Vol.2 # 2 • Novembre 2020 · Vol.2 # 2 • Novembre 2020. MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET...

41
Vol.2 # 2 • Novembre 2020 Vol.2 # 2 • Novembre 2020

Transcript of Vol.2 # 2 • Novembre 2020 · Vol.2 # 2 • Novembre 2020. MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET...

  • Vol

    .2 #

    2 •

    Nove

    mbr

    e 2

    020

    Vol

    .2 #

    2 •

    Nove

    mbr

    e 2

    020

  • 2LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2#2 • Novem

    bre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    Mot de la rédactionDes Rendez-vous… virtuels

    Bonne lecture!

    Par Michel BoutetDirecteur de la Revue de l’Observatoire en inclusion sociale

    D’abord un mot sur les Rendez-vous de l’Institut universitaire en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme. Ces Rendez-vous semestriels, le printemps et l’automne de chaque année, abordent différentes questions autour de thématiques spécifiques d’intérêt et regroupent en mode-conférence des chercheurs et des praticiens des domaines de la déficience intellectuelle et des troubles du spectre de l’autisme. Et pour une première fois, en juin dernier, l’activité s’est tenue en mode complètement virtuel. Pas moins de 850 personnes étaient inscrites et ont pu questionner les présentateurs via le Web. Au moment où le réseau de services est en confinement, cette activité permet de réunir et d’animer en quelque sorte les personnes impliquées et engagées dans ces domaines. Et pour ceux qui l’auraient manquée, nous retrouvons dans ce numéro un article qui reprend l’essentiel des propos présentés lors de cette journée sur la thématique de : Retard de développement : accès à l’intervention et évaluation de l’enfant. Les auteurs, Michel Boutet et Louise S. Éthier, s’inspirant des contenus qui y sont développés, en dégagent certaines réflexions et perspectives. Un lien électronique est aussi inclus pour donner accès à l’ensemble des conférences.

    Toujours au regard de l’utilisation des nouvelles technologies, Priscilla Ménard rapporte les travaux du comité interétablissements sur la télépratique développé par l’Institut universitaire à la demande des milieux pour encadrer son utilisation au moment où cette approche prend de plus en plus d’espace dans la prestation des services. À partir d’une analyse des besoins, l’objectif principal est de créer les outils en soutien au développement de la télépratique en fonction des données scientifiques disponibles. On y retrouvera aussi tous les liens pour rester au fait des travaux du comité interétablissements. Autre préoccupation professionnelle, Martin Caouette et ses collaboratrices rapportent une expérience de préceptorat visant à soutenir les nouveaux intervenants dans leur intégration à l’emploi. L’objectif principal de cette approche est de permettre l’intégration des meilleures pratiques tout en valorisant l’expertise d’intervenants « séniors » lors de la période probatoire. Une approche importante à considérer alors que la pandémie limite considérablement les contacts des étudiants en formation auprès des usagers de services et leurs proches.

    Du côté de la SQDI, Gilles Roy reprend ce même discours de l’impact de la Covid-19 sur la dispensation des services, tant pour les personnes que pour leurs proches. À propos des services, déjà mis à mal par les compressions des dernières années, on ne peut que constater avec Gilles

    Roy un « agrandissement des brèches » particulièrement au regard de l’hébergement, du soutien à domicile et des services aux usagers en milieu naturel. Il faudra bien les entendre un jour!

    Puis deux études abordent des questions touchant les parents d’enfants ayant une déficience intellectuelle. Une première, de C a role Légaré et ses collaboratrices, touche le développement des compétences socio-émotionnelles et de la socialisation parentale des émotions de leurs enfants. Se référant à des programmes déjà existants, l’étude mettra notamment en valeur l’importance d’accentuer l’implication des parents par rapport à cette facette de leur développement. L’autre étude, un collectif dirigé par Lise Lachance, vise principalement à analyser le rôle de certains facteurs, dont la présence attentive, les projets personnels et les fonctions exécutives, dans l’adaptation des parents et de leurs enfants ayant une déficience intellectuelle. Malgré des conditions qui ne sont pas toujours favorables, « les parents réussissent pour la plupart à s’organiser et à assurer leur rôle parental ». Une forme de résilience en quelque sorte.

    Aussi, le RNETSA, sous la plume de Élodie Hérault, reprend les grandes lignes de l’étude conduite par l’équipe dirigée par Mélanie Couture, dont l’objectif était de mieux saisir les enjeux autour de la participation sociale des personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme, pour dégager des perspectives d’action en soutien à leurs conditions. L’étude s’attarde à comprendre qui sont ces adultes, leur niveau de participation sociale et les principaux défis à relever à cet égard. Suzanne Aubé, Béatrice Balmy et Geneviève Brousseau proposent pour leur part une synthèse d’une consultation auprès des milieux cliniques relative aux outils utilisés en soutien au projet de vie des adolescents et des jeunes adultes ayant un trouble du spectre de l’autisme. L’article donne accès à une série de fiches descriptives des outils d’usage courant, tout en suggérant que des recherches soient conduites tant pour la validation, la mesure de l’efficacité des outils et le développement de modalités d’intervention.

    Enfin dans ce numéro, Stéphanie Turgeon, notre chercheuse en résidence, aborde la question du devis de recherche à cas unique. On y retrouvera aussi la présentation d’un projet, Logis-vie, destiné à permettre à de jeunes adultes présentant une déficience intellectuelle de réaliser leur rêve de vivre en appartement. Un coup de pouce à cette initiative de parents qui se mobilisent pour que leur enfant ait une vie meilleure.

  • 3LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    Crédits : Jacques Lajoie

    Vol.2 #2978-2-550-83960-6 (imprimé)

    978-2-550-83961-3 (PDF)

    ÉditeurCentre intégré universitaire de santé

    et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec

    Direction de la revueMichel Boutet

    Conception graphiqueCatherine Lanneville

    Révision linguistiqueJacques Duchesne

    RévisionJulie Santerre

    1025, rue Marguerite-Bourgeoys Trois-Rivières (Québec) G8Z 3T1

    819 379-7732, poste 12335 www.observatoireinclusionsociale.ca

    [email protected]

    4

    10

    15

    18

    24

    26

    30

    32

    34

    37

    La participation sociale des adultes autistes : enjeux et perspectives

    L’utilisation d’une pratique de préceptorat pour le personnel nouvellement embauché en déficience intellectuelle en soutien à l’adoption de pratiques inclusives

    Bilan des travaux réalisés dans le cadre du projet « Analyse du rôle de la présence attentive (mindfulness), des fonctions exécutives et des projets personnels dans l’adaptation des parents et de leur enfant ayant une déficience intellectuelle »

    État des lieux sur les retards de développement des enfants : Accès à l’évaluation et à l’intervention

    À l’ère de la télépratique dans les services offerts aux personnes ayant une déficience intellectuelle, un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience physique

    Qu’en est-il des compétences socio-émotionnelles et de la socialisation parentale des émotions chez les enfants ayant une déficience intellectuelle?

    Parlons recherche...une question à la fois!

    Habitations Logis-vie - Logements pour personnes vivant avec une déficience intellectuelle à Trois-Rivières - Votre soutien peut faire la différence

    Quand la Covid-19 réveille des urgences en déficience intellectuelle

    Synthèse d’une consultation des milieux cliniques relative aux outils utilisés en soutien au projet de vie des adolescents et des jeunes adultes ayant un TSA

    SOMMAIRE

  • 4LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2#2 • Novem

    bre 2020

    Par Élodie HéraultMélanie Couture

    Gabrielle Sabbagh

    La participation sociale des adultes autistes :enjeux et perspectives

    Parmi les principales préoccupations du Réseau national d’expertise en trouble du spectre de l’autisme (RNETSA), on compte la reconnaissance et la compréhension de l’hétérogénéité des profils des adultes autistes. Même si des avancées intéressantes ont été réalisées ces dernières années concernant le soutien aux adultes autistes, assurer leur participation sociale demeure un défi de société. Plusieurs d’entre eux rencontrent encore des obstacles à la participation sociale en raison de leur niveau de fonctionnement, de leurs caractéristiques cognitives et comportementales distinctes ainsi que de la présence, ou non, de conditions associées, sans compter les obstacles relatifs aux environnements et aux individus non autistes.

    En raison de cette diversité de profils, les organismes publics, tant pour les intervenants que pour les décideurs, doivent coordonner les services à offrir aux adultes autistes afin de favoriser leur participation sociale.

    Afin de dégager un portrait clair de la situation des adultes autistes au regard de leur participation sociale, le RNETSA a voulu contribuer, dans le cadre du programme d’actions concertées du Fonds de recherche du Québec – Société et culture, au lancement d’un appel de propositions auprès de la communauté des chercheurs afin que ceux-ci se penchent sur la question et dégagent des recommandations permettant d’orienter les services, les pratiques et les priorités.

    La proposition de l’équipe dirigée par la professeure Mélanie Couture, de l’Université de Sherbrooke, a été retenue. Cet article présente donc les faits saillants des résultats de cette recherche intitulée Regards croisés sur la participation sociale des adultes ayant un trouble du spectre de l’autisme; une étude qualitative et quantitative.

    Pourquoi parler de neurodiversité? La neurodiversité est un concept de plus en plus utilisé de nos jours pour évoquer l’importance de reconnaître

    et d’accepter les divergences neurologiques. On parle ici de divergence par comparaison au fonctionnement neurologique majoritaire et normatif. De plus en plus de personnes autistes revendiquent ce concept qui va à l’encontre des conceptions médicales catégorisant l’autisme comme un trouble voire une maladie. Les personnes autistes peuvent, entre autres, avoir des perceptions sensorielles variées, préférer la régularité, ou avoir des expressions verbales et des comportements sociaux dits « atypiques » (Autism Self Advocacy Network, 2011). En l’absence de mesures de soutien appropriées, les particularités inhérentes à l’autisme peuvent entraver d’une manière importante la qualité de vie des personnes autistes (Hwang et coll., 2018; Perkins et Berkman, 2012; van Heijst et Geurts, 2015). Les données suggèrent que les personnes autistes auraient une plus faible qualité de vie comparativement aux personnes neurotypiques (Ayres et coll., 2018; Graham Holmes et coll., 2020; Mason et coll., 2018). En effet, elles doivent vivre dans un monde qui ne semble pas fait pour elles et qui ne prend pas en compte leurs divergences neurologiques. De fait, la participation sociale des personnes autistes est influencée par leurs compétences à gommer leurs différences afin de se conformer à des normes sociales dans lesquelles elles ne se reconnaissent pas.

    Quelles sont les conséquences pour un individu qui vit dans un monde qui ne comprend pas les différences?Par comparaison à la population générale, les adultes autistes vivent davantage de détresse psychologique et d’isolement social qui s’exprimeraient, entre autres, par des symptômes anxieux ou dépressifs (Binta Diallo et coll., 2018; Fortuna et coll., 2016; Lever et Geurts, 2016;

    Même si des avancées intéressantes ont été réalisées ces dernières années concernant

    le soutien aux adultes autistes, assurer leur participation sociale demeure un défi de

    société.

  • 5LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    Roux et coll., 2017). Diverses préoccupations affectant la capacité des adultes autistes à participer socialement ont été mentionnées par plusieurs, notamment en ce qui concerne l’éducation postsecondaire, la préparation à l’emploi, le développement des habiletés sociales et les programmes de loisirs (Milton et coll., 2014; Pellicano et coll., 2014).

    Qu’en est-il au Québec? La présente recherche a vu le jour grâce à l’appel de proposition du Fonds de recherche du Québec – Société et culture, dans le cadre de l’action concertée « Regards sur les adultes présentant un trouble du spectre de l’autisme au Québec et sur leur participation sociale » qui avait pour objectif d’améliorer les connaissances sur la population des adultes autistes au Québec. Pour décrire la réalité des adultes autistes québécois, trois questions fondamentales ont été posées : 1) Qui sont les adultes autistes? 2) Quel est leur niveau de participation sociale? 3) Quels sont les plus grands défis pour favoriser la participation sociale des adultes autistes?

    Qu’est-ce que la participation sociale? Bien qu’il existe plusieurs définitions de ce concept dans la littérature scientifique, l’équipe de la professeure Couture s’est appuyée sur celle fournie par la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (FQCRDITED) : « la participation sociale se [présente] comme une résultante de l’accès aux droits, de l’exercice même de ces droits ainsi que la possibilité effective de prendre part et de réaliser des activités de la vie courante au sein de son groupe d’appartenance dans le respect et la dignité » (FQCRDITED, 2013). De plus, le modèle de développement humain et du processus de production du handicap (MDH-PPH2) (Fougeyrollas, 2010) a été utilisé pour organiser et structurer la recension des écrits et l’enquête sur la participation sociale.

    Quelle approche pour réaliser un portrait actuel de la participation sociale? Ce projet de recherche visait à donner la parole aux adultes autistes et aux personnes de leur réseau (proches aidants, intervenants). Différents moyens ont été utilisés pour qu’ils nous parlent de leurs perceptions concernant la participation sociale en nous nourrissant par leurs expériences individuelles : 1) une enquête provinciale en ligne, en français et en anglais; 2) des entrevues individuelles auprès d’adultes autistes et de leurs proches; 3) des groupes de discussion réalisés auprès d’intervenants des réseaux de la santé et communautaire. Des recensions des écrits ont également été réalisées afin d’identifier les barrières et les facilitateurs, les interventions prometteuses ou les éléments essentiels soutenant la participation sociale des adultes autistes (Bussières et coll., 2020; Dumont et coll., 2017; Michallet et coll., 2019).

    Concrètement, qui a participé? Un total de 209 adultes autistes et de 130 parents ou proches ont répondu à l’enquête en ligne, dont 30 parents d’adultes autistes ayant une déficience intellectuelle (DI). Dix adultes autistes et 11 parents ou proches ont pris part aux entrevues individuelles selon un échantillonnage intentionnel. Des groupes de discussion (n=5) ont eu lieu dans quatre régions du Québec, auprès d’intervenants des milieux de la santé (n=9) et d’organismes communautaires (n=6).

    Nous constatons, parmi les participants à l’enquête, une représentation presque égale de femmes et d’hommes, ainsi qu’une majorité de participants âgés de plus de 26 ans (55 %), vivant dans un milieu urbain (82 %), sans permis de conduire (54 %) et dont la langue maternelle est le français (94 %). La grande majorité des participants a indiqué avoir un revenu annuel sous le seuil de la pauvreté (80 %) alors que cette proportion pour la population québécoise est de 16 % (Institut de la statistique du Québec, 2017).

    Qui sont les adultes autistes?Des citoyens aux profils très hétérogènes! De fait, notre étude a identifié différents sous-groupes d’adultes, jusqu’à maintenant peu représentés

    De fait, la participation sociale des personnes autistes est influencée par leurs compétences à gommer leurs différences afin de se conformer à des normes sociales dans lesquelles elles ne se reconnaissent pas.

  • 6LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 #2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    dans les recherches : les femmes, les personnes qui ont reçu un diagnostic tardif et les personnes autistes sans DI. À titre d’exemple, 39 % de notre échantillon a reçu un diagnostic d’autisme après l’âge de 26 ans. Puisqu’une grande partie de ces personnes ne sont pas répertoriées dans le réseau de la santé pour diverses raisons (diagnostic tardif, besoins non exprimés), elles sont plus susceptibles d’errer dans leur parcours de vie ou par rapport au diagnostic. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui ont mentionné être aidés par leurs parents ou leurs familles, lorsqu’ils sont présents, dans toutes les étapes de leur vie.

    « Notre fille va bien, mais ça prend énormément d’effort parental pour faire ça. […] Bien sûr, l’attention qu’il faut fournir. Ça aussi, c’est à mettre dans cette équation-là. »

    Quel est le niveau de participation sociale des adultes autistes? Ces derniers ont indiqué avoir une participation sociale satisfaisante, mais ils aimeraient généralement être plus impliqués dans la société. Les différents thèmes abordés (travail, éducation, responsabilités, vie communautaire, loisirs) nous ont permis d’observer une grande variabilité individuelle quant à l’importance donnée à ces thèmes. Ce qui est apparu de manière flagrante, c’est que ce sont leurs propres attitudes, la connaissance de leurs forces, et la considération portée à leurs limites qui peuvent influencer grandement leur capacité à s’impliquer dans la société.

    « Ça me tente moins de faire de la participation sociale, parce que j’ai le sentiment d’être jugé ou d’être à côté de la plaque, puis de ne pas m’en rendre compte. Puis un autre obstacle, c’est que j’ai de la difficulté à évaluer mes propres limites, donc je les dépasse, et ensuite je me sens vraiment fatigué le lendemain. »

    L’autisme, un défi sociétal. Nombreux sont les citoyens qui méconnaissent l’autisme et pensent que c’est une maladie, généralement en raison de préjugés qui doivent être déconstruits. Cette méconnaissance de la différence est potentiellement nocive; en effet, les frustrations qu’elle génère amènent les personnes autistes à se sentir isolées, voire exclues, ou au contraire à aller à l’encontre de leurs besoins pour s’intégrer. Finalement, c’est tout le potentiel d’épanouissement social qui est restreint par la peur et la méconnaissance de l’autisme. Sensibiliser la société à la neurodiversité et aux différences en général devrait être la priorité au cours des prochaines années.

    « Commencer par éduquer les gens… La plupart ne savent pas ce que c’est, et c’est frustrant d’entendre tous les préjugés. Faire de la sensibilisation auprès des enfants neurotypiques aiderait, car mes enfants et moi-même avons tous été victimes d’intimidation à cause de nos spécificités. »

    Comment améliorer notre regard sociétal envers les divergences neurologiques, notamment celles des personnes autistes?Plusieurs recommandations ont découlé de nos travaux notamment : réaliser des campagnes de sensibilisation, offrir l’accès au diagnostic aux personnes qui le souhaitent, offrir des services de soutien émotionnel et affectif aux personnes autistes, développer une offre de service s’arrimant avec le principe d’autodétermination, faire connaître l’importance de ce principe aux proches aidants par des mises en situation et des témoignages, améliorer les environnements pour qu’ils soient plus inclusifs, assouplir les règles des programmes ministériels et les structures organisationnelles afin de faciliter la navigation entre eux.

    « C’est la quantité de bureaucratie, de temps qu’il faut passer auprès des intervenants et auprès d’elle. »

    Transformer nos environnements de vie pour favoriser l’inclusion. Le développement d’environnements capables d’accueillir les personnes autistes et qui favorisent l’épanouissement social est un élément majeur à prioriser dans les prochaines années. Cette amélioration requiert de nombreux efforts, car elle devra se faire par des adaptations particulières des milieux de vie pour répondre aux différents besoins (ex. sensoriels

  • 7LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    et sociaux) des personnes autistes. À titre d’exemple, les établissements scolaires devraient opérationnaliser la démarche de transition de l’école vers la vie active (TÉVA) à tous les élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage incluant les jeunes autistes sans déficience intellectuelle qui progressent en milieu ordinaire. Pourtant, actuellement, les ressources humaines et financières limitent l’utilisation de la TÉVA à quelques élèves seulement : ceux qui ont une déficience visible et un potentiel d’employabilité (déficience intellectuelle légère à modérée). Il faut donc rendre accessible la TÉVA à l’ensemble des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, sans égard au diagnostic. De la même manière, les collèges et les universités devraient avoir des services plus diversifiés afin d’être mieux personnalisés lorsque nécessaire. Par exemple, ils devraient pouvoir avoir le soutien de professionnels issus des réseaux de la santé et des services sociaux ou du milieu communautaire (ergothérapeute, psychologue, psychoéducateur, travailleur social, conseiller en emploi, conseiller en orientation et autres). Comme proposé par certaines recherches (Accardo et coll., 2019; Potvin et coll., 2019; Trevisan et coll., 2020), des programmes de parrainage entre personnes autistes pourraient être mis en place avec le soutien de l’université afin que des adultes autistes plus avancés dans leur parcours universitaire ou professionnel puissent apporter des conseils à leurs pairs qui amorcent leur vie universitaire. Le fait que de nombreuses personnes autistes aient déclaré ne pas avoir d’emploi dans leur domaine d’études démontre les lacunes liées à la transition des diplômés universitaires autistes vers l’emploi. Il faut donc impérativement soutenir cette transition pour investir dans les efforts réalisés et leur permettre d’utiliser leurs forces au sein de la société (soutien à la rédaction de curriculum vitae, soutien pour les entretiens d’embauche).

    Que devrions-nous poursuivre comme travaux pour approfondir notre compréhension des

    enjeux de participation sociale des adultes ayant un trouble du spectre de l’autisme?Le projet de recherche a permis de mettre en lumière des groupes pour lesquels moins d’information était disponible. On traite ici de la réalité des femmes autistes, des étudiants aux études supérieures, des personnes vieillissantes et des personnes n’ayant pas reçu un diagnostic formel, mais qui considèrent avoir un TSA. De fait, il serait important de déterminer les manifestations cliniques précoces chez les jeunes filles. De plus, il pourrait être pertinent de valider les besoins de soutien des femmes autistes pour réaliser leur rôle de mère. Enfin, quelles seraient les modalités de soutien dont pourraient bénéficier les étudiants universitaires en vue de favoriser leur réussite scolaire et leur entrée sur le marché du travail? Quelles seraient les modalités d’hébergement qui pourraient favoriser la vie indépendante pour les personnes autistes? Quels seraient les modèles résidentiels qui permettraient d’offrir, selon un continuum, des ressources d’hébergement aux adultes autistes qui ont des besoins particuliers et variables?

    Afin d’offrir certaines réponses à ces questionnements, de nouveaux projets de recherche ont débuté ou sont sur le point de s’amorcer. L’équipe de la professeure Couture a obtenu un financement pour explorer le parcours de vie et le développement de l’identité des femmes autistes, pour explorer la faisabilité d’un service de soutien en ligne par et pour les personnes autistes (Marjorie Désormeaux-Moreau), pour documenter les impacts d’un modèle novateur d’insertion en emploi soutenu par une entreprise adaptée (Défi-Polyteck)1 tournée vers le développement durable et une étude de besoins relativement à l’environnement résidentiel avec la collaboration d’une entreprise estrienne, Services Immobiliers First–Humano District2. D’autres projets sont aussi en cours : Liens entre les champs d’intérêt restreints et les passions3 (Ève-Line Bussières); Portrait des enjeux liés à l’épanouissement sexuel des jeunes présentant un trouble du spectre de l’autisme : besoins, soutien et défis4 (Marie-Hélène Poulin); et Développement d’un modèle concerté des services pour une meilleure participation sociale - jeunes et adultes autistes de 16 à 30 ans (Marie-Hélène Poulin), notamment. En lien avec le Plan d’action sur le trouble du spectre de l’autisme 2017-20205 du ministère de la Santé et des Services sociaux, M. Martin Caouette mobilise une équipe de chercheurs de l’Institut universitaire en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec sur un projet intitulé : Optimiser l’usage des technologies mobiles en soutien à l’autonomie résidentielle des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme.1https://www.defipolyteck.com2http://humanodistrict.ca3https://laboidea.uqam.ca/passion-interets-autisme/ ⁴http://www.frqsc.gouv.qc.ca/fr/partenariat/nos-projets-de-recherche/projet/portrait-des-enjeux-lies-a-l-epanouissement-sexuel-des-jeunes-presentant-un-trouble-du-spectre-de-l-autisme-besoins-soutien-et-defis-80hneadp15344330360985https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001828/?&date=ASC

    Ce qui est apparu de manière flagrante, c’est que ce sont leurs propres attitudes,

    la connaissance de leurs forces, et la considération portée à leurs limites qui

    peuvent influencer grandement leur capacité à s’impliquer dans la société.

  • 8LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2#2 • Novem

    bre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    D’autres projets de recherche, également en cours au Québec, permettront certainement d’apporter un éclairage supplémentaire sur certaines thématiques comme les interventions policières auprès des personnes présentant un TSA, la situation des proches aidants des personnes autistes ou atteintes d’un trouble de santé mentale en contexte de COVID-19, l’identité de genre, la sexualité et la normativité en autisme, le soutien et l’intégration à l’emploi.

    Ces ressources déployées pour raffiner notre compréhension des enjeux de la vie adulte des personnes autistes permettront assurément d’ajuster nos mesures d’accompagnement et, plus important encore, de soutenir une réelle inclusion des adultes autistes dans la société!

    RéférencesAccardo, A. L., Kuder, S. J., Woodruff, J. (2019). Accomodations and support services preferred by college students with autism spectrum disorder. Autism, 23(3), 574-583.Autism Self Advocacy Network, A. S. A. (s. d.). About Autism. Autistic Self Advocacy Network. https://autisticadvocacy.org/about-asan/about-autism/Ayres, M., Parr, J. R., Rodgers, J., Mason, D., Avery, L., Flynn, D. (2018). A systematic review of quality of life of adults on the autism spectrum. Autism, 22(7), 774-783.Binta Diallo, F., Fombonne, E., Kisely, S., Rochette, L., Vasiliadis, H. M., Vanasse, A., Noiseux, M, Pelletier, E., Renaud, J., St-Laurent, D., Lesage, A. (2018). Prévalence et corrélats des troubles du spectre de l’autisme au Québec. Canadian Journal of Psychiatry, 63(4), 231-239.Bussières, E., Trépanier, J., Laverdière, O., Poulin, M., Périard-Larivée, D., Berbari, J., Dumont, C., Couture, M., ACAA TEAM (2020). Promising Practices Supporting Social Participation of Young Adults on the Autism Spectrum: A Systematic Review. Autism in Adulthood (soumis).Dumont, C., Michallet, B., Jomphe-Ferland, C., McIntyre, J., Couture, M. (2017). Barriers and facilitators affecting the social participation of adults with autism spectrum disorder. Nova Science Publishers. Volume 129, chapter 2 : 49-168. Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement. (2013) La participation sociale des personnes présentant une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement : Du discours à une action concertée. Québec.Fortuna, R. J., Robinson, L., Smith, T. H., Meccarello, J., Bullen, B., Nobis, K., Davidson, P. W. (2016). Health conditions and functional status in adults with autism: a cross-sectional evaluation. Journal of General Internal Medicine, 31(1), 77-84.

    Fougeyrollas, P. (2010). La funambule, le fil et la toile : transformations réciproques du sens du handicap, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 315 p. Graham Holmes, L., Zampella, C. J., Clements, C. C., McCleery, J. P., Maddox, B. B., Parish‐Morris, J., Udhnani, M. D. Schultz, R. T., Miller, J. (2020). A Lifespan Approach to Patient‐Reported Outcomes and Quality of Life for People on the Autism Spectrum. Autism Research, 13(6), 970-987.Hwang, Y. I., Foley, K. K., Trollor, J. N. (2018). Aging well on the autism spectrum: An examination of the dominant model of successful aging. Journal of autism and developmental disorders. https://doi.org/10.1007/s10803-018-3596-8 Lever, A. G., Geurts, H. M. (2016). Psychiatric co-occurring symptoms and disorders in young, middle-aged, and older adults with autism spectrum disorder. Journal of Autism and Developmental Disorders, 46(6), 1916-1930.Mason, D., McConachie, H., Garland, D., Petrou, A., Rodgers, J., Parr, J. R. (2018). Predictors of quality of life for autistic adults. Autism Research, 11(8), 1138-1147.Michallet, B., Taylor, J., Dumont, C., McIntyre, J., Couture, M. (2019). La communication et les relations interpersonnelles des adultes présentant un trouble du spectre de l’autisme : une revue systématique des programmes d’intervention. Revue de psychoéducation, 48 (1), 117–146. https://doi.org/10.7202/1060009arMilton, D. E. (2014). So what exactly are autism interventions intervening with?. Good Autism Practice (GAP), 15(2), 6-14.Pellicano, E., Dinsmore, A., Charman, T. (2014). What should autism research focus upon? Community views and priorities from the United Kingdom. Autism : The International Journal of Research and Practice, 18(7), 756-770. doi:10.1177/1362361314529627. Perkins, E. A., Berkman, K. A. (2012). Into the unknown: Aging with autism spectrum disorders. American Journal on Intellectual and Developmental Disabilities, 117(6), 478-496.Potvin, M. C., Chabot, M, Boney, J. (2019). Greater opportunities for academic learning and living successes: A program to support college students with disabilities. The American Journal of Occupation Therapy, 73(4 supplement 1), 7311515341. doi:10.5014/ajot.2019.73S1-PO4024.Roux, A. M., Rast, J. E., Anderson, K. A., Shattuck, P. T. (2017). National autism indicators report: Developmental disability services and outcomes in adulthood. Philadelphia, PA.Trevisan, D. A., Leach, S., Iarocci, G., Brimingham, E. (2020). Evaluation of a peer mentorship program for autistic college students. Autism in adulthood, Online ahead of print (May). doi:10.1089/aut.2019.0087.Van Heijst, B. F., Geurts, H. M. (2015). Quality of life in autism across the lifespan: A meta-analysis. Autism, 19(2), 158-167.

  • 9

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    AU-DELÀ DES SAVOIRS : MIEUX INTERVENIR AUPRÈS DES PERSONNES AUTISTES AYANT DES CONDITIONS ASSOCIÉES

    RENDEZ-VOUS AU RNETSA.CADÈS JANVIER 2021

    INSCRIPTION

    ÉVÉNEMENT EN LIGNE SUIVEZ-NOUS !

    17MARS2021

    JOURNÉEANNUELLE

  • 10LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 #2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    Les deux dernières décennies ont été marquées au Québec par une transformation rapide de l’offre de service dans le domaine de la déficience intellectuelle (DI) et du trouble du spectre de l’autisme (TSA). Couplée à des départs massifs de professionnels à la retraite, cette situation a mené à des embauches importantes de salariés pour lesquels la rétention et le développement professionnel posent des défis importants. Afin de répondre à cette problématique, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS-MCQ) a mis en place un projet organisationnel innovant visant à améliorer le système d’encadrement des nouveaux employés au cours de leur première année de travail. C’est ainsi qu’une pratique de préceptorat s’est développée pour les nouveaux éducateurs spécialisés et auxiliaires aux services de santé et sociaux dans le domaine de la DI et du TSA. Cet article présente les fondements et les différentes facettes de cette pratique. Ainsi, nous présentons d’abord ce qu’est le préceptorat, de ses origines jusqu’à son application dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ensuite, nous présentons une démarche d’analyse d’une pratique de préceptorat en DI qui a permis de bien circonscrire ses différentes dimensions afin de la rendre transférable à d’autres milieux. Enfin, des propositions sont formulées afin de rendre cette pratique pertinente et efficace pour les milieux qui souhaitent se l’approprier.

    Origine et évolution du préceptoratDans son usage le plus commun, le préceptorat réfère au travail d’un instituteur particulier chargé de l’éducation d’un enfant à domicile. De cet usage premier du terme s’est progressivement développée une conception du préceptorat qui consiste à enseigner, en dehors du cadre scolaire, les rudiments d’un emploi afin de personnaliser l’enseignement

    et d’évaluer le niveau de maîtrise des compétences requises par l’apprenti. Dans les programmes de formation universitaire, le préceptorat est un terme fréquemment utilisé dans les professions du secteur de la santé pour référer à la période de transition et d’intégration de l’étudiant sur le marché du travail. C’est notamment le cas pour la profession infirmière (Boulais, 2012; MacKenzie, 2002; Myrick et Yonge, 2005). Dans ce contexte, l’infirmier-précepteur a pour mandat de faciliter l’intégration dans le contexte de travail du nouvel infirmier, qui complète ainsi sa formation pratique et finalise sa transition vers le marché du travail. D’ailleurs, différents cadres de référence balisent cette pratique dans le secteur des soins infirmiers (AIIC, 2004; MSSS, 2008).

    Or, si le préceptorat peut sembler l’apanage des infirmiers et des professions du secteur de la santé, d’autres professionnels ont également manifesté le besoin de bénéficier de ce type de soutien professionnel, dont les travailleurs sociaux œuvrant dans le réseau de la santé et des services sociaux (Larivière, 2012). D’ailleurs, ces derniers soulignent que les transformations majeures du réseau de la santé et des services sociaux renforcent l’intérêt pour ce type de soutien professionnel afin de maintenir un bon climat de travail, mobiliser les professionnels et atteindre un bon niveau de performance. Dans le domaine de la DI, le Centre du Florès (désormais intégré au Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides) a aussi mis en place un programme de préceptorat afin de soutenir l’intégration des nouveaux éducateurs dans ses services cliniques en DI et en TSA (Le Florès, 2014). C’est notamment en prenant appui sur ses différentes expériences que le CIUSSS-MCQ a choisi de mettre en place une pratique de préceptorat pour soutenir l’intégration des éducateurs et des auxiliaires de santé et de services sociaux en DI et en TSA. Le choix de cette expérimentation reposait notamment sur la volonté d’accroître le soutien professionnel du nouveau personnel, mais également de mettre à profit le savoir expérientiel de praticiens d’expérience. Ce projet innovant et mobilisateur a mené à la création d’une équipe de recherche hybride composée d’universitaires et de professionnels du service des ressources humaines du CIUSSS-MCQ. Cette équipe ayant été mise en place après le

    Par Martin CaouetteJoanie Loisel

    Magalie AudetAnn-Sophie Otis

    L’utilisation d’une pratique de préceptorat pour le personnel nouvellement embauché en

    déficience intellectuelle en soutien à l’adoption de pratiques inclusives

    Ainsi, le préceptorat ne constitue pas une relation d’entraide, mais bien une relation

    de soutien d’un professionnel expérimenté vers un nouveau professionnel.

  • 11LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    début du projet, une perspective descriptive a été adoptée afin d’analyser et de rendre compte de l’expérience en cours.

    DéfinitionL’une des premières étapes de la démarche d’analyse a été de s’entendre sur le sens donné au terme « préceptorat ». Prenant appui sur les différents écrits publiés sur ce thème, principalement dans le secteur de la santé (AIIC, 2008; MSSS, 2012), la définition suivante du préceptorat a été adoptée :

    « Le préceptorat est une relation officielle, d’une durée préétablie, entre deux individus, à savoir une personne expérimentée (précepteur) et une personne nouvellement embauchée dans le milieu de travail (préceptoré). Cette relation permet d’aider le préceptoré à s’adapter à son milieu de travail et à réussir dans ses nouvelles fonctions par le développement et l’acquisition des connaissances cliniques (savoir), d’une expérience pratique (savoir-faire) et des attitudes et qualités nécessaires pour l’exercice de l’emploi (savoir-être). Le préceptorat a pour finalité l’intégration des meilleures pratiques par le préceptoré selon son contexte professionnel ».

    Cette définition permet de préciser certaines composantes essentielles du préceptorat en plus de le distinguer d’autres formes de soutien professionnel. D’abord, la nature même de la relation est asymétrique dans la mesure où c’est la différence d’expérience qui justifie le lien. Ainsi, le préceptorat ne constitue pas une relation d’entraide, mais bien une relation de soutien d’un professionnel expérimenté vers un nouveau professionnel. D’ailleurs, ces deux professionnels occupent les mêmes fonctions ou des fonctions similaires auprès de la même population. Qui plus est, la relation entre les deux protagonistes est officielle et d’une durée préétablie. Ainsi, le préceptorat se distingue du mentorat dans la mesure où il s’agit d’une relation imposée et prescrite, alors que le mentorat s’appuie habituellement sur le volontariat et n’a pas de durée précise. Le préceptorat s’inscrit également dans la dynamique d’accueil des nouveaux professionnels et constitue ainsi une stratégie de soutien professionnel lors de l’embauche. Soulignons également que le préceptorat vise l’intégration des meilleures pratiques par le développement de compétences pratiques enseignées par un professionnel en exercice. Ainsi, ces compétences sont arrimées aux contingences du milieu de pratique.

    Sélection du précepteurLe précepteur sélectionné est une personne qui occupe les mêmes fonctions que le nouveau personnel embauché. Dans le cas de cette

    expérimentation, il s’agit d’une éducatrice spécialisée cumulant plus de 25 ans d’expérience. Elle a été retenue à la suite d’une invitation à postuler pour occuper cette fonction, sur la base de la reconnaissance de son expertise professionnelle, son savoir-être et ses aptitudes pédagogiques. La préceptrice a continué à jouer son rôle d’éducatrice, mais avec une charge de dossiers réduite.

    Analyse de la pratique de préceptoratAfin de rendre compte de la pratique de la préceptrice sélectionnée, nous avons retenu le cadre d’analyse de pratique de Vermersch (2010). Ce cadre de référence propose une compréhension de la pratique centrée sur sa dimension procédurale (les actions réalisées) à laquelle se juxtaposent quatre « satellites » des actions : les savoirs investis dans la pratique, les buts et finalités réels de la pratique, le contexte d’exercice de la pratique, de même que l’appréciation subjective de la pratique. Cette analyse s’appuie sur une série d’entretiens menés avec la préceptrice de façon à accéder à la pratique effective, c’est-à-dire à la pratique telle qu’elle s’opérationnalise sur le terrain et non pas à celle qui est prescrite par l’organisation.

    Les actions réaliséesL’analyse de la pratique de la préceptrice a mis en évidence le fait qu’agir comme pédagogue est l’action centrale de sa pratique de préceptorat. Cette pédagogie s’incarne notamment par du modelage, des explications, des questionnements réflexifs, etc. Ainsi, la préceptrice peut accompagner le nouveau professionnel directement sur le terrain ou faire un retour avec lui sur des expériences de travail récentes. Agir comme pédagogue implique pour la préceptrice une mise à jour de ses propres connaissances, particulièrement au regard du fonctionnement de l’organisation. Cette mise à jour contribue à la fois à son action de pédagogue, mais permet aussi de maintenir informé le préceptoré. Cette transmission d’informations est également pertinente quant à l’accompagnement dans des situations difficiles. Par situations difficiles, nous entendons des situations dont le niveau de complexité peut être déstabilisant pour un nouvel employé. Cet accompagnement n’implique pas que la préceptrice prenne en charge ces situations, mais plutôt qu’elle accueille, réfère ou oriente le préceptoré au sein de l’organisation vers les ressources dont il a besoin. Cet accompagnement dans des situations difficiles est étroitement lié au rôle de pédagogue de la préceptrice puisque ces contextes amènent fréquemment des demandes de soutien de la part des préceptorés, en plus de constituer des occasions privilégiées pour enseigner certaines façons de faire. Ajoutons également que ces contextes permettent également à la préceptrice d’évaluer le préceptoré, un élément central de son action pédagogique.

  • 12LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 #2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    En plus de ces différentes actions qui se trouvent au cœur de la pratique de la préceptrice, l’analyse a permis de mettre en évidence deux actions qui n’en font pas partie, mais qui sont parfois attendues de la part des préceptorés. D’une part, le préceptorat n’implique pas pour la préceptrice de prendre des décisions cliniques relatives aux personnes accompagnées par le préceptoré. Dans des situations complexes, il est parfois tentant pour le préceptoré d’appuyer ses décisions sur l’avis de la préceptrice. Cependant, le rôle de la préceptrice dans ce type de situation est plutôt de soutenir la réflexion du préceptoré quant à son propre rôle et de l’accompagner dans l’acquisition de ses compétences professionnelles lui permettant de répondre lui-même à son besoin. D’autre part, le rôle de la préceptrice n’est pas de prendre des décisions concernant la période probatoire. Bien que l’évaluation qu’elle fait de la pratique du préceptoré ait un impact important sur ces décisions, celles-ci sont prises et assumées par un gestionnaire des ressources humaines. Ainsi, la préceptrice cherche à accroître le taux de succès des périodes probatoires, mais elle n’a pas elle-même à prendre ces décisions. Cette posture permet qu’elle soit plus signifiante et moins menaçante pour les préceptorés qui cherchent du soutien auprès d’elle.

    Les savoirs investis dans la pratiquePar savoirs investis dans la pratique, nous entendons ce que la préceptrice doit investir d’elle-même pour mettre en œuvre sa pratique de préceptorat. Ce sont ces savoirs qui fondent et justifient l’efficacité de la pratique (Vermersch, 2010). Il est apparu que la maîtrise de la pratique est l’élément central des savoirs investis. Ce savoir expérientiel passe d’abord par sa connaissance de l’organisation, sur laquelle elle doit s’appuyer pour accompagner les préceptorés. Cette connaissance porte tant sur le mode de fonctionnement et les changements en cours que sur l’évolution de celle-ci. À cet égard, outre son expérience auprès de la population concernée, ce sont les années d’expérience de la préceptrice au sein de l’organisation qui constituent un savoir essentiel. Plus encore, son savoir-faire relationnel lui permet d’établir des relations professionnelles respectueuses qui favorisent l’engagement des préceptorés. Ainsi, il émerge que la qualité de la relation, comme dans bon nombre de modalités de soutien professionnel, est un savoir-faire incontournable. Enfin, un dernier élément de savoir est apparu, soit les capacités rédactionnelles de la préceptrice. Si cet élément est d’apparence plus discrète, il n’en demeure pas moins un savoir-faire important étant donné la fréquence des communications et des rapports d’évaluation produits par la préceptrice.

    Si certains savoirs paraissent incontournables, d’autres ne semblent pas essentiels. C’est notamment le cas des connaissances liées aux différents

    sous-groupes de population qu’il est possible de rencontrer dans le domaine de la DI et du TSA. Cette précision est cohérente avec le fait que donner des recommandations relatives à l’intervention n’est pas une action centrale de la pratique de préceptorat. Conséquemment, ce ne sont pas les particularités de la population concernée qui sont primordiales, mais bien les savoirs relatifs au fonctionnement de l’organisation et à la maîtrise des processus d’intervention.

    Les buts et finalités réels de la pratiqueCette dimension concerne ce que la pratique a comme visée. L’analyse de la pratique de la préceptrice a mis en évidence trois visées distinctes, à savoir soutenir l’apprentissage de la tâche, soutenir l’intégration dans le milieu et contribuer à la réussite de la période probatoire. Comme nous l’avons souligné précédemment, le soutien à l’apprentissage de la tâche repose essentiellement sur l’apprentissage d’un processus d’intervention et de certaines façons de faire qui y sont reliées. L’intégration dans le milieu correspond à l’appropriation d’une certaine culture d’organisation, mais également au fait d’être un facilitateur dans l’utilisation des ressources de l’organisation. Enfin, les différentes actions posées par la préceptrice visent un accroissement du taux de réussite des périodes probatoires, de façon à accroître la rétention du personnel pendant cette période.

    Le contexte de la pratique de préceptoratLa compréhension du contexte de la pratique permet de mieux saisir les différentes actions réalisées et son influence sur celles-ci (Versmersch, 2010). Les éléments du contexte qui influencent la pratique sont imbriqués et tout à fait cohérents avec l’évolution récente des pratiques d’intervention en DI et en TSA. En effet, la pratique du préceptorat s’exerce d’abord dans un contexte en changement. Ces changements concernent tant la taille et la structure des organisations, les pratiques d’intervention, le renouvellement des équipes de travail, etc. Ainsi, cet important contexte de changements suggère un effort particulier de la préceptrice pour être à jour relativement à ses connaissances de l’organisation et de son fonctionnement. Le contexte diversifié réfère au large spectre

    Les buts et finalités du préceptorat convergent vers une aide au rehaussement de la qualité de la pratique professionnelle du préceptoré en soutenant notamment l’apprentissage de la tâche et l’intégration dans le milieu.

  • 13LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    des caractéristiques de la population concernée, mais également aux profils des préceptorés. Ce contexte diversifié amène à tenir compte de l’unicité de chacun des préceptorés et de ses besoins, en fonction du ou des milieux dans lesquels il effectue sa période probatoire. Ainsi, il n’y a pas un parcours unique de préceptorat, dans la mesure où la préceptrice doit construire une démarche particulière d’accompagnement selon ces différentes contingences. Enfin, le préceptorat s’exerce dans un contexte étendu sur le plan géographique. À cet égard, la préceptrice couvre un territoire de plus de 45 000 km2, ce qui implique donc de nombreux déplacements. Ainsi, les affectations des préceptorés sur tout le territoire de la Mauricie et du Centre-du-Québec posent un défi important pour la préceptrice, qui se trouve limitée dans sa capacité à accompagner au quotidien les préceptorés dans leur intégration en emploi.

    L’appréciation subjective de la pratique par la préceptriceCette dimension réfère au sens que la préceptrice donne à sa pratique de préceptorat. L’analyse met en relief trois éléments centraux, soit le fait de combler des lacunes de l’organisation, la transmission de valeurs et d’un idéal professionnel de même que la mise à profit de ses compétences professionnelles. Ainsi, elle perçoit que les nouveaux professionnels sont mieux soutenus et qu’ils bénéficient d’un réel accompagnement lors de leur embauche. Elle perçoit qu’elle évite que certains d’entre eux commettent des erreurs professionnelles, en raison d’une mauvaise orientation ou d’une orientation insuffisante à l’embauche. Sur un plan plus personnel, la préceptrice a aussi le sentiment de transmettre des valeurs importantes au regard de l’accompagnement des personnes présentant une DI ou un TSA. Ces valeurs sont en adéquation avec celles portées par l’établissement, notamment au regard de l’inclusion sociale et de l’autodétermination. Enfin, soulignons qu’à quelques années de sa retraite, la préceptrice a aussi la perception de mettre à profit l’ensemble de ses compétences professionnelles dans ce rôle qui est valorisant pour elle. Par ses propos, nous pouvons reconnaître qu’elle réalise une certaine forme de « synthèse » de sa carrière à travers le préceptorat et que ce rôle constitue une forme de legs à la prochaine génération.

    Recommandations pour le transfert de la pratique de préceptorat vers d’autres milieuxLa figure 1 présente une synthèse de la pratique de préceptorat, tirée du travail réalisé par l’équipe engagée dans son développement. Il s’agit en quelque sorte du modèle logique de la pratique de préceptorat. D’abord, les savoirs investis par la préceptrice sont ceux qui permettent aux actions

    de se réaliser. Cet aspect central suggère que, lors du recrutement de précepteurs, il importe d’identifier un professionnel crédible et reconnu au sein de son organisation pour la qualité de sa pratique professionnelle. Rappelons également qu’il est important que le précepteur ait une tâche aménagée qui lui permet à la fois de poursuivre son travail d’éducateur et de précepteur, ce qui renforce sa crédibilité auprès des préceptorés. Qui plus est, l’importance accordée à un élément comme la qualité de la rédaction rappelle que le précepteur doit aussi être une personne organisée sur le plan du travail et être apte à communiquer de façon efficace.

    Ses savoirs sont investis au service d’actions, dont la principale est le fait d’agir comme pédagogue. Cette action suggère que le préceptorat est avant tout un exercice pédagogique avant d’être un outil de contrôle des nouveaux professionnels. Ainsi, pour les milieux qui souhaitent implanter une pratique de préceptorat, il importe de la considérer d’abord et avant tout comme une forme de soutien qui ne se substitue pas à d’autres formes d’encadrement managérial. À travers les différentes actions qui sont précisées, il est possible de remarquer que le précepteur devient une référence pour le préceptoré. À cet égard, on peut supposer que le préceptorat limite l’isolement que peut ressentir le préceptoré, notamment lorsqu’il exerce des mandats à court terme au sein de différents milieux et qu’il n’est pas véritablement intégré au sein d’une équipe de travail.

    Les buts et finalités du préceptorat convergent vers une aide au rehaussement de la qualité de la pratique professionnelle du préceptoré en soutenant notamment l’apprentissage de la tâche et l’intégration dans le milieu. On peut évidemment considérer ces éléments comme de potentiels prédicteurs forts de la réussite de la période probatoire. Pour les milieux qui souhaitent s’inspirer de cette pratique, ces buts et finalités peuvent mener à la détermination d’indicateurs de réussite au regard de la pratique de préceptorat.

    Le contexte a une influence forte sur la pertinence du préceptorat et sur la façon dont il va s’opérationnaliser. Le contexte de changement semble permanent dans le réseau de la santé et des services sociaux, ce qui peut suggérer que le préceptorat comme forme de soutien doit nécessairement en tenir compte. À cet égard, le préceptorat peut être une façon de faciliter l’appropriation du changement par les nouveaux professionnels, dans la mesure où le précepteur adhère lui-même à ce changement et peut en être un porte-parole positif. Par ailleurs, la diversité rencontrée, tant auprès de la population visée que des nouveaux professionnels, pourrait amener un milieu de pratique à considérer le fait d’avoir plus d’un précepteur, selon l’expertise de ce dernier. Le fait de choisir d’avoir plus d’un précepteur

  • 14LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 #2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    ConclusionDans un contexte où le défi de l’embauche massive de nouveaux professionnels doit être relevé, la mise à profit des compétences de professionnels d’expérience à travers le préceptorat est une avenue intéressante à considérer. Cette pratique témoigne certainement d’une considération à leur endroit et crée une synergie intergénérationnelle bénéfique pour tous. Par ailleurs, soulignons que le préceptorat est une pratique émergente dans le domaine de la DI qui a fait l’objet d’une seule étude jusqu’à maintenant (Caouette et Loisel, soumis). Les travaux réalisés l’ont été d’abord dans le but de bien circonscrire cette pratique afin de pouvoir en évaluer les retombées auprès des principaux concernés, c’est-à-dire les préceptorés. D’autres travaux de recherche seront ainsi nécessaires sur ce plan. Néanmoins, les résultats initiaux apparaissent prometteurs.

    RéférencesAssociation des infirmières et infirmiers du Canada. (2004). Guide sur le préceptorat. Ottawa, ON : auteur. Boulais, N. (2012). Perceptions d’infirmières et infirmiers diplômés à l’étranger et de préceptrices sur les stratégies facilitant la transition professionnelle en période de préceptorat. Mémoire déposé à l’Université de Montréal. Caouette, M. et Loisel, J. (soumis). Démarche d’analyse de pratique de préceptorat : enjeux méthodologiques et pratiques. Revue de l’analyse de pratiques professionnelles. Larivière, C. (2012). Comment les travailleurs sociaux du Québec réagissent-ils à la transformation du réseau public? Intervention, 136, 30-40. Centre du Florès. (2014). Rapport de gestion et d’activités 2013-2014 du Centre du Florès : Bâtir l’avenir. Auteur.MacKenzie, J. (2002). Le développement d’une pratique réflexive dans le contexte de préceptorat d’infirmières-étudiantes en santé communautaire. Essai déposé à l’Université du Québec à Hull. Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (2008). Programme national de soutien clinique : Volet préceptorat : Cadre de référence. Québec : Auteur. Myrick, F. et Yonge, O. (2005). Nursing preceptorship: connecting practice and education. Philadelphia, PA: Lippincott Williams & Wilkins.Vermersch, P. (2010). L’entretien d’explicitation (6e éd.). Paris : ESF.

    Cont

    exte

    Actio

    ns ré

    alisé

    esAp

    préc

    iation

    Savo

    irs in

    vesti

    s

    Buts

    et fin

    alité

    s

    En changementDiversifié

    Étendu

    Agir comme pédagogue

    ÉvaluerMettre à jour ses

    connaissancesAccompagner dans des

    situations difficilesInformer

    Combler des lacunesTransmettre des

    valeurs et un idéal professionnel

    Mettre à profit des compétences professionnelles

    Maîtrise de la pratiqueConnaissance de

    l'organisationSavoir-faire relationnelQualité de la rédaction

    AiderSoutenir

    l'apprentissage de la tâche

    Soutenir l'intégration au milieu

    Contribution à la réussite de la période

    probatoire

    pourrait aussi être une réponse à l’étendue des territoires que couvrent désormais les nouveaux centres intégrés de santé et de services sociaux. En effet, le préceptorat est une pratique qui implique que le précepteur et le préceptoré puissent se retrouver dans le milieu de travail. L’expérience analysée a d’ailleurs mené au constat que la distance géographique peut être un frein important aux rencontres entre précepteur et préceptoré.

    L’appréciation que la préceptrice fait de sa propre pratique de préceptorat nous permet de croire qu’il s’agit d’un facteur fort de motivation au travail. En effet, dans un contexte où la préceptrice a été choisie à la fois pour son expérience professionnelle et ses qualités relationnelles, il peut certainement s’agir d’une forme de reconnaissance par les pairs. À cet égard, ce peut être une proposition intéressante pour une éducatrice en fin de parcours professionnel afin qu’elle puisse transmettre son expertise professionnelle aux plus jeunes. D’ailleurs, cela pourrait même être une stratégie de rétention du personnel plus âgé afin de repousser le moment de la retraite.

    Figure 1. Synthèse de la pratique de préceptorat

  • 15LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    Par Lise Lachance, Département d’éducation et pédagogie, UQAMLouis Richer, Département des sciences de la santé, UQAC

    Suzie McKinnon, CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean, CISSS du Bas-Saint-Laurent et CISSS de la Côte-NordAlain Côté, CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean et pratique privée

    Louis Cournoyer, Département d’éducation et pédagogie, UQAMSimon Grégoire, Département d’éducation et pédagogie, UQAM

    Bilan des travaux réalisés dans le cadre du projet « Analyse du rôle de la présence attentive

    (mindfulness), des fonctions exécutives et des projets personnels dans l’adaptation des parents et de leur enfant ayant une déficience intellectuelle »

    ContexteCe projet s’inscrit en continuité avec les travaux de l’équipe de recherche sur l’adaptation des parents d’un enfant ayant une déficience intellectuelle et prend appui sur l’entente de partenariat établie par le CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean et les CISSS de la Côte-Nord et du Bas-Saint-Laurent pour le développement de la recherche en établissement. Il a reçu le soutien financier du Consortium national de recherche sur l’intégration sociale (CNRIS) et de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ).

    Formée de six membres issus de domaines de formation complémentaires, l’équipe de recherche rassemble quatre chercheurs universitaires (Lise Lachance, Louis Richer, Louis Cournoyer et Simon Grégoire) ainsi qu’un conseiller-cadre (Alain Côté) et une chercheuse en établissement (Suzie McKinnon), désireux d’approfondir la compréhension de la réalité des familles avec un enfant ayant une déficience intellectuelle et de contribuer à la conception de programmes d’intervention mieux ciblés favorisant l’adaptation des parents ainsi que celle de leurs enfants.

    Plus spécifiquement, le but de ce projet était d’analyser le rôle de certains facteurs, dont la présence attentive, les projets personnels et les fonctions exécutives, dans l’adaptation des parents et de leurs enfants ayant une déficience intellectuelle. Ce projet visait aussi à répertorier et à décrire les principaux projets de ces parents ainsi qu’à identifier leurs motivations, leurs croyances et le soutien perçu par rapport à leurs projets et les affects suscités par ceux-ci en considérant les caractéristiques (p. ex. contraintes, opportunités) de leur environnement social. Enfin, il poursuivait l’objectif d’explorer les différences entre les mères et les pères ainsi que celles liées au sexe et à l’âge de leur enfant ayant une déficience intellectuelle de même qu’aux types de famille.

    RéalisationCe projet reposait sur un devis de recherche mixte en raison de la complexité du phénomène à l’étude ainsi que de ses visées à la fois explicative et exploratoire. La démarche adoptée en est une dite « simultanée imbriquée » puisque les données quantitatives et qualitatives ont été recueillies lors d’une même rencontre et que leur analyse a été conduite séparément.

    Les familles étant recrutées dans trois régions du Québec (Saguenay–Lac-Saint-Jean, Côte-Nord et Bas-Saint-Laurent), une méthode d’échantillonnage par quotas a été retenue afin d’obtenir une répartition équivalente de familles selon le sexe (féminin; masculin) et le groupe d’âge de l’enfant ayant une déficience intellectuelle (6-11 ans; 12-18 ans) et de procéder à une analyse différenciée sur ces variables. Pour participer à l’étude, les parents devaient avoir la garde de leur enfant ayant une déficience intellectuelle. Dans le cas des familles biparentales, les deux parents devaient consentir à prendre part au projet pour que la famille soit retenue.

    La composition de l’échantillon a nécessité deux vagues de recrutement. La collecte de données s’est déroulée de novembre 2018 à octobre 2019. Les gestionnaires des établissements ont d’abord fait parvenir une lettre à l’ensemble des parents d’un enfant ayant une déficience intellectuelle,

    [...] le but de ce projet était d’analyser le rôle de certains facteurs, dont la présence attentive, les projets personnels et les fonctions exécutives, dans l’adaptation des parents et de leurs enfants ayant une déficience intellectuelle.

  • 16LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 #2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    âgé de 6 à 18 ans, inscrit à leurs services afin de leur exposer les objectifs du projet et de les informer d’une éventuelle sollicitation de participation. Puis, une professionnelle du CIUSSS et des CISSS a procédé à une analyse de la liste des parents afin d’identifier ceux répondant aux critères d’inclusion. Ces derniers ont été contactés par téléphone afin de les informer des objectifs du projet et des modalités de participation, et d’obtenir leur consentement pour transmettre leurs coordonnées à la responsable de la recherche préalablement à la prise d’un rendez-vous.

    Les parents ayant accepté de participer à l’étude ont été rencontrés par un assistant de recherche à leur domicile ou à un lieu de leur choix. Durant cette rencontre, le parent a signé le formulaire de consentement avant de répondre à un questionnaire autoadministré (45 minutes) et à une grille d’analyse des projets personnels sous la forme d’un entretien semi-dirigé enregistré (60 minutes). Dans le cas des familles biparentales, deux assistants (une femme et un homme, jumelés selon le sexe du parent) étaient présents afin d’éviter que les réponses des parents soient influencées par des échanges. Une compensation financière de 60 $ par famille a été accordée.

    Les modalités de recrutement et les critères d’inclusion ont mené à la formation d’un échantillon de 50 familles. Parmi celles-ci, 20 proviennent de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, 25 du Bas-Saint-Laurent et 5 de la Côte-Nord. La moitié des familles sont de type traditionnel ou nucléaire, les familles recomposées (avec ou sans enfant en commun) constituent environ le cinquième de l’échantillon, et les familles monoparentales près du tiers. Au total, 27 garçons et 23 filles ayant une déficience intellectuelle font partie des familles de l’échantillon. Globalement, 56 % sont âgés de 6 à 11 ans et 44 %, de 12 à 18 ans.

    ConclusionsSur le plan de l’adaptation, les résultats révèlent que près du tiers des parents de l’échantillon rapportent des niveaux élevés de détresse psychologique. Même si cette proportion est préoccupante, elle demeure inférieure à celle retrouvée dans des études antérieures menées dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean auprès de parents d’un enfant ayant une déficience intellectuelle, où elle était supérieure à 40 % avec le même indicateur (Lachance et coll., 2004, 2010). Ce constat peut s’expliquer par les meilleures conditions financières des parents de l’échantillon, en raison notamment d’une plus grande participation au marché du travail, et ce, à temps plein. De plus, en comparaison avec les données les plus récentes de l’Enquête québécoise sur la santé de la population (ISQ, 2016), les proportions de parents en détresse au sein de l’échantillon (36,2 % pour les mères et 27,8 % pour les pères) sont similaires à celles obtenues auprès de la population générale pour des tranches d’âge équivalentes (34,0 %

    pour les mères et 27,6 % pour les pères). Or les parents de l’échantillon sont moins nombreux à évaluer leur état de santé physique comme excellent ou très bon (45,8 %) comparativement à la population générale âgée de 25 à 44 ans (64,6 %) ou de 45 à 64 ans (53,5 %).

    Quant aux ressources formelles, plus de la moitié (52,4 %) des parents de l’échantillon rapportent qu’un service adapté et adéquat n’est pas disponible pour eux ou leur enfant ayant une déficience intellectuelle. Celui-ci concerne le répit, le gardiennage, des activités pour leur enfant, de l’accompagnement, des camps de jour ou d’été, des services professionnels (orthophoniste, éducateur, psychologue, ergothérapeute, physiothérapeute, orthopédagogue, etc.), un service de référence, de l’intégration à l’emploi et un groupe de soutien.

    Ce projet a également fait ressortir un lien entre l’adaptation des parents et les problèmes émotionnels et comportementaux de leur enfant ayant une déficience intellectuelle. Cette relation n’est toutefois pas significative pour les comportements adaptatifs des enfants, comme c’est le cas dans plusieurs autres études. Cependant, on peut concevoir que les problèmes de comportement des enfants puissent se manifester en réaction aux comportements de leurs parents et, qu’à certaines occasions, ils en viennent à exacerber le niveau de stress auquel les parents doivent déjà faire face. Comme les comportements adaptatifs relèvent de la condition de l’enfant et que celle-ci demeure relativement stable dans le temps, il devient alors plus facile pour les parents de prévoir les réactions et le fonctionnement de leur enfant. Ceci pourrait expliquer pourquoi les comportements adaptatifs ne sont pas liés significativement au stress ou à la détresse parentale.

    Les résultats révèlent aussi qu’une plus grande disposition à la présence attentive (capacité à porter attention aux expériences [sensations, états affectifs, pensées, etc.] du moment présent, délibérément et sans jugement) et un meilleur fonctionnement exécutif (capacité de concentration/attention, planification, flexibilité cognitive, régulation émotionnelle) pourraient agir comme des facteurs de protection de la détresse. La disposition à la présence attentive et l’élaboration de projets signifiants et autodéterminés pourraient également contribuer à promouvoir le bien-être des parents.

    Contrairement à ce qui aurait pu être attendu, la nature des projets les plus importants évoqués par les parents ne porte pas directement sur des ressources susceptibles de répondre aux besoins particuliers de leur enfant, en matière de services sociaux et de santé, d’éducation, d’aménagement de conditions de vie, etc. Les projets liés au rôle parental et au travail figurent parmi leurs priorités et sont ceux qui concordent le plus avec leurs

  • 17LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    valeurs. Selon les parents, le travail et les études leur permettent de se sentir compétents. Cependant, les projets liés à la santé sont les premiers priorisés par les parents de l’échantillon, particulièrement par les parents monoparentaux. Considérant la charge de leurs responsabilités familiales et professionnelles, ils peuvent concevoir qu’il est maintenant prioritaire d’accorder du temps et de l’énergie pour prendre soin d’eux, car la situation l’exige pour éviter l’apparition ou l’aggravation de problèmes de santé. Or, leur contexte de vie sème des doutes quant à leur probabilité de réussite. D’ailleurs, ce type de projets ne semble pas nécessairement se traduire par des actions. En fait, bien que les loisirs et l’espace voué à la vie conjugale soient autodéterminés et empreints d’émotions positives pour les parents, il demeure que l’insuffisance de temps disponible fait en sorte que ces domaines ne sont pas investis autant que souhaité.

    Les résultats révèlent également que les mères sont plus autodéterminées dans leurs projets que les pères, c’est-à-dire qu’elles les réalisent davantage pour le plaisir et la joie qu’elles en retirent, mais elles mentionnent aussi faire face à plus d’émotions négatives. Pour leur part, les pères se sentiraient plus honteux, coupables ou anxieux que les mères, si certains projets n’étaient réalisés. En outre, les mères de l’échantillon misent sur des projets liés aux relations alors que les pères se centrent davantage sur des projets d’action.

    Les parents d’une fille sont généralement plus positifs à l’égard de leurs projets que ceux d’un garçon. En effet, ils évaluent ceux-ci comme étant plus importants, cohérents avec leurs valeurs, et s’y impliquent avec un plus grand sentiment de contrôle. De plus, ils entrevoient pour ces projets une plus grande probabilité de réussite. Sur le plan du contenu, les projets reliés à leur rôle parental concernent davantage le développement de l’autonomie et du potentiel de leur enfant ainsi que de sa socialisation. Ils aspirent aussi à être de meilleurs parents. D’autre part, les parents d’un garçon évoquent davantage de projets relatifs à du répit.

    Les parents monoparentaux ou ceux d’un jeune enfant ayant une déficience intellectuelle tendent à adopter des projets de « préservation

    et de sécurité », tant pour le bien-être de l’enfant que pour leur équilibre psychologique et leur santé physique. Ils pourraient ainsi manifester davantage de besoins de soutien et d’aide en vue du maintien de leurs ressources pour assurer le bien-être éducatif et personnel de leur enfant, tout en veillant à se préserver de la détresse et de l’épuisement. Pour leur part, les parents de familles traditionnelles ou recomposées ainsi que ceux d’un enfant plus âgé tendent à envisager des projets de « récupération », c’est-à-dire leur permettant une forme de répit. Ils misent sur le fait de se retrouver seuls ou en couple, de s’émanciper et de se réapproprier une vie matérielle et de loisirs, similaire à celle des parents d’un enfant au développement typique. Pour y parvenir, ces parents pourraient avoir davantage besoin de répit, de moyens leur assurant que leur enfant est encadré de manière sécuritaire, de sorte qu’ils puissent s’autoriser à se réapproprier un espace pour leur épanouissement personnel, leur vie conjugale et leurs activités professionnelles.

    En somme, le projet met en valeur le fait que l’être humain est un être d’adaptation, qui peut pendant une longue période, sur la base de buts sensés (notamment celui de prendre soin du développement de ses enfants), traverser des conditions passablement difficiles à l’égard de la gestion de son équilibre et de son bien-être. Nonobstant leurs conditions, les parents réussissent pour la plupart à s’organiser et à assurer leur rôle parental.

    Le lecteur souhaitant obtenir de plus amples informations à l’égard des résultats est invité à consulter le rapport de recherche suivant : Lachance, L., Richer, L., McKinnon, S., Côté, A., Cournoyer, L., et Grégoire, S. (2020). Analyse du rôle de la présence attentive (mindfulness), des fonctions exécutives et des projets personnels dans l’adaptation des parents et de leur enfant ayant une déficience intellectuelle. Montréal : Département d’éducation et pédagogie, Université du Québec à Montréal, doi:10.13140/RG.2.2.32575.94885.

    RéférencesInstitut de la statistique du Québec [ISQ] (2016). L’Enquête québécoise sur la santé de la population 2014-2015 : pour en savoir plus sur la santé des Québécois, résultats de la deuxième édition. Québec, QC.Lachance, L., Richer, L., Côté, A., et Poulin, J.-R. (2004). Conciliation travail-famille chez des parents d’enfants ou d’adolescents ayant une déficience intellectuelle. Chicoutimi : UQAC.Lachance, L., Richer, L., Côté, A., et Tremblay, K. N. (2010). Étude des facteurs associés à la détresse psychologique des mères et des pères d’un enfant ayant une déficience intellectuelle et de leurs besoins en matière de services selon les caractéristiques de l’enfant. Chicoutimi : UQAC.

    En somme, le projet met en valeur le fait que l’être humain est un être d’adaptation,

    qui peut pendant une longue période, sur la base de buts sensés (notamment

    celui de prendre soin du développement de ses enfants), traverser des conditions

    passablement difficiles à l’égard de la gestion de son équilibre et de son bien-être.

  • 18LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 #2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    Introduction3Le 18 juin 2020 se tenait le 25e Rendez-vous de l’Institut universitaire en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme (IU DI-TSA) du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (MCQ) sur le thème du Retard de développement : accès à l’intervention et évaluation de l’enfant. C’est à M. Roger Guimond, directeur administratif de l’enseignement universitaire, de la recherche et de l’innovation, qu’on a confié l’ouverture de cette journée tout à fait particulière au moment où le Québec et le reste du monde sont aux prises avec la pandémie de la COVID-19. Pas moins de 850 personnes se sont inscrites à cette journée proposée en webdiffusion où six conférencières et un conférencier se sont succédé. Après avoir souligné le fait que cette journée impliquait deux instituts universitaires, l’un de première ligne (CIUSSS de l’Estrie-CHUS) et l’autre de deuxième ligne (CIUSSS MCQ), M. Guimond a présenté les animateurs de la journée soit Mme Sophy Lu et M. Didier Kaba dont les tâches étaient de présenter chacun des conférenciers et de leur rediriger les questions des participants à la fin de leur communication.

    Aussi, M. Carol Filion, président-directeur général du CIUSSS MCQ IU DI-TSA, a souligné dans le mot d’ouverture la présence de M. Lionel Carman, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux dont l’intervention doit clôturer cette journée, celle de son homologue M. Stéphane Tremblay du CIUSSS de l’Estrie, et salué l’association avec l’UQTR. Il a surtout mis en lumière divers aspects de la question du retard de développement : l’importance d’agir tôt auprès des enfants, dont un sur quatre requiert une aide, la nécessité de l’évaluation, l’importance grandissante du « numérique » dans l’intervention et l’avantage de l’intégration des différentes missions du réseau autour d’une même direction pour faciliter les collaborations et la complémentarité des actions, notamment avec le milieu médical, tout en soulignant le rôle indispensable de l’intervenant pivot comme agent de liaison.

    De la nécessité d’un cadre de référenceDans le réseau de la santé et des services sociaux, l’accès, la qualité et la continuité des services constituent des défis « récurrents » et leurs

    améliorations nécessitent la formulation d’objectifs qui serviront de repères pour en assurer l’implantation et la mesure des attentes signifiées. C’est ce cadre de référence que Paul Morin et son équipe ont reçu le mandat d’élaborer et d’en déterminer les paramètres d’implantation.4 Comme le soutient Paul Morin, l’accent est mis autour d’approches populationnelles et nécessairement adaptées aux conditions locales, d’où l’importance accordée aux services ou « cellules de proximité ». L’avenir de nos enfants dépend en grande partie de cette capacité à mobiliser l’ensemble des forces vives du milieu, sans délai. L’idée de parler de services « visibles » renforce la nécessité d’une présence dans les communautés locales, tout comme les cellules de proximité assurent un rôle essentiel de vigie imparti aux services dits de première ligne. L’approche est résolument communautaire.

    Les pratiques de collaboration sont aussi des clés essentielles du modèle et impliquent autant l’usager, ses proches, les organismes communautaires et les organisations intersectorielles. Elles supposent aussi, bien sûr, des collaborations interprofessionnelles.

    Des conditions gagnantes, comme l’indique Paul Morin, on retiendra de la discussion avec les participants qu’au-delà des ressources consenties on devra être en mesure de briser les silos et de coordonner les services avec les communautés locales, d’améliorer la circulation des informations concernant les usagers et de « réfléchir » les structures actuelles de gouvernance, tout en agissant en amont sur les déterminants de la santé. Mais, au-delà des structures, ce sont les personnes, leur engagement, qui feront la différence. Et comme le souligne Paul Morin, non seulement celles du réseau, mais aussi celles des groupes communautaires.

    L’importance du dépistage précoce Un nombre considérable de jeunes enfants présenterait des retards dans un ou plusieurs domaines du développement (santé physique et bien-être, compétences sociales, maturité affective, développement cognitif et langagier, habiletés de communication et connaissances générales). Ces retards de développement ont évidemment des conséquences majeures

    1Directeur de la revue de l’Observatoire en inclusion sociale (CIUSSS MCQ).2Professeure émérite, département de psychologie, UQTR.3Cet article reprend l’essentiel des contenus proposés par les conférencières et le conférencier du 25e Rendez-vous de l’Institut universitaire en DI et en TSA. Inspirés par ces présentations, les auteurs de l’article en dégagent des réflexions et diverses perspectives au regard des retards de développement chez l’enfant. Le lecteur pourra référer au contenu complet des présentateurs via ce lien : http://institutditsa.ca/publications/rendez-vous-de-l-institut/25e-rviu-retard-de-developpement

    4Date de parution prévue pour l’automne 2020.

    Par Michel Boutet, Ph. D.1 et Louise S. Éthier, Ph. D.2

    Réviseurs : Caroline Hamel, CIUSSS de l’Estrie - CHUSClaudine Jacques, UQO

    Francis Lambert, CIUSSS MCQSonia Dany, CIUSSS MCQ

    État des lieux sur les retards de développement des enfants :

    Accès à l’évaluation et à l’intervention

    http://institutditsa.ca/publications/rendez-vous-de-l-institut/25e-rviu-retard-de-developpement

  • 19LA REVUE DE

    EN INCLUSION SOCIALEL’OBSERVATOIRE

    magazine partenarial scienti�que et professionnel

    Vol.2 # 2 • Novembre 2020

    MAGAZINE PARTENARIAL SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNEL • DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET TROUBLE DU SPECTRE DE L’AUTISME

    sur la scolarisation et l’adaptation sociale ultérieure des enfants. Lors de sa présentation, Claudine Jacques rapporte un manque de données sur la prévalence des divers retards de développement au Québec, bien qu’un enfant sur quatre présenterait, dès la maternelle, une vulnérabilité dans au moins une sphère de développement (EQDEM, 2018; voir Jacques, 2020) et 17 % des enfants québécois aurait un trouble neurodéveloppemental (EQDEM, 2018; voir Simard, 2020). Ce constat souligne l’importance d’identifier tôt les enfants susceptibles de présenter des retards de développement afin de répondre le plus rapidement possible à leurs besoins. Une intervention qui est faite précocement favorise l’amélioration dans la trajectoire de développement et évite l’aggravation de la condition de la personne (Bélanger et Caron, 2018; voir Jacques, 2020).

    En ce qui concerne les troubles du spectre de l’autisme (TSA), Mélanie Couture souligne les divers niveaux de repérage des enfants à risque. Le premier niveau concerne la surveillance ou détection par les parents, les proches ou les professionnels qui ont des inquiétudes face au développement d’un enfant. Le deuxième niveau est le dépistage ciblé, suscitant une évaluation pour répondre aux inquiétudes concernant le développement d’un enfant. Le dépistage ciblé peut également se faire au niveau de la population avec des outils standardisés. Selon Mélanie Couture (2020) et Marie-Noelle Simard (2020), la nécessité de ce type de dépistage populationnel ne repose toutefois pas toujours sur des données probantes justifiant son utilisation. Enfin, le troisième niveau de repérage des enfants à risque est l’évaluation diagnostique, exigeant une batterie d’outils standardisés, combinée au jugement clinique d’une équipe multidisciplinaire.

    Bien que le diagnostic précoce soit souhaitable pour intervenir auprès de l’enfant, le plus rapidement possible, Mélanie Couture rappelle que celui-ci exige des tests validés et sécuritaires de même que des interventions accessibles et efficaces. En outre, la stabilité du diagnostic varie selon le niveau de risque identifié lors d’une première évaluation (Brian et coll., 2015; voir Couture 2020). Comme piste de réflexion, la chercheuse propose de mettre en place des « trajectoires d’évaluation diagnostique pour tous les groupes d’âge, en précisant les rôles et responsabilités de chacun ainsi que la disponibilité des acteurs impliqués, et ce, afin d’assurer l’accès aux services, dans un délai raisonnable ».

    Étant donné l’importance reconnue d’intervenir précocement auprès des enfants susceptibles de présenter des retards de développement, le

    gouvernement du Québec a lancé le programme Agir tôt.5 Ce projet repose sur le déploiement à l’échelle du Québec d’une plateforme informatique, lieu d’hébergement de questionnaires de dépistage remplis par les parents, permettant à des professionnels d’évaluer le profil développemental de l’enfant. Un rehaussement des services d’intervention précoce est également prévu, notamment en profitant de la vaccination de 18 mois pour observer l’évolution de l’enfant et l’orienter vers une évaluation plus poussée, au besoin. Dans cette perspective, la chercheuse Marie-Noelle Simard et son équipe ont conceptualisé et validé un outil de surveillance populationnelle, L’ABCdaire 18 mois+. Cet outil, un questionnaire rempli par l’infirmière lors de la vaccination de l’enfant, sera également logé sur la plateforme Agir tôt. Les parents des enfants qui présenteront des indices de risque à