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DEPT DE MEDECINE GENERALE / UNIVERSITE PARIS DIDEROT TRACE D’APPRENTISSAGE Le présent modèle doit être utilisé pour UNE TRACE D’APPRENTISSAGE AU FORMAT WORD. Les données du formulaire ci-dessous doivent être remplies, puis la trace sera collée à la suite du formulaire Nom et prénom de l’étudiant auteur de la présente trace : Cyrielle Gounot Nom et prénom du tuteur : Max Budowski Numéro du semestre du DES au cours duquel cette trace a été produite : 2 Date de réalisation de la trace: 06/08/2013 Le maître du stage concerné par cette trace a-t-il évalué cette trace ? : Non COMPETENCES VISEES PAR CETTE TRACE (effacer les compétences sans rapport avec ce document) Compétence 7 : Prendre des décisions fondées sur les données actuelles de la science, adaptées aux besoins et au contexte Compétence 9 : Se préparer à l'exercice professionnel Compétence 10 : Actualiser et développer ses compétences Si votre tuteur estime que cette trace mérite d’être publiée sur le site en tant que trace remarquable, acceptez vous qu’elle le soit ( Ne laissez que la réponse adaptée) : Oui Insérez à partir de la page suivante le texte de la trace d’apprentissage Attention, avant le transfert de la trace, son titre dans votre ordinateur doit être formaté comme suit : date(AAJJMM)_sujet, par exemple 100512_polytoxicomane_prise_en_charge_reseau . Aucune apostrophe, aucun guillemet dans le titre! ATTENTION SI VOTRE TRACE EST UN RECIT, IL DOIT ETRE TOTALEMENT ANONYMISE: RIEN NE DOIT Y PERMETTRE D’IDENTIFIER UN PATIENT, NI VOTRE MAITRE DE STAGE, NI AUCUN PROFESSIONNEL

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DEPT DE MEDECINE GENERALE / UNIVERSITE PARIS DIDEROT

TRACE D’APPRENTISSAGE

Le présent modèle doit être utilisé pour UNE TRACE D’APPRENTISSAGE AU FORMAT WORD. Les données du formulaire ci-dessous doivent être remplies, puis la trace sera collée à la suite du formulaire

Nom et prénom de l’étudiant auteur de la présente trace : Cyrielle Gounot

Nom et prénom du tuteur : Max Budowski

Numéro du semestre du DES au cours duquel cette trace a été produite : 2

Date de réalisation de la trace: 06/08/2013

Le maître du stage concerné par cette trace a-t-il évalué cette trace ? : Non

COMPETENCES VISEES PAR CETTE TRACE (effacer les compétences sans rapport avec ce document)

Compétence 7 : Prendre des décisions fondées sur les données actuelles de la science, adaptées aux besoins et au contexte

Compétence 9 : Se préparer à l'exercice professionnel Compétence 10 : Actualiser et développer ses compétences

Si votre tuteur estime que cette trace mérite d’être publiée sur le site en tant que trace remarquable, acceptez vous qu’elle le soit ( Ne laissez que la réponse adaptée) :

Oui

Insérez à partir de la page suivante le texte de la trace d’apprentissageAttention, avant le transfert de la trace, son titre dans votre ordinateur doit être formaté comme suit :date(AAJJMM)_sujet, par exemple 100512_polytoxicomane_prise_en_charge_reseau . Aucune apostrophe, aucun guillemet dans le titre!

ATTENTION SI VOTRE TRACE EST UN RECIT, IL DOIT ETRE TOTALEMENT ANONYMISE: RIEN NE DOIT Y PERMETTRE D’IDENTIFIER UN PATIENT, NI VOTRE MAITRE DE STAGE, NI AUCUN PROFESSIONNEL

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Prescription d’examens complémentaires - la CRP: applications, limites et enjeux

Deuxième semestre - Urgences adultes dans un grand CHU parisien

Dès le premier jour, lors de la présentation des urgences et de leur fonctionnement par le chef de service, le ton est donné : interdiction formelle de prescrire une CRP sous peine de déclencher les foudres hiérarchiques divines avec risque d'humiliation publique à la clé...

Un murmure parcourt la salle et nous nous regardons surpris sans comprendre.

Nous voilà donc démunis face à la « menace » syndrome inflammatoire, cette injonction nous laisse ce qui pourrait ressembler à un sentiment d'égarement. Et d'inquiétude.

Je dois préciser que nous sortions tous de 6 mois de médecine adulte dans divers hôpitaux de périphérie, là où la CRP avait été notre meilleure amie jour et nuit, accompagnant avec enthousiasme chaque bilan de quasiment chaque patient, au même titre qu'une tension artérielle quotidienne, sans que l'idée de ne PAS prescrire ne nous effleure. Parce que les pratiques autour de nous ne nous y incitaient pas et parce que la responsabilité de la non-prescription est difficile à assumer pour un jeune semestre. Et rapidement les habitudes s'enracinent et deviennent des réflexes.

Plus tard au cours du semestre, il est arrivé plusieurs fois que les internes des étages, qui prenaient leurs gardes aux Urgences, ne soient pas au fait des lois régnantes ici-bas, prescrivent une CRP au cours de la garde et la mentionnent innocemment lors des transmissions inter-équipes. La réaction collective ne se faisait pas attendre : grand silence dans le poste de régulation suivi d'un vague murmure de réprobation, la remontrance ne tardait pas à arriver et "l'incident" ne se reproduisait alors plus.

Depuis le début, je trouve cette attitude un peu extrémiste et j'ai voulu comprendre sur quels arguments elle s'appuyait. Entre "c'est inutile", "ce n'est pas un examen fiable" et "ça ne change rien à la prise en charge" les explications qui m'ont été données n'ont pas vraiment été satisfaisantes. J'ai donc décidé de rechercher dans la littérature les raisons qui justifiaient cette pratique et plus généralement quelle place pouvait-on aujourd'hui réserver à cet examen.

Quels sont les intérêts et les limites de la C-Reactive Protein ? Application pratique adaptée aux données actuelles:

- Dans quel cadre et pour quelles pathologies l'utiliser? - A-t-elle un intérêt en médecine d'urgences?- Quelle place lui réserver en médecine générale?

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DEFINITION, PARAMETRES, AVANTAGES ET LIMITES

La C-Reactive Protein est une glycoprotéine sanguine, appartenant à la famille des protéines de la phase aigue de l'inflammation (acute phase proteins) comportant de nombreuses protéines dont le SAA (serum amyloid A) le fibrinogène et le complément.

Elle est synthétisée surtout par le foie et un peu par le tissu adipeux, essentiellement en réponse à l'IL6

Cette synthèse débute 4 à 6 heures après le stimulus avec un taux maximal atteint en 48H et une demi-vie de 20h. Elle se normalise au 6e jour en l’absence de complications.

La CRP migre dans les bêta ou gammaglobulines à l'électrophorèse des protéines sériques, inférieur à 100 son élévation n'en modifie pas le tracé

Isolée depuis 1930, elle est utilisée dans le début des années 1980 pour le dépistage des infections.

Son taux normal est < 6 mg/L.

L'amplitude de l'augmentation de la CRP varie en fonction de la cause del'inflammation, par exemple :

• dans les infections bactériennes l'augmentation est franche (de 10 à100 fois la normale et diminue rapidement dans les 48 heures d’uneantibiothérapie bien conduite)

• dans les infections virales (2 à 4 fois la normale)

Plus la cinétique d'évolution du taux de CRP est élevée, plus l’inflammation estsévère.

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Il existe une augmentation physiologique discrète avec l'âge mais pas de variation physiologique en fonction de la prise d'AINS ou d'immunosuppresseurs.

Il n'existe pas de déficit congénital connu de la CRP

On retrouve une augmentation de la CRP dans de nombreux contextes d'inflammation

Maladies infectieuses :- Les infections bactériennes représentent les situations inflammatoires où les taux sont les

plus élevés jusqu'à 400 mg/L, voire plus) : tuberculose, méningite bactérienne, septicémie E. coli+++, pneumopathies, pyélonéphrites

- Les infections virales ne donnent lieu qu'à une élévation modérée de la CRP (< 25 mg/L).- Les infections parasitaires (paludisme...)

Thromboses veineuses aigues Hépatopathies chroniques et cirrhose (la CRP reste normale dans les hépatites

cytolytiques). Maladies inflammatoires :

- La polyarthrite rhumatoïde (PR) : le taux de CRP dépasse souvent 50 mg/L. Il existe une bonne corrélation avec l'évolutivité de la PR et l'existence de lésions osseuses ;

- La maladie de Horton- Les vascularites : la CRP se normalise au cours des rémissions et réaugmente en cas de

récidive.- Les poussées d'arthrite- Grossesse et contraception orale :

Les oestrogènes provoquent une augmentation de la synthèse hépatique des protéines, dont la CRP. Elle est augmentée durant toute la grossesse.

Au cours des nécroses tissulaires :Nécrose myocardique : le dosage de la CRP n'est pas utile au diagnostic (le pic de CRP se situe vers 72 heures après le choc) mais a plutôt un intérêt pronostique. En effet, le taux de CRP semble être en corrélation avec l'étendue de l'infarctus. La décroissance s'effectue sur deux semaines, plus lente en cas de complication. La CRP reste normale au cours de l'insuffisance coronarienne sans nécrose.

En postopératoire :A la suite d'une intervention chirurgicale, on observe une augmentation de la CRP, d'autant plus si l'intervention est longue. Elle est suivie d'une normalisation rapide. La persistance d'un taux élevé ou l'augmentation de la CRP en postopératoire fait redouter une complication (abcès, pneumonie, embolie pulmonaire).

Au cours des affections néoplasiques :- Hémopathies, en particulier syndromes lymphoprolifératifs- carcinomes, dont hépatocarcinomes

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Exception des maladies inflammatoires à CRP normale (mais là encore ce n'est pas une règle absolue)

La sclérodermie Le syndrome de Sjögren primitif (élévation de la VS à cause de la

dysglobulinémie, élévation de la CRP si infection ou Sjögren secondaire) Le lupus systémique (en général CRP<10-20mg/l, si élévation de la CRP,

s’orienter vers une infection ou une atteinte des séreuses)Une sous-estimation du taux de CRP est possible dans de rares cas d'insuffisance hépato-cellulaire à un stade très sévère.

L'aspect financier de la prescription ne doit pas être négligé dans nos pratiques actuelles. J'ai donc été consulter la table nationale de codage de Biologie, visible (en cherchant bien) sur le site de l'Assurance Maladie AMELI.fr

Après un rapide calcul de coefficient, j'ai constaté qu'un dosage sanguin de la CRP coûte environ 3 euros.

A titre comparatif une VS est aux alentours de 2,10 euros et une NFS avec plaquettes aux environs de 8,70 euros.

On peut donc considérer qu’une prescription de CRP est intrinsèquement peu excessive sur le plan financier...

APPROCHE DIAGNOSTIQUE

1) Performances diagnostiques de la CRPPour le diagnostic de sepsis et pour des seuils variant entre 40 et 100mg/L (selon les études):

• Bonne sensibilité (71 à 100%) = tous les patients infectés ont une CRP élevée• Manque de spécificité (66 à 85%) = tous les patients avec une CRP élevée ne sont pas

infectésIl est admis que des seuils plus élevés sont très évocateurs d'une origine bactérienne, bien qu'aucune étude suffisamment importante ne le prouve, ce qui tendrait à augmenter la spécificité de la CRP.

Il s'agit néanmoins d'un test peu spécifique, ce qui en fait théoriquement un mauvais test diagnostique.

a) AUX URGENCESUne petite étude française réalisée en 2005 incluant 76 patients avait pour but d'évaluer l'intérêt du dosage de la CRP pour le diagnostic des infections bactériennes et la décision de prescription d'une antibiothérapie aux urgences. L'avis d'un jury d'experts ayant étudié le dossier après coup constituait le standard, par rapport auquel était évalué la performance de la CRP et l'avis des

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cliniciens urgentistes, en comparant Sensibilité, Spécificité, Valeur prédictive positive (VPP) et Valeur prédictive négative (VPN) . L'étude a conclu à l'absence d'utilité de la CRP dans ce contexte précis, du fait de la variabilité des seuils utilisés pour son interprétation, de son manque de spécificité et de l'absence de prédictivité correcte pour un choix thérapeutique.

Le point de vue des urgentistes est évoqué dans un article français de 2009 sur l'utilisation rationnelle de la CRP en médecine d'urgence

Le diagnostic des états septiques représente l’un des enjeux majeurs en médecine d’urgence, l’objectif prioritaire du clinicien étant justement d’identifier correctement les patients dont la fièvre est satellite d’une infection bactérienne et qui justifierait d’une antibiothérapie en urgence.

Poser avec certitude le diagnostic d’infection bactérienne repose sur l’isolement du germe en cause. Aux urgences, cette confirmation ne peut être obtenue lors de la prise de décision sur la délivrance ou non d’une antibiothérapieDès lors, le médecin urgentiste doit aboutir au diagnostic d’infection bactérienne sur un faisceau d’arguments intégrant des éléments cliniques (présence d’un foyer infectieux, d’un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) et biologiques (comportant des paramètres généraux comme la numération formule sanguine, le dosage des lactates artériels) et le résultat de biomarqueurs comme la C Reactive Protéine (CRP) ou la Procalcitonine (PCT).

D’une manière générale, il est classiquement admis que des valeurs de CRP supérieures à 60 ou 80 mg/l sont plus évocatrices d’une origine bactérienne que d’une autre étiologie. Cependant, là encore, l’impact décisionnel réel de la CRP dans la démarche diagnostique n’a été que peu étudié alors même que son dosage s’est généralisé à tous les services, toutes spécialités confondues.L’hétérogénéité des pathologies et des seuils retenus dans différentes études réalisées sur le sujet rend difficile l’interprétation et l’intérêt de ce dosage en pratique clinique, notamment aux urgences.

Par exemple, chez un patient fébrile l’hyperthermie en elle-même témoigne d’un processus inflammatoire et il est rare que dans ce cas de figure la CRP soit rigoureusement normale. À ce titre, la CRP n’est pas à proprement parler un marqueur d’infection, mais plutôt un reflet de l’importance du syndrome inflammatoire biologique.De plus, en dépit d’une synthèse précoce de la CRP après le stimulus initial, il faut garder à l’esprit que chez un patient vu rapidement après le début des symptômes la CRP peut être initialement basse, n’éliminant en rien la possibilité d’une infection bactérienne débutante.

En pratique, en dehors des syndromes appendiculaires et des douleurs abdominales en général, la valeur ajoutée d’un dosage de la CRP aux urgences n’est pas patente, notamment en présence d’un patient fébrile dont la seule hyperthermie laisse déjà présager que le résultat du dosage ne sera pas normal.

Enfin il existe des services d’urgences où la limitation de la prescription de la CRP a conduit à une économie non négligeable sans altération de la qualité de la prise en charge.Au sein du SAU de l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris, la prescription de la CRP est seniorisée depuis 2007 et se limite à deux indications : douleur abdominale aigue et poussée de maladie inflammatoire. En 2010 le nombre de CRP prescrites chute d’environ 60% soit une économie de plus de 40000 euros malgré un coût moindre de la CRP.

b) POUR LE DIAGNOSTIC DE SEPSIS

La bible de l'infectiologie, le Pilly dans sa dernière version, donne une définition très claire du sepsis qui n'inclut pas nécessairement la CRP et lui laisse uniquement une valeur d'orientation et un intérêt pour le suivi évolutifSEPSIS = SRIS + INFECTION

SRIS = au moins 2 signes parmi :--température corporelle > 38 °C ou < 36 °C--fréquence cardiaque (FC) > 90 battements/min

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--fréquence respiratoire (FR) > 20 cycles/min chez l'adulte (ou hyperventilation se traduisant par une PaCO2 < 32 mm Hg en air ambiant)--leucocytes > 12 000/mm3, ou < 4 000/mm3 (ou > 10 % de cellules immatures en l'absence d'autres causes connues).

Infection confirmée microbiologiquement, ou suspectée cliniquement--Anamnèse doit rechercher des facteurs favorisants : immunodépression, toxicomanie, iatrogénie--Examen clinique minutieux à la recherche du foyer infectieux primitif (porte d'entrée), d'éventuelles localisations ou foyers secondaires--Prélèvements microbiologiques : hémocultures, de la porte d'entrée suspectée, en fonction des signes d’orientation--Biomarqueurs inflammatoires = CRP, procalcitonine (PCT)NON spécifiquesValeur d'ORIENTATION si élévation francheBonne valeur prédictive négativeIntérêt pour le SUIVI évolutif.

c) EN PRATIQUE

Globalement le dosage de la CRP est prescrit lorsque le praticien soupçonne l'existence d'un processus inflammatoire ou d'une infection, mais là de manière encore souvent abusive car la majorité des diagnostics infectieux et l'évaluation de leur sévérité, peuvent être faits sur la clinique et sur d’autres paramètres plus spécifiques en contexte hospitalier

Nous prescrivons très largement cet examen de manière parfois « réflexe » ou « juste pour être sûr » sans nous demander si cela va réellement apporter quelque chose.Et devant un résultat positif isolé nous sommes dans l'incapacité d'en tirer des conclusions et il n'en résulte aucune modification dans la prise en charge du patient.

Prenons l'exemple du bilan sanguin dit « de routine » fréquent en médecine générale, chez un patient entre 30 et 70 ans en bon état de santé. Il est probable que nombreux sont ceux qui y incluent la CRP par habitude, sans questionnement sur la pertinence de l'examen et de son résultat.Un exemple similaire se retrouve dans les bilans d'entrée systématiques vus dans certains services d'urgences ou d'hospitalisation.

Néanmoins dans les cas où le contexte est évocateur mais le diagnostic non évident, il est licite de demander un dosage de CRP qui a, je le rappelle, une bonne valeur d'orientation en cas d'élévation franche. De même il est intéressant de d'associer ce dosage à celui d'autres marqueurs inflammatoires afin d'orienter plus précisément le diagnostic, en fonction du contexte.

indice sur l’ancienneté de l'infection = dosage plaquettes et fibrinogène- élevés = infection ancienne- normaux = infection récente ou signes de gravité

en cas de fibrinogène bas associé à une CRP élevée, évoquer une CIVD (les dysfibrinogénémies restant exceptionnelles)

la transferrine est une protéine négative de l'inflammation« toute transferrine normale ou augmentée dans un contexte inflammatoire doit faire rechercher un saignement et en premier lieu un cancer colique »

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CRP élevées et polynucléose neutrophile ne sont pas toujours synonymes d’infection. On les retrouve aussi dans les cancers, les thromboses veineuses, les arthrites microcristallines, certaines maladies systémiques (maladie de Still, vascularites, maladie de Horton) , certains syndromes « auto -inflammatoires » comme la fièvre périodique

Plusieurs études parues dans la Revue de Médecine Interne confirment l'intérêt des éosinophiles dans le diagnostic d'une infection bactérienne vs inflammation d'origine non bactérienne. Une éosinopénie < 40 /mm3 accompagnant une CRP >40 mg/l ET une hyperleucocytose > 10 000/mm3 serait prédictif d'un sepsis avec sensibilité = 64 %, spécificité = 100%

CRP élevée et lymphocytose : étiologie infectieuse, virale le plus souvent ou hémopathie

CRP élevée et monocytose AVEC GB normaux : à explorer, «évoquer une hémopathie

CRP élevée et thrombocytose: syndrome inflammatoire prolongé ou association avec carence martiale/hyposplénisme/thrombocythémie essentielle

APPROCHE PRONOSTIQUE ET SUIVI

La CRP est utilisée très largement dans le suivi des maladies inflammatoires en général et infectieuses en particulier, aussi diverses soient elles, en cas de doute sur une bonne évolution.Cependant aucun consensus ne valide cette pratique, certaines études tendraient même à montrer qu’elle n’a pas son utilité (cf cas particulier des PAC)

A propos de la place pronostique de la CRP, il existe différentes études suggérant son utilisation comme marqueur pronostique dans des pathologies spécifiques

Une étude française de petite envergure de 2008 part du principe suivant : la CRP ultra-sensible augmente de façon proportionnelle à la taille de la nécrose myocardique. Elle suggère qu’après un infarctus du myocarde reperfusé, la CRP pourrait constituer un marqueur pronostique dans une population homogène d’IDM revascularisés, en corrélation avec d’autres marqueurs pronostiques comme la BNP et la troponine

Une autre étude française, de cohorte, dont les résultats ont été publiés lors des JFHOD de 2014 (congrès francophone des maladies et cancers de l’appareil digestif) valide l’intérêt pronostique d’un modèle à trois variables associant la variation de la CRP, le score de MELD (score pronostique de mortalité dans une grande variété de maladies chroniques du foie) et la présence de comorbidités dans la prédiction de la mortalité à 6 mois chez les patients cirrhotiques, notamment pour des cirrhoses sévères (Child-Pugh >7) hospitalisées pour décompensation.

Le dosage de la CRP apporterait des informations pertinentes sur le pronostic cardiovasculaire des sujets avec un syndrome métabolique, indiquait une étude parue dans la revue américaine Circulation (Ridker et al. 2003). La concentration en CRP serait liée d'une part à la sévérité du syndrome métabolique et d'autre part au risque cardiovasculaire des patients.Ce syndrome et sa relation avec la CRP a été étudié sur un groupe d’environ 14700 femmes pendant plus de 8 ans. Ces femmes paraissaient en bonne santé en début de suivi. Cependant, 24

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% répondaient au critère de syndrome métabolique à l'entrée dans l'étude. Les auteurs ont remarqué que plus le nombre d'éléments présents du syndrome métabolique était élevé, plus la concentration en CRP était importante.Par ailleurs, le taux initial de CRP était lié au risque cardiovasculaire chez les participantes avec un syndrome métabolique.Deux grandes associations médicales américaines avaient même recommandé le dosage de la CRP pour le dépistage en routine du risque de maladie cardio-vasculaire.

CAS PARTICULIER DES PAC

Une étude espagnole de 2004 suggère qu'une CRP élevée (> 100 mg/l) serait un bon marqueur diagnostique de pneumopathie aigue communautaire bactérienne et également un marqueur de sévérité.Une autre étude, britannique datant de 2008 conclue qu'une CRP < 100 mg/l à l'admission est prédictif d'un faible risque de complications en général et d'une faible mortalité en particulier. De même une décroissance de la CRP < 50 % à J4 de la prise en charge serait un élément de l'évolution de la pathologie.Récemment, la CRP s’est avérée performante (aire sous la courbe ROC de 0,83) comparée à unscore clinique pour prédire l’existence d’une pneumopathie dans une population de patients consultant pour toux d’apparition récente. Les auteurs suggèrent que pour un seuil à 100 mg/l, la CRP pourrait être utile pour décider de réaliser un cliché thoracique dans cette population. On peut cependant regretter le faible nombre de patients inclus (168 patients, dont seulement 20 pneumopathies).Ces études sont en faveur d’un rôle prépondérant de la CRP dans le diagnostic et le pronostic des pneumopathies aigues communautairesCependant une revue de la littérature publiée en 2010 en Suisse passant en revue PubMed de 1966 à 2009 déconseille le recours systématique à la CRP pour le diagnostic, le pronostic ET le suivi des patients ayant une pneumopathie aigue communautaire, du fait de l’hétérogénéité des études publiées sur le sujet, prospectives ou rétrospectives, discordants entre elles du point de vue de leurs résultats.Il n’existe donc pas d’attitude idéale ou consensuelle pour la PAC, mais une pratique dépendante de l’expérience et des habitudes de chacun.

APPLICATION EN MEDECINE GENERALE

Malgré les études en faveur de l’absence d’intérêt de la CRP en médecine d’urgence, elle reste un élément de prescription important en médecine générale. Elle garde une valeur utile d’orientation, à condition de l’utiliser de manière stratégique et raisonnée, devant un tableau atypique ou un diagnostic non évident par exemple.

L’anamnèse et un examen clinique rigoureux doivent conduire à évoquer un diagnostic clinique et à tenter à établir une probabilité pré-test. Les examens demandés permettent parfois un diagnostic de certitude, mais souvent ne permettent que d’augmenter ou de diminuer la probabilité diagnostique déjà évoquée par la clinique.

En ambulatoire il est nécessaire de se procurer des outils rapides et sensibles qui puissent appuyer ou rendre moins probable une hypothèse diagnostique. Il s’agit des tests de diagnostic rapides

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ayant pour conséquence la prescription ou non d’examens complémentaires supplémentaires et la prescription ou non d’un traitement précoce adapté.

La CRP en micro-méthode ou microCRP est un test diagnostic rapide permettant une estimation de la CRP après prélèvement sur sang capillaire au doigt à l’aide d’une lancette. Le résultat est effectif au bout d’environ 3 minutes.Elle augmente la probabilité d’une origine infectieuse bactérienne en cas de valeur élevée et permet donc la mise en place d’une antibiothérapie orientée et plus précoce.

A ce jour, plusieurs thèses ont démontré l’intérêt de la micro-CRP dans le syndrome fébrile de l’enfant pour lequel la clinique n’est pas toujours parlante, permettant de diminuer fortement la probabilité d’une infection bactérienne une infection bactérienne et de rassurer les parents.Du point de vue Santé Publique, une étude réalisée en 2012 parmi 11 généralistes sur la faisabilité de la microCRP en médecine générale montre une diminution significative de la prescription d’examens complémentaires (- 60%) et de la prescription d’antibiotiques (- 41%) en médecine de ville.

Les limites de la microCRP sont celles de la CRP et il faut les prendre en compte dans son interprétation : mauvaise spécificité (on ne peut donc pas affirmer le diagnostic d’infection bactérienne), résultats peu sensibles au bout des premières 24h, mycobactéries/infections superficielles n’entrainent pas d’élévation du paramètre.Par ailleurs la manipulation du matériel n’est pas toujours aisée en cabinet et son coût n’est pas négligeable.

CONCLUSION

La CRP marqueur précoce de la réaction inflammatoire est un examen biologique sensible, précoce, peu coûteux, présentant de nombreux avantages mais malheureusement peu spécifique.

Bien que la CRP semble peu apporter au diagnostic et à la décision thérapeutique en contexte d’urgences, elle est encore d’actualité dans le bilan des états atypiques et dans le suivi des infections bactériennes mais doit être utilisée de manière stratégique et argumentée.Il n’existe pas de consensus établi à ce jour sur le sujet.L’utilisation d’une micro-méthode de dosage de la CRP en ville pourrait se généraliser dans l’avenir et permettre une diminution de notre consommation d’examens complémentaires et d’antibiotiques mais elle impliquerait dans l’idéal d’être encadrée par des indications précises et des valeurs seuils d’interprétation.

Cette situation m’a amenée à réfléchir sur la nécessité de réviser nos modes de prescription et d’uniformiser nos pratiques, que ce soit en contexte d’urgence, à l’hôpital ou en ville. Avant chaque demande d’examen paraclinique, je dois m’interroger sur sa finalité : Le résultat va-t-il changer ma prise en charge ? A l’heure d’aujourd’hui il devient nécessaire de « moins prescrire pour mieux prescrire ».

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N. Groffal QUICK READ CRP ® Etude de faisabilité sur l’utilisation d’un appareil de mesure rapide de la protéine C réactive en pratique courante de médecine générale. UFC – avril 2012

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