.

NICOLE - Fais le entrer.

ELISABETH - Et, maman ?

NICOLE - Elle se repose.

ELISABETH - Bon, d’accord, je vous le présente, vite fait.

PIERRE - Oui, comme ça, ça sera fait. On sera moins surpris le jour de l’enterrement.

ELISABETH - Ok; mais soyez sympas avec lui. (Elle sort)

NICOLE - Je comprends pourquoi on ne la voyait jamais. Un jeune amant, ça doit la mettre

sur les rotules.

PIERRE - Eh bien toi, tu as de la chance, grâce à moi, tu n’es jamais fatiguée.

NICOLE - On peut voir ça comme ça.

Retour d’Elisabeth et de Franck

ELISABETH - Franck, je te présente, Nicole ma sœur.

NICOLE - Enchantée. (Poignée de main)

FRANCK - Pas tant que moi.

ELISABETH - Et voici Pierre, son mari.

PIERRE - Salut. (Poignée de main)

NICOLE - Il est magnifique, tu l’as bien choisit.

PIERRE - Enfin Nicole, voyons.

ELISABETH - Oui, je n’ai pas choisi, c’est le destin.

FRANCK - Ou plus exactement, Stéphane. On s’est rencontré au cours de théâtre.

NICOLE - Tu fais du théâtre ? Je ne savais pas.

ELISABETH - Non pas moi. C’est Stéphane qu’il a rencontré au théâtre et c’est lui qui m’a

amené Franck à la maison.

FRANCK - Et je n’en suis plus reparti.

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PIERRE - Ah, elle est très accueillante.

FRANCK - Oui, on peut dire ça.

PIERRE - Dommage qu’elle n’ait jamais voulu accueillir sa mère.

NICOLE - Pierre tais-toi.

FRANCK - C’est vrai que depuis que l’on est ensemble avec Zabou, c’est le vide autour de

nous.

PIERRE - C’est vraiment étrange.

NICOLE - Il t’appelle Zabou ?

ELISABETH - Oui, c’est mignon.

PIERRE - Bon, je vous offre quelque chose à boire, Franck ?

FRANCK - Oui, ce n’est pas de refus.

ELISABETH - Mais vite fait, si maman revient.

PIERRE - Attend je vais arranger ça. (Il va fermer la porte coté chambre à clé)

NICOLE - Mais, qu’as-tu fait ?

PIERRE - J’ai fermé la porte à clé. Comme ça, elle sera obligée de frapper et il aura le temps

de regagner discrètement la voiture.

ELISABETH - Merci Pierre.

FRANCK - J’aurais été ravi de rencontrer ta mère. Stéphane m’en parlait beaucoup.

PIERRE - Stéphane oui. Et Zabou, elle vous parle de sa mère ? (Il sort verres et bouteille)

FRANCK - Rarement, c’est un sujet tabou.

PIERRE – Les fameux tabous de Zabou. (Il rit)

NICOLE - Pierre, ce n’est pas facile pour Elisabeth.

PIERRE - Tu as raison. Si elle vous avait montré sa mère vous l’auriez imaginée elle, dans

25 ans et là, vous vous seriez barré en courant.

FRANCK - Mais non, pourquoi ?

NICOLE - S’il aime les vieilles, il sait à quoi s’en tenir.

ELISABETH - Merci pour la vieille.

FRANCK - Ne te vexe pas Zabou. Mais c’est vrai que tu es plus âgée que moi, on peut

difficilement le cacher.

PIERRE - Bon on va trinquer.

NICOLE - On trinque à quoi ?

FRANCK - A ceux qui ont l’avenir devant eux.

ELISABETH - Ah c’est drôle ça. Tu sais pourquoi je suis ici ?

FRANCK - Oui, pour dire au revoir à ta mère.

NICOLE - On trinque, à votre venue dans la famille, Franck.

PIERRE - (il lève son verre) A la jeunesse et bienvenu à toi Franck.

FRANCK - Vous savez ça fait déjà 9 ans que je suis dans la famille.

NICOLE - Ah bon, tu étais déjà avec lui quand tu étais mariée, Elisabeth ?

ELISABETH - (elle boit) Non

FRANCK - Non, à l’époque j’étais avec Stéphane. Elle ne vous l’a pas dit ?

NICOLE - Attends avec…... avec. (Elle boit)

PIERRE - Ah non, elle ne nous l’a pas dit. Eh bien, quelle journée. Je comprends pourquoi,

Stéphane fait la gueule.

FRANCK - Oui, et j’en suis très peiné. Surtout que je lui dois beaucoup, il m’a toujours

beaucoup aidé, enfin avant.

PIERRE - Eh bien dites moi, ce n’est pas tous les jours qu’on voit ça, se taper d‘abord le fils

avant de passer à la mère.

FRANCK - Ce n’était pas prémédité, ça c’est fait comme ça.

PIERRE - Et tu comptes t’arrêter là, ou tu vas essayer la tante ? (Il regarde Nicole et rit)

NICOLE - Tu te crois drôle. Il préfère peut être, l’oncle.

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FRANCK - Non, mais pour qui me prenez vous ?

ELISABETH - Oui, tu vois Franck, je t’avais bien dit qu’il valait mieux que tu ne les

rencontres jamais.

NICOLE - Ah, elle vous avait dit ça ?

FRANCK - Zabou avait peur de vos réactions, elle ne s’est pas beaucoup trompée. Bon, je

peux concevoir que vous soyez surpris voir choqués, mais de là, à devenir vulgaires.

NICOLE - On s’excuse, pas vrai Pierre ?

PIERRE - Oui, c’est parce qu‘on n’est pas habitué.

FRANCK - Vous n’avez pas d’enfant ?

PIERRE - Si un fils, et lui il n’aime que les belles bagnoles.

NICOLE - Et il va bientôt en avoir une belle.

ELISABETH - Éric, va changer de voiture ?

PIERRE - Euh, oui, peut être bien.

FRANCK - Éric, mais je le connais ! Stéphane me l’avait présenté, je ne savais pas que

c’était votre fils !

PIERRE - (inquiet) Vous…le connaissez …bien ?

FRANCK - Non, juste comme ça, on n’est jamais entré dans les détails.

PIERRE - Tant mieux.

FRANCK - Il ne m’a même jamais parlé de vous.

NICOLE - C’est dommage.

PIERRE - Non, ce n’est pas plus mal.

NICOLE - Alors comme ça, Éric et Stéphane se voient ?

FRANCK - Ben oui, ils sont cousins, c’est bien normal.

NICOLE - Il ne nous a jamais dit, Éric, qu’il voyait Stéphane.

FRANCK - C’est peut être parce qu’il ne le voit plus. De toute façon, à nous Stéphane ne

nous donne plus aucune nouvelle.

NICOLE - Oh, l‘ingrat. Il pourrait tout de même bien appeler son futur beau père de temps

en temps.

FRANCK - Et surtout sa mère.

PIERRE - Moi, je le comprends. Pour lui, c’est la nana qui lui a piqué son mec.

FRANCK - Effectivement vu sous cet angle.

PIERRE - Oh, mais même vu de l’autre coté, le résultat est le même.

FRANCK - C’est- à- dire ?

PIERRE - Il a tout perdu dans l’histoire. Et ce n’est pas son héritage qui va lui redonner le

moral.

ELISABETH - De quoi parles-tu Pierre ?

PIERRE - Rien, je fredonnais la chanson de Nana « j’ai reçu l’amour en héritage » (il

chante)

FRANCK - Oui, j’aimerais tellement que l’on redevienne amis.

ELISABETH - Oui, moi aussi.

Entrée de Gilberte

GILBERTE - Oh excusez moi, vous avez du monde.

NICOLE - Non, ce n’est pas grave, entrez Gilberte.

GILBERTE - Je passais faire un petit coucou, à Eugénie. Elle n’est pas là ?

NICOLE - Elle se repose.

PIERRE - Je vous présente Gilberte la meilleure amie de ma belle mère.

GILBERTE - Ne la dérangez pas, si elle dort.

NICOLE - Mais non, je vais la chercher. Ça lui fera plaisir de vous voir. (Elle sort et bloque

sur la porte fermée) Pierre, la clé.

PIERRE - Ah oui, je l’ai mise dans ma poche. (Il lui tend la clé et Nicole sort)

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ELISABETH - (à Franck) Il faut que tu partes, mon chéri.

GILBERTE - Je ne vous fais pas fuir, jeune homme.

FRANCK - Pas du tout, je vais mettre en route la voiture, pour qu’elle chauffe un peu.

GILBERTE - Vous avez raison, il fait si froid, on se les gèle dehors.

FRANCK - Je t’attends. (Il sort)

ELISABETH - Je dis au revoir à maman, et j’arrive.

GILBERTE - Et lui, il ne dit pas au revoir à sa grand- mère ?

ELISABETH - Euh…ben, c’est- à- dire ...qu’il…

PIERRE - Il l’a déjà fait.

ELISABETH - Oui, avant de venir.

Retour de Nicole et Eugénie

EUGENIE - Bonjour Gilberte. (Bisous)

GILBERTE - Comment tu vas, toi ?

EUGENIE - Eh bien tu le vois bien, comme une vieille, et toi ?

GILBERTE - Moi, je vais comme une vieille qui va bien.

EUGENIE - Eh bien tant mieux. Et tes chats comment vont-ils ?

GILBERTE - Très bien merci.

EUGENIE - La dépression de la Titoune ça c’est arrangé ?

GILBERTE - Oui, elle a rencontré un jeune Matou, et ça va tout de suite mieux.

EUGENIE - A son âge ?

GILBERTE - Oui, je ne savais pas que ça cavalait encore à cet âge là ?

EUGENIE - Ben tu vois.

ELISABETH - Maman, je vais y aller.

EUGENIE - Ah, tu étais encore là; Zabeth ? Eh bien dis donc, tu es restée longtemps cette

fois ci.

ELISABETH - Je ne voudrais pas partir sans te dire au revoir.

EUGENIE - Eh bien au revoir. (Elle l’embrasse)

ELISABETH - Au revoir Nicole. (Bisous puis à Pierre) Au revoir, madame. (À Gilberte)

GILBERTE - Au revoir. Vous avez de la chance, la voiture va être chaude.

ELISABETH - Oui (elle sort, elle oublie son sac à main)

NICOLE - On va te laisser avec Gilberte, maman. Vous devez avoir des tas de choses à vous

raconter ?

PIERRE - Nous on va …on va où ? Ah, oui, on va faire le ménage dans quelle pièce

maintenant Nicole ?

GILBERTE - C’est la journée du ménage ?

NICOLE - C’est ça, on va attaquer la cuisine. (Ils sortent)

EUGENIE - Bon débarras.

GILBERTE - Alors c’est vrai ?

EUGENIE - Quoi ?

GILBERTE - Ce que m’a dit Denis.

EUGENIE - Ah, je vois que les nouvelles vont vite. Assois-toi, on va fêter ça, puisqu’ils ont

déjà sorti la bouteille.

GILBERTE - Laisse, je vais sortir les verres. Ils sont toujours à la même place ?

EUGENIE - Toujours, je suis contre le changement.

GILBERTE - Pourtant, il parait que tu en prépares un gros.

EUGENIE - J’espère, j’espère aussi que je vais laisser un grand vide.

GILBERTE - (émue) Chez moi oui, en tout cas, je ne sais pas pour les autres…mais, moi…

EUGENIE - Mais ne pleure pas Gilberte, tu me rejoindras bientôt.

GILBERTE - Mais, c’est que je ne suis pas pressée moi.

EUGENIE - Moi, non plus. Mais tu sais j’ai 83 balais et des poussières.

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GILBERTE - Et alors, les balais ont toujours fait bon ménage avec les poussières.

EUGENIE - Certes, mais dans notre cas, il y a trop de poussières.

GILBERTE - Et alors tu n’es pas allergique à la poussière que je sache ?

EUGENIE - Non, mais c’est comme ça, c’est inévitable, c’est à cause de la moyenne.

GILBERTE - Quelle moyenne ?

EUGENIE - Celle qui dit que je vais partir d’ici peu.

GILBERTE - Tu es en pleine forme, tu pètes le feu.

EUGENIE - Oui, et d’ici peu, c’est tout qui va pèter.

GILBERTE - Tu as eu de mauvaises analyses, les résultats de ta prise de sang sont mauvais

? (Inquiète)

EUGENIE - Non, tout est dans la moyenne.

GILBERTE - Alors c’est formidable, non ?

EUGENIE - Non, car justement, c’est la moyenne qui va m’être fatidique. Toute ma vie j’ai

été dans la moyenne.

GILBERTE - Ah (perplexe)

EUGENIE - À l’école, j’étais comment ?

GILBERTE - Moyenne.

EUGENIE - À 20 ans, physiquement, tu me trouvais comment ?

GILBERTE - Jolie.

EUGENIE - Gilberte soit honnête, je n’ai plus l’âge de tourner autour du pot.

GILBERTE - Honnêtement, très moyenne.

EUGENIE - Voilà. Même mon Théodore, il me disait qu’au lit j’étais moyenne. Tu vois, je

ne pourrai pas y échapper.

GILBERTE - Ah bon, même au lit ? Pourtant, lui il était doué.

EUGENIE - Ben qu’en sais-tu ?

GILBERTE - Euh oui, qu’est- ce que j‘en sais ? Mais oui, tiens comment je l’ai su ? Ce

n’est pas toi qui m’en as parlé ?

EUGENIE - Non, ça sûrement pas.

GILBERTE - Oh et puis je peux bien te le dire, je l’ai testé.

EUGENIE - Quoi ?

GILBERTE - Ton mari; pour pouvoir comparer avec le mien.

EUGENIE - Et alors ?

GILBERTE - Tu étais bien servi, c’est dommage que toi, tu étais moyenne.

EUGENIE - Tu vois, je te le dis. Cette histoire de moyenne, ça me poursuit.

GILBERTE - Tu ne m’engueules pas ?

EUGENIE - Pour quoi ? Pour avoir testé mon mari, mais non, à quoi bon. Il est mort depuis

longtemps. Par contre à lui je compte bien lui en toucher 2 mots prochainement.

GILBERTE - Il ne t’en avait jamais parlé ?

EUGENIE - Jamais, il a du oublier. Alors, c’était quand ?

GILBERTE - Je ne sais plus, ça fait si longtemps. On ferait mieux de boire un coup.

EUGENIE - Tu as raison (elle compte les verres sales), un, deux trois et quatre. Non, j’ai du

me tromper, Nicole, Pierre; Zabeth et celui là c’est à qui ? Tu as bu avec eux, faux frère.

GILBERTE - Mais non, enfin, qu’est- ce qui t’arrive ?

EUGENIE - Il m’arrive que je compte 4 verres qui ont déjà servis. Et ils n’étaient que 3, ou

alors il y en un qui a bu dans 2 verres.

GILBERTE - Non, ils étaient 4; moi j’en ai vu quatre.

EUGENIE - Qui 4 ?

GILBERTE - Ben ; Pierre et Nicole et une dame et son fils.

EUGENIE - La dame c’était ma fille Elisabeth, son fils était avec elle ?

GILBERTE - Oui, il est parti un peu avant elle. Le temps de faire chauffer la voiture.

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EUGENIE - Il aurait pu me dire bonjour. Depuis qu’il fait l’acteur, je ne le vois plus.

GILBERTE - Je te sers ?

EUGENIE - Oui

GILBERTE - Tu me diras stop. (Elle verse)

EUGENIE - Non, vas y, remplis le verre. Tout ce qu’on boira, mon gendre ne l’aura pas.

GILBERTE - (elle se sert également) On trinque à quoi ?

EUGENIE - Je lève mon verre à tous ceux qui se préparent à partir.

GILBERTE - Ce n’est pas gai, comme toast.

EUGENIE - Alors à la santé de ceux qui restent.

GILBERTE - Et qui l’ont

EUGENIE - Quoi ?

GILBERTE - La santé. (Elles ont bu cul sec)

EUGENIE - Ouah, ça fait du bien, ça réchauffe.

GILBERTE - Je voudrais trinquer à notre amitié sans tache.

EUGENIE - Sans tache, parce que tu t’es arrangée pour que la vérité n’éclabousse pas. Bon

peu importe. (Elles se resservent)

GILBERTE - A ma meilleure amie.

EUGENIE - A toutes les conneries que l‘ont a faites ensemble. (Elles boivent)

GILBERTE - Et à celle que l’on ferra encore. (Elles se resservent et boivent)

EUGENIE - Ah non, c’est fini.

GILBERTE - Quoi, on ne fera plus de conneries ?

EUGENIE - Non plus ici.

GILBERTE - (elle pleure) Que ça va être triste sans toi.

EUGENIE - (elle lui sert à boire) Tiens, bois un peu, ça va te faire du bien.

GILBERTE - Merci Nini et « adieu Nini, je t’aimais bien tu sais » (elle chante en pleurant

à moitié sur l’air de : le moribond de Jacques Brel)

EUGENIE - Ce n’est pas maintenant qu’il faut pleurer Gigi. Réserves-toi pour mon

enterrement. Je compte sur toi pour montre l’exemple.

GILBERTE - Je ne peux pas me retenir. (Snif) Et si je venais avec toi ?

EUGENIE - Mais non, tu n’as pas encore tes 83 ans toi, et tu as toujours été au dessus de la

moyenne, tu le dis toi-même.

GILBERTE - Oui, …mais « ce n’est qu’un au revoir, Nini, ce n’est qu’un au revoir » (elle

chante)

EUGENIE - (elle continue) « oui nous nous reverrons Gigi, … »

Arrivée de Nicole

NICOLE - Que ce passe t’il ?

GILBERTE - (saoule) C’est le chant ….du du départ.

NICOLE - Vous n’êtes pas bien Gilberte ? Faut il vous appelez un médecin ou …

EUGENIE - Elle, va très très très très très (saoule)

NICOLE - Très quoi ?

EUGENIE - J’sais pu.

NICOLE - Pierre (elle crie) viens vite.

EUGENIE - Viens boire un petit coup avec nous. (Saoule)

GILBERTE - Non, parce qu’il n’y en a plus. Il n’a pas été gentil, Pierre, il n’aura pas à boire

(saoule) hein dis, Nini ?

Arrivée de Pierre

PIERRE - Que se passe-t-il ?

NICOLE - Maman est malade.

EUGENIE - Ah non….je je je je je …

PIERRE - Je suis déjà à moitié partie.

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EUGENIE - Oui

NICOLE - Aide moi, Pierre on va la mettre dans sa chambre.

PIERRE - Mais elle est lourde, je viens déjà de bouger 2 lits et trois buffets.

NICOLE - Justement, tu peux porter l’horloge.

EUGENIE - Tic tac tic tac

PIERRE - (ils essaient de la soulever) Prends les pieds, Nicole.

EUGENIE - Ne m’abandonne pas Gigi.

GILBERTE - Non, je suis là. (Elle lui tient la main)

PIERRE - Enfin lâchez là, sinon on n’y arrivera jamais. (Ils la reposent)

Retour d’Elisabeth

ELISABETH - Je crois que j’ai oublié mon sac. Oh mon dieu, alors ça y est c’est déjà fait,

ça a été vite. Elle n’a pas souffert, j’espère ? C’est mieux comme ça.

NICOLE - Elle n’est pas morte.

PIERRE - Elle est raide, mais elle vit toujours. Elle est saoule.

ELISABETH - Ah !

NICOLE - Tu as l’air déçue ?

ELISABETH - Non, mais je ne savais pas que maman buvait.

NICOLE - C’est Gilberte qui a du l’entraîner.

GILBERTE - Non non non non non .

PIERRE - Il est là Franck ?

ELISABETH - Oui, il m’attend dans la voiture.

PIERRE - Va le chercher il nous aidera à évacuer les corps.

ELISABETH - Mais… maman va le voir. (Inquiète)

PIERRE - Elle n’est pas en état de reconnaître qui que ce soit. Elle ne souviendra de rien.

ELISABETH - J’y vais. (Elle sort)

Eugénie ronfle

PIERRE - Eh bien voila autre chose !

NICOLE - Elle ronfle encore plus fort que toi.

PIERRE - Elle m’aura tout fait ta mère, et quand je pense au remerciement que je vais en

avoir.

NICOLE - Quel remerciement ?

PIERRE - Ne cherche pas, c’est juste un pressentiment que j’ai. (Il cherche le pull) Il n’a

pas beaucoup avancé son tricot.

NICOLE - Elle n’a pas beaucoup de temps en se moment.

PIERRE - Elle ferait mieux de tricoter plutôt que de picoler.

Retour de Franck et d’Elisabeth

FRANCK - Je vais vous aider Pierre.

PIERRE - Prends les bas morceaux, moi je prends le haut.

FRANCK - C’est parti.

NICOLE - Je vous ouvre les portes.

PIERRE - Gardez l’autre, on revient.

FRANCK - Ah parce qu’il faut amener l’autre aussi ?

NICOLE - Evidemment, on ne va pas la laisser au milieu de la pièce.

Les 2 hommes sortent avec Eugénie

ELISABETH - Qu’est-ce qui a bien pu la mettre dans cet état ?

NICOLE - Ça. (Elle montre la bouteille)

GILBERTE - J’ai soif.

NICOLE - Vous avez suffisamment bu comme ça.

GILBERTE - Où est Nini, je veux aller avec Nini. Oh ! Elle est partie sans moi. (Elle

pleure)

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ELISABETH - C’est impressionnant. L’alcool et les vieilles ça ne fait vraiment pas bon

ménage.

NICOLE - Ça ne fait bon ménage avec personne, l’alcool.

ELISABETH - Si ça nettoie très bien les surfaces vitrées.

NICOLE - À croire qu’elles n’étaient vitrées, elles.

ELISABETH - Dis Nicole, tu te mettras en noir, toi ?

NICOLE - Quand, au nouvel an ?

ELISABETH - Mais non, à l’enterrement de maman.

NICOLE - Oh oui, quand même.

ELISABETH - Si tu as un peu de temps, on pourrait peut être faire les boutiques ensemble ?

NICOLE - Oui, pourquoi pas, ça pourrait être sympa.

ELISABETH - Parce que moi, il est hors de question que je reporte ce que j’avais à

l’enterrement de papa.

GILBERTE - Papa est mort, quand ? Oh pauvre papa. (Elle pleure)

ELISABETH - S’il y en a qui ont le vin gai, ce n’est pas son cas.

NICOLE - Qu’est- ce qu’ils font ? Il leur en faut du temps, Franck ne doit pas être très

costaud ?

ELISABETH - Mais si, pourquoi, dis tu ça ?

NICOLE - Non, comme ça.

Retour des 2 hommes

FRANCK - Eh bien voila, j’ai enfin fait la connaissance de ta mère.

ELISABETH - (inquiète) Ah! Et, qu’est-ce qu’elle t’a dit ?

FRANCK - Elle a cru que j’étais le diable et que je la tirais par les pieds.

NICOLE - Sans doute à cause de la chanson d’Annie Cordy, la bonne du curé !

FRANCK - En tout cas c’est une marrante ta mère, prendre une pareille bitture à son âge, il

faut le faire.

ELISABETH - Il n’y a pas de quoi être fier, je t’assure.

PIERRE - Allez Franck; on se tape l’autre maintenant.

FRANCK - Cette fois c’est moi qui choisit et je prends (il la regarde et hésite) disons la tête.

PIERRE - Et pourquoi ?

FRANCK - Parce que ce n’est pas le genre à avoir la grosse tête, cette petite vieille. (Il rit)

PIERRE - Je prends donc les pieds.

FRANCK - Fais gaffe Pierre, elle a les chevilles qui enflent. (Ils rient tous les 2)

NICOLE - Je vois que ça vous amuse, c’est parfait. (Agacée)

FRANCK - Attention, à la une, à la 2, à la 3. (Il la soulève)

PIERRE - Attention chaud devant.

FRANCK - Mais au juste qu’est- ce qu’on en fait ?

NICOLE - Mettez la avec maman, elles sont inséparables.

FRANCK - Dessus ?

NICOLE - Non à coté, si possible.

FRANCK - On verra ce qu’on peut faire. (Ils sortent)

ELISABETH - Il a l’air de bien s’intégrer Franck.

NICOLE - Surtout avec Pierre.

ELISABETH - Eh oui, tu devrais être heureuse ?

NICOLE - Bof

ELISABETH - Pauvre maman, elle va être malade demain.

NICOLE - Ah ça oui, je pense. Et ça t’inquiète subitement ?

ELISABETH - J’espère qu’elle ne se souviendra de rien.

NICOLE - Moi ce qui me fait peur, c’est qu’elles risquent de vomir.

ELISABETH - Ah oui, ça c’est moins drôle.

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NICOLE - Ah et puis ça tombe bien, c’est le jour de Myriam, elle pourra nettoyer.

ELISABETH - C’est ta femme de ménage ?

NICOLE - Disons que c’est surtout celle de maman, mais comme elle nettoie presque toute

la maison, tout le monde en profite.

On sonne

NICOLE - Qui c’est ? On a eu chaud.

ELISABETH - Heureusement que les hommes ont eu le temps d’évacuer les …

NICOLE - Ne bouge pas je reviens. (Elle sort)

ELISABETH - (regarde la bouteille) Toi, on peut dire que tu es un sacré détonateur, je ne

connais pas encore le résultat, mais pour l’instant, tu as mis une foutue pagaille.

Retour de Nicole et de Myriam

NICOLE - Myriam, je vous présente ma sœur Elisabeth.

MYRIAM - Enchantée.

ELISABETH - Je croyais que vous ne deviez venir que demain.

MYRIAM - Pour le ménage, oui. Mais aujourd’hui je suis venue voir Eugénie, parce que

Denis m’a dit qu’elle n’allait pas bien.

NICOLE - Denis, c’est qui ?

MYRIAM - C’est monsieur le curé, il a rencontré Eugénie tout à l’heure et depuis il est très

inquiet pour elle. Où est-elle ?

ELISABETH - Elle se repose.

MYRIAM - Je vais la voir c’est très important.

NICOLE - (elle la retient) Vous n’irez nulle part.

MYRIAM - Je veux lui parler avant qu’elle ne parte, je dois la remercier.

NICOLE - La remercier, mais de quoi ?

Retour des 2 hommes

FRANCK - Ça y est, elles dorment du sommeil du juste.

MYRIAM - (inquiète) Elle est morte, j’arrive trop tard.

PIERRE - Ah vous êtes là ; Myriam ! C’est …la famille au …complet.

NICOLE - Mais enfin Pierre, Myriam est proche de maman, soit, mais elle ne fait pas partie

de la famille pour autant.

MYRIAM - Je vais la voir.

FRANCK - (il la retient) Oh non, le spectacle n’est pas joli, joli.

MYRIAM - Mais enfin que se passe t-il Pierre ?

NICOLE - J’allais te poser la même question.

ELISABETH - Pourquoi es tu tout vert, tu as bu toi aussi ?

PIERRE - Ça fait beaucoup de questions.

MYRIAM - Et très peu de réponse.

FRANCK - Laisser lui le temps de souffler, elles n’étaient pas légères vous savez.

MYRIAM - J’en étais sûre, elle est morte, je veux la voir.

FRANCK - Elle va se calmer celle là.

MYRIAM - (agitée) Laissez-moi passer.

FRANCK - Pas question.

MYRIAM - Si, je dois la voir. (Elle le boxe)

FRANCK - Mais tu vas te calmer. (Il s’énerve)

ELISABETH - Calme toi, Franck. Oh je n’aime pas quand il s’énerve.

MYRIAM - Si vous ne me lâchez pas je vous mords.

FRANCK - Aie, elle m’a mordu.

MYRIAM - Je vous avais prévenu.

ELISABETH - Pierre, fais quelque chose, ça va mal finir, je le connais.

PIERRE - Et je fais quoi ?

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NICOLE - Tu les sépares.

Myriam et Franck se battent et Franck assomme Myriam qui tombe sur le canapé

PIERRE - Ah ben trop tard.

ELISABETH - Je vous avais bien dit que ça allait mal finir.

FRANCK - Oui, mais elle m’a cherché et rassurez vous elle n’est qu’assommée.

NICOLE - Qu’est- ce qu’on en fait ?

FRANCK – Il n’y a qu’à la mettre avec les vieilles puisque de toutes façon c’est là qu’elle

voulait aller.

PIERRE - Oui allez, prends les pieds Franck (ce qu’il fait) et moi je prends le tête, et on

l’emmène avec sa mère.

NICOLE - C’est la fille de Gilberte, je ne savais pas, je la croyais orpheline.

PIERRE - Non, c’est la fille de ta mère.

FRANCK - Non! (Il la lâche)

ELISABETH - Quoi ?

NICOLE - Tu peux répéter Pierre ?

PIERRE - Oui, mais avant, Franck, reprend ton bout. Et de toute façon vous l‘auriez su tôt

ou tard.

ELISABETH - La fille de maman, c’est donc ta sœur, Nicole.

NICOLE - Et fatalement, la tienne, aussi.

ELISABETH - Enfin… comment est- ce possible ?

FRANCK - Eh oh, c’est lourd, ouvrez la porte il vous expliquera au retour.

PIERRE - Oui, au retour. (Ils sortent)

ELISABETH - (elle prend la bouteille) Zut! Elle est vide.

NICOLE - Ne bouge pas, ça va s’arranger, je vais en chercher une autre.

Rideau

La nuit Le rideau s’ouvre

La scène est noire, une porte s’ouvre, c’est Pierre qui avance avec une lampe torche, il se

dirige vers la commode et soulève, le vase.

PIERRE - (il lit l’étiquette qui est en dessous) Elisabeth, bon ça va, il n’est pas terrible, ce

vase. Le tableau, voyons un peu. (Il regarde derrière) Myriam; mince, j’aurais parié qu’elle

l’aurait donné à Nicole. C’est qu’elle a de la valeur cette vieille croûte. Bref, qu’a t-elle bien

pu laisser à Nicole ? Quand même pas ce truc (soupière, horloge en laiton…..) (Il y regarde

de plus près) Eh bien si ! Si c’est dans toutes les pièces pareilles, j’ai bien peur que tout ce qui

a un peu de valeur aille à Myriam. Je sais à quoi m’en tenir maintenant. Bon, de toute façon,

je changerai les étiquettes dès qu’Eugénie aura passé l’arme à gauche, et sa Myriam n’y verra

que du feu. Allez, va te recoucher Pierre et dors tranquille tu as la situation bien en main (il

sort)

Rideau

Le lendemain matin

Le rideau s’ouvre, sur Eugénie, Gilberte et Myriam, assises au salon avec chacune une

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poche de glace sur la tête

GILBERTE - J’ai mal aux cheveux.

EUGENIE - Ça s’appelle, avoir la gueule de bois.

MYRIAM - Et moi, j’ai mal à la nuque et je vous assure que je n‘ai rien bu.

GILBERTE - Ça, c’est ce que tu dis.

MYRIAM - C’est la vérité.

EUGENIE - Moi, je la crois, Myriam ne ment jamais.

GILBERTE - Alors comment s’est t’elle retrouvée au lit avec nous ?

EUGENIE - Et nous ont y a été comment ?

GILBERTE - Je ne me rappelle de rien, c’est fou comme la mémoire peut nous faire défaut

à notre âge.

EUGENIE - Oui, et il n’y a peux être pas que la mémoire. Mais toi Myriam, tu devrais bien

te souvenir de quelque chose.

MYRIAM - J’étais en train de me battre avec un homme.

EUGENIE - Avec Pierre, quel salaud celui là, il va me le payer.

MYRIAM - Non, ce n’était pas lui, c’était un homme que je ne connaissais pas.

EUGENIE - C’était qui alors ?

MYRIAM - Mais je viens de te dire que je ne le connaissais pas.

EUGENIE - Essaie de te souvenir. Quand tu es entrée pour prendre de mes nouvelles, c’était

gentil d’ailleurs…

MYRIAM - Non, c’est normal.

EUGENIE - Oui, c’est vrai après tout ce que je fais pour toi. Bon, alors, qui était dans la

pièce quand tu es entrée ?

MYRIAM - Quand je suis entrée, il n’y avait que Nicole et sa sœur.

EUGENIE - Elisabeth elle était revenue ?

MYRIAM - Oui, c’est ça, je m’en souviens. Nicole a dit « je vous présente ma sœur »

EUGENIE - Que faisait-elle là ? Et Pierre, il n’était pas là ?

MYRIAM - Non il est arrivé après avec l’autre monsieur.

GILBERTE - Celui qui t’a assommée ?

MYRIAM - Ah oui, c’est celui là, forcement.

EUGENIE - Sans doute, mais c’était qui ?

GILBERTE - Sûrement le fils de ta fille. Si elle est revenue, lui aussi.

EUGENIE - Ah mais oui, ça me revient. Tu m’avais dis que tu l’avais vu, toi, Gilberte.

GILBERTE - Oui comme je te vois, même mieux, parce que hier j’y voyais mieux que ce

matin.

EUGENIE - Enfin, pourquoi, mon petit fils aurait-il assommé Myriam ?

MYRIAM - Ah, je sais, il ne voulait pas que je te vois !

EUGENIE - Il n’a rien à t’interdire celui là.

GILBERTE - Réfléchis un peu Eugénie, c’était pour la protéger. Il ne voulait pas qu’elle te

voit dans ton état, tu ne devais pas être chouette à voir.

EUGENIE - Parce que tu crois que tu étais mieux, toi.

GILBERTE - Non, sans doute pas, mais ce n’est pas moi que la petite venait voir.

EUGENIE - Ok ! Ah mais ça change tout ! Il est vraiment gentil, Stéphane.

MYRIAM - (se caressant la bosse) Je ne dirais pas ça, moi.

EUGENIE – Si. Il a employé les grands moyens parce qu’il n’avait plus le choix. Je trouve ça

plutôt tout à son honneur, je devrais revoir son cas à la hausse.

Entrées de Nicole et Pierre

PIERRE – Alors, comment vont tous nos petits pensionnaires de l’hospice ?

NICOLE - Pierre, je t’en prie.

EUGENIE - Parfaitement bien.

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GILBERTE - Très bien, on ne regrette rien.

NICOLE - Et vous Myriam, ça va ?

MYRIAM - Mieux.

NICOLE - Parfait, j’en suis ravie. Car n’oubliez pas que c’est votre jour de ménage.

EUGENIE - Elle a le temps.

NICOLE - Non, je voudrais parler avec toi, maman.

EUGENIE - De quoi veux-tu donc me parler ?

NICOLE - Pierre m’a dit des trucs qui m’ont empêché de dormir, je n’ai pas pu fermer l’œil

de la nuit.

PIERRE - Moi pareil.

EUGENIE - Que voulez vous que j’y fasse, ce sont vos problèmes de couple, vous les

réglerez entre vous.

NICOLE - Sauf que tu en es à l’origine.

EUGENIE - Je ne comprends pas.

NICOLE - Je vais t’expliquer, enfin quand nous serons au calme.

PIERRE - C’est pour bientôt, je viens de signer le bon de sortie de Gilberte, elle peut rentrer

chez elle.

GILBERTE - Attendez, je suis encore très faible.

PIERRE - Allez vous reposer dans une autre maison de retraite. Si vous voulez je les

appelle, ils peuvent même venir vous chercher.

GILBERTE - Inutile, je partais je me sens très très bien.

EUGENIE - Tu pars déjà Gilberte ?

GILBERTE - Il le faut, mes chats doivent être inquiets, c’est la première fois que je

découche en 50 ans.

EUGENIE - A bientôt.

GILBERTE - Ne bouge pas, je reviens très vite. (Elle sort)

MYRIAM - Oh mon dieu.

EUGENIE - Que se passe t il ma chérie ?

NICOLE - Ma chérie ? (Jalouse et étonnée)

MYRIAM - Moi aussi, alors, j’ai découché ?

PIERRE - Oui, puisque vous êtes ici depuis hier en fin d’après midi.

MYRIAM - Il a du m’attendre.

PIERRE - Qui ça, votre chat ? Oh, il a du se faire une raison.

MYRIAM - Non l’homme.

EUGENIE - Quel homme ?

MYRIAM - Celui qui m’avait invitée au restaurant. Oh, c’était mon premier rendez vous !

Qu’est- ce qu’il va penser ?

PIERRE - Que vous lui avez posé un lapin.

MYRIAM - Mais ce n’est pas vrai.

PIERRE - C’est pourtant ce qu’il va croire.

MYRIAM - Enfin, ce n’est pas possible, que va- t- il penser de moi ?

PIERRE - Rien de bien.

EUGENIE - Appelle le et explique lui.

MYRIAM - Il ne me croira jamais.

PIERRE - C’est fort probable (il l’imite) « allo monsieur » comment s’appelle t il ?

MYRIAM - Alexandre.

EUGENIE - C’est un très joli prénom, qui doit être porté par un grand et bel homme.

NICOLE - Maman, qu’il soit grand ou pas ne change rien à l’affaire.

MYRIAM - Vous croyez qu’il m’a attendu ?

PIERRE - On va téléphoner au restaurant, peut être qu’il vous y attend toujours. (Il rit)

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NICOLE - Pierre, tu me désespères.

PIERRE - Au lieu de rester plantée là, comme un poireau qu’attend qu’on l’arrache, elle lui

téléphone et elle sera fixée.

MYRIAM - Et je lui dis quoi ?

EUGENIE - Tout, sauf la vérité.

NICOLE - Eh ben, maman, tu as de ces conseils !

EUGENIE - Il ne la croira jamais la vérité, les hommes n’aiment pas la vérité.

PIERRE - Mais si qu’on aime ça, mais comme vous ne nous la dites jamais, on fait semblant

de croire vos mensonges.

NICOLE - Ah !

PIERRE - Oui, ah !

MYRIAM - C’est bien beau tout ça, mais, je dis quoi, comme mensonge ?

PIERRE - Demandez à Eugénie, elle adore ça, elle s’en est fait une spécialité.

EUGENIE - Eh bien, il peut parler celui là.

NICOLE - Allez-vous arrêter tous les deux ? Et sur ce coup, je crois que tu as frappé très fort

maman.

MYRIAM - Non, ce n’est pas elle qui m’a frappée.

EUGENIE - Je ne vois pas de quoi, tu veux parler.

NICOLE - On en reparlera.

MYRIAM - Alors je dis quoi ? (Insistante)

EUGENIE - (agacée) Minute; je cherche.

NICOLE - Est-ce que vous tenez à lui ?

MYRIAM - Ben oui.

PIERRE - Mais oui, évidemment qu’elle y tient, si c’est sa première rencontre. A son âge,

elle a même intérêt à s’y cramponner.

NICOLE - Elle a tout l’avenir devant elle. Et que fait-il dans la vie ?

MYRIAM - Je ne sais pas.

PIERRE - Ah mais vous vous connaissez déjà très bien ! (Moqueur)

NICOLE - Ils ont le temps.

MYRIAM - On devait se rencontrer pour faire d’avantage connaissance.

PIERRE - Oh c’est vraiment dommage.

MYRIAM - Oh oui.

PIERRE - C’est de la faute à Eugénie tout ça.

EUGENIE - Eh bien voila autre chose.

PIERRE - Parfaitement, si vous ne nous aviez pas joué la tragédie de Phèdre qui va mourir,

on n’en serait pas là.

MYRIAM - Oui, c’est vrai, je ne serais pas venue, et on n’aurait pas essayé de me tuer.

EUGENIE - Eh bien voila, ça va me retomber dessus. Mais je ne joue pas, je suis très

sérieuse.

MYRIAM - Il faut que je trouve une excuse et vite.

NICOLE - Oui, vite parce que pendant ce temps là, le ménage ne se fait pas.

EUGENIE - Ça y est j’ai trouvé.

MYRIAM - Dis voir.

EUGENIE - Voila, tu l’appelles sur son portable, il en a un au moins ?

MYRIAM - Oui (impatiente)

EUGENIE - Tu lui dis « allo, c’est toi Alexandre ? »

PIERRE - S’il répond sur son portable, c’est évidemment lui.

EUGENIE - Bon, certes.

MYRIAM - Mais s’il ne répond pas ?

EUGENIE - Oh, ne viens pas tout compliquer. On prend les problèmes les uns après les

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autres. On suppose qu’il va répondre, pour le reste on verra après.

MYRIAM - Oui, je dis « allo, c’est toi Alexandre, ici c’est Myriam. Tu sais, la fille avec qui

tu devais manger »

PIERRE - Ah non, surtout pas, inutile de lui rappeler cet affront « tu vois je t’ai posé un

lapin, ça t’a fait plaisir ? » Vous n’avez rien de plus con.

NICOLE - Non, vous lui dites « allo Alex, c’est Myriam. Dis pour ce soir au restau, c’est

bien 20 heures, tu veux que je passe te prendre….Ah c’était hier, non! Tu me fais marcher,

quel taquin tu fais, …non. .tu es sérieux…. Quoi???? Tu en es sûr, mais ce n’est pas vrai,

comment ai-je pu me tromper de jour ? Moi qui m’en faisais une telle joie »

Et voila le tour est joué, c’est lui qui s’excuse de ne pas avoir été assez précis et il vous invite

de nouveau ce soir.

PIERRE - Tu es une vraie pro du mensonge, toi aussi.

MYRIAM - On dirait qu‘elle a fait ça toute sa vie.

EUGENIE - Alors là, Nicole, tu m’épates.

MYRIAM - Bon, alors j’essaie. Oh j’espère que ça va marcher.

NICOLE - Ça va marcher.

PIERRE - Sauf s’il ne répond pas.

EUGENIE - On est tous avec toi et surtout moi.

MYRIAM - Merci (elle sort dans une autre pièce)

NICOLE - Elle est enfin sortie, on va pouvoir parler.

EUGENIE - Mais on a fait que ça depuis tout à l'heure.

NICOLE - Oui, mais maintenant on va entrer dans le vif du sujet. Qui est cette Myriam?

EUGENIE - Enfin, tu es idiote ou tu le fais exprès Nicole, c’est mon aide ménagère. Tu ne

l’as pas reconnue ?

NICOLE - Et… c’est tout ce qu’elle est pour toi ?

EUGENIE - Oui, elle me rend d’autres services, c’est vrai. Mais je la paye en conséquence,

rassure toi.

PIERRE - (pour lui) On ne se faisait pas beaucoup de soucis de ce coté là.

NICOLE - Et visiblement, tu l’aimes beaucoup, vous vous tutoyez.

EUGENIE - Ah! Je ne pensais pas que tu avais remarqué, mais si ça te dérange, on peut

arrêter.

PIERRE - Elles ont le mensonge qui coule dans les veines c’est pas possible autrement.

(Pour lui) Je devrais faire bip à chaque mensonge, histoire d’égayer le débat.

NICOLE - Ce n’est pas ça qui me dérange.

EUGENIE - Eh bien c’est quoi ? Mais parle à la longue !

NICOLE - Elle a l’air de tenir à toi ?

EUGENIE - Oui, un peu, c’est possible. Elle n’a plus de famille, alors il faut bien qu’elle se

raccroche à quelque chose.

NICOLE - Ou à quelqu’un.

EUGENIE - Voila tout à fait, ça a été moi, mais ça aurait très bien pu être toi, ou même

Pierre.

PIERRE - Bip, ça m’étonnerait.

NICOLE - Tu es un peu sa famille de substitution ?

EUGENIE - Oui, si on peut dire. Mais dis moi, Nicole, tu ne vas tout de même pas être

jalouse de Myriam ?

NICOLE - Mais non, maman, voyons.

PIERRE - Bip

NICOLE - Je veux juste savoir, si tu as raison de lui faire confiance ?

EUGENIE - Absolument, elle m’a été recommandée par monsieur le curé, c’est tout dire.

NICOLE - Oui, elle a de bonnes origines, et c’est mieux car on lui confie tout de même la

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maison comme si elle faisait partie de la famille.

EUGENIE - Oui, alors que ce n’est que la femme de ménage.

PIERRE - Bip

NICOLE - Moi, je l’ai tout de suite trouvée très sympathique.

PIERRE - Bip

EUGENIE - Bip, bip, bip, mais qu’est- ce qu’il a ? Bon, Pierre si vous voulez jouer au

Spoutnik, allez le faire à coté.

NICOLE - Oui, franchement, Pierre, grandi un peu. Arrête de faire l’enfant, tu n’as plus 10

ans.

PIERRE - Bip; à non ça c’est vrai, pas bip.

EUGENIE - Qu’est- ce qu’il raconte ?

On sonne

PIERRE - Là, ce n’est pas moi.

NICOLE - Qui alors ?

PIERRE - La porte.

NICOLE - Eh bien va ouvrir ;

PIERRE - Tout de suite. (Il sort)

NICOLE - On terminera notre petite conversation plus tard, maman.

EUGENIE - Ah, parce qu’on n’a pas terminé. Eh bien dis donc on n’a jamais tant parlé.

Retour de Pierre avec Carole

CAROLE / Bonjour mesdames, Vous voyez madame Germain, j’ai fais vite. Vous m’aviez dit

que vous étiez pressée, alors voilà (elle lui tend la facture)

NICOLE / Bonjour Docteur.

PIERRE / Ah, vous êtes la remplaçante du docteur Berthier ?

EUGENIE / Oui

CAROLE / (en même temps) Non

E UGENIE/ Bon, laissez moi, s’il vous plait, le docteur va m’ausculter.

PIERRE / Allez dans votre chambre.

EUGENIE / Non, ici, c’est mieux, c’est plus clarteux

PIERRE / N’importe quoi.

NICOLE / Viens Pierre, ne discutes pas, maman, n’est pas bien tu le sais.

PIERRE / Ah ben, les lendemains de cuite…(sortie de Pierre et Nicole)

CAROLE / Pourquoi m’appelez vous Docteur ?

EUGENIE / Parce qu’ils n’ont pas à savoir qui vous êtes vraiment.

CAROLE / Très bien, de toutes façons le secret et la confidentialité sont les maitres mots de

la profession.

EUGENIE / Parfait. Vous en faites beaucoup des contrats obsèques ?

CAROLE / De plus en plus ! Tenez, pas plus tard qu’hier, j’en ai également fait un à vote

voisine.

EUGENIE / Madame Lanchon ?

CAROLE / Ah non, elle, elle se tâte encore.

EUGENIE / C’est tout elle ça, elle adore ça, et encore plus quand ce sont les autres qui la

tâte.

CAROLE / Non, hier, c’est à madame …madame…(elle cherche) ah, son nom ne me revient

pas…la dame un peu forte au bout de la rue…

EUGENIE / La mère Denis.

CAROLE / Oui c’est ça, Thérèse Denis, une femme bien sympathique. Et entre nous, c’est

bon contrat.

EUGENIE / J’imagine, rien que pour le cercueil, il doit falloir un camion de bois.

CAROLE / (riant) Pas loin. Elle a voulu du pin des Landes, mais vous gardez ça pour vous.

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Vous voulez voir (elle sort un catalogue) Je ne devrais pas vous racontez tout ça, mais vous

êtes tellement sympathique.

EUGENIE / C’est bien vrai ça….et rassurez vous, je suis une tombe.

CAROLE / C’est ce modèle, c’est joli, vous ne trouvez pas.

EUGENIE / Oui ça va ! Mais bon, il est moins beau que le mien

CAROLE / C’est affaire de gouts !

On sonne

EUGENIE / Ne bougez pas, j’y vais.

CAROLE / Elle est vraiment sympathiques, cette dame, je devrais lui propose, le supplément

article élogieux dans le journal, elle le mérite.

Retour d’Eugénie avec le curé.

DENIS - Alors Eugénie, comment allez vous ce matin ?

EUGENIE - Tout doux, Denis, tout doux, j’ai comme une barre là. (À la tête)

DENIS - Une migraine. Avez-vous appelé le médecin ?

EUGENIE / C’est inutile. Par contre, vous tombez bien monsieur le curé, il faut que je vous

présente Carole, c’est la maitresse de cérémonie.

DENIS / Bonjour madame. Mais je ne comprends pas, de quelle cérémonie parle t on.

CAROLE / C’est moi qui m’occupe des obsèques de madame Germain.

EUGENIE / (à Carole) Lui, c’est le curé.

CAROLE / Parfait, il faudra que je passe vous voir, le moment venu, pour mettre en place

quelques détails, il est primordiale que madame Germain ait la cérémonie qu’elle mérite (

Eugénie boit du petit lait)

DENIS / C'est-à-dire ?

CAROLE / Une église bien fleurie, nous fourniront les fleurs que madame aura

préalablement choisies. La messe jouée à l’orgue, c’est prévu dans le contrat, un minimum de

6 enfants de chœur.

DENIS / Et si je n’en trouve pas.

CAROLE / Vous recruterez, vous irez à la sortie de l’école.

DENIS / Ce n’est pas si simple vous savez.

CAROLE / Madame Germain doit en avoir pour son argent.

DENIS / Je ferai de mon mieux.

CAROLE / Si vous ne vous sentez pas à la hauteur, on peut demander à l’évêque de célébrer

à votre place.

EUGENIE / Oh oui, ça serait bien.

DENIS / Eugénie, là vous péchez par orgueil.

EUGENIE / Oui c’est vrai, Denis fera l’affaire.

DENIS / Ben, je vous remercie. Eugénie ? Je crois qu’il faut que nous parlions.

CAROLE / Je vous laisse, je vous laisse la facture, je passe voir madame « je me tâte » et je

repasse chercher le petit cheque. A bientôt (elle sort)

EUGENIE / A bientôt.

DENIS / Dites moi Eugénie, vous n’en faites pas un poil trop ?

EUGENIE / Si je le fais, c’est justement pour que les autres n’aient plus rien à faire lors de

ma mort. Vous devriez m’en féliciter, plutôt que d’essayer de me gronder.

DENIS / Je ne vous gronde pas, je m’interroge.

EUGENIE / Faites le en silence, j’ai mal au crane.

Arrivée de Pierre.

P IERRE/ Ah c’est vous monsieur le curé….c’est un défilé aujourd’hui !

DENIS / Oui, bonjour Pierre. Je suis passé prendre des nouvelles de madame Germain

PIERRE / Elle va très bien en tous cas, beaucoup mieux qu’hier.

DENIS / Il faut vous ménagez un peu Eugénie.

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Arrivée de Nicole.

NICOLE / Tu en as terminé avec le médecin maman ? Ah bonjour mon père.

DENIS / Ah vous avez vu également un médecin !

EUGENIE / Oui également, je consulte tout le monde en ce moment, c’est bien simple, je

consulte tellement que vous pourriez presque m’appeler docteur.

Retour de Myriam

MYRIAM - C’est bon, il a tout avalé. (Joyeuse)

NICOLE - Qu’est- ce que je vous avais dit !

DENIS - Bonjour Myriam.

MYRIAM - Ah bonjour, Denis. Belle journée, ah, je suis heureuse, j’ai envie d’aller

gambader dans les chemins, cueillir des petites fleurs, me rouler dans l’herbe douce.

DENIS - En décembre, ça va être difficile.

MYRIAM - Ah oui, peut être bien, mais je suis si gaie.

DENIS - Tant mieux, je ne t‘avais jamais vu comme ça.

NICOLE - C’est fou, ce qu’un bon mensonge peu vous simplifier la vie.

DENIS - Absolument pas, rien ne vaut la vérité.

MYRIAM - Ah non, pas toujours.

DENIS - Mais si, enfin, dites lui, vous Eugénie, vous qui ne mentez jamais.

PIERRE - Bip

DENIS - Pardon.

EUGENIE - Ne vous inquiétez pas Denis, c’est son coté spoutnik.

MYRIAM - Vous savez qu’il va passer par ici.

DENIS - Le spoutnik ?

MYRIAM - Mais non, Alex, mon ami.

EUGENIE - Tant mieux, je serai ravie de faire sa connaissance.

NICOLE - Moi aussi. Mais en attendant, on vous paie à ne rien faire, retournez donc faire le

ménage.

MYRIAM - J’y vais.

PIERRE - Ne faites pas en dessous des lits, on a fait tout ça hier avec Nicole.

NICOLE - Ça ne risque pas, elle ne le fait jamais.

MYRIAM - En 4 heures par semaine, je ne peux pas tout faire.

EUGENIE - Tu fais déjà beaucoup Myriam. Ne t’inquiètes pas et s’il y a trop de poussières

dans leur chambre c’est de leur faute à eux et pas la tienne, va plutôt repasser ma robe.

MYRIAM - Laquelle ?

EUGENIE - La rouge; c’est celle la que je mettrai.

MYRIAM - Quand ?

EUGENIE - Pour partir, quelle question !

DENIS - Du rouge. Vous n’allez tout de même pas vous mettre au rouge ?

EUGENIE - Eh si, pourquoi ?

DENIS - Mais, mais, c’est que ça ne se fait pas.

EUGENIE - Eh bien moi je le ferai, je ne veux pas passer inaperçue. Quand j’arriverai, je

veux que l’on me remarque.

MYRIAM - Très bien, j’y vais. Et les chaussures, je dois préparer des chaussures ?

EUGENIE - Ah ça, je ne sais pas. Dites Denis, il faut mettre des chaussures ?

DENIS - On peut, oui.

PIERRE - Mettez lui des bonnes chaussures, parce que si elle y va à pied. (Il rit)

MYRIAM - Très bien. (Elle va sortir) Ah oui, j’oubliais, si Alex arrive, vous m’appelez.

NICOLE - (agacée) Oui, mais dépêchez vous.

MYRIAM - Merci (elle sort joyeuse)

NICOLE - Bon, on va faire un petit tour en ville avec Pierre, on ne sera pas long. On peut

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vous laisser tous les deux ?

EUGENIE - Pas de problème

PIERRE - Et pas de bêtise (ils vont sortir) mais on va où au juste ?

NICOLE - Pas loin, il faut qu’on sache ce qui se prépare, ici. C’est tout de même chez nous.

PIERRE – Tu as raison. (Ils sortent)

EUGENIE - Alors Denis, vous avez trouvé autre chose à dire ?

DENIS - À dire à qui ?

EUGENIE - À tout le monde; à mon éloge.

DENIS - Ah ! Non. C’est au sujet de Myriam, je pense qu’il serait bon de le dire à vos

enfants, avant.

EUGENIE - Non, je veux leur en faire la surprise.

DENIS - Ah ça m’embête, j’ai l’impression d’être complice de votre mensonge, et ce n’est

pas dans mes principes.

EUGENIE - Mais nous ne mentons pas, on ne dit rien, c’est différent.

DENIS - Moi, j’appelle ça un mensonge par omission.

EUGENIE - Vous l’appelez comme vous voulez. Moi je vous dis qu’il n’y a pas de

mensonge là-dedans et puis comme disait un grand penseur « ma vérité commence là ou

s’arrête le mensonge des autres »

DENIS - Et c’est qui ce grand penseur ?

EUGENIE - Moi

DENIS - Evidemment, on est jamais si bien servi que par soi-même.

EUGENIE - Eh comment, si j’attendais après les autres, je serais toujours en train de …de…

d’attendre.

DENIS - Dites Eugénie, si on allait faire un petit tour dans votre chambre ?

EUGENIE - Eh bien Denis ! (Espiègle)

DENIS - Que diriez-vous, d’une petite confession ?

EUGENIE - Je n’ai rien à me faire pardonner.

DENIS - Ce n’est pas à vous à en juger. Et cet enterrement fastueux, ce n’est pas pêché

d’orgueil ?

EUGENIE / ça ne contera pas puisque je serai morte.

DENIS / Nous allons reparler de tout ça (Il lui prend la main) Allez venez, ça va nous

soulager tous les deux.

EUGENIE - Bon, c’est bien pour vous faire plaisir alors.

DENIS – Merci. (Ils sortent)

Entrée de Myriam avec un chiffon

MYRIAM - Ouf, il n’y a plus personne. Je vais pouvoir faire un peu de ménage par ici. (Elle

prend le vase et le frotte elle voit l’étiquette) Elisabeth, ah, elle donne des noms à ses vases

maintenant ! Je savais qu’elle était originale Eugénie, mais à ce point, je ne pensais vraiment

pas. (Elle prend l’autre objet) Nicole; ça se confirme. (Elle décroche le cadre) Myriam, ah

tiens comme moi, elle a appelé son cadre Myriam; oh c’est gentil; parce qu’il est beau ce

tableau, bien plus beau que le Nicole. (L’objet)

Entrée de Pierre

PIERRE - Ils ne sont plus là ?

MYRIAM - Quoi donc ? (Afférée à son ménage)

PIERRE - Eugénie et le curé.

MYRIAM - Non, pas vu.

PIERRE - Où sont- ils, je ne les ai pas vus sortir ?

MYRIAM - Sans doute dans la chambre d’Eugénie.

PIERRE - Et vous, que faites vous là ?

MYRIAM - La poussière, c’est bien pour ça que l’on me paie.

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PIERRE - Vous ne cassez rien !

MYRIAM - Non, j’ai astiqué Elisabeth.

PIERRE - Ah bon, quand ?

MYRIAM - Tout de suite. Mais rassurez-vous, très délicatement.

PIERRE - Elle est là aussi ? Pourtant, je ne l’ai pas vue arriver, c’est bien la peine de tout

surveiller.

MYRIAM - Pardon ?

PIERRE - Non, rien. Où est-elle; Elisabeth ?

MYRIAM - Il (rectifiant), et il est là. (Elle montre le vase)

PIERRE - C’est un vase ça, Myriam.

MYRIAM - Merci, je le sais. Ah vous ne saviez peut être pas qu’Eugénie donnait des

prénoms à ses objets favoris. (Elle lui tend le vase)

PIERRE - (il réalise) Ah, si bien sûr, mais j’avais oublié. Et le tableau vous savez comment

il s’appelle, le tableau ?

MYRIAM - Oui, Myriam, comme moi.

PIERRE - Drôle de coïncidence.

MYRIAM - Vous trouvez ?

PIERRE - Pas du tout, je ne trouve pas ça drôle du tout. Le vase s’appelle Elisabeth comme

ma belle sœur, ce truc Nicole, comme ma femme.

MYRIAM - Ah pour celui là vous aviez retenu !

PIERRE - Je ne risque pas d’oublier c’est le prénom de ma femme. Et le cadre s’appelle

Myriam, comme vous.

MYRIAM - Oui, c’est gentil, alors, elle me traite comme ses filles. (Émue)

PIERRE - Oui et vous ne savez vraiment pas pourquoi ?

MYRIAM - Je crois en avoir une petite idée.

PIERRE - Moi aussi.

MYRIAM - Bon, excusez moi, je dois aller faire les vitres de la cuisine. (Elle sort)

PIERRE - C’est ça, astiquez les vitres, vous y verrez plus clair.

Entrée de Nicole

NICOLE - Que fais tu Pierre?

PIERRE - J’ai essayé de tirer les verres du nez de ta sœur.

NICOLE - Tu as vu Elisabeth ?

PIERRE - Non Myriam.

NICOLE - Ce n’est pas ma sœur !

PIERRE - Hélas si, si ta mère l’a adoptée. Aux yeux de la loi c’est ta sœur.

NICOLE - Oui et bien elle ne doit pas avoir de bons yeux, la loi.

PIERRE - Tu lui achèteras des lunettes, mais en attendant; c’est comme ça et pas autrement.

Arrivée d’Elisabeth

ELISABETH - Ah bonjour, comment ça va ? (Bisous)

NICOLE - Pas très bien.

ELISABETH - Pourquoi, tu es souffrante ?

PIERRE - Non contrariée, parce que je lui parlais de sa sœur.

ELISABETH – Ah ben c’est sympa! Ça te contrarie quand on te parle de moi ?

NICOLE - Pas de toi, de l’autre, de notre autre sœur.

ELISABETH – Ah, maman a eu un autre enfant ?

NICOLE - Oui Myriam; Pierre nous en a parlé hier soir.

ELISABETH - Ah oui, c’est vrai, je n’en ai pas dormi de la nuit.

PIERRE - Match nul, nous non plus.

ELISABETH - Et qu’est-ce qu’on peut faire ?

PIERRE - Rien, c’est fait c’est fait, mal fait, mais fait quand même.

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ELISABETH - Pourquoi a-t-elle voulu un troisième enfant ?

PIERRE - Sans doute pour les allocs, ou la déduction fiscale, le troisième ça rapporte plus.

(Il rit)

NICOLE - Arrête Pierre, tu sais très bien que ce n’est pas pour ça.

PIERRE - Non, elle a adopté cette malheureuse Myriam qui était orpheline et donc en

manque de famille.

ELISABETH - Et d‘héritage.

NICOLE - De toute façon, la donation partage a déjà été faite, elle ne peut plus revenir

dessus.

ELISABETH - Tu en es absolument certaine ?

NICOLE - Enfin oui, je crois.

PIERRE - Oui; il n’y a que le reste qui sera partagé en 3.

ELISABETH - Oui; et comme il ne reste quasiment rien.

PIERRE - C’est ce que je croyais aussi.

NICOLE - Pourquoi, tu sais quelque chose d’autre, Pierre ?

PIERRE - Non rien du tout. (Pour changer de sujet) Franck n’est pas avec toi, Elisabeth ?

ELISABETH - Si, il m’attend dans la voiture.

NICOLE - Ah oui ! Tu ne veux toujours pas qu’il rencontre maman ?

ELISABETH - Non, je ne veux pas que maman le rencontre.

PIERRE - Il est pourtant charmant.

NICOLE - Eh bien Pierre qu’est ce qui te prend ?

PIERRE - Ah parce que je n’ai plus le droit de dire que je trouve un mec sympa,

maintenant.

NICOLE - Si, mais pas lui, il a des antécédents.

PIERRE - N’importe quoi. Bon si tu ne veux pas qu’il entre, moi je vais aller lui dire

bonjour dans la voiture.

ELISABETH - Voila, tu as raison.

NICOLE - Mais ça ne change rien.

ELISABETH - Mais si, ça change tout. Maman n’ira pas le voir, dans la voiture.

PIERRE - Eh oui. (Il sort)

NICOLE - Ça me fait quand même tout drôle.

ELISABETH - Que Pierre aille discuter avec Franck ?

NICOLE - Non, d’avoir une deuxième sœur.

ELISABETH - A moi aussi. Tu vois, autant avant, tant que maman n’a pas été ménopausée,

j’ai tendu le dos, et c’est maintenant que biologiquement on ne risquait plus rien que ça nous

tombe dessus.

NICOLE - Et ce qu’il y a de plus terrible c’est qu’on n’est pas censé le savoir.

ELISABETH - Remarque tant que l’on ne le sait pas, on fait comme si de rien n’était.

NICOLE - Tu as raison, pas de cadeau à Noël, pour l’instant ce n’est pas notre sœur.

ELISABETH - À choisir moi j’aurais préféré un frère.

NICOLE - Attends, on n’est peut être pas au bout de nos surprises. Elle a peut être adopté le

curé aussi.

ELISABETH - Non, tu ne voudrais pas.

NICOLE - Et pourquoi pas, la connaissant, elle en serait bien capable.

ELISABETH - Le père qui deviendrait son fils…, non, ce n’est pas possible.

Retour de Denis et Eugénie

DENIS - Merci beaucoup Eugénie.

ELISABETH - (à sa sœur) Il la remercie pour quoi ?

NICOLE - Pour tout ce qu’elle lui donne.

DENIS - Ça nous a fait du bien à tous les 2.

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EUGENIE - Oui, vous aviez raison, je me sens plus légère.

Les 2 sœurs se regardent et Eugénie voit sa fille

EUGENIE - Ah tu es là, Zabeth ?

ELISABETH - Depuis peu, bonjour maman. (Bisous)

EUGENIE - Tu es venue vérifier si je suis toujours vivante. Eh bien oui, ce n’est pas encore

pour aujourd’hui.

ELISABETH - Je ne suis pas pressée.

EUGENIE - Mais si comme tout le monde, n’est- ce pas Denis ?

DENIS - Ah non, pas moi.

EUGENIE - Eh bien vous êtes l’exception qui confirme la règle. Même moi je suis pressée,

tu n’as pas de honte à avoir.

ELISABETH - As-tu bien dormi, maman ?

EUGENIE - Comme une masse.

DENIS - C’est bien, c’est que toutes ces histoires ne vous perturbent pas trop.

ELISABETH - Avec ce qu’elle avait pris, elle ne pouvait que bien dormir.

DENIS - Vous aviez pris une tisane ou un médicament, Eugénie ? Oh, vous aviez bien fait.

EUGENIE - J’avais même pris les deux.

DENIS - Vous avez vu Eugénie, vos filles sont là.

EUGENIE - Oui, merci je ne suis pas aveugle

DENIS - Ce serait peut être le bon moment.

EUGENIE - Pour quoi faire ?

DENIS - Pour leur dire Eugénie.

ELISABETH - Tu as quelque chose de spécial à nous dire maman ?

Alors, dire, pas dire ?

Que va-t-il arriver à Eugénie, à sa famille ?

Pour le savoir vous allez devoir me contacter au [email protected]