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Histoire politique des III°, IV° et V° Républiques françaises Introduction générale: Quatre remarques sur la présentation de ce cours : La République en France est synonyme de démocratie. La République française est un régime politique synonyme de démocratie. Elle s’est imposée au fil des décennies, elle est aujourd’hui admise par tous. Comment ce régime s’est-il imposé en tant que synonyme de démocratie ? Alors que pour la Grande-Bretagne et l’Espagne la démocratie n’est pas synonyme de République. Toutefois la République connut des moments dramatiques de remise en question avec la parenthèse de Vichy. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale ce régime qui incarne la défense des droits de l’homme et du citoyen, la liberté, l’égalité des droits auxquels sont venues s’ajouter la revendication de droits réels (inscrits dans la Constitution de la IV°) comme la liberté de se loger, de travailler, d’avoir un niveau de vie décent et un droit à la culture… est apparu comme le régime légitime. Cette légitimité, il l’a acquise car il incarne des idéaux et valeurs. Mais le couple liberté/égalité ne fonctionne pas toujours très bien. La République est un modèle politique qui s’inscrit dans le temps et histoire, s’appuie sur un héritage et s’impose durablement avec la III°. La République est un modèle politique qui s’établit réellement avec la Troisième République mais puise ses références principales dans deux épisodes, la Révolution française de 1789, et celle de 1848, même si depuis il y a eu de nombreux tâtonnements, soubresauts... M. Winock insiste sur la culture du conflit qui caractérise la vie politique en France (ce qui explique l’absence de bipartisme à l’anglo-saxonne). Ainsi demeure aussi le conflit sur la question religieuse même après l’invention de la laïcité. Vichy incarne la possible revanche de l’Eglise et de la contre révolution contre la République des anticléricaux. Existe aussi un conflit issu de la révolution bolchevique en 1917 et qui donna naissance à un puissant parti communiste en France. Il y a une totale impossibilité d’un système bipartisan.

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Histoire politique des III°, IV° et V° Républiques françaises

Introduction générale:

Quatre remarques sur la présentation de ce cours :

La République en France est synonyme de démocratie. La République française est un régime politique synonyme de démocratie. Elle s’est imposée au fil des décennies, elle est aujourd’hui admise par tous. Comment ce régime s’est-il imposé en tant que synonyme de démocratie ? Alors que pour la Grande-Bretagne et l’Espagne la démocratie n’est pas synonyme de République.

Toutefois la République connut des moments dramatiques de remise en question avec la parenthèse de Vichy.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale ce régime qui incarne la défense des droits de l’homme et du citoyen, la liberté, l’égalité des droits auxquels sont venues s’ajouter la revendication de droits réels (inscrits dans la Constitution de la IV°) comme la liberté de se loger, de travailler, d’avoir un niveau de vie décent et un droit à la culture… est apparu comme le régime légitime. Cette légitimité, il l’a acquise car il incarne des idéaux et valeurs. Mais le couple liberté/égalité ne fonctionne pas toujours très bien.

La République est un modèle politique qui s’inscrit dans le temps et histoire, s’appuie sur un héritage et s’impose durablement avec la III°. La République est un modèle politique qui s’établit réellement avec la Troisième République mais puise ses références principales dans deux épisodes, la Révolution française de 1789, et celle de 1848, même si depuis il y a eu de nombreux tâtonnements, soubresauts... M. Winock insiste sur la culture du conflit qui caractérise la vie politique en France (ce qui explique l’absence de bipartisme à l’anglo-saxonne). Ainsi demeure aussi le conflit sur la question religieuse même après l’invention de la laïcité. Vichy incarne la possible revanche de l’Eglise et de la contre révolution contre la République des anticléricaux. Existe aussi un conflit issu de la révolution bolchevique en 1917 et qui donna naissance à un puissant parti communiste en France. Il y a une totale impossibilité d’un système bipartisan.

La France est un Etat de droit libéral et démocratique, puissant et longtemps resté centralisé. Il existe un rapport ambivalent et particulier du citoyen à l’Etat, puisque la société civile pratique souvent grognes et contestations, en demandant toujours une plus grande sécurité économique et sociale. L’Etat n’est stabilisé qu’avec la constitution de 1958. L’adjectif républicain est repris de plus en plus depuis une dizaine d’années dans un contexte ou l’Etat perd de ses prérogatives face à l’Europe et aux modifications liées à la décentralisation, et face à la moindre participation des Français aux élections.

Serge Berstein et Odile Rudelle parlent de la République comme un « écosystème social dans le modèle républicain » : « Un régime politique n’est pas un mécanisme dont il faut se contenter d’étudier le fonctionnement qui relève d’une approche juridique, c’est une construction dont il faut tenter de comprendre pourquoi elle est née, à quelles nécessités elle répond, par quel processus et aux prix de quelles luttes elle est instaurée et comment, sous quelles forces elle a évolué ». Tous les éléments sont en relation et symbiose : les représentations mentales, les fondements philosophiques du régime, les valeurs, les références historiques, les institutions et les lois, les organisations et les structures sociales, les pratiques politiques.

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Qu’en est-il de l’actualisation de ce modèle ? Est-on face aujourd’hui à un modèle républicain affaibli ? On peut nuancer ; la République en a vu d’autres : fluctuations et crises, Seconde Guerre Mondiale, IV° République, difficultés majeures avec la décolonisation et même sous la V° avec mai 68 et son cortège d’émotions populaires. Mais y a-t-il vraiment un affaiblissement ? Certains jugent que le passage à une VI° République est nécessaire (Arnaud Montebourg ou Olivier Duhamel ont écrit : Vive la VI° République   ! ) En effet, nous sommes dans un contexte qui fragilise le modèle : l’Etat perd de ses prérogatives avec la mondialisation et l’UE, mais il y a aussi un recul du jacobinisme historique avec la décentralisation. Des signes de vulnérabilité apparaissent : baisse de la participation politique, choc du 21 avril 2002, intégration des minorités. Les interrogations demeurent. La mémoire scelle les événements dramatiques (Terreur, répression Commune, collaboration, guerre d’Algérie) avec toutefois le sentiment pour certains que les comptes ne sont pas encore soldés.

Chapitre I   : La III° République (1870-1940).

L’élément évident, c’est d’abord le record de durée et ce contre toute attente alors que la République apparaît provisoire et dans l’ambiguïté d’une restauration monarchique impossible. Elle naît officiellement en janvier 1875 avec l’amendement Wallon (ou, plus pragmatiquement, le 4 septembre 1870) et dure jusqu’au 10 juillet 1940. Ceci est d’autant plus frappant que la France a connu des régimes politiques éphémères depuis 1789, la démocratie est dure à bâtir. Selon Agulhon, la II° République (de février 1848 à décembre 1852) fut « un bref apprentissage de la République ». La I° République dura de 1792 à 1804 mais depuis 1799 fut en fait une dictature. Première question donc, comment expliquer cette durée ?

Deuxièmement la question du modèle politique. La III° République est l’enracinement du modèle républicain. Pour Pierre Rosanvallon elle constitue « l’arche sainte des républicains », elle invente en effet des institutions, des idéaux, des pratiques politiques (in le sacre du citoyen ) C’est la République qui a inventé des institutions, des idéaux et pratiques politiques. On y pratique de façon loyale le suffrage universel Masculin, les partis politiques s’y développent et s’organisent, les citoyens sont formés par l’école gratuite, laïque et obligatoire (nécessité d’éduquer, c’est l’idée d’un savoir minimal pour pratiquer la démocratie), on affirme les libertés de conscience, d’expression, de réunion, l’égalité avec l’idéal de méritocratie. Se met en place une philosophie républicaine bâtie sur la croyance dans le progrès (comme en témoigne Auguste Comte), la pensée positiviste (avec la Raison) est dominante et relègue la religion au second rang (c’est un héritage de Voltaire et Kant). Cela ne signifie pas pour autant l’absence de la morale ni de l’idéalisme, le triptyque « liberté, égalité, fraternité » nous le rappelle. Les symboles républicains s’imposent (Marianne, drapeau, hymne nationale).

Troisièmement, la durée n’exclut pas les crises politiques et les critiques contre le régime. La République a du affronter de nombreux adversaires et a connu de nombreuses critiques, allant de « la gueuse », à la « République bourgeoise ». Ces oppositions débouchent sur des crises graves et répétées (Dreyfus, 6 février 34) mais il n’y a pas de Révolution : c’est l’une des crises qui finit par jeter le discrédit sur le régime : la défaite de 1940. En 1944 le corps électoral rejettera le retour à la III° République exprimant son choix en faveur d’une République nouvelle. Mais la IV° sera l’objet d’une défaillance encore plus grande.

I. L’enracinement de la République (1870-1914).

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La France est vaincue par la Prusse à Sedan le 2 septembre 1870. Avant cette défaite, nul n’imagine le retour à la République. On croit à la solidité du régime impérial comme l’avaient montré les derniers plébiscites de Louis Napoléon. Pourtant la République s’installe presque par surprise dans un contexte de défaite et d’occupation étrangère puisque il y a occupation prussienne, en particulier à Paris, et alors même que les élections législatives de février 1871 donnent la majorité à la Chambre monarchiste.

A/ L’entrée en République (1870-1879).

1. La république provisoire ou l’année terrible (1870-1871).

a. Le Gouvernement de Défense Nationale.

En 1870, Hugo publie un recueil de poèmes : L’année terrible. Un gouvernement de défense nationale se met en place, après la capture de Napoléon III, le 4 septembre, un groupe de députés déclarent la République à l’hôtel de Ville (avec Jules Favre, Léon Gambetta). La veille, la République avait été proclamée dans la foulée dans d’autres grandes villes de France, à Lyon, Marseille, Bordeaux… Ce régime serait le plus apte à sauver la patrie en danger avec le mythe de Valmy de 1792. Des personnalités émergent d’emblée : Gambetta, Emmanuel Arago, Adolphe Crémieux, les trois Jules   : Favre aux affaires étrangères, Ferry, Simon sont membres du Gouvernement Provisoire de la Défense Nationale, présidé par le général Trochu qui se voit donner les pleins pouvoirs militaires pour la Défense Nationale. La légitimité de ce gouvernement est vacillante comme en témoigne la déclaration du gouvernement au peuple 4 septembre « Le peuple a devancé la Chambre qui hésitait » pour sauver la patrie en danger il a proclamé la République. Paris est assiégée à partir du 19 septembre, Gambetta ministre de l’intérieur et de la guerre quitte la ville pour Tours en ballon pour essayer de dégager Paris en rassemblant trois armées mais en pure perte. Les parisiens résistent. Les gardes nationaux sont insurgés et réclament une levée en masse, des élections et un gouvernement révolutionnaire. Les élections ont lieu, à Paris uniquement, mais n’empêchent pas Jules Favre ministre de l’intérieur de signer l’armistice (seulement l’arrêt des combat) le 28 janvier 1871, le gouvernement ne poursuit pas la guerre. Gambetta indigné démissionne. Dans l’article 2 de la convention d’armistice : Bismarck impose la tenue d’élections dans un délai de trois semaines avec pour objectif qu’elles se prononcent sur la poursuite de la guerre ou la paix.

b. L’élection d’une assemblée monarchiste le 8 février 1871.

Le décret du 29 janvier 1871 reprend les dispositions de la loi du 15 mars 1849 pour les élections c'est-à-dire un scrutin de liste départemental qui met fin au régime des découpages très arbitraires des circonscriptions du Second Empire, il faut le huitième des électeurs inscrit pour la majorité et les candidatures multiples sont admises. Le 8 février 1871 on se rend aux urnes dans un climat d’insécurité et peur .La campagne se fait sur le thème de la paix ou guerre. On vote sur le régime aussi mais c’est moins explicite. Les conservateurs veulent la paix alors que les républicains prônent la résistance à outrance. Les conservateurs, restés discrets sur le régime, l’emportent.

Les monarchistes obtiennent 400 sièges sur 675 dont :

o 180 pour les légitimistes partisans du compte de Chambord (Bourbons) petit-fils de Charles X très attachés à l’ancien Régime et partisans du drapeau blanc (noblesse de province, grands seigneurs qui refusent héritage révolutionnaire)

o 200 pour les Orléanistes partisans du comte de Paris petit-fils de Louis Philippe. Mais ces derniers ont assimilé une bonne partie de l’héritage de 1789 et acceptent le drapeau tricolore. Leur électorat représente la bourgeoisie libérale (industrie, banque..).

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Les Républicains sont divisés et recueillent 250 sièges :

o Le centre gauche (78) sièges se convertit progressivement à la République avec Thiers ancienne figure du parti de l’ordre, Armand Dufaure, Casimir Périer.

o La gauche républicaine, plus à gauche, (112 sièges) est groupée autour de Jules Favre, Grévy, Simon, Ferry… ce sont les républicains modérés

o Encore plus à gauche Gambetta le « dictateur de Bordeaux » dirige l’Union républicaine avec Clemenceau et les anciens de la Seconde République Louis Blanc, Ledru Rollin.

Restent enfin les minoritaires :

o Les bonapartistes ne comptent qu’une vingtaine de représentants élus en Charente et Corse car ils subissent le discrédit de la défaite.

L’assemblée rassemble plus de un tiers de nobles (plus qu’aux états généraux !). Cette grosse proportion s’explique par une France, extrêmement rurale, qui a peur. Cette assemblée est une sorte de malentendu, dès les premières élections partielles les républicains vont progresser, la conjoncture explique beaucoup de choses.

c. La neutralisation de la République.

C’est un période institutionnelle très ambiguë. Les institutions n’ont pas de définitions précises mais par la résolution du 17 février 1871, Thiers est nommé « chef du pouvoir exécutif de la République Française sous l’autorité de l’assemblée nationale »  « avec le concours des ministres qu’il aura choisi et qu’il présidera »  (c’est un régime parlementaire). Il fut d’ailleurs élu dans 26 départements : il a 74 ans, homme d’expérience et providentiel, il est un vieux routier de la politique, ancien ministre de Louis Philipe, il a dirigé parti de l’ordre et n’avait pas voulu l’instauration du suffrage universel pour la « vile multitude » ; il est contre la guerre. Il rassure les monarchistes par son non choix sur le régime, marqué par deux discours prononcés le 19 février et 10 mars 1871, ce que l’on nomme le « pacte de Bordeaux » : « monarchistes, républicains ni les uns ni les autres vous ne serez trompés ». La question du régime est reportée à plus tard. Les monarchistes sont divisés, ce report les arrange ; les Républicains ne sont pas mécontent puisque le terme de République est apparu officiellement ; C’est une solution d’apaisement.

Cela dit, cette solution prend vite un tour très conservateur : il écrase la commune de Paris et mène une politique conservatrice. Il accrédite ainsi l’idée que la République c’est l’ordre. Cette Commune de Paris s’étend du 18 mars 1871 au 28 mai 1871.

Paris est un corps politique à part, plus marquée à gauche que le reste de la France, plus précocement républicain. Or la chambre est majoritairement rurale, ce qui creuse un fossé certain avec les urbains Parisiens. Cet évènement est l’un des plus dramatique de l’Histoire française. La Commune est assimilée à un sursaut patriotique sur fond de désespoir économique et social.

La ville est assiégée et la famine fait rage. Les troupes prussiennes rentrent dans la capitale, signe de l’armistice, ce que les Parisiens vivent comme une trahison, d’où les prémisses d’une rupture avec le gouvernement, enrichies par des les erreurs de Thiers.

En effet, ce dernier va supprimer la solde des gardes nationaux le 3 mars 1871 ainsi que le moratoire des dettes, accordé depuis le 13 août 1870 .

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Ensuite, l’Assemblée décide de siéger à Versailles et non à Paris par méfiance pour le peuple de Paris le 10 mars 1871.

Enfin, le 18 mars 1871, Thiers décide de désarmer les parisiens (canons et fusils que leur servaient de défense) Du coup l’escalade de la violence monte en flèche puisque que la foule enragée fusille deux Généraux. Aussi Thiers suggère-t-il l’évacuation précipitée des troupes ce qui entraîne une radicalisation du conflit. Thiers redoute la fraternisation entre soldats et Parisiens, et envisage la répression.

Pourquoi le terme « Commune » ? Le comité central de la garde nationale a décidé d’organiser des élections d’une Assemblée municipale le 26 mars 1871. Cette commune est une assemblée qui va siéger 56 jours. On dénombre plusieurs courants politiques qui soutiennent ce gouvernement révolutionnaire : il y a des membres de la I° Internationale, des blanquistes (A.Blanqui est un socialiste révolutionnaire, qui lui-même ne vit pas la Commune car il est emprisonné, prison dans laquelle il passera 43 ans de sa vie). Ce courant fait le lien entre la première pensée socialiste du début du siècle et Marx , puis des Jacobins favorables à la centralisation comme Charles Delescluze (révolutionnaire en 1830 et 1848), ou Maurice Piyat, qui se réfèrent à 1793 ; notons en plus la présence du courant proudhonien, ainsi qu’un certain nombre d’inclassables plus ou moins anarchistes et fédéralistes comme Jules Vallès. Ce dernier publiera d’ailleurs en février 1871 le journal : Le cri du Peuple, qui servira de porte-parole à la Commune. On remarque ainsi la présence dans la Commune à la fois de fédéralistes et de jacobins. On note aussi une tendance anti-cléricale forte. Cependant, parmi les leaders, on trouve une majorité d’intellectuel et pour peu d’ouvriers. En raison de la diversité des courants, aucun chef ne parvient à émerger, ce qui est préjudiciable : il n’y a pas d’unité pensée.

Des mesures sont envisagées pour modifier la société : c’est l’adoption du drapeau rouge et le rétablissement du calendrier révolutionnaire ; l’abolition de la conscription, la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Un certain nombre de mesures sociales comme l’interdiction du travail de nuit (surtout pour les boulangers), l’instruction laïque, gratuite et obligatoire, la création d’un ministère du travail ; la légalisation des syndicats, et la création de coopératives ouvrières d’inspiration proudhonienne.

On note aussi des mouvements féministes. Les femmes participent aux barricades comme les hommes et se font exécuter comme eux. Les « pétroleuses » sont les communardes qu’on accusait de mettre le feu aux bâtiments publics après les répressions sociales. La « Sociale » est d’ailleurs l’autre appellation de la Commune. Cette dernière déclare son programme dans une déclaration au peuple français le 19 avril 1871 : revendique la République, la décentralisation, et la responsabilité des élus qui sont révocables en permanence.

Cependant, la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871 achève la commune. Le général Galliffet fait rentrer ses troupes le 21 mai. Les fédérés (communards) fusillent alors 780 otages dont l’archevêque de Paris et 16 autres ecclésiastiques. Le 28 mai, les derniers insurgés sont exécutés au « mur des fédérés » au cimetière du père Lachaise. Thiers à l’issue de cette répression télégraphie à ses préfets « ce spectacle affreux servira de leçon »

Le bilan est lourd : 20 000 exécutions, 43 500 arrestations dont beaucoup de déportations au bagne en Nouvelle Calédonie dont Louise Michel, et aussi en Algérie. Victor Hugo, horrifié prophétise « le cadavre est à terre mais l’idée est debout ».

Le mouvement socialiste est brisé jusqu’à l’amnistie de 1879. Paris reste ainsi en état de siège jusqu’en 1876. La Commune est la dernière grande flambée du XIX° siècle, dont Marx tire les leçons dans La guerre civile en France. Mais c’est aussi le premier essai de législation populaire avant la révolution d’octobre. Sa portée internationale sera extrêmement grande.

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Ainsi, la République sort victorieuse de ce massacre puisqu’elle ne fait plus peur et fait figure de régime conservateur avec Thiers jusqu’au élections de juillet 1871 où les républicains vont s’imposer.

2. La République s’impose (1871-1879)

a. Le gouvernement Thiers (1871-1873)

L’urgence pour Thiers est de signer la paix : cela est fait le 10 mai 1871 avec la Paix de Francfort. La France est amputée de l’Alsace et du tiers de la Lorraine qui comporte de nombreux centres sidérurgiques d’où la « clause de la nation la plus favorisée » avec le « Sedan industriel ». Dans le traité de paix, la France s’engage à payer une indemnité de guerre de 5 milliards de franc-or (qui peut aussi être réglée en devises étrangères)

Thiers redresse la barre : il recourt à deux emprunts pour que l’indemnité soit acquittée en septembre 1873.

Thiers entre en conflit avec la majorité monarchiste qui espère encore la restauration car il veut établir une République conservatrice. Cela accentue évolution vers le parlementarisme. Deux textes annoncent le parlementarisme :

Loi Rivet du 31 août 1871 qui décerne à Thiers le titre de Président de la République, ses fonctions lui étant déléguées par l’Assemblée nationale. Pourtant la majorité monarchiste vit toujours dans l’espoir d’une restauration hypothétique qui échoue pourtant le 6 juillet 1871 après le Manifeste du comte de Chambord qui refuse d’abandonner le drapeau blanc. L’Assemblée entend bien contrôler le Président qui est responsable devant les assemblées de même que ses ministres. L’Assemblée veut aussi détacher les ministres du Président qui cumule les présidences de la République et du Conseil. D’où la création d’un vice-président du Conseil le 2 septembre 1871. C’est l’ébauche d’une présidence du Conseil.

Thiers tente d’imposer sa République conservatrice le 13 mai 1872 lorsqu’il déclare devant l’Assemblée que « la République existe, elle est le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle Révolution et la plus redoutable de toutes. »

Loi de Broglie du 13 mars 1873 résulte de cette menace, vise à rendre plus rare les interventions du Président devant les chambres. C’est la loi du « cérémonial chinois ». De plus, on impose une distinction entre les responsabilités présidentielle et ministérielle : aussi les ministres répondent seuls des affaires qui les concernent.

Thiers est renversé le 24 mai 1873 alors qu’il essayait de reformer son gouvernement avec des républicains modérés, il déclare : « la République sera conservatrice ou elle ne sera point.» et « la République est le régime qui nous divise le moins ».

. L’Assemblée nationale (Chambre des députés et Sénat) élit alors le maréchal Mac Mahon, militaire de carrière, Duc de Magenta, qui a organisé la répression de la Commune. Il appelle comme vice-président du conseil le Duc de Broglie qui va orienter les choix politiques vers « l’ordre moral » en constituant un gouvernement presque entièrement monarchiste (cinq orléanistes, deux légitimistes, un bonapartiste et un républicain du centre)

b. L’échec de la restauration monarchique   : Mac-Mahon (1873-1879)

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C’est l’époque de « l’Ordre moral » : Mac Mahon définit la politique de son gouvernement devant l ‘Assemblée le 25 mai 1873 : « avec l’aide de Dieu, le dévouement de notre armée qui sera toujours l'esclave de la loi, l’appui de tous les honnêtes gens, nous continueront l’œuvre de la libération du territoire et du rétablissement de l’ordre moral dans notre pays » : formule restée qui définit une volonté de rupture du gouvernement, avec la « fête impériale du Second Empire » et qui condamne de la Commune.

C’est aussi une vision manichéenne de la politique et de la morale : celui qui n’est pas pour l’ordre est pour l’anarchie. C’est une période de repentance et d’expiation. Il y a une référence au « parti de l’ordre » de 1848 et aux « ultras » de la Restauration.

Quels sont les moyens d’instauration de l’« ordre moral » ? Le gouvernement s’appui sur la Justice et l’Eglise. C’est une période qui renforce la vieille interférence française entre la politique et la religion avec les pèlerinages officiels à Chartres ou à Paray-le-Monial. Notons aussi l’édification du Sacré-Cœur en 1873, sur la butte Montmartre.

Les journaux sont particulièrement surveillés avec une multiplication des procès ; la surveillance des instituteurs et fonctionnaires se développe en général... En janvier 1874, tous les maires sont nommés par l’État, les bustes de Marianne ôtés des Maires. Pourtant, ces mesures maladroites vont favoriser la propagande républicaine.

En été 1873, on note nouvelle tentative monarchiste de convaincre le Comte de Chambord qui refuse à nouveau, le 30 octobre 1873, d’être « le roi légitime de la révolution » dans lettre d’octobre dans « L’Union » (journal monarchiste). Comme il n’y a pas d’héritiers au comte de Chambord, on va adopter la loi du septennat le 20 novembre 1873, tout en maintenant, ambiguité, le titre de « Président de la République ».

N’oublions pourtant pas le fait qu’une commission chargée de mettre en œuvre une Constitution (dans laquelle les monarchistes majoritaires), est mise en place. Même si cette commission ne s’avère pas trop pressée.

c. Le compromis constitutionnel de 1875.

Les monarchistes sont divisés, cependant que la hausse des bonapartistes fait peur. D’où un rapprochement des orléanistes vers les républicains modérés. Aussi les orléanistes sont-ils désormais prêts à accepter l’Amendement Wallon (député modéré) du 30 janvier 1875. La formule adoptée dispose que « le Président de la République est élu à la majorité des suffrages du Sénat et de la Chambre » Même si l’amendement voté (à une voie seulement) instaure la République, il n’y a pour autant pas de déclaration officielle. Trois lois constitutionnelles sont alors votées entre février et juillet 1875 :

Loi du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat Loi du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics Loi du 16 juillet 1875 relative aux rapports entre les pouvoirs publics

Ces lois sont différentes d’un tout. Il n’a pas de préambule et seulement une trentaine d’articles. La nature du régime est relative à l’existence du Président. Malgré son caractère très simpliste, voir pauvre en termes de contenu constitutionnel, ces textes qui font offices de Constitution, vont permettre à la III° République de durer 70 années.

Examinons les différents pouvoirs :

Pouvoir exécutif  : l’Amendement Wallon dispose que le Président est élu à la majorité des suffrages du Sénat et de la Chambre réunis en Assemblée nationale. Le Président de la République est élu pour 7 ans renouvelables. Les républicains espèrent l’effacement du Président à cause des souvenirs du bonapartisme. L’élection du Président au suffrage universel indirect assure une stabilité, car elle n’est pas exposée à l’opinion populaire. Le Président est irresponsable politiquement : chacun de ses actes doit être

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contresigné par un ministre. Exception : il peut être mis en accusation par les députés pour Haute trahison, et jugé par le Sénat. Louis Blanc conclu « nous avons un roi sauf l’hérédité ». Ce « monarque constitutionnel » dispose du droit de grâce ; de la force armée ; nomme à tous les emplois civils et militaires ; il négocie les Traités ; il promulgue les lois dans les 3 mois mais il peut demander aux Chambres une nouvelle délibération par message ; il peut dissoudre la Chambre avec accord du Sénat et peut procéder à des élections dans les 3 mois qui suivent la dissolution. La Constitution prévoit un Conseil des ministres au côté de l’Etat mais rien sur un Président du conseil (il faut attendre le décret du 9 mars 1876). Le premier Président du Conseil est A.Dufaure, responsable du gouvernement devant les Chambres.

Pouvoir législatif  : il est marqué par le bicaméralisme, le Sénat et la Chambre des députés sont placés sur un plan d’égalité en ce qui concerne l’initiative et la confection des lois. Cependant, les pouvoirs politiques du Sénat priment dans certains cas ceux de la Chambre des députés : il donne son accord au Président de la République pour la dissolution, il est seul habilité à juger le Président et les ministres, il ratifie aussi les Traités. Le Sénat est la pièce maîtresse du compromis entre monarchistes et républicains : la loi du 24 février est en fait un rempart conservateur face aux exigences démocratiques des députés (il y a une peur de la démagogie). Notons qu’il n’y aura pas d’isoloirs en France avant 1914.

o Sénat : l’éligibilité est possible pour les hommes de plus de 40 ans. Ils sont 300 avec mandat renouvelable par tiers tous les 3 ans pour 225 sénateurs qui sont élus par collèges départementaux tandis que les 75 autres sont nommés à vie par l’Assemblée nationale. Il représente le monde rural et se caractérise par son côté conservateur.

o L’Assemblée nationale : elle se compose de 615 députés élus au suffrage uninominal universel masculin. Il faut avoir au moins 25 ans, ne pas être militaire ni criminel pour être éligible.

C’est donc un régime parlementaire d’inspiration orléaniste avec des pouvoirs exécutifs considérables, qui s’appuie sur le Sénat et sur le Président de la République.

d. La République aux républicains (1876-1879).

C’est d’abord la Chambre des députés qui va basculer aux élections législatives du 20 février et 5 mars 1876 qui portent à la Chambre une majorité républicaine. Mais il reste au Président un appui dans la faible majorité conservatrice du Sénat.

D’un point de vue gouvernemental, A.Dufaure échoue en 1876 car il est jugé trop conservateur par la Chambre des députés. Jules Simon est alors désigné, un républicain modéré mais Mac-Mahon lui adresse un blâme pour sa faiblesse devant les déclarations anti-cléricales de la Chambre. Gambetta, le 4 mai 1877, déclare à la Chambre : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ». C’est une critique de l’orientation ultramontaine du gouvernement.

La crise est ouverte le 16 mai 1877, inaugurée par la démission de Jules Simon, remplacé par de Broglie qui constitue un gouvernement d’ordre moral et obtient du Président un décret d’ajournement des Chambres pour un mois. L’Assemblée nationale riposte en dénonçant le pouvoir personnel de Mac Mahon et en refusant de reconnaître le nouveau gouvernement. Mac Mahon obtient l’avis conforme du Sénat et dissout la Chambre le 25 juin 1877. Pour les républicains, le 16 mai symbolise une tentative de prise de pouvoir de l’exécutif sur le législatif.

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Les élections législatives des 14 et 28 octobre 1877 sont très vives. Ainsi Gambetta sillonne-t-il la France, en « commis-voyageur de la République, allant de meetings en meetings et déclare à Lille à l’intention de Mac Mahon « Quand le pays aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre ». Thiers meurt durant la campagne, le 3 septembre 1877 : les 363 vont suivre le cortège de Thiers et dès lors, va paraître une sorte de révération de Thiers, surtout dans les campagnes (qui représentent la majorité des électeurs), ce qui va jouer pour les élections. Même si par contre Thiers a laissé un mauvais souvenir dans les faubourgs ouvriers.

Les résultats annoncent une baisse de 40 sièges pour les républicains bien que restants majoritaires avec 323 députés, contre 208 conservateurs (avec environ 100 bonapartistes)

Le Sénat s’oppose à une autre dissolution voulue par Mac Mahon, qui par conséquent se soumet en rappelant Dufaure à la Présidence du Conseil le 13 décembre 1877. Il déclare : « la constitution a fondé une République parlementaire en établissant mon irresponsabilité tandis qu’elle a instauré la responsabilité solidaire et individuelle des ministres »

L’année 1879 est décisive pour l’enracinement de la République :

Le 5 janvier 1879, à l’occasion d’élections partielles, le Sénat passe du coté républicain.

Le 30 janvier 1879, Mac Mahon démissionne car il refuse de cautionner l’épuration du commandement militaire voulu par A.Dufaure.

Le même jour, Jules Grévy est élu à la Présidence de la République : victoire totale des républicains.

Cette même année, la Marseillaise devient l’hymne national et le 14 juillet fête nationale.

Jules Grévy déclare dans son discours du 6 février sa soumission au pouvoir législatif : « Je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels » Cela insiste sur l’abandon des conflits avec le législatifs : c’est l’institution d’une coutume constitutionnelle qui durera jusqu’à la V° République, l’effacement de la fonction présidentielle par rapport à un parlement omnipotent. Il n’y aura plus d’usage du droit de dissolution, alors que la Constitution le permet.

C’est le début de l’instabilité, ainsi la durée moyenne d’un gouvernement jusqu’en 1914 sera de 9 mois et 13 jours. C’est une République parlementaire qui désormais s’installe en France, une République qui se méfie de tout exécutif fort, et aussi de personnalités au tempérament trop affirmé, Gambetta ou Clemenceau en feront les frais.

B/ La République des opportunistes (1879-1899).

1. Les grandes forces politiques

a. Un accès plus large à la vie politique.

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Il y a des conditions nouvelles qui rendent la vie politique plus démocratique comme par exemple l’abolition de textes répressifs qui permet une plus grande liberté des réunions publiques par la loi du 30 juin 1881 et de la presse grâce à la loi du 29 juillet 1881.

Le journal devient le principal média de masse, l’instrument principal de prise de conscience politique. Le prix baisse grâce à la publicité Havas et les tirages augmentent.

Le Petit journal se vend à un sou et ses tirages triplent entre 1872 et 1882. Il fait parti des 5 grands journaux de la capitale avec le Petit parisienl, Le Matin, L’Écho de Paris… L’humanité est fondée par J.Jaurès en 1904, Le Figaro apparaît, Le Temps ainsi que Les Débats, L’action française en 1908 par C.Maurras et La Croix…

C’est le même phénomène en province, avec Le provencal, La marseillaise, Le progrès de Lyon, le réveil de Lille, La dépèche du Midi, ou encore La petite gironde..

Cela est permis et s’accompagne des progrès de l’alphabétisation.

L’origine sociale des élus s’élargie, avec la diminution de la place de la noblesse (1871 avec 34% des députés en 1893 avec seulement 23%) et aussi de la haute bourgeoisie passe 36 à 32% au profit de la moyenne bourgeoisie qui passe de 27 à 40%. Gambetta fait son discours de Grenoble sur les couches nouvelles le 26 septembre 1870 avec « La venue et la présence d’une couche sociale nouvelle »

b. Les forces politiques.

. Les droites .

Les droites sont sur la défensive. René Rémond dans Les droites en France fonde l’étude des droites.

Les légitimistes vivent la mort du comte de Chambord en 1883. Ils sont les héritiers des ultras, sont catholiques, parfois imprégnés de culture sociale comme le comte Albert de Mun, avec les Cercles Catholiques, qui est conforté dans ses positions par le Pape Léon XIII qui, dans son encyclique De Rerum Novarum, donne la doctrine sociale de l’Eglise en mai 1891. Quelque uns se rallient à la République suite, en 1892, à l’encyclique Inter sollicitudines. On sert parfois la République dans l’armée ou la diplomatie, d’autres rejoignent l’Action française et les mouvements nationalistes en général.

Les Orléanistes constituent une force conservatrice et libérale, ils défendent le parlementarisme. Ils veulent concilier l’ordre social et la liberté. Ils occupent les milieux d’affaires. Ils se préoccupent assez peu de la forme du régime.

Les Bonapartistes veulent promouvoir une idéologie de rassemblement fondée sur l’intérêt national au détriment des intérêts partisans. Ils se réclament d’une démocratie directe sous forme de plébiscite et se méfient du parlement. Mais ils sont affaiblis sur la question de la succession après la mort du Prince impérial Jérôme en 1879. Ces thèmes sont repris par le boulangisme et les républicains plébiscitaires comme Paul Déroulède, ou plus tard, le colonel de La Roque.

. Les gauches .

Les opportunistes (thème de Henry Rochefort) ont vaincu la République des ducs. Notons que Maximilien Littré parlait de « politique d’opportunité » pour qualifier d’une action modérée, attentiste, et guidée par les intérêtes du moment. Mais ils sont partagés en deux courants principaux, notamment du fait du nombre de leaders :

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o La Gauche républicaine de Jules Ferry.

o L’Union républicaine de Gambetta, qui est l’auteur du programme de Belleville d’avril 1869 (c’est la première charte du radicalisme) et qui réclame l’application la plus large du suffrage universel, la séparation de l’Eglise et de l’Etat et les principales libertés. Leur philosophie est spiritualiste sans croyance métaphysique et sont anticléricaux, ils sont proches du positivisme (avec la foi en la perfectibilité de l’homme). La promotion sociale doit être assurée par l’enseignement mais toutefois ils sont conservateurs pour l’ordre social et la République bourgeoise. L’affaire Dreyfus les divisera en deux camps.

Les radicaux sont menés par Clemenceau, président du conseil municipal de Paris en 1875, député de la Seine, et par Eugène Pelletan ; ils demandent l’application radicale du programme de Belleville de 1869. Il se développe dans les milieux scientifiques (Maximilien Littré, Emile Combes, Georges Clemenceau, qui sont tous les trois médecins) et on note un état d’esprit positiviste très prégnant. Ils ont beaucoup de liens avec la franc-maçonnerie qui inspire leur programme. L’émancipation des paysans passe par la propriété individuelle, celle des ouvriers par l’artisanat. En 1880, Clemenceau fonde La justice qui devient l’organe officiel de radicaux. Ce courant n’envisage pas une révolution sociale et reste aussi attaché à une République bourgeoise.

Les socialistes ont un projet révolutionnaire, leur développement est permis par l’amnistie des communards en juillet 1881, mais ils sont divisés en de multiples courants, par la persistance des utopistes, et par l’intrusion du marxisme sur le même « terrain de chasse ». Cet émiettement est donc idéologique, mais il est aussi la conséquence de la faiblesse du prolétariat et la forte présence des PME. Cet émiettement durera jusqu’en 1905, date à laquelle est fondée la SFIO :

o Les marxistes menés par Jules Guesde ou Paul Lafargue (auteur en 1880 du Droit à la paresse). En 1880 est fondé le Parti Ouvrier qui devient le POF en 1893. Il refuse toute compromission avec les partis bourgeois, il adhère à la deuxième internationale de 1889. Il obtient un député élu en 1883.

o Les possibilistes de Paul Brousse suivent le mouvement lancé par Blanqui mort en 1880. Ils deviennent des socialistes réformistes en quittant le POF. Ils sont antimarxistes. Ils luttent quotidiennement, par étape, au niveau local.

o Les Allemanistes de Jean Allemane qui fonde le Parti Socialiste Ouvrier Révolutionnaire, qui veut faire la révolution par l’intermédiaire du syndicat et de la grève générale (« le grand soir »)

2. Les opportunistes (1879-1885)

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Cette période est marquée par deux grands personnages Gambetta et Jules Ferry, qui est en charge de l’instruction publique, des affaires étrangères, et président du conseil.

a. Le premier ministère Ferry (septembre 1880-novembre 1881).

Il prend la suite des deux ministères Waddington et Freycinet qui ont amnistié les communards et lancé les premières attaques anti-cléricales.

L’enseignement est un des axes centraux de la politique de Jules Ferry : « La première République avait donné la terre, la seconde le suffrage universel, la troisième le savoir ». Cependant, il y a eu des antécédents avec les lois Guizot en 1832 sur l’école primaire, Falloux en 1850 sur le secondaire privé et Duruy en 1867 sur les l’école pour les filles. Camille Sée et Buisson l’aident dans ce domaine.

La loi du 16 juin 1881 institue la gratuité de l’école, la loi de 28 mars 1882 qui institue la laïcité et l’obligation. Le jeudi devient jour de congé pour permettre l’instruction scolaire hors des locaux scolaires. Ces lois sont influencée par la Ligue de l’enseignement par Jean Macé en 1866 : « pour la patrie par le livre et par l’épée ». Charles Péguy voit dans les instituteurs les « hussards noirs de la République ». Les crédits passent de 12 à 100 millions en quelques années. L’analphabétisme recule à très grande vitesse.

Des progrès touchent aussi le secondaire : la loi Camille Sée de 1880 impose au moins un lycée de jeunes filles par département ; l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres est créée pour les filles en 1881.

Ferry mène aussi une politique anticléricale. On réduit le rôle des congrégations religieuses dans l’enseignement. Le baccalauréat est décerné par les professeurs d’état uniquement. De plus, les congrégations doivent avoir un permis pour enseigner. Enfin, les jésuites sont exclus de l’enseignement, et les membres des congrégations non autorisée n’ont pas le droit d’enseigner.

Il prend aussi des grandes mesures libérales par la loi du 30 juin 1881 qui supprime l’autorisation préalable pour les réunions. Le 29 juillet 1881 libère la presse de toute autorisation préalable censure et cautionnement mais définit aussi des délits de presse, comme l’incitation aux crimes, la propagation de fausses nouvelles, les offenses au chef de l’Etat…

Mais les élections de 1881 mettent en difficulté Ferry dans la question tunisienne et Gambetta et son Union Républicaine progressent : Ferry est renversé en novembre 1881.

b. Le «   grand ministère   » Gambetta (novembre 1881-janvier 1882)

Jules Grévy se méfie de Gambetta mais son appel est inévitable, dix ans après. Le ministère ne dure que 67 jours. Mais les principaux leaders politiques ne veulent pas participer à son gouvernement (à cause en particulier de son charisme, de son autoritarisme, et de sa radicalité), c’est un « ministère des commis ».

Son gouvernement est composé le 14 novembre 1881 par des jeunes peu connu à l’époque mais qui sont promis à un bel avenir : René Waldeck-Rousseau, Maurice Rouvier, Paul Bert. Cela n’empêche pas ce court gouvernement de créer un ministère de l’agriculture, ainsi qu’un sous-secrétariat aux colonies.

L’Etat propose une réforme du Sénat qui sur représente le monde rural, et l’introduction du scrutin de liste dans la constitution. Il est renversé le 26 janvier 1882, car ses projets sont perçus comme trop ambitieux, même par la gauche.

Gambetta meurt peu de temps après, le 31 décembre 1882, et on lui donne des funérailles nationales au même titre que de grands hommes comme Thiers ou encore Victor Hugo.

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c. Le second ministère Ferry (février 1883-mars 1885)

Ferry achève son programme libéral par diverses lois, c’est un ministère important de transformations politiques, publiques et constitutionnelles :

La loi du 5 avril 1884 sur les libertés municipales qui donne à toutes les communes, sauf Paris, la liberté d’élire leur maire. Les séances des conseils municipaux sont aussi rendues publiques pour plus de transparence. Pour Paris, suite à la Commune, les maires d’arrondissement seuls sont élus, et la ville est placée sous la double tutelle du préfet de police et du préfet de la Seine.

La loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 sur la liberté d’association professionnelle autorise les syndicats.

Il y a aussi une loi sur le divorce c’est la loi Naquet de 1884, établit le divorce par consentement mutuel. Cela touche directement la société civile

C’est aussi la réforme constitutionnelle d’août 1884 qui supprime les prières publiques à l’ouverture de la session parlementaire, ainsi que l’éligibilité des familles ayant régné sur la France.

La loi sur le Sénat en décembre 1884 supprime l’inamovibilité des 75 sénateurs qui sera remplacée après la mort de chacun d’entre eux par un siège électif ; il faut aussi noter que la représentation des villes progresse faiblement. Le sénat reste cependant une chambre qui représente les milieux ruraux, conservateurs.

En mars 1885, Ferry chute à cause de difficultés au Tonkin, et plus précisément dans la province de l’Annam, où la France est en concurrence avec la Chine (« Ferry le tonkinois »), sur une mauvaise information d’une prétendue défaite militaire française ! Il est attaqué par Clemenceau, alors anticolonialiste.

3. Le temps des crises.

La République va apparaître en danger suite à quatre crises qui menacent la paix civile. La crise boulangiste et l’affaire Dreyfus sont plus graves. Ces sujets sont traités dans La fièvre hexagonale (1871-1968) de Michel Winock, qui différencie dans un effort de typologie les crises1 de type ancien, comme la commune de Paris, et les crises intra système, du 10 juillet 1940 et du 16 mai 1877, et enfin les crises antisystème, avec la crise boulangiste, l’affaire Dreyfus, le 6 février 34, ou encore mai 1968.

a. La crise boulangiste (1885-1889).

. Les circonstances de sa naissance.

Il y a un fond d’antiparlementarisme latent à cette époque. Il y a une conjoncture économique difficile avec le crack de la banque de l’Union Générale, qui provoque une hausse du chômage.

On note aussi une crise agricole, l’agriculture française étant écrasée par la concurrence et par la crise du phylloxéra, entraînant là encore une hausse du chômage.

Il y a aussi un contexte international tendu : la France qui a un esprit revanchard, « n’en parlons jamais mais pensons-y toujours » (Gambetta) est isolée par la Triple Alliance de 1882 (Prusse, Autriche-Hongrie, Italie)

1 Pour Winock, une crise est une grande perturbation qui met en danger le gouvernement républicain.

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En mai 1882, Déroulède fonde alors la Ligue des patriotes, qui réclame la révision de la Constitution, trouvant que le pouvoir est faible, en particulier dans sa composante exécutive.

Les élections d’octobre 1885, au scrutin de liste, favorisent les extrêmes, cela aboutira à une chambre assez équilibrée :

Plus de 200 sièges pour les conservateurs

260 sièges pour les opportunistes

110 sièges pour les Radicaux

Environ 12 sièges pour les Socialistes

Le personnel politique est pourtant stable dans les successions des gouvernements, malgré la nécessité de former des coalitions stables. Les gouvernements sont particulièrement instables, même si les gouvernants ne changent pas trop. Cela va se répercuter de manière négative dans l’opinion publique. La république apparaît aux contemporains comme un régime fragile, soumis à l’instabilité.

. Boulanger.

Boulanger est un Saint-cyrien choisit le 7 février 1886 par le président du Conseil Freyssinet, qui le nomme ministre de la guerre, il avait connu une ascension militaire interne très rapide. Il passe pour l’un des rares généraux républicains, ce qui lui vaudra l’appui de Clemenceau, l’un de ses condisciples pendant ses études.

Il se fait remarquer par des mesures ostentatoires comme la radiation des quatre princes Orléans de l’état-major de l’armée ainsi que de certains cadres, confortant ainsi son image.

Il améliore la vie des soldats dans les casernes et prépare une réforme pour réduire le service militaire de 5 à 3 ans. Le volontariat et le tirage au sort sont supprimés, et les ecclésiastiques devront faire au moins un an de service militaire. Il va rendre l’armée plus populaire, en rétablissant la revue militaire du 14 juillet, et se servira de ces moments pour se mettre en scène et se faire acclamer : il est très en avance sur son temps d’un point de vue de la communication politique.

Mais sa popularité grimpe surtout lors de l’affaire Schnæbelé en avril 1887, commissaire arrêté pour espionnage par les allemands. Boulanger menace par l’armée de régler la calomnie : on lui donne le nom du « Général la revanche » dans le contexte d’ultra nationalisme de l’époque qui concerne tous les milieux politiques. Même si c’est par la diplomatie de Grévy (« Un ultimatum, c’est la guerre, et je ne veux point de la guerre. »), que s’est réglé l’incident diplomatique, c’est Boulanger qui en tire le bénéfice dans l’opinion publique.

Sa popularité inquiète, et il n’est pas repris comme ministre dans le gouvernement Rouvier en mai 1887 . On le nomme à Clermont-Ferrand pour l’éloigner de la capitale, ce qui provoque des manifestations menées par la Ligue des Patriotes (lors de son départ, le 8 juillet 1887, à la gare de Lyon) Clemenceau commence alors à prendre ses distances.

. La crise politique.

Le scandale des décorations éclabousse le régime en novembre 1887, aggravant l’anti-parlementarisme. Le gendre de Jules Grévy (Président de la République), le député Daniel Wilson, est mis en cause, poussant ce dernier à la démission le 2 décembre 1887 : « ah quel malheur d’avoir un gendre !». La République est discréditée mais Sadi Carnot est tout de même élu, contre Ferry. Boulanger glissera sur cette vague anti-parlementaire.

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Le nouveau gouvernement Tirard commet cependant l’erreur de mettre Boulanger à la retraite, permettant à ce dernier d’être éligible, donc de mener une campagne politique.

Il constitue alors le Parti Boulangiste au programme assez vague « Dissolution, Constituante, Révision ». Le boulangisme se remarque par sa capacité à transgresser les clivages entre la droite et la gauche, il attire tous les mécontents du régime.

Ce mouvement regroupe une coalition hétérogène de mécontents : des radicaux comme H. Rochefort et son journal L’Intransigeant, des blanquistes, des socialistes qui en arrivent à souhaiter un pouvoir autoritaire (dont des jacobins qui veulent mener de réformes sociales), des nationalistes comme Déroulède, des bonapartistes et des orléanistes (sa campagne, à l’américaine, est d’ailleurs financée, avec l’accord du comte de Paris par la duchesse d’Uzès car les principaux chefs monarchistes pensent qu’il va affaiblir la République).

Les élections partielles d’avril-août 1888 voient à chaque fois Boulanger plébiscité, réunissant les suffrages des mouvements hétérogènes qui le supportent. Il gagne à chaque élection, mais démissionne en suivant ! De grosses campagnes à l’américaine sont menées par le journal La Cocarde, et basée sur l’utilisation de nombreux produits dérivés.

Fort de ces succès, Boulanger se présente le 27 janvier1889 à Paris, et ses plus grands succès se font dans les quartiers populaires.

Ses partisans l’encouragent à viser l’Elysée à travers une tentative putschiste qu’il refuse.

Cela permet la formation d’une contre-offensive républicaine. Il prend peur suite aux rumeurs de son arrestation imminente, fuit à Londres puis se réfugie à Bruxelles et se suicide en 1891 sur la tombe de sa maîtresse.

. La portée.

La portée du mouvement a largement dépassé l’envergure de l’homme. La première conséquence est la dissolution de la Ligue des Patriotes ainsi que l’arrêt des candidatures multiples. De plus, on décide de rétablir le scrutin uninominal.

Michel Winock interprète la crise comme « le produit d’une République parlementaire sans véritable majorité et sans alternance » Le boulangisme s’est forgé contre un parlementarisme inachevé, impopulaire, et il a exprimé un courant disparate et autoritaire, rassemblant des mécontents qui avaient une aspiration au « sauveur » Il y a eu un véritable recours à une personnalité charismatique et un « appel au soldat ».

René Rémond va plus loin en expliquant que « le boulangisme a dressé l’acte de naissance du nationalisme et l’Affaire Dreyfus son acte de baptême » Il ajoute qu’ « on ne peut qu’être frappé par la médiocrité du personnage, l’éphémère fragilité du mouvement, et par contre la durable ampleur de ses conséquences ».

b. Le scandale de Panama.

Il éclate en février 1889 alors que les modérés sont au pouvoir et qu’ils vont y rester (1889-1894 : Sadi Carnot  puis en 1894-1895 : Casimir-Perrier et enfin en 1895-1899 : Félix Faure).

Le scandale est provoqué par la mise en liquidation de la compagnie du Canal de Panama formé par Lesseps et Eiffel pour le creuser.

Cette faillite ruine beaucoup de petits épargnants, et des hommes politiques sont soupçonnés d’avoir été achetés dans le montage de l’opération.

Édouard Drumont, auteur de La France juive (1886) dénonce dans son journal La libre parole, les 104 parlementaires, les « chéquards », tout en alimentant l’antisémitisme : 5 banquiers juifs sont accusés.

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Les hommes politiques compromis sont écartés pour un temps de la vie publique comme Clemenceau (qui commence une traversée du désert de neuf années) ce qui permet l’ascension d’hommes nouveaux comme Poincaré, Louis Barthou. Le régime perd encore de sa crédibilité cependant qu’on assiste à une montée en flèche de l’antisémitisme à droite et de la critique du capitalisme à gauche.

c. Les attentats anarchistes.

Ils sont liés à la vague d’attentats qui à l’époque concerne plusieurs Etats dans le monde : le Tsar Alexandre II en 1881, l’Impératrice Sissi en 1898, ou encore le Président américain McKinley en 1901

Le mouvement anarchiste puise ses idées chez deux auteurs russes principaux : Bakounine et Kropotkine. Proudhon est aussi en vogue dans les milieux intellectuels et artistiques.

En France, à partir de des années 1892-1893, les anarchistes mènent une propagande par le fait pour faire connaître leurs idées (condamnation du suffrage universel par exemple) avec l’exemple de Ravachol, arrêté et condamné à mort en 1892.

En décembre 1893, Auguste Vaillant lance une bombe dans la Chambre des députés sans faire de victimes. Le gouvernement décide alors de faire voter des lois répressives dites « lois scélérates » les 17 et 27 juillet 1894 : lois sur la presse punissant de 5 ans de prison ferme l’incitation au meurtre, à l’incendie et au vol ainsi que sur détention explosifs, etc.…

Le Président de la République Sadi Carnot est assassiné par l’anarchiste d’origine italienne Caserio le 24 juillet 1894, pour avoir refusé de gracier Auguste Vaillant.

Cette crise anarchiste déclenche le clivage droit/gauche avec la démission de Casimir-Perrier directement attaqué par Jaurès, en janvier 1895. On note l’élection Faure à la présidence de la République avec une tendance vers le centre-droit incarné par le mouvement agrarien de J. Méline, Président du conseil d’avril 1896 à mai 1897. IL mène la politique du juste milieu en évitant les questions principales telles celles relatives à la religion, aux revendications sociales ou encore aux impôts sur le revenu. Mais le gouvernement Méline ne saura résister à l’Affaire Dreyfus.

d. L’Affaire Dreyfus (1894-1899)

. Les circonstances de sa naissance.

Cela débute par une simple affaire d’espionnage dans un contexte de rapprochement Franco-russe, et de renouvellement des plans stratégiques et du matériel militaire (menace de guerre). L’affaire démarre en octobre 1894 lorsqu’on apporte au Général Mercier, ministre de la guerre, la preuve qu’il y a des fuites au profit de l’Allemagne. A la suite d’une expertise d’écriture, la Capitaine Dreyfus est accusé. C’est un polytechnicien issu d’une famille israélite de manufacturiers alsaciens qui a choisi la France en 1871.

Dès le 1 novembre 1894, Drumont se déchaîne dans La libre parole. Dreyfus est arrêté et jugé par le conseil de guerre à huit clos, condamné sur une pièce fournie par le ministre de la guerre et restée secrète de la Défense.

Le 22 décembre 1894 il est déporté à vie en Guyane, à l’ile du Diable, après avoir été dégradé publiquement.

. De la prise de conscience politique au conflit ouvert.

L’Affaire est relancée en 1896 au sein de l’Etat Major lorsque le nouveau chef du service de renseignement, Picquard, découvre un nouveau document qui lui fait porter ses soupçons sur le Commandant Esterhazy. Mais on ne veut pas l’écouter et on l’envoie

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dans une garnison en Tunisie. Un sénateur alsacien, Scherrer-Kesner interpelle le gouvernement sur cette affaire cependant que Méline, alors Président du Conseil répond qu’« il n’y a pas d’affaire Dreyfus ». Esterhazy demande toutefois à être jugé pour être acquitté le 10 janvier 1898.

L’affaire est dévoilée au grand jour dès lors qu’Emile Zola Publie le 13 janvier 1898 l’article intitulé « J’accuse » dans le journal L’Aurore (journal socialiste et radical puisque dirigé par Clemenceau qui d’ailleurs, propose le titre de l’article) Il y condamne l’armée, la justice militaire qui condamne un innocent et blanchit un coupable. Zola, au sommet de sa popularité déjà bien tracée est condamné à un an de prison et 3000 Francs d’amende : il fuit alors en Angleterre.

. Le clivage droite/gauche.

Le cas Dreyfus devient une Affaire d’opinion soulevant une crise morale dans l’opinion française (comme le montre la fameuse caricature de Caran d’Ache). En effet, un problème fondamental se pose : faut-il laisser condamner un innocent au nom de la Raison d’Etat ou bien les droits de la personne sont-ils supérieurs aux intérêts d’Etat ?

D’un coté on défend les droits de l’Homme, la liberté individuelle, la justice . On trouve dans ce camp des socialistes hésitants (tendance guesdiste) estimant cette affaire comme bourgeoise. Il faudra un grand à Jean Jaurès pour faire rentrer dans la lutte les socialistes, les radicaux, les francs-maçons mais aussi les protestants (solidarité en vertu du principe de minorité) en plus de la Ligue des droits de l’Homme qui se forme à cette occasion (1898) Tous réclament la révision du Procès.

De l’autre coté, on trouve les antidreyfusards qui recoupent une majeure partie des catholiques avec le journal La Croix qui se déclare depuis 1890 : « le plus antijuif de France » ; les nationalistes eux mettent en avant le Raison d’Etat, l’intérêt de la nation et l’honneur de l’armée avec la Ligue des Patriotes fondée en 1885 par Déroulède, la Ligue de la Patrie Française fondée en 1898 par Barrès, la Ligue Antisémite de Guérin, mais aussi avec le Comité d’Action Française créé en 1898 par Pujo et Vaugeois à laquelle va adhérer Maurras l’année suivante en 1899 (prendra le nom de Ligue d’Action Française en 1905), ils publient l’Action française.

. Le clivage intellectuel.

L’Affaire Dreyfus signe l’avènement des intellectuels par l’importance de la crise dans notre histoire.

Toutes les personnalités qui ont signé la pétition pour la révision étaient des personnes qui avaient assez de notoriété pour s’engagent dans la défense d’une cause : Zola, Julien Benda (La trahison des clercs, 1927, qui prendra plus tard position contre l’engagement), l’académicien français Anatole France, André Gide, Bernard Lazard, Charles Péguy, Jean Jaurès, qui écrit un Preuves en 1898 avec l’école de la rue L’Ulm, qui est le foyer dreyfusard mené par le bibliothécaire Lucien Herr.

Dans le camp antidreyfusard, on trouve Barrès qui lance la division en répondant à Zola par article interposé en le traitant « d’intellectuel », P.Bourger, P.Lemaître, F.Coppé associé au mouvement parnassien, Ch.Maurras, L.Daudet. L’establishment littéraire et académique (tous les membres de l’Académie sauf Anatole France), membres prestigieux du barreau, de la médecine. Il y a aussi des artistes, avec Rodin, Cézanne, Toulouse-Lautrec, Renoir, qui sont antidreyfusards.

. La crise à son paroxysme.

En août 1898, il est démontré qu’une pièce décisive fournie contre Dreyfus par le Lieutenant-colonel Henry est un faux, qui reconnaît lui-même que c’est un « faux patriotique » Il avoue et se suicide ce qui entraîne de plus larges polémiques et des tensions : le gouvernement Brisson tombe et les Ligues se déchaînent d’autant plus que la

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France vient d’échouer à Fachoda au Soudan contre la Grande-Bretagne en septembre 1898. Le contexte est très nationaliste.

Au printemps 1899, le Président Faure décède,  « il voulut être César, il ne fut que Pompé », c’est alors Loubet qui le remplace. Les funérailles de Faure donne alors lieu à une agitation extrême et Déroulède essaie d’entraîner un régiment contre l’Elysée. Le nouveau Président Loubet est insulté et agressé. A cette menace, les républicains organisent une manifestation cependant que Waldeck-Rousseau forme un gouvernement de défense républicaine le 22 juin 1899. Il rassemble les forces républicaines et met fin à l’agitation nationaliste.

En septembre 1899, Dreyfus est jugé coupable avec circonstances atténuantes à Rennes puis il est finalement gracié ; mais il faudra attendre 1906 pour qu’il soit blanchi et réintégré dans l’armée.

ζ. La portée de la crise.

On peut dégager quatre grandes conséquences au sortir de cette crise :

La République en sort renforcée et plus à gauche. L’action des intellectuels a redonné à la République un souffle idéologique, la renvoyant à ses origines éthiques avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Condorcet dira : « l’intérêt de puissance et de richesse d’une Nation doit disparaître devant le droit d’un seul ». C’est le triomphe de la philosophie des Lumières du XVIII° siècle.

La crise a accéléré le ralliement des socialistes à la République notamment grâce au rôle de Jaurès. D’ailleurs, un ministre socialiste, Millerand, va pour la première fois entrer au gouvernement, celui de Waldeck-Rousseau.

La politique anticléricale des radicaux se trouve encouragée par l’amalgame fait entre l’antidreyfusisme et le catholicisme.

C’est l’apparition d’un nouveau nationalisme qui se combine avec l’antisémitisme. C’est un nationalisme xénophobe, de combat, que l’on retrouvera dans les années 30 avec la crise du 6 février 1934.

C/ La République radicale (1899-1914).

1. La transformation de la vie politique et des forces politiques.

a. Démocratisation et professionnalisation du personnel politique.

L’accès à la politique pour des classes plus modestes devient possible, même si la bourgeoisie représente toujours la moitié de la classe politique. On trouve de nouveaux venus parmi les avocats, médecins, les instituteurs : ils n’ont pas de fortune personnelle, d’où l’idée d’une indemnité parlementaire datant de 1848 relevée en 1906 passant ainsi de 9 000 à 15 000 FF. On parle vulgairement des « 15 000 » La professionnalisation se fait dans l’organisation autour des élus et vise à les faire réélire.

A partir de 1900, la vie politique se structure de façon collective pour donner naissance au phénomène partisan avec la création de comités électoraux qui n’étaient que provisoire avant de s’installer dans la durée. Au plan local ils sont soutenus par des journaux.

Au plan national, mise en place de commissions parlementaires dans la Chambre de députés (20 commissions). Elles arrivent au Sénat au lendemain de la guerre. En 1910, les groupes parlementaires sont officialisés ce qui implique une coordination des niveaux local et national : c’est la création des partis politiques parlementaires. On

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trouve une autre sorte de parti avec les socialistes qui s’appuient sur des révolutionnaires plus que sur des partisans.

On note un bouleversement dans la façon de faire de la politique au début du XX° siècle : on parle d’esprit de corps. Ainsi impose-t-on le tutoiement à la Chambre des députés : Jouvenel, rédacteur chef de L’Œuvre, se moque alors de « la République des camarades ».

b. Les partis politiques.

. A droite.

Extrême droite : on note une hausse d’une droite nationaliste et antisémite. Mais on ne peut pourtant pas encore parler de parti politique. Ce sont des ligues nationalistes, urbaines, à caractère révolutionnaire au vu de l’Affaire Dreyfus. Ces mouvements sont très structurés et actifs, mais ils ne jouent pas le rôle des institutions.

o La Ligue de la Patrie Française perd de l’influence après 1904.

o La ligue des Patriotes de Déroulède subit le contrecoup de l’exil de son leader entre 1900 et 1905, après s’être impliqué dans la tentative de putsch boulangiste.

o Le Comité d’Action Française créé en 1898 par Vaugeois et Pujo pour défendre la cause antidreyfusarde. Il fait paraître une revue hebdomadaire (l’Action française) en 1899, puis un quotidien en 1908. L’Action Française est dirigée par Daudet et Bainville. Le Comité devient une Ligue en 1905. Charles Maurras est le théoricien de ce mouvement. Il publie un ouvrage en 1900 Enquête sur la monarchie suite à un sondage sur la question : êtes-vous pour ou contre ? Elle est posée aux lecteurs d’un journal monarchiste sur la monarchie antiparlementaire décentralisée. Quelle est la philosophie politique de Maurras ? On note un refus de la Révolution Française (cf. Burke, Bonald, De Maistre), de l’individualisme. C’est une doctrine antidémocratique et antiparlementaire. Il souhaite une monarchie décentralisée par refus de l’héritage napoléonien. Il est le disciple de Taine et Renan, ou en tout cas se réclame d’eux. C’est un nationalisme intolérant qui exclut l’étranger. Il a une pensée différente de celle des ultras de la restauration qu’il qualifie de « romantiques », alors qu’il se veut positiviste, considérant la politique comme une science. L’extrême droite n’a pas à l’époque un quadrillage global comme les autres formations politique.

Légitimistes : ils forment l’Action libérale Populaire, formée en 1902 qui caractérise le ralliement de la droite à la République.

Centre droit : Fédération Républicaine fondée en 1903. Elle comprend des républicains d’origine qui ont refusé le gouvernement de défense républicaine de Waldeck Rousseau, ou la prépondérance radicale sur le mouvement républicain.

. A gauche.

Centre gauche : c’est l’Alliance Républicaine Démocratique fondée en 1901 à partir du groupe parlementaire de Waldeck Rousseau. C’est un parti modernisateur dans lequel on trouve des hommes comme Poincaré.

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Le Parti Républicain radical et radical socialiste est fondé en 1901, en prévision des élections législatives de 1902. Ce sont les représentants de ce parti qui tiennent les rennes du pouvoir à partir de 1898. Il est très structuré : comités de base, fédérations départementales, congrès annuels, comité exécutif qui siège rue de Valois, d’où le surnom de « radicaux Valoisiens ». La philosophie de ce parti reste la même : rationaliste et anti-cléricale. La complexité du nom du parti reflète la diversité des courants qui le compose :

o Le Solidarisme de Léon Bourgeois qui a écrit en 1902 Essai d’une philosophie de la Solidarité. Sa philosophie est inspirée de la fraternité des loges maçonniques. D’un point de vue social, c’est une pensée qui envisage le rôle de l’Etat au service du citoyen, un Etat qui a pour mission de garantir l’égalité avec le soutien par l’impôt sur le revenu, des retraites ouvrières. D’un point de vue idéologique il se place entre le collectivisme et l’individualisme. Ce courant inspirera la SDN avec son ouvrage Pour une société des Nations en 1907. D’ailleurs, Léon Bourgeois deviendra le premier Président de la SDN en prix Nobel de la paix en 1920.

o Le radicalisme critique d’Emile Chartier (Alain) qui a écrit plus de 3 000 propos dans La Dépêche de Rouen (1906). Il recherche les moyens de sauver l’individu contre les pouvoirs selon l’adage « résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen ».

o Le radicalisme technocratique de Joseph Caillaux, venu du centre droit, qui souhaite un impôt progressif sur le revenu, qu’il fera mettre en place.

o Le radicalisme jacobin de Clemenceau.

Le parti radical est d’une extrême plasticité, rassemblant beaucoup d’opinions différentes. Il est implanté chez les commerçants, les artisans, les médecins, les pharmaciens, les agriculteurs, et certains salariés. C’est un parti plutôt bourgeois orienté à gauche par son anti-cléricalisme et par son programme social fondé sur l’association du salariat et de la propriété. Cependant, il est opposé au collectivisme. Son programme a été formulé par Herriot en 1907 : refus du collectivisme et de l’héritage marxiste, rejetant ainsi la lutte de classes. Ce programme est néanmoins favorable à l’impôt sur le revenu, aux nationalisations, et à l’intervention de l’Etat dans les rapports entre le capital et le travail.

Les socialistes : ils sont en progrès constant : en 1880 : il n’y a qu’un seul socialiste à la Chambre des députés avec Millerand, en  1889 : ils sont 20, puis 39 en 1893, et 57 en 1898. Notons l’unification du parti en une section française de l’international ouvrière (SFIO) affilié à la II° Internationale. La SFIO réunit le Parti socialiste de France d’obédience guesdiste et le Parti Socialiste Français de Jaurès et Briand créé en vue des élections de 1902 en plus de socialistes indépendants qui acceptent de participer au gouvernement bourgeois (portefeuille ministériel) comme Alexandre Millerand, René Viviani ou encore Aristide Briand. La pensée globale de tous ces socialistes repose sur un objectif à atteindre : la socialisation des moyens de production et d’échange pour aboutir à une société

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communiste. A la SFIO le rôle des militants est privilégié. C’est ce que l’on appelle un parti de masse selon M. Duverger, par opposition aux partis de cadres comme la Fédération Républicaine, l’Alliance Républicaine démocratique ou encore le Parti Radical.

2. De la défense républicaine à l’Union Sacrée (1899-1914)

a. Le ministère Waldeck Rousseau (1899-1902)

Waldeck-Rousseau n’est pas un inconnu, déjà ministre de l’Intérieur de Gambetta et par sa loi qui accorde la liberté syndicale en 1884. Son équipe gouvernementale est très hétérogène cependant qu’il va être le ministère le plus long de la III° République : 3 ans.

On y trouve une majorité de modérés, une minorité de radicaux, un socialiste, et le « fusilleur de la Commune » : le Général Galliffet. Ce gouvernement, dans un premier temps, va s’employer à régler les séquelles de l’Affaire Dreyfus. Aussi l’armée est-elle épurée des cadres les plus antidreyfusards. Il décide la révision procès Dreyfus à Rennes. Notons aussi les procès de Déroulède et d’une centaine d’autres nationalistes en 1900. Mais surtout, le gouvernement s’appui sur l’Exposition Universelle pour détourner les esprits de l’Affaire, en avril 1900. Le calme revient assez vite.

Ce gouvernement lance alors une offensive contre les « moines ligueurs », en tête desquels la congrégation des Augustins, propriétaires du journal La Croix. Ce dernier est d’ailleurs dissout, passant dans les mains de laïcs, avec assentiment du pape Léon XIII. Mais l’acte majeur est la Loi du 1° juillet 1901 sur les associations. Au départ, l’objectif de cette loi était de compléter la loi de 1884 sur les associations professionnelles, mais son projet de loi va être modifié de façon très anticléricale par les députés. Ainsi la loi de 1901 établit que les associations à caractère civil disposent d’une liberté complète cependant l’article 13 impose qu’aucune congrégation ne puisse se former sans autorisation. Jaurès en conclut que la Chambre des députés a transformé une mesure de défense républicaine en un commencement de combat.

A l’actif de ce gouvernement enfin on trouve enfin la loi sociale du 30 mars 1900 sur la journée de 10h (avec un délai de 4 années pour qu’elle soit appliquée dans l’industrie)

Les élections de mai 1902 vont se dérouler comme un combat pour ou contre la loi de 1901 qui se concluent par l’écrasement de la droite par les radicaux. Le bloc de gauche va obtenir 339 sièges dont 219 pour les radicaux. Notons que Waldeck-Rousseau démissionne pour raison de santé alors remplacé par Combes.

b. Le ministère Combes et la séparation de l’Église et de l’État (1902-1905)

Combes est un sénateur radical du Tarn, ancien séminariste devenu médecin. C’est un théologien averti ayant été ministre des Cultes sous Waldeck-Rousseau.

Il va faire appliquer de manière très stricte et restrictive la loi sur les congrégations dès juillet 1902. Aussi le quasi totalité des demandes de congrégations est refusée sauf celles des missionnaires. De plus, la loi du 5 juillet 1904 interdit à tous les religieux d’enseigner et donne un délai de 10 ans aux congrégations autorisées pour fermer.

Le conflit devient inévitable avec le Vatican : Combes a nommé 3 évêques sans le consentement du Vatican cependant qu’il se rend après du gouvernement italien alors le Pape refuse de reconnaître celui-ci. D’où la rupture des relations diplomatiques le 30 juillet 1904. Mais Combes qui chute le 18 janvier 1905 est remplacé par Rouvier.

C’est sous ce gouvernement Rouvier que le débat sur la séparation de l’Église et de l’État est organisé à la Chambre des députés. Le rapporteur de la commission parlementaire n’est autre que Briand qui gagne ses galons d’homme d’État. Il a été révolutionnaire, a adhéré au parti socialiste de Jaurès, puis en 1905 à la SFIO, et a écrit

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dans l’Humanité. Il a été 22 fois ministre dont 15 fois aux Affaires Etrangères et 10 fois Président du Conseil.

La loi du 9 décembre 1905 met fin a plus d’un siècle de régime concordataire (depuis Napoléon I en 1801). La loi proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice du culte mais ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte. De plus, il n’y a plus de religion officielle en France. Cette loi satisfait juifs et protestants, mais mécontente les catholiques : ainsi le Pape Pie X condamne la loi par l’encyclique Vehementer nos, le 11 février 1906. La loi prévoyait le reversement des biens de l’Église à des associations culturelles : l’affaire des Inventaires suscite des violences et des oppositions physiques de la part des catholiques. Le 7 mars 1906, Rouvier est renversé.

Notons au passage la loi militaire de mars 1905 qui abaisse le service militaire de 3 à 2 ans suite à l’Affaire Dreyfus.

c. Troubles sociaux et instabilité ministérielles (1906-1914).

Les élections législatives de 1906 voient la victoire des radicaux. C’est Clemenceau (« le tombeur des ministère ») qui devient Président du Conseil d’octobre 1906 à juillet 1909 dans un climat de très forte agitation sociale. Elle démarre par un drame dans la mine de Courrières en mars 1906 faisant 1 000 morts.

Le mouvement syndical s’organise avec la CGT fondée en 1895. Aussi voit-on une agitation syndicale avec les fonctionnaires qui réclament le droit de se syndiquer. Le mouvement syndical est à l’époque marqué par les thèses révolutionnaires. Cependant la Charte d’Amiens est adoptée en octobre 1906, envisageant la grève générale et refusant tout lien avec un parti politique.

Clemenceau est surnommé le « premier flic de France » après avoir arrêté le leader de la CGT, Victor Griffuelhes et réprimé en mai et juin 1907 la manifestation des viticulteurs du midi : 20 morts

A l’actif de Clemenceau trouve-t-on la création du ministère du Travail, et l’adoption du dimanche comme jour de repos officiel par la loi de 1906. Mais l’unité de la gauche est rompue, une partie s’opposant à la répression contre les troubles sociaux. Clemenceau est alors renversé en juillet 1909, remplacé par Briand.

Mais son gouvernement ne tranche pas la question essentielle du mode de scrutin : proportionnel ou majoritaire ? Le premier et souhaité par les socialistes et conservateurs tandis que le second l’est pas les radicaux.

En janvier 1912, Poincaré arrive à la présidence du Conseil. D’origine Lorraine, il a été dreyfusard, plusieurs fois ministre, et il rassure aussi bien sur sa droite (peu préoccupé par les questions sociales) que sur sa gauche (anticlérical). En 1913 il est élu à la présidence de la République, succédant à Arnaud Fallières.

Mais les crises se succèdent avec les incidents marocains en 1905 et 1911 (crise d’Agadir) et les guerres balkaniques de 1912-1913, qui annoncent des tensions extrêmes à l’extérieur.

Sur le plan intérieur, il y a une exacerbation des tensions après que la Prusse ait adopté la loi militaire le 3 juillet 1913, faisant passer l’armée du Reich à 820 000 hommes. Aussi la France va-t-elle prendre des mesures militaires avec l’abaissement de l’âge d’incorporation, passant de 21 à 20 ans avec la loi de Barthou du 19 juillet 1913, et le retour du service militaire à 3 ans par la loi du 7 août 1913 (il était repassé à 2 ans en 1905) Mais il y a quand même une division avec les radicaux et socialistes qui ont voté contre.

Les élections d’avril et mai 1914 donnent 263 sièges aux radicaux, 103 aux socialistes. Aussi Viviani devient Président du Conseil. La loi sur l’impôt sur le revenu est adoptée le 2 juillet 1914 (pourtant bloquée par le Sénat depuis 1909).

Le gouvernement Viviani doit affronter la crise de l’été 1914 avec l’attentat de Sarajevo le 28 juin 1914, ainsi que l’assassinat de Jaurès par Raoul Villain pour son pacifisme le 31 juillet 1914. Léon Jouhaux, alors secrétaire général de la CGT, admet la guerre, dans une idée de progression de la démocratie et du socialisme.

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Le 3 août, l’Allemagne déclare à la France, alors qu’elle avait envahi la Belgique la veille. Le 4 août 1914, Poincaré prononce à la Chambre un discours (en fait c’est Viviani qui le lit !) dans lequel il appelle à l’« Union Sacrée », sous-entendant que les socialistes doivent se rallier à la défense de la Patrie et soutenir le gouvernement dans son choix de mener la guerre.

II. Le système républicain face à de nouveaux défis (1914-1940).

A/ Une nouvelle donne politique.

1. L’impact de la première guerre mondiale sur la vie politique française.

a. La fin de l’Union sacrée.

L’Union Sacrée s’est surtout manifestée par le ralliement des socialistes de la II° Internationale au gouvernement comme Guesde, Thomas ou encore Sembat alors qu’ils étaient de farouches opposants à la guerre. L’Union Sacrée va pourtant voler en éclats à partir de septembre 1917 à cause de la Révolution russe qui fait se retirer la Russie du conflit et de l’internationalisme socialiste qui reprend de la vigueur après leur perte de vitesse dû à leur opposition à la guerre.

L’après guerre exacerbe le clivage entre droite et gauche avec les grandes difficultés économiques. L'agitation sociale soutenue par les socialistes et les grèves dans tout le pays inquiètent le gouvernement qui a peur des Rouges qui se manifestent un peu partout en Europe (c’est l’exemple des spartakistes en Allemagne) Clemenceau Président du conseil en 1917 tente de calmer le jeu en faisant adopter des lois sociales : loi 25 mars 1919 qui organise les conventions collectives celle qui accorde la journée de 8h dans l’industrie le 23 avril 1919.

b. L’affirmation du pouvoir exécutif.

La guerre va changer la pratique constitutionnelle lancé par Grévy en raison des circonstances exceptionnelles qu’elle impose. Aussi Poincaré appelle-t-il Clemenceau en novembre 1917 surnommé « le tigre » et « le père de la victoire » Il va exercer un pouvoir autoritaire tenant à l’écart le Président de la République, se réservant le ministère de la Guerre et l'autorité sur les militaires : c’est une « dictature de salut publique » C’est une période d’urgence où il faut prendre des décisions dans tous les domaines : le Parlement autorise ainsi le gouvernement par la loi du 10 février 1918 à prendre des mesures par décret-loi (cette pratique va se développer de plus en plus dans l’entre deux guerres)

C’est un renforcement du pouvoir exécutif au profit du Président du Conseil. Mais une fois l’armistice signe, Clemenceau va continuer dans cette pratique, ce qui lui coûtera cher.

c. La victoire du bloc national.

Les premières élections législatives sont alors fixées au 16 novembre 1919. Avant cela on a modifié le mode de scrutin par la loi du 12 juillet 1919 en établissant un système hybride : on combine une dose de proportionnelle réclamée par la droite et les socialistes et une dose de scrutin majoritaire désiré par les radicaux. Le droit de vote n’est pas accordé aux femmes, car le Sénat s’y oppose selon les partisans les plus farouches de la laïcité qui redoutent l’influence du clergé sur le vote féminin.

Pour cette campagne, la droite et le centre se rassemblent dans le « bloc national » avec pour maître d’œuvre Millerand dans le but de prolonger une Union Sacrée (avec l’Alliance Républicaine Démocratique héritière des gambettistes, les modérés de la Fédération Républicaine et l’Action Libérale Populaire qui regroupe des catholiques et des

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nationalistes isolés). La proposition est faite aussi aux socialistes et radicaux qui repoussent l’offre.

Le Programme du bloc est assez souple pour rassembler beaucoup : défense du libéralisme, refus du communisme, un projet d’aménagement de la laïcité pour rallier les catholiques.

Les résultats sont sans équivoque : c’est la victoire du "Bloc national" qui obtient 400 sièges dans une Chambre des députés surnommée la « Chambre bleu horizon » C'est la Chambre la plus orientée à droite depuis 1871. La gauche réunissait 3, 5 Millions de voix mais étant très divisée, elle n’arrive pas à s’imposer : la SFIO passe de 102 à 68 députés.

Clemenceau très contesté, est mis sur la touche lors des présidentielles de 1920 (on fait campagne contre son athéisme) Cela montre que l’autoritarisme n’est pas du tout bien perçu dans les institutions de la III° République. Paul Deschanel Président de la Chambre des députés, est alors élu Président avec une très forte majorité. Clemenceau se retire de la vie politique. Paul Deschanel, victime de « bizarreries présidentielles », n’occupera son poste que sept mois…

2. Les forces politiques dans l’Entre-deux-guerres.

a. La gauche.

On note une bipolarisation forte entre les forces politiques, c’est une période d’évolution des pensées et des structures politiques.

. Le parti radical.

C’est le Parti Républicain Radical et Radical Socialiste. Il est le plus centriste des mouvements de gauche, et constitue le pivot de la vie politique et parlementaire de la III° République ; il joue en fait un jeu de bascule entre la droite et les socialistes dans les coalitions gouvernementales. Le Parti radical est identifié à la III° République ce qui va lui porter préjudice par la suite, en 1940 puis en 1945. Il s’appuie sur des effectifs nombreux de députés et de sénateurs. A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, un tiers des Sénat est radical.

Ils sont aussi présents dans les gouvernements : dans les 42 gouvernements entre 1919 et 1940, ils en dirigent treize ; c’est l’exemple d’Albert Sarraut (entre autres), qui est Président du Conseil pour seulement sept mois, mais il sera ministre pendant seize ans, à des postes divers.

A la tête du partis, deux personnalités dominantes, les personnalités radicales les plus marquantes sont les deux Edouard, Herriot et Daladier . Ils vont alterner à la Présidence du parti : Herriot de 1919 à 1926 et de 1931 à 1936   ; Daladier de 1927 à 1931, puis de 1936 à 1940 .

Herriot a été maire de Lyon entre 1905 et 1957 hormis la période de la seconde guerre mondiale. C’est un brillant normalien agrégé de lettres (« République des professeurs ») plus à gauche que Daladier et plus charismatique, très populaire tandis que Daladier est considéré comme un opportuniste, députés du Vaucluse, il se place à l’aile gauche du parti.

Les autres personnalités sont :Yvan Delvos, Joseph Caillaux , Camille Chautemps (enseignants), Pierre Cot (avocat), Henri Queille (médecin).

On trouve aussi de jeunes radicaux surnommés les «   jeunes turcs   » par référence aux tentatives de régénérations de l’Empire Ottoman au début du siècle. Ils veulent une régénération du parti, se mettant sous le patronage de Daladier donc à la gauche du parti. On trouve Pierre Mendès-France, Jean Zay, Roche, Bergery qui sont tous de

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brillants intellectuels voyant la politique de façon plus technique. Souhaitent régénérer le parti, sentent qu’il y a début immobilisme.

La faiblesse du parti s’explique par les faibles ressources financières mais aussi dans le fait qu’il n’ait pas de presse attitrée dans la capitale mais seulement en province avec Le Progrès de Lyon, La Dépêche de Toulouse (détenue par les frères Sarraut), Le Petit Provençal à Marseille.

. La SFIO.

Elle est affiliée à la II° Internationale. Si elle avait réussi en 1905 à rassembler un maximum de socialistes (courant jean Jaurès et …), il reste pourtant de petites formations non marxistes qui subsistent comme le Parti Républicain Socialiste avec Paul Painlevé et Aristide Briand. Elle va devoir affronter l’arrivée des communistes sur le devant de la scène lors du Congrès de Tours le 25 décembre 1920 qui marque la scission entre la SFIO et le PCF.

Avant la Guerre, le courant dominant dans l’union est celui de Jaurès, avec des idées à la fois anticapitaliste mais démocratique, acceptant le parlementarisme. Mais avec la guerre, la II° Internationale est discréditée car échoue dans son objectif d’empêcher la guerre. En 1917 survient la révolution Russe et les socialistes russes vont prendre le mouvement en main.

Ainsi, durant l’été 1920, deux émissaires sont envoyés à Moscou : le secrétaire général du parti, Ludovic Frossard, et le directeur de L’Humanité, Marcel Cachin. Ils sont favorables à Lénine, car accpetent les 21 conditions imposées aux PC occidentaux pour être affilié à la IIIe Internationale. De retour en France, la division est entamée lors du Congrès de Tours avec Marcel Sembat, Paul Faure et Blum (vs adhésion à la IIIe) (intellectuels de haut niveau, d’abord marxiste puis jauressien) qui vont rester sur leurs positions « nous sommes convaincus jusqu’au fond de nous même que pendant que vous irez courir l’aventure il faudra que quelqu’un reste garder la vieille maison» dira Blum.

Le vote a lieu le 29 décembre 1920, où 69% des socialistes se prononcent pour l’adhésion à la III° Internationale communiste. Cette majorité va former un nouveau parti : le Parti communiste SFIC (Section Française de l’Internationale Communiste), qui conserve le journal L’Humanité. Les leaders de ce nouveau parti sont Ludovic Frossard et Marcel Cachin, ainsi que Paul Vaillant-Couturier (homme politique et journaliste, rédacteur en chef humanité). Cette nouvelle formation va accueillir de nouveaux adhérents et va s’avérer très composite.

La SFIO rassemble la minorité et se donne pour nouveau journal Le Populaire avec Blum comme directeur (qui est aussi président du groupe parlementaire socialiste), Albert Thomas, Jules Guesde et Paul Faure (secrétaire général donc dirige la SFIO). Cependant, la SFIO, même si on aurait pu penser qu’elle souffre de cette scission, va bien progresser dans l’entre-deux-guerres : en 1921, on compte 30 000 adhérents, pour 140 000 en 1933 (parti de masse). En fait, certains socialistes ont quitté la SFIC pour la SFIO (comme par exemple Frossard). Beaucoup quittent en effet la SFIC pour revenir dans le giron de la vieille maison comme Frossard.

A partir de 1924, la SFIO obtient une trentaine d’élus pour en dénombrer 147 en 1936 (point culminant avec le Front Populaire). Le discours de cette formation met toujours en avant l’idéal révolutionnaire (adhèrent à la notion de lutte des classes, à l’idée d’une socialisation des moyens de production et sont réticents à gouverner avec des partis bourgeois comme les radicaux) mais dans la pratique prônent le réformisme. Il n’empêche qu’elle a toujours des réticences à participer au gouvernement. Ses objectifs sont constants : socialisation des moyens de production ; suppression du Sénat jugé trop conservateur ; le droit de vote des femmes ; laïcité (donc proches des radicaux sur ce point). A l’intérieur de la SFIO, plusieurs courants essayent de renouveler la doctrine dans l’entre deux guerres et donc développe dissidences :

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Le planisme développé par le socialiste belge Henri de Man, certaine influence à l’intérieur de la SFIO.

Les néo-socialistes qui sont pourtant très à droite autour de Marcel Déat, Adrien Marquet (maire de Bordeaux 1925-1944, socialiste devenu ensuite néo socialiste et ensuite adhère à la collaboration sous Vichy) et Montagnon. En 1930, Déat propose une révision du marxisme et prend position contre la collectivisation des moyens de production, mais pour l’autorité de l’Etat, contre l’internationalisme, pour l’alliance avec les classes moyennes, pour le renforcement de l’autorité de l’État et il devient un admirateur des politiques économique et sociale des dictatures de l’époque (Italie fasciste surtout). Marquet va d’ailleurs mettre en avant un slogan « Ordre, Autorité, Nation » Les néo-socialistes sont exclus de la SFIO en novembre 1933 par Léon Blum cependant que ses personnalités vont devenir collaborationnistes. Marquet avait synthétisé la doctrine des néo-socialistes qui se résumerait dans un slogan « ordre, autorité, nation », ce qui fera dire à Blum « Je suis épouvanté ». Donc en Novembre 1933 ils sont exclus de la SFIO. Marquet a été ministre de l’intérieur dans le premier gvt Pétain et a été épurée fin guerre.

Un courant très à gauche représenté par Marceau Pivert très minoritaire, mais très critique envers le Front Populaire et Blum. Il est exclu en juin 1938. Au moment de la crise de Munich l’opposition sera très nette entre la majorité Blum et cette extrême gauche.

Mais il y a des clivages au gré des circonstances : tensions européennes en 1938 entre pacifistes (les Munichois) et bellicistes (anti-Munichois)

. La SFIC.

On note un dynamisme apparent puisqu’elle attire pour des périodes plus ou moins longues des intellectuels, notamment les romanciers Henri Barbusse (souvent cité comme l’auteur socialiste pacifiste qui a écrit sur la deuxième guerre mondiale « le feu » et Paul Nizan, des surréalistes (André Breton, Aragon, Eluard) mais n’y reste pas tous longtemps (sauf Aragon jusqu’à sa mort), ou des « compagnons de route » comme Anatole France, Romain Rolland, André Gide (jusqu’en 1936, il se rend en URSS et écrit un ouvrage « retour d’URSS » et dénonce le totalitarisme avec parallèle avec Allemagne nazie) , et le compagnon de route André Malraux qui soutiennent sans adhérer.

Mais dans les faits malgré ce côté « brillant », il y a des débuts difficiles avec une baisse du nombre des adhérents : 120 000 en 1921 pour 29 000 en 1933. Les raisons de cette baisse sont diverses :

Il y a le manque de continuité à la tête du parti, beaucoup de turbulences, succession de chefs jusque dans les années 30 : En 1923, c’est Frossard qui dirige le parti. Ensuite ce sont deux personnalités qui vont le diriger conjointement pour enfin avoir une direction collective qui entraîne des hésitations. Il faut attendre 1930 où Maurice Thorez arrive à s’imposer comme le principal dirigeant jusqu’à sa mort en 1964 et a comme second Jacques Duclos, ancien patissier autodidacte, et aidé en plus par Marcel Cachin, directeur Humanité. Pourquoi cette valse de dirigeants ? Cela tient aussi à une crise interne en raison de l’allégeance à Moscou qui entretient les épurations internes :phénomène de purge car le parti SFIC est de plus en plus aligné sur le PCURSS. Thorez est le plus habile, restant en accord total avec les directives de la III° Internationale communiste tout en

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sachant ménager Moscou. On note la même longévité pour son dauphin, Duclos. Autre personnalité important avec Cachin, directeur de L’Humanité, professeur de philosophie et excellent orateur.

La répression menée par le gouvernement : « le communisme voilà l’ennemi » (Albert Sarraut ministre de l’intérieur, il plagie Gambetta dans cette phrase en 1927)

Notons le principe de la bolchevisation du parti à partir de 1924 : les adhérents ne sont plus répartis selon leur lieu de résidence mais selon leur lieu de travail avec la création de cellules d’entreprise qui servent à renforcer l’influence du parti dans le milieu ouvrier. Principe du centralisme démocratique qui suppose la discussion bien qu’étant une simple formalité. A partir de 1936, les élections au sein du parti se font à partir d’une candidature unique, et les réunions se déroulent sur le mode de l’unanimité. Les cadres sont formés en URSS.

Sur la scène politique française, ce parti reste volontairement isolé dans ses options et sa tactique classe contre classe (pas de soutien aux gouvernements bourgeois). Opposition systématique à tous les partis du gouvernement donc reste forcément dans l’isolement et en toute circonstance alignée sur les choix de Moscou. Cette stratégie va durer jusqu’en 1934 face à la montée des périls sous les ordres de Moscou . D’où l’alliance dans le Front Populaire : ralliement aux classes moyennes et intégration des valeurs patriotique. Ainsi va-t-elle obtenir 72 députés en 1936. (volonté Moscou)

A la veille de seconde guerre mondiale, la SFIC apparaît alors comme un parti de masse avec en 1934 40 000 adhérents en 1937 300 000 adhérents (période de crise éco aussi), implanté dans les régions industrielles et minières, surtout en région parisienne : principe de la « ceinture rouge » avec une hausse dans le Sud. Il tire ses ressources des cotisations des ses adhérents et des subventions de Moscou. Presse : L’Humanité est très populaire (Vaillant-Couturier est rédacteur en chef à partir de 1926) avec un tirage à 300 000 exemplaires en 1936.

A la division des partis il faut ajouter une division au niveau des syndicats : Congrès de Tours en décembre 1921. Les minoritaires sont exclut de la CGT, qui reste fortement liée à la SFIC, pour former la CGTU (Confédération Générale du Travail Unitaire)

b. La droite classique.

La droite la plus traditionaliste est représentée à travers la Fédération Républicaine dans laquelle on trouve des nostalgiques de la monarchie, bien que la plupart de ses membres se soient ralliés à la République . Ils se démarquent par leur nationalisme sans concession et par un cléricalisme militant. D’ailleurs, ils vont être intransigeants en ce qui concerne les réparations allemandes prévues à l’article 231 du Traité de Versailles, soit 140 milliards de marks-or. On trouve Philippe Henriot élu député en 1932 et 1936, puis secrétaire d’État à l’info dans le gouvernement Laval sous Vichy. Il sera aussi l’un des chefs de la Milice mais abattu par la résistance en janvier 1944 ; Xavier Vallat, qui préside sous Vichy le commissariat aux questions juives. Les membres de la Fédération Républicaine sont peu assemblés au pouvoir.

La droite libérale et libérée est représentée par l’Alliance Républicaine Démocratique qui participe au gouvernement à différence de la Fédération Républicaine très peu associée au pouvoir. On y trouve les héritiers des républicains opportunistes. Ils ont des prises de positions libérales sur les problèmes économiques et sociaux et très souples en

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politique extérieure. On trouve parmi personnel politique ancien avec Raymond Poincaré, Louis Barthou, Georges Leygues et des nouveaux avec des personnalités comme André Tardieu, Pierre Laval ou encore Paul Reynaud.

Les démocrates chrétiens fondent en novembre 1924 le Parti Démocratique Populaire. Ils représentent l’aile gauche du catholicisme allant jusqu’à admettre la laïcité ; on les retrouve dans les rangs antifascistes. On trouve aussi La Jeune République crée en 1912 par Marc Sangnier aussi fondateur du Sillon, d’abord revue puis un mouvement créé en 1894 qui défendait des positions de catholicisme social, condamné par Pie X en 1910, d’où la formation de la jeune république qui prend la suite. Il est lié au Parti Démocratique Populaire étant très attaché à la démocratie qu’il considère comme le système chrétien par excellence, proche de la gauche radicalisante (acceptent la laïcité et partage idées de réformisme social), pour le réformisme social. C’est un mouvement pacifiste, organisant des rencontres franco-allemandes pendant l’entre deux guerres qui adhèrera au Front Populaire.

Ces partis sont beaucoup moins structurés et organisés qu’à gauche. Ils ont le soutient financier des organisations patronales. On retrouve parmi leurs membres des cadres de l’administration, des diplomates, des militaires (Pétain, Weygand), et aussi dans les hautes sphères intellectuelles, notamment à l’Institut et à l’Académie française . La droite possède de grands journaux nationaux comme Le Temps (ancêtre du Monde, de par son côté sérieux et même austère et contrôlé par le grand patronat ; Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde y fait ses débuts) Il tire entre 50 000 et 80 000 exemplaires. Ils ont aussi des hebdomadaires et revues comme L’Illustration ou la revue Les deux mondes.

c. L’extrême droite.

Ses différents mouvements partagent un point commun : leur rejet du régime républicain, malgré une large diversité

L’Action Française joue un rôle d’influence en profondeur dans les milieux catholiques jusqu’en 1926, date à laquelle Pie XI la condamne pour son hyper nationalisme et pour la priorité qu’elle donne au politique (« politique d’abord » disait Maurras), le Pape aurait préféré en premier la morale et pour son usage de la violence (comme le montre les Camelots du roi), d’autant plus que Pie XI souhaite l’apaisement avec la République. Maurras stigmatise dans l’entre deux guerre les 4 Etats qui nuisent à la France soient les Frances maçons, les étrangers ou métèques, les protestants et les juifs.

Il y a large influence aussi sur les milieux intellectuels comme à l’Académie Française où sont élus Charles Maurras (1938) et Jacques Bainville (1935), et sur les plus jeunes intellectuels attirés par le prestige et la pensée de Maurras (plus ou moins durablement). Notons ainsi le cas de Jacques Maritain (jeune catholique intellectuel jusqu’en 1926 qui influencera les fondateurs de la revue Esprit en 1932) ou Georges Bernanos auteur des Grands cimetières sous la lune en 1938 (qui prend rapidement ses distances en prenant position contre le franquisme et pour la résistance pendant la guerre)

Influence aussi sur les écrivains catholiques avec Henri de Montherlant, Déon, Edgar Faure et Mitterrand (Jeunesse Française de Péan) et quelques futurs partisans de la collaboration avec l’Allemagne nazie comme Robert Brasillach (écrivain et rédacteur chef de Je suis

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partout, exécuté au lendemain de la seconde guerre mondiale), ou encore Pierre Drieu la Rochelle, directeur de la Nouvelle Revue Française, et enfin Lucien Rebatet (journaliste à l’Action Française et à Je suis partout, favorable à un alignement total sur l’Allemagne nazie, mais aussi auteur de Les décombres (1942) qui est un pamphlet antisémite violent contre les hommes politique de la III° République : c’est le livre le plus vendu durant l’occupation. Maurras défend pendant cette période un nationalisme intégral stigmatisant les 4 états qui nuisent à la France : Francs-maçons, protestants, « métèques » (étrangers) et juifs.

Il y a multiplication des Ligues qui prônent l’embrigadement et l’action directe dans la rue (avec des formations paramilitaires) Elles sont très actives en périodes de crise : c’est le cas sous le gouvernement du Cartel des Gauches en 1924 et lors de la crise du 6 février 1934 (année 30)

Les Jeunesses Patriotes fondées en 1924 : ce sont une émanation de la Ligue des Patriotes. Leur chef est Pierre Taittinger, riche industriel et député, et ses membres se distinguent par le port d’un imperméable bleu, d’un béret basque et de la formation en commandos. Elles sont favorables à un renforcement de l’exécutif. Elles ont le soutien de Vallat ou de Philippe Henriot. Parmis les jeunes militants on note la présence de Henri Tixier-Vignancour (secrétaire de l’info sous Vichy, avocat de l’OAS a l’issue de la guerre d’Algérie et s’est présenté à la présidentielle de 1965)

Le Faisceau est fondé en 1925 par Georges Vallois qui est une Ligue en faveur du fascisme, d’un exécutif fort qui connaît un développement notable dans les années 1924-1926.

Les Croix de Feu fondées en 1927, végètent jusqu’en 1931 où le colonel de La Roque en devient Président. C’est une formation paramilitaire qui compte en 1936 environ 450 000 (puissante) membres dont l’aviateur Jean Mermoz, ou Jean Borotrat joueur de tennis qui sera au ministère des sports sous Vichy. Le colonel de La Roque, théoricien, rejette le communisme et le fascisme, et est favorable à un exécutif fort comme les précédents et à un corporatisme pour lutter contre la lutte des classes. Les Croix de Feu a un large succès grâce au discours « attrape tout ». Elle se méfie des autres ligues, par exemple, pendant la crise 6 février 1934, ils refusent de marcher avec les émeutiers car de La Roque est légaliste et prudent. Donc ce sont des nationalistes partisans d’une République autoritaire. Quand le Front populaire va interdire les Ligues, celle-ci devient le Parti Social Français avec 1 millions de membres en 1939.

La Solidarité française fondée en 1933 fondé par l’industriel François Coty qui dispose aussi d’un empire de presse (le figaro, le gaullois) et dont la fortune repose sur l’industrie des parfums. Après sa mort, la ligue va décliner.

Le Francisme, ouvertement fasciste et antisémite, fondé en 1933 par Marcel Bucard sous le slogan « ni droite, ni gauche, en avant ». Fasciste et antisémite. On ne compte seulement 10 000 adhérents et deviendra le Parti Unitaire Français d’Action Socialiste et Nationale en 1938.

Il y a une grande question : Y'a t-il eu un fascisme français pendant l’entre deux guerres ? Les chercheurs allemand Nolt et israélien Sternhell qui a publié Ni droite ni gauche   : l’idéologie fasciste en France suggèrent les parentés avec les mouvements mussolinien et hitlérien.

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D’autres ont une vision plus étroite du fascisme comme Rémond ou Milza qui préfèrent distinguer des mouvements proprement réactionnaires comme les Jeunesses Patriotes ou Les Croix de feu des organisations vraiment fascistes : les Faisceaux, Solidarité Française, le Francisme. C’est surtout dans les années 1930 que les mouvements les plus fascistes ont réussi à embrigader le plus.

De forts effectifs dirigés vers un « fascisme vert » formé de comité de défense paysanne fondé par Henry Dorgère rassemblant petits et moyens paysans avec un culte du chef, un mouvement para-militaire, slogan « Croire, obéir, servir » en référence à celui de Mussolini « Croire, obéir, combattre »

Il y a aussi le Parti Populaire Français de Doriot évincé de la SFIC en 1934 fondé le 28 juin 1936. Il veut se poser en rival de la gauche alors unie dans le Front Populaire . Il va réunir d’anciens communistes, des syndicalistes, d’anciens Croix de Feu, des intellectuels (Drieu la Rochelle, Duverger, Poujade) autour d’une idéologie révolutionnaire, nationaliste et antiparlementaire. L’idéologie du PPF insiste sur l’anticommunisme, l’édification d’un État fort, la création d’élites nouvelles. Il reçut des fonds d’industriels français et directement de Mussolini. A l’apogée du mouvement, on recense 250 000 membres, en majorité des jeunes et aussi beaucoup de classes moyennes. A la veille de la Guerre le PPF chute beaucoup car Doriot prend des positions favorables à l’Italie et à l’Allemagne ce qui discrédit profondément le mouvement.

En France, même s’il y a eu des mouvements fascistes, le fascisme n’a pas réussi à s’imposer à cause de divisions entre les personnes et les mouvements et d’une crise économique plus tardive en France ayant moins de chômeurs qu’ailleurs. De plus la France n’est pas un pays au nationalisme humilié après la première guerre mondiale comme l’Allemagne ou l’Italie. Enfin la tradition démocratique française est plus ancienne qu’en Allemagne ou en Italie.

B/ Les grandes étapes politiques de l’Entre-deux-guerres.

1. La difficile reconstruction (1920-1932).

a. Le bloc national entre fermeté et ouverture (1920-1924).

La droite gagne les élections formant ainsi un gouvernement de centristes et radicaux. La politique souhaitée par la majorité conservatrice de la Chambre des députés est celle du « juste milieu ».

En politique extérieure, on veut une application stricte de Traité de Versailles (illustrée par la formule « l’Allemagne paiera », de Clemenceau) c’est l’origine de l’intervention sur la Ruhr le 11 janvier 1923 selon la doctrine du « gage productif ».

En politique intérieure, le gouvernement tente une politique de modernisation avec la création de nouveaux ministères et l’intégration de techniciens.

Sur le plan religieux, la droite au pouvoir mène une politique de réconciliation entre l’Église et l’État. Les relations diplomatiques sont renouées avec le Saint-Siège, les congrégations sont autorisées à se reconstituer et en 1920, on instaure une fête nationale en l’honneur de Jeanne d’Arc.

En ce qui concerne l’Alsace et la Lorraine elles vont garder le régime du Concordat de 1801.

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Mais il y a une politique de fermeté et de répression face à l’agitation sociale notamment le 1° mai 1920 avec des mouvements de grèves et de manifestations chez les cheminots : 12% des cheminots grévistes sont révoqués et la CGT est traduite en justice.

b. L’expérience du Cartel (1924-1926).

Si la gauche l’emporte aux élections de mai 1924, c’est parce qu’elle a réussi à former une alliance électorale qui allie socialistes et radicaux derrière le slogan « contre les puissances d’argent, contre le cléricalisme ».

Cette gauche victorieuse aux élections va directement rentrer en conflit avec le Président de la République Millerand qui a remplacé Deschanel en 1920. En effet, Millerand avait fait l’erreur de prendre parti contre le Cartel, alors qu’il était président lors de la campagne électorale, et de vouloir réaffirmer le pouvoir exécutif par une réforme constitutionnelle lors de son discours d’Evreux en 1923.

La nouvelle majorité va essayer de le faire plier même s’il n’existait pas de moyen constitutionnel. Elle va refuser de former un gouvernement tant que Millerand reste à l’Élysée. Celui-ci démissionne alors le 11 juin 1924, remplacé par Gaston Doumergue, qui va charger Herriot de former le nouveau gouvernement composé de radicaux une d’une partie de la droite issue de la nouvelle majorité car les socialistes refusent de participer à son gouvernement. Dans ce gouvernement, on trouve des hommes pas encore très connus comme Queuille, Daladier ou Chautemps.

En politique extérieure, le gouvernement opte pour un règlement négocié des réparations allemandes après l’échec de la Ruhr travers les plans Dawes en 1924 et Young en 1929.

En politique intérieure, le gouvernement prend des décisions à fortes charge symboliques avec le transfert des cendres de Jaurès au Panthéon le 23 novembre 1924 qui provoque des manifestations de masse effrayant la droite considérant celles-ci comme des mouvements révolutionnaires (il y aura tout de même une manifestation imposante communiste). On note aussi l’amnistie accordée aux cheminots révoqués ainsi que l’autorisation pour les fonctionnaires de se syndiquer.

Le gouvernement est mis en position délicate sur deux questions :

La question cléricale : réaffirmation à l’anticléricalisme ; on émet l’idée d’extension de la séparation de l'Église et de l'État à l’Alsace-Lorraine ; on parle d’expulsion de congrégations et de suppression de l’ambassade française au Vatican ce qui entraîne des manifestations catholiques en Province. Herriot doit reculer dans ce domaine.

La question financière : on note des difficultés financières lancinantes depuis la guerre avec un déséquilibre du budget de l’État provoquant l’instabilité du franc. Les socialistes à la Chambre proposent d’établir un impôt sur le capital ce qui provoque avant même tout vote une fuite des capitaux. Face à cette situation dramatique, le gouvernement demande à la Banque De France, détenue à l’époque par les « 200 familles », des avances. Mais cette dernière annonce que le plafond est crevé. Mis en minorité par le Sénat, Herriot est renversé le 10 avril 1925 et dénonce le « mur d’argent » qui veut empêcher la gauche de gouverner.

Le Cartel rentre alors dans une phase d’instabilité politique avec une succession de 6 gouvernements avec Caillaux, de Monzie, Painlevé, Loucheur. Le 19 juillet 1926, Herriot forme un nouveau gouvernement mais l’opinion et les chambres manifestent au

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bout de deux jours et menacent de « jeter à la Seine » le Président du parti radical. Il est alors obligé de donner de nouveau sa démission…

c. Poincaré et ses héritiers (1926-1932).

En 1928, Poincaré a 56 ans et déjà une longue carrière politique derrière lui. Il est appelé au gouvernement pour rétablir la situation financière. Il décide de former gouvernement d’Union Nationale en référence à l’Union Sacrée. Son gouvernement va de la droite classique aux radicaux dont 5 anciens Présidents du Conseil qui marquent le retour des anciens, donc de la sagesse.

A l’actif de Poincaré, on trouve le redressement des finances de l’État. Sa présence seule rassure les milieux financiers. Il mène une politique de hausse des impôts et de stabilisation du franc, qui est déprécié par la loi du 25 juin 1928 qui perd alors les quatre cinquièmes de sa valeur d’avant guerre : on parle du franc Poincaré.

La loi du 5 avril 1928 met sur pied un système d’assurance sociale cependant que celle Loucheur en 1930 met en place les Habitation à Bon Marché face à la crise du logement social.

Poincaré prend sa retraite en 1929, remplacé pendant 3 mois par Briand qui tente sa chance face à Doumer aux présidentielles de juin 1931. D’ailleurs, ce dernier sera assassiné en 1932, remplacé par Lebrun.

Poincaré laisse des successeurs :

Tardieu, est président du Conseil durant les périodes 1929-1930 et entre février et mai 1932 : il a senti la nécessité de renforcer l’autorité de l’exécutif mais n’y parvient pas. Ses principales mesures consistent en la création d’un ministère de la santé publique, d’un renforcement de la gratuité dans l’enseignement secondaire, d’une retraite pour les anciens combattants.

Pierre Laval, Président du Conseil de 1931 à 1932 et de 1935 à 1936. Il est d’origine modeste et a fait des études de sciences naturelles et de droit. Il devient avocat et entre en politique en 1903 en adhérant au mouvement blanquiste : il est issu du socialisme révolutionnaire, puis en 1905, il adhère à la SFIO et est élu en 1914 à l’Assemblée, puis sénateur en 1927. C’est au lendemain de la chute du Cartel que Laval va rompre avec la gauche. Il se signale par son habileté à former des réseaux. Il s’affiche comme le chef de centre-droit après la retraite de Poincaré, en étant guidé par un réalisme, qui tourne au cynisme (en Relations Internationales en particulier)

2. Crise et mort d’une République (1932-1940)

a. La République dans la crise ou le néo-cartel.

Pendant les années 1930, la gauche revient deux fois au pouvoir, en 1932 avec le néo-cartel et en 1936 avec le Front Populaire. Entre les deux tours des législatives de mai 1932 le président Doumer se fait assassiner le 6 mai. Le nouveau président Lebrun nomme alors Herriot qui forme un gouvernement de radicaux uniquement. Il rassure les milieux d’affaires en ne dévaluant pas la monnaie cependant qui draine l’opposition de l’opinion et de la gauche entière. Il chutera en décembre 1932 sur les dettes américaines. Il n’y a alors plus de majorité, d’où une succession de cinq gouvernements en 15 mois, d’où la crise.

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C’est une période marquée par la demande de changement que les politiques ne vont arriver à satisfaire. Le monde intellectuel dénonce à travers sa réflexion un crise de civilisation en ce sens où il y aurait une distorsion croissante entre un monde matérialiste, industrialisé, déshumanisé, et les valeurs spirituelles oubliées et méprisées : c’est « l’esprit des années 30 » C’est en bref une crise de moral généralisé, symbolisée par la création de la revue Esprit en 1932 par Emmanuel Mounier, qui instaure la philosophie personnaliste. C’est aussi un renouveau du catholicisme, avec des auteurs comme Paul Claudel ou Bernanos. Cela est accentuée par une crise politique débutant avec l’Affaire Stavisky.

. La crise Stavisky.

Le scandale éclate en décembre 1933 avec la faillite du crédit municipal de Bayonne. L’homme est connu depuis longtemps dans les milieux politiques et judiciaires. Inculpé d’escroqueries variées, il a été arrêté en 1926 puis relâché, « Monsieur Alexandre » a en effet des relations influentes dans le monde politique. Lorsque le scandale éclate, on se rend compte que des députés, journalistes, magistrats sont de près ou de loin mêlés à l’affaire. Le 8 janvier 1934, la police découvre dans un chalet de Chamonix Stavisky mourant, une balle dans la tête. Si l’enquête officielle conclut au suicide, L’Humanité, Le Populaire, Le Quotidien et L’Action Française parlent d’assassinat. Le conseiller Prince que détenaient les dossiers disparaît dans des conditions analogues. Le gouvernement Chautemps qui refuse une commission d’enquête démissionne le 28 janvier 1934, les « camelots du Roy » manifestent aux cris de « A bas les voleurs », Céline parle d’une « bagatelle pour un massacre » La crise du régime est ouverte

. La crise politique du 6 février 1934.

Lebrun fait appel à Daladier. Ce dernier veut déplacer le préfet de police de Paris, Jean Chiappe sympathisant d’extrême droite. Mais Lebrun refuse. Cela déclenche une manifestation des Ligues au niveau du Palais-Bourbon le 6 février 1934, jour où Daladier demande la confiance aux chambres. 15 manifestants meurent, il y a 1 500 blessés. La confiance est largement accordée à Daladier mais il a contre lui les militaires, les présidents des deux chambres dans sa politique de répression. Il démissionne alors le 7 février 1934.

. Les interprétations de la crise.

L’Action française titre « Après les voleurs, les assassins ». Pour Le populaire de la SFIO le « coup de force fasciste a échoué ». Pour Berstein il n’y a pas eu de conflit organisé contre la République car il n’existe pas d’unité entre les diverses organisations qui manifestent. Le but recherché était la démission de Daladier et le retour de la droite au pouvoir. Elle a mis en évidence la crise du parti radical et l’usure de la III° République. Mais la gauche va faire son unité suite à cette crise.

Les modérés reviennent au pouvoir le 9 février 1934 et Gaston Doumergue remplace Daladier et forme un ministère d’Union Nationale mais avec un ministère orienté à droite devant une assemblée de gauche (Pétain, Herriot, Barthou, Adrien Marquet au ministère du travail).

Il obtient de légiférer par décret-lois face à la crise. On mène une politique de déflation. Paul Reynaud voulait lui une politique de dévaluation. Les traitements publics, les retraites sont touchées mais on met en place un programme de grands travaux. On annonce une réforme de l’Etat mais cela est très critiqué et il chute en novembre 1934 . Laval, Flandin, Sarraut lui succèdent et mènent la même politique : le gouvernement Laval se distingue par l’usage de nombreux décrets-lois.

b. L’expérience du Front populaire.

La gauche manifeste le 12 février 1934 avec deux cortèges de gauche communiste et socialiste qui fraternisent spontanément. Le rôle des intellectuels est non négligeable

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pour insuffler cette ambition unitaire et antifasciste. Paul Rivet, ethnologue membre de la SFIO, Alain sympathisant radical et Paul Langevin, physicien sympathisant du PCF forment un Comité de vigilance des intellectuels antifascistes et publie Vigilance. Il publie un bulletin mensuel Vigilance et de comités locaux. Fin 1935, 200 comités locaux sont établis. Le PCF change de stratégie conformément à la volonté de Moscou. Les Jeunes turcs militent pour le rapprochement dès juin 1934. Le pacte est scellé à l’occasion du 14 juillet 1935. S’en suit la réunification syndicale en mars 1936 au congrès de Toulouse.

Aux élections législatives (l’union avait donc but électoral) d’avril / mai 1936, ils rempotent la majorité grâce à un programme élaboré en commun mais modéré pour ne pas effrayer. On veut lutter pour le pouvoir d’achat, plan de lutte contre la crise, quelques nationalisations, une détente fiscale (les impôts ayant augmentés durant la période précédente). Cependant face à ce programme « sage », la campagne est passionnée, avec des débats, temps de parole comptés… Les élections se déroulent au scrutin majoritaire. Le taux de participation atteint 84,3 %, le plus fort taux dans toute la IIIe république, ce qui s’explique par la crise et les attentes qui s’ensuivent. Le Front populaire gagne le 3 mai 36.

Les communistes passent de 12 sièges à 72, ils en profitent donc grâce au changement de cap de la IIIe Internationale.

La SFIO passant de 129 à 147 sièges, donc bénéfique et aussi deviennent le premier groupe à l’assemblée, pour la première fois ils dépassent les radicaux et servent donc de parti pivot.

Les radicaux qui perdent 41 sièges, soit 115 sièges.

Le Front Populaire recueille 380 sièges et la droite 222.

Léon Blum forme le gouvernement, il est le premier membre de la SFIO à accéder à la présidence du Conseil. C’est un normalien supérieur, intellectuel raffiné que la droite déteste selon les mots de René Raymond, a collaboré à l’huma, donc débute d’abord comme intellectuel. Il fut chef de cabinet de marcel Sembat, et publie « lettre sur la réforme gouvernementale » donc l’idée de réforme est dans l’air du temps. Il a joué un rôle éminent au moment du congrès de Tour, cependant pas d’emprise directe sur le parti contrôlé par le secrétaire général Paul Faure et ne sont pas toujours d’accord surtout pour la politique étrangère. Il exerce son autorité à la chambre, dans le journal qu’il a crée « le populaire ».Il met plus d’un mois à faire ce gouvernement pendant ce mois une vague de grèves se déclenche (1 500 000 grévistes). Le gouvernement est crée le 6 juin. L’impatience des ouvriers, l’action d’une minorité et l’euphorie de la victoire expliquent cela. Selon Pivert : « tout est possible ». 18 socialistes, 14 radicaux, 4 divers gauche composent le gouvernement. Pour les Socialistes, on trouve Vincent Auriol qui est aux Finances, Roger Salengro est à l’intérieur, Léo Lagrange le sous secrétariat d’état aux loisirs et aux transports. Chez les radicaux on trouve Daladier à la Défense, Delbos aux Affaires Étrangères et Jean Zay à l’éducation nationale. Notons tout spécialement la nomination de trois femmes en tant que secrétaires d’Etat : Irène Joliot-curie (prix Nobel de chimie nommé à la recherche scientifique), Cécile Brunschwig à l’éducation nationale et Lacorre pour l’enfance.

Il s’agit de gérer le capitalisme (ce qui a pu créer des déceptions). Dans la nuit du 7 au 8 juin 1936 on signe des conventions collectives au niveau national à la demande des patrons, ce sont les accords Matignon qui officialisent :

La création de délégués ouvriers élus dans les entreprises de plus de 10 ouvriers.

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L’augmentation des salaires de 7 à 15 %.

Les libertés syndicales dans l’entreprise sont reconnues.

Le principe de négociation dans chaque branche est adopté : c’est le contrat collectif de travail.

Des lois viennent compléter ces accords :

Loi du 20 juin 1936 qui institue 15 jours de congé payés.

Loi du 21 juin 1936 qui institue la semaine de 40 heures sans diminution de salaire, on est en période de chômage on décide donc de baisser le temps de travail pour le partager (l’idée est de créer de l’emploi)

Loi du 24 juin 1936 impose à l’ensemble d’une branche industrielle une convention collective : il y en aura 5600 conclues entre juin et décembre 1936

Des réformes de structures sont opérées : on nationalise les chemins de fer avec la création de la SNCF en 1937, on nationalise les industries de guerre, on renforce le contrôle de l’Etat sur la Banque De France en ouvrant la participation (Ce n’est plus seulement le privilège des 200 familles) On crée l’office national interprofessionnel du blé pour régulariser les cours. La scolarité est rendue obligatoire jusqu’à 14 ans. Les bases du CNRS sont mises en place. On met en place des politiques culturelles et sportives pour en démocratiser l’accès (tarifs réduits dans les musées les théâtres). On veut créer une école nationale d’administration mais cela échoue.

La désunion va se manifester pour trois raisons majeures :

La guerre d’Espagne : Blum s’aligne sur les britanniques même s’il laisse passer des armes mais cela va mécontenter une partie de la gauche : les communistes réclament des hommes et des armes pour l’Espagne.

Les ligues sont interdites le 10 janvier 1936 par Laval et le Front Populaire fait appliquer cette loi même si celles-ci se recyclent en partis politiques. On trouve le PSF du colonel de La Rocque, le PPF de Doriot ou encore beaucoup de groupes extrémistes la Cagoule formée et dirigée par Eugène Deloncle qui espère entraîner l’armée dans un putsch mais le complot est découvert en 1937. Cependant cette loi est contournée car les ligues sont interdites mais pas les partis donc création du PPR (parti populaire française qui rassemblé beaucoup de ligues).

Candide , L’action française, Je suis partout et Gringoire s’acharnent contre Léon Blum, premier Président du Conseil juif. Roger Salengro se suicide suite à l’accusation de désertion en 1914 dont il était l’objet mais c’est totalement faux.

Les problèmes économiques : Le Front Populaire se décide à dévaluer le franc en septembre 1936 mais c’est trop tard. La hausse des salaires est rongée par l’inflation. On réarme la France à cause de la menace et on fait une pause dans les réformes. En juin 1937 Blum veut obtenir les pleins pouvoirs financiers, la Chambre les lui accorde, mais ils sont refusés par le Sénat, il démissionne le 21 juin 1937. C’est à ce moment là que commence la longue agonie du Front populaire. Chautemps avec un gouvernement

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radical lui succède de juin 37 à mars 38 et procède à une seconde dévaluation, puis Blum revient le 13 mars 1938 et échoue une nouvelle fois devant le Sénat le 8 avril 1938.

Daladier en avril 1938 procède alors à une nouvelle dévaluation et choisit Paul Reynaud à l’automne 1938, un adversaire du FP, comme ministre des finances. Les socialistes et les communistes retournent alors dans l’opposition, la coalition de gauche est dissolue.

c. La fin de la III° République.

. La montée des périls, le gouvernement Daladier d’avril 38 à septembre 39.

En deux ans, on passe de l’espoir d’un redressement économique et politique sous Daladier à un effondrement complet. En nommant Reynaud, Daladier veut un changement de cap qui est exprimé lors d’un communiqué à la radio le 21 août 1938 « Il faut remettre la France au travail ». C’est un gouvernement qui frappe par sa durée, trois ans, ce qui n’était pas arrivé depuis Poincaré. Daladier va obtenir l’organisation de gouverner par décrets-lois. Il convient alors de stimuler la production par le travail et le réarmement. Il est investit d’une grande confiance est sera investit à 3 reprises de gouverner par décret-loi. Il y aura surtout des radicaux avec Georges Bonet ou Vinox. Il n’y a pas de socialiste mais on trouve des personnalités de droite comme Reynaud, George Mandel, favorables à la fermeté vis à vis d’Hitler. Daladier va implicitement dans un discours radiodiffusé du 21 août 38 il estime qu’il faut remettre la France au travail, face aux menaces extérieures et à la nécessité de faire marcher à plein les usines d’armement, la direction dans les usines doit demander aux ouvriers de dépasser les 40H par semaine. Avec Reynaud aux finances c’est une politique de rigueur et libérale, son équipe est jeune avec Alfred Sauvy, Michel Debré et des personnalités auxquelles de Gaulle va faire appel comme Rueff, et Couve de Murville. On revient donc sur les 40h dans les usines de défense nationale. Reynaud mène une politique de rigueur, entouré de jeunes futurs gaullistes avec Debré, Rueff ou encore Sauvy. Grâce aux décrets-lois votés le 12 novembre 1938, le gouvernement autorise les semaines de travail de 48h et une hausse des impôts, les conditions d’embauches et de licenciement sont assouplies, et les capitaux partis à l’étranger sont rapatriés mais on augmente aussi les impôts. Paul Reynaud dira « la semaine des deux dimanches a cessé d’exister ».

Mais le gros problème est extérieur face aux demandes d’Hitler lors de la conférence de Munich les 29-30 septembre 1938. En effet, Hitler qui désire agrandir l’espace vital de la nation allemande souhaite intégrer la région tchécoslovaque des Sudètes. Or, la Tchécoslovaquie est alliée avec la France. Si les anglais avec Chamberlain suivent l’idée, la France, encore hésitante, finira tout de même par signer les accords alors qu’elle était censée soutenir son pays allié, divisant en conséquence l’opinion et les milieux politiques. Cette crise est d’ailleurs toujours une référence, comme en 56 contre Nasser ou avec la guerre d’Irak. La paix est sauvée, mais à quel prix ? Daladier, accueilli avec joie à sa descente d’avion, comme s’il avait sauvé ma paix, mais il savait à quel prix cela s’était fait lorsqu’il sort « les cons, s’ils savaient » tout comme Blum qui n’hésite pas à écrire dans Le Populaire daté du 30 septembre 1938 « Je me sens partagé entre un lâche soulagement et la honte ». Seuls les communistes alors alignés sur Moscou et les démocrates chrétiens du Parti Démocratique Populaire, avec des personnalités comme Georges Bidault et Edmond Michelet, antifascistes conservent leur unité interne en tant qu’antimunichois, ce sont les deux seuls partis à tenir leur unité interne antimunichoise.

Chez les munichois on trouve ainsi des pacifistes intégraux de gauche avec des socialistes de la nuance Paul Faure (SFIO), la plupart des droites et une partie des radicaux. Il y en a qui croient à l’honnêteté d’Hitler, d’autres voient ce traité comme une manière de gagner du temps pour mieux se préparer à la guerre.

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On trouve par opposition chez les antimunichois des patriotes qui trouvent que cet abandon est humiliant, les modérés de Mandel, Paul Reynaud, Henri de Kerillis (nationaliste de droite), une majeure partie des socialistes de la SFIO avec Blum et l’autre partie des radicaux et les communistes et démocrates chrétiens.

Il y a aussi une division dans les syndicats, la CGTU est favorable à une résistance antifasciste, les autres sont pacifistes et munichois.

. Daladier à la veille de la guerre.

Quoiqu’il en soit l’autorité de Daladier est encore très forte. Face à la politique militariste de Daladier, une grève générale éclate, organisée par la CGT, le 30 novembre 1938 qui se solde par un échec (et qui coûte nombre d’adhérant à la CGT, le 1er mai même pas célébré en 39), la troupe et la gendarmerie étant intervenues au petit matin pour faire fonctionner les services publics. Une répression très dure s’abat sur les militants syndicaux. Socialement, le Front Populaire est bel et bien terminé. Les effectifs de la CGT baisse tandis que Daladier renforce son autorité. Il n’empêche que l’économie repart. Consciente de son infériorité numérique (41,9 millions d’habitants français contre 70 millions d’allemands augmentés par 15 millions d’autrichiens), c’est le moment où elle se résout à une vigoureuse politique nataliste avec le relèvement des allocations familiales par le décret-loi du 12 novembre 1938 pour tout deuxième enfant et toute femme au foyer en plus de l’adoption du Code de la famille le 29 juillet 1939 qui institue notamment une prime à la naissance du premier enfant si elle survient dans les deux premières années du mariage.

La politique menée à l’encontre des étrangers est différente des politiques d’accueil car les décrets augmentent le contrôle sur les étrangers avec un durcissement envers la nationalité parallèlement à arrivée de juifs allemands, d’anti nazis qui fuient l’Allemagne, de républicains espagnols qui fuient la Guerre civile et le franquisme (130 000 espagnols sont reçus dans des camps spéciaux). Des thèmes xénophobes sont très diffusés par le truchement de la presse. Le code de la nationalité est durci.Ensuite en avril 39 Daladier pousse la réélection d’Albert le Brun.

Notons enfin que Daladier repousse les élections législatives de 1940 à 1942 cependant qu’il fait campagne pour réélire Lebrun à la présidence de la République : succès électoral.

. La France de Daladier dans la guerre.

La France déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, c’est la drôle de guerre (en raison de l’invasion de la Pologne) mettant ainsi un terme à sa politique municho-attentiste pour honorer ses engagements envers la Pologne après l’abandon tchèque. Le 20 mars 40 Daladier démissionne. Cependant, il n’y a pas d’Union Sacrée et le 13 septembre 1939, Daladier décide de remanier son gouvernement dans le sens d’un renforcement de l’exécutif puisqu’il cumule les ministères de la Défense, des Affaires étrangères au surplus de son poste de Président du Conseil.

Il y a même des divisions à l’intérieur du gouvernement puisque certains membres sont plus bellicistes, plus intransigeant que d’autres envers l’Allemagne. On retrouve ainsi cette fracture qui perdure depuis Munich. Aussi les pacifistes s’expriment-ils pendant la « drôle de guerre » (du 3 septembre 1939 à mai 1940) à travers le quotidien Je suis partout de Brasillach, des modérés comme d’anciens Présidents du Conseil comme Flandin, des socialistes comme P.Faure, mais aussi une trentaine d’intellectuels comme Alain ou Giono. Un tract appelé « paix immédiate » est signé par une trentaine d’intellectuels dont Giono et Alain.

Une fracture apparaît aussi dans la gauche et surtout dans le SCIF (parti communiste français) à partir 23 août 1939 daté à laquelle est signé le Pacte germano-soviétique (accord de non-agression et de partage de la Pologne en plus d’autres clauses secrètes au sujet de la Finlande) Si c’est une grande surprise pour tout le monde, l’origine de ce pacte ne peut que résulter du rejet de l’URSS par les puissances européennes lors de la conférence de Munich. Cependant les députés communistes votent

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quand même les crédits de guerre. Les soviétiques ayant envahit la Pologne la situation se complique, la direction du parti dénonce alors l’entrée en guerre de la France. Le Pacte va ainsi entraîner des démissions comme celles de P.Nizan qui vit cette affaire comme un drame personnel et qui rend sa carte avec éclat et meurt peu après, 22 députés communistes se désolidarisent du parti. Le Parti engage une campagne le condamnant comme étant un espion de la police française, menée par Aragon. De plus, 22 des 72 députés élus en 1936 rendent leurs cartes, et le gouvernement prend décide de dissoudre le PCF le 26 septembre 1939 car il est hors la loi car il soutient l’URSS. Le PCF va alors connaître entre les années 1939-1941 les années les plus noires de son histoire, entrant dans la clandestinité avec Duclos et Frachon. Thorez, secrétaire Général du parti, rejoint son unité sous l’ordre de la IIIe Internationale le 4 octobre 1939. Puis sous ordre de Moscou, doit déserter sa patrie pour Moscou, en passant par Bruxelles, où il passe toute la guerre, coupé de la France et de son Parti : il est condamné en France à 10 ans d’emprisonnement pour trahison et désertion. Il passe toute la guerre en URSS et est donc coupé de son parti. Le 8 octobre, une quarantaine de députés communistes sont arrêtés pour intelligence avec l’ennemi, et le 20 janvier 1940, tous les députés communistes sont démis de leurs fonctions, jugés en mars 1940 et condamnés à 5 ans de prison en plus d’être démis d’une amende et de la privation de leurs droits civiques. Ainsi, plus de 5500 partisans sont arrêtés. Le parti devient clandestin et la direction est clandestine tenue par Jacques Duclos et Benoit Ferachaux( ?).

. Du gouvernement Reynaud à l’armistice.

La popularité de Daladier, très forte au début s’effrite à cause de l’inaction de la France pendant la « drôle de guerre », ce n’est pas le « Clémenceau » que l’on attendait. Aussi démissionne-t-il le 20 mars 1940. Le Président Lebrun désigne Reynaud pour le remplacer (ministre des finances dans le gouvernement sortant et partisan d’une guerre active). C’est un « dur » qui veut combattre, libéral de centre-droit, et anticonformiste dans le camp conservateur, c’est-à-dire qu’il prend des décisions parfois différentes de celles de son camp (il est par exemple partisan de la dépréciation du franc, et en plus est d’accord avec De Gaulle, qui dès les années 1930 veut s’appuyer sur les divisions blindées : en 1938, De Gaulle publie La France et son armée). Reynaud est partisan d’une guerre active, il écarte Georges Bonnet et réussit à faire rentrer sans son gouvernement 3 socialistes qui acceptent de gouverner. Mais c’est un gouvernement qui a du mal à gouverner, n’ayant pas le soutien de la droite ni de la gauche. Ses alliés sont les plus intransigeants de l’époque avec : ministre de l’Intérieur Mandel et le Secrétaire Général du Quai d’Orsay Alexis Léger s’opposant au pacifiste Bonnet.

Le 28 mars 1940, Reynaud signe une convention avec le Royaume-Uni dans lequel les deux parties s’engagent à ne pas signer de paix séparée : le camp le plus intransigeant y est très attaché. Le 10 juin 1940, les Allemands lancent leur offensive à travers les Ardennes : c’est la débâcle française et le 15 mai 1940 (Sedan ?), le Général en chef Gamelin est remplacé par Weygand. Reynaud remanie alors le 18 mai son gouvernement, il garde la défense nationale mais en confiant la vice-présidence du Conseil au Maréchal Pétain (avant Ambassadeur de France à Madrid) qui est le sauveur de Verdun. Sa présence est sensée rassurer l’opinion, redonner confiance à la nation. Les troupes alliées françaises échouent à Dunkerque. Le 6 juin 1940, de Gaulle, devenu général à la suite de ses succès allemand, est nommé sous secrétaire d’État à la Défense Nationale, ce qui fonde la légitimité républicaine de l’homme qui maintiendra la France dans la guerre. Le 10 juin 1940, le gouvernement quitte Paris où les Allemands entrent le 14 juin 1940, s’installant à Tours puis à Bordeaux. Cet exode marque le point de non retour de la terreur populaire. Le même jour, l’Italie, jusque là attentiste pour voir comment les choses vont évoluer, déclare la guerre à la France et au Royaume-Uni.

Le 15 juin 1940, l’Assemblée nationale (Chambre des députés et Sénat) se tient à Bordeaux pour trancher la question de l’armistice ou la capitulation :

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La capitulation est un acte militaire qui n’engage que les troupes concernées, le gouvernement étant libre de poursuivre la lutte en se repliant dans l’Empire en restant fidèle aux Anglais : la défaire est alors militaire.

L’armistice est un acte politique puisque le gouvernement s’engage à mettre fin aux hostilités sur tout l’Empire : la défaite devient alors politique, la responsabilité n’étant pas la même.

C’est le choix de l’armistice qui l’emporte. Pétain y est favorable, ainsi que plusieurs ministres comme Chautemps, Dutiller ou encore Baudouin. Deux personnages vont beaucoup agir en coulisse pour faire signer l’armistice : Laval et Marquet. Mais cela n’empêche pas l’existence de tiraillements terribles au sein du gouvernement. Weygand refuse la capitulation, car la responsabilité n’est pas imputable aux militaires selon lui, mais bien aux politiques. Le 16 juin 1940, Reynaud opposé mais trop affaibli politiquement pour imposer la capitulation, démissionne.

Lebrun charge alors Pétain de former un gouvernement, il garde onze membres du gouvernement Reynaud, en se débarrassant des partisans à la poursuite de la guerre comme de Gaulle ou Mandel. Toute l’opinion publique est derrière le Maréchal, d’ailleurs Amauroux parle de « 40 millions de Pétainistes » Le 17 juin 1940, il déclare « je déclare à la France que je lui fait don de ma personne…j’ai le cœur serré… ».

Cependant, des dissidents gagnent Londres autour de De Gaulle le 17 juin 1940, qui lancera son appel à la résistance le 18 juin 1940 par le truchement de la BBC : « la flamme de la résistance française ne s’éteindra pas » Pour lui le gouvernement de Vichy est illégitime, il est condamné à mort par ce dernier par contumace. Le juriste René Cassin et le journaliste Maurice Schuman soutiennent De Gaulle.

De plus, 31 parlementaires dont Daladier, Mandel, Zay, Mendès-France sont résolus à continuer la lutte et embarquent depuis Bordeaux pour le Maroc sur le Massilia dans l’idée de poursuivre la lutte à partir de l’Empire. Ils y sont arrêtés sous l’ordre du nouveau gouvernement, puis sont rapatriés et jugés pour désertion et trahison.

Finalement, le 22 juin 1940, l’armistice est signé dans le Wagon de Rethondes qui avait déjà servi pour la signature de l’armistice du 11 novembre 1918. Ainsi, les trois cinquième du territoire sont occupés, soit 23 millions d’habitants sur 40 millions ; une ligne de démarcation sépare la France en deux ; la France doit payer les frais d’occupation ; elle doit livrer les juifs et antinazis ; son armée est réduite à 100 000 soldats ; l’Allemagne fait 2 millions de prisonniers (cette question des prisonniers sera fondamentale plus tard) ; son matériel de guerre est livré à l’Allemagne sauf la flotte qui préfère se saboter. Notons que les britanniques contrariés par la rupture de leur accord n’hésitera pas à bombarder la flotte restante à Mers el Kébir. Le 24 juin 1940 : l’armistice est aussi signé avec l’Italie.

. Du suicide de la République.

Depuis Napoléon I, aucun régime n’a survécu à une défaite. Bernanos parle de « la grande culbute » tandis que Maurras exprime l’idée de « la divine surprise »

Laval entre au gouvernement le 20 juin 1940 comme vice–président du Conseil. Le I° juillet 1940, le gouvernement s’installe à Vichy car c’est une ville riche en hôtels et proche de la ligne de démarcation en même temps que de Paris. Le rôle de Laval, aidé par Vallat et Bonnet consiste à convaincre le maximum de députés à confier les pleins pouvoirs à Pétain (ce qu’il fait du 4 au 10 juillet 1940)

Il sera ensuite chargé d’élaborer une nouvelle constitution. Pour Laval, c’est l’heure de la revanche après des années de mise à l’écart. Une réunion des 666 parlementaires est prévue le 10 juillet 1940 dans la salle du grand Casino de Vichy. Impressionnés par l’autorité de Laval, très respectueux envers Pétain, et puis étant privés de leurs chefs, ils n’opposent pas de résistance : 569 voix pour (beaucoup de modérés, une partie des

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radicaux, des socialistes) ; 80 contres et 17 abstentions (dont les Présidents du Sénat Jeanneney et de la Chambre des députés, Herriot) pour les pleins pouvoirs à Pétain.

Cette action fut-elle légale ? Les règles constitutionnelles prévues ont été suivies mais la situation est particulière car l'Assemblée nationale est selon de Gaulle sous la dépendance de l’ennemi. De plus, la plupart des parlementaires est déchue ou absente ; la réunion de l’Assemblée nationale s’est faite hors de son cadre habituel . Mais le plus gênant selon de Gaulle est le fait que l‘on ait confié le pouvoir constituant à un seul homme alors que l’article 2 de la loi du 14 août 1880 interdit que la forme républicaine du gouvernement soit l’objet d’une révision. Enfin, il n’y a pas eu de ratification démocratique par la nation des nouveaux textes :

Le 11 juillet 1940, les 3 premiers actes constitutionnels sont promulgués par Pétain : disparition de la présidence de la République et du régime parlementaire les chambres ne pouvant être réunies que sur décision de Pétain. Ce dernier est chef du gouvernement, de État Français et cumule les pouvoirs législatifs, exécutifs et constituants.

Le 12 juillet 1940, le quatrième acte constitutionnel fait de Laval son dauphin, et le cinquième créé une cour de justice pour juger les responsables de la défaite. Ce sont les procès de Rion.

Selon Winock dans La fièvre hexagonale, l’Etat Français représente une véritable revanche pour tous ceux qui refusent l’héritage républicain de 1789, 1848, 1871, 1905 et 1936. Selon Rousso, il restera de cette période un véritable syndrome

CONCLUSION : AUTOPSIE D’UN RÉGIME.

1. La dérégulation du système républicain

Les analystes mettent en évidence que le fonctionnement même des institutions de la III° République implique l’instabilité.

Il y a cependant des points positifs : la République est apparue comme un régime capable de former des gouvernants compétents et à fixer dans la durée leur compétence : la rotation des ministres fut plus faible que celle des ministères, ainsi certaines personnes ont-elles incarné des ministères comme Briand aux Affaires étrangères, Caillaux aux Finances. C'est aussi une République qui est capable d’intégrer des courants opposée à la République : les socialistes et les catholiques. Elle intègre dès lors qu’on adhère à ses principes, d’où sa longévité.

Mais le système souffre de graves problèmes :

oL’instabilité : c’est un système qui atténue le sens des responsabilités chez les parlementaires qui font chuter les gouvernements sans état d’âme. C’est gênant face à la population car cela porte un discrédit à la politique avec toutes les alliances, les chantages et autres jeux de coulisses. Le peuple ne voit plus le rapport entre son vote et la façon dont va s’organiser l’Assemblée nationale. Il en ressort une l’image d’un conflit de pouvoir et une destitution du vote. Cela justifie ainsi et explique les querelles antiparlementaires avec les diverses crises.

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o Le rôle du Sénat : il a un pouvoir de blocage car un texte de loi ne peut être adopté que s’il est voté par les deux chambres. Il a aussi le pouvoir de renverser les gouvernements (c’est l’exemple de la chute de Blum, deux fois) d’où une large responsabilité du Sénat dans blocage du système.

o Les partis politiques ont aussi une responsabilité, surtout le parti radical qui joue un double jeu continuel avec sa position de pivot. Notons aussi la responsabilité des socialistes qui jouent avec leur refus (ou pas) de participer au pouvoir. Enfin c’est celle du PCF qui est très lié à Moscou.

2. L’impossible changement institutionnel.

La réforme de État est un thème récurrent dans les années 1920-1930 aussi bien du côté de la droite que de la gauche. On veut réformer en renforçant le pouvoir exécutif, notamment le pouvoir présidentiel en plus d’une réforme du mode de scrutin.

Qui a voulu réformer ? Tardieu aurait souhaité mettre en place un système à l’anglaise avec un bipartisme en rattachant les radicaux à la droite. Doumergue aurait voulu renforcer le droit de dissolution et le pouvoir présidentiel : cela explique l’avortement car toute remise en cause constitutionnelle est perçue comme un 16 mai 1877 (Mac Mahon)