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1 Histoire Médiévale La grande ambiguïté : Au fondement de la dialectique entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel dans l’occident Au temps des premiers appareils d’Etat : Opposer société avec Etat et sans Etat n’est pas assez précis pour parler du moyen-âge ; l’idée est de voir la présence des instruments de l’Etat, des instruments pas lesquels il existe, personnel administratif, la justice, la fiscalité, l’armée. Tous ces éléments par lesquels un Etat exerce son emprise on peut les appeler l’appareil d’Etat. Les premiers appareils d’Etat, les premiers signes de la présence d’une emprise des pouvoirs séculiers centralisés apparaissent au lendemain de l’an 100o et pendant les 3 siècles qui suivent, les Etats occidentaux se forment, c’est la période d’émergence des Etats. Une des spécificités de l’Occident est que l’apparition des Etats va de pair avec la formation d’un appareil d’Etat très particulier qu’est l’Eglise. Les relations entre l’Eglise et l’Etat en France n’existent plus et ce depuis la loi de séparation du 9 décembre 1905, cette loi de séparation qui a été prise dans la douleur. Il y a alors interdiction faite de privilégier une religion plutôt qu’une autre. Les hommes politiques n’ont pas à intervenir dans la vie religieuse de quelque religion que ce soit et les religieux n’ont pas à intervenir dans les affaires publiques. Ceci est une exception, encore aujourd’hui. Une des constantes que l’on retrouve partout sauf en France est que les liens existent toujours entre l’Etat et les institutions religieuses. Dans le monde chrétien il y a dans le concept de pouvoir une séparation indépassable entre ces deux notions, le religieux et le politique, qui n’est pas en soit évidente. Le monde islamique il L’Eglise et les pouvoirs séculiers en Italie et en France au temps des premiers

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Histoire Médiévale

La grande ambiguïté :Au fondement de la dialectique entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel

dans l’occident

Au temps des premiers appareils d’Etat : Opposer société avec Etat et sans Etat n’est pas assez précis pour parler du moyen-âge ; l’idée est de voir la présence des instruments de l’Etat, des instruments pas lesquels il existe, personnel administratif, la justice, la fiscalité, l’armée. Tous ces éléments par lesquels un Etat exerce son emprise on peut les appeler l’appareil d’Etat. Les premiers appareils d’Etat, les premiers signes de la présence d’une emprise des pouvoirs séculiers centralisés apparaissent au lendemain de l’an 100o et pendant les 3 siècles qui suivent, les Etats occidentaux se forment, c’est la période d’émergence des Etats. Une des spécificités de l’Occident est que l’apparition des Etats va de pair avec la formation d’un appareil d’Etat très particulier qu’est l’Eglise.

Les relations entre l’Eglise et l’Etat en France n’existent plus et ce depuis la loi de séparation du 9 décembre 1905, cette loi de séparation qui a été prise dans la douleur. Il y a alors interdiction faite de privilégier une religion plutôt qu’une autre. Les hommes politiques n’ont pas à intervenir dans la vie religieuse de quelque religion que ce soit et les religieux n’ont pas à intervenir dans les affaires publiques. Ceci est une exception, encore aujourd’hui. Une des constantes que l’on retrouve partout sauf en France est que les liens existent toujours entre l’Etat et les institutions religieuses.

Dans le monde chrétien il y a dans le concept de pouvoir une séparation indépassable entre ces deux notions, le religieux et le politique, qui n’est pas en soit évidente. Le monde islamique il existe un certain nombre de fonctions qui rassemblent des fonctions religieuses et des fonctions politiques et militaires. Cela pose des tensions, une des manières de résoudre ces tensions est le césaropapisme qui est le fait qu’un personnage tendanciellement gouverne les deux fonctions, mais comme il y a séparation il y aura toujours à faire à un autre pouvoir qui dominera. Deux possibilités au césaropapisme, il se trouve dominé d’un côté, soit par César, soit par le pape. Constantin Ier qui se convertit puis se faite protecteur de l’Eglise, il domine de la tête et des épaules la figure des papes, c’est un indicateur important pour un césaropape. On utilise le césaropapisme pour parler la situation dans les Eglises orientales, Eglise Grecque. On considère que l’empereur est une personne sacrée qui a l’ascendance sur le patriarche de Constantinople. Dans la période qui nous intéresse, le césaropapisme a pris la tendance inverse, le chef de l’Eglise de l’Occident, le Pape, va prétendre exercer un pouvoir supérieur à celui des chefs politiques. Notre période commence en 1050 avec la première prétention dans ce sens par les papes, ces prétentions sont exprimées par le fameux Grégoire VII (pape de 1073 à 1085) qui a donné son nom à la réforme grégorienne [cf. Texte n°10 : les Dictatus papae, qui affirme quelque chose qui est une nouveauté, la prise de pouvoir des papes

L’Eglise et les pouvoirs séculiers en Italie et en France au temps des premiers appareils d’Etat (v. 1050-v. 1350)

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sur les empereurs sur tous les pouvoirs séculiers]. L’histoire de l’Eglise pendant les trois siècles est l’histoire du projet théocratique de la papauté. Cette notion de théocratie ne prend sens que dans la dialectique politique/religieux. Les papes qui se sont succéder de 1050 au XIVème siècle ont tous essayé de mettre en œuvre un programme théocratique, ils ont prétendu dicter leur conduite, juger les politiques. Ils vont y arriver dans une certaine mesure, cela va avoir une conséquence très lourde pour l’histoire de l’Etat en occident. La suite de l’histoire politique de l’occident est marquée par une manière de penser le pouvoir qui est basée sur le rapport entre politique et religieux. L’augustinisme politique c’est un ensemble d’idées qui est tirée des écrits de Saint Augustin, l’un des pères de l’Eglise Latine qui a contribué de manière décisive à élaborer le dogme catholique. Il a réfléchit à cette question : comment répartir les rôles entre détenteurs du pouvoir politique et les institutions religieuses ? Il a répondu en disant que les objectifs de l’Etat ne peuvent être que l’instauration de la loi de dieu, le rapprochement entre la cité terrestre et la cité qui doit être son modèle, la cité céleste. L’idée de l’augustinisme politique va être puissamment réactivée pendant la période qui nous occupe, et cela va rester quelque chose de central jusqu’à la révolution française. La notion même de monarchie de droit divin dérive elle aussi de cette dialectique, et elle est le résultat de ces siècles de théocratie. A la fin de cette période la théocratie pontificale aura perdu la partie mais il en restera quelque chose, c’est la sacralisation de l’Etat. Les Etats vont reprendre leur autorité avec la sacralisation qu’ils auront prise à l’Eglise.

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La séparation : Réforme « grégorienne » et révolution pontificale

Il faut revenir sur les quelques passages des écritures dans lesquelles le Christ parle à propos de ce sujet, ce sont des textes du nouveau testament. Ces textes vont être sans cesse repris par les acteurs au fil des siècles pour justifier des prises de position très diverses. Ces préceptes évangéliques vont être en perpétuelle contradiction d’où ces certaines tensions. « Mon Royaume n’est pas de ce monde » est la parole du Christ rapportée dans le 4ème évangile (celui de Jean le plus jeune des apôtres) ; Royaume désignant toute juridiction séculière. Par cette phrase le Christ a refusé d’exercer les pouvoirs temporels et c’est une phrase qui monte très bien la distinction fondamentale entre les deux pouvoirs qui ne peuvent jamais être réunis en une seule personne. On ne pourra jamais dans l’histoire de l’Occident, quand on est un chef religieux représentant du Christ, prétendre exercer soit même le pouvoir politique. De même autre citation tirée de l’évangile selon Matthieu : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Là encore le pouvoir est scindé dès le départ, il sera hors de question pour ceux qui suivent le Christ de s’occuper de l’ordre politique.

D’autre part, il y a une deuxième catégorie de citations qui semblent aller non seulement dans le sens de la séparation entre les pouvoirs mais dans le sens d’une reconnaissance de la légitimité des pouvoirs politiques en place. Ils respecteront ces pouvoirs politiques, ils désapprouveront toute contestation de ces pouvoirs. Dans l’évangile selon Saint Jean en 19-11, le Christ dit à l’un de ses juges « tu n’aurais selon moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut » ; dans l’un des textes qui suivent les 4 évangiles et l’apocalypse de Jean, dans l’épitre romain de Saint Paul, Saint Paul dit « il n’y a d’autorité que par dieu, les autorités existantes ont été inventées par dieu ». Et donc, en déduit Paul, celui qui se révolte contre l’autorité séculière se révolte contre l’autorité de dieu et donc il doit être condamné.

Citations qui définissent les fonctions des hommes de dieu ; une tirée de Matthieu 16-18, il s’adresse à celui des apôtres qu’il considère comme le premier, Pierre : « je te donne les clés du royaume des cieux, tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux ». Les clés sont ce qui ouvre et qui ferme, ce qui revient à la thématique de lier/délier qui est un pouvoir, apparaît la notion de pouvoir ecclésiastique. Jean 21, lorsque le Christ dit à Pierre « fais paître les brebis », c’est une phrase que les papes de notre période vont appliquer en permanence pour faire appliquer le pouvoir suprême.

Lettre du Pape Gélase adressée par ce pape à l’empereur d’Orient. On est en 494 et ce pape se trouve depuis peu la principale autorité d’Occident tout type d’autorité confondue. Dans cette lettre Gélase formule une théorie équilibrée mais qui n’est pas dénuée d’ambiguïté, il s’adresse à l’empereur Anastase Ier en lui demandant de reconnaitre qu’il y a deux sphères qui sont indépendantes l’une de l’autre. Dans chacune de ces deux sphères l’une et l’autre des autorités doivent être souveraines, il ne doit pas y avoir d’ingérence. Le principe de la séparation des deux sphères est posé et l’ambiguïté est posée à la hiérarchie de ces deux sphères. En lisant la lettre il est évident que le pape accorde une dignité supérieure au détenteur du pouvoir spirituel. L’autre point est qu’il y a une distinction terminologique faite dans cette lettre entre le pouvoir de l’empereur et le pouvoir du pape. L’empereur selon Gélase exerce la potestas, alors que le pape et les chefs religieux

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en général exercent une auctoritas. Au cours du haut moyen-âge, la question est résolue très clairement par la prise d’ascendant des empereurs en occident. L’exemple le plus clair est la situation qui prévaut à l’âge d’or de l’empire carolingien, il y a un régime de relation entre les églises, domination très nette de l’empereur. La réforme grégorienne va renverser cette situation.

Charlemagne et ses successeurs sont conçus par les clercs eux-mêmes comme les protecteurs et les chefs de la chrétienté, les charges ecclésiastiques sont de gros enjeux politiques. Le résultat de cette situation est que les souverains carolingiens attribuent les charges ecclésiastiques, ils choisissent qui devient évêque, abbé, et cela ne scandalise personne. Cela leur permettait d’éviter la patrimonisation des pouvoirs. Les conciles nombreux au temps carolingien, qui émettent les documents capitulaires c’est-à-dire des normes en matière religieuse, sont convoqués par l’empereur ou par le roi à l’échelle locale. Le fait qu’un empereur ou un roi convoque un concile est quelque chose qui devient inimaginable après la réforme grégorienne alors que ça ne dérangeait pas avant. Les clercs ont une très grande influence sur les carolingiens, ils développent une idéologie de la ministérialité royale. La ministérialité est avant tout un outil religieux. Les clercs carolingiens élaborent une idéologie selon laquelle l’essence de la fonction impériale c’est de servir le salut commun, de servir dieu. Ces clercs sont à la fois soumis à l’autorité impériale mais en même temps dans le discours ils justifient le pouvoir laïc par ses bienfaits spirituels, ils fixent pour cet Etat un objectif religieux qui est le salut commun.

A partir du règne de Louis le Pieux alors que les difficultés politiques s’accumulaient, les ecclésiastiques vont prendre de plus en plus de pouvoir. Et peu à peu ils vont promouvoir l’idée que cette ministérialité royale induit que les ecclésiastiques doivent exercer un ascendant particulier, ce qu’ils vont réussir à faire en certaines mesures à partir de la réforme grégorienne. C’est au temps des carolingiens que le sacre devient la norme. Cela fonde que le roi exerce son pouvoir pour un objectif final qu’est le service religieux au sein de l’humanité. C’est l’alliance du trône et de l’hôtel, le fait que les deux pouvoirs se soutiennent mutuellement au-delà de leurs distorsions constantes. Lorsque le monde carolingien explose en 888, il y a les rois issus de dynasties de noblesse locale qui prennent le pouvoir dans la plupart des régions d’Europe occidentale. Après cette dissolution la situation change relativement peu entre 888 et la réforme grégorienne. Dans l’empire germanique qui a été restauré c’est le système carolingien qui prévaut ; cela implique que le pouvoir impérial repose sur le droit de nommer les prélats. Dans le reste de l’occident les pouvoirs sont plus éclatés mais à toutes les échelles, y compris à l’échelle locale il y a une interdépendance étroite entre autorité politique et autorité religieuse. C’est le début de la construction des paroisses ; ce sont les seigneurs qui payent la construction du bâtiment ecclésial et qui donnent un terre ou deux à des paysans, et dont le revenu va nourrir le curé. En contrepartie, ils vont exiger le droit de désigner le curé (droit de patronage) d’années en années. A tous les niveaux de la hiérarchie ecclésiastique, les laïcs pèsent lourdement dans le choix des titulaires ; et ces titulaires sont recrutés dans la noblesse, les nominations sont toujours le fruit de négociations.

On est encore et toujours dans une situation où l’Eglise est décentralisée, il n’y a pas d’autorité centrale dans l’Eglise, les papes n’ont pas de pouvoir effectif dans l’Eglise, ils n’ont le pouvoir supérieur qu’à Rome et une dignité supérieure qui n’est que symbolique. La principale autorité religieuse au Xème siècle n’est pas l’autorité pontificale, mais l’abbé de Cluny.

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La grande réforme du XIème siècle : les prétentions ecclésiastiques à l’indépendance et à la domination

Les premiers papes réformateurs sont des gens fortement influencés par Cluny. Les empereurs dans un certain temps vont approuver la réforme car elle se présente comme une fidélité à l’évangile dans l’enseignement du Christ. Mais dès la deuxième moitié du XIème siècle les empereurs vont être confrontés au fait que l’influence ecclésiastique va s’accompagner pour eux d’une perte considérable. Le premier pape réformateur est Léon IX (pape de 1049 à 1054). La période de la réforme grégorienne se clôt au moment où l’empereur germanique reconnait l’autonomie de l’investiture des évêques par le Pape lors d’un Concordat passé à Worms en 1122. L’onde réformatrice va être beaucoup plus longue. Trois points qui caractérisent cette grande réforme du XIème siècle. Le premier est la révolution pontificale au terme de laquelle l’évêque de Rome prend le pouvoir de l’Eglise et s’affirme comme un monarque c’est-à-dire comme la seule et unique autorité sur toute la chrétienté. Le deuxième point est une révolution cléricale, c’est là tout particulièrement que la séparation va être le plus vivement ressentie ; c’est le fait que désormais on va séparer très rigoureusement l’Etat laïc de l’Etat clérical, on va réserver l’administration des sacrements aux clercs, on va leur imposer un style de vie différent des laïcs qui leur interdit l’activité sexuelle. Cette maitrise de la sexualité individuelle devient le marqueur de l’appartenance à une société différente des laïcs, une société étanche, cléricale. Le troisième point qui dérive du précédent est la promotion des libertés ecclésiastiques, c’est-à-dire toute une série de privilèges, d’exemptions qui d’abord marquent la séparation avec le monde laïc.

Le premier aspect de cette révolution pontificale est l’indépendance de l’élection pontificale, c’est en 1059, un pape réformateur, Nicolas II promulgue un décret qui constitue en lui-même une véritable révolution, il modifie radicalement la façon dont les papes sont élus. Jusque-là on entendant l’élection comme choix. Nicolas II réserve cette élection aux cardinaux et aux seuls cardinaux évêques, il formalise et restreint au maximum le corps électoral. Plus aucune intervention laïque est tolérée et surtout pas celle de l’empereur. Pour être sûr que cette influence laïque, on va limiter les ecclésiastiques aux cardinaux évêques.

Jusqu’au pontificat de Léon IX (1049), les évêques de Rome n’exerçaient aucun pouvoir en dehors de leur diocèse, c’est-à-dire Rome et le pays environnant. Ils avaient un prestige particulier mais ils n’étaient même pas considérés comme les dignitaires les plus prestigieux des églises chrétiennes. Il y avait d’autres dignitaires aussi prestigieux qu’eux que l’on appelle les patriarches, il s’agissait essentiellement de dignitaire d’Orient. Il s’agissait du patriarche de Constantinople, il y avait aussi en Occident des primats supérieurs aux autres archevêques. Jusqu’à la réforme grégorienne on considérait que la vraie autorité divine était le concile, le patriarche. Texte édité par Grégoire VII (page 18) : les dictatus papae, édité en 1075 ; on y trouve en particulier le programme qui concerne la suprématie pontificale. Le texte répète à plusieurs reprises le mot « seul », ce qui renvoi à la nature monarchique que l’Eglise est en train de prendre (monarque = celui qui gouverne seul). Ce n’est rien de moins qu’une prise de monopole de la catholicité (catholique en grec = universel). Le fait d’être catholique = adhérer à la seule fois qui soit vraie, la seule qui soit universelle. Aucun des autres dignitaires reconnus jusque-là dans le monde chrétien ne peut partager une telle autorité. Une des conséquences de cette revendication du pouvoir absolue est la rupture avec l’Eglise grecque (1054), à cette date les envoyés de l’évêque de Rome à Constantinople ont excommunié le

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patriarche de Constantinople qui s’appelait Michel de Néophyte ; cette excommunication suppose que le pouvoir du pape est supérieur à celui du patriarche. La controverse entre chrétiens d’Orient et chrétiens latins est très vieille, elle date de l’antiquité tardive elle a connu des épisodes sous Charlemagne, il y a eu des différences en ce qui concerne le dogme, la nature du Christ, conflits sur les images, différents sur l’organisation interne du clergé à propos du célibat. Le résultat est une rupture sur laquelle on n’est pas encore revenue aujourd’hui. On revient sur le principe 26 : pour avoir la vraie foi universelle il faut reconnaitre la supériorité de l’Eglise romaine. Les points 10 et 11 disent que le Pape est le seul dignitaire chrétien donc la supériorité doit être reconnue partout. Série de dictatus papae qui impose une supériorité à l’égard des évêques qui étaient considérés jusque-là comme ses égaux. Le pape n’est plus un évêque comme les autres hors jusque-là les évêques tenaient leur pouvoir, et le tienne encore, de la succession apostolique. Désormais l’héritier de l’apôtre Pierre a une supériorité sur tous les autres, il est le seul qui peut déposer ou absoudre les autres évêques (point 3). Quatrième point martèle que le légat du pape, dans un concile, est supérieur à tous les évêques, quand bien même ce légat n’a pas reçu une ordination épiscopale lui-même, et il peut même déposer les évêques. La réforme grégorienne va se caractériser par la circulation dans toute la chrétienté de légats, permettant au pape d’agir dans plusieurs régions de la chrétienté en même temps et donc d’imposer sa suprématie. Ces nouvelles mesures tendent à transformer le réseau des évêchés en un réseau de pouvoir au service d’un centre, la curie pontificale. On voit aussi affirmé un monopole du Pape sur les deux activités qui caractérisent le gouvernement : la législation et l’activité judiciaire. Les papes revendiquent le gouvernement supérieur c’est à dire le monopole des lois et l’exercice de la justice en dernière instance. Le pape peut modifier le réseau administratif (diviser des évêchés, etc..). Le point 17 dit qu’aucun texte canonique n’existe en dehors de l’autorité du pape, pape prétend absorber toute la puissance administrative et de manière rétrospective. Les points 18 et 19 peuvent être considérés comme les expressions les plus abouties de ce qu’est le pouvoir absolu puisque ces deux principes disent que la sentence du pape ne peut être remise en cause par personne. Dans le même temps, le pape a la capacité en revanche de modifier toute décision de justice prise par un homme tel qu’il soit ; aussi il ne peut être jugé par personne. Au terme de notre période, l’absolutisme va être revendiqué par des princes séculiers, et cet absolutisme trouve ces sources dans la réforme grégorienne. Le programme théocratique est énoncé dans les dictatus papae selon lequel leur pouvoir est supérieur à celui des princes. Le point 12 dit que le pape peut déposer les empereurs. Les partisans de l’empereur vont contester cette décision et dire que ce sont les empereurs qui ont le droit de déposer les papes. Cela entre dans le cadre de la querelle du Sacerdoce et de l’Empire qui est la conséquence directe de la révolution pontificale.

La prise d’indépendance des ecclésiastiques dans l’élection du Pape. L’aristocratie romaine passe son temps à se chamailler, au sein de laquelle il y a concurrence entre les grandes familles. LA troisième partie est le clergé de Rome. Nicolas II a été élu dans la discorde, situation de schisme. Il prend une décision radicale qui consiste à restreindre le collège des électeurs du pape, il le restreint non seulement aux cardinaux mais pas à tous les cardinaux, seulement aux cardinaux évêques. L’idée est de limiter au maximum l’ingérence des laïcs. Même avec la restriction des cardinaux les ingérences vont se poursuivre dans une certaine mesure mais elles vont se limiter. Désormais, on ne pourra plus voir des laïcs voter eux-mêmes.

Le second point concerne la révolution cléricale. Jusqu’à la réforme, on considérait que la différence entre les hommes qui faisaient le salut de l’humanité et les autres était la même chose

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que la différence entre les moines et le reste de la population, la vraie séparation religieuse passait entre ces deux groupes et le point de partage était la chasteté. Comme dans l’Eglise d’Orient, les clercs séculiers, prêtres ou non, avaient un style de vie qui n’était pas clairement différencié de celui des laïcs. Le grand combat des réformateurs grégoriens est de déplacer le curseur, la ligne de partage ; désormais le partage est entre clercs et laïcs. On va exiger de tous les clercs une différenciation très forte qui n’existait pas avant la réforme grégorienne. Les clercs désormais doivent suivre des règles de pureté de vie, par exemple l’abandon de toute activité guerrière de la part des clercs (page 25 texte 17). Le deuxième élément a attrait au sexe, c’est l’aspect qui va être le plus difficile à imposer. Quand les clercs vivent en concubinage, etc., ils ont une attitude de nicolaïsme qui est le fait pour un clerc d’avoir une vie sexuelle, ce qui devient quelque chose de tout à fait illégal.

Page 21 : lettre du pape Grégoire VII qui écrit à l’évêque de Paris et qui se comporte avec lui comme un supérieur hiérarchique. Grégoire VII donne des instructions à l’évêque de Paris et lui donne des mesures contraignantes au nom de l’autorité du pape. S’ils ne s’y conforme pas, le pape leur interdit de lire la messe, et si les prêtres résistent les évêques doivent interdire au peuple d’aller assister à leurs offices. Il va être très difficile de faire admettre à la population que le sacre d’un prêtre est valable quel que soit son comportement personnel. [Texte 16 page 23] Tous les clercs sont interdits de mariage, même ceux qui n’ont pas encore reçu la prêtrise.

Le troisième aspect est la lutte contre la simonie qui est un sacrilège, cela consiste à utiliser l’argent en matière religieuse, cela peut consister à obtenir une charge ecclésiastique en payant ceux qui sont capable de vous la faire obtenir, l’achat par le titulaire de sa charge était quelque chose de courant. La prise d’indépendance de l’Eglise applique que ce type de pratique soit tout à faire interdit. D’autre part, l’autre cas possible de Simonie, moins courant, est le fait pour un prêtre de faire payer pour un sacrement. Volonté de séparer le statut de clerc du statut de laïc a des conséquences très fortes sur la société.

Troisième point : Les libertés ecclésiastiques sont des privilèges pour les hommes de dieu. Le premier est de contrôle en interne les charges ecclésiastiques. A tous les échelons de la hiérarchie, l’Eglise revendique le droit d’investiture, c’est-à-dire le fait d’investir un candidat de la charge ecclésiastique, ce qui met sens dessus-dessous les systèmes politiques antérieurs, en particulier en empire. Dans les royaumes les souverains contrôlés les accès aux principales charges ecclésiastiques. LA querelle des investitures qui correspond à une première phase de la querelle du Sacerdoce et de l’Empire, la querelle des investitures va être réglée à la fin du XIIème siècle. Elle oppose les empereurs aux papes, cela donne lieu à une véritable guerre. A l’échelle locale le seigneur local avait une voix prépondérante, ces ancêtres avaient fondé l’église. Le seigneur local était le patron de l’église, il réclamait le droit de patronage, il voulait garder le droit de choisir le curé. Désormais, l’Eglise va imposer des intermédiaires ecclésiastiques, le patronage ne va plus être interdit mais limité, l’avis du seigneur local devra être approuvé par l’évêque.

Une autre liberté importante est l’exemption fiscale. La papauté va exiger que les clercs soient dispensés de toute contribution financière. Dans les villes d’Italie du Nord il va y avoir des problèmes car ce sont des cités-Etat, le pouvoir est collégial, et ces villes acceptent beaucoup moins facilement d’exempter les églises locales de toute fiscalité. Beaucoup de villes, de consulats vont taxer de force

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les églises en réaction, ce qui va leur valoir au long du XIIème siècle et au début du XIIIème siècle des anathèmes du pape.

Troisième liberté ecclésiastique : présence des justices d’églises séparées. Juridiction ecclésiastiques distinctes des juridictions laïques. Maintenant il y a les tribunaux d’Eglises qui vont avoir le monopole du jugement des clercs (valable jusqu’à la révolution française). Tous ces clercs dont le style de vie les différencie des autres forment une société à part. Très souvent les papes ou les évêques vont émettre des sentences d’excommunications les laïcs qui auront mené en justice des clercs. La deuxième fonction de ces tribunaux est de juger toutes les affaires spirituelles. Toutes les affaires dans l’Eglise considèrent qu’elles touchent à la foi, il s’agit de question de la vie quotidienne comme le mariage. L’Eglise entre en discordance, elle perturbe la logique économique et matérielle du mariage en en faisant un sacrement. Cette juridiction spirituelle porte aussi sur l’usure c’est-à-dire tous les prêts à intérêt ; l’usure est un crime spirituel. La dernière liberté ecclésiastique est la sorte d’immunité accordée aux clercs, c’est un sacrilège de lever la main sur un clerc. Pour Grégoire VII, un prêtre désormais détient une autorité supérieure au plus supérieur des laïcs, il dit qu’il y a une autorité supérieure du côté du prêtre. Il dit que la fonction de médiateur entre les hommes et les dieux qui est celle de ce prêtre lui donne une supériorité y compris face aux puissants les plus prestigieux comme l’empereur. Désormais il va y avoir un pouvoir spécifique très fort dans la société exercé par les clercs, une sorte de cléricalisme.

La notion d’appareil d’Etat, c’est-à-dire l’ensemble des moyens matériels par lesquels un pouvoir centralisé s’exerce sur un espace large. L’existence d’un Etat implique que des pouvoirs publics s’exercent sur un territoire vaste à partir d’un centre. L’Etat par définition est dans une certaine mesure centralisé. L’Eglise, à partir de la réforme grégorienne va très vite se transformer en appareil d’Etat. Cela dessine un système dans lequel il y a une institution centrale qui est la curie (la cours du pape) et puis des institutions déléguées qui mettent en œuvre, loin de la curie, le gouvernement pontifical. Le seul Etat qui soit aussi précoce est l’Angleterre. Par rapport aux autres régions le gouvernement de l’Eglise est très en avance. L’un des évènements décisifs pour le succès de l’église pontificale, l’église avait une justification très puissante que le pouvoir séculier n’avait pas. Par comparaison, les rois ou les princes avaient beaucoup plus de mal à justifier leur pouvoir qui au départ ne s’exercer que par la force. Le moment où les Etat séculiers s’affirmer, avec un décalage chronologique, c’est le moment ou cette justification religieuse, les rois et les princes vont la reprendre à leur compte.

Les limites géographiques sont trois entités géographiques : Chrétienté latine, l’Italie, le royaume de France. La Chrétienté est le territoire que la papauté prétend gouverner. Cet Etat de la chrétienté va s’élargir durant notre période, au sud-ouest avec la reconquête progressive de la péninsule ibérique des princes chrétiens, au sud-est en terres saintes, au nord-ouest. Tout cela va être fait sous la direction de la papauté, en particulier ce sont les papes qui prennent la direction de la croisade.

L’ensemble chrétienté est le seul ensemble où l’on peut développer les appareils d’Etats. Cet espace est pensé par les papes comme homogènes, tout en formant une mosaïque, homogénéité qui se traduit par une commune obéissance à l’Eglise romaine. Trois espaces d’expansions : au nord-est sur les marges du monde slaves, l’évangélisation continue, le monde slave est encore païens ;

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jusqu’au XIVème siècle, le territoire d’évangélisation le plus actif correspond au territoire de la Pologne (L’ordre des chevaliers teutoniques construisent une Etat théocratique sur le territoire de l’actuelle Pologne). Le deuxième lieu est la péninsule ibérique où pendant les trois siècles que nous considérons se développe la Reconquista, c’est-à-dire la guerre des reconquêtes contre l’entité politique arabo-berbère. Les chrétiens progressent lentement vers le sud et cette reconquête se fait sous l’égide de la papauté qui lui donne l’aspect de croisade. L’histoire de la conquête, puis de la défense et enfin de la perte de la Terre sainte correspond à la problématique de notre période ; la croisade est quelque chose inventé par la papauté réformée, les papes se pensent potentiellement comme les souverains du monde dans son ensemble, qui correspond à l’épisode de la pentecôte. La papauté conçoit cette mission désormais de manière littérale, et en attendant de conquérir les terres le plus lointaines, la papauté se tourne vers la Terre sainte. Urbain II (successeur de Grégoire VII) particulièrement prêche la croisade pour la première fois au concile de Clermont en 1095, cette entreprise menait à bien par des laïcs restent sous l’autorité suprême des papes, et est couronnée de succès puisque dès 1099 Jérusalem est prise, c’est le début des Etats latins. Après la fin du XIIIème siècle, la croisade reste très présente dans l’imaginaire des chrétiens du monde latin et la papauté va considérer que la conquête des lieux saints est sa mission la plus importante.

Les deux espaces sont l’Italie et la France car ils présentent des situations contrastées, les institutions politiques dans chacun des deux espaces sont très différentes. Cela implique d’avoir quelques notions générales de la chronologie de l’histoire politique dans ces deux espaces. L’Italie n’est pas unifiée à l’époque qui nous intéresse, il y a trois entités politiques et elles-mêmes sont forts différentes les unes des autres. En Italie du Nord il y a un vieux royaume d’origine carolingienne que l’on appelle le royaume de Pavie et il appartient à l’empereur, c’est une espace qui correspond à un pouvoir de type théocratique, se développe le pouvoir urbain qui est celui des cités, celui des souverains, c’est le pouvoir des cités-Etats. Elles ont des régimes politiques que l’on appelle des communes, des régimes communaux. Ces cités sont gouvernées par une bonne partie de leurs habitants, par les strates sociales urbaines les plus aisées, c’est-à-dire l’aristocratie et la bourgeoisie urbaine ; les dirigeants sont élus, on les appelle les consuls, et à partir du XIIIème siècle il y a le pouvoir des podestats (qui ne reste en place que 6 mois ou un an, la papauté désapprouve ces systèmes). L’Italie du sud constitue un royaume de Sicile qui comprend non seulement la Sicile mais aussi l’Italie continentale à partir de la Campagnie. Elle est en train d’être reconquise aux sarrasins. Certaines familles normandes sont allées conquérir ce royaume de Sicile (= royaume de Naples). Dans ce royaume des deux Sicile il n’y a pas de communes urbaines comme c’est le cas en Italie du Nord. L’histoire d’Italie du sud voit se succéder plusieurs dynasties qui viennent toutes de l’étranger. D’abord les normands, puis par le jeu des alliances à la fin du XIIème siècle, la Normandie se voit dans les mains de la famille des Hohenstaufen et cette situation est très inconfortable pour la papauté qui se trouve entre les deux royaumes. Les papes sont aussi des souverains temporels, ils ont perdu beaucoup de temps après la chute des carolingiens. Ils revendiquent la possession de tout le territoire d’Italie centrale, le Latium, la Tuscie, l’Ombrie, les Abruzzes. Dans cet espace Italien qui est triparti va se développer au XIème, XIIème et XIIIème siècle la querelle du Sacerdoce et de l’Empire avec beaucoup de guerres dont l’enjeu sera la domination sur l’Italie. Il y a une ambition géopolitique qui se comporte comme une véritable puissance, jeu entre les villes, les empereurs qui cherchent à soumettre les villes, à reprendre pied en Italie, et les papes qui cherchent à évincer les empereurs. Quant aux Etats pontificaux ils vont se constituer comme un véritable laboratoire de lé théocratie.

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La France offre un tableau plus simple, c’est une monarchie. L’ensemble du territoire de l’ancienne Francie occidentale est divisée entre plusieurs dominations effectives. La royauté est passée une nouvelle dynastie, la dynastie capétienne, mais les ducs et les comtes dominent et ces grands féodaux sont indépendants au début de notre période. Les trois siècles que l’on envisage sont des siècles de construction de la royauté, du pouvoir effectif des capétiens. Ce développement de la royauté sacrée en France va se faire avec le soutien de l’Eglise ne serait-ce que par le biais du sacre, mais à partir de la fin du XIIIème siècle il va surtout se faire en concurrence avec l’Eglise.

On peut définir trois mouvements au cours de la période :

- Première période : le choc grégorien, c’est la période des débuts de la réforme qui commence en 1049 et on peut considérer que cette période se termine en 1123 (date du premier concile du Latran donc l’objectif est d’entériner le concordat de Worms : règlement de la querelle des investitures). On peut considérer que la période grégorienne au sens strict se termine. Quelques dates importantes :

• Pénitence de Canossa : l’empereur Henri IV doit s’humilier devant Grégoire VII.• Excommunication de Philippe Ier par un concile car il ne respecte pas les nouveaux

impératifs religieux en matière matrimoniale. • 1099 : prise de Jérusalem, triomphe de la papauté dans l’expansion de la

chrétienté. • Création des ordres militaires, dans lesquels les moines sont aussi des guerriers.

Cette conciliation de choses inconciliables est assez emblématique dans le projet interne de la papauté.

- Deuxième période : 1123 – 1274 (date du deuxième concile de Lyon). On considère souvent que cela situe l’apogée de la théocratique, de la domination pontificale. Cette période centrale est la période du rêve théocratique.

• Pontificat d’Alexandre III et d’Innocent III dans les 3 derniers quarts du XIIème siècle.

• Frédéric II réunit dans sa puissance l’Empire avec le royaume d’Italie et le royaume de Sicile, et qui prend en tenaille les Etats pontificaux, la guerre reprend à ce moment-là. La papauté va se trouver dans de mauvaises postures à de nombreuses reprises et va triompher grâce à un allier qui est Charles d’Anjou qui a battu en 1266 et 1268, Manfred à Bénévent et deux ans plus tard, le petit fils de Frédéric II, Conradin qui descend de Germanie et qui est battu à la bataille de Tagliacozzo. A partir de ce moment-là commence la monarchie Angevine de Sicile. La papauté n’a plus d’adversaires aussi menaçants que l’étaient les empereurs.

• Après cela papes convaincus qu’ils vont réussir à dominer toute la chrétienté. Mais ce qu’ils n’ont pas prévu est que les Etats séculiers sont en train de rentrer dans une phase spéciale de formation où ils se mettent à concurrencer puis à évincer les pouvoirs ecclésiastiques.

- La troisième période voit le triomphe des Etats séculiers qui impose des limites à l’universalité pontificale. Les papes considèrent qu’en ce qui concerne toutes les matières spirituelles ils peuvent interdire partout comme bon leur semble indépendamment des frontières. Et cela est remis en cause à partir des années 1270. Les familles nobles lèguent

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à l’Eglise est leur supérieur était le pape ce qui lui permettait d’avoir des biens temporels. Mais les pouvoirs politiques ne tolèrent plus cette situation. Campagne systématique pour contester les droits ecclésiastiques, pour contester le droit des évêques à juger en haute justice.

• Conflit le plus marquant = celui qui oppose Philippe le Bel à Boniface VIII dans les années 1301-1303 avec l’attentant d’Anagni.

• Date finale des croisades, dernières place forte des chrétiens est perdue, la ville de Saint Jean d’Acre en 1291. La fin de la croisade est aussi dans un sens la fin de la domination pontificale.

• 1309 : Clément V installe le siège apostolique en Avignon en répondant à une demande Philipe le Bel. La papauté va rester jusqu’en 1378 non sans continuer à mener une politique italienne et même des guerres italiennes. A partir de cette période plus jamais les papes prétendront déposer les souverains et c’est bien le signe que la théocratie se termine.

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Premier chapitre :

L’essor et le triomphe de la monarchie pontificale dans l’Eglise : XIIème & XIIIème siècles

Quatre temps vont être développés, on va partir des considérations théologiques mais aussi des considérations ecclésiologiques qui en découlent. On va d’abord souligner deux notions importantes, celle de la plénitude du pouvoir des papes par opposition à la part de sollicitude des évêques. Le deuxième point va concerner la création d’un droit canonique qui marqué profondément cette période et qui l’œuvre de la papauté. Le troisième point : contrôle de la hiérarchie et des Eglises locales, c’est-à-dire à la fois du personnel ecclésiastique mais aussi des communautés dans leur ensemble ; on va voir comment concrètement les principes ecclésiologiques et le droit pontifical sont mis en place pour un gouvernement effectif. Quatrième point : comment la création de ces institutions nouvelles a pour conséquence la nomination de ce que l’on peut appeler le cléricalisme c’est-à-dire une domination sociale, dans la plupart des aspects de la vie quotidienne une domination des clercs sur les laïcs avec la place importante du clergé qui perdure jusqu’à la révolution française.

I. « Plénitude de pouvoir » et « part de sollicitude ».

Ce sont deux concepts ecclésiologiques (= science de l’organisation de la société selon les principes chrétiens). L’organisation des hommes devient l’organisation de l’Eglise. Pour un chrétien, l’Eglise c’est l’ensemble des chrétiens c’est-à-dire l’ensemble des hommes. La papauté développe une ecclésiologie ce qui n’est pas clair. Toute l’œuvre des successeurs de Grégoire VII consiste à essayer de démontrer la nécessité, la légitimité d’une ecclésiologie, c’est-à-dire une organisation interne de l’institution ecclésiastique qui fait du pape le monarque unique, le souverain suprême. Tout le travail des papes va être de développer de nouveaux courants d’interprétation. Les papes vont choisir de ne plus se revendiquer exclusivement successeur de Pierre, ils vont se dire vicaire de Pierre jusqu’à Innocent III. A partir d’Innocent III ils vont abandonner cette titulature et vont se dire vicaire du christ, ce qui n’est pas une expression nouvelle, mais désormais la papauté se réserve l’usage de cette terminologie. A partir du moment où les papes sont vicaires du christ, toute une série de conséquences peuvent en découler et en particulier ils deviennent les seuls à exprimer le point de vue du christ, ce qui fonde un pouvoir absolu et va de pair avec les dictatus papae. L’évolution conceptuelle décisive pour créer un nouveau régime de relation entre le pape et les prélats va être une distinction nouvelle entre d’une part le pouvoir d’ordre et d’autre part le pouvoir de juridiction, travail achevé par Innocent III. Jusque-là tout évêque tenait son autorité de la succession apostolique et tout évêque était censé exercer les pouvoirs donnés lors de la pentecôte. Désormais la papauté distingue deux aspects, cela permet de contourner la difficulté d’interprétation des évangiles. D’une part, dit Innocent III, il y a ce qu’il appelle le pouvoir d’ordre (= pouvoir spécifiquement religieux, celui de faire les sacrements), en premier le pouvoir de faire l’eucharistie. Désormais ce pouvoir là est séparé du pouvoir de gouverner autrement dit du pouvoir de contraindre si nécessaire, ce pouvoir-là la papauté en fait un pouvoir de juridiction, il n’est pas évoqué dans les évangiles ; elle pense ce pouvoir en terme de droit et dans ce domaine-là rien ne s’oppose à ce qu’il y ait une hiérarchie. L’évolution qui voit le pouvoir épiscopal se scinder en deux parties elle va se traduire dans les faits par un changement des titulatures, des titres dont les évêques peuvent se prévaloir. A partir du XIIIème siècle, les évêques se disent non plus seulement évêque par la grâce de

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dieu mais aussi par la grâce du siège apostolique. La papauté justifie l’entrée dans sa dépendance de tout le réseau ecclésiastique à l’échelle de la chrétienté, désormais tous sont les agents du siège apostolique. Du point de vue de la juridiction, la papauté en tant qu’unique représentant du christ revendique la plénitude de puissance, qui devient l’équivalent du mot actuel de souveraineté, l’équivalent était majesté (= supérieur). Les papes vont revendiquer la majesté en disant qu’ils sont au-dessus de la majesté romaine en disant qu’ils incarnent la majesté du christ et ils vont désigner leur pouvoir en tant que plénitude de puissance.

Ces deux siècles voient des évolutions très importantes qui toutes ont lieu sous l’impulsion des papes, cela correspond à la redécouverte du droit romaine à laquelle l’Eglise va contribuer de manière très importante. Droit romain : un corpus, à la toute fin de l’empire romaine (VIème siècle), Justinien a fait réaliser trois synthèses qui ont réuni l’ensemble du corpus juridique, l’ensemble de l’héritage de l’empire romain. Le droit romain va être redécouvert à la fin du XIème siècle sous la forme que Justinien lui a donné dans l’entité tardive avec trois ouvrages :

- Le code qui est promulgué officiellement en 534. - En 533 : le digeste, c’est-à-dire l’ensemble des interprétations faites par les juristes

romains des lois romaines, des interprétations considérées comme normatives c’est-à-dire qui ont valeur de loi.

- En 533 aussi : Institutes qui est une manuel d’enseignement.

Au début du XIème siècle on se met en Italie à réutiliser le droit romain et on se met à l’adapter au monde chrétien et à les commenter. La ville de Bologne devient le premier centre des enseignements des droits en Occident au cours du XIIème siècle. Les collections canoniques sont des compilations de morceaux de canons conciliaires, des morceaux de lettres des papes de l’antiquité tardive ou d’évêques particulièrement prestigieux, choix de textes qui faisaient autorité et qui été réuni un peu partout à l’initiative d’évêque ou d’abbé dans la chrétienté. Au milieu eu XIIème siècle pour la première fois apparait à Bologne un ouvrage qui a pour ambition l’ensemble des autorités en matière de droit chrétien et de les organiser, et même de résoudre les contradictions qui existent entre elles, c’est le Décret de Gratien. Le décret marque une étape très importante dans la rationalisation et dans l’unification du droit religieux. Les choses s’accélèrent dans la deuxième moitié du XIIème siècle quand les papes se présentent désormais comme l’unique source de droit et se lancent dans une activité législative très importante qui prend la forme de décrétales (lettre d’un pape rédigée pour trancher un litige ou pour régler une affaire particulière, mais il prend par la suite une valeur générale). Les papes à partir du pontificat d’Alexandre III se mettent à émettre de très nombreuses décrétales et le résultat de cette production nouvelle c’est la création de compilations, de recueils de décrétales. A côté du décret de Gratien qui va rester valable dans l’Eglise jusqu’en 1917, prend forme un deuxième corps de lois, des lois plus récentes, qui contrairement aux lois écrites dans le décret de Gratien, sont toutes émises par les papes. On a une suite de 5 compilations faites sous leur influence de 1191 à 1127, on les appelle les compilations antiques. En 1234, 700 ans après la promulgation du Code, le pape Grégoire IX promulgue un livre qu’il appelle « les décrétales » qui rend caduc les cinq compilations précédentes qui restent en vigueur 1917. C’est un ensemble monumental de règles administratives et judiciaires qui forment la base de l’Etat administratif.

Lors des grands conciles universels de la période ce ne sont pas les prélats rassemblés qui décident, ils sont en quelques sortes une caisse d’enregistrement des décisions pontificales ce qui

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n’était pas le cas en antiquité tardive (c’était le fruit de décisions collectives). Le corpus est quasiment complet mais cela rajoute des décrétales complémentaires, un par Boniface VIII en 1298 qui contient les décisions de Lyon II, le Sexte, puis on ajoute le recueil des clémentines en 1317 qui contient les décisions de Clément V.

Le contrôle de la hiérarchie et les églises locales.

Système de l’exemption est le plus vieux moyen par lequel la papauté insinue son pouvoir très loin de Rome à travers toute l’Europe. L’exemption soustrait à la juridiction ordinaire, donc à l’autorité de l’évêque, une personne, une communauté qu’elle rend directement dépendante du pape. A partir des décennies qui précédent la Grande réforme, la papauté se met de plus en plus fréquemment à octroyer les privilèges d’exemption à certains diocèses, en particulier en Italie, de manière à court-circuiter les pouvoirs locaux. Le pontificat d’Alexandre III introduit le fait que l’on peut faire appel de toute décision de justice à la cours de Rome. Sous Alexandre III, l’appel devient suspensif, cela permet de gagner beaucoup de temps, cela permet de se soustraire le plus longtemps possible au résultat du procès. La grande institution des juges délégués : le pape ne peut plus prendre connaissance de toutes les affaires, c’est justement la raison pour laquelle se développe un appareil d’Etat. Les juges délégués, lorsque des appels sont présentés à Rome en tout matière, le pape ou ses cardinaux nomment des juges délégués qui sont recrutés localement, dans les abbayes voisines, là où le litige est survenu ; ils se retrouvent temporairement et rendent leur sentence au nom du pape.

D’autre part, il y a deux catégories juridiques, qui sont créées par les papes, qui vont vite être reprises par les pouvoirs séculiers, qui jouent un grand rôle fin XIIème siècle et au XIIIème siècle pour imposer partout le pouvoir des papes. L’énormité et développement de la justice inquisitoire qui se fonde sur la nouvelle catégorie juridique de commune renommée, ce que l’on appelle en latin la fama.

- La notion d’énormité.

C’est une création de la papauté au XIIème siècle, c’est une qualification juridique (c’est le fait de faire rentrer dans une catégorie de droit une infraction). C’est une qualification nouvelle que la papauté et personne d’autre, invente pour désigner comme particulièrement graves certaines infractions. Ces infractions entrainant automatiquement une intervention du pape qui ne peut pas être entravée par des lenteurs liées à la procédure. Les énormités au départ sont la Simonie, le nicolaïsme, toutes les infractions à la réglementation de la réforme ; le terme est aussi utilisé pour désigner les personnes qui ne sont pas encore christianisées. Plus on avance dans le XIIème siècle, plus la notion va s’élargir et plus son sens va être hyperbolique. Au pontificat d’Innocent III on est arrivé à désigner d’énormité une infraction mais qui est en plus un péché (notion de souillure morale), et aussi, cette infraction est potentiellement submersible, elle remet en cause l’ordre chrétien. Toute atteinte à l’intégrité physique d’un clerc par un laïc est une énormité. Alexandre III et surtout Innocent III se mettent à faire un usage très fréquent de cette mesure, ça leur permet de faire des exceptions. Lorsqu’il y a qualification d’énormité, cela déclenche une procédure inquisitoire. Celui qui a mis en place la procédure inquisitoire est Innocent III (1198-1216). Le canon 8 fixe les règles de la procédure inquisitoire, il s’appelle « Qualiten et quando » : désormais, le pape ou ses représentants peuvent ouvrir une enquête judiciaire quand la commune renommée leur parvient, il n’est plus nécessaire qu’il y ai un accusateur pour qu’un procès s’ouvre (jusqu’alors il fallait qu’il y ait

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un plaignant, un défendeur et au centre le juge). Il était impossible d’accuser des gens puissants, c’est une justice qui fonctionnait entre égaux. Désormais, il suffit que la connaissance d’un fait délictueux pour qu’une procédure soit ouverte, celui qui va juger est à la fois juge et accusateur. La procédure est centrée sur la recherche de la vérité, donc dans le cas de l’inquisitoire, les représentants peuvent enquêter sur tel ou tel fait à leurs propres initiatives. Etape importante franchit dans le pouvoir public qui est le garant du bien public.

La commune renommée fait office d’accusateur, la deuxième caractéristique est qu’il y a une égalité face à la justice souveraine. A partir du pontificat d’Innocent III, les moins et les chanoines remettent un texte écrit déclarant que la commune renommée accuse tel ou clerc qui a fauté et qu’ils ont des témoins possibles. Les papes créent une administration qui examine ces plaintes, elle instruit les plaintes pour mauvaise fama (le fait que le bruit que quelqu’un peut révéler les faits soit répandu). C’est un instrument de pénétration dans la vie locale.

Cela est aussi un instrument pour surveiller les laïcs.

Il ne faut pas confondre la procédure inquisitoire et la procédure inquisitoriale qui est radicale. 1230 : mise en place de l’inquisition contre l’hérésie.

- Le contrôle des bénéfices ecclésiastiques.

Les papes au XIIIème siècle surtout prennent le contrôle d’un nombre de plus en plus important de bénéfices ecclésiastiques (= un revenu, en général monétaire mais parfois en nature, qui est assigné en même temps qu’une fonction, un office, une charge. Toutes les fonctions ecclésiastiques sont accompagnées de revenus réguliers, qui concrètement sont une taxe sur une terre) dans toute la chrétienté. Les bénéfices majeurs venaient d’élection, les cures et les canonicats étaient plus variés, souvent attribués par les évêques. Tout ça est le système de collation (fait d’attribuer un bénéfice). Dans toutes les églises, les charges de chanoines vont être attribuées par les papes de l’extérieur qui permet d’entretenir un personnel. Les papes vont être contraints de confier leurs chargent à des clercs servant les rois. Prébende (nom que l’on donne au revenu d’un chanoine, nom du bénéfice canonial).

A l’autre bout du système, les bénéfices majeurs, les papes vont aussi accroître leur contrôle. Le premier pas qui est accompli par les papes consiste à exiger l’endroit de confirmation pour toutes les élections. Innocent III se met à imposer à partir du Concile de Latran IV la confirmation du siège apostolique pour tout avènement d’un prélat, ou que ce soit dans l’occident. Les prélats doivent faire le voyage jusqu’à Rome pour prouver leur ordination, leur bonne forme physique, et tous les défauts possibles sont vérifiés à la curie romaine. A partir du Concile de Lyon II, il n’y a plus aucune dispense, les prélats ont deux mois pour parvenir jusqu’à Rome. Innocent III impose aussi son monopole absolu sur les transferts de prélat d’un siège à un autre, sur les dépositions de prélat et pour l’autorisation à démissionner.

Du point de vue des bénéfices mineurs, Innocent III est le premier à attribuer des canonicats. Etape majeure franchie par Clément IV en 1265, ce pape pose le principe d’une réserve générale de tous les bénéfices mineurs, il pose le principe que si elle le souhaite, la papauté peut attribuer n’importe quelle cure, n’importe quel canonicat en passant au-dessus de ceux qui ont l’autorité locale. A partir de la fin du XIIIème siècle, se développe le système de l’expectative, c’est un

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instrument très précieux pour les papes. Ils attribuent par anticipation des prébendes en prévision du décès de ceux qui sont en poste. On se met à spéculer sur l’avenir et des fortes tensions sont créées mais ce système se généralise.

Les institutions centrales de l’Eglise se développent aux XIIème et XIIIème siècle. L’hyper centre de l’Eglise est la curie romaine, qui vient du latin curia et qui a donné la cours. Une des conséquences les plus visibles de la monarchie pontificale est le nombre de lettres envoyées par les papes, et par le service de la curie qui est en charge d’écrire les lettres, c’est la chancellerie romaine. Leur importance est telle, à ces lettres, que les faussaires prospères, la fausserie devient courante. Entre 1130 et 1143 : 72 lettres pour chaque année du pontificat d’Innocent II. Sour Alexandre III, 179 lettres par an, et sous le pontificat d’Innocent III, 310 lettres conservées par an. Si l’on considère maintenant le XIIIème siècle pour lequel on a conservé des registres de lettres. Pour l’ensemble du XIIIème siècle, plus de 50 000 lettres recopiées dans ces registres avant de les envoyer, et il y en a eu plus de 100 000 produites. Au XIVème siècle, le nombre de lettres enregistrées se situent autour du nombre de 200 000. Cette chancellerie emploie beaucoup de monde et à des employés de plus en plus nombreux qui sont des notaires. A la tête de la chancellerie il n’y a plus de chancelier mais un vice chancelier, sous-entendu que le véritable chancelier est le pape.

L’octroi de ces lettres est devenu si important que les papes doivent être accompagnés d’un tribunal qui s’appelle l’audience des lettres contredites, elle juge les litiges autours de la production des lettres. A côté se développent les institutions judiciaires pour instruire les plaintes, contester les élections, donc augmentation du nombre des juges. Innocent III créé un nouveau corps de juges qu’il appelle les chapelains pontificaux qui étaient 28 au début des années 1280. Innocent IV (1243-1254), doit faire face à une nouvelle croissance des activités et créé un nouveau tribunal qui s’appelle l’audience des causes du sacré palais (palais pontifical), dont le personnel forme un nouveau corps, celui des auditeurs sacré-palais. Innocent IV créé le port du chapeau rouge qui différenciait les cardinaux, car énormément de juges. Enfin, la chambre apostolique, qui est le ministère des finances de la papauté, son organisation se fait un petit peu plus tard dans le XIIIème siècle, celui qui est à sa tête s’appelle le camérier, c’est un personnage qui va avoir des pouvoirs extrêmement étendus au XIVème siècle. Cette chambre apostolique se trouve à la tête d’un réseau de circonscription fiscale qui couvre tout l’occident à partir de la fin du XIIIème siècle, ce réseau est très en avance au XIVème siècle, elle est divisée en collectories. Le système marche si bien que la papauté d’Avignon à l’image d’une énorme pompe à finance.

Les impôts sont nombreux, on en mentionne que deux :

- Institution des annates : la papauté impose à partir du début du XIVème siècle à tout ecclésiastique qui obtient un bénéfice qu’il verse l’équivalent d’un an de revenu à ce bénéfice au pape.

- La décime : sa vocation au départ est de financer la croisade. Mais à partir de la fin du XIIIème siècle on va le lever sans faire de croisade et l’utiliser à d’autres fins.

Ces institutions centrales suivent le pape, forment la curie, partout où il va. Hors le pape avant l’installation à Avignon, est très mobile, il change très souvent de résidence et n’est pas très souvent à Rome. Le pape réside à Viterbe, Orvieto, Anagni, etc. Où que se trouve le pape, la cours s’appelle la Curie romaine.

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Conclusion sur l’avènement du cléricalisme :

Ce gouvernement pontifical va perdre une bonne partie de son universalité, de sa puissance à partir du XIVème siècle mais il va néanmoins en rester beaucoup de choses et pour très longtemps, et notamment la place imminente du clergé dans la société. Les papes ont transformé l’Eglise en monarchie. C’est un programme qui s’est traduit par la cléricalisation des sociétés.

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Deuxième chapitre :

La papauté, les pouvoirs séculiers et la Croisade.

L’objectif de la papauté est d’étendre son pouvoir à tout le monde connu, c’est le projet nouveau des papes à partir du XIème siècle. Ce projet est un projet d’expansion générale au nom de l’universalité du christ, c’est aussi un objet de purification intérieure.

Croisade : pèlerinage armé, voyage entrepris par dévotion religieuse. A partir des années 1300, on va faire de très nombreux projets de Passage, c’est-à-dire la traversée de la méditerranée et l’arrivée en Palestine. Les textes latins parlent aussi de « l’affaire de la croix » (negocium Crucis), ou l’affaire de Terre sainte, ou encore la croix d’outre-mer. Le mot de croisade n’apparaît qu’au XVème siècle, et on appelle les Croisés les pèlerins, ou les Cruce signati (ceux qui sont marqués de la croix). Jean Richard qui est un des meilleurs historiens français de la Croisade, a écrit une belle synthèse : l’histoire des croisades et il donne une définition. Il explique que la Croisade est une expédition essentiellement militaire et cette expédition militaire a pour particularité d’être assimilé par la papauté à une œuvre religieuse méritoire et qui en conséquence est dotée par la papauté de privilèges spirituels qui concernent l’ensemble de l’entreprise, pas seulement les combattants mais aussi à ceux qui financent par exemple. C’est seulement de manière subsidiaire que l’objectif principal apparait, qu’est la libération des lieux saints, donc d’abord de Jérusalem et la mainmise sur les chrétiens sur le saint Sépulcre (tombeau dans lequel le corps du Christ après la crucifixion a été déposé), plus largement le contrôle de tous les lieux sur lesquels s’est déroulé l’histoire du christ, ceci étant dit ce n’est pas central dans la définition. Ce nom a aussi été accordé à la Reconquista et aux guerres contre les païens slaves.

Quand le pape Urbain II prêche la croisade en 1095, il fait quelque chose d’inédit, on ne comprend pas très bien dans quelles conditions cette nouveauté est advenue, ni ce qui a pu pousser le pape Urbain II à cette nouveauté. La situation en orient, l’Eglise Grecque depuis 10 ans a tenté d’obtenir du secours de la part des chrétiens latins contre les musulmans qui harcèlent l’empire romain d’Orient. Cette idée a tout de suite pris une dimension différente à ses yeux, lié à l’affrontement en occident entre papauté et empire. La papauté est alors en très mauvaise posture alors que l’empereur Henri IV est en querelle avec lui depuis de très nombreuses années et il a le dessus. Urbain II a à faire à des antipapes qui se présentent comme les seuls légitimes. Cette idée de mobiliser l’ensemble de la chrétienté derrière la papauté dans une urgence qui consiste à libérer la Terre Sainte était formidable pour légitimer Urbain II. L’enthousiasme développer par Urbain II dans cette tâche nouvelle de prêcher la croisade est directement lié à la précarité de sa situation politique, à éliminer les antipapes, à diminuer leur crédibilité en augmentant la sienne. Quand Urbain II décide de prêcher la croisade il est en exil, il n’a pas accès à Rome et il transforme cette situation négative pour lui et il la retourne à son profit en sillonnant le sud de la Francie, ce qui assure sa position d’autorité éminente. Le contexte économique et idéologique se prête très bien au projet qui associe une prouesse guerrière à une aventure lointaine, ce qui alimente de manière très positif l’imaginaire occidental, et il y a aussi le service de dieu, la dévotion. On est à une période où le fractionnement féodal est à son apogée, la violence nobiliaire est un fléau endémique. L’occident connait depuis longtemps une croissance économique assez forte, qui est lente mais cumulée depuis plus d’un siècle. La croisade va permettre l’exportation de la violence aristocratique au moment où l’autorité

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royale commence à se réaffirmer tout doucement. La réussite du projet dès le 15 juillet 1099 tient à la prospérité de l’occident depuis deux siècles.

La première croisade commence à Clermont autour du concile d’Urbain II, qui promulgue des canons réformateurs, mais aussi des mesures qui promettent des privilèges qui participent au pèlerinage de la croix. Urbain II est secondé dans sa tâche par plusieurs prédicateurs, dont un qui est Pierre L’Ermite. Deux mouvements de troupe sont suscités par les prédications d’Urbain II ; l’une constitue une croisade populaire, 12 000 hommes suivent Pierre l’Ermite, des gens qui font vœux de faire le pèlerinage. En 1096, Pierre l’Ermite part de Cologne vers l’est, il arrive jusqu’au Danube, il traverse les Balkans jusqu’à Constantinople où il est rejoint par les Baroux, qui sont une expédition beaucoup plus importante et accompagnée par Adémir, légat du pape. Il s’en suit de succès, Antioche est prise en 1098, puis Jérusalem est prise en 1099 et elle se traduit par des très nombreux massacres des sarrasins de la part des croisés sans que l’autorité pontificale n’y voie d’inconvénient. Prise de Jérusalem confirmée par série de victoire sur les égyptiens en août 1099 et la conquête de la Terre Sainte se poursuit dans les années suivantes. Dernière place forte prise en 1124, c’est Tyr. Ensuite il y a les quatre Etats latins, le royaume de Jérusalem, le royaume de Tripoli, le royaume d’Antioche, et le royaume d’Edesse. Ce qui permet la construction de ces Etats c’est un phénomène de colonisation cela dit il va s’avérer assez vite que la puissance de l’occident et ses ressources économiques et politiques ne suffit pas à tenir sur le long terme en Orient. A partir de la mi- XIIème siècle, ces quatre Etats latins sont en reculs. Perte d’Edesse en 1144 suscite la deuxième croisade. Le principal personnage qui préside c’est Bernard de Clairvaux, abbé cistercien de Clairvaux mort en 1153. Cette croisade est un désastre total, elle est menée conjointement par le roi de France et par l’Empereur Conrad III. Louis VII arrive en Syrie avec quelques victoires avant d’être vaincu à son tour et d’être rapatrié dans le royaume franc.

Pour la troisième croisade, en 1187, Jérusalem est perdue au cours d’une grande bataille entre les chrétiens de Terre Sainte et un chef musulman, Saladin qui bat les chrétiens à la bataille de Hattin. Tout le royaume de Jérusalem tombe aux mains de Saladin. Contrairement aux chrétiens, Saladin ne se livre pas à des massacres de chrétiens. Saladin établie un empire solide, l’empire Ayoubide qui va connaître une certaine pérennité. On associe explicitement la réforme ecclésiastique et la croisade pour la première fois. Il s’en suit la plus grande de toutes les croisades, la troisième, qui est menée par les plus grands princes de l’époque, l’empereur Frédéric Barberousse, Philippe-Auguste et le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion. Frédéric Barberousse se noie dans une rivière et s’en suit l’abandon de l’expédition par les troupes allemandes. En 1291, Richard Cœur de Lion et P-A, parvenus en Syrie réussissent à reprendre Acre mais ils s’entendent mal avec des attitudes opposées. Toutes les expéditions qui suivent au XIIIème siècle sont elles aussi des échecs, tout particulièrement la quatrième croisade qui est l’œuvre d’Innocent III qui a eu une attitude radicale et a accentuer les orientations prises par la papauté depuis la réforme grégorienne. Dès son avènement en 1198 il projette une croisade, il fait de la croisade une priorité et elle prend une importance qu’elle n’avait pas encore jusque-là. Il prévoit que dès mars 1199 les troupes doivent être rassemblées et prêtes à partir à Jérusalem. En réalité, les délais ne sont pas tenus, il y a un nouveau prédicateur qui a une action déterminant, c’est Fou de Neuilly qui prêche la croisade dans le bassin parisien, en Flandres avec pas mal de succès et rassemble un grand nombre de nobles essentiellement issus de France du Nord. Cette croisade va déraper e manière très grave. Les croisés font un accord avec Venise. Les Vénitiens acceptent de transporter les croisés par mer jusqu’à Constantinople à condition que les croisés leur prête assistante pour prendre un port de l’adriatique, le port de Zara qui est tenu par les

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hongrois chrétiens. Les troupes des croisés sont utilisées pour prendre une ville chrétienne et la restituer à Venise. LA 4ème croisade dégénère quand ils arrivent à Constantinople, ils se comportent mal, les croisés finissent par piller la ville dès 1204. Innocent III désapprouve ce pillage qui remplace l’Etat par un Etat latin. Une fois les richesses pillées et après avoir installé un pouvoir latin, les légats acceptent de lever le vœu de pillage donc c’est un fiasco. Malgré ce désastre, Innocent III persiste dans le projet de croisade qui reste au cœur de son gouvernement. Le Concile de Latran IV se clos sur un appel à la croisade et un rassemblement convoqué au 1er janvier 1217 dans le royaume de Sicile en annonçant la présence en personne du pape mais la mort du pape en 1216 va faire annuler le projet.

Au total on a dénombré huit croisades, la dernière qui se solde par la mort de Saint Louis aux portes de Tunis en 1270. Il y en a eu d’autres mais elles n’ont pas été signifiantes. Les quatre dernières croisades ont eu lieu entre le pontificat d’Honorius III et d’Urbain IV et de Clément V. ces expéditions sont des échecs. La cinquième croisade aboutit à la prise de Damiette. La sixième croisade a lieu en 1126 et se prolonge jusqu’en 1237, elle est l’œuvre de Frédéric II. Frédéric II est excommunié en 1227, c’est sa première excommunication. Il part enfin en 1228 mais une fois sur place il ne combat presque pas, il conclut un traité, celui de Jaffa qui assure l’accès en lieu saint pour les chrétiens en toute tranquillité. Cette sixième croisade est transformée par un traité d’amitié. La croisade de Saint Louis, c’est la première entre 1248 et 1250, c’est un désastre.

Idée et préparatifs de la croisade vont perdurer pendant très longtemps, plis d’expédition effectives, mais jusqu’au XVème siècle nécessité de faire le passage, c’est-à-dire l’idée de traverser la méditerranée pour reprendre les lieux saint est très présente. On va aussi lever des impôts sous prétexte de préparer des expéditions en Terre sainte.

Les conditions de la Croisade : Prédications, privilèges et financement

Ces conditions induisent une plus forte emprise de la papauté en Occident. Le phénomène des croisades aboutit à un accroissement de l’emprise pontifical dans les idées comme dans la pratique.

Les prédicateurs, sur le modèle de Pierre l’Ermite, suscite par la puissance de leur verbe un enthousiasme religieux débordant de la part des populations. Pierre va rapidement prêcher de lieu en lieu avec une foule de plus en plus importante, lors de l’expédition de la croisade populaire. La prédication fait appel à une volonté de pureté, de se purifier. Elle la fait avec un sentiment d’indignation à l’égard de tout ce qui porte atteinte à la papauté. Le triomphe des papes avec la réforme grégorienne est allée avec la montée de l’intolérance, avec une société persécutrice généralisée à l’égard de toutes les déviances, tant au niveau de la foi mais aussi par rapport aux déviants accusés d’attenter à la rupture par leurs actes, comme l’homosexualité. Certains prédicateurs se spécialement dans ce domaine, un traité spécialisé, dans la prédication de la croisade.

La constitution de privilèges liés à la croisade : c’est le phénomène qui est constitutif de la croisade. Privilège vient de privata lex (= régime juridique spécial). Les fondements ont été fondé par Urbain II au concile de Clermont qui dit que quiconque s’engagerait à libérer l’Eglise de dieu en

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Orient, par dévotion, verra son action compté pour plein pénitence (laver de tous leurs pêchés, bienfait spirituel qui leur ai accordé). La garantie d’un séjour plus court dans les tourments, garantie de la vie éternelle, c’est le début de l’indulgence plénière, c’est quelque chose qui est lié à la prise de pouvoir de la papauté. Le principe est que le pape peut délier. Les papes peuvent exempter les chrétiens des pénitences qu’ils sont contraint de faire pour expier les pêchés. Les papes se sont institués comme intermédiaire entre la terre et dieu, et ce pouvoir est utiliser lors de la première croisade pour inciter ceux qui s’engagent à le faire, pour les récompenser. De ce fait commence à se construire un régime juridique spécial pour les croisés. Sous Innocent III, il va achever de définir le statut de croisé. Le vœu de croisade devient, dès la première croisade, un vœu astreignant qui lie définitivement celui qui le prête. Si on fait le vœu de croisé, on passe par un rituel par lequel on se fait coudre une croix sur les vêtements et on bénéficie de l’immunité spéciale de la papauté. Ceux qui font le vœu de croisade sont exemptés de contributions financières pour la croisade, qui pèsent sur tous les autres. Innocent III au concile de Latran IV réglemente l’indulgence et le statut des croisés, il confirme que ceux qui sont fidèles à leur vœu de croisade reçoivent une rémission plénière de leur pêché mais avec une contrition (repenti authentique et sincère). Faire entrer définitivement dans les normes le fait de racheter son vœu de croisade. La manière normale est de payer un remplaçant, avant le vœu devait être accompli sous peine de damnation éternelle, d’excommunication). Innocent III entérine aussi l’élargissement des indulgences à ceux qui contribuent à l’expédition. Des indulgences plus légères sont accordées pour ceux qui prient pour la croisade. Du point de vue d’Innocent III, la croisade va de pair avec l’idéologie de la papauté. On le voit avec une bulle qui date de 1213 dans laquelle le pape recommande à tous de faire vœu de croisade « quia major » (parce qu’un objectif majeur est constitué par la croisade). Il s’agit de mobiliser toute la population bien au-delà de la minorité qui part. Au XIIIème siècle on voit de développer à grande échelle le rachat des vœux et même l’octroi d’indulgences contre argent des prédicateurs de la croisade. Mauvaise posture de la papauté à cause de cet instrument dont elle se sert pour alimenter se finances.

Le financement des croisades : le développement de ces expéditions, et plus encore l’enracinement dans les mentalités de cette nécessité d’aller libérer la Terre Sainte va beaucoup contribuer au développement de l’appareil d’Etat ecclésiastique, au développement de l’infrastructure fiscale. Les mesures fiscales associent les souverains séculiers, ils optent pour un impôt qui va peser sur les laïcs et les clercs. Après la perte de Jérusalem en 1187, la papauté sous le choc accorde à Philippe-Auguste et Henri II le droit de lever une dîme spécial : la dîme saladine, elle est levée en 1188, elle représente 1/10 de tous les biens et tous les revenus sur tous les laïcs et ecclésiastiques. Toutes les communautés d’habitants, en particulier en Italie, sont très sceptiques. Après Latran IV, Innocent II créé un décime en 1215 de 1/20 sous peine d’excommunication. Il va y avoir de nombreuses décimes, dont les taux varient. On passe à un stade supérieur dans la création d’une centralisation au Concile de Lyon II en 1274, 26 circonscriptions sont créées dans l’occident, ce sont les collectories. Après la chute de Saint Jean d’Acre n 1291, il n’y a plus d’expéditions mais cela n’empêche pas aux souverains de demander à la papauté l’octroi de décimes, c’est le seul impôt auquel l’Eglise n’échappe pas, c’est donc important pour l’Eglise. A partir de fin XIIIème – début XIVème siècle, le roi d’Angleterre et celui de France vont utiliser la décime pour se faire la guerre mutuellement. Les papes protestent mais eux-mêmes vont utiliser la décime comme instrument de pression sur les souverains

Même si l’objectif de la croisade vers la terre sainte est l’expansion de la chrétienté, ses principaux effets se sont faire ressentir en Occident. L’essentiel est l’instauration en occident d’un

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climat de ferveur religieuse qui entraine une montée des intolérances mais qui va de pair avec la reconnaissance définitive par tous de l’autorité pontificale. La croisade place la papauté à la tête de la chrétienté, à la tête de l’Europe. elle oblige spirituellement à agir ou à soutenir.

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Troisième Chapitre :

La lutte du Sacerdoce et de l’Empire jusqu’à la mort de Frédéric Barberousse (1190)

Cela commence surtout à partir du pontificat de Grégoire VII, et ce jusqu’à la mort du premier grand empereur Hohenstaufen, issu d’une grande famille d’Allemagne du sud (Souabe). On peut dégager trois périodes :

- D’abord, les premiers temps de la réforme, et l’accord entre papauté et empire qui caractérise cette période. Les premières décennies qui suivent l’avènement de Léon IX jusqu’au début du pontificat de Grégoire VII. Cette période est caractérisée par un accord entre le pape et l’empereur, rien ne laisse soupçonner que les choses vont dégénérer.

- Le premier âge de la querelle : de Worms à Worms, du Concile impérial réuni par l’empereur Henri IV en 1076 qui marque le début des hostilités avec Grégoire VII au concordat de Worms en 1122 qui règle le conflit que l’on a aussi appelé querelle des investitures.

- Le renouveau de la querelle au XIIème siècle, avec Frédéric Ier Barberousse et la papauté.

L’événementiel de cette période de presque un siècle et demi est très compliqué avec de très nombreux retournements. On va être obligé de parler assez fréquemment de ce qui se passe en Germanie pour cette période-là, de la situation politique, et des relations entre les princes germaniques et ceux qu’ils élisent eux-mêmes comme le roi des romains qui a vocation à devenir empereur.

Le titre de roi des romains est celui qui est élu par les princes électeurs d’empire, c’est-à-dire depuis que l’empire a été reconstitué par la dynastie des ottoniens un certain nombre d’archevêque de Germanie, et de ducs qui sont des grands féodaux. Parmi ces princes électeurs, il y a des ecclésiastiques qui sont des princes tout court, ils sont à la tête de véritables Etats ; les archevêques sont des chefs spirituels mais aussi des chefs temporels, ils lèvent des impôts comme n’importe quel prince. Ces électeurs d’empire élisent un personnage issu de la très haute noblesse laïque, qui est désigné comme roi des romains, qui est roi de Germanie. Ce roi de Germanie a pour vocation et pour droit de réunir sous sa domination deux autres royaumes, celui d’Arles et de Vienne qui correspond à la Provence, et un autre royaume, celui d’Italie septentrionale (Lombardie, Nord de la Toscane, Piémont, Vénétie) dont la capitale est Pavie. Le roi a vocation à descendre jusqu’en Italie du nord, à se faire sacré roi d’Italie à Pavie et revêtir la couronne de fer ; ensuite, direction Rome, et là et seulement à Rome, il peut être couronné empereur ; c’est l’itinéraire basique. Henri IV est longuement roi des romains et devient empereur seulement en 1084 après avoir été couronné à Rome.

I. La période des débuts de la réforme.

Période au cours de laquelle il n’y a pas de querelle. Les empereurs ont été les véritables déclencheurs de la réforme.

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En 1046, lorsque le roi des romains de l’époque, Henri III élit 7 ans plus tôt, est suffisamment sur de son assise en Germanie pour entreprendre la « descente en Italie ». Il a réussi à pacifier la Germanie, assuré la subordination des grands féodaux allemands, cette pratique est toujours sujette à des contestations. Les électeurs monnaient leur vote et choisissent des titulaires dont ils espèrent limiter le pouvoir par la révolte. Les successions ne sont jamais assurées, et ça va être la grande faiblesse des empereurs dans la querelle avec les papes. En 1046, Henri III arrive donc en Italie du nord pour se faire couronné, et il est très favorable à la réforme. A Pavie, il dénonce la Simonie, lors d’un synode d’évêques. A ce moment-là, il y a trois papes, donc un schisme qui divise l’Eglise de Rome, deux familles de la noblesse romaine, les Tusculani, et les Crescenza qui ont chacune un pape, Benoit XI et Sylvestre III ; et, pour essayer de résoudre ce schisme on élit Grégoire VI qui obtient la démission de Benoit XI à qui il donne une compensation financière ce qui lui vaut une accusation de simonie. Henri III, au nom de la réforme ecclésiastique, et au nom de la vieille fonction impériale de protection de l’Eglise de Rome fait déposer les trois papes, ce que chacun juge légitime. Henri III, promeut alors la candidature d’un évêque de Germanie, il est élit pape sous le nom de Clément II qui peut couronner Henri III empereur.

Clément II va être le premier d’une série de papes impériaux c’est-à-dire de papes dont l’élection s’est faite sous appui impérial, ce sont des papes pour la réforme ecclésiastique. Léon IX est celui avec qui la réforme grégorienne va vraiment commencer est un ressortissant de Germanie qui est élu avec l’appui d’Henri III. Pour Henri III comme pour Léon IX, la réforme de l’Eglise est le retour à la pureté primitive, éloigné de la souillure de l’argent et de la souillure sexuelle. Ni Henri III, ni Léon IX n’ont envisagé que la réforme pourrait avoir un impact sur les relations entre les deux pouvoirs. Sous le pontificat de Léon IX aucun problème particulier ne ressort. On trouve tellement logique que l’empereur mettre de l’ordre à Rome qu’Henri III reçoit le titre de patrice des romains qui est censé à l’avenier assuré son influence sur les élections pontificales. Dans les années 1050-1060, uniquement accidents mineurs entre les papes réformateurs et l’empire.

En 1056, Henri III meurt et son fils Henri IV n’est âgé que de six ans, c’est donc une période de minorité qui s’ouvre. Henri III confit son fils au pape. Dans les années qui suivent la mort d’Henri III, le pouvoir est exercé par la mère d’Henri IV, Agnès, et c’est elle qui va prendre les premières décisions qui vont être source de frictions avec la papauté. En 1059, nouvelle querelle à Rome, la vieille aristocratie anti-réformatrice réussi à faire élire un de ses représentants comme pape, qui prend le nom de Benoit XI aussi mais le parti réformateur se rebelle, et élit Nicolas II, il y a encore un schisme. C’est dans ces circonstances que le pape réformateur décide un décret qui réserve l’élection aux cardinaux, évêques seuls sans intervention de l’aristocratie. Cette mesure est prise dans le respect dû à l’égard de l’empereur. Il y a une sorte d’ambiguïté dans ce décret, on se demande comment le pape voit la place de l’empereur, c’est une question qui n’a rien avoir avec la problématique du texte, on reconnait à l’empereur son droit de protection de la papauté.

Lorsque Nicolas II meurt en 1061, l’aristocratie romaine trouve un beau moyen d’essayer de mettre les réformateurs en difficulté. Elle va profiter du fait qu’Henri IV habite loin, en Germanie, et cet éloignement va être source de difficultés. L’aristocratie romaine envoie une délégation en Germanie qui va demander à Henri IV de choisir un nouveau pape en espérant que ce choix se fera aux désavantages des cardinaux évêques. En 1061 on ne connait probablement pas le décret de 1059 en Germanie et donc on n’a pas eu l’impression de rentrer en infraction par rapport aux règles fixées en 1059. Agnès choisit alors l’évêque de Parme, et les cardinaux évêques de Rome s’estiment lésés.

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Les cardinaux évêques refusent l’évêque de Parme comme pape et ils élisent un pape réformateur, Alexandre II qui réussit à prendre possession de l’épiscopat de Rome grâce au soutien des Normands. Malentendu qui aboutit à un schisme, sauf que le pape schismatique est élu par le pouvoir impérial. Mais le problème se règle vite, l’archevêque de Cologne reprend la régence, et décide de soutenir le pape réformateur Alexandre II. Les choses vont exploser après un autre malentendu qui concerne l’élection ecclésiastique au siège archiépiscopal de Milan. L’archevêque de Milan, qui été aussi seigneur de sa ville, était traditionnellement investi de sa fonction par le roi des romains. Le problème est que le mouvement de réforme de l’Eglise à Milan a été endossé par une partie de la population et de l’aristocratie qui accusent l’archevêque de Nicolaïsme, de Simonisme. Le mouvement d’opposition qui prend le nom de Pataria, cette insulte contre le parti réformateur va être retournée par les intéressés qui vont s’y identifier. Le parti réformateur obtient la démission de Guido à la longue, et les intérêts seigneuriaux et cléricaux soutiennent Godfredo, et les partisans de l’Eglise traditionnelle, tenus par l’aristocratie laïque, envoient Godfredo en Germanie pour recevoir l’investiture impériale du roi des romains. Les patariens s’y opposent, et Henri IV ne comprend pas les enjeux locaux en 1070 et accorde l’investiture, il fait de Godfredo l’archevêque de Milan. Alexandre II demande alors directement à Henri IV d’admettre son erreur et de revenir sur l’élection de Godfredo, non pas pour une question de principe, mais il fait valoir à Henri IV que Godfredo n’’est pas un bon candidat et il ajoute qu’en cas d’élection contestée, c’est le candidat soutenu par la papauté qui devrait être considéré comme élu. Insensiblement, ce conflit Milanais va tourner à un conflit général, la querelle des investitures qui va opposer très violemment les deux partis.

L’appellation Réforme Grégorienne est un abus de langage car elle a commencé en 1049. Il n’empêche qu’elle a une certaine légitimité car les choses s’enveniment dans les relations avec l’empire au moment où Grégoire VII accède au pontificat et en relation avec les choix de Grégoire VII, il donne une nouvelle tournure à la réforme qu’elle n’avait pas auparavant, de concurrence avec les pouvoirs séculiers, le roi et l’empereur. Grégoire VII, contrairement à Alexandre II va se comporter avec toute la radicalité qu’on lui connait, sur la question milanaise. En conformité avec ces fameux dictatus papae, Grégoire VII écrit à Henri IV pour exiger de lui son obéissance à la papauté dans l’affaire de la pataria (de l’archevêché de Milan), et cette lettre choque Henri IV et ses prélats qui tiennent pour normal que les empereurs investissent les prélats. Henri IV venait alors de remporter une victoire contre la ville se Saxe, il se sent fort et rejette toutes les prétentions nouvelles de Grégoire VII à se faire obéir de l’empereur, avec l’accord de ses évêques. En 1076, Henri IV réunit un concile à Worms et l’empereur se comporte en chef des prélats de son territoire, chose qui deviendra très vite inconcevable à partir du moment où la réforme grégorienne aura bien avancée. Ce concile rejette les exigences du pape et ce concile déclare l’élection de Grégoire VII nulle. Le Concile envoie une lettre à la population et à l’aristocratie Romaine pour demander que ce faux pape soit déposé, Henri IV échoue à disposer Grégoire VII à distance. Grégoire VII déclare que l’empereur est excommunié et il délie tous ceux qui ont prêté serment de la fidélité à Henri IV, selon les Dictatus Papae. Avec cette excommunication, Grégoire VII prétend mettre eu banc de l’Eglise un roi sacré, qui avait reçu l’onction, chose tout à fait inouïe.

En conséquence, l’épiscopat de Germanie doit choisir entre deux allégeances ce qui est un dilemme nouveau. On va vers une réforme qui progressivement imposer l’idée d’une unité de l’Eglise, du renforcement des pouvoirs du pape, et qui en plus demande l’allégeance des ecclésiastiques au pape. En quelques mois, Henri IV perd la plupart de ses soutiens épiscopaux, car c’est le moment auquel l’aristocratie de Saxe mais aussi de Souabe et de Bavière choisissent pour se

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rebeller, c’est beaucoup plus facile pour les grands nobles, lorsqu’ils se révoltent, d’affaiblir le roi, ça leur permet aussi de se mettre en règle avec le pape. Ce parti nobiliaire se donne pour chef le duc de Souabe, Rodolphe Von Rheinfleden qui prend la tête du parti anti-Salien et sa rébellion offre une issue à la plupart des évêques et archevêques. Rodolphe est même très sûr de lui, lui et ses partisans envoient un ultimatum en disant qu’ils éliront un nouveau roi des romains s’il n’obtient pas d’ici la fin de l’année la levée de son excommunication, ils fixent même une date pour l’élection du nouveau roi des romains car pour eux c’est improbable que le roi des romains se soumettent au pape. Henri IV va surprendre tout le monde, il se rend compte qu’il perd ses soutiens, et en plus il doit affronter une partie de sa noblesse ; il décide de faire le voyage en Italie, il franchit les Alpes, va au-devant de Grégoire VII en Toscane et lui fait annoncer qu’il est venu pour faire pénitence, c’est l’épisode de Canossa (janvier 1077).

Cette pénitence de Canossa est très révélatrice. Elle va se dérouler selon un rituel bien arrêté négocié avec les représentants des deux partis. Il y a deux négociateurs, Mathilde de Canossa, et pour Henri IV c’est son parrain, Hugues de Semur un très puissant personnage. La pénitence a lieu entre le 23 et le 25 janvier 1077 selon des modalités bien précises. Trois jours de suite Henri IV se présente nu-pieds avec une robe blanche devant la porte de Canossa et implore qu’on lui ouvre. Les deux premières fois on ne lui ouvre pas ; le troisième jour il implore à nouveau qu’on lui ouvre, et cette fois-ci on le fait entrer jusqu’à la salle d’audience de Canossa dans laquelle Henri doit s’allonger sur le ventre avec les bras en croix et demander pardon au pape. Une fois que le pape a accordé son pardon, cela est suivi par un repas commun. Ce rituel a été choisi par Grégoire VII, et on se rend compte que ce rituel est calqué sur la conversion de Saint-Paul, telle qu’elle est racontée dans le nouveau testament. L’idée sous-jacente est que désobéit au pape est un persécuteur des chrétiens, il y a aussi une identification entre l’autorité du pape et l’autorité de dieu, désobéir au pape c’est désobéir à dieu ; de plus le 25 janvier est l’anniversaire de la conversion de Paul. Canossa est un retournement complet, désormais, la papauté entendra considérer les rois et le roi des romains ou empereur comme des membres des troupeaux qui leur sont soumis au même titre que les autres. En acceptant ce cérémonial, Henri IV reconnait pour la première fois la supériorité du pape sur l’empire. [Textes 12, 13 du fascicule qui concerne la déposition d’Henri IV puis la pénitence de Canossa, Texte 11].

Canossa, loin de régler les problèmes, ce n’est que le début de la guerre. Ce sont les évènements qui vont se passer dans les trois années qui suivent qui vont déterminer l’entrée en guerre ouverte entre Grégoire VII et le roi des romains. Plusieurs facteurs vont se combiner. En mars 1077, les rebelles surpris de la réponse d’Henri IV élisent Rodolphe Ier comme nouveau roi des romains, c’est la première fois qu’il y a un anti-papa, schisme royal. Dans le même temps, Grégoire VII lance sa politique de lutte contre les investitures laïques, et il choisit à cette occasion d’adopter une position qui n’était pas celle de ses prédécesseurs, qui consiste à assimiler à la Simonie, non seulement l’accès aux charges ecclésiastiques par versement d’argent, mais aussi tout accès aux charges ecclésiastiques dans laquelle un laïc est intervenu. U printemps 1077, un légat de Grégoire VII annonce en France que tout archevêque qui consacrera un évêque investi par un laïc, perdra son office. Et, à l’automne suivant, un autre légat lance des sanctions canoniques contre Henri IV en Germanie car il a investi des prélats de son royaume, mais Grégoire VII ne sanctionne par ces sanctions, Rodolphe n’est pas reconnu roi des romains par rapport à la pénitence de Canossa. Au concile de Latran en 1078 par Grégoire VII, aucun clerc ne peut être investi de sa charge ecclésiastique par quelque laïc que ce soit, empereur ou roi, les contrevenants seront excommuniés.

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Ce qui envenime les choses est qu’Henri IV, quelques années plus tard, finit par exiger de Grégoire VII qu’il tire les conséquences de la pénitence de Canossa c’est-à-dire qu’il excommunie Rodolphe, et il menace Grégoire VII de le déposer en cas de refus. La réaction de Grégoire VII consiste à reconnaitre la légitimité de Rodolphe et à excommunier Henri IV. Grégoire VII est quelqu’un qui est animé par une passion et une conviction mystique qu’il a un rôle décisif à jouer, il est convaincu que c’est dieu qui parle par sa bouche. Et, en 1080 alors que le conflit a repris, Grégoire VII est convaincu que dieu va frapper Henri IV et il fait savoir par une prophétie que dieu tuera Henri IV avant la prochaine fête de Saint Pierre (1er août 1080). Cette prédiction de Grégoire VII ne s’est pas réalisée, les choses ont même tournées à son désavantage. Henri IV a rassemblé en août 1080 un synode auquel il a fait élire un antipape, et à nouveau nous sommes dans une situation de schisme, avec Clément III qui va rester antipape pendant 20 ans. Clément III est un réformateur bien connu, ce n’était pas un partisan de la vieille école. Il reste dans l’esprit antérieur à Grégoire VII de réforme menée conjointement et avec harmonie par les deux pouvoirs. En octobre 1080 Rodolphe en guerre contre Henri IV meurt au combat et cela va être évoqué par la propagande impériale comme démenti des prophéties de Grégoire VII et comme une ordalie. Lors du combat, Rodolphe a eu la main droite coupée et est mort de cette blessure, les partisans d’Henri IV mettent en avant que Rodolphe est mort par la partie de son corps avec laquelle il avait juré fidélité à Henri IV lors de son élection. Une ordalie est une intervention divine manifestant le choix de dieu dans un conflit. Henri IV reprend militairement le dessus et redescend en Italie pour imposer son antipape Clément III à Rome, ce qu’il réussit à faire au printemps 1084. Grégoire se réfugie chez les Normands après avoir essayé de résister, Henri triomphe à Rome, Clément III le couronne enfin empereur à Pâques 1084, fête de la résurrection du Christ. Grégoire VII meurt l’année suivante. A la fin des années 1080 c’est la partie impérial qui prévaut, Henri IV sort vainqueur.

A la toute fin du siècle, la situation est rétablie pour les papes avec Urbain II. L’année d’après la mort de Grégoire VII, les cardinaux évêques élisent un nouveau pape et choisissent ce français, qui était un proche de Grégoire VII, Urbain II qui s’empresse de renouveler les sanctions de son prédécesseur contre Henri IV. Il mène une campagne de propagande contre Henri IV. Injures entre les deux partis. Urbain II réussit un gros coup quand Henri se sépare de sa deuxième femme Adélaïde et qu’elle vient se réfugier auprès du pape. Concile de Plaisance en Italie du Nord par Urbain II autour de l’impératrice Adélaïde où elle présente des accusations contre son mari. Pour rétablir l’Eglise réformatrice, Urbain II prêche la croisade en 95 au concile de Clermont. L’ensemble de la chrétienté est alors mobilisée pour une tâche sacrée, concernant tous les fidèles contre un ennemi commun. Urbain II décide de reprendre et d’accentuer les décisions de Grégoire VII concernant les investitures. Après le concile de 1078, les princes avaient trouvé une solution, ils avaient créé une distinction entre les choses spirituelles et les choses temporelles et se réservent d’accorder les choses temporelles. Urbain II très fort du succès des croisades, élargit l’interdiction des investitures aux temporalia. On trouve assez vite des compromis ailleurs qu’en Empire avec le canoniste Yves de Chartres avec qui la question est assez vite réglée en France et en Angleterre en particulier. Les ecclésiastiques admettent que les seigneurs pouvaient recevoir un serment de fidélité des prélats en échange d’une concession temporelle, on en arrive à un compromis. En 1107, traité entre l’Angleterre et l’archevêque de Canterbury et le roi.

PARTIEL LE 30 NOVEMBRE A L’HEURE NORMALE DU COURS.

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Yves de Chartres est le canoniste qui opère une distinction conceptuelle et juridique, il scinde le pouvoir épiscopal en temporalia et spiritualia, cette situation va aboutir au règlement des conflits entre la papauté et le roi de France, comme entre la papauté et le roi d’Angleterre. Désormais, on considère que les seigneurs vont de simples concessions des temporels aux évêques sans les investir. En 1107, traité formel entre le roi et le primat d’Angleterre (Archevêque de Canterbury) qui concluent un accord. Il n’y a qu’en Germanie que le problème demeure, même si à la mort de Clément III, antipape, Henri IV s’abstient d’en nommer un nouveau ; cependant, ses relations restent exécrables avec Pascal II le nouveau pape.

En 1104, le fils d’Henri IV, Henri V, considère que son père tarde à mourir et se lance dans une rébellion contre lui pour des raisons structurelles. La papauté se jette sur l’occasion et soutien le fils rebelle, en soutenant le principe que le pape, en tant que représentant de dieu sur terre, peut délier quiconque de son serment, déclarer que ce serment est déclarer nul, c’est aussi le cas du serment du fils à son père. Henri IV meurt en 1106, au moment où il se prépare au combat, à Lièges en terre d’Empire ; et bien qu’il se trouve en Etat d’excommunication, l’empereur Henri IV est enterré en terre consacré, et même dans la cathédrale de Lièges car l’évêque de Lièges est un de ses fidèles et privilégie son allégeance à l’empereur face à son allégeance à la papauté. Pour préserver son alliance à la papauté et sa fidélité à l’Eglise, Henri V nouveau roi des romains fait déterrer son père pour le faire enterrer à nouveau à Spire, en terre non consacrée. Henri V espère ainsi régler la querelle des investitures avec la papauté. Il y a une série de négociations qui s’ouvre entre 1107 et 1109, des délégations impériales et pontificales se rencontrent, d’abord en Lombardie puis à Chalon sur Marne, puis à Rome mais ces discutions échouent sur un problème de définition au sein même des temporalia (biens matériels et pouvoirs politiques exercés par les évêques), entre certaines temporalia désignées comme des régalia et les autres. Du point de vue du roi des romains, les régalia devraient englober toutes les temporalias, devraient être considérées comme tenues du roi des romains. A l’inverse, le papa considère que toutes ces terres, tous ces droits, tous ces revenus qui s’accumulent de génération en génération au profit de l’Eglise, que tous ces biens sont inaliénables, ils ne sont pas placés sous l’autorité supérieure du prince, et en l’occurrence du roi.

En définitive, Henri V arrive à un accord avec Urbain II car il tient absolument, comme tout roi des romains, à être sacré au pouvoir pour pouvoir se dire empereur. De fait, le couronnement a bien lieu dans la basilique du Latran, mais au terme d’un accord qui jusque-là demeuré secret. Henri V accepte de renoncer aux investitures à partir du moment où les princes ecclésiastiques de Germanie lui remettent définitivement les terres attachées s à leur principauté qui sont des fiefs tenus de l’empereur. Urbain II a accepté, et cet accord n’est rendu public que le lendemain de la cérémonie du couronnement d’Henri V et provoque un esclandre des princes ecclésiastiques, mais aussi des princes électeurs laïcs, qui refusent car cela induit un affaiblissement de leur parti. L’accord saute et une nouvelle guerre s’engage. Henri V revient sur toutes ses concessions et déclare que l’investiture par la crosse et par l’anneau doit lui revenir pour conférer les temporalia. Le pape refuse et Henri V le fait prisonnier. Henri V lui extorque un privilège sous la contrainte. En 1112, il est rejeté par les cardinaux qui excommunient Henri V. La guerre reprend, un parti anti-impérial se soulève à nouveau en Allemagne avec les saxons à sa tête, et s’en suivent toute une série d’hostilités pendant une dizaine d’années, jusqu’à ce que les magnats, après 10 ans d’hostilités, exigent la réconciliation car ils n’ont pas réussi à renverser Henri V. Cela débouche sur le Concordat de Worms, où on statue durablement sur les modalités de l’investiture. Le pape autorise l’investiture des temporalia des évêques par l’empereur. L’année suivante, un concile déclaré universel par la papauté, à lieu au

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Latran en 1123 sous le nom de Concile du Latran I qui entérine l’investiture entre le Germanie et la papauté.

Le renouveau de la querelle

Les successeurs des Saliens, les premiers Hohenstaufen, entreront en conflit avec le pape pour des raisons de principes liées aux bouleversements de la réforme pontificale, pour des raisons géopolitiques. Qui a la prééminence parmi les pouvoirs terrestres entre pape et empereur ?

Il y a trois phases chronologiques qui s’enchainent au cours de ces 70 années, du lendemain de Worms, jusqu’à la mort d’Henri VI (1190-1197), avec une première phase qui est marqué par une sorte d’entente cordiale entre les papes et les empereurs, même s’il y a des tensions, et particulièrement au moment du successeur d’Henri V, Lothaire III qui va être plus conciliant. Conrad III, roi des romains de 1137 à 1152, c’est le premier empereur depuis un siècle à ne pas avoir fait la descente en Italie, il va demeurer roi des romains. Quelques années après l’avènement du successeur de Conrad III, Frédéric Ier Barberousse, le conflit va reprendre. A partir de 1157-1159, surtout 1159 avec un nouveau schisme, la guerre reprend mais son enjeu désormais est le contrôle de la péninsule, de l’Italie, elle va mettre en présence trois partis essentiels, Alexandre III, Frédéric Ier Barberousse et ses antipapes, les villes Italiennes, les Normands de Sicile (un peu en retrait). Après 1184, un traité conclu à Vérone entre la papauté et Frédéric Ier Barberousse, une nouvelle période s’ouvre au cours de laquelle on est dans une situation de guerre froide en quelques sortes entre les Hohenstaufen et la papauté ; la situation va se dénouer de façon spectaculaire grâce à la mort d’Henri VI qui va mettre la papauté dans une situation très avantageuse.

Du Concordat de Worms, jusqu’en 1157-1159.

C’est une période pendant laquelle les papes sont bien loin de renoncer aux prétentions de Grégoire VII, tout au contraire. Alors même qu’ils sont alliés avec l’empereur de manière stratégique, les papes de cette période, Innocent II, Eugène III et Adrien IV, se lancent dans un politique d’imitation de l’empire (imitatio imperii). Dans le cérémonial propre à la papauté, ils vont insérer toute une série d’éléments qui concrétisent les prétentions de Grégoire VII énoncées dans les Dictatus Papae selon lesquelles le pape est en quelques sortes le successeur moral des empereurs romains. Une des bonnes illustrations est lors d’une rencontre en 1131 entre Lothaire III et Innocent II à Lièges, négociations pour déterminer les conditions d’un couronnement impérial. C’est une période de Schisme car Innocent II se trouve loin de Rome pendant un petit moment, cela n’est pas directement lié à l’Empire. Cette rencontre se déroule selon un cérémonial nouveau, prétendument justifié par un texte ancien : la donation de Constantin, qui a été rédigé à la fin du XIème siècle, quand le poids carolingien s’effondrait. Ce texte serait la preuve que Constantin, le premier empereur romain chrétien, aurait légué au pape de son temps, Sylvestre Ier, la dignité impériale, c’est donc l’acte officiel par lequel Constantin aurait pris cette mesure. Le cérémonial de rencontre ç Lièges reprend une cérémonie qui est décrite dans la donation de Constantin. Innocent II s’entoure d’une cour impériale, et lui place une tiare sur la tête, le pape est placé sur un cheval blanc, couvert d’un drap d’or, ce que faisaient les empereurs romains lors des triomphes à Rome. L’entourage pontifical exige de Lothaire III, qui accepte, qui joue le rôle d’écuyer, c’est-à-dire qu’il vienne à pied devant le pape, qu’il prenne le cheval par la brise et qu’il le conduise en procession.

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L’abbé de Saint Denis, le plus proche conseiller du roi de France, raconte cette rencontre et s’étonne de la façon selon laquelle les choses se déroulent, Lothaire III s’est comporté « comme si le pape était son seigneur », et c’est bien le sens que cette cérémonie a dans l’esprit d’Innocent II. En juin 1133, Innocent II couronne Lothaire III dans la basilique du Latran (Eglise épiscopale de Rome), peu après, le même Innocent II s’empresse de faire réaliser dans une des chapelles du Latran une fresque qui commémore cette cérémonie et qui le montre assit en hauteur sur le trône pontifical avec Lothaire III en bas qui s’incline les mains jointes pour recevoir de lui la couronne, avec une inscription sur cette même fresque qui dit « le roi devient vassal du pape en recevant de lui la couronne impériale ». L’idée la plus radicale de Grégoire VII est ici réaffirmée et traduite en termes de lien féodal. L’empire devient alors un fief, une tenure féodale ; celui qui a été investi tire des obligations à l’égard du pape.

C’est à partir du pontificat d’Innocent II que les papes adoptent comme Pierre emblématique le Porphyre qui est une pierre rouge, couleur impériale, qu’affectionnait les empereurs de la Rome antique et les empereurs de l’empire romain d’Orient en particulier. Innocent II est le premier à se faire inhumer dans un sarcophage de porphyre, et ce sarcophage est tiré du mausolée de l’empereur Adrien. De même, les papes de la fin du XIIème siècle se font enterrer dans des cercueils de porphyre.

Ce deuxième quart du XIIème siècle c’est aussi une période d’exaltation idéologique du pouvoir pontifical en reprenant les principes de Grégoire VII mais en les élaborant. Au cours de cette période il faut mettre l’accent sur le rôle joué par Saint Bernard, Bernard de Clairvaux mort en 1153, personnage charismatique. Il est le maître du pape Eugène III, premier pape Cistercien qui accède au trône pontifical en 1145 ; Bernard rédige un traité dans lequel il réaffirme l’autorité du pape, supérieure sur les princes temporels, expliquant que le glaive matériel et le glaive spirituel doivent être réunis sous l’autorité dignitaire du Christ. C’est aussi la période où un théologien comme Hugues de Saint Victor, dans un traité sur les sacrements, développe une théorie du pouvoir pontifical qui va être reprise toute au loin du Moyen-âge pour justifier le pouvoir théocratique. Il explique vers 1135 que la vie spirituelle est plus importante que la vie terrestre, et que donc le pouvoir spirituel doit être supérieur au pouvoir terrestre, et qu’il attribue le pouvoir terrestre et peut même le juger si nécessaire. Les papes réussissent à mettre ce programme en place dans une mesure assez limitée. Ils sont confrontés à de nombreux obstacles, ils restent pour cela modérés dans leurs rapports avec l’empereur. Le schisme d’Anaclet est une lutte entre deux factions aristocratiques romaines, les Frangipani et les Pierleoni. Anaclet II a le contrôle de Rome grâce à sa famille et au soutien des normands de Sicile. Innocent II doit fuir Rome. A cette occasion, un royaume de Sicile normand est créé et reconnu par Anaclet II alors que jusque-là il n’y avait que des comtés normands, et cette reconnaissance va avoir des conséquences à assez long terme malgré l’échec d’Anaclet.

A partir du pontificat d’Innocent II, les Normands de Sicile deviennent un vrai problème pour les papes car ils commencent à s’adjugeaient de terres que jusque-là la papauté possédait, c’est ce que l’on appelle le patrimoine de Saint-Pierre (territoire d’Italie centrale où le pape est aussi seigneur direct, qui comprend le Latium, la Tuscie, Ombrie et les Abruzzes). Innocent II va rejeter cette transformation de ces terres en royaume de Sicile. Lothaire III va recevoir pour mission de combattre les normands de Sicile et va arriver à quelques succès, contraignant Roger II à se replier un certain temps dans l’île de Sicile. S’en suit un désaccord entre Innocent II et Lothaire III sur le statut de l’Apulie. A la mort de Lothaire III, Innocent II organise une coalition de barons d’Italie du sud et de

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féodaux du patrimoine e Saint pierre pour combattre Roger II. Cette coalition est battue en 1139 et le pape est même fait prisonnier, et doit confirmer le privilège par lequel Anaclet II avait accepté et reconnu le royaume de Sicile. La papauté est incapable d’empêcher les normands d’occuper l’est et le sud des Etats pontificaux.

La papauté privilégie l’alliance avec Conrad III contre la Sicile. Les premières années de Barberousse seront marquées par cette alliance, il succède à Conrad III en 1152. En 1153, Barberousse conclut un accord appelé le traité de Constance et au terme de celui-ci Frédéric Ier s’engage à restaurer la primauté des Etats pontificaux, à combattre l’aristocratie romaine qui perdure contre l’autorité du pape. Barberousse a une ambition qui est pour lui fondamentale, il veut rétablir dans le royaume d’Italie la domination effective du roi des romains qu’il est, de l’empereur qu’il va devenir. Depuis la mort de Lothaire III, les villes du royaume d’Italie ont pris leur indépendance, elles ont atteints la puissance économique critique pour devenir des identités souveraines, elles se sont dotées d’institutions communales, elles sont gérées sous la forme d’auto gouvernement collectif par des consuls élus par les citoyens. Ces magistrats sont entourés de divers conseils, gouvernements collégiaux qui se considèrent désormais comme souverains. Or, le programme de Frédéric Ier est de combattre ces nouvelles autorités et de soumettre ces entités politiques au pouvoir impérial. Les villes d’Italie vont se coaliser contre Barberousse.

Barberousse se fait couronner à Rome en juin 1155 par Adrien IV (pape anglais), Barberousse fait capturer le chef communal du gouvernement de Rome qui tente de s’émanciper de son seigneur et d’instaurer un gouvernement collectif de la ville avec l’aristocratie et la bourgeoisie de la ville. Arnaud de Brescia est le chef du mouvement, il tient tête à Adrien IV. Le pape le fait exécuter. Avant le couronnement impérial, Adrien IV exige que le futur empereur se prête au rituel inauguré par Innocent II à Lièges. Barberousse commence par refuser à se prêter à ce rituel humiliant, il finit par accepter. Cette concession faite, il ne cède pas sur l’exigence du pape, celle de voir détruire la fresque peinte sous les ordres d’Innocent II, il obtient la destruction de la fresque du Latran. L’empereur doit protéger politiquement et militairement la papauté et les Etats pontificaux, et Barberousse va se montrer assez moue dans ce domaine, il va échouer à remplir les conditions du Traité de Constance. Ce manque d’enthousiasme va conduire Adrien IV à la rupture du traité de Constance et à un renversement d’alliance ; Adrien IV décide de faire la paix avec les Normands et cette décision est l’occasion d’une discorde très durable au sein du collège cardinalise. Adrien IV essaie d’abord de combattre seul les normands mais cela va se traduire par une défaire. En 1156, Adrien IV se résout à faire un concordat avec les Normands, le concordat de Bénévent, il ratifie l’existence du royaume de Sicile, en l’échange de la promesse de Guillaume Ier de respecter l’intégrité des Etats pontificaux. Cet accord entre la papauté et les normands se fait finalement au détriment des intérêts de Barberousse qui a pour ambition de réunir ce qu’il considère être l’héritage de Lothaire, c’est-à-dire du petit fils de Charlemagne qui s’était vu attribué le titre d’empereur en 842-843. Pour Barberousse, la puissance des normands de Sicile est illégitime, et le fait de l’accord entre les normands et Adrien IV est inacceptable pour Barberousse. Le deuxième élément qui va conduire à dégrader les relations entre papauté et empire, est en 1157 lors d’une assemblée impériale qui se tient à Besançon (qui est une terre impériale) ; Barberousse y rassemble une diète (assemblée d’empire qui réunit périodiquement autour de l’empereur les principaux féodaux et les principaux ecclésiastiques), et une lettre du pape lut par un légat du pape déclenche un scandale. Adrien IV, dans sa lettre, rappelle qu’il a conféré le beneficium de l’empire à Barberousse, ce terme créé un scandale car ce mot a un sens très précis dans une longue tradition carolingienne, un

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bénéfice c’est, à l’origine, un pouvoir public donné sur un comté, duché, marquisat, par l’empereur ou un roi carolingien, à un comte, à un duc, ou à un marquis, en vertu de laquelle le bénéficiaire doit fidélité, doit sujétion au souverain. Cette utilisation du mot qui sous-entend que l’empereur est le vassal du pape déclenche un accident diplomatique. On se retrouve alors dans une problématique grégorienne qui est inadmissible pour Barberousse et son entourage.

Adrien IV doit quelques semaines plus tard, écrire à Barberousse pour lui dire qu’il fallait comprendre bénéfice au sens de bien fait mais cette explication ne trompe personne. Les choses s’enveniment définitivement à la mort d’Adrien IV lorsqu’une double élection survient pour le remplacer. Le clivage entre les cardinaux jouent à plein et se radicalise, d’un côté ceux qui dénoncent l’accord avec le royaume de Sicile et ceux favorables à la politique de rapprochement avec les normands. Ceux qu’on appelle les membres du parti Sicilien élisent Alexandre III, tandis que les cardinaux pro-impériaux, minoritaires, élisent Victor IV. Le représentant de Barberousse à Rome s’empresse de venir en soutien de Victor IV lui apporter son aide militaire, prend le contrôle de Rome et Alexandre III doit s’enfuir. Barberousse va utiliser cette circonstance et il va d’autant plus l’utiliser que les partisans d’Adrien IV sont aussi partisans d’un choix politique effectué par Adrien IV, celui de s’allier aux villes de Lombardie contre l’Empire. Le ton monte entre l’empire et les villes d’Italie, surtout à partir de la Diète de Roncaglia en 1158. Au cours de cette diète, Barberousse convoque les représentants de toutes les villes du royaume d’Italie, et leur annonce que désormais, à l’inverse de son prédécesseur Conrad III, il exige l’obéissance aux représentants envoyés dans chaque ville pour gouverner en son nom, il exige le rétablissement des droits souverains sur ces villes. Peu avant sa mort, Adrien IV a accepté de recevoir les représentants de ces villes dans le palais pontifical d’Anagni dans le Latium, autour de lui il avait 12 cardinaux tous favorables à ses options politiques. Cela conduit à la décision de Frédéric Barberousse de soutenir le pape du parti adverse, même s’il est minoritaire, Victor IV.

Le résultat est 18 années de guerres entre Frédéric Ier et les villes italiennes alliées à la papauté et à Alexandre III. Barberousse valide l’élection, il réunit un concile à Pavie au cours duquel il valide très officiellement la légitimité de l’élection de Victor IV, en 1160. L’essentiel des affrontements militaires a lieu entre les villes et Barberousse. Les villes s’allient en ligue, en fédération de cités-Etats, et en 1167, ces villes créent la ligue lombarde, à l’initiative des villes de Crémone, Mantoue, Brescia et Bergame. Peu après, en 1168, cette alliance devient très menaçante pour Barberousse car des villes puissantes s’y joignent, comme Milan (2ème plus grande ville d’Occident derrière Paris), mais aussi Plaisance, Vérone, Bologne. La ligue lombarde est victorieuse, elle contraint Barberousse, par une grande victoire sur Barberousse à Legnano en 1176, à négocier et à renoncer aux plus importantes de ces prétentions. Alexandre III fait entièrement sienne la cause de la ligue, il en va de sa survie en tant que pape car Barberousse reconnait Victor IV mais aussi des successeurs à Victor IV, comme Pascal III dès 1164 qui connaitra lui aussi d’autres successeurs. Grâce aux cisterciens à travers toute l’Europe, Alexandre III en exil réussit à maintenir sa position puis à la rétablir. Il est reconnu par les rois de France et d’Angleterre. Alexandre III voit son destin lié à celui des villes d’Italie du Nord, il utilise au service de la ligue des sanctions canoniques, la papauté utilise des sanctions spirituelles à des fins temporelles. [Bulle « Non est dubium]. Alexandre III sanctifie le pouvoir des consuls à des fins d’unité face aux troupes impériales en lançant des sanctions canoniques contre toute ville qui créerait de la discorde au sein de l’alliance. Alexandre III maintient un groupe de 5 légats qui sont en permanence affectaient à l’entretien, au maintien des liens

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diplomatiques entre la curie et la ligue ; ces légats sont en fonction à Milan, Vérone, auprès des armées de la ligue pour coordonner les actions de la ligue et les actions du pape.