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3.2 Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ? Déviance primaire/dév iance secondaire, anomie On définira la déviance comme une transgression des normes et on montrera qu'elle peut revêtir des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux. On analysera la déviance comme le produit d'une suite d'interactions sociales qui aboutissent à « étiqueter » certains comportements comme déviants et, en tant que tels, à les sanctionner. On montrera que les comportements déviants peuvent aussi s'expliquer par des situations d'anomie. Objectifs : Les élèves doivent savoir à la fin de la séquence : Que la déviance est une transgression des normes [A1] Que la déviance peut revêtir des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux [A2]. Que la déviance peut s’expliquer de plusieurs manières et notamment [B]: o Que la déviance peut être le produit d'une suite d'interactions sociales qui aboutissent à « étiqueter » certains comportements comme déviants et, en tant que tels, à les sanctionner. [B2] o Que les comportements déviants peuvent aussi s'expliquer par des situations d'anomie. [B1] A/ La déviance est une transgression des normes qui peut revêtir des formes variés selon les sociétés et les groupes sociaux 1/ Comment définir la déviance ? Document 1 : « Tuer son voisin, renverser volontairement du chocolat fondu sur une moquette blanche au cours d'un repas, chahuter en classe, [ ...] commettre un hold-up dans un bureau de poste, oublier de fêter l'anniversaire d'un proche, tricher dans une partie de dominos entre amis, s'adonner au commerce de stupéfiants ou se prostituer, se moucher au milieu d'un concerto de violon. Le quotidien nous expose à d'innombrables écarts de conduite qui, d'une manière ou d'une autre, rompent ce que l'on tient pour Page 1 sur 20

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3.2 Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ?

Déviance primaire/déviance secondaire, anomie

On définira la déviance comme une transgression des normes et on montrera qu'elle peut revêtir des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux. On analysera la déviance comme le produit d'une suite d'interactions sociales qui aboutissent à « étiqueter » certains comportements comme déviants et, en tant que tels, à les sanctionner. On montrera que les comportements déviants peuvent aussi s'expliquer par des situations d'anomie.

Objectifs   : Les élèves doivent savoir à la fin de la séquence   : Que la déviance est une transgression des normes [A1] Que la déviance peut revêtir des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon

les groupes sociaux [A2]. Que la déviance peut s’expliquer de plusieurs manières et notamment  [B]:

o Que la déviance peut être le produit d'une suite d'interactions sociales qui aboutissent à « étiqueter » certains comportements comme déviants et, en tant que tels, à les sanctionner. [B2]

o Que les comportements déviants peuvent aussi s'expliquer par des situations d'anomie. [B1]

A/ La déviance est une transgression des normes qui peut revêtir des formes variés selon les sociétés et les groupes sociaux

1/ Comment définir la déviance   ?

Document   1 : « Tuer son voisin, renverser volontai rement du chocolat fondu sur une moquette blanche au cours d'un repas, chahuter en classe, [ ...] commettre un hold-up dans un bureau de poste, oublier de fêter l'anniversaire d'un proche, tricher dans une partie de dominos entre amis, s'adonner au commerce de stupéfiants ou se prostituer, se moucher au milieu d'un concerto de violon. Le quotidien nous expose à d'innombrables écarts de conduite qui, d'une manière ou d'une autre, rompent ce que l'on tient pour le cours ordinaire des choses. Ces ruptures ne nous paraissent pourtant pas toutes d'égale gravité. Les manquements aux règles de la bienséance, de la politesse et de l'honneur se distinguent des agissements qui portent atteinte à la propriété privée, à l'intégrité physique ou à l'ordre public. [...] Mais, quelle que soit la forme sous laquelle elle s'exprime, la réaction est identique: lorsqu'une conduite déroge à ce qu'il faudrait qu'elle fût, elle donne lieu à une sanction. Or, pour qu'une sanction soit prononcée, une première condition semble être requise: qu'une idée préalable de ce que le comportement idéal devrait être habite de ceux qui l'infligent comme celui de ceux qui s'y soumettent. En d'autres termes, il faut que préexiste une norme à l'aune de laquelle puisse se mesurer un écart; et que cette norme soit suffisamment publique pour que la sanction soit comprise comme telle. »

Source : Albert Ogien, Sociologie de la déviance, colt. « U », Armand Colin, 1995.

Questions   :a) Quelles sont les quatre formes de déviances distinguées par l'auteur

dans le deuxième paragraphe? b) Classez les exemples du premier paragraphe dans ces quatre

catégories. Est-ce toujours facile?

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c) Quels doivent être les éléments réunis pour qu'un acte soit considéré comme déviant?

Document 2   : L'ouvrier que l 'on attend à 8:00 arrive plus tard. L'enfant dont on attend que tout le monde soit servi avant de commencer à manger se jette sur son assiette à peine celle-ci remplie. L'automobiliste dont on attend qu'il laisse passer le piéton engagé sur un passage clouté ne s'arrête pas et s'arrange même pour passer dans la flaque d'eau qui éclaboussera les personnes sur le trot toir... De tels écarts [...] menacent l'homogénéité sociale et les plus graves d'entre eux appellent des sanctions. La déviance n'est pas un problème d'ordre juridique mais sociologique . La sanction de la déviance est en premier lieu le regard désapprobateur porté sur le déviant. Toute déviance n'implique pas une sanction pénale ou physique. Si la norme du groupe social est le port de la cravate et des cheveux courts, le "look punk" constitue une déviance qui suscite l'étonnement ou la réprobation des individus conformistes mais pas de sanction pénale ou physique. [...]Seules les plus graves des déviances, celles qui consistent dans la violation des règles que les sociétés ont pris le soin d'inscrire dans la loi, constituent des actes de délinquance. La délinquance n'est pas qu'un problème sociologique, c'est un problème juridique qui appelle une politique de prévention et de répression de la part des pouvoirs publics. Elle se mesure statistiquement, c'est un phénomène objectif. La déviance ne se mesure pas dans la mesure où toutes les formes de déviance ne peuvent être recensées et dépendent largement de la subjectivité de celui qui se fait "juge". »

Source : Albert Ogien, Sociologie de la déviance, coll. « U », Armand Colin, 1995.

Questions : a) Expliquez la phrase soulignée.b) Quelle est la différence entre déviance et délinquance?c) Quel est le lien entre déviance et délinquance?d) Donnez des exemples d'actes déviants qui ne sont pas délinquants (trouvés dans le texte et hors du texte).

Exercice : Classez les propositions suivantes dans le tableau ci-dessous : s’habiller de manière excentrique, avoir du retard à un repas entre amis, avoir une heure de retard au travail, être absent en cours sans excuse valable, ne pas se présenter à une convocation au tribunal, boire de l’alcool occasionnellement, être alcoolique, boire et conduire, affirmer que la terre est ronde.

ComportementConforme Déviant Délinquant

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Complétez les définitions avec les mots : déviance, conformité, délinquance, marginalité ………………………….……  : comportement de celui qui respecte les valeurs et

normes en vigueur dans la société où il vit. ……………………..…………………………………….……. : situation d’une

personne qui ne respecte pas certaines normes communément admises, sans pour autant être un délinquant.

……….………………………………………….….………..   : comportement qui ne respecte pas les normes en vigueur ou qui est perçu par les autres comme transgressant les normes.

………..………………..   : comportement déviant, criminel ou délictueux, réprimé par l’application de sanctions juridiques négatives.

Synthèse  : La déviance peut se définir comme une transgression des normes propres à un groupe et/ ou une société. En ce sens, elle peut revêtir de multiples formes (du meurtre à l'impolitesse) qui appellent des sanctions fortement différenciées (de l'emprisonnement à la simple réprobation). Cette notion sociologique se distingue de celle de délinquance, plus restreinte: le délinquant est celui qui contrevient à une norme juridique (code de la route, code civil, etc.) et encourt donc une sanction d'ordre juridique (contravention, emprisonnement, etc.).

2/ La déviance est relative selon les époques et les groupes sociaux

Document 3 : Le crime est normal, parce qu'une société qui en serait exempte est tout à fait impossible ; telle est la première évidence paradoxale que fait surgir la réflexion sociologique. […]Le crime ne s'observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de tous les types. Il n'en est pas où il n'existe une criminalité. Elle change de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais, partout et toujours, il y a eu des hommes qui se conduisaient de manière à attirer sur eux la répression pénale. […] Classer le crime parmi les phénomènes de sociologie normale, ce n'est pas seulement dire qu'il est un phénomène inévitable quoique regrettable, dû à l'incorrigible méchanceté des hommes ; c'est affirmer qu'il est un facteur de la santé publique, une partie intégrante de toute société saine. […]En premier lieu, le crime est normal parce qu'une société qui en serait exempte est tout à fait impossible. Le crime, nous l'avons montré ailleurs, consiste dans un acte qui offense certains sentiments collectifs, doués d'une énergie et d'une netteté particulières. Pour que, dans une société donnée, les actes réputés criminels pussent cesser d'être commis, il faudrait donc que les sentiments qu'ils blessent se retrouvassent dans toutes les consciences individuelles sans exception et avec le degré de force nécessaire pour contenir les sentiments contraires. Or, à supposer que cette condition pût être effectivement réalisée, le crime ne disparaîtrait pas pour cela, il changerait seulement de forme […]. Autrefois, les violences contre les personnes étaient plus fréquentes qu'aujourd'hui parce que le respect pour la dignité individuelle était plus faible. Comme il s'est accru, ces crimes sont devenus plus rares ; mais aussi, bien des actes qui lésaient ce sentiment sont entrés dans le droit pénal dont ils ne relevaient primitivement pas. […]Le crime […] est utile. […] Rien n'est bon indéfiniment et sans mesure. Il faut que l'autorité dont jouit la conscience morale ne soit pas excessive ; autrement, nul n'oserait y porter la main et elle se figerait trop facilement sous une forme immuable. Pour qu'elle puisse évoluer, il faut que l'originalité puisse se faire jour ; or pour que celle de l'idéaliste qui rêve de dépasser

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son siècle puisse se manifester, il faut que celle du criminel, qui est au-dessous de son temps, soit possible. […] La liberté de penser dont nous jouissons actuellement n'aurait jamais pu être proclamée si les règles qui la prohibaient n'avaient été violées avant d'être solennellement abrogées. Cependant, à ce moment, cette violation était un crime, dans la généralité des consciences. Et néanmoins ce crime était utile puisqu'il préludait à des transformations qui, de jour en jour, devenaient plus nécessaires.

Source   : Émile Durkheim, “Le crime, phénomène normal” (1894), http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/crime_phenomene_normal/

crime_phenomene_normal.pdf

Questions :a) Expliquez : « Le crime est normal ».b) Expliquez la phrase soulignée.c) Expliquez pourquoi le crime est utile.

Document 4 : Les mentalités évoluent, chacun le sait bien. Les modifications de normes dues aux progrès techniques ou à l’évolution des croyances religieuses et politiques proclamées sont flagrantes. Mais derrière ces processus très généraux, on peut apercevoir des évolutions qui touchent à des comportements que nos ancêtres pouvaient croire " naturels " et qui pourtant se révèlent être des normes qui ne s’imposaient à eux qu’en vertu d’une représentation construite par la société. Ainsi, dans nos sociétés occidentales, il y a encore seulement un siècle ou deux, la remise en cause de la suprématie sociale, morale, juridique (propriété, mariage, succession, etc.) et intellectuelle des hommes sur les femmes était une déviance intolérable tandis que c'est aujourd'hui son affirmation qui l'est. L’avortement était un crime jugé particulièrement immoral et sévèrement puni tandis que l'on réprime aujourd'hui les catholiques intégristes qui contestent la liberté d'avorter. L’homosexualité était considérée comme une perversion haïssable et méritant de sévères châtiments tandis que c'est aujourd'hui une revendication identitaire largement perçue comme légitime et sans doute bientôt reconnue par le droit. La mendicité était un délit qui pouvait conduire un clochard aux travaux forcés à vie dans un bagne tandis qu'elle fait aujourd'hui l'objet d'une compassion et d'une prise en charge croissantes. L’obéissance des enfants était une obligation indiscutable et les punitions corporelles la sanctionnaient légitimement en famille comme à l’école tandis que le non-respect du " droit de l'enfant " est aujourd'hui regardé comme un abus d'autorité odieux. Inversement, l’évolution des sociétés modernes conduit à pénaliser des comportements jadis tolérés voire considérés comme normaux : certaines formes de corruption, certaines formes d’atteinte à l’environnement (chasse, pollution automobile, pollution agricole), certaines formes de violences " morales " (le harcèlement sexuel simplement oral, le propos raciste, […]Enfin, l’évolution des normes sanitaires conduit aussi à pénaliser certaines pratiques très ordinairement répandues comme l’acte de fumer. Aujourd’hui, l’individu qui allume une cigarette dans un hall de gare est un délinquant puisqu'il enfreint la loi. Il y a à peine quelques années, dans la même situation, il était un individu parfaitement normal. Certes, la mise en pratique de cette interdiction est aujourd'hui très négociée et l'infracteur est simplement prié d'éteindre sa cigarette, mais il est probable que, dans vingt ou trente ans, la sanction automatique aura remplacé la recommandation bienveillante de la même façon que notre société réprime aujourd'hui fortement la conduite en état d'ébriété qu'elle tolérait jadis.

Source : Mucchielli, La déviance, entre normes, transgression et stigmatisation, Sciences Humaines, http://www.scienceshumaines.com/la-deviance-entre-normes-transgression-et-

stigmatisation_fr_11197.html

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Document 4, B img_1 : Application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics dans le monde en avril 2008

Source   : Global SmokeFree Partnership1

Questions   :

a) Complétez le tableau ci-dessous à l’aide des exemples pris dans les documents et vos connaissances :

Exemples issus du texte

Conforme ou déviant ? Oui ou non ?

Autrefois en France ?

Aujourd’hui en France ?

Y a-t-il des différences selon les milieux sociaux ?

Y a-t-il des différences selon les pays ?

b) Pourquoi ce qui est considéré comme un crime à certaines époques ou dans

certains pays peut ne pas l’être à une autre époque ou pour d’autres sociétés ?

Synthèse :La déviance peut être considérée comme un fait social « normal » et « utile » (Emile

1 Pour une vision dynamique : http://www.globalsmokefreepartnership.org/index.php?section=artigo&id=32

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Durkheim), dans la mesure où elle est présente dans toute société et peut en faire évoluer les règles.Toute société est confrontée à la déviance, par contre, les formes qu'elle peut revêtir sont variables selon les époques. La déviance étant considérée comme une attitude ou des comportements non conformes aux normes et valeurs véhiculées par une société, si ces valeurs ou normes évoluent, alors la perception de la déviance évolue aussi.De même comme les normes et valeurs sont différentes selon les sociétés considérées, les formes que prend la déviance le sont aussi.Au sein d’une même société et à la même période, la déviance est aussi relative. L’existence au sein d'une même société, d’une pluralité de systèmes normatifs, souvent contradictoires, fait que l'on n'est jamais déviant de manière absolue mais toujours par rapport à un ou plusieurs groupes sociaux composant la société.La définition de la déviance est donc très relative et peut varier selon les époques, les cultures et les groupes sociaux.

B/ Plusieurs manières d’expliquer la déviance

La déviance peut correspondre à la transgression des normes provoquant des sanctions négatives. [B1]

Elle peut aussi relever d’une interaction sociale entre l’individu soupçonné, à tort ou à raison, d’avoir commis un acte déviant et les individus qui réagissent à ces comportements, vrais ou supposés. Dans ce cas la déviance se définit à partir de la perception des membres d’une société d’un acte qui enfreint les règles. Le déviant est celui auquel l’étiquette de déviant a été mise avec succès. [B2]

1/ Les situations d’anomie, une manière d’expliquer la déviance

Document 5 : Si l'anomie est un mal, c'est avant tout parce que la société en souffre, ne pouvant se passer, pour vivre, de cohésion et de régularité. Une réglementation morale ou juridique exprime donc essentiellement des besoins sociaux que la société seule peut connaître ; elle repose sur un état d'opinion, et toute opinion est chose collective, produit d'une élaboration collective. Pour que l'anomie prenne fin, il faut donc qu'il existe ou qu'il se forme un groupe où se puisse constituer le système de règles qui fait actuellement défaut.

Source   : Émile Durkheim (1893), De la division du travail social : Livre I

Document 6 : Mais il n'en est pas autrement si la crise a pour origine un brusque accroissement de puissance et de fortune. Alors, en effet, comme les conditions de la vie sont changées, l'échelle d'après laquelle se réglaient les besoins ne peut plus rester a même […] On ne sait plus ce qui est possible et ce qui ne l'est pas, ce qui est juste et ce qui est injuste, quelles sont les revendications et les espérances légitimes, quelles sont celles qui passent la mesure. Par suite, il n'est rien à quoi on ne prétende. […] Ainsi, les appétits, n'étant plus contenus par une opinion désorientée, ne savent plus où sont les bornes devant lesquelles ils doivent s'arrêter. […] L'état de dérèglement ou d'anomie est donc encore renforcé par ce fait que les passions sont moins disciplinées au moment même où elles auraient besoin d'une plus forte discipline.

Source : Émile Durkheim (1897), Le suicide. Étude de sociologie : livre II

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Questions :a) A partir des deux documents ci-dessus, définissez l’anomie selon Durkheim.b) Dans quelle situation, l’anomie peut-elle se développer ?

Une autre définition de l’anomie chez Merton [(1910 – 2003), Etats-Unis]

Document 7 : Notre principal objectif est de découvrir de quelle manière une structure sociale peut pousser des individus à s’engager dans des conduites non conformes. [Pour y parvenir, il faut prêter attention à deux éléments […].Le premier, c’est l’ensemble des buts, des visées, des intérêts culturellement valorisés. […] Le second, c’est l’ensemble des moyens considérés comme acceptables pour atteindre ces buts. Tout groupe social couple nécessairement son échelle de buts valorisés avec une régulation morale ou institutionnelle des moyens requis et permis pour les atteindre. […] Nous pouvons donc distinguer cinq modes d’adaptation des individus aux pressions culturelles du groupe. […] Dans toute société, l’adaptation de type I (la conformité à la fois aux buts valorisés et aux moyens admis) est la plus courant. Si ce n’était pas le cas, la stabilité et le maintien de la société seraient compromis. […] Un manque de coordination entre les fins et les moyens culturellement admis est valorisés mènent à l’anomie. » 

Source : Robert K. Merton, « Social structure and anomie », American Sociological review, vol.3, n°5,1938.

5 grands types d’adaptation vis - à vis du contrôle socialMode d’adaptation

Buts valorisés Moyens admis

1. Conformité + (Acceptation) +2. Innovation + -3. Ritualisme - +4. L’évasion - -

5. La rébellion (+/-) Refus des principales valeurs et introduction de valeurs nouvelles

(+/-) Refus des principales valeurs et introduction de valeurs

nouvelles

Questions sur le texte de Merton et le tableau ci-dessus:1. Trouvez des exemples pour chaque type d’adaptation2. Pourquoi Merton met-il « la rebellion » à part ?3. Expliquez la phrase soulignée dans le document ci-dessus.

Exercice : A quels auteurs (Durkheim ou Merton), correspondent les définitions ci-dessous 1.  ………………………………………………… : situation d'une société dans laquelle «

il y a déficience de règles sociales communément acceptées, de sorte que les individus ne savent plus comment orienter leurs conduite » (Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Nathan, 1996).

2.  ………………………………………………….. : « situation où l'individu est dans l'impossibilité, du fait de sa position dans la structure sociale, d'atteindre un objectif défini et même prescrit par la culture de la société dans laquelle il vit » (Dictionnaire de sociologie, Le Robert/Seuil, 1999).

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Synthèse  : Pour certains sociologues, la déviance peut résulter d'une situation d'anomie. Le fait que certains individus sont insuffisamment intégrés aux instances traditionnelles de socialisation (famille, école, vie professionnelle). Ainsi, le contrôle social n'est pas toujours assez puissant pour réprimer les désirs des individus, notamment dans une société comme la nôtre qui repose sur la consommation. Les individus peu vent alors se trouver dans une situation anomique, qui favorise la transgression des normes, selon Émile Durkheim. De plus, la montée de l'individualisme assigne aux individus un modèle de réussite sociale qu'ils n'ont pas toujours les moyens de réaliser. Certains déviants adhèrent pleinement à certaines des valeurs dominantes mais comme ils n’ont pas les moyens légaux d’y parvenir, ils vont employer des moyens illégaux pour y parvenir. Ce sont eux que Robert K. Merton qualifie d'« innovateurs ». Selon Merton, le vol serait ainsi un moyen de s’enrichir par des moyens anormaux.

2/ La déviance, le produit des interactions sociales

Document 8 : Dans les années 1950, Edwin Lemert a donné à l’étude de la déviance un programme comportant d’une part l’étude de la déviance primaire (la transgression de la norme), d’autre part l’étude de la déviance secondaire (la reconnaissance et la qualification de cette déviance par une instance de contrôle social). C'est à ce deuxième volet que se sont consacrés les sociologues américains dits de la " seconde école de Chicago " ou encore de la " théorie de la stigmatisation " (outre Lemert, il s’agit en particulier de Erving Goffman et Howard Becker […]. Ils ont montré qu’une déviance reconnue comme telle suppose un processus de désignation ou de stigmatisation. Ce processus peut se faire de façon formelle ou informelle. Le simple détournement du regard ou du corps constitue une stigmatisation. Dès lors, le contrôle de son image est un enjeu crucial et Goffman attire notre attention sur les innombrables adaptations que nous réalisons pour nous conformer à ce que les personnes avec lesquelles nous interagissons attendent de nous. Selon ces sociologues, la déviance n’est ainsi qu’un rôle endossé par celui qui est victime de la stigmatisation des autres. Et, s’il persiste, ce rôle peut entraîner une modification de la personnalité de l’individu ainsi qu’une modification de ses relations sociales. Il entre alors progressivement dans une " carrière " de déviant. Les chercheurs ont ainsi décrit l’entrée dans les carrières de délinquants, de toxicomanes, de prostituées, de malades ou d’handicapés mentaux, de sans-abri et plus simplement d’assistés sociaux. […]

Source : Mucchielli, La déviance, entre normes, transgression et stigmatisation, Sciences Humaines, http://www.scienceshumaines.com/la-deviance-entre-normes-transgression-et-

stigmatisation_fr_11197.html

Questions sur le texte ci-dessus : a) Retrouvez dans le texte les définitions de la déviance primaire et de la déviance secondaire.b) A quel type de déviance, des sociologues comme Durkheim s’intéressent-ils ? Expliquez votre réponse.c) Chez les sociologues « de la seconde école de Chicago », quel est le processus indispensable pour qu’il y ait déviance ?

Document 9 : Il n'est pas ici dans mon intention de soutenir que les seuls actes « réellement » déviants sont ceux que les autres considèrent comme tels. Toutefois on doit reconnaître que cet aspect est important et qu'il faut en tenir compte dans toute analyse du comportement

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déviant. En combinant cette dimension avec le critère de la conformité (ou non-conformité) d'un acte à une norme particulière, on peut construire le tableau ci-dessous qui permet de distinguer différents types de déviance. Deux de ces types ne demandent guère d'explication. Le comportement conforme est simplement celui qui respecte la norme et que les autres perçoivent ainsi ; à l'opposé, le comportement pleinement déviant est celui qui enfreint la norme et qui est perçu comme tel.Les deux autres possibilités sont plus intéressantes. Dans la situation de celui qui est accusé à tort, les autres croient que la personne a commis une action irrégulière alors qu'en fait il n'en est rien. Il se produit sans aucun doute de fausses accusations même dans les tribunaux, où les individus sont protégés par les règles des voies de droit et du témoignage. Il s'en produit probablement encore plus souvent dans les situations extra-judiciaires, là où les individus ne disposent pas des garanties de la procédure.Le cas opposé de la déviance secrète est encore plus intéressant. Ici, un acte irrégulier est bel et bien commis, mais il n'est perçu par personne comme une transgression des normes et n'entraîne aucune réaction. Comme pour la fausse accusation, nul ne connaît vraiment l'extension du phénomène, mais je suis convaincu qu'elle est très importante, beaucoup plus importante que nous ne pouvons l'imaginer. […] De nombreuses personnes qui prennent des stupéfiants sont aussi capables, on le verra, de cacher leur toxicomanie aux membres de leur entourage qui ne se droguent pas.Les quatre types de déviance, constitués en croisant la nature du comportement avec les réactions qu'il suscite, distinguent des phénomènes qui diffèrent par des aspects importants. Mais ces différences sont en général négligées et les explications des phénomènes qui sont proposés s'avèrent en conséquence inadéquates. Un garçon qui, en toute innocence, tourne autour d'un groupe délinquant peut être arrêté un soir avec celui-ci sur des présomptions. Il figurera dans les statistiques officielles comme délinquant aussi sûrement que ceux qui ont effectivement participé à une action répréhensible et les chercheurs en sciences sociales qui tentent d'élaborer des théories explicatives de la délinquance essaieront de rendre compte de sa présence dans les fichiers officiels selon des raisonnements identiques à ceux par lesquels ils rendent compte de la présence des autres. Les deux cas sont pourtant différents et la même explication ne peut leur convenir.

Source: Becker, Howard S. (1963), Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, (1985), Paris, Métailié

Typologie de la dévianceComportements obéissant à la norme

Comportements n’obéissant pas à la norme

Perçu comme déviant

Accusé à tort : Pleinement déviant :

Non perçu comme déviant

Conforme : Secrètement déviant :

Question 1. Placer de manière pertinente les exemples suivants dans le tableau ci-dessous : fausses rumeurs, assassin jugé en justice, perversion sexuelle non révélée, payer ses impôts, accusés à tort, voleur arrêté par la police et jugé, respecter le code de la route, téléchargements par Internet illégaux non détectésQuestion 2 : trouvez un exemple pour chacun des 4 types

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Question 3 : Combien d'acteurs sociaux sont-ils nécessaires pour parler de déviance?Question 4 : Montrez que dans cette typologie, la déviance n’est pas seulement une transgression des normes

Document 10 : Tout le temps que l'inconnu est en notre présence, des signes peuvent se manifester montrant qu'il possède un attribut qui le rend différent des autres membres de la catégorie de personnes qui lui est ouverte, et aussi moins attrayant, qui, à l'extrême, fait de lui quelqu'un d'intégralement mauvais, ou dangereux, ou sans caractère. Ainsi diminué à nos yeux, il cesse d'être pour nous une personne accomplie et ordinaire, et tombe au rang d'individu vicié, amputé. Un tel attribut constitue un stigmate, surtout si le discrédit qu'il entraîne est très large ; parfois aussi on parle de faiblesse, de déficit ou de handicap. Il représente un désaccord particulier entre les identités sociales virtuelle et réelle. Notons qu'il existe d'autres types de désaccord, tel celui qui nous fait reclasser un individu d'une catégorie socialement attendue à une autre, différente mais tout aussi attendue, ou encore celui qui nous incite à déplacer vers le haut le jugement que nous avions porté sur quelqu'un. Remarquons également que tous les attributs déplaisants ne sont pas en cause, mais ceux-là seuls qui détonnent par rapport au stéréotype que nous avons quant à ce que devrait être une certaine sorte d'individus. Le mot de stigmate servira donc à désigner un attribut qui jette un discrédit profond, mais il faut bien voir qu'en réalité c'est en termes de relations et non d'attributs qu'il convient de parler. L'attribut qui stigmatise tel possesseur peut confirmer la banalité de tel autre et, par conséquent, ne porte par lui-même ni crédit ni discrédit. […] En gros, on peut distinguer trois types de stigmates. En premier lieu, il y a les monstruosités du corps – les diverses difformités. Ensuite, on trouve les tares du caractère qui, aux yeux d'autrui, prennent l'aspect d'un manque de volonté, de passions irrépressibles ou antinaturelles, de croyances égarées et rigides, de malhonnêteté, et dont on infère l'existence chez un individu parce que l'on sait qu'il est ou a été, par exemple, mentalement dérangé, emprisonné, drogué, alcoolique, […]. Enfin, il y a ces stigmates tribaux que sont la race, la nationalité et la religion, qui peuvent se transmettre de génération en génération et contaminer également tous les membres de la famille. […] Quant à nous, ceux qui ne divergent pas négativement de ces attentes particulières, je nous appellerai les normaux. Les attitudes que nous, les normaux, prenons vis-à-vis d'une personne affligée d'un stigmate et la façon dont nous agissons envers elle, tout cela est bien connu, puisque ce sont ces réactions que la bienveillance sociale est destinée à adoucir et à améliorer. Il va de soi que, par définition, nous pensons qu'une personne ayant un stigmate n'est pas tout à fait humaine. Partant de ce postulat, nous pratiquons toutes sortes de discriminations, par lesquelles nous réduisons efficacement, même si c'est souvent inconsciemment, les chances de cette personne.

Source   : Goffman, Ervin (1963), Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, (1975), Paris, Les Editions de Minuit, coll. ''Le sens commun"

Questions :1. Qu’est-ce qu’un stigmate2. Quels types de stigmate, Goffman distingue-t-il ?3. Expliquez le processus qui peut conduire de la stigmatisation à la déviance.

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Complétez le texte avec les mots : déviance, stigmatisation, déviance primaire, état, stigmate, déviant, étiquetage, processus, déviance secondaire.

L’………………….…………… est le mécanisme par lequel les membres d’un groupe (ou les institutions d’une collectivité) désignent un individu comme déviant.La ……………………………………. est le mécanisme par lequel les membres d’un groupe (ou les institutions d’une collectivité) attribuent une identité déviante à un individu en raison de certaines caractéristiques, ou certaines pratiques, considérées comme infamantes et handicapantes. Il convient d'appréhender la déviance comme un processus. Tout commence par une …………………….. un individu transgresse une norme. Pris, il est étiqueté comme déviant. Ce jugement contamine son identité sociale, et contraint son exis tence : stigmatisé, il ne peut plus vivre normalement. Ne trouvant d'appui qu'auprès de ses pairs, il transgresse à nouveau (…………………………………………….), ce qui renforce son étiquetage. Face à la stigmatisation dont ils sont victimes, les individus ou groupes sociaux subissent ostracisme et rejet, ce qui implique pour les victimes frustration et humiliation. La …………………………….. n'est ainsi qu'un rôle endossé par celui qui est victime de la stigmatisation des autres. Et, s'il persiste, ce rôle peut entraîner une modification de la personnalité de l'individu, ainsi qu'une modification de ses relations sociales. Il peut entrer alors progressivement dans une « carrière » de ……………………………… S'enclenche ainsi une spirale qui peut transformer un comportement déviant occasionnel en sous-culture délinquante. En d'autres termes, le contrôle social peut paradoxalement amplifier la déviance. La déviance n'est pas un ……………………..mais un ………………..……….. : elle n'est jamais totale, ni totalement acquise ; un retour en arrière est toujours possible.

Exercice : Barrez les propositions inexactesDans l’analyse interactionniste :

la déviance résulte d'interactions sociales. La déviance est analysée comme un processus interactif et séquentiel : un

premier acte déviant est commis (déviance primaire), il fait l'objet d'un étiquetage (stigmatisation) d'abord par les proches et ensuite par les instances institutionnalisées du contrôle social.

La stigmatisation produit deux effets. D'une part, elle amène l'intéressé à intérioriser l'image de soi que lui renvoie la société et ainsi à se définir lui-même comme déviant. D'autre part, elle limite ses possibilités de continuer à agir dans le cadre légal. Cette stigmatisation fait donc entrer l'individu dans un processus de déviance secondaire qui induit une nouvelle réaction de la société. On entre ainsi dans une spirale dans laquelle chaque délit appelle une réaction sociale qui contribue elle-même à favoriser à commettre de nouveaux délits.

Le processus de stigmatisation a pour effet d'amplifier la déviance et d'enfermer un comportement déviant occasionnel dans une véritable culture délinquante[].

Synthèse  : Les sociologues interactionnistes s'intéressent non pas à la déviance primaire (acte initial de transgression, qui peut passer inaperçu), mais à la déviance secondaire (acte déviant repéré comme tel par les groupes spécialisés que sont la police ou la justice). Le point de départ de l'analyse n'est plus l'individu qui commet un acte déviant, mais le groupe social qui va le désigne comme déviant. Est donc déviant celui qui est désigné comme tel par la collectivité. Pour Howard S. Becker, cette désignation (ou étiquetage) est le résultat d'une série d'interactions sociales:

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l'individu est stigmatisé (montré du doigt) par le groupe, il va ensuite se réapproprier cette identité déviante qu'on lui impose, ce qui peut le conduire à entrer dans une « carrière délinquante ». Puisque la déviance n'est pas un état mais un processus, il y a une part de subjectivité dans l'étiquetage comme déviant. La déviance primaire (la transgression de la norme) n'entraîne pas nécessairement l'étiquetage en tant que déviant. Ainsi, la déviance secondaire n'est pas créée socialement par ceux qui transgressent la norme mais par ceux qui désignent le comportement comme déviant. Ainsi, selon Edwin Lemert, « c'est le contrôle social qui crée la déviance ».

Vocabulaire   :

Anomie : Situation où l'individu n'est plus suffisamment contraint par les normes du groupe. Situation de relâchement du contrôle social.

Déviance primaire : La transgression de la norme qui peut passer inaperçue.

Déviance secondaire : Suite d'interactions sociales aboutissant à étiqueter le comportement comme déviant. La déviance secondaire est celle qui découle de l'étiquetage d'une déviance primaire.

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