file · Web viewleur place dans les écoles, collèges et lycées, rien...

4
Article issu du Monde.fr du 14/08/2016 Rentrée des classes : l’école en première ligne face à la menace terroriste LE MONDE | 24.08.2016 à 06h52 • Mis à jour le 24.08.2016 à 19h22 | Par Mattea Battaglia et Julia Pascual Qu’il semble loin, le temps où, face à la menace terroriste, le pays assurait ne pas vouloir céder à la peur, pourcontinuer à vivre « normalement ». Alors que 12 millions d’élèves s’apprêtent à revenir en classe, le 1 er septembre, même l’école, longtemps pensée comme un sanctuaire, semble assumer un changement de logique. Le gouvernement veut y voir éclore une « nouvelle culture de la sécurité ». C’est en tout cas le sens des« instructions » sur lesquelles les ministres de l’intérieur, de l’éducation nationale et de l’agriculture

Transcript of file · Web viewleur place dans les écoles, collèges et lycées, rien...

Article issu du Monde.fr du 14/08/2016Rentrée des classes : l’école en première ligne face à la menace terroristeLE MONDE | 24.08.2016 à 06h52 • Mis à jour le 24.08.2016 à 19h22 | Par Mattea Battaglia et Julia Pascual

Qu’il semble loin, le temps où, face à la menace terroriste, le pays assurait ne pas vouloir céder à la peur, pourcontinuer à vivre « normalement ». Alors que 12 millions d’élèves s’apprêtent à revenir en classe, le 1er septembre, même l’école, longtemps pensée comme un sanctuaire, semble assumer un changement de logique. Le gouvernement veut y voir éclore une « nouvelle culture de la sécurité ». C’est en tout cas le sens des« instructions » sur lesquelles les ministres de l’intérieur, de l’éducation nationale et de l’agriculture – dont dépendent les lycées agricoles – devaient communiquer, mercredi 24 août.Après un été meurtrier et à quelques jours de la rentrée, le gouvernement veut ainsi montrer sa mobilisation à l’endroit des familles et du monde éducatif. Ce dernier figure parmi les nombreuses cibles désignées par l’organisation Etat islamique (EI) depuis qu’en novembre 2015 la revue de propagande francophone de l’EI, Dar-Al-Islam, a lancé un appel à « combattre » et à « tuer » les professeurs. « La menace n’est ni plus forte ni moins forte,  fait-on valoir au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, elle reste tout simplement exceptionnelle. »

Niveau de vigilance relevéParmi les usages et règles qui devront, cette année, trouver leur place dans les écoles, collèges et lycées, rien de tout à fait neuf, en réalité. Les préconisations figurent dans une instruction du 29 juillet qui reprend, pour la plupart, des éléments déjà mentionnés dans quatre circulaires diffusées après les attentats du 13 novembre : contrôles accrus à l’entrée des établissements, attroupements limités devant les grilles, surveillance renforcée aux abords…Reste que le niveau de vigilance est bel et bien relevé. Ainsi, trois exercices de sécurité en milieu scolaire seront organisés annuellement, contre deux précédemment. L’un devra obligatoirement porter sur une simulation d’« attentat-intrusion ». On se souvient des critiques que cette initiative, organisée de façon un peu empirique l’an dernier – et sans caractère obligatoire – avait fait naître tant du côté des familles, inquiètes, que des enseignants, mal préparés.Le gouvernement veut éviter le sentiment d’isolement qu’ont pu faire remonter des chefs d’établissement et communique tous azimuts sur la « montée en puissance d’une collaboration » entre les ministères de l’éducation nationale et de l’intérieur. Deux univers qui ont plutôt pour habitude de se toiser. « Lors de l’année scolaire 2015-2016, il y a eu 3 000 sollicitations des référents sûreté du ministère de l’intérieur, soit six fois plus que l’année d’avant », souligne-t-on dans l’entourage des deux ministères. Cette montée en puissance correspond à l’actualisation des plans de mise en sûreté réalisée par l’écrasante majorité des établissements l’an dernier.

Cellules de criseMercredi, le gouvernement devait aussi saluer la mise en place, par une circulaire de décembre, de « cellules de crise » dans chaque académie, ainsi que de « référents sûreté » intégrés à ces cellules, qui seront des «  interlocuteurs privilégiés » des gendarmes et policiers.Dans un télégramme du 17 août, Bernard Cazeneuve a par ailleurs demandé aux préfets de réunir un « état-major de sécurité » dans chaque département avant la rentrée. Consacré à la sécurité des espaces scolaires, il mettra autour de la table les forces de sécurité intérieure et les personnels de l’éducation nationale.Dans un autre registre, le gouvernement s’est fixé comme objectif de former ou sensibiliser cette année 100 % des élèves de troisième (plus de 810 000 élèves) aux pratiques de premiers secours, contre 30 % sur l’année scolaire écoulée. En matière de communication politique, aussi, l’exercice s’annonce réussi. Mais la batterie de mesures mises en avant est-elle vraiment de nature à rassurer les équipes éducatives ?

« Il faut trouver le juste équilibre »« Il faut trouver le juste équilibre pour ne pas être dans le déni de la réalité, sans céder à la psychose »,  fait valoir Francette Popineau, du SNUipp-FSU, syndicat

majoritaire du primaire. C’est en classe, en travaillant sur le vivre-ensemble, que les enseignants ont, pour la plupart, le sentiment de pouvoir agir, pour contrecarrer l’émergence d’idées terroristes. « Après les événements dramatiques de l’été, l’anxiété des familles est forte, et nous sommes plutôt rassurés que le gouvernement la prenne en compte », réagit Liliana Moyano, présidente de la FCPE. Parmi les préoccupations fortes figure la sécurisation des « espaces vulnérables » dans les établissements : accès isolés, façades exposées, salles de classe en rez-de-chaussée, cour de récréation… « Parents et élèves les connaissent bien, leur avis doit être pris en compte », insiste Mme Moyano.Le gouvernement, lui, s’en remet sur ce point aux collectivités territoriales, propriétaires des établissements. Mais Najat Vallaud-Belkacem devait annoncer l’augmentation prévue cette année du fonds interministériel de prévention de la délinquance. Actuellement doté de 70 millions d’euros, il devrait être abondé de 50 millions d’euros supplémentaires dans le but spécifique d’aider les communes les plus en difficulté à réaliser des travaux de sécurisation.Le sujet est à l’évidence central. Il figure d’ailleurs parmi les 40 propositions formulées par la commission d’enquête parlementaire sur les attentats, début juillet. Les députés préconisaient en effet d’« engager une réflexion avec les collectivités territoriales sur la sécurisation des accès des équipements scolaires et de petite enfance actuels et futurs ».Sur le sujet, le dernier conseil de défense et de sécurité nationale réuni par le président de la République, le 17 août, a évoqué une rentrée « sous haute protection » et acté la substitution de patrouilles dites dynamiques ou mobiles aux patrouilles statiques des militaires de « Sentinelle » aux abords des établissements.Il y a en France, tout confondu, 77 000 établissements scolaires. « Pour assurer une garde statique permanente devant ces établissements scolaires, il faudrait que je mobilise 220 000 policiers et gendarmes, c’est-à-dire la quasi-totalité de mes effectifs », rappelait Bernard Cazeneuve en janvier devant la commission d’enquête parlementaire.

Julia Pascual  Journaliste au Monde Suivre Aller sur la page de ce journaliste

Mattea Battaglia Journaliste au Monde