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Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, deux ans après Janvier 2015 Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale

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Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, deux ans après

Janvier 2015

Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale

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d’une politique publique qui maintient les personnes dans un système de portes tournantes coûteux pour l’État et sans perspectives d’insertion dans le logement pour les personnes. La généralisation au premier semestre 2015 des diagnostics à 360 degrés sur l’ensemble des situations de mal loge-ment permettra -nous l’espérons- d’ob-jectiver les besoins sociaux et d’enga-ger une programmation adaptée aux enjeux de chaque territoire.Poursuivant la dynamique du plan quinquennal, la FNARS a également défendu une réorientation des poli-tiques de l’emploi priorisant l’accès à la formation professionnelle et à l’emploi ordinaire avec un accompagnement des chômeurs de longue durée, et, plus globalement, des personnes les plus éloignées du marché du travail. Malgré l’engagement présidentiel entendu lors de la conférence sociale de juillet 2014, cet objectif qui dépend de la mobilisation de l’État et des par-tenaires sociaux est loin d’être atteint, même si des mesures sont annoncées pour janvier 2015.Le retour à l’emploi nécessite également une réforme de l’aide aux travailleurs pauvres et modestes qui doit intervenir dès la reprise d’activité en aidant les personnes à sortir de la pauvreté grâce au travail. Le plan quinquennal avait acté la nécessité de transformer le RSA activité qui, avec 68 % de non recours, n’a jamais atteint sa cible. Les travaux de la commission Sirugue ont abouti à la création d’une prime d’activité •••

Elaboré fin 2012 à l’issue d’une confé-rence nationale asso-ciant tous les réseaux

associatifs, le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a marqué une étape importante et innovante dans la co-construction des politiques sociales. Co-construction d’une nouvelle politique publique entre l’État et les associations, sur la base d’un constat partagé d’augmentation de la précarité. Co-construction également avec les personnes accompagnées qui, pour la première fois, et dans le prolon-gement des travaux précurseurs du 8ème collège du CNLE, ont été pleinement associées aux groupes de travail lancés par le Premier ministre.Symbole d’une volonté de rupture avec la stigmatisation des plus modestes et de réhabilitation des missions de l’État social, l’élaboration du plan quinquen-nal fut aussi l’occasion d’une mobilisa-tion interministérielle passant au crible les politiques publiques, de l’emploi à la famille, en passant par le logement ou la santé pour tenter de définir une stratégie globale de réduction de la pauvreté pendant le quinquennat.2013 fut une année d’avancées posi-tives avec des mesures concrètes d’accès aux droits telles que la revalo-risation du RSA socle ou le relèvement du seuil d’éligibilité à la CMU-C. Avec le développement des Conseils Consulta-tifs Régionaux des Personnes Accom-pagnées (CCRPA), la participation des personnes à l’évaluation des politiques

••• issue d’une fusion entre le RSA acti-vité et la prime pour l’emploi, pour lutter contre le non recours. La FNARS, avec ses partenaires Emmaüs et Coorace, soutient cette réforme attendue pour 2016, tout en exigeant qu’elle ne fasse aucun perdant parmi les ménages pauvres.Si le plan quinquennal a produit des mesures, il n’a pas permis de rénover en profondeur la gouvernance des politiques de lutte contre l’exclusion. Trop de circulaires non appliquées, pas assez d’interministérialité, trop de décalage entre les mesures décidées au national et leur mise œuvre sur les territoires, faible pilotage des préfets sur le respect des objectifs du plan. Des difficultés qui alimentent le décourage-ment et l’exaspération des intervenants sociaux, toujours en attente de la refon-dation du travail social annoncée elle aussi dans le plan.Le gouvernement doit rapidement réin-vestir les objectifs du plan quinquennal, les adapter à l’intensification de la pau-vreté, créer une instance régulière de suivi avec le secteur associatif et les personnes accompagnées pour redon-ner vie à cette démarche innovante et fixer une feuille de route ambitieuse pour les deux années à venir. Face au recul des valeurs de solidarité, au re-tour de la stigmatisation des précaires et aux faiblesses de l’État providence et face à l’intensification de la pauvreté, il faut un sursaut national pour l’accès à l’autonomie et à la citoyenneté des plus fragiles.

publiques et à la gouvernance des associations s’est fortement diffusée et restera un acquis majeur du plan.Alors que la pauvreté des jeunes est très supérieure au reste de la popu-lation et qu’un quart des personnes hébergées dans les centres d’héber-gement a moins de 25 ans, la FNARS défendait un droit à la formation tout au long de la vie, assorti de ressources financières pour vivre dans la dignité. La création des emplois d’avenir a per-mis quant à elle d’endiguer le chômage de masse sur cette tranche d’âge. Mais la montée en charge trop lente de la garantie jeunes (8 500 bénéficiaires fin 2014) nous laisse craindre un impact limité sur la précarisation de ces jeunes particulièrement exposés à la crise économique et sociale, pour lesquels le système de protection sociale est largement défaillant.L’absence de loi de programmation sur l’hébergement et le logement très social, a également limité les ambitions du plan en matière de droit au logement et de refonte du secteur de l’héberge-ment. Si le droit à l’accompagnement et la fin de la gestion saisonnière de l’hébergement sont des objectifs an-noncés du plan, ces principes peinent à se mettre en œuvre sur les territoires, comme le dénonce régulièrement le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement. L’augmentation des solutions de mise à l’abri et des hôtels au détriment de la production de logements très so-ciaux et du parc CHRS traduit l’échec

Pour une relance ambitieuse du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté

LOUIS GALLOIS, PRÉSIDENT DE LA FNARS FLORENT GUÉGUEN DIRECTEUR GÉNÉRAL

❝ Y a-t-il eu une continuité régulière dans la mise en œuvre du plan entre les différents gouvernements depuis début 2013 ?La coordination se fait au niveau central et national et elle est animée par les DJSCS (Les directions de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale). Tout se passe bien et nous avons des retours réguliers sur ce que font les administrations.L’intitulé du ministère, qui comprend à la fois l’hébergement et le logement, qui montre une réflexion sur le suivi des personnes dans leur parcours est un changement positif par rapport à avant où il s’agissait de deux ministères séparés.Nous sommes toujours dans une démarche interministérielle, je les sens impliqués et les ministres me donnent des signes qu’ils le sont. La rencontre du Président de la république avec les associations le 14 octobre dernier le montre également. Les seuls retards concernent la construction de logements sociaux.Par contre, je vois deux handicaps majeurs au niveau territorial. La réaction de l’Assemblée des départements de France (ADF), suite à l’annonce de la suppression des départements, a provoqué un mouvement d’humeur et l’ADF s’est un peu retirée du suivi global du plan, en mettant la pédale douce

dans certains départements.Et puis, après la tenue d’animations sur le plan dans les régions en 2013, la circulaire à destination des préfets pour la mise en œuvre du plan n’a été envoyée qu’en août 2014, donc un peu tard, ce qui a engendré des retards dans les schémas territoriaux. Avez-vous utilisé le système d’alerte auprès du Premier ministre en 2014 ?Non, je ne l’ai pas utilisé cette année, mais nous avons toujours des réunions tous les 15 jours à Matignon. Je n’ai plus un rôle d’animation du plan, qui appartient désormais à la Direction générale de l’action sociale. Je suis sur l’évaluation, avec des informations qui me viennent avec du retard.Le rapport que je rendrai fin janvier dira ce qui marche et ce qui ne marche pas. Je vais par exemple alerter le Premier ministre sur la pauvreté des enfants. Nous verrons ensuite les réactions du gouvernement. Pour l’instant le gouvernement a respecté sa feuille de route pour la mise en œuvre du plan. Il a même accéléré certains dispositifs comme la garantie jeunes, qui a été étendue plus tôt que prévue.

Le plan prévoyait la tenue d’une nouvelle conférence contre la pauvreté en 2015, ce projet est-il toujours d’actualité ?Je ne sais pas. Je dois rendre mon rapport d’évaluation à la fin du mois de janvier, et je pense que le Premier ministre décidera à ce moment-là.

François Chérèque, INSPECTEUR GÉNÉRAL DES AFFAIRES SOCIALES, CHARGÉ DE L’ÉVALUATION DU PLAN GOUVERNEMENTAL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ PAR LE PREMIER MINISTRE.

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Le CNLE compte aujourd’hui un 8ème collège, regroupant des personnes en

situation de pauvreté. Comment l’avez-vous mis en place et intégré dans le fonctionnement du CNLE ?Quand j’ai été nommé par François Fillon, le 30 juillet 2010, Roselyne Bachelot, alors ministre des affaires sociales, m’a adressé, une lettre de mission, me demandant d’étudier la possibilité de faire participer les usagers à nos réflexions et propositions. Pour ma part, le fil conducteur a toujours été la phrase de Mandela : « tout ce que vous faites pour moi, si vous le faites sans moi, vous le faites contre moi ». Nous avons organisé un groupe de travail en 2011 sur la faisabilité de cette mission, et rédigé un rapport pour nous éclairer sur la manière de créer un 8ème collège.Nous nous sommes lancés dans cette opération à titre expérimental en 2012, avec un cahier des charges (mentionnant déjà un cycle de formation avec des informations et des préparations du 8ème collège, la veille de chaque réunion plénière du CNLE) et un appel d’offres à destination des associations. Nous avons réfléchi aux critères de sélection : j’étais très attaché à la parité hommes/femmes, à une sélection des

associations représentant la diversité de la pauvreté (urbain et rural par exemple), et je voulais que l’ensemble des structures d’accueil puissent être représentées pour que ce soit crédible et qu’il ne s’agisse pas d’un alibi de participation. Le 8ème collège a été créé en juin 2012, mais son existence a vraiment été actée par Jean-Marc Ayrault le 19 décembre 2013.

Aviez-vous déjà une expérience en matière de participation ?Jusqu’à présent, en tant que parlementaire et membre de la commission des affaires sociales, j’avais avant tout une expérience de la participation avec des salariés, dans l’organisation d’une entreprise.La participation était déjà au cœur de mes préoccupations mais sous cet angle uniquement. Mais cela a facilité mon approche pour la participation des acteurs à la prise de décision.Mais même si j’avais déjà abordé ces problèmes, j’ai découvert la situation de ces 8,5 millions de personnes en situation de pauvreté. J’avais rendu un rapport en 2008 sur l’hébergement d’urgence et le logement, ce qui m’avait fait travailler sur l’un des aspects de la pauvreté. Mais la formation, l’emploi, le sanitaire faisaient partie des aspects que j’avais jusqu’alors peu abordés. J’ai pris la mesure de la globalité, car en général il n’y a pas une seule précarité. Tout l’équilibre d’une personne doit s’adosser sur 4 piliers : le logement, la formation, l’emploi et la santé. Si l’un ou plusieurs de ces piliers est bancal, c’est à l’État régalien de rétablir l’équilibre.

Quels changements le 8ème collège a-t-il amorcé au sein du CNLE ?Nous nous sommes tous découverts les uns les autres. Même si nous avions déjà abordé les sujets touchant à la précarité, il nous a fallu modifier notre langage pour être compris, en travaillant sur la pédagogie et la vulgarisation. Nous avons été confrontés à la réalité d’une situation de pauvreté, avec des membres du 8ème collège qui n’avaient pas la possibilité de faire garder leurs enfants pendant une réunion, par exemple.Ensuite, il faut rappeler qu’il y a eu un télescopage entre la création du 8ème collège et la demande de Jean-Marc Ayrault dès le mois de septembre 2012 d’associer le CNLE et le 8ème collège à la conférence

de lutte contre la pauvreté qui s’est tenue en décembre 2012. Le 8ème collège devait être associé aux sept groupes de travail, sur chaque thématique, qui ont participé à la rédaction du plan quinquennal.Ce télescopage a été une rude épreuve pour nous tous, et pour les membres du 8ème collège qui étaient jetés dans des arènes auxquelles ils n’auraient jamais songé. Ils étaient devant le Premier ministre, les ministres, associés aux hommes et aux femmes qui apportaient une contribution à la lutte contre la pauvreté. C’était une reconnaissance immédiate par le gouvernement de l’intérêt d’entendre la parole des personnes en précarité et en même temps un énorme travail d’organisation, un grand travail psychologique avec ces personnes.

Le résultat a-t-il été à la hauteur de l’engagement du CNLE ?J’avais dit à monsieur Ayrault que nous ne ferions aucune proposition démagogique, mais que celles que nous ferions seraient justes, équitables et raisonnables. Une grande partie des propositions reprises dans le plan viennent du CNLE et du 8ème collège. Même si toutes nos propositions n’ont pas été reprises… Par exemple, on avait demandé une revalorisation du RSA de 25 % et on a obtenu 10 %. On avait proposé 25 % parce que le RSA a fortement décroché du SMIC depuis sa création.Pour la CMU-C, c’est aussi une satisfaction, en revanche rien sur l’allocation logement. Pour le logement et l’hébergement, les progrès ne sont jamais à la mesure des difficultés.Depuis, le CNLE a gagné en visibilité et ceux qui cherchent de nouvelles idées viennent nous voir de l’étranger. On n’imaginait pas l’ampleur que cela prendrait.Beaucoup d’organisations publiques s’intéressent à la participation mais elles ont souvent des organisations très différentes de la nôtre. Le conseil économique, social et environnemental, par exemple, qui comprend 4 grandes institutions très différentes, se demande si ils doit accueillir une personne en situation de précarité dans chacune d’entre elles.Sur le principe, tout le monde est séduit, mais ensuite la mise en place appartient à chacun.

La participation des personnes en situation de pauvreté aux politiques publiques est un processus qui de-mande du temps, des moyens et des méthodes adaptées. Les objectifs fixés par le plan doivent entrainer une évolution des manières de « faire » et de penser des institutions, des asso-ciations et des services de l’État.Au niveau national, si la pérennisation du 8ème collège du CNLE est effective depuis le mois d’avril 2014, il aura fallu attendre plus de trois ans pour arriver à cette officialisation, grâce à une démarche construite patiem-ment avec l’ensemble des parties prenantes. C’est pourquoi les actions prévues dans la feuille de route 2014 en matière de participation, comme la mise en place d’un collège similaire au sein du Conseil National de l’Insertion par l’Activité Economique (CNIAE), du Conseil National des Missions Locales (CNML) et du Haut Comité pour le Lo-gement des Personnes Défavorisées (HCLPD) sont loin d’être effectives. La participation ne peut s’imposer de manière descendante, elle doit être portée par tous. Les 30 rencontres organisées en régions par François Chérèque, pour évaluer la mise en œuvre de la pre-

mière année du plan, illustrent bien les difficultés rencontrées pour associer les personnes directement concer-nées à ces travaux. Alors que des recommandations, en direction des préfets, insistent sur la nécessité et l’importance d’associer à cette évalua-tion l’ensemble des acteurs, dont les personnes elles-mêmes, peu de terri-toires ont vraiment été jusqu’au bout de la démarche : peu ou pas d’invitation aux rencontres, peu ou pas de prise en charge des frais de déplacements, et l’évaluation de cet axe transversal ne fait même pas partie des points cités dans le document de synthèse !Seuls les CESER ont engagé une dé-marche visant à ouvrir leurs instances aux personnes en situation de pauvre-té. Une première rencontre a eu lieu cet été entre l’association des CESER de France et la FNARS,l’UNIOPSS et la Fondation de l’Armée du Salut (FADS). Bernadette Silliau, qui repré-sentait la FNARS, a beaucoup insisté sur l’importance des rencontres régu-lières et dans la bienveillance. Sur des thèmes choisis par les participants, elles favorisent les échanges entre pairs et avec les intervenants sociaux, une meilleure connaissance des dis-positifs, une co-construction collective

allant du simple témoignage individuel à des propositions communes portées par tous.L’évaluation des Conseils Consultatifs Régionaux des Personnes Accueillies (CCRPA) et Conseils Consultatifs des Personnes Accueillies(CCPA) lancée en fin d’année 2014 par la DGCS, de-vrait permettre de mettre en évidence les conditions indispensables à la mise en œuvre de ce processus de partici-pation, et en tirer des recommanda-tions générales pour l’ensemble des champs des politiques publiques. La FNARS, L’UNIOPSS, la FADS et des participants au CCPA /CCRPA partici-peront à cette démarche d’évaluation dont les conclusions sont attendues pour le premier trimestre 2015.Pour sa part, la FNARS, rejoignant en cela les préconisations du plan en direction des associations de solida-rité, a créé des collèges « personnes accueillies » au sein des conseils d’administration nationaux et régio-naux. Une ou deux personnes accueil-lies et accompagnées par les asso-ciations adhérentes, participent aux travaux, analyses et projets de la fédé-ration.Les personnes sont présentes et associées, reste à savoir comment elles sont écoutées.

La participation des personnes en situation de pauvreté aux politiques publiques devenue incontournablePour la première fois en janvier 2013, le principe de participation des personnes en situation de pauvreté à l’élaboration et au suivi des politiques publiques est un axe de travail clairement identifié, placé sous la responsabilité du Premier ministre et doté d’objectifs ambitieux : étendre et diversifier le processus de participation, promouvoir les relations entre personnes en situation précaire et services publics, mettre en œuvre des méthodes de co-construction et d’évaluation participatives et développer l’ingénierie nécessaire à cette participation tant au niveau national qu’en région .

Etienne Pinte, PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET L’EXCLUSION SOCIALE (CNLE) DEPUIS JUILLET 2010

Participation Participation

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Vous étiez parmi les personnes accompagnées qui ont vécu la création

du 8ème collège ainsi que la préparation du plan pluriannuel. Quels souvenirs en gardez-vous ?Oui, j’ai fait partie du CNLE dès le début, en juin 2012. Et pour la préparation du plan, j’ai participé au groupe de travail intitulé Enfance, famille et réussite éducative. Ça s’est très bien passé. D’emblée les animateurs m’ont donné la parole, et, sur chacun sujet, on me demandait si j’avais quelque chose à ajouter. Ils étaient toujours bienveillants afin que je puisse dire ce que je pensais. Par rapport aux autres personnes, qui venaient du milieu de la justice, de l’éducation nationale, par exemple, je me suis sentie très bien accueillie, j’ai pu discuter avec beaucoup de gens, même pendant les pauses café. Mais je sais que dans d’autres groupes de travail ça a été plus difficile. On a fait 42

propositions et certaines ont été mises en place, dont la réforme sur la modulation des allocations familiales pour les salaires qui dépassent un certain montant. Je trouve que ce changement est légitime parce que, jusqu’à présent, quelqu’un au RSA avait les mêmes allocations familiales que quelqu’un qui gagnait très bien sa vie. On s’est aperçu aussi que les personnes sans emploi n’avaient pas accès aux crèches, donc les familles monoparentales ne peuvent tout simplement pas chercher un emploi ! Donc à partir de 2015, 10 % des places seront réservées aux personnes en situation de pauvreté.

Vous sentiez-vous bien intégrée au sein même du CNLE ?Dès le départ, les personnes devaient avoir un traitement égal aux autres membres du CNLE, sans distinction. Par exemple pour les hôtels, il n’y avait pas de raison qu’on soit logés dans des hôtels moins bien que les autres. La préparation de l’ANSA, avant les réunions, était bien, mais je trouvais que c’était un peu trop accès sur des problèmes logistiques. J’aurais souhaité une meilleure préparation des plénières. Et j’aurais bien aimé qu’on puisse assister à des cours ou des formations.Les gens du CNLE ont apprécié nos interventions pendant les plénières, on a apporté de la nouveauté avec une dose de terrain, tout d’un coup ce n’était pas que du virtuel.

Cette expérience vous est-elle encore utile aujourd’hui ?Durant l’été 2014, j’ai été auditionnée par le CESER de France, qui réunit les 31 CESER (conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux), qui s’interrogeait sur les moyens d’associer les personnes en situation de précarité et de pauvreté à leurs travaux. Ils voulaient entendre des personnes qui faisaient partie comme moi du CCRPA Bretagne, que je puisse leur montrer les apports du 8ème collège. Par exemple, ils m’ont demandé si je pensais qu’il y avait un intérêt à ce que les personnes accompagnées soient présentes au CESER. J’ai dit oui parce qu’elles représentent la société civile alors que jusqu’à présent elles n’ont pas de représentation, elles n’ont pas la parole dans les syndicats, elles sont à l’écart. Pour leur faire comprendre, j’ai pris l’exemple des TER en Bretagne. Il existe une carte pour les personnes en situation de pauvreté mais uniquement pour les trajets en

TER. C’est dans la pratique qu’on se rend compte que les horaires des TER ne sont pas adaptés (un seul train le matin à 6h) et que finalement cette carte n’a qu’un faible effet sur la mobilité des personnes.Ensuite, ils se sont interrogés sur le fait de savoir si les personnes accompagnées qui rejoindraient le CESER devraient ou non être rétribuées comme les autres membres. Là encore, j’ai repris l’exemple du CNLE pour dire que tous les membres devaient être traités de la même manière, et qu’il ne faut pas poser des spécificités pour les personnes en situation de pauvreté.Je leur ai dit aussi qu’il était important que les personnes aient accès à tous les documents nécessaires pour préparer les réunions, pour qu’elles soient dans de bonnes conditions de participation et qu’elles puissent travailler avant les plénières. Dans le même esprit, si des gens du CESER sont abonnés à des livres ou autres, il faut que les personnes accompagnées puissent y avoir droit aussi, qu’elles bénéficient vraiment des mêmes avantages et facilités que les autres, comme internet par exemple.

Bernadette Silliau, ANCIENNE MEMBRE DU 8ÈME COLLÈGE DU CNLE, ADMINISTRATRICE AU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA FNARS BRETAGNE, MEMBRE DES GROUPES DE TRAVAIL NATIONAUX PARTICIPATION, ENFANCE FAMILLE ET DU CCRPA BRETAGNE.

En décembre 2010 Roselyne Bachelot, alors ministre des Soli-darités et de la Cohésion sociale, demande au Conseil National des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion (CNLE) de constituer un groupe de travail afin de réfléchir aux modalités d’association des personnes en situation de pauvreté à l’élabora-tion, la mise en œuvre et l’évalua-tion des politiques publiques. Ce groupe de travail, co-présidé par la FNARS et l’UNIOPSS, était com-posé de membres représentants les collèges du CNLE, d’orga-nismes invités et de personnes en situation de pauvreté. À la suite de ce rapport, rendu en octobre 2011,

le CNLE fait le choix de s’engager dans une démarche d’expérimen-tation visant à créer en son sein un nouveau collège – le 8ème col-lège – composé de 8 représen-tants de personnes en situation de pauvreté ou de précarité. Cette expérimentation s’est déroulée pendant 18 mois.

La conférence et le plan Durant cette période, les membres du 8ème collège, ont été associés aux 7 groupes de travail théma-tiques, à raison de deux per-

sonnes par groupe de travail, dont les rapports ont été présen-tés en décembre 2012 lors de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion so-ciale. Le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, lancé en janvier 2013, a été élaboré à partir des recom-mandations construites lors de ces travaux.

La pérennisationUne démarche d’évaluation ex-terne positive a permis au CNLE de proposer la pérennisation du 8ème collège.

Après une officialisation par dé-cret en décembre 2013, un appel à candidature en février 2014 permet de sélectionner les quatre associations qui seront retenues pour accompagner dans leur mandat les huit personnes dont elles proposent les candidatures au CNLE. Les Petits Frères des Pauvres, le Secours Catholique Quercy, le Mouvement National de Chômeurs et Précaires de Clermont Ferrand et la FNARS Languedoc-Roussillon sont les quatre associations, supports des membres du 8ème collège, qui ont été nommées par arrêté du Premier ministre en 2014 pour un mandat de 3 ans.

Le 8ème collège du CNLEParticipation Participation

❝ J’avais envie de faire partie du 8ème collège du CNLE parce que je sais que notre message passe plus au niveau de Paris. On prépare la réunion la veille, on parle des sujets avec deux animatrices. Lors de la plénière si on a quelque chose à dire on le dit et sinon on ne dit rien. Pour ce qui est du droit, des lois, c’est compliqué. C’est plus facile de parler du vécu. Il y a des sujets qui nous parlent et d’autres moins. C’est une ambiance très sérieuse, on écoute surtout. Mais la dernière fois par exemple, on a parlé des familles hébergées à l’hôtel,

et cela m’intéresse donc j’ai posé des questions. On fait tout pour que cela puisse changer. Une fois aussi le ministre du Travail est venu à la plénière. C’est toujours impressionnant, ne serait-ce que de voir le président de la FNARS. Ce n’est pas comme nos réunions au CCRPA. Avec le 8ème collège on essaie de toucher là-haut. Avec le conseil de la vie sociale notre parole restait au foyer, entre usagers. Mais si l’on veut que les choses changent, il faut qu’on nous entende, sinon personne ne bougera à notre place.

SARAH KEBIR,32 ANS, FAIT PARTIE DU 8ÈME COLLÈGE DU CNLE DEPUIS MAI 2014 VIA LA FNARS LANGUEDOC-ROUSSILLON

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Parmi les personnes que les struc-tures d’hébergement de la FNARS accueillent et accompagnent, environ 25 % sont des jeunes entre 18 et 25 ans en situation de devoir assumer leur autonomie alors qu’ils n’en ont pas les moyens. L’âge de l’entrée dans la vie active s’est décalé en raison de l’allon-gement des études et des difficultés d’accès au marché du travail. De plus, les jeunes en situation de rupture et/ou d’errance rencontrent de nombreuses difficultés sociales et sanitaires, géné-ralement cumulées, parmi lesquelles les placements à répétition, les rup-tures familiales, le passé judiciaire, le faible niveau scolaire, la souffrance psychique, les pratiques addictives… Du fait de son âge, ce public se trouve à la charnière de deux dispositifs : l’aide sociale à l’enfance jusqu’à 18 ou 21 ans et le droit commun pour les plus de 25 ans. C’est donc une période de vide

de la protection sociale pour les jeunes qui n’ont plus de soutien familial qui, du fait de leur âge, se retrouvent coincés entre 2 dispositifs auxquels ils n’ont plus ou pas encore accès. Pourtant, pour les jeunes et plus particulièrement les jeunes en grande difficulté, une succession de politiques spécifiques instables et précaires ont été mises en place depuis 30 ans, mais elles ne ré-pondent pas à la situation de ceux qui doivent assumer leur autonomie dès 18 ans alors qu’ils sont loin de l’emploi. Les chiffres montrent à quel point l’accès à l’emploi est lié au niveau de formation, il est donc essentiel de lut-ter contre le décrochage scolaire et les sorties du système éducatif sans diplôme. Les jeunes entre 18 et 25 ans n’ont pas accès aux minima sociaux et leur taux de pauvreté est bien supé-rieur à celui de la population générale. Selon une enquête réalisée dans notre

Quel appui pour les jeunes ?Face à la montée de la précarisation de certains jeunes, en particulier les moins formés, les décro-cheurs scolaires, les jeunes en rupture familiale, une véritable politique de jeunesse, cohérente, interministérielle, qui prenne la mesure des enjeux était attendue conformément à la priorité an-noncée par le candidat François Hollande.

réseau en 2010 auprès des interve-nants sociaux, les principales difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés et qui déclenchent la demande d’aide et d’accompagnement sont l’absence de ressources, la perte d’emploi, et la rupture familiale. Logiquement, l’accès à des ressources, à la mobilité, à un hébergement adapté, l’accès com-plexe aux droits et l’accès aux soins constituent des freins majeurs à la mise en œuvre du projet d’autonomie. Les annonces du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté pour les jeunes, reprises par le plan priorité jeunesse du comité interministériel de la jeu-nesse, réactivé à cette occasion, sont à l’image de politiques menées depuis 30 ans. Malgré les constats conver-gents des derniers rapports produits sur la situation de la jeunesse, notam-ment par le CESE, montrant l’échec de la politique qui consiste à empiler •••

LE BIG BANG DES POLITIQUES JEUNESSE

Face à l’augmentation du taux de pauvreté chez les jeunes, aux fréquentes sorties du système scolaire sans diplôme, l’accumulation des dispositifs, le lien entre le niveau de formation et le taux de chômage, l’absence de ressources, qui constituent des freins aux démarches d’insertion, il est urgent que tous puissent reprendre ou poursuivre une formation. Réunis au sein de la plateforme « Pour un Big-Bang des Politiques jeunesse », des associations de jeunes, de jeunesse, les organisations de jeunes, les mouvements d’éducation populaire, les associations d’insertion et d’action sociale, les missions locales (…) portent une proposition politique

autour de 5 axes : un droit à l’éducation - formation tout au long de la vie constitué d’un capital formation d’une vingtaine d’années dès 6 ans. Ce droit pourrait être utilisé en une seule fois puis « recapitalisable » par le travail. Il pourrait également être utilisé de façon fractionnée afin que des jeunes décrocheurs par exemple, puissent reprendre leur formation, quel que soit leur niveau, à tout moment quand ils le souhaitent. Le second axe repose sur une garantie de ressources ; ce droit à l’éducation - formation tout au long de la vie, devrait, pour être efficient, être assorti de ressources dès 18 ans. Le troisième axe vise à faciliter

l’accès des jeunes au travail dans des conditions décentes ; le quatrième axe repose sur la création d’un service public de l’information de l’orientation et de l’accompagnement, et, enfin, le dernier axe vise à améliorer la prise en compte de la parole des jeunes dans l’élaboration des politiques publiques.

LES JEUNES ET LE 115 La majorité des personnes qui sollicitent le 115 ont entre 25 et 44 ans (40 %). Les jeunes représentent 16 % des appelants au 115. L’hiver 2013-2014, plus de 8 000 personnes âgées de 18-24 ans ont sollicité le 115 pour une place d’hébergement. Le recours au numéro d’appel d’urgence signe souvent une situation de rupture familiale et une fragilité du lien social. Après avoir été hébergés un temps chez des amis ou en squat, ils contactent le 115 lorsque que ces solutions s’épuisent. Plus de la moitié des jeunes qui appellent le 115 sont déjà connus, pour l’avoir déjà sollicité les mois précédents. Le recours au 115 par les jeunes de 18 à 24 ans, marque une progression d’année en année : + 4 % entre les deux derniers hivers, et + 15 % par rapport à l’hiver 2011-2012.

••• des dispositifs non universels pour les jeunes, en fonction de leur statut (étudiant, en difficulté…), et à exclure les jeunes des dispositifs de droit com-mun tels que les minima sociaux, le plan quinquennal ne répond pas aux besoins de protection sociale de ce public exposé à la crise économique.

La garantie jeunes première étape vers un droit à la formation tout au long de la vieAnnoncée dans le cadre du plan plu-riannuel de lutte contre la pauvreté puis reprise dans le « priorité jeunesse » du comité interministériel de la jeunesse, la garantie jeunes est la traduction

Jeunes Jeunes

dans le système français de la garan-tie jeunesse voulue par le conseil européen. Cette mesure concerne les jeunes en difficulté d’insertion. La garantie jeunes est expérimentée depuis 2013 sur 10 territoires pilotes pour 10 000 jeunes. Dès janvier 2015, 10 nouveaux sites pilotes devront inté-grer 20 000 jeunes supplémentaires. L’objectif d’intégration de 30 000 jeunes supplémentaires en 2015, annoncé lors de la conférence sociale de l’été dernier, va permettre à de nouveaux territoires de déployer le dispositif dans le courant de l’année. La généralisation du dispositif étant finalement prévue pour 2017 pour 100 000 jeunes. Cette garantie jeunes, tout comme la création du compte personnel de formation ainsi que la mise en place d’un droit au retour en formation ini-tiale pour les jeunes décrocheurs de 16 à 25 ans, ne peuvent être que des

étapes en vue de la création d’un droit à l’éducation – formation tout au long de la vie – assorti de ressources dès 18 ans, comme nous l’avons défendu à travers la plateforme « pour un Big Bang des politiques jeunesse ! ». La FNARS le rappelle : la priorité doit être l’accès au droit commun pour chaque jeune dès 18 ans, quel que soit son statut. L’annonce de la création d’une « prime d’activité », issue de la fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi, ouverte aux jeunes en emploi sans conditions restrictives va dans ce sens.

22,7 %C’EST LE TAUX DE CHÔMAGE DES JEUNES DE MOINS DE 25 ANS EN AVRIL 2014 (CONTRE 9,7 POUR L’ENSEMBLE DE LA POPULATION)

22,5 %C’EST LE TAUX DE PAUVRETÉ CHEZ LES JEUNES DE 18-24 ANS (CONTRE 14% POUR L’ENSEMBLE DE LA POPULATION)

200 000C’EST LE NOMBRE DE JEUNES EN DÉCROCHAGE SCOLAIRE CHAQUE ANNÉE EN FRANCE

LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

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La garantie jeunes est destinée aux jeunes « NEET » : les jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni scolarisés. Ces derniers peuvent bénéficier de cette garantie en cas de risque de rupture de parcours ou de fragilité particulière, et ce dès 16 ans. La garantie comprend deux volets : un volet accompagnement reposant essentiellement sur les missions locales et un volet ressources, avec une allocation d’un montant fixe équivalent au RSA. Cette garantie jeunes fonctionne sur un mode contractuel entre le jeune et la mission locale. Le contrat contient des obligations auxquelles le jeune s’engage, à défaut de quoi la garantie pourra être suspendue. La mission locale s’engage quant à elle à organiser un accompagnement continu, sans rupture, avec deux actions principales : d’une part, la remobilisation immédiate du jeune notamment par une séquence initiale d’accompagnement collectif intensif de six semaines, et, d’autre part, la médiation active pour démultiplier les opportunités de mise en relation avec les entreprises. Une commission d’attribution valide l’entrée des jeunes dans le dispositif, leur sortie ou la suspension de la garantie. La FNARS formule plusieurs observations à partir des remontées de son réseau sur la mise en œuvre de ce dispositif. L’enjeu est

que tous les jeunes, y compris les plus en difficulté, cibles de cette mesure, en soient effectivement les bénéficiaires. Il semble pourtant que certaines missions locales « présélectionnent » les candidats potentiels, ce qui conduit à écarter les jeunes les plus en difficulté et pour lesquels cette garantie a été conçue. D’autre part, les différentes phases incontournables de ce dispositif, et notamment la première, avec un accompagnement collectif à temps complet pendant six semaines, rend la mesure inaccessible à certains jeunes très désocialisés. Par ailleurs, il est essentiel que les partenariats autour de l’insertion et de l’accompagnement de jeunes, prévus par le dispositif, se mettent en place. Or, sur certains territoires, la coordination entre les conseillers des missions locales et les intervenants sociaux des structures d’hébergement, d’accueil de jour dans lesquels peuvent être accueillis des jeunes qui pourraient bénéficier de cette garantie, est insuffisante voire inexistante. Enfin, il est indispensable qu’une évaluation qualitative partagée et élaborée avec les jeunes eux-mêmes soit réalisée sur l’ensemble des enjeux et conséquences du dispositif.

LA GARANTIE JEUNES, L’UNE DES MESURES PHARES DU PLAN

Comment avez-vous été associé au comité de pilotage de

la garantie jeunes ?Au début, nous n’étions pas invités. Puis, le projet a été présenté aux différentes associations au début de l’année et on s’est tout de suite demandé comment la question de l’hébergement et du logement serait prise en compte. Jusque-là elle ne l’était pas, même si les interlocuteurs avaient bien relevé que les jeunes à la rue étaient nombreux… On a donc sollicité le préfet pour que les questions d’hébergement et de logement soient prises en compte de façon particulière en Seine-Saint-Denis.Dès le mois d’avril, Interlogement 93 a été intégré comme expert ou personne morale qualifiée sur l’hébergement et le logement et la première cohorte de jeunes a été validée un mois plus tard.

Au total, 1 100 jeunes devraient intégrer le dispositif, en sachant que nous en étions déjà à plus de 700 jeunes en novembre 2014, avec 86 sorties positives, c’est-à-dire soit en emploi soit en formation.Nous participons aux réunions garantie jeunes une fois par mois, et de manière exceptionnelle en Seine-Saint-Denis, nous avons raccroché le SIAO au dispositif de la garantie jeunes.

Quelles sont les solutions d’hébergement et de logement pour les jeunes qui ont intégré le dispositif ?Comme la garantie jeunes s’adresse à des publics en difficulté, avec souvent des problèmes de logement, on doit faciliter leur accès au logement ou à l’hébergement.En Seine-Saint-Denis, 1 449 jeunes ont fait une demande d’hébergement au 115 en 2013 (dont 70 % de jeunes femmes) et près de 70 % appelaient pour la première fois. Les réponses sont négatives, pour 70 % d’entre elles, faute de places disponibles à l’hôtel pour les personnes isolées et les 300 places en urgence sont saturées.On a donc fléché ces jeunes en garantie jeunes vers de l’hôtel, pour ne pas limiter leur entrée dans le dispositif garantie jeunes faute d’hébergement. C’est bien de lancer le processus de formation mais quand le jeune dort dehors et ne mange pas c’est compliqué…On a pu débloquer le recours à l’hôtel avec le conseiller en mission locale qui faisait office de référent, une obligation pour ce type d’hébergement. La prise en charge à l’hôtel peut durer un mois, mais il arrive qu’ils ne puissent y rester qu’une semaine.Il faut aussi savoir que l’allocation de la garantie jeunes n’est pas suffisante en Ile-de-France pour pouvoir être hébergé en foyer jeunes travailleurs (FJT). L’allocation est la même partout en France mais le prix des loyers est différent, et dans leur cas il manque 20 euros pour pouvoir bénéficier des allocations logements. Les FJT ont accepté de déroger à leur règlement s’il existe un accompagnement spécifique au relogement, et la préfecture est venue combler ce différentiel, pour une trentaine de jeunes. C’est le SIAO qui est garant de l’ensemble

du processus de l’hébergement et du logement, il est en lien direct avec les conseillers des missions locales, les foyers jeunes travailleurs et les bureaux de relogement.

Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?Je vois d’abord un problème vis-à-vis du public. Les jeunes, et plus particulièrement les jeunes femmes, souvent en sortie de maternité, sollicitent beaucoup le 115.Mais, par exemple, la garantie jeunes n’est pas adaptée à ces jeunes femmes car le mode de garde n’a pas été prévu pendant les 6 premières semaines à temps plein et quand elles sont hébergées dans un centre d’hébergement d’urgence, elles ne peuvent pas compter sur la solidarité familiale. Donc, le public de la garantie jeunes est très masculin (70 %).Je constate également une méconnaissance des services de l’État et des services de l’emploi de ces publics en très grande difficulté. On voit par exemple qu’ils ne connaissent pas ces publics quand il y a des sanctions sur les absences ou pour les autorisations de départs en vacances. Ils ne savent pas ce que c’est de dormir à la rue. Finalement, le dispositif s’adresse aux jeunes les moins en difficulté alors que la garantie jeunes devait viser les jeunes les plus éloignés de l’emploi.Enfin, s’agissant de l’évaluation du dispositif, il faut mentionner les difficultés dans l’utilisation de la plateforme Œdipe qui devait servir de base de données pour faire des comparaisons entre les jeunes qui ont intégré la garantie jeunes et d’autres cohortes de jeunes qui n’en font pas partie. Mais personne ne rentre les données… Par exemple, les professionnels des maisons de l’enfance ne comprennent pas pourquoi ils devraient entrer des données sur Œdipe alors que leurs jeunes ne sont pas pris dans le dispositif. Donc on ne sait pas comment va se faire l’évaluation.

❝ Dans quel cadre avez-vous été amenée à accompagner des jeunes en garantie jeunes ?Nous avons lancé un dispositif expérimental, « AGIR », pour accompagner les personnes dans un accès ou un maintien en logement. Il s’agit d’un accompagnement global adossé à une équipe pluridisciplinaire intervenant en CHRS, pension de famille et hébergement d’urgence. Nous travaillons aussi avec les missions locales, et celles-ci nous orientent des jeunes, dont certains ont ou vont intégrer la garantie jeunes. Donc, ils étaient à la fois sur des mesures d’accompagnement global individualisé et renforcé (AGIR) et en projet ou en cours de garantie jeunes quand nous les avons accompagnés. Parmi les jeunes que je suis sur ce territoire autour de Carhaix, ils sont nombreux à se retrouver sans aucune ressources à 21 ans, sans emploi ; ils ne peuvent demander le RSA qu’à 25 ans. Ce sont souvent des personnes en grande rupture, qui ont un long parcours de familles d’accueil, de foyers. Pour les trois jeunes dont je parle, je suis intervenue pour les aider à trouver un logement dès que leur dossier a été validé par la commission de sélection de la garantie jeunes. Avec leur allocation, nous avons pu lancer les recherches de logement ou d’hébergement. Les deux dispositifs,

la garantie jeunes et AGIR, se cumulent dans ce cas, sur une orientation du SIAO concernant les mesures. Le fait que le jeune ait des ressources et un accompagnement rassure les propriétaires.

Avez-vous constaté une évolution significative de leur situation ?J’ai vu qu’ils avaient eu un déclic à un moment donné, grâce au fait de faire partie d’un groupe pendant six semaines, même s’ils ont encore du mal à venir tous les jours. Ces jeunes avaient déjà expérimenté beaucoup de dispositifs et ils avaient parfois l’impression de refaire pareil mais avec d’autres personnes et dans un autre cadre. Après ces six semaines, il y a toujours un vide, car on passe tout de suite à un rendez-vous par semaine, voire toutes les deux semaines. Je garde un lien avec la conseillère pendant la durée du dispositif au cas où le jeune décroche. Parfois, je vois que leur motivation retombe après les six semaines d’ateliers collectifs. Il faudrait qu’ils puissent enchainer directement avec un stage.Mais le grand déclic vient quand même de l’accès au logement grâce à l’allocation de la garantie jeunes. Je ne mesure pas leur évolution dans le cadre collectif, mais ils me disent bien que c’est compliqué de chercher un emploi sans avoir de toit.

Abilio Brazil, LE REGARD D’ABILIO BRAZIL, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’INTERLOGEMENT 93, SUR LA GARANTIE JEUNES EN SEINE-SAINT-DENIS

Joëlle Quéguiner, ÉDUCATRICE SPÉCIALISÉE À LA FONDATION MASSÉ TRÉVIDY EN BRETAGNE

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LA MAJORITÉ ET APRÈS ?Une partie des jeunes accueillis au sein des structures d’hébergement ont connu les systèmes d’aide sociale à l’enfance. Ils en sont sortis parfois de façon assez brutale dès leur passage à la majorité. En effet, la prise en charge peut prendre fin dès 18 ans. Majeurs, certes, mais sans ressources, souvent en rupture avec leur famille, peu autonomes ou n’ayant pas fini leur formation. Certains se retrouvent même sans titre de séjour du fait de ce passage à la majorité.Pourtant, un droit commun existe, mais insuffisamment appliqué et inéquitable. Le dispositif du « contrat jeune majeur » mis en

place lors de l’abaissement de la majorité en 1974 permet aux conseils généraux de prendre en charge des majeurs âgés de moins de 21 ans. Ce contrat jeune majeur n’est pas un droit ouvert à tout majeur de 18 à 21 ans confronté à des problèmes d’ordre éducatif, économique ou social, mais une modalité contractualisée d’accompagnement éducatif et éventuellement financier auprès des jeunes « qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant » (article L 222-5 du Code de l’action sociale et des familles). Les contrats jeunes majeurs

relèvent d’une compétence non obligatoire des conseils généraux, et de nombreuses inégalités de prise en charge existent entre les jeunes, d’un territoire à un autre, tant sur le contenu des contrats que sur les jeunes potentiellement bénéficiaires. Cependant, ils sont accordés généralement dans des conditions telles que les jeunes les plus désocialisés ne peuvent en bénéficier. De plus, le filet de sécurité que constituait l’intervention de la protection judiciaire par la « protection jeune majeur » est en extinction de fait.

❝ La FNARS Alsace a beaucoup travaillé sur cet axe important de la loi ALUR qu’étaient les partenariats entre les SIAO et d’autres services comme l’aide sociale à l’enfance, la santé, la justice pour éviter les vides et surtout prévenir les ruptures de parcours de personnes qui passent d’un dispositif à un autre, de manière cloisonnée. La réflexion s’est traduite par un partenariat dans le Haut-Rhin, entre les services d’aide sociale à l’enfance et le SIAO. Les jeunes basculent en effet dans le droit commun, le jour de leurs 18 ans, ou à 21 ans quand ils ont pu bénéficier d’un contrat jeune majeur. Ils sont parfois hébergés par des amis, mais beaucoup se retrouvent à la rue du jour au lendemain, sans ressources puisqu’ils n’ont pas droit au RSA. Au même moment, le conseil général préparait des outils pour préparer les

jeunes à la majorité.Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au début du partenariat, mais l’on voit déjà des changements. Par exemple, les services d’aide sociale à l’enfance contactent le SIAO avant que les jeunes en rupture n’aient 18 ans pour commencer à préparer les choses, et leur donner des informations sur l’hébergement, l’insertion. Ensuite, des représentants de l’ASE sont invités à assister aux commissions d’orientation du SIAO, et c’est un lien important. La FNARS Alsace assure la coordination de ce partenariat, et essaie aujourd’hui de développer le même type de partenariat dans le Bas-Rhin. Pour l’instant, il ne s’agit pas d’un conventionnement qui donnerait plus de poids et d’engagement à la démarche, mais ce sera peut-être la prochaine étape.

Adelheid Tufuor, DÉLÉGUÉE RÉGIONALE DE LA FNARS ALSACE

Jeunes Hébergement/logement

« Créer les conditions d’une véri-table politique d’accès au loge-ment pour le plus grand nombre », telle était l’ambition fixée par le plan pluriannuel contre la pau-vreté et pour l’inclusion sociale pour répondre aux 140 000 per-sonnes sans domicile et aux 3,5 millions de personnes mal-lo-gées. Pour décliner cette ambition, le plan comportait un ensemble de mesures relevant de l’évolution de l’offre, du renforcement de la pré-vention et de la coordination des ac-teurs. Qu’en est-il deux ans après ? Si certaines mesures s’engagent, elles ne produisent pas encore leurs effets alors que la situation du sans-abrisme et du mal-logement se dégrade. D’autres mesures ont été tuées dans l’œuf. Globalement, les orientations stratégiques visant à prioriser l’accès au logement semblent laissées de côté pour privilégier des réponses d’urgence coûteuses et inadaptées.

Production, prévention : un volet logement décevant La relance de la construction loca-tive sociale était la pierre angulaire des engagements gouvernemen-taux en matière d’accès au loge-ment des personnes défavorisées. Aujourd’hui le bilan est inquiétant, puisqu’en 2013 ce sont seulement 117 065 nouveaux logements so-ciaux qui ont pu voir le jour sur les 150 000 annoncés, et que ces résul-tats seront vraisemblablement infé-rieurs en 2014. Le tableau s’assom-brit encore lorsque l’on constate l’érosion continuelle des aides à la pierre, supprimées pour le loge-ment social, et amputées presque de moitié en l’espace de cinq ans

pour le logement très social. L’État semble progressivement déserter la politique sociale de l’habitat au profit du logement intermédiaire, ou de produits d’appel comme les « PLAI adaptés », dont la program-mation est sans commune mesure avec les besoins. Les fonds propres mutualisés des bailleurs sociaux de l’agenda HLM permettront peut-être de développer 10 000 logements très sociaux supplémen-taires d’ici à 2018, mais ne rempla-ceront pas la loi de programmation pluriannuelle demandée de façon récurrente par le Collectif des asso-ciations unies. Comment espérer dès lors apporter une réponse structurelle à la crise du logement, et notamment aux 54 000 ménages prioritaires à reloger au titre du droit au logement opposable ? À l’autre bout de la chaîne, celui de la pré-vention des expulsions locatives, les perspectives ne sont pas plus engageantes. Deux réformes fon-damentales adoptées par la repré-sentation nationale dans le cadre de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) ont été revues par l’exécutif : l’encadre-ment des loyers, réduit à un disposi-tif expérimental à Paris intra-muros, et la garantie universelle des loyers, limitée à une refonte de la garantie des risques locatifs. Ces régres-sions s’accompagnent d’attaques silencieuses mais réelles contre les aides au logement, sur fond de pacte de responsabilité et d’impé-ratif de maîtrise de la dépense publique. Il s’agit pourtant d’un des derniers remparts qui protège les ménages de l’expulsion locative. Comment combattre efficacement le sans-abrisme sans aller sur de la prévention ? Gageons que le pôle national de lutte contre les expulsions locatives, instauré sous l’égide du nouveau délégué inter-ministériel à l’hébergement et à

l’accès au logement (DiHAL), pro-posera de réelles perspectives.

Une politique d’hébergement réduite à la mise à l’abriLa refonte de l’offre d’héberge-ment prévue par le plan n’est pas engagée. Les bases de son évolu-tion, essentiellement centrées sur l’urgence, sont trop réductrices. Les orientations sur l’hébergement pré-voient uniquement le développe-ment des solutions d’urgence et la mise à l’abri : 7 000 places d’héber-gement d’urgence ont été créées en 2013, puis pérennisées en 2014. Les crédits d’urgence augmentent d’année en année pour financer plus de 29 000 places d’urgence et plus de 30 000 nuitées hôtelières en 2014 ; soit plus de places que celles ouvertes sur l’hébergement d’insertion et le logement accompa-gné. Le recours à l’urgence s’ampli-fie en hiver, et est financé par des décrets d’avance supplémentaires dont les crédits ont été en partie pris sur le logement accompagné et sur le logement social. L’instruc-tion budgétaire de juillet 2014 invite ainsi les services déconcentrés à la fongibilité budgétaire du loge-ment accompagné vers l’urgence, à hauteur de 11 millions d’euros. La FNARS regrette cette vision de l’hébergement, réduite à l’urgence, et appelle à la reconnaissance de sa place pour les publics qui n’ont pas accès au logement et au loge-ment accompagné. Il est égale-ment déterminant de redonner à l’urgence sociale sa vocation ini-tiale : un accueil immédiat, incondi-tionnel, continu et de courte durée

pour favoriser l’accès à une solution plus durable. Pour l’hébergement des deman-deurs d’asile, des inquiétudes demeurent également. Le plan pré-voyait la création de 4 000 places en CADA, un objectif insuffisant au regard de la réforme de l’asile, et de l’évolution du nombre de deman-deurs d’asile. Les associations ap-pellent à une loi de programmation ambitieuse (20 000 places CADA sont nécessaires, en incluant des fermetures d’hôtels) en lien avec un schéma directif, et s’opposent aux attaques visant à remettre en cause l’accueil inconditionnel pour les de-mandeurs d’asile qui refuseraient une place en CADA, et à faire des structures d’hébergement des lieux de contrôle où se dérouleraient des interpellations ou des assignations à résidence.

Des leviers pour réformer le secteurPour accompagner l’évolution de l’offre d’hébergement et de logement en lien avec les besoins, deux mesures du plan pluriannuel portent une dynamique positive à amplifier : les diagnostics à 360° et le statut unique des activités d’hébergement et de veille sociale. Les diagnostics territoriaux à 360° se sont engagés sur certains terri-toires en 2014, et doivent se géné-raliser en 2015, pour permettre de proposer un état des lieux objectif de l’ensembe des situations de mal-logement et contribuer à l’évolution de l’offre dans les documents de planification territoriale. Les asso-ciations attendent beaucoup des diagnostics à 360°, ces derniers devant constituer le socle des futurs plans départementaux d’ac-cès à l’accès au logement et à •••

Une politique d’hébergement et d’accès au logement à repenser

LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

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Hébergement/logement Hébergement/logement

La fin de gestion au thermomètre de l’hébergement d’urgence constitue une des mesures phare du plan pluriannuel pour favoriser l’accès au logement des personnes sans- abri ou mal logées. Sa mise en œuvre, très attendue par les acteurs associatifs, peine à aboutir malgré l’ambition souvent réaffirmée du gouvernement. 2013 devait amorcer le changement de cap avec la mise en œuvre des plans territoriaux de sortie d’hiver, et 2014 constituer une année d’amplification des efforts engagés selon la circulaire du 16 juillet 2014. Qu’en est-il ? La ministre a confié à la DIHAL l’animation des travaux autour de la fin de gestion au thermomètre, avec la volonté d’aboutir à des recommandations opérationnelles guidant les territoires. Pour l’instant, celles-ci n’ont aucune valeur prescriptive pour les préfets et les services déconcentrés mais les travaux doivent se

poursuivre en 2015. En ce début d’hiver, la veille saisonnière s’amorce sur les territoires, et ne montre aucun changement de modèle, avec le recours aux mêmes solutions de mises à l’abri supplémentaires (gymnases, hôtels, lits supplémentaires en centres d’hébergement, accueil de jour et de nuit…), et des renforts accrus en période de grands froids. Ces solutions mobilisées chaque hiver, quand les températures chutent, sont inadaptées et ne permettent pas de sortir durablement les personnes de la précarité et de l’urgence. Sortir de la gestion au thermomètre exige un changement d’approche : ne plus répondre par le développement des places d’urgence mais privilégier le développement de logements très sociaux et d’hébergements pérennes toute l’année.

LA FIN DE GESTION AU THERMOMÈTRE : PASSER DE L’AMBITION À LA DÉCLINAISON

❝ La sortie de la gestion au thermomètre, une réalité ?Bruno MOREL : Cela fait près de deux ans et demi que cet engagement est pris, sans que les effets soient perceptibles sur de nombreux territoires. Cet hiver, les campagnes hivernales s’ouvrent une nouvelle fois et pèchent par leur manque d’anticipation. Certains comités de pilotage de la veille saisonnière se réunissent alors que la période hivernale est commencée. La mobilisation des sites d’hébergement temporaires est décidée tardivement alors que certains lieux nécessitent des travaux d’humanisation. La fin de la gestion au thermomètre exige un changement d’approche, pour anticiper et éviter la précipitation qui se reproduit chaque année. La préparation des sorties est décisive : les remises à la rue ne peuvent représenter l’issue d’un travail d’accompagnement mené par les équipes pendant l’hiver. Olivier MARGUERY : Sur certains territoires, on constate une amélioration des modalités de sortie

des campagnes hivernales, grâce à la mobilisation des associations et de l’ensemble des acteurs. Sur de nombreux départements, cependant, la situation reste critique : de nombreuses personnes sont remises à la rue chaque année à la fin de l’hiver, sans solution. La gestion saisonnière reste ancrée, avec une variation des capacités d’hébergement selon les saisons. Une autre approche est possible.

Quel engagement de votre association pour impulser la transition ? Bruno MOREL : Emmaüs solidarité, opposée à un dispositif basé sur de simples mises à l’abri, a déterminé son engagement dans la gestion de places temporaires au respect de certaines conditions : des conditions d’hébergement dignes, continues, sans remises à la rue, et prévoyant un accompagnement social systématique pour favoriser la sortie et l’orientation. Elle demande aussi un suivi régulier et effectif du dispositif, dans le cadre

d’un comité partenarial de pilotage et d’évaluation. Olivier MARGUERY : Rompre résolument avec la gestion saisonnière de l’exclusion nécessite la convergence de trois conditions de réussite - qui dépendent tant des pouvoirs publics que des acteurs associatifs. La première s’est engagée mais doit être amplifiée : il s’agit du rôle d’alerte des acteurs sur les territoires, pour instaurer un dialogue constructif capable de répondre aux défis de la transition et s’en donner les moyens. Innover, proposer des alternatives, constitue le second enjeu pour adapter les réponses aux besoins des publics. Ce travail doit s’engager dans toutes les associations pour penser des réponses nouvelles, et adapter les pratiques des équipes sociales en conséquence. C’est le 3ème enjeu, qui implique un changement idéologique et culturel, pour favoriser la mise en place de réponses coordonnées de l’urgence au logement, quel que soit le lieu où se trouve la personne.

Bruno Morel

Olivier Marguery

Questions à Olivier MARGUERY, Directeur des programmes à la Fondation armée du Salut, et Bruno MOREL, Directeur général d’Emmaüs Solidarité.

REGARDS CROISÉS SUR LA FIN DE GESTION AU THERMOMÈTRE

••• l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD). Pour répondre à ces attentes, ils doivent faire l’objet d’une concertation et associer la pluralité des acteurs sur les territoires. La refonte du secteur passe aussi par l’améliora-tion de son encadrement juridique, pour garantir un cadre plus qualita-tif, assurer une plus grande équité de droits pour les personnes, et sécuriser davantage les activités. L’objectif d’un statut unique des activités de veille sociale, d’héber-gement et d’accompagnement, porté par le plan pluriannuel et traduit par la loi ALUR, a fait l’objet d’un groupe de travail en 2014 sur le périmètre de ce statut et son contenu pour alimenter le rapport qui devait être présenté par le gou-vernement au parlement avant la fin de l’année 2014. La FNARS, qui a fortement contribué à la réflexion et porté des propositions, attend des orientations politiques en 2015 pour traduire les recommandations du rapport.

Le plan pluriannuel contre la pauvreté prévoyait la réalisation

de diagnostics à 360° dans différents territoires pilotes. Où en est-on aujourd’hui ?C’était une demande forte des associations dans le plan pluriannuel : avoir des diagnostics fiables sur les besoins et sur l’offre concernant toutes les situations de mal-logement et d’habitat précaire.La demande a été reprise dans le plan, avec la mise en place d’un comité de pilotage national et différentes phases de travail. La configuration du projet s’est faite dans un premier temps avec quatre territoires pilotes. Puis, une seconde vague d’expérimentation s’est tenue dans la région des Pays de la Loire et ses cinq départements. Ces diagnostics seront ensuite menés dans les 101 départements, mais lors d’une troisième phase. Lors d’une rencontre régionale pilotée par la DRJSCS des Pays de la Loire, le projet et le kit méthodologique ont été présentés à l’ensemble des partenaires régionaux dans les grandes lignes. Ensuite, chaque département a été le propre pilote de son diagnostic avec une co-animation de la démarche par les services déconcentrés de l’État et le conseil général.

Donc, on peut dire que la démarche a été différente d’un département à l’autre, même s’il y avait l’ambition d’une coordination régionale en Pays de la Loire, mais cela ne s’est pas encore traduit dans les faits.

La FNARS Pays de la Loire et ses adhérents ont-ils été pleinement associés à cette réflexion ?La FNARS a, quant à elle, été associée aux diagnostics de manière variable selon les départements et en fonction des choix méthodologiques retenus par chaque territoire : la FNARS a été invitée à deux ou trois réunions de consultations des partenaires durant l’avancée de la démarche, et plus largement, des associations et des partenaires ont été conviés à des rencontres territoriales infra départementales et ils ont reçu un questionnaire portant sur l’analyse qualitative des difficultés des publics, des lieux de coordinations, pour voir quelles étaient les problématiques à mettre en avant. Toutefois, quels que soient les choix d’animation des démarches de diagnostic, les résultats demeurent mitigés. En tant que FNARS, on a essayé d’impliquer les adhérents pour qu’ils fassent des contributions, mais ils étaient découragés par l’absence de méthode. Il manquait vraiment un cadrage pour embarquer tous les acteurs. Par exemple, Les tableaux de bord annuels des SIAO, qui collectent une mine d’informations, n’ont été que très peu exploités dans ces diagnostics. Autre illustration, les deux grands sujets mis en avant dans le Maine et Loire étaient l’hébergement d’urgence et les jeunes, et s’il n’y avait pas eu de problème de méthode nous aurions pu approfondir ces deux problématiques. On avait beaucoup d’incertitudes sur le degré d’accompagnement du cabinet qui devait s’occuper de la méthodologie au niveau national, on ne savait pas s’il nous accompagnerait aussi sur l’analyse des données. A ce stade, on ne sait pas ce qui ressort de ces six mois de travail.

Qu’en attendiez-vous ?L’enjeu était d’objectiver les besoins alors que jusqu’à présent, il faut toujours se battre pour se mettre d’accord sur les données 115/SIAO, et avoir une meilleure connaissance des dispositifs existants. On voit toujours la volonté des services de l’État de masquer les réalités locales, de ne pas vouloir être

alarmistes. Avec des données fiables, les discussions auraient donc pu être plus concrètes. On souhaitait aussi voir des avancées sur le public invisible, sujet sur lequel les DDCS et les associations sont démunies et ne savent pas comment appréhender les personnes qui n’appellent plus le 115.Aujourd’hui, il y a une vraie incapacité à quantifier les besoins, et les diagnostics devaient nous aider. En travaillant mieux avec tous les acteurs de la veille sociale et les maraudes on aurait pu avoir les informations. Finalement, on est toujours dans les mêmes problématiques que celles remontées par les adhérents, les premiers résultats des diagnostics ne nous ont pas apporté beaucoup de nouveautés. Nous savions qu’il s’agissait d’un gros travail, dans un délai très court, il y a eu des liens avec les conseils généraux mais certains étaient déjà très occupés par l’évaluation des plans départementaux d’Action pour le Logement des personnes en difficultés (PDALPD). 360° c’est tellement large que tout le monde avait du mal à s’y retrouver, avec une masse énorme d’indicateurs. Avec plus de temps et d’accompagnement on aurait pu en faire quelque chose. Là, on a du mal à en tirer des enseignements, le compte-rendu fait 60 pages, avec différents tableaux, différents indicateurs… Il y a quelques axes d’analyses qualitatives, et quelques orientations sur l’hébergement d’urgence, les jeunes, la santé mentale, mais sans déclinaisons opérationnelles.On attend la prochaine phase de travail, mais nous n’avons pas d’information sur la suite du calendrier…

Maud Cesbron, DÉLÉGUÉE RÉGIONALE FNARS PAYS DE LA LOIRE

LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

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Quels étaient les objectifs initiaux du droit au logement opposable ?

Le haut comité pour le logement des personnes défavorisées a été créé en 1993 à la demande de l’Abbé Pierre pour le suivi de la politique du logement. Il est rattaché à l’État et peut s’autosaisir. Le droit au logement opposable, quant à lui, est la rencontre entre une solution imaginée par le haut comité et la mobilisation associative de 2007, avec l’installation des tentes sur le canal Saint-Martin à Paris. C’était le fruit d’un rapport de force avec Jacques Chirac, Président en fin de mandat, donc la loi du 7 mars 2008 instaurant le DALO a été votée très rapidement, avec toutes les imperfections que cela suppose. Les objectifs initiaux étaient clairs : rendre opposable le droit au logement en passant d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Les ménages DALO devaient pouvoir se retourner contre l’État si leur droit au logement ou à l’hébergement était reconnu mais pas suivi de propositions. Cette loi a posé un principe d’opposabilité. Le grand débat de l’époque, entre le milieu associatif et le milieu politique, était de savoir s’il fallait augmenter d’abord l’offre de logements et voter ensuite la loi ou bien s’il fallait d’abord voter

la loi pour créer un effet levier. Aujourd’hui, 54 000 personnes reconnues prioritaires DALO sont en attente d’un logement depuis 1 à 6 ans et 17 000 d’un hébergement.Mais depuis 2007, 70 000 personnes ont pu accéder à un logement et 6 000 à un hébergement.

Qui peut faire valoir ce droit ?Il existe cinq critères pour pouvoir être reconnu prioritaire DALO : être menacé d’expulsion, ou bien être dépourvu de logement, ou encore habiter dans un logement insalubre ou impropre à l’habitation, être hébergé ou logé temporairement, ou bien être handicapé ou avoir à sa charge une personne en situation de handicap vivant dans un logement qui n’est pas décent.S’est ensuite rajouté un sixième critère, celui du délai d’attente anormalement long pour avoir un logement social (ce dernier critère s’applique finalement à 31 % des ménages reconnus prioritaires DALO), en sachant que dans le Haut-Rhin il faut attendre trente mois pour obtenir un logement social, contre six ans à Paris… C’est le parcours du combattant des mal-logés.L’accès au logement n’est pas forcément un problème financier mais les difficultés peuvent aussi venir de discrimination, par exemple quand un propriétaire refuse de loger quelqu’un en CDD.Parmi la population DALO, la majorité des personnes a un revenu équivalent à 0,5 et jusqu’à une fois le SMIC mais 24 % gagnent 1,5 fois le SMIC. Monsieur et madame tout le monde peuvent avoir un problème d’accès au logement et recourir au DALO. Les bénéficiaires du DALO ne sont pas une sous-catégorie de mal- logés mais juste des mal-logés comme des millions d’autres. La stigmatisation qui pèse injustement sur les bénéficiaires du DALO, participe à encourager les stratégies d’évitement pour ne pas les reloger dans son parc de logements ou sur son territoire.Mais le droit au logement opposable a permis une remobilisation par les préfets des contingents préfectoraux qui ne servaient plus vraiment aux personnes défavorisées. À Paris, le taux de propositions DALO au sein du contingent préfectoral est de 90 % mais c’est très inégal entre les départements, et, par exemple en Isère, seulement 113 ménages DALO ont été relogés alors que le contingent préfectoral compte 1 900 logements. La loi sur le DALO a rendu visible

un sujet, et, avec un rapport par an sur la question, la classe politique est obligée d’en parler. Il y a encore 15 ans, les gens étaient choqués de voir des personnes dormir dans la rue, mais aujourd’hui ça nous paraît de plus en plus normal. Le DALO sert à rappeler que le droit au logement est un droit fondamental.

Les ménages dits DALO ont-ils un recours quand ce droit n’est pas mis en œuvre ?Il existe deux niveaux de recours. Le premier est lié à la loi DALO pour les personnes qui ne reçoivent pas de proposition dans les 6 mois qui suivent la reconnaissance de leur statut de prioritaire DALO. Dans ce cas, elles peuvent aller devant un tribunal et condamner l’État à une astreinte. Mais celle-ci n’est pas pour le requérant mais pour le fonds national d’accompagnement vers et dans le logement. La justice ne reconnaît donc pas le statut de victime de la personne qui n’a pas pu faire valoir son droit. Depuis 2007, l’État a payé cent millions d’euros en astreinte. Par contre, le deuxième recours est une procédure pour préjudice moral, qui, dans ce cas, est un recours indemnitaire. Entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin, il y a eu 731 procédures de ce type dont 87 % ont fait l’objet d’une condamnation de l’État. L’État est condamné à verser une indemnité au requérant, entre 500 et 800 euros par personne, en moyenne.Mais ce recours est très peu utilisé parce que les gens sont déjà épuisés par le parcours du combattant pour accéder au logement et ils n’ont plus la force de se lancer dans ce genre de procédure.

Le plan pluriannuel prévoyait le relogement de 15 000 « ménages DALO ». Deux ans plus tard qu’en est-il ?Avec le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, le gouvernement avait pris l’engagement de reloger 15 000 ménages DALO. Mais le plan d’action a été présenté 18 mois plus tard et en plus il ne précise plus aucun objectif chiffré. On voulait des chiffres dans chacun des territoires, une sorte de rappel à la loi, ce que fait d’ailleurs le haut comité de suivi depuis 2007, avec divers rapports pour décrire la situation, pour rendre publics les dysfonctionnements. Mais je constate que l’indignation par rapport à la non-utilisation d’un droit fondamental touche beaucoup •••

René Dutrey, PRÉSIDENT DU HAUT COMITÉ DU LOGEMENT POUR LES PERSONNES DÉFAVORISÉES

Hébergement/logement

••• moins l’opinion publique qu’avant. Alors, sans objectifs chiffrés il est bien évident qu’il n’y aura pas de résultats. Le risque est que le DALO se transforme en machine à trier les mal-logés. Ce n’est ni un dispositif ni un critère, mais un droit. Il faut voir le DALO comme un outil de lutte.Il y a un manque d’information, d’accompagnement. Pourtant, c’est une prérogative de l’État. Le seul endroit en France où se trouve un bureau d’accueil du service public pour avoir des renseignements sur le DALO est la préfecture de Paris. De fait, l’accompagnement pèse quasi exclusivement sur le milieu associatif. Dans les territoires où il n’y a pas une grande tension, le DALO fonctionne pour les personnes qui subissent des discriminations ou des accidents de vie mais dès que l’on se trouve sur un secteur tendu comme en Ile-de-France, le DALO est en échec. Attention, ce n’est pas ce droit en lui-même qui est en échec, mais sa mise en œuvre. Je constate un certain renoncement des acteurs par rapport au relogement. Les contingents préfectoraux sont souvent mal utilisés alors que leur nombre suffirait à répondre aux besoins ! Ce n’est pas seulement le manque de logements sociaux qui rend difficile la mise en œuvre du droit au logement opposable, mais surtout l’absence de volonté politique.

❝ Le lancement de deux appels à projets

consécutifs visant le développement de « 10 000 logements HLM accompagnés » participe de l’engagement gouvernemental à promouvoir les passerelles vers le logement. L’Union sociale pour l’habitat et le ministère du Logement soutiennent, depuis 2013, une vingtaine d’initiatives portées conjointement par des bailleurs sociaux et des associations pour favoriser l’accès et le maintien durable dans le logement de ménages défavorisés. Cette démarche a permis de faire émerger des solutions innovantes. Le projet isérois « Logements toujours », déposé à l’automne avec un collectif de trois bailleurs sociaux et de quatre associations, s’inscrit dans cette dynamique.Constatant les difficultés d’accès à l’offre d’hébergement ou de logements locatifs sociaux d’un côté, et l’augmentation du nombre d’impayés de loyers et de procédures d’expulsion de l’autre, les associations Le Relais Ozanam, L’Oiseau Bleu, l’ARS 38 et Soleni ainsi que les bailleurs sociaux Actis, l’OPAC et Pluralis SHA ont saisi l’opportunité de l’appel à projets « 10 000 logements

accompagnés » pour présenter un dispositif partenarial intitulé « logements toujours ». Il s’agit d’une « boîte à outils » mutualisant les compétences pluridisciplinaires des parties prenantes pour favoriser l’accès direct au logement ou la prévention de ruptures de parcours d’une centaine de ménages isérois en difficulté. Le projet consiste à accompagner des ménages en situation de précarité énergétique, des ménages en impayés de loyers, accompagner en bail glissant des ménages en instance d’expulsion locative pour qu’ils restent dans leur logement et enfin favoriser l’accès direct au logement en alternative à l’hébergement. Les bénéficiaires seront identifiés par les intervenants sociaux des bailleurs et des associations, et accompagnés en lien avec les dispositifs de droit commun. La plus-value du projet réside dans son approche globale des problématiques sociales, sa dimension préventive et sa promotion de la philosophie du logement d’abord. Les résultats de l’appel à projets seront publiés au début de l’année 2015.

❝ La multiplication et la diversification des

formes de précarité rendent les perspectives d’accès et de maintien au logement des personnes défavorisées de plus en plus incertaines. Leurs difficultés sont particulièrement prégnantes dans les zones tendues où le niveau des loyers et la sélectivité accrue des bailleurs font du logement un bien essentiel mais hors de portée. Ce constat n’est pas récent : il avait, dès 2004, conduit les partenaires du Conseil national de l’habitat à appeler de leurs vœux l’instauration d’une couverture logement universelle. Ouverte à tous, obligatoire et mutualiste, elle aurait dû devenir la « branche logement » de la sécurité sociale.S’inspirant de cette revendication, le plan pluriannuel contre la pauvreté annonçait la mise en place d’une « garantie universelle et solidaire des risques locatifs » qui allait être gravée dans le marbre de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Le projet s’est toutefois étiolé au fil des débats parlementaires sous l’effet conjoint de la contrainte budgétaire et de la pression exercée par différents groupes d’intérêts privés : exit l’ambition universaliste et la mise à contribution des bailleurs, pourtant principaux bénéficiaires de la garantie. Leur participation aurait pourtant conféré au dispositif l’assise financière requise dans un contexte de raréfaction des ressources publiques.

Le plan d’investissement pour le logement, dévoilé à l’automne, donna le dernier coup de grâce à la garantie universelle des loyers. S’affranchissant du processus démocratique, le gouvernement décide de le « recentrer ». La convention 2015-2019, signée avec Action logement, définit les principaux contours du mécanisme désormais rebaptisé « nouveau dispositif de sécurisation du logement privé ». Le recentrage s’effectue d’abord au détriment des publics éligibles, puisque seront essentiellement couverts les ménages en lien avec l’emploi, notamment jeunes, et non ceux qui en sont exclus. Il procède de plus à une contraction substantielle des moyens, puisque le système reposera sur un redéploiement du financement de la garantie des risques locatifs, sans concours de l’État, soit 120 millions d’euros. Ce modèle économique se répercutera du même coup sur les bailleurs, puisque ce financement, inférieur de cinq à six fois à celui que requerrait un produit de qualité, ne suscitera vraisemblablement pas leur engouement. En l’absence d’une définition plus fine exprimant sa plus-value par rapport au cautionnement et aux autres produits assurantiels, le dispositif ratera sa cible.Deux années de travaux de préfiguration se soldent ainsi par une solution chancelante, équivalente voire inférieure aux dispositifs antérieurs.

Francis Silvente, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ASSOCIATION LE RELAIS OZANAM ET PRÉSIDENT DE LA FNARS RHÔNE-ALPES

Jean-Luc Berho, PRÉSIDENT DU COMITÉ D’ORGANISATION DES ENTRETIENS D’INXAUSETA

Hébergement/logement

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Ainsi, les politiques mises en œuvre sont souvent des politiques macro- économiques globales, devant re-lancer la croissance et par ricochet l’emploi pour tous, et des politiques d’emploi fondées sur le développe-ment nécessaire d’emplois aidés (l’État se substituant au secteur pri-vé). Mais de politique forte sur la pré-vention et la réduction du chômage de longue durée, nulle trace. Pour-tant, les axes de travail ne manquent pas. Premier élément, le chômage touche particulièrement les per-sonnes peu qualifiées, en raison d’un double phénomène : d’une part, des destructions massives d’emplois peu qualifiés, et d’autre part, un système de formation ne permettant pas de qualifier suffisamment les personnes, qu’elles soient déjà sur le marché du travail ou encore en scolarité. Deuxième élément, le marché du travail a vu se multiplier les temps partiels et les contrats temporaires, les employeurs recherchant une plus grande flexibilité de l’emploi pour s’adapter rapidement et sans coût aux fluctuations de la demande. Cette flexibilité se portant sur les personnes les moins qualifiées, le marché du travail se segmente fortement entre des emplois de qualité et des emplois précaires, ces derniers ne générant pour leurs occupants ni montée en compétence ni revenu suffisant pour sortir de la pauvreté. Troisième élément, les emplois pré-caires se multiplient mais restent très minoritaires (près de 80% des français sont en CDI à temps plein),

aboutissant à ce que le système de protection sociale et d’acquisition de droits soit inadapté à cette popula-tion. Les conséquences ? Une multi-tude de freins à l’insertion profession-nelle durable, allant de l’insuffisance déjà évoquée de droits à se former, à des revenus faibles et volatiles empê-chant de se loger, de se soigner ou encore de se déplacer. En résumé, les personnes peu quali-fiées n’ont ni les emplois disponibles devant elles – d’autant plus que les entreprises peuvent recruter des niveaux de diplôme élevés même pour des postes peu qualifiés – ni les moyens de se former pour occuper des emplois disponibles. Par consé-quent, leur exclusion de l’emploi s’au-toalimente continuellement.

Quatre leviers d’actionTout d’abord, il est essentiel de pou-voir former les personnes en adé-quation avec les besoins actuels d’emplois qualifiés. Cela implique d’agir à la fois sur les personnes ac-tuellement privées d’emploi et sur les jeunes pour éviter qu’ils ne sortent du système scolaire sans qualification. En parallèle, car tout le monde ne pourrait pas se qualifier rapidement, il est nécessaire de recréer un volume important d’emplois peu qualifiés et de s’assurer que les pratiques de recrutement des entreprises fassent correspondre les besoins en com-

pétence de l’employeur et le niveau de qualification de la personne, pour rendre ces emplois réellement acces-sibles aux personnes peu qualifiées. La rémunération de l’emploi est éga-lement capitale : si le travail ne per-met pas de sortir de la pauvreté, il se dévalorise profondément autant qu’il réduit fortement les chances des personnes d’améliorer leur situation par la suite (comment augmenter son temps de travail si l’on ne peut faire garder ses enfants par exemple ?). Enfin, il faut pouvoir redonner confiance aux personnes et confiance à leur employeur potentiel en démontrant leur capacité à occuper un emploi. Un emploi de transition, sas vers l’emploi classique, peut devenir un support, et plus largement un moyen de répondre au besoin de développement des com-pétences, de mise en relation avec les entreprises et d’augmentation du pou-voir d’achat.

Le plan de lutte contre la pauvreté, impuissantLe plan de lutte contre la pauvreté s’est attaché principalement à activer les deux derniers leviers. Il a cherché à améliorer l’efficacité et le volume des emplois de transition, avec la réforme de l’insertion par l’activité économique dont la mise en œuvre laborieuse limite l’impact, l’allon-gement de la durée de contrats •••

CHÔMAGE : le plan n’est pas entré dans le vif du sujetPubliés chaque mois, les chiffres toujours plus désastreux du chômage et du chômage de longue durée sont commentés abondamment, alimentant le sentiment d’impuissance général face à une progression vue comme inexorable. Ils ne semblent pourtant pas toujours analysés avec le recul et la profondeur nécessaires à l’élaboration d’un plan ambitieux contre l’exclusion du marché du travail.

Emploi Emploi

Pour permettre la réinsertion des personnes détenues, il est essentiel que le temps de la détention ne soit pas qu’un moment de mise à l’écart de la société. Comment espérer en effet que des personnes enfermées pendant plusieurs mois, plusieurs années, puissent trouver une place dans la société à leur sortie si elles n’ont pas été soutenues, accompagnées, formées pendant cette période ? Comment l’espérer, a fortiori pour les nombreuses personnes déjà en situation de précarité avant leur incarcération ? Dans cet esprit, pour éviter ces sorties sèches qui ne génèrent bien souvent qu’exclusion et risques de récidives, la loi pénitentiaire de 2009 a prévu l’implantation de structures d’insertion par l’activité économique (IAE) en détention. S’il existe des activités de travail en prison, celles-ci sont dépourvues d’accompagnement social et peuvent donner lieu à un encadrement technique et une formation limités, ne favorisant pas le développement des compétences des personnes, donc leur réinsertion future. Le cadre proposé par l’IAE est ainsi apparu comme source de valeur ajoutée pour les détenus, par sa capacité à faire du travail un levier pour l’apprentissage de compétences et la résolution de difficultés sociales.Cette disposition de la loi de 2009

est toutefois longtemps restée sans lendemain. Le droit du travail ne s’appliquant pas en détention, et l’administration pénitentiaire ayant son fonctionnement propre, c’est tout un cadre et une culture commune qu’il fallait construire. Un travail qui apparaissait non prioritaire pour le ministère de la Justice et celui du Travail et de l’emploi, jusqu’à son intégration, à la demande notamment de la FNARS, dans le plan de lutte contre la pauvreté.Depuis l’été 2014, la FNARS et les autres principaux réseaux de l’IAE participent ainsi à un groupe de travail copiloté par l’administration pénitentiaire et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. Objectif : construire le cadre règlementaire, financier et technique pour lancer un premier appel à projet commun aux établissements pénitentiaires et aux structures de l’IAE sur plusieurs sites pilotes, pour travailler ensemble à la réinsertion des détenus. La construction de ce cadre progresse mais le financement des postes d’insertion et la rémunération des détenus restent à définir. Il est donc encore trop tôt pour annoncer que l’État, après cinq ans d’attente, est passé à l’acte.

POUR UN TRAVAIL D’INSERTION EN DÉTENTION••• aidés et la création des emplois d’avenir. Le développement du principe d’accompagnement global illustre aussi cette volonté de ren-forcer la transition entre l’insertion et l’entreprise. Le plan s’est aussi effor-cé d’apporter une réponse aux tra-vailleurs pauvres, en prévoyant une réforme, qui reste à mettre en œuvre, du complément de salaire qui leur est proposé (RSA activité et prime pour l’emploi). En revanche, le plan de lutte contre la pauvreté a été impuissant à apporter des réponses sur les deux premiers leviers. Alors que de nombreuses expériences, dans l’insertion par l’activité économique, montrent qu’il est possible pour les associations d’action sociale de créer des emplois non qualifiés, le plan ne s’est pas sai-si de cette thématique, renvoyant sa responsabilité à la politique macro- économique. Quant à la formation professionnelle, sa réforme a été traitée hors du plan et a illustré parfaitement la difficulté de faire évoluer le système d’acqui-sition des droits. Mesure phare de la réforme, le compte personnel de formation, qui dote chaque personne d’un capital d’heures de formation, sera en effet crédité au prorata du temps de travail hebdomadaire. Si plusieurs de ces mesures sont pertinentes et pourront produire des effets positifs contre l’exclusion de l’emploi, le plan de lutte contre la pauvreté illustre donc bien, en néga-tif, l’absence de volonté de se saisir complètement du sujet. C’est pour y remédier, pour essayer d’apporter une réponse globale et structurante que la FNARS a donc demandé à l’État et aux partenaires sociaux un engagement fort, dans le cadre des contreparties du pacte de responsa-bilité.

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Donner du temps, s’adapter au rythme de la personne : pour les acteurs accompagnant des personnes en précarité et les personnes elles-mêmes, plus que des mots, c’est une condition de réussite majeure de l’accompagnement. Et s’il est nécessaire que la personne et l’accompagnateur se fixent des échéances précises, se projettent dans la fin d’un parcours et essaient de l’accélérer, il est essentiel que cette gestion du temps reste entre leurs mains. Pourtant, dans l’insertion par l’activité économique (IAE) et l’accès à l’emploi en général, cette maîtrise du temps est

largement confisquée par l’État. Ainsi, le contrat aidé, support du recrutement et de l’accompagnement, est le plus souvent de 6 mois, difficilement renouvelables, et d’une durée de travail hebdomadaire plafonnée en pratique à 20, 24 ou 26 heures de travail. Peu importe que la personne ait besoin de plus de temps, peu importe qu’elle ne s’ouvre alors que peu de droits, à la formation et au chômage, peu importe qu’elle puisse ensuite se retrouver sans rien ; son parcours s’arrête là. La FNARS s’est donc réjouie de voir la durée moyenne des contrats aidés portée au premier semestre 2013 à 12 mois. La possibilité offerte, quelques mois plus tard, par la réforme de l’IAE de proposer un temps de travail pouvant aller de moins de 20 h à 35 h, au sein de parcours de 4 à 24 mois, représente une autre avancée majeure pour que l’on se donne enfin plus de chances de réussir l’insertion, en adaptant les contrats aux besoins et capacités des personnes.

Le travail n’est plus toujours un rempart efficace contre la pauvreté. Plus de 5 millions de Français sont aujourd’hui privés d’emploi, mais 8,5 millions vivent sous le seuil de pauvreté. Plus parlant encore, en 2012, 25 % des personnes sans domicile fixe travaillaient. Globalement, on estime à 7,5 % la part des travailleurs pauvres, c’est-à-dire ceux qui perçoivent un revenu mensuel inférieur à 987 euros par mois. Ce phénomène doit être combattu. Si l’État cherche depuis 2013 à s’attaquer à ces causes (les contrats courts et le temps partiel), il a d’abord essayé d’en minimiser les impacts, en versant un complément de revenu aux travailleurs modestes.Depuis 2008, ce complément de revenu prend deux formes : la prime pour l’emploi et le RSA activité. Crédit d’impôt, la première est perçue pour les salaires entre 0,3 et 1,3 du SMIC et jouit d’un taux de recours de 95 % ; elle concerne plus de 6 millions de foyers fiscaux, pour un montant mensuel moyen de 36 euros. Aide sociale, le RSA activité est, lui, accessible aux salariés percevant jusqu’à un SMIC environ, à partir de 25 ans, ou de 18 ans sous conditions. 700 000 personnes en bénéficient, soit 32 % des bénéficiaires potentiels, pour un montant moyen de 176 euros, perçu chaque mois. Deux formes pour un échec, avec d’un côté une prestation faiblement redistributive, aux montants réduits et perçue après un an et de l’autre une prestation fermée aux jeunes (seuls 8 000 en bénéficient) et très peu sollicitée.

VERS LA PRIME D’ACTIVITÉLe gouvernement a donc lancé un groupe de travail pour réformer ces aides. Membre du groupe, la FNARS a soutenu la proposition finale portée par son pilote, le député Christophe Sirugue : la fusion des deux dispositifs en une prime d’activité, versée chaque mois à tout travailleur dès le premier euro gagné et jusqu’à 1,2 SMIC.Avant sa censure par le Conseil constitutionnel, la baisse de cotisations sociales salariales était pourtant l’outil privilégié par le gouvernement. Conjuguée à la baisse des impôts, elle représentait une solution techniquement plus simple au même problème. La FNARS s’y est opposée, les travailleurs les plus pauvres étant moins soutenus dans ce scénario puisqu’ils ne paient pas d’impôt et qu’une baisse de cotisations est non redistributive. La FNARS est donc satisfaite que le gouvernement ait repris depuis l’idée de la prime d’activité ; elle regrette toutefois qu’elle ne soit prévue que pour 2016, sans mesure transitoire pour lutter contre le non-recours au RSA activité ou l’ouvrir réellement aux jeunes. Autre inquiétude : cette réforme est annoncée à budget constant (4 milliards) ce qui risque de faire beaucoup de perdants parmi les familles vivant en dessous du seuil de pauvreté.

LE TEMPS DE L’INSERTION REVALORISER LE TRAVAIL

EMPLOIS D’AVENIR, OÙ EN EST-ON ?

Emploi

❝ L’association segréenne d’insertion économique et sociale (ASDIES) porte un chantier d’insertion qui accompagne 18 personnes éloignées de l’emploi. Initialement embauchées en contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), elles sont, depuis le 1er juillet, employées en contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI). Les horaires de travail, qui étaient limités entre 20 et 26 heures par semaine, peuvent aujourd’hui être étendus à 35 heures. S’il s’agit d’un impact positif en termes de souplesse entre les contrats et les besoins des personnes, par contre, cela va demander une importante réorganisation au sein du chantier pour être en capacité de faire varier les amplitudes horaires en fonction des compétences et du projet de chaque personne accompagnée. C’est un vrai potentiel que l’on nous donne, toutefois les financements ne suivent pas. Alors que le financement était auparavant lié à un contrat, il est maintenant seulement indexé sur

les heures réalisées. Par exemple, si une personne est en arrêt maladie, le financement est suspendu, pourtant le suivi et l’accompagnement de la personne ne s’arrêtent pas, bien au contraire. Pour maintenir un financement constant, il sera donc nécessaire pour les chantiers d’insertion de suivre plus de personnes au détriment du temps consacré à chacune d’elles. Un autre impact de cette souplesse sur la gestion du volume et de la durée des contrats aidés, c’est que les financeurs ont tendance à se crisper et à ajouter de nouvelles contraintes, car ils pensent que les structures vont embaucher toujours plus de personnes à 35 heures et diminuer ainsi le nombre de personnes recrutées. Il est nécessaire d’apprendre à travailler en bonne intelligence et de leur faire comprendre que ces moyens supplémentaires sont instaurés au profit du parcours des personnes, qui ont souvent besoin de temps pour se réinsérer, et non des structures.

❝ La prime pour l’emploi (PPE) est un gaspillage total car elle a été créée sur une méconnaissance de la situation des personnes. Elle est versée avec un an de décalage et ne colle pas du tout à la réalité des besoins des personnes, mais à une exigence administrative. Il s’agit simplement d’un crédit d’impôt qui sert de « carotte » au fait de retourner travailler, pas d’une aide concrète et régulière aux travailleurs pauvres pour maintenir des conditions minimales de survie, comme rester dans le logement. Car logement et revenus sont indissociables. Le calcul du RSA activité est, quant à lui, trop compliqué, même les professionnels le disent. En tant que membre du 8ème collège du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), j’ai participé au groupe de travail initié par le député Christophe Sirugue sur la réforme de ces deux dispositifs de soutien aux revenus modestes, qui s’est réuni de février à juillet 2013. Il en a émergé la création d’une prime d’activité unique, issue

de la fusion des deux dispositifs, qui permettrait d’agir de façon plus concrète et plus directe, au moment où le besoin est nécessaire, et qui serait accessible dès 18 ans et dès le premier euro gagné. J’ai entendu le gouvernement parler de cette fusion entre le RSA activité et la PPE, mais j’attends la concrétisation, il y a quand même une inquiétude sur le contenu et sur les modalités. Le choix du mot « prime » est, par exemple, important à préserver, car le titre de « revenu » peut avoir des impacts négatifs, comme la suppression des tarifs sociaux qui ruinerait encore plus la personne qui reprend un travail. Il est essentiel de ne pas retomber dans les travers du RSA activité ou de la PPE.Dans le cadre de ce même groupe de travail, nous avons pu obtenir la simplification du formulaire de la demande de RSA qui est passé de 6 à 4 pages, une demande qui a été soutenue par les agents de la CAF, un résultat concret de la participation des personnes accompagnées !

Frédéric Menanteau, DIRECTEUR DE L’ASDIES

Alain Zlotkowski

Engagement du Président de la République durant la campagne électorale, le dispositif « Emploi d’avenir » a été lancé par le gouvernement à l’automne 2012. À partir d’un contrat unique d’insertion pouvant être pris en charge jusqu’à 35 heures de travail hebdomadaires et pouvant durer trois ans, le dispositif cible les jeunes peu diplômés de 15 à 25 ans. Articulé aux acteurs de la formation et aux missions locales, il doit les conduire vers un emploi durable de type CDI à temps plein. Pour soutenir le développement d’activités d’utilité sociale, les emplois d’avenir ont été orientés principalement vers le secteur non marchand.

APRÈS DEUX ANS D’EXISTENCE, OÙ EN EST LE DISPOSITIF ? Inscrits au cœur du plan pluriannuel, les emplois d’avenir devaient se développer en volume et en qualité. Le bilan est globalement positif. L’objectif de 150 000 emplois d’avenir signés avant fin 2014 a été atteint puisque 155 000 jeunes ont bénéficié ou bénéficient de ce contrat, dont les trois quarts dans le secteur non marchand. 15 000 emplois d’avenir supplémentaires viennent d’ailleurs d’être votés dans la loi de finances pour 2015. Le profil visé a été respecté puisque d’après une récente étude de la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), 41 % des jeunes en emploi d’avenir n’ont jamais obtenu de diplôme et 83 % ne sont pas bacheliers. Concernant l’objectif d’accès à un CDI à temps plein, 90 % des postes proposés sont bien des emplois à temps plein, comme le souhaitait le gouvernement, et les durées moyennes des contrats sont de 31 mois dans le secteur marchand et de 25 mois dans le secteur non marchand. Seul point noir : dans le secteur non marchand, seuls 5 % des emplois d’avenir le sont sous forme de CDI. Le dispositif nécessite néanmoins d’être revu sur les volets formation et tutorat. La formation devait prendre une place centrale pour pallier la faiblesse du niveau de diplôme et préparer l’avenir professionnel des jeunes. D’après la DARES, seuls 43 % des jeunes en emploi d’avenir ont suivi une formation entre novembre 2012 et juin 2013 et 7 % seulement ont validé une formation qualifiante. Concernant le tutorat, l’enquête de la DARES indique que 90 % des contrats prévoient des actions d’accompagnement professionnel… mais précise que cela ne constitue pas un « engagement de réalisation ». Une enquête menée par la FNARS au sein de son réseau montre en effet l’importance du tutorat dans la réussite de l’emploi d’avenir, mais aussi la difficulté de faire reconnaître et financer cette mission.

Emploi

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Refonder le travail social : c’est sous ce titre ambitieux que le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclu-sion sociale consacre l’une de ses orien-tations majeures. Il traduit un objectif ambitieux mais nécessaire, à la hauteur de la fragilité du tissu social. Cet objectif et cette ambition sont clairement expli-cités dans le plan. Il s’agit de « donner à notre société les travailleurs sociaux dont elle a évidemment besoin et d’ins-crire le travail social dans les nouvelles orientations des politiques sociales ». Le plan pluriannuel prévoit à cet effet plu-sieurs axes.Le premier vise à organiser des assises de l’intervention sociale en 2014, en vue d’un plan d’action pour le travail social. Le second consiste à améliorer la coordination et la gouvernance de l’intervention sociale, en expérimentant une organisation de la mise en réseau des intervenants sociaux. Un cahier des charges de cette expérimentation devait être réalisé. Dans ce cadre, la notion de « référent unique » devait être approfon-die. Il s’agit également de mener une campagne de communication et de promotion des métiers du travail social auprès du grand public et plus particuliè-rement des jeunes. Le dernier axe porte sur la formation des travailleurs sociaux avec la recherche d’un consensus pour moderniser et mieux structurer l’appareil de formation ainsi qu’une concertation sur la formation continue des travailleurs sociaux.

Où en sommes-nousdeux ans après ? Les États généraux du travail social ne se sont pas encore tenus. La secrétaire d’État en charge de la lutte contre les ex-clusions, Ségolène Neuville, a annoncé qu’ils se tiendraient à la fin du mois de juin 2015 c’est-à-dire après les élections départementales, dès lors que les dépar-

tements sont les principaux employeurs de travailleurs sociaux. Des assises inter- régionales se sont, malgré tout, tenues tout au long de l’année 2014. Leur organisation et l’intérêt des débats semblent avoir été très divers selon les territoires. Les travailleurs sociaux et les personnes accompagnées ont été invi-tés à y participer de manière assez dis-parate. Certains conseils généraux ont également pris l’initiative d’organiser des journées d’échanges.Les travaux issus de ces assises ali-mentent la réflexion de groupes natio-naux qui sont chargés d’élaborer des rapports. C’est vraisemblablement le contenu de ces rapports qui servira de base aux concertations annoncées en vue d’élaborer un plan d’action.La démarche des États généraux est donc en route. Il est dommage qu’elle souffre d’aussi peu de visibilité en l’ab-sence d’une communication plus offen-sive de l’État. Sur le terrain, peu de tra-vailleurs sociaux en ont entendu parler, alors qu’ils sont les premiers concernés.Plus largement, ce côté « entre soi » interroge la volonté politique de l’État de faire de ces États généraux une étape essentielle pour refonder véritablement le travail social. Il est nécessaire pour cela qu’ils débouchent avant tout sur un consensus quant au rôle du travail social dans la société, tout comme la recon-naissance et la place que les pouvoirs publics entendent lui accorder. Cela doit constituer le préambule du plan d’action annoncé, d’où doivent découler des mesures en phase avec cette ambition. Sinon ce plan ne sera qu’un catalogue de mesures en décalage avec l’état de la société et les attentes des travailleurs sociaux. La FNARS a résolument inscrit les Jour-nées du travail social qu’elle a organi-sées en novembre 2013, à Valence, dans cette perspective. La plateforme de propositions élaborée à l’issue de ces journées constitue le socle d’une approche renouvelée du travail social/

intervention sociale lui permettant de jouer un rôle en phase avec une société dans laquelle les situations de précarité et d’exclusion se massifient. Ces propo-sitions sont structurées autour de quatre axes : • vers un droit à l’accompagnement so-cial pour tous,

• vers un conseil national de l’intervention sociale,

• vers des consultations sociales de proximité,

• vers une refondation des formations des travailleurs sociaux et intervenants sociaux.

Les autres axes du plan pluriannuelAucune campagne de communication grand public n’a été engagée. C’est pour-tant un impératif car le travail social est peu connu de l’opinion publique : qui sait en quoi consiste ce métier et qui connait le rôle d’amortisseur de la crise joué par les travailleurs sociaux? L’expérimenta-tion de la mise en réseau des interve-nants sociaux n’a pas été engagée. La FNARS, dans la continuité des proposi-tions de Valence, est en train de rédiger un cahier des charges pour proposer aux pouvoirs publics d’expérimenter des consultations sociales de proximité. Il s’agit de renforcer la coordination des in-tervenants sociaux sur les territoires pour permettre à toute personne confrontée à une difficulté d’être accueillie, écoutée et de se voir proposer une évaluation de sa situation et d’être conseillée et orientée. Enfin, la réforme de la formation des tra-vailleurs sociaux sera vraisemblablement au cœur des négociations des États gé-néraux du travail social. Les enjeux sont nombreux : reconnaissance du travail so-cial comme une discipline à part entière, rapprochement des écoles de formation de l’université ou encore simplification des diplômes.

Refonder le travail social : une ambition à concrétiser

Travail social

❝ L’accompagnement global est proposé depuis le 1er janvier 2014 dans les agences Pôle emploi du Doubs. Il diffère d’un suivi classique et s’adresse à des personnes en difficulté à la fois sur l’emploi, la formation mais également sur le volet social. Elles ont ce qu’on appelle « des freins périphériques à l’emploi » qui nécessitent l’intervention d’un travailleur social. Ce suivi sur-mesure permet de les amener progressivement vers le retour à l’emploi et également de les aider à se stabiliser. Les premiers entretiens durent environ une heure car il faut faire un diagnostic précis de la situation (emploi, parcours professionnel, mais aussi santé, famille, logement…). Ensuite, j’effectue un suivi régulier en les rencontrant au minimum une fois par mois mais il peut m’arriver de les voir plusieurs fois dans la même semaine. J’échange avec elles, seule, par

courriels ou par téléphone et j’organise également des rendez-vous tripartites avec un travailleur social dans le cadre de l’accompagnement global. Le conseil général et Pôle emploi coopèrent dans le cadre de cette convention. Le conseil général met également à disposition des correspondants insertion qui apportent, sur le volet social, des informations utiles à tous les conseillers emploi. Selon moi, c’est le meilleur accompagnement qui soit. Certaines personnes sont très autonomes au niveau emploi et n’ont pas besoin de l’intervention d’un travailleur social mais d’autres sont en demande d’énormément d’écoute afin de se réinsérer durablement dans le monde du travail. Dans le Doubs, 614 personnes sont suivies dans le cadre de cet accompagnement. Cette année, 119 en sont sorties pour partir vers une formation, un CDD ou un CDI.

Tiziana Bouchard, EST CONSEILLÈRE À L’AGENCE PÔLE EMPLOI DE BESANÇON PALENTE. ELLE ACCOMPAGNE ACTUELLEMENT 82 DEMANDEURS D’EMPLOI SUIVIS DANS LE CADRE DE L’ACCOMPAGNEMENT GLOBAL

Comment retrouver un logement à soi sans avoir les ressources suffisantes pour payer un loyer ? Un questionnement que l’on peut reproduire facilement avec la santé ou encore l’éducation des enfants. Autrement dit : aujourd’hui, comment accéder à une vie décente et autonome sans avoir d’emploi ? Et la réciproque est vraie, tant il est difficile d’accéder à l’emploi si l’on ne peut pas se déplacer, si l’on ne peut postuler qu’à des emplois à temps partiel faute d’avoir une solution de garde d’enfants ou si l’on se présente fatigué, malade, usé par une vie précaire devant un recruteur. Devant l’étendue de ces connexions entre vie personnelle et professionnelle, la FNARS promeut depuis bien longtemps la notion d’accompagnement global. Pour qu’une personne puisse se réinsérer durablement dans la société, il faut pouvoir travailler avec elle sur l’ensemble de ses besoins. Il faut la considérer comme une personne entière et non pas comme une juxtaposition de segments autonomes que seraient la santé, le logement, ou encore l’emploi. Cette notion d’accompagnement global, pour ne pas être incantatoire, repose sur la capacité d’intervenants sociaux à se coordonner, pour proposer à la personne des solutions aux différentes difficultés qu’elle rencontre.La spécialisation à outrance et le manque de partenariat entre

les différents services de l’État et les collectivités locales ont rendu progressivement l’application de cette notion toujours plus difficile, chacun ne s’occupant que d’une partie de la personne, sans se préoccuper des autres problématiques qu’elle peut rencontrer. La loi créant le revenu de solidarité active a ainsi eu pour conséquence de différencier le besoin d’accompagnement des personnes en difficulté entre accompagnement professionnel, assuré par Pôle emploi, et accompagnement social, déployé par les conseils généraux. Face à l’inefficacité de ce découpage, Pôle emploi et neuf conseils généraux expérimentent depuis 2011 des modalités de coopération afin de renouer avec l’approche globale d’une personne. Le plan de lutte contre la pauvreté, avec le soutien de la FNARS, s’est appuyé sur cette expérience pour revaloriser cette vision de l’intervention sociale. Résultat : le lancement, en 2014, par Pôle emploi d’un modèle national de partenariat avec les conseils généraux pour mieux accompagner les demandeurs d’emploi confrontés à des difficultés sociales. Le nom de ce modèle : l’accompagnement global.

L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET PROFESSIONNEL : TOUS POUR UN !

Emploi

LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

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Dans quel contexte les États généraux du travail social ont-ils été initiés ?

Depuis une quinzaine d’années, on note une montée de l’insatisfaction des travailleurs sociaux de terrain et une usure, très souvent prématurée. L’objectif des États généraux est donc d’évoquer les problématiques de ces métiers exercés dans un contexte politique et économique qui a beaucoup évolué : à quoi sert aujourd’hui le travail social ? Faut-il maintenir ce type d’intervention sociale avec des professionnels qualifiés ? Le dernier mouvement de réflexion et de positionnement du travail social date du début des années 80. Cela fait trente ans que le secteur n’a pas fait l’objet d’un arrêt sur image. Il était temps de le faire, car on ne peut pas faire du travail social en 2015 comme on le faisait pendant les trente glorieuses. La montée massive des situations

de précarité, de la vulnérabilité de personnes âgées, les questions liées à l’immigration, à l’arrivée des mineurs isolés, mais aussi la mise en œuvre de la réforme territoriale, toutes ces grandes transformations nécessitent de repositionner le travail social. L’organisation d’États généraux a été programmée dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, mais il ne faut pas oublier que le travail social n’est pas lié qu’aux seules questions de pauvreté. Il brasse toutes les catégories de population, tous les âges.

Quels sont vos constats sur la préparation de ces États généraux ? Sur les méthodes mises en place pour la préparation, on marche à l’envers. Le premier mécontentement vient des assises inter-régionales, au cours desquelles on a imposé des thèmes qui ne correspondaient pas aux attentes, et surtout qui ont été organisées sans les travailleurs sociaux de terrain. Tout le monde parle des États généraux sauf les travailleurs sociaux qui sont une source riche d’expériences et d’expertises, il manque la parole des principaux concernés. Finalement, c’est comme si on faisait un conseil de la magistrature sans les magistrats ! L’État a aussi mis en place un grand comité de pilotage national qui réunit 70 représentants des grandes institutions du travail social, dont la FNARS. Mais à vouloir rassembler un maximum d’acteurs, on perd en opérationnalité. Ce comité, où l’on ne peut que valider et non proposer, est une caution pour l’État et interroge sur le plan de la méthode. On a l’impression que les États généraux du travail social vont être réalisés plus pour répondre à une image politique qu’à une véritable volonté de refonder le travail social.

Initialement prévus début 2014, les États généraux sont finalement annoncés pour l’été 2015. Comment interpréter ce report ? Le report à rebondissements des États généraux peut faire douter de l’intérêt du gouvernement pour cette question. Pourtant, il y a un vrai questionnement sur le rôle de l’État : a-t-il la volonté, les moyens de piloter le grand secteur de l’action sociale ou va-t-il choisir de l’émietter en fonction des territoires, des politiques locales ? Dans ce dernier cas, l’action sociale ne relèverait

plus de la solidarité nationale et on se retrouverait avec un travail social sans consistance. À ce jour, il manque une parole politique forte de ce que la société attend réellement des missions du travail social, comme celle qu’a portée Nicole Questiaux en 1982, alors qu’elle était ministre de la Solidarité nationale. Si les États généraux ne sont finalement qu’un état des lieux, une compilation d’expériences - certes parfois positives - sans traduction politique, ce sera un échec. Si les attentes mises dans les États généraux par les travailleurs sociaux sont trompées, cela entraînera une forte démotivation que les personnes accompagnées paieront. De même, si ces États généraux montrent que l’on n’a pas avancé, il y a un risque de retour très pénalisant qui viendrait conforter les tendances politiques qui questionnent aujourd’hui la nécessité de l’action sociale.

Quelle a été votre contribution dans le cadre de la préparation des États généraux

du travail social ? Dans un premier temps, j’ai participé aux assises inter-régionales (Rhône- Alpes /Auvergne) du travail social qui étaient organisées par l’État au premier semestre 2014. Sur le contenu, si la journée proposée était assez ouverte, avec notamment un temps d’échanges sur la participation des personnes accompagnées, on peut regretter un retour très opaque. Dans quelle mesure, les questionnements et les propositions issus de cette journée ont-ils été pris en compte par la suite ? Sur la forme, trop peu

de travailleurs sociaux étaient présents. Cela est, en partie, dû à un manque d’information qui découle d’un problème d’enjeux hiérarchiques. Dans la culture du secteur, ce sont les directeurs qui ont un rôle de représentation lors de ce type de rencontre, la parole des travailleurs sociaux n’a pas encore trouvé sa place. De même, il y avait seulement quelques étudiants en travail social, pourtant l’évolution de la formation est une nécessité pour l’avenir du secteur. À la suite de ces assises en région, cinq groupes de travail ont été mis en place par la Direction générale de la Cohésion sociale (DGCS), mais on ne sait pas trop comment ont été définies les thématiques de travail. La FNARS a sollicité ma participation pour le groupe intitulé « coordination des acteurs ».

Quel regard portez-vous sur votre participation à ce groupe de travail ? Au niveau de la méthodologie, le groupe de travail a été bien préparé avec un travail en amont et entre les séances. Mais une fois encore, les travailleurs sociaux de terrain, sont sous-représentés. À la première réunion du groupe qui portait notamment sur le thème « modélisation d’un référent unique tout au long du parcours de la personne », j’étais le seul travailleur social en activité. Autour de la table, les onze autres personnes étaient des représentants de la DGCS, une représentante du conseil général du Val-d’Oise, des chargés de mission de la Caisse nationale des allocations familiales ou de Pôle emploi. Certes il y avait des

travailleurs sociaux de formation, mais qui ne sont plus sur le terrain depuis plusieurs années. Il y a forcément un cloisonnement, un décalage de discours, entre théorie et pratique. On ne parle pas des mêmes choses, la parole n’est pas vraiment entendue parce qu’elle n’est pas comprise. En tant que travailleur social, je ne suis pas sur le même niveau de décisions ou d’élaboration par rapport aux services de l’État. Deux autres aspects m’ont dérangé, c’est le manque de reconnaissance de la diversité des champs d’action du travail social - exclusion, handicap, enfance - et la négation des probables impacts de la future réforme territoriale. Deux postulats qu’il me semble pourtant essentiel d’intégrer à la réflexion en cours. Enfin, le fait d’échanger sur les dispositifs existants, sans avoir une réelle possibilité de parler de dispositifs innovants, a également été un frein dans les échanges. Face à ces constats, je ne voyais pas ce que j’apportais concrètement à ce groupe de travail et j’ai choisi de ne plus y participer.

Quel message souhaitiez-vous défendre sur la coordination des acteurs ? Quand on parle de coordination des acteurs, il faut d’abord identifier de qui on parle exactement et de quel territoire. Ensuite, le manque de concertation et de mise en commun de bonnes pratiques implique la mise en œuvre d’une collaboration inter-associative en fonction de chaque champ d’intervention. Une telle collaboration soulève la problématique du pilotage : doit-il être assuré par l’État, par une fédération, par des associations ? Il est important de se poser la question. Il faut également faire se croiser les discours et les positions entre les représentants de l’État, les directeurs d’institutions qui portent la stratégie politico-économique et les travailleurs sociaux qui sont confrontés aux besoins concrets des personnes.

Christian Chassériaud, MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE LA FNARS ET AUTEUR DE PLUSIEURS OUVRAGES SUR LE TRAVAIL SOCIAL

Baptiste Ménéghin, TRAVAILLEUR SOCIAL

Les États généraux du travail social sont désormais annoncés pour juin 2015. Le gouvernement souhaite mettre à profit ce report pour engager « une période de concertation puis de négociation pour préparer un plan d’action. »Pour la FNARS, la production d’une feuille de route à l’issue de ces États généraux, est le signe d’une volonté politique de l’État d’enclencher une dynamique de refondation du travail social, comme il l’avait annoncé dans le plan pluriannuel.Pour donner un premier signe de cette

volonté, il faut désormais que les travaux préparatoires à ces États généraux fassent l’objet d’une large communication, notamment auprès des travailleurs sociaux, dont la plupart ne connaissent même pas l’existence des cinq groupes de travail nationaux chargés de rédiger des rapports à partir des analyses et propositions issues des assises interrégionales de 2014.Des pistes de propositions ont été présentées lors d’un comité de pilotage, classées entre celles qui font consensus, celles qui sont à soumettre à négociation

ou encore celles dont la mise en œuvre pourrait être immédiate.Ces propositions semblent pour la plupart assez opérationnelles, ce qui est nécessaire pour construire un plan d’action. Reste toutefois que celui-ci doit s’accompagner d’un message politique fort affirmant la reconnaissance que les pouvoirs publics accorderont au travail social et le rôle qu’ils entendent lui faire jouer dans la société d’aujourd’hui.

ÉTATS GÉNÉRAUX DU TRAVAIL SOCIAL ENFIN UNE VOLONTÉ POLITIQUE ?

Travail social Travail social

LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

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Le plan adopté en janvier 2013 indi-quait un changement de stratégie : les politiques publiques d’accès aux soins des populations pauvres et pré-caires ayant été construites jusqu’à présent à partir d’une approche ciblée sur ces populations. Le plan entend donc désormais, engager une straté-gie fondée sur la réduction globale des inégalités de santé, ciblant l’ensemble de la population et non plus seulement les plus précaires. Néanmoins, il pré-cise qu’il n’y a pas lieu d’abandonner les dispositifs spécifiques d’accès aux soins, qui amènent les personnes en situation de précarité vers le droit commun. C’est à priori cette approche globale, qui sous-tend le projet de loi relatif à la santé, qui doit être débattu en 2015.

Du plan à la loi de santé publiqueDans ce texte, elle se traduit notam-ment par la perspective de générali-sation du tiers payant. Il est prévu que cette approche soit effective pour les bénéficiaires de l’ACS (Aide à la Com-plémentaire Santé) début 2015 puis qu’elle soit généralisée à l’ensemble de la population en 2017.Le principe d’une coordination mieux organisée entre les professionnels des secteurs de la santé, du social et du médico-social ne vise quant à lui pas spécifiquement les personnes les plus en difficulté. Ainsi, le projet de loi prévoit la mise en place de plate-formes territoriales d’appui aux pro-fessionnels de santé, qui assureraient une prise en charge de patients rele-vant de parcours de santé complexes. L’état de santé de ces patients ou leur situation sociale justifieraient l’inter-vention de plusieurs catégories de

professionnels de santé, sociaux ou médico-sociaux. De même, le projet de loi prévoit d’expérimenter des pro-jets d’accompagnement sanitaire, so-cial et administratif pour les personnes souffrant d’une maladie chronique ou étant particulièrement exposées au risque d’une telle maladie. Cette coopération entre acteurs d’hori-zons et de compétences divers rejoint une préoccupation forte de la FNARS. À cet égard, la fédération propose que ces coopérations soient davan-tage structurées sur les territoires à travers notamment des consultations sociales de proximité. Celles-ci ne s’adresseraient pas uniquement aux personnes les plus en difficulté, mais à toute personne qui se trouve fragilisée du fait d’un accident de la vie (mala-die, séparation, décès d’un proche…). Une approche plus universelle de la santé, visant à réduire les inégalités de santé, nécessite aussi d’agir contre le non-recours. À cet égard, le projet de loi ne reprend pas certaines pro-positions contenues dans le rapport d’Aline Archimbaud. Celui-ci préco-nise notamment de rendre automa-tique l’attribution de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA socle).Reste qu’une approche plus univer-selle ne doit pas conduire les per-sonnes qui connaissent la grande précarité à être exclues du système de santé. La FNARS partage la néces-sité de maintenir des dispositifs plus spécifiques à leur égard. Mais le projet de loi limite la portée de cette orienta-tion et prévoit notamment de rendre facultatives les permanences d’accès aux soins (PASS) au sein des établis-sements de santé et de supprimer les Programmes Régionaux de l’Accès aux Soins des personnes démunies (PRAPS).

Réduire les inégalités de santéLe plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale ne se traduit pas seulement comme un plan de plus. Il a démontré la volonté d’engager des réformes structurelles dans un contexte économique et social en mutation. La santé n’échappe pas à cette orientation.

Santé Santé

L’accès aux soins passe nécessairement pour les personnes précaires par un accès non seulement à une couverture maladie mais également à une complémentaire santé. Mais la complexité des dossiers pour l’obtenir est décourageante, et ne préserve pas les personnes démunies de refus de soin par certains professionnels de santé. Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté renforce les premières exigences, mais il ne prévoit pas d’actions spécifiques pour lutter contre les refus de soin, ni pour simplifier les démarches administratives pour un meilleur recours aux soins.

QU’EST-CE QUE LA CMU, CMU-C, ACS ET AME ? L’un des objectif du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté était d’augmenter le nombre de bénéficiaires de l’ACS, de la CMU-C et donc de l’AME et de favoriser accès à des complémentaires de qualité pour les personnes démunies.Pour rappel, si les personnes ne sont pas affiliées à un régime général de sécurité sociale, elles peuvent bénéficier de la couverture maladie universelle dite « de base ». Si elles sont étrangères en situation

irrégulière et présentes en France depuis plus de trois mois, elles peuvent bénéficier de l’aide médicale d’État (AME). Concernant l’accès à une complémentaire santé gratuite (CMU-C), les personnes précaires doivent justifier d’un certain montant de ressources. Les personnes percevant le RSA ont le droit à la CMU-C par exemple. Cette complémentaire n’existe pas pour les personnes bénéficiaires de l’AME. Si les ressources des personnes sont légèrement supérieures aux plafonds d’attribution de la CMU-C (ce qui est le cas lorsque les personnes perçoivent l’Allocation Adulte Handicapé ou l’Allocation de solidarité aux personnes âgées…), les personnes peuvent bénéficier d’une Aide à la complémentaire santé (ACS), qui est une aide financière de l’État qui permet aux personnes de payer une complémentaire santé de leur choix. Le plan a augmenté les plafonds de ressources de la CMU-C et de l’ACS (en juillet 2013) pour que ces dispositifs touchent plus de personnes (un objectif de 750 000 personnes supplémentaires) et a également révisé le panier de soins de la CMU-C pour les soins dentaires, auditifs et optiques.

Ces mesures très positives ont permis d’augmenter de 4,7 % le nombre de bénéficiaires de la CMU-C (sur un total de 4,7 millions de personnes). Le projet de généralisation du tiers payant, si il est mené à terme, doit également permettre d’améliorer l’accès aux soins des personnes ayant des difficultés financières. Mais la FNARS soutenait également des mesures auprès des profesionnels de santé pour que ceux-ci, par exemple, ne puissent plus refuser des patients détenteurs de ces couvertures sociales. Un rapport du défenseur des droits a été publié sur ce sujet dont peu de dispositions sont reprises dans le projet de loi relative à la santé. De la même manière, la sénatrice Aline Archimbaud a fait un certain nombre de propositions dans le cadre de son rapport « l’accès aux soins des plus démunis » dont celle d’automatiser la CMU-C aux bénéficiaires du RSA, pour lutter efficacement contre le non recours. Là encore, le projet de loi relatif à la santé est muet. Le suivi du plan pluriannuel doit pouvoir réintroduire ces propositions.

LES AVANCÉES DU PLAN SUR LA SANTÉ

❝ Avant, je dépendais de l’assurance complémentaire santé (ACS), mes ressources dépassant légèrement le plafond d’attribution de la CMU complémentaire (CMU-C). Depuis, les seuils ont été relevés, et maintenant je suis bénéficiaire de la CMU-C. Cela a eu des conséquences sur ma prise en charge. J’ai besoin d’un appareillage orthopédique, avec l’ACS, les frais étaient bien couverts, mais avec la CMU-C, je me retrouve avec un reste à charge de 150 euros, c’est une somme. Du fait de l’accès à la mutuelle, plusieurs prises en charge de droit commun, comme le 100 % sur les maladies invalidantes ou les affections de longue durée, ont été rognées. D’un côté, on augmente les seuils dans l’objectif de favoriser l’accès aux soins et de l’autre, on diminue les prises en charge. Ce qui est donné d’une main est repris de l’autre. Il y a aussi la problématique des refus de soins : il arrive fréquemment que les bénéficiaires de la CMU-C ou de l’ACS, qui sont dispensés d’avance de frais, se voient refuser un rendez-vous médical ou proposer une date vraiment très éloignée, ce qui est une façon déguisée

de refuser le soin. Au final, certaines personnes n’ont d’autre choix que de se rendre aux urgences parce qu’elles n’arrivent pas à obtenir de rendez-vous. Ce constat créé une inquiétude vis-à-vis de la généralisation du tiers payant qui est prévu dans le projet de loi santé. Finalement, la petite avancée depuis le lancement du plan quinquennal, c’est que le panier de soins CMU-C a été rééquilibré, il inclut maintenant les soins dentaires. Cependant, la plupart des promesses ne sont, à ce jour, pas visibles pour les personnes accompagnées. Les complémentaires restent encore méconnues des travailleurs sociaux, les démarches d’accès à la CMU-C ou l’ACS sont longues et difficiles, sauf pour les bénéficiaires du RSA. Je suis déçu car j’ai participé au groupe de travail sur la santé qui avait été lancé dans le cadre du plan, ce groupe devait se retrouver deux fois par an, mais en 2014, nous n’avons eu aucune réunion. J’ai l’impression d’avoir été le faire-valoir d’une posture de l’État car, aujourd’hui, on ne nous associe plus à la discussion pour dire ce qui va ou ne va pas sur le terrain.

Jean-François Krzyzaniak, PERSONNE ACCOMPAGNÉE, QUI A PARTICIPÉ AU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA SANTÉ LORS DE LA PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE SOCIALE DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

27LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

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Le plan pluriannuel prévoyait le développement des équipes mobiles psychiatrie précarité.

Quelles sont les urgences d’après vous ?Quand il y a des restrictions budgétaire, on pioche des moyens en réduisant le personnel car en psychiatrie ce qui coûte cher ce sont les équipes. Nous sommes nous-mêmes dans une situation de précarité. Par exemple, une équipe mobile a arrêté de travailler car elle ne recevait plus de financement du conseil général, alors même que la circulaire cadrant les activités de telles équipes invite à rechercher des financements multiples. Pour les équipes mobiles, on en est aujourd’hui au stade de l’évaluation, ce qui est plutôt une bonne chose car il faut bien reconnaître que l’évaluation en « psy » n’est jamais bien perçue. La réflexion sur l’évaluation a été engagée il y a dix ans, et nous allons, enfin, mesurer les besoins et les moyens dont les équipes disposent.L’évaluation quantitative et qualitative des 120 équipes mobiles en France sera diffusée au printemps 2015. Il était prévu de mettre en place une équipe mobile psychiatrie précarité dans chaque département, c’est presque

réalisé. Mais au-delà de son installation, sa composition a un impact sur la qualité du travail, qu’il s’agisse de temps dédié ou de la répartition des professions au sein d’une équipe. La psychiatrie est toujours isolée avec de fausses représentations par les acteurs sociaux. On nous demande « d’embarquer » des gens dans des structures parce qu’ils font du bruit… Comme si le travail de la psychiatrie se résumait à « enfermer » et à « assommer de médicaments ». Cette perception est très dévalorisante non seulement pour les soignants mais surtout pour les patients, restant encore stigmatisés. En fait, le public mais aussi les acteurs de terrain, associent trop souvent encore maladie mentale et précarité. La réalité est plus complexe : dans la plupart des cas, les personnes présentaient des troubles psychotiques bien avant d’être à la rue. La rue, si elle fait souffrir au sens de la dépression, de l’anxiété, du trauma, ne rend pas psychotique au sens structurel. Rappelons que les soins en psychiatrie se font à 85% en ambulatoire alors qu’on ne retient de la psychiatrie que les chambres fermées. Tout ce travail « hors les murs » requiert un personnel qualifié, formé et en nombre. Il est sûr que la démographie médicale en baisse est un problème crucial mais il ne peut trouver de réponse par une compensation médicamenteuse. Les droits des patients doivent être respectés, précaires ou non, quant à leur possibilité d’exprimer leurs souhaits. En psychiatrie, la présence du tiers demandeur, souvent la famille, mettait au loin la parole des soignés. Le risque, en précarité, alors que la famille est absente, et de laisser les dispositifs - associatifs ou non – parler à leur place. C’est donc la question de l’éthique au quotidien qui nous est posée : l’autonomie, la compétence des personne, la non maltraitance ou la non bienveillance…

En matière de santé, le plan semblait amorcer des changements qui devaient se traduire dans le projet de loi santé publique. Pensez-vous le texte adapté à la situation en matière de précarité ?Je vois de plus en plus de personnes, pas forcément avec des nouvelles pathologies mais qui sont de plus en plus cassées. Elles sont en dépression mais n’ont pas de chez elles, et cette situation pèse beaucoup dans la prise en charge. Il faut intensifier le travail de coordination, poursuivre le développement de liens avec les structures sociales puisque ce sont elles qui nous alertent quand quelqu’un est déprimé, reste dans son lit dans le centre d’hébergement ou tout simplement transpire l’angoisse lors d’un entretien d’accompagnement. Encore tout récemment, nous avions instauré des permanences dans les structures mais avec l’affaiblissement des équipes mobiles nous n’avons plus le temps. Par contre le travail d’articulation avec les acteurs en première ligne est incontournable.Au-delà de cet aspect de coordination entre

« le sanitaire », « le social» et « le médico-social » il est prévu de maintenir la notion de « secteur » avec un ancrage dans la cité. Mais j’ai vu très peu de choses sur la précarité dans le texte. On est dans une situation d’attente. Il faudrait peut-être d’abord combattre la diminution de la démographie médicale, rendre les carrières médicales plus attractives. Le plan prévoyait aussi de développer les PASS (permanences d’accès aux soins de santé), pour un accès au soin des patients les plus démunis. Elles ont besoin d’être adaptées, développées mais sans faire du copier-coller entre les différents établissements parce que la situation sera différente d’un département à un autre. Mais pour développer les PASS, il faut aussi sensibiliser les directeurs d’établissements hospitaliers qui, sous l’influence économique, considèrent que ce n’est pas rentable de s’occuper des précaires. Ce qui est vrai …Enfin, améliorer les partenariats entre le médico-social et le sanitaire reste une priorité. Par exemple, quand un acteur médico-social veut développer une structure avec des appartements thérapeutiques, il serait opportun pour ne pas dire indispensable qu’il aille rencontrer le dispositif psychiatrique de secteur pour échanger sur comment travailler ensemble, mais en amont du projet. Car on a encore trop tendance à appeler la psychiatrie au secours à deux heures du matin, alors que s’il y avait eu un partenariat construit le plus en amont possible, les choses auraient pu se passer autrement. Le risque est que la psychiatrie devienne prestataire de service du médico-social. À l’inverse, certains pensent que la psychiatrie va envahir le médico-social avec « ses » malades. La psychiatrie n’est propriétaire de personne… Mais accueillir des personnes en hôpital psychiatrique alors que ce n’est pas leur place est simplement intolérable pour les patients et les familles, sans compter - si l’on peut dire – sur l’aspect économique : une place en établissement psychiatrique a un coût de 1 000 euros par jour, alors que ce coût est bien moindre en structure qui serait plus adaptée à l’état des patients (EPHAD, MAS, etc …). Pendant ce temps, il y a des personnes sans abri, au bord du suicide, qu’on ne peut pas prendre dans les hôpitaux dont les places sont embolisées par des hospitalisations inadéquates. La fluidité des parcours n’est pas respectée entre le sanitaire et le médico-social. Nous devons construire ensemble.

Alain Mercuel, PSYCHIATRE ET CHEF DE SERVICE À L’HÔPITAL SAINTE-ANNE À PARIS. IL DIRIGE LE SERVICE D’APPUI SMES (SANTÉ MENTALE ET EXCLUSION SOCIALE), UNITÉ MOBILE D’ACCÈS AUX SOINS PSYCHIATRIQUES POUR LES PLUS EXCLUS.

Santé

LES DÉBUTS DE LA PASS RÉGIONALE BOURGUIGNONNE

En Bourgogne, l’agence régionale de santé, s’est saisie de cette circulaire et des moyens qui ont été alloués pour mettre en œuvre une PASS régionale. La PASS de Dijon a été retenue pour porter la coordination régionale en début d’année 2014.

UNE ENQUÊTE DE TERRAIN Le constat d’une très grande hétérogénéité entre les différentes PASS de la région a été confirmé par les résultats d’une étude menée sous forme de questionnaires et d’entretiens au cours de l’année 2014. Malgré ce constat, les PASS de la région sont confrontées à des problématiques et des questionnements communs, tels que la délivrance de traitements ou bien encore les délais d’ouverture des droits à

la CPAM. La majorité des PASS manquent de visibilité et les critères d’inclusions divergent d’un dispositif à l’autre : certaines PASS accueillent des personnes sans aucun droit ouvert, d’autres des publics bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU), d’autres encore accueillent quasi spécifiquement des demandeurs d’asile. Ces différences de pratiques viennent questionner le rôle d’une PASS et ses modalités d’interventions. La PASS régionale a cherché à déterminer un plan d’action afin d’harmoniser au mieux les pratiques. En parallèle, la FNARS Bourgogne a été sollicitée pour apporter un regard complémentaire sur les attentes du dispositif par les acteurs de la région, et ainsi

proposer un plan d’action pour les années à venir. La création de cette nouvelle instance est un outil pour renforcer l’ensemble des PASS au niveau local. Elle peut apporter un soutien technique, mais également une meilleure visibilité de la PASS, y compris auprès des autres services d’un même centre hospitalier. La seconde mission de la PASS régionale est un travail d’animation entre les différentes instances : la transmission d’outils, la communication des actualités des territoires, mais également des échanges de pratiques entre les professionnels qui peuvent se sentir isolés dans leur service. La troisième mission identifiée de la PASS régionale est le travail de mise en réseau avec les partenaires de chaque territoire.

Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) aident à lutter efficacement contre le non recours et les difficultés d’accès aux soins des personnes précaires. Ce dispositif, intégré aux hôpitaux, offre un accès aux soins et un accompagne-ment soignant et social aux personnes précaires qui se présenteraient sans couver-ture sociale ou sans pos-sibilité de payer des actes médicaux. Elles proposent un accompagnement dans le parcours de soins des personnes précaires, déso-cialisées. Elles ont égale-ment comme mission d’agir en dehors de l’hôpital afin

de faciliter le repérage et la prise en charge des patients et de construire un partena-riat institutionnel élargi. Elles ont en général une vocation généraliste mais il existe des PASS spécialisées (PASS Psychiatrique, PASS bucco-dentaire). Les textes fonda-teurs des PASS sont com-muns à ceux des PRAPS (les programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins). Ils remontent tous les deux à la loi d’orientation du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions qui se donnait comme objectif no-tamment d’améliorer l’accès aux soins des personnes précaires. Ainsi, depuis cette

loi chaque établissement de santé a l’obligation de mettre en place une PASS (article L6112-6 du code de la santé publique).

Le plan pluriannuel, les PASS régionales et le projet de loi relatif à la santé

Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté prévoyait de renforcer et de redyna-miser les PASS, véritables

outils de lutte contre les inégalités sociales et terri-toriales de santé, en créant dix PASS et en élaborant un plan d’amélioration des PASS. Les PASS à vocation régionale ont été créées avec la circulaire du 18 juin 2013.Ces dispositifs essentiels dans l’accès aux soins doivent être maintenus et garder leur caractère obli-gatoire au sein des établis-sements de santé, contrai-rement à ce que propose le projet de loi relatif à la santé qui souhaite rendre ce dis-positif facultatif au sein des hôpitaux, allant en cela à l’encontre des objectifs du plan pluriannuel.

Les PASS, entre sanitaire et social

Santé

LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

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Qu’est-ce qu’un centre de santé ? C’est un lieu de soins, ouvert à tout public,

au sein duquel peuvent exercer des médecins généralistes, des infirmiers, des dentistes. Certains centres disposent aussi de plateaux techniques radiologiques. Les centres de santé assurent des actions de prévention et de coordination de soins. Sur justification des droits, les patients ne règlent que le ticket modérateur. Lorsqu’ils ont une mutuelle, conventionnée avec le centre, les consultations sont même prises en charge à 100 %. Au centre municipal d’Ivry-sur-Seine, 22 000 patients sont reçus, chaque année, par près de 120 salariés. Il existe toutefois de fortes disparités géographiques, dans les petites villes ou les zones rurales, les centres de santé peuvent être beaucoup plus restreints. Certains ne font que les soins infirmiers

ou que des soins dentaires par exemple. Le financement d’un centre de santé étant, en majeure partie, assumé par la commune qui l’accueille, sa création et son fonctionnement sont de véritables choix financiers et politiques qui demandent la mobilisation des élus.

Comment les centres de santé participent-ils à réduire les inégalités d’accès aux soins ? À la création de la CMU-C en 1999, on s’est vite rendu compte que le fait d’avoir une complémentaire ne levait pas forcément les freins d’accès aux soins : peur du diagnostic, freins culturels, économiques, freins liés à l’addiction ou à l’estime de soi… Le centre de santé est une réponse adaptée pour une partie de ces problématiques. Il permet notamment aux patients de bénéficier du tiers payant, donc de ne pas avancer les frais de consultation. Le travail en équipe est également un atout essentiel, le personnel peut plus facilement faire face aux situations complexes liées à la grande précarité auxquelles il est confronté, contrairement à un médecin libéral qui exerce seul dans son cabinet. À Ivry-sur-Seine, le centre de santé a aussi pour mission d’aller au-devant des personnes qui n’ont pas accès aux soins. S’il n’est déjà pas simple d’accéder aux droits - à Paris, il faut compter 4 mois pour établir un dossier de CMU, on constate que l’obtention de ces droits ne suffit pas à favoriser l’accès aux soins, il est nécessaire d’aller à la rencontre des personnes en rupture de soins et de les convaincre que la question de la santé est importante.

En quoi consiste cet « aller vers » ? Il s’agit d’une mission de santé publique réalisée en lien avec le réseau précarité et le service d’hygiène et de santé de la ville. Nous travaillons notamment sur la prévention du saturnisme chez les enfants et sur la détection et le suivi à domicile des situations d’incurie qui concernent majoritairement des personnes âgées isolées. Face à ces situations catastrophiques, nous devons trouver un médecin. J’interviens également dans deux CHRS de la ville, dont le Village de l’Espoir, géré par Adoma, qui accueille des personnes anciennement sans-abri. C’est un public très éloigné des questions de santé qui souffre pourtant fréquemment de pathologies

chroniques comme l’hypertension artérielle ou le diabète. Notre objectif est de retisser des liens avec le soin, nous n’effectuons pas de soins sur place, mais nous orientons vers le centre de santé. L’an passé, j’étais le médecin traitant de 16 des 60 personnes logées au village. Nous avons aussi effectué un important travail de formation avec les personnels sociaux qui accompagnent les habitants. Ils sont aujourd’hui à même de proposer une orientation médicale, l’infirmière ne passe plus qu’une fois par semaine, et moi tous les 15 jours. Les années précédentes, je suis également intervenue en cité HLM pour aller à la rencontre des jeunes qui ne se soignaient pas. Aujourd’hui, nous travaillons directement avec la mission locale. Enfin, une des infirmières du centre de santé se rend régulièrement dans un centre pour migrants pour y effectuer des permanences.

Danièle Gilis,MÉDECIN GÉNÉRALISTE AU CENTRE MUNICIPAL DE SANTÉ D’IVRY-SUR-SEINE

Santé

LE PLAN PLURIANNUEL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DEUX ANS APRÈS JANVIER 2015

Engagé en début d’année 2013, le plan quin-quennal de lutte contre la pauvreté a généré beaucoup d’espoirs pour les personnes en difficulté et les associations qui les accom-

pagnent. Par sa méthode innovante dans sa conception, avec une large consultation associant l’État, les associations de lutte contre l’exclusion et les personnes accompagnées, et par le principe d’évaluation annuelle et indépendante, confiée à Francois Chérèque.L’ambition annoncée d’une mobilisation interministérielle pour réduire la pauvreté et favoriser l’accès aux droits, cen-sée irriguer tous les secteurs de l’action publique était pro-metteuse. Elle envoyait un signal positif à l’ensemble de la société : l’exclusion n’est pas une fatalité, les personnes en difficulté ne peuvent être désignées comme « responsables » de leur situation, la nation doit se rassembler pour combattre les inégalités et proposer à tous un chemin vers la citoyen-neté et l’autonomie. Les analyses et témoignages précédents montrent d’ailleurs d’indéniables avancées sur l’accès aux droits, la participation des personnes accompagnées à l’éva-luation des politiques publiques ou l’amorce d’une nouvelle gouvernance « décloisonnée » des politiques de lutte contre l’exclusion.Pour autant, la pauvreté s’intensifie dans le pays et la mise en œuvre effective du plan quinquennal, menacée par les contraintes budgétaires, semble sortie des priorités politiques. Après l’entrevue entre les associations et le Président de la République le 14 octobre dernier, le Premier ministre s’est en-gagé à réunir les acteurs du plan au premier trimestre 2015. La FNARS souhaite que ce rendez-vous soit l’occasion d’une relance des priorités du plan mais aussi d’un débat collectif sur les mesures qui n’ont pas été engagées ou qui n’ont pas fonctionné, en vue d’une nouvelle impulsion, à la hauteur de l’urgence de la situation. Le chômage de longue durée, principale matrice de l’exclu-sion, continue de progresser avec plus de deux millions de personnes. La réactualisation du plan quinquennal doit inté-grer une mobilisation de l’État, des partenaires sociaux et des associations pour permettre l’accès à l’emploi et l’accom-pagnement des personnes principales victimes de la crise économique et des défaillances du marché de l’emploi.Le plan quinquennal n’a pas non plus vraiment permis de développer l’accès au logement des plus modestes. Il faut une nouvelle impulsion pour produire plus de logements très sociaux en mobilisant le parc social et privé et rompre avec la généralisation des politiques de mise à l’abri sans accompa-gnement et sans perspective d’insertion durable.La jeunesse doit également être au centre de la relance du plan quinquennal pour, enfin, mettre en œuvre un véritable

droit à la formation-éducation tout au long de la vie, assorti de ressources, et lutter ainsi contre le décrochage et la mar-ginalisation. La reconnaissance du « pouvoir d’agir » des personnes ac-compagnées et de leur expertise est une véritable avancée du plan. Mais elle doit être confortée par une reconnaissance institutionnelle des CCRPA et la généralisation de la partici-pation des personnes aux instances nationales et locales de gouvernance des politiques sociales. Il en va de même des travailleurs sociaux qui sont en première ligne face à la montée de la précarité et qui attendent un message fort du gouvernement sur le sens de leur mission et la reconnaissance de leurs métiers. Les États généraux du travail social annoncés pour 2014, et plusieurs fois reportés, doivent être l’occasion en 2015 de redonner un cap et un sens à l’intervention sociale.L’accès aux soins sera également au cœur de l’actualité 2015, avec l’examen par le Parlement du projet de loi de santé publique. Ce texte contient des avancées concernant notamment une meilleure coordination des politiques sani-taires et sociales sur le terrain. Dans le prolongement du plan quinquennal, nous souhaitons qu’il aille plus loin sur la lutte contre le non recours aux soins avec, par exemple, le déve-loppement des PASS ou encore l’automatisation de l’accès à la CMU-C pour les allocataires du RSA.Le plan quinquennal doit également intégrer la situation des migrants en détresse, et assumer clairement le maintien du principe d’accueil inconditionnel aujourd’hui menacé par la réforme du droit d’asile. Au-delà de la nécessité de défendre l’accès aux droits et l’accompagnement de ces populations en difficulté, l’État doit s’interroger sur les conséquences sociales et économiques dramatiques du maintien de personnes sans titre de séjour et qui n’ont pas accès à l’emploi et au logement.L’impact du plan quinquennal est souvent difficile à mesurer sur les territoires faute d’une gouvernance participative de la lutte contre l’exclusion, associant l’État, les collectivités locales, les bailleurs, les associations, les travailleurs sociaux et les personnes accompagnées. La réévaluation du plan en 2015 doit être l’occasion de réactiver ces dynamiques locales pour que les acteurs se donnent, dans chaque département, des objectifs lisibles, chiffrés et mobilisateurs notamment sur la réduction du non recours à l’aide sociale.Face à ces défis, la FNARS sera pleinement mobilisée, au national comme au local, en s’appuyant sur son réseau d’as-sociations régionales et d’adhérents pour porter ces priorités auprès des pouvoirs publics et redonner un nouveau souffle au plan quinquennal. C’est notre responsabilité collective, et nous le devons aux personnes qui attendent les effets positifs des mesures annoncées en 2013.

Plan quinquennal : quelles perspectives ?

FLORENT GUÉGUEN DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA FNARS

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La mission IAEest cofinancéepar l’Union européenne.

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