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Voici, en vrac, sans tri ni modération, les souvenirs d’anciens élèves qui vécurent Mai 68 au lycée. Bonjour, J'étais effectivement en 3ème à Montesquieu en mai 1968, mais je n'ai pas suffisamment de souvenirs de cette époque pour écrire quelques lignes. L'une de mes préoccupations de cette époque était la préparation de mon premier examen : le BEPC. En fait, cela n'aurait pas du me tracasser car pratiquement tout le monde l'a obtenu compte tenu de la moyenne relativement basse qui avait été fixée comme seuil. Cependant, l'un de mes camarades ne l'a pas obtenu et le comble était que son père était professeur à Montesquieu. Voilà l'un de mes souvenirs de mai 1968 à Montesquieu. Cordialement Jean-Patrick GUIRAUD Bien sûr, quelques lignes au sujet de la révolution! Mon souvenir de gosse de cette époque: pour le bahut, j'étais en retraite de communion avec les aumôniers du côté des Glonnières. Nous étions partis en milieu de semaine, le lycée était chaud bouillant et à notre retour, le samedi, il était fermé et gardé par les CRS ! Je me rappelle bien des grands les Maths Sup, les Maths Spé, en AG, affrontant l'autorité...les surgés, le protal.... Ces quelques jours ont marqué ma vie. A la rentrée de septembre, foyer, jeux de société, la coopé à bonbons....plus rien ne sera plus jamais comme avant ! merci mon dieu ! pour nous, pour nos enfants ! En dehors du lycée, mes souvenirs, c'est ma famille, mon père (un peu mon vieux à la Daniel Guichard), mes oncles, tous Renault, l'usine qui gronde, les parents qui se soudent, "il ne faut pas lâcher !"," on crèvera debout !"... un vrai grand coup de gueule des opprimés contre leurs maîtres, j'en ai gardé des traces profondes; aujourd'hui je suis cadre (presque sup); je n'ai rien oublié, je pense à mes équipes. Voilà ces quelques lignes venues du cœur, non au libéralisme à tout crins, partageons les richesses. Carpe diem Denis VIOT J’étais en terminale dite « A ». Il me semble que le système alphabétique (terminales A, C, D) avait été inauguré cette année-là. J’étais interne et redoublant. L’année précédente (1966-1967), j’avais effectué dans le même lycée une année de philo qui m’avait fourni les armes intellectuelles pour penser ce Mai à venir. Ingurgiter à 17 ans le millier de pages de « L’Etre et le Néant » de Sartre puis enchaîner avec le Livre 1 du « Capital » de Marx, cela vous prédispose à embrasser l’idéal de la « Révolution » le jour où elle vient frapper à votre porte. Cette conversion du lycéen timide à la splendeur de l’Histoire, je la devais comme beaucoup d’autres à Jacques Atlan, un jeune professeur de philosophie, au charisme irrésistible, disciple d’Althusser, qui devint l’éphémère initiateur du maoïsme manceau. Mais en 1968, Atlan parti vers d’autres horizons n’était plus là pour savourer ce qu’il avait semé. Les hasards de la vie firent que 25 ans plus tard nos chemins se croisèrent. Je lui racontais à quel point il avait influencé toute une génération de jeunes Manceaux qui devinrent à cause de lui des acteurs de

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Voici, en vrac, sans tri ni modération, les souvenirs d’anciens élèves qui vécurent Mai 68 au lycée.

Bonjour,J'étais effectivement en 3ème à Montesquieu en mai 1968, mais je n'ai pas suffisamment de souvenirs de cette époque pour écrire quelques lignes.L'une de mes préoccupations de cette époque était la préparation de mon premier examen : le BEPC. En fait, cela n'aurait pas du me tracasser car pratiquement tout le monde l'a obtenu compte tenu de la moyenne relativement basse qui avait été fixée comme seuil. Cependant, l'un de mes camarades ne l'a pas obtenu et le comble était que son père était professeur à Montesquieu.Voilà l'un de mes souvenirs de mai 1968 à Montesquieu.CordialementJean-Patrick GUIRAUD

Bien sûr, quelques lignes au sujet de la révolution! Mon souvenir de gosse de cette époque: pour le bahut, j'étais en retraite de communion avec les aumôniers du côté des Glonnières. Nous étions partis en milieu de semaine, le lycée était chaud bouillant et à notre retour, le samedi, il était fermé et gardé par les CRS ! Je me rappelle bien des grands les Maths Sup, les Maths Spé, en AG, affrontant l'autorité...les surgés, le protal.... Ces quelques jours ont marqué ma vie. A la rentrée de septembre, foyer, jeux de société, la coopé à bonbons....plus rien ne sera plus jamais comme avant ! merci mon dieu ! pour nous, pour nos enfants !

En dehors du lycée, mes souvenirs, c'est ma famille, mon père (un peu mon vieux à la Daniel Guichard), mes oncles, tous Renault, l'usine qui gronde, les parents qui se soudent, "il ne faut pas lâcher !"," on crèvera debout !"... un vrai grand coup de gueule des opprimés contre leurs maîtres, j'en ai gardé des traces profondes; aujourd'hui je suis cadre (presque sup); je n'ai rien oublié, je pense à mes équipes.

Voilà ces quelques lignes venues du cœur, non au libéralisme à tout crins, partageons les richesses. Carpe diem

Denis VIOT

J’étais en terminale dite « A ». Il me semble que le système alphabétique (terminales A, C, D) avait été inauguré cette année-là. J’étais interne et redoublant. L’année précédente (1966-1967), j’avais effectué dans le même lycée une année de philo qui m’avait fourni les armes intellectuelles pour penser ce Mai à venir. Ingurgiter à 17 ans le millier de pages de « L’Etre et le Néant » de Sartre puis enchaîner avec le Livre 1 du « Capital » de Marx, cela vous prédispose à embrasser l’idéal de la « Révolution » le jour où elle vient frapper à votre porte. Cette conversion du lycéen timide à la splendeur de l’Histoire, je la devais comme beaucoup d’autres à Jacques Atlan, un jeune professeur de philosophie, au charisme irrésistible, disciple d’Althusser, qui devint l’éphémère initiateur du maoïsme manceau.Mais en 1968, Atlan parti vers d’autres horizons n’était plus là pour savourer ce qu’il avait semé. Les hasards de la vie firent que 25 ans plus tard nos chemins se croisèrent. Je lui racontais à quel point il avait influencé toute une génération de jeunes Manceaux qui devinrent à cause de lui des acteurs de

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premier plan dans l’agitation de Mai et des années suivantes. Il sembla tomber des nues. Il m’expliqua qu’en 1968, il était très loin de tout cela, ayant totalement tourné le dos au gauchisme au profit d’aventures à caractère disons spirituel. Du coup c’est moi qui tombait des nues : quoi ? pendant que ses « disciples » faisaient la Révolution, parfois en son nom, le « maître » se prélassait sur une planète coupée du cours de l’Histoire. Soudain, je le sentis inquiet, une question, les yeux dans les yeux : « Au moins, dites-moi, tous ces jeunes gens ont-ils à votre connaissance commis des violences ?» Je le rassurais. Je sentis alors les marques d’un profond soulagement sur le visage de l’ancien adepte de la « violence révolutionnaire ».

De Mai au lycée, j’ai gardé davantage le souvenir d’un état d’esprit, le souvenir de l’euphorie d’une révolte répondant magnifiquement à nos attentes, que la mémoire de faits précis. Tout se brouille dans la chaleur d’une fraternité nouvelle et inoubliable.Me reviennent toutefois en mémoire des défilés incessants dans la cour du lycée à partir de début mai, de hordes joyeuses et vociférantes. Des troupes venues de l’extérieur, interrompant brutalement les cours, avec notre complicité parfois tapageuse. Je me souviens de la certitude que nous nourrissions alors que le bac serait aboli cette année-là et peut-être éternellement.Devant les perturbations et le blocage de la vie de l’établissement, le lycée fut fermé (à quelle date, je l’ignore), et l’interne que j’étais renvoyé dans sa campagne se contentant de quelques retours au Mans à l’occasion des grandes manifs.Le bac comme vous le savez fut rétabli une fois le calme revenu. Mais l’examen se passait entièrement à l’oral (Mai, c’était la libération de la parole, n’est-ce pas). C’est pourquoi, en ce début juillet 1968, j’échouais honteusement car je n’aimais pas parler et que l’oral me faisait perdre tous mes moyens. Il me fallut travailler tout l’été 68 pour finalement finir par décrocher le fameux papier au rattrapage de septembre. Contrairement à ce que l’on dit, le bac 68 ne fut pas facile pour tout le monde. En privilégiant le bagout, il excluait les élèves qui réussissaient à l’écrit.De la tourmente de mai, j’ai conservé un trophée non autorisé : le cahier de texte de cette terminale A4-A5. Etant le seul interne, j’en étais le titulaire. Il est là devant moi avec sa couverture toilée verte. Je m’amuse, pour chaque matière, à cerner le moment d’expiration du programme. En français (M. Cardéra), cela s’arrête au 14 mai 1968 avec « Elévation » de Baudelaire. En histoire (M. Augier), le 17 mai avec une composition sur « Le régime stalinien de 1927 à 1953 ». Et en philosophie (M. Fromont) le 18 mai avec « La philosophie de l’histoire » !

GEOI

Quelques souvenirs de Mai 68 par Jean Jacques VARJACQUES

En 68 Je suis en Terminale C et assez éloigné de tout ce qui n’est pas école et football.

Arrive le Mouvement du 22 Mars à Nanterre auquel je m’intéresse un peu, mais pas trop.

Puis c’est le début de ce qu’on a appelé les Évènements. Brusquement le lycée est occupé. Le Comité d’Action Lycéen se met en place, dans lequel je me jette à corps perdu, sans la moindre formation politique, ni même une quelconque conscience politique. Je suis chargé de faire tous les matins une revue de presse, de la taper sur une vieille machine à écrire Underwood pour l’afficher à la porte de la Grande Perme.

Je me souviens de quelques manifs en ville et d’une en particulier : j’étais pour une fois en tête du cortège et en passant Place Roosevelt, devant le siège d’Ouest France, je ne vois pas les

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photographes en haut du bâtiment. Par contre le lendemain matin en lisant le journal, quelle ne fut pas la surprise de mon père en me découvrant en première page en tête de manif. Inutile de raconter en détail le savon qu’il m’a passé ce matin-là.

Une autre anecdote dont je me souviens concerne le Lycée Bellevue. Nous avions décidé à quelques-uns de faire une farce à la Directrice, très réactionnaire et qui (contrairement à M. Gilles, complètement dépassé par les évènements) essayait de lutter envers et contre tous : elle avait en effet fermé les grilles de Bellevue afin que nous ne puissions pas entraîner les élèves dans les manifs. Nous lui avons téléphoné en nous faisant passer pour des inspecteurs des Renseignements Généraux et nous lui avons dit que nous avions appris que des élèves de Montesquieu avaient l’intention d’effectuer une descente le soir même dans son Internat. Nous nous sommes cachés devant l’Internat et nous avons vu la Directrice passer la nuit, seule, devant la grille, afin de nous empêcher d’entrer.

Le résultat de toute cette agitation fut que j’ai loupé mon Bac en Juillet et que j’ai dû passer mes vacances à réviser. Alors, quand on dit que le Bac 68 a été donné………Une chose à remarquer également : on évolue tout au long de sa vie. En effet actuellement au lycée où j’enseigne, un de mes collègues faisait partie de l’UJP, le Mouvement des Jeunes Pompidoliens alors que moi je militais à gauche. A présent il est un fidèle de Chevènement et moi je suis devenu un vrai Libéral (et oui, les profs de droite : ça existe).

Jean-Jacques VARJACQUES

Eh oui j'ai vécu 68 à Montesquieu. C’est bien loin .J'étais dans mon petit monde révolutionnaire (que veux-tu à 16 ans) Je croyais vraiment à la révolution à cette époque. Maintenant avec du recul, je me dis qu'en fin compte je n'étais qu'un "môme" qui n'avait rien compris et qui ne voyait que des avantages : pas de cours… pas de profs… pas de pions… et les sorties avec les potes dans les manifs. Dommage j'étais trop jeune pour comprendre. Vois-tu je n'aurais sûrement pas la même attitude maintenant. Mais ce brassage a laissé des traces. J'étais "gosse", mais il est certain que c'est à cette époque que je me suis fait mes relations et mes idées...40 ans après nous sommes toujours une bande de potes ; je veux dire 8 couples qui se sont connu à ce moment là. A gauche ! Eh oui !! André BATAILLE

J'étais encore bien jeune en 68, en troisième, je n'ai donc pas vraiment participé aux mouvements de l'époque. Je me souviens par contre d'avoir profité de longues périodes sans cours, les après-midis souvent passés avec Antoine Ortoli qui était dans la même classe.Et l'année s'est terminée par un BEPC très cool, nous n'avions certes guère révisé. Je crois me souvenir qu'il y avait eu seulement un écrit et qu'il fallait avoir 8 de moyenne, à une exception près, toute la classe l'avait réussi !

Patrick BOURRU

J'ai connu Mai 68 à Montesquieu mais j'étais un peu jeune, j'étais en 6ème, et je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cette période si ce n'est que le directeur de l'époque, M. Gallais je crois, venait nous attendre à

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l'entrée, nous les petits, afin que nous puissions entrer sans problème dans la cour du lycée. Je ne me souviens pas trop du reste et il faut dire qu'à l'époque, j'étais plutôt intéressé pour jouer et m'amuser et non pas par ce qui se passait autour.Je n’ai pas souvenir de problèmes particuliers relatifs à cette période dans le lycée.Désolé de ne pouvoir en dire plus.

Bertrand POIRIER

J'étais effectivement au lycée en 68. Ce furent les plus longues vacances scolaires de ma vie. En effet, étant interne, j'ai passé une grande partie du mois de mai à jouer au foot dans la cour des marronniers. J'ai également fait ma communion solennelle à cette époque. La retraite de communion (dirigée par l'abbé RENARD) fut assez folklorique. Du haut de mes 12 ans, j'assistais assidûment aux assemblées générales tenues par les révolutionnaires de terminale et votais systématiquement pour la poursuite de la grève (et des matchs de foot). Je garde en souvenir la séquestration de Mansart (prof d'histoire géo) dans la salle de dessin. Mes parents, ayant malheureusement trop rapidement compris que mon niveau scolaire n'évoluerait que fort peu pendant le reste de l'année, jugèrent plus prudent de me rapatrier au Grand Lucé (ma ville d'origine) avant la fin des évènements!!!Ça m'a fait un bien fou d'évoquer ces quelques souvenirs. Nostalgie quand tu nous tiens...

Denis JANVIER

J'ai vécu mai 68 à Montes comme on disait. Cette période a coïncidé pour moi au basculement de l'enfance vers le monde des adultes, une période plutôt difficile qui m'a fait rater mes études. Heureusement je me suis rattrapé un peu plus tard.En 68, on voulait s'approprier le monde avec beaucoup d'utopies dans la tête. Je me méfiais de toute récupération politique (extrême gauche et conservatisme de droite). Je récusais la violence qui, à mes yeux, ne se justifiait pas (Elle annonçait "Action Directe" et "Les Brigades Rouges"). J'étais et suis toujours progressiste.Je me souviens qu'on écoutait la radio dans la salle d'études comme des résistants qui écoutaient Londres pendant la guerre! On se prenait au sérieux. Je garde un bon souvenir de M. Coulmeau et de Mme Ménard qui savaient nous faire réfléchir sur le sens des choses. Je n'ai pas oublié que Mme Ménard nous avait passé le film "Nuit et Brouillard" d'Alain Resnais qui ne figurait pas au programme. Les livres d'histoire de l'époque ne faisaient guère état de la Shoah. J 'ai été manifester à la préfecture, pacifiquement bien sûr. Je préférais Gandhi, Martin Luther King à Mao Tsé Toung ou Drieu La Rochelle! J'avais une sympathie vis à vis des dissidents communistes que je trouvais courageux. Je lisais Anne Frank ou Christine Arnoty ("J'ai 15 ans et je ne veux pas mourir"). Je souhaitais des dialogues qui n'existaient pas entre le monde des adultes à la bonne conscience et nous, qui voulions exister et être reconnus.J'ai pris du recul aujourd'hui (l'âge bien sûr). J'ai toujours été très indépendant et méfiant des apparentes généreuses idées à la mode. Aujourd'hui, je fréquente les milieux artistiques (musiques et danses traditionnelles). J'adore la sensibilité qui s'en dégage. Les anciens chantaient en travaillant pour se donner du courage et créer un tissu social solidaire avec leurs

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compagnons. C'est quelque chose que notre société prétentieuse et normative a perdu.En espérant de n'avoir pas été trop ennuyeux.

Jacques THIÉBAULT.

Mai 68 à Montes

Début mai, les 8 et 9, je suis à Guingamp pour faire mes trois jours car mon année scolaire a été catastrophique et j'ai décidé de devancer l'appel avant de chercher du boulot.

Je rentre au Mans le 10 mai.

Ce soir là à la télé on voit Cohn-Bendit, Geismar et Sauvageot, invités à expliquer le mouvement étudiant face au ministre Peyrefitte. Tout à coup le petit train interlude remplace le débat.

J'ai toujours eu l'impression que cette coupure télé avait été le déclic des évènements de Mai.

Le 11, retour au bahut, un dernier cours (je ne me rappelle plus par quel prof) sur les cause de la guerre au Vietnam. Juste après dans la cour des marronniers en sortant, à plusieurs on décide qu'on veut faire quelque chose, sans trop savoir quoi.

Et donc l'après-midi on va à 3 ou 4 vers un groupe trotskiste de la JCR ayant pris contact avec des lycéens et qui a du matos pour tirer des tracts. Ils ont peut-être des idées pour savoir comment amener les lycéens à participer à la manif du 13 mai.

Un tract est rédigé, plutôt maladroit avec de vagues revendications lycéennes. Il y a même du tirage lorsque les étudiants de la JCR nous obligent à revendiquer l'éducation sexuelle obligatoire pour les garçons comme pour les filles.

Le 13, distribution des tracts, on n'est pas très chauds, c'est la première fois qu'on fait ça. Pour qu'il y ait moins d'implication, les lycéens ne distribuent pas dans leur propre lycée. Moi je distribuais à Berthelot. J'ai faillis me faire assommer par un prof avec sa serviette, et pourtant ça n'a pas duré un quart d'heure.

Après-midi manif et réunion au kiosque à musique des Jacobins, défilé des lycéens de montes seuls jusqu'à la place Washington. Des militants du PC nous traitent de petits- bourgeois, certains adultes nous traitent de bébés. Défilé, slogans connus, mais je me souviens du gag de celui « de Gaulle, Franco, Salazar » qui devient « de Gaulle, Franco à St Lazare »

Les deux jours qui suivent on cherche à se réunir d'abord deux soirs de suite chez un lycéen, pour rédiger un deuxième tract avec nos vraies revendications et non pas celles des étudiants ou de groupes politiques. Mais à plus de 25 dans une chambre de lycéen c'est pas la joie. On essaye le kiosque à musique des jacobins. Les étudiants de Vaurouzé trouvent que c'est trop ouvert et donc trop facile pour les flics de nous surveiller.

Le lycée, lui est toujours ouvert, on décide de s'y rendre. Les plus vieux de Lettres Sup et d'Agro décident de prendre la chapelle comme les révolutionnaires de 89. Un tribun monte à la chaire de la chapelle et entame la lecture d'un texte intitulé « Nous sommes tous des aliénés.... » on n'a pas vraiment entendu la suite car M. Mansart et d'autres profs sont venus faire le coup de poing pour nous vider. Seul M. Mancini tente de calmer le jeu.

Tout le monde est viré du lycée. Le protal et le censeur ferment les grilles.

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Aussitôt des étudiants et des lycéens passent par la Fac de droit et le petit lycée. On voit des drapeaux rouges dans la cours des marronniers. Des lycéens de droite et d'extrême-droite réunis devant l'entrée s'en aperçoivent et décident de rentrer en escaladant les grilles mais Parizot s'empale sur les grilles, cris , ambulances , début de bagarre. Afin qu'il n'y ait plus d'accidents ou même d'incidents le proviseur accepte de donner la salle de la grande perm aux lycéens pour leur réunions et la rédaction de leurs revendications.

Les étudiants ont eu le même problème pour trouver une salle de réunion. Après avoir tenté d'investir la maison sociale, ils se sont aperçu qu'elle n'avait qu'une seule sortie place d'Arcole et que, de l'étage où se trouvaient des dizaines de petites salles, on entendait tout ce qui se passait dans la grande salle. Ils se rabattent le lendemain sur l'AGEM1, qui donne sur 2 rues et d'où l'on peut aussi sortir sur une troisième par la maison des jeunes.

A partir du 17 mai, je passe mes journées entre le bahut dans la journée et l'AGEM1 dans la soirée. C'est là que se passeront la plupart des événements étudiants du Mans : par exemple, l'arrivée des maoïstes alors que c'est la JCR qui contrôle l'AGEM ou la venue de membres de « Voix Ouvrière » , eux par contre très bien reçus. Un peu comme des ancêtres. Ce sont des débats à n'en plus finir sur tout et n'importe quoi. C'est une liberté sexuelle à peu près totale pour les étudiants qui tissent des liens sentimentaux dans les étages. Mais petit à petit une parano s'installe et certains commencent à noter les numéros d'immatriculations des voitures qui passent dans les rues avoisinantes. Ils font des tours de garde sur le toit et cherchent même des armes. Cela n'empêche pas les débats de continuer, les utopies de s'élaborer. Marzorati veut créer un ''mouvement 72'' qui serait une section locale du mouvement dont il est membre, « citoyens du monde ». Un débat a lieu avec des dirigeants du PC.

Une soirée spectacle est organisée devant les usines Renault où lycéens et étudiants tentent de fraterniser avec les jeunes travailleurs. On y lit des poèmes de Prévert, on y reprend les chansons des luttes ouvrières. Mais les jeunes travailleurs restent à l'intérieur de l'usine, contrôlée par la CGT.

Après la manif pour de Gaulle c'est presque la fin, les manifs et les rassemblements en dehors de lieux fermés comme Charletty, sont interdits à partir du 27 mai. Une des seules manifs de rue en France le 28 mai fut celle des lycéens du Mans. Elle part du Lycée Montesquieu jusqu'à la préfecture en passant par la rue Dumas où un chauffeur de bus qui vient de reprendre le travail nous insulte. On est 300 environ encadrés par quelques étudiants anars et un ou deux profs. Place de la préfecture sit-in, le préfet en personne en tant que père de famille vient nous demander de rentrer chez nos parents, qu'il serait désolé de lancer les CRS contre des lycéens, etc.

On se sépare, contents et déçus à la fois. Le lendemain, les journaux Ouest France et Le Maine libre qui viennent de reparaître, nous affichent en première page.

Mon père qui voit ma binette parmi les manifestants ne veut plus me laisser sortir. Ce qui ne m'empêche pas de continuer d'aller voir ce qui se passe au bahut.

Début juin on rentre, je passe par la salle de la grande perm, odeur de bataille de craie, quelques tracts épars sur une table que je récupère tandis que des camarades à l'esprit plus mercantile se ruent sur les affichent en disant que ça vaudra sûrement cher dans quelque temps.

Dans ces tracts que j'ai récupérés, rien pratiquement sur des revendications particulières à Montesquieu sauf sur le port de la blouse par les internes et l'envie d'avoir un foyer pour se réunir ailleurs que dans la salle de la grande permanence.

Les premiers cours sont assez pesants, seul monsieur Mancini et Madame Ménard nous montrent avec un certain humour cette reprise qui ne dure que quelques jours, comme un avant goût des vacances. Le BAC est reporté à septembre et quelques lycéens de première et de seconde vont s'inscrire à l'inspection académique pour le passer en espérant que celui-ci sera très facile.

Joël SOURON

1 Association générale des étudiants du Mans, située rue Pasteur.

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Voici quelques documents, photos de journaux ou copies de tracts.

Meeting de lycéensRue Gambetta, 28 mai 1968

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