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Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011 1 THEME 1 LA VISITE DE PRE-REPRISE ET LA VISITE DE REPRISE

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THEME 1

LA VISITE DE PRE-REPRISE ET LA VISITE DE REPRISE

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Sommaire

La visite de pré-reprise et la visite de reprise ................................ p. 4

- Visite de reprise et visite de pré-reprise : qualification .................................. p. 4 4

- Terme de la suspension du contrat de travail ............................................... p. 9

- Visite de reprise et obligation de sécurité de résultat de l’employeur ........... p. 14

- Défaut de visite de reprise ............................................................................ p. 18

- Initiative de la visite de reprise ...................................................................... p. 20

- Qualification de la visite de reprise ............................................................... p. 27

- Situation du salarié entre la fin de l’arrêt de travail et la visite de reprise ..... p. 45

- Visite de reprise et invalidité ......................................................................... p. 47

- Faute grave et absence du salarié à la visite de reprise ............................... p. 54

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LA VISITE DE PRE-REPRISE

En vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires, lorsqu'une modification

de l'aptitude au travail est prévisible, un examen médical de pré-reprise préalable à la reprise du travail peut être sollicité à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, préalablement à la reprise du travail. L'avis du médecin du travail est sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l'activité professionnelle (C. trav., art. R. 4621-23).

LA VISITE DE REPRISE

Quand ?

Aux termes de l’article R. 4624-21 nouveau du Code du travail, « le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;

4° Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;

5° En cas d'absences répétées pour raisons de santé ». Objet ?

L'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours (C. trav., art. R. 4621-22).

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LA VISITE DE REPRISE

VISITE DE REPRISE ET VISITE DE PRE-REPRISE : QUALIFICATION

Source : IM du CISME, n° 15 - Décembre 2005 Cass. soc., 2 nov 2005 - n° 03-45.446 La distinction entre une visite de reprise et une visite de pré-reprise est essentielle, tant pour le salarié que pour l’employeur. Rappelons au préalable que l’article R. 241-51 du Code du travail prévoit que : « Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail après une absence pour cause de maladie professionnelle, après un congé de maternité, après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail, après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel et en cas d'absences répétées pour raisons de santé. Cet examen a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l’intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen doit avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours. Cependant, à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail est prévisible, un examen peut être sollicité préalablement à la reprise du travail, en vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires. L'avis du médecin du travail devra être sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l'activité professionnelle. Le médecin du travail doit être informé de tout arrêt de travail d'une durée inférieure à huit jours pour cause d'accident du travail afin de pouvoir apprécier, notamment, l'opportunité d'un nouvel examen médical. » La distinction entre la visite de reprise et la visite de pré-reprise est fondamentale pour l’employeur dans la mesure où la Cour de cassation, de jurisprudence constante, considère que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail (Cass. soc., 22 mars 1989, Bull. civ. V n° 235). En d’autres termes, si l’employeur se fonde sur un avis émis par le Médecin du travail lors d’une visite dite de pré-reprise pour rompre le contrat de travail, le licenciement qui peut s’en suivre sera considéré comme étant prononcé pendant une période de suspension du contrat de travail. Il est donc impératif que ne subsiste aucune ambiguïté sur la nature de la visite à laquelle est soumis le salarié. L’un des critères permettant de distinguer les deux repose sur la partie qui est à l’initiative de la visite. Aux termes de l’article R. 241-51 alinéa 4, le salarié peut prendre l’initiative de la visite de pré-reprise. Une telle faculté n’est pas prévue par les textes s’agissant de la visite de reprise.

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Cependant, la Cour de cassation admet que, dans certains cas, le salarié également prendre l’initiative de la visite de reprise…

Elle a rendu, souvenez-vous, des arrêts très importants sur ce point le 19 janvier 2005 (voir IM - Janv.-Févr.-Mars 2005).

Il ressortait de ces derniers que l’intention du médecin du travail primait. Etait qualifiée de visite de reprise la visite à la suite de laquelle le médecin s’est prononcé « en vue de la reprise ».

Rappelons également que, dans l’une des affaires concernées, le salarié avait pu lui-même prendre l’initiative de la visite de reprise, bien qu’en arrêt de travail, dans la mesure où il en avait informé l’employeur.

Dans l’arrêt rendu le 2 novembre dernier par la Cour de cassation, un salarié, en arrêt de travail depuis plus de deux ans, saisit lui-même le médecin du travail qui le déclare « inapte à son emploi ».

Le salarié saisit ensuite la formation de référé du Conseil de prud’hommes d’une demande de provision sur rappel de salaire.

L’employeur n’a, en effet, pas procédé au licenciement pour inaptitude suite à cet avis, estimant la procédure suivie non valable.

La cour d’appel fait droit à la demande du salarié. « Pour accueillir cette demande, l’arrêt, qui relève que l’article R. 241-51 du Code du travail permettant au salarié, préalablement à la reprise du travail, de prendre l’initiative d’un examen lorsqu’une modification de l’aptitude au travail est prévisible, M. X a pu prendre cette initiative, retient le fait que celui-ci était, dans le même temps, resté en arrêt de travail, ne dispensait pas l’employeur, à réception du certificat d’inaptitude, de suivre la procédure de double examen prévue par l’arti- cle R. 241-51-1 de ce Code ».

Mais la Cour de cassation censure les juges du fond et affirme « qu’en statuant ainsi alors que l’avis donné par le médecin du travail, préalablement à la reprise du travail, dans le cadre des dispositions de l’alinéa 4 de l’article R. 241-51 du Code du travail n’implique pas pour l’employeur de saisir ce médecin aux fins d’effectuer les examens de reprise visés à l’article R. 241-51-1 de ce Code ».

Il semblerait qu’en l’espèce, le salarié n’ait pas informé l’employeur de son initiative. Or, cette procédure est essentielle pour qualifier la visite de reprise.

La Cour de cassation considère qu’il s’agissait bien, en l’occurrence, d’une visite de pré-reprise.

De même, les faits ne nous permettent pas de connaître l’intention exacte du médecin concerné : avait-il prévu de revoir le salarié quinze jours plus tard ? Pourquoi a-t-il rendu un « avis » d’inaptitude ?

Quoi qu’il en soit, une seule visite a eu lieu en l’espèce. Il est certain qu’en dehors de la situation du danger immédiat prévue par l’article R. 241-51-1 du Code du travail, le licen-ciement fondé sur la reconnaissance d’une inaptitude au terme d’une seule visite est nul.

La distinction entre visite de pré-reprise et visite de reprise parait toujours, au final, assez difficile.

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Source : IM du CISME, n° 50 – Janvier 2010 Cass. soc., 2 déc. 2009 - n° 08-40.890 Depuis quelques années, la jurisprudence sur la visite de reprise ne cesse de se complexifier. Dans le même temps, la Cour de cassation nous rassure en rappelant les principes qu’elle a affirmé à plusieurs reprises sur la qualification de la visite de reprise. Dans l’arrêt du 2 décembre 2009, une salariée en arrêt pour cause de maladie du 18 mars au 18 mai 2005, a bénéficié le 19 avril 2005, à son initiative, d’un examen médical intitulé « visite de pré-reprise », à l'issue duquel le médecin du travail a décidé qu'une inaptitude au poste précédemment occupé devait être envisagée. Le 19 mai 2005, à l’issue de son arrêt de travail, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude au poste précédemment occupé au terme d'une visite intitulée « reprise après maladie et deuxième visite d'inaptitude ». Le 15 juin 2005, l’employeur a procédé à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. La salariée a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement. Conformément à la décision des juges d’appel, la chambre sociale de la Cour de cassation considère que « seul l'examen pratiqué par le médecin du travail dont doit bénéficier le salarié à l'issue des périodes de suspension lors de la reprise du travail, en application de l'article R. 241-51, alinéas 1 à 3, devenu R. 4624-21 et R. 4624-22 du Code du travail, met fin à la période de suspension du contrat de travail ; que si l'article R. 241-51, alinéa 4, devenu R. 4624-23 du Code du travail, prévoit la consultation du médecin du travail préalablement à la reprise du travail, dans le but de faciliter la recherche des mesures nécessaires lorsqu'une modification de l'aptitude de l'intéressé est prévisible, cette visite ne constitue pas la visite de reprise qui seule met fin à la période de suspension du contrat de travail et ne dispense pas l'employeur de l'examen imposé par ce texte lors de la reprise effective par le salarié de son activité professionnelle ». En conséquence, la Cour de cassation considère que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en constatant :

- d'une part, que le certificat médical établi le 19 avril 2005 par le médecin du travail, intitulé « visite de pré-reprise à l'initiative du salarié » n'avait pas été délivré en vue de la reprise du travail et se bornait à envisager une inaptitude physique ;

- et d’autre part, que la visite à l'issue de laquelle un certificat de « reprise après maladie » avait été établi le 19 mai 2005, déclarant la salariée inapte, constituait le premier terme du double examen médical requis par le texte susvisé, ce dont il résultait qu'en l'absence de seconde visite médicale, le licenciement prononcé était nul.

En d’autres termes, la visite qui s’est déroulée pendant l’arrêt de travail de la salariée à l’initiative de cette dernière ne constituait pas une visite de reprise, mais une visite de pré-reprise. Pour affirmer cela, la Cour de cassation se base, notamment, sur l’intention du médecin du travail, en précisant que l’avis n’avait pas été délivré en vue de la reprise du travail et se bornait à envisager une inaptitude. En outre, cet avis était intitulé « visite de pré-reprise à l’initiative du salarié ».

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Cette décision nous conduit à vous rappeler qu’il est important de bien distinguer la visite de pré-reprise de la visite de reprise, les deux pouvant être demandées par le salarié pendant son arrêt de travail. Rappelons que la visite de pré-reprise, qui peut être demandée par le salarié, le médecin-conseil de la sécurité sociale et le médecin traitant, a pour objet de faciliter la recherche des mesures nécessaires lorsqu'une modification de l'aptitude de l'intéressé est prévisible (C. trav., art. R. 4624-23). La visite de reprise, quant à elle, a pour objet d’apprécier l’aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi. Elle doit, en principe, être organisée par l’employeur. Cependant, la Cour de cassation autorise le salarié à prendre l’initiative de la visite de reprise pendant son arrêt de travail à la condition qu’il en informe par écrit son employeur au préalable. En outre, la visite de reprise, contrairement à la visite de pré-reprise, a pour effet de mettre fin à la suspension du contrat de travail du salarié. Rappelons que pour qualifier une visite de « visite de reprise », les juges tiennent compte de plusieurs éléments : qui a pris l’initiative de la visite ? Le médecin du travail s’est-il prononcé en vue de la reprise ? A-t-il coché la case « visite de reprise » ?... Autant d’éléments permettant de distinguer la visite de reprise de la visite de pré-reprise. En l’espèce, le médecin du travail a entamé une procédure d’inaptitude dans le cadre de la visite de pré-reprise. Or, cette dernière ne mettant pas fin à la suspension du contrat de travail et n’ayant pas pour objet d’apprécier l’aptitude du salarié au poste de travail, ne pouvait être considérée comme une première visite d’inaptitude. Le médecin du travail ayant considéré la visite de préreprise comme une visite de reprise, l’inaptitude du salarié n’a pas été prononcée en deux examens espacés de deux semaines comme l’exige le Code du travail (C. trav., art. R. 4624-31). L’absence de la seconde visite a donc logiquement conduit les juges à annuler le licenciement prononcé par l’employeur dans le prolongement de la position que la Cour de cassation a toujours adoptée. Le préjudice pour l’employeur est donc de taille. L’annulation du licenciement donne droit au salarié de réintégrer l’entreprise ou de percevoir des dommages et intérêts.

Source : IM du CISME, n° 58 – Octobre 2010 Cass. soc., 5 oct. 2010 – n° 09-40.913 ; Cass. soc., 5 oct. 2010 – n° 09-41-642 Cass. soc., 6 oct. 2010 – n° 09-66.140 Trois arrêts sur le non-respect des visites médicales obligatoires retiennent notre attention. Ce que l’on peut retenir, c’est que l’absence d’organisation des visites médicales obligatoires peut coûter cher à l’employeur, alors même que les SIST ne sont pas en capacité de répondre aux obligations réglementaires du fait, notamment, de la pénurie des ressources médicales.

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Absence de visite d’embauche Il arrive fréquemment que le médecin du travail, lors d’une visite périodique par exemple, découvre que la visite d’embauche n’a jamais été faite. Il en découle selon la décision que vient de publier la Cour de cassation un préjudice pour le salarié. Même si, en l’espèce, on ne sait pas si l’absence de visite d’embauche est due à la carence du SIST ou à celle de l’employeur, c’est la responsabilité de celui-ci qui est engagée par le salarié, charge à l’employeur de se retourner, le cas échéant, contre le SIST s’il s’avère que c’est lui qui a été défaillant. En tout état de cause, il est jugé que le manquement de l’employeur à son obligation de faire passer une visite médicale d’embauche cause nécessairement au salarié un préjudice ouvrant droit à des dommages-intérêts (Cass. soc., 5 oct. 2010, n° 09-40.913). Rappelons que «Tout salarié doit faire l’objet d’un examen médical avant son embauche ou au plus tard, avant l’expiration de la période d’essai » (C. trav., art. R. 4624-10). La chambre sociale rappelle que l’employeur, tenu par une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l’effectivité. Ceci est tout à fait cohérent avec le fait que l’employeur qui n’a pas soumis le salarié recruté à une visite médicale d’embauche engage sa responsabilité pénale en cas d’accident du travail (Cass. crim., 24 nov. 1998, n° 98-83.247). L’obligation de sécurité de résultat vaut également pour l’organisation de la visite de reprise. La Cour de cassation l’affirme encore récemment dans deux arrêts (Cass. soc., 6 oct. 2010, n° 09-66.140 ; Cass. soc., 5 oct. 2010, n° 09-41.642).

Absence de visite de reprise Dans le premier arrêt du 5 octobre dernier (n° 09-41.642), un salarié a été en arrêt de travail pour maladie du 3 au 30 janvier 2005, puis du 30 août au 25 septembre 2005. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 13 avril 2005, d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes et a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le 14 octobre 2005. La Cour d’appel saisie de l’affaire considère, contrairement à la Cour de cassation, que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission, au motif, que s’il n'est pas contesté qu'à la date de la prise d'acte, l'association CASC d'Argenteuil n'avait pas fait procéder à la visite de reprise après l’arrêt maladie qui a pris fin le 26 septembre 2005, ce simple fait ne justifie pas la prise d'acte par l'intéressée de la rupture de son contrat de travail, alors que celle-ci n'a formé, avant cette prise d'acte, aucune demande à son employeur concernant sa visite de reprise et ne s'est donc pas exposée à un refus de la part de ce dernier. La chambre sociale, en réaffirmant que l'initiative de la visite de reprise appartient norma-lement à l'employeur, dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé, donne raison au salarié. Ainsi, même si le salarié peut demander lui-même une visite de reprise il ne peut lui être reproché de ne pas l’avoir sollicitée dans la mesure où l’organisation de la visite de reprise pèse initialement sur l’employeur.

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Dans le second arrêt (Cass. soc., 6 oct. 2010, n° 09-66.140), les faits sont similaires : un salarié en arrêt de travail pour maladie du 22 septembre au 24 octobre 2004 a repris son emploi le 25 octobre 2004 avant d'être à nouveau en arrêt de travail à compter du 2 novem-bre 2004. Par lettre du 18 novembre 2004, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur au motif, notamment, de l'absence de visite médicale de reprise. Cette fois-ci, les juges d’appel et les Hauts Magistrats s’entendent sur l’analyse des faits en précisant que la salariée avait repris son travail sans bénéficier d'une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours et sans que l'employeur ait allégué avoir pris l'initiative de faire passer une visite médicale dans le même délai et qu’en conséquence la Cour d’appel a valablement décidé que celui-ci avait commis un manquement suffisamment grave pour justifier la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail. Ainsi, tout salarié doit bénéficier d’une visite de reprise auprès du médecin du travail après une absence d’au moins 21 jours pour cause de maladie (C. trav., art. R. 4624-21). Cette visite doit avoir lieu dans les 8 jours (C. trav., art. R. 4624-22). C’est à l’employeur d’en prendre l’initiative dès lors que le salarié se tient à sa disposition pour qu’il y soit procédé (Cass. soc., 5 oct. 2010, n° 09-41.642 ; Cass. soc., 28 juin 2006, n° 04-47.746). Il est intéressant de remarquer que la Cour de cassation précise que l’employeur a l’obli-gation de prendre l’initiative de la visite de reprise dans le délai de 8 jours, ce qui peut laisser penser qu’il n’a pas l’obligation de l’organiser dans ce même délai, alors même que l’article du Code du travail prévoit que ladite visite doit avoir lieu « au plus tard dans un délai de 8 jours ». Cette précision donnerait donc une bouffée d’air aux SIST sur l’organisation des visites de reprise, même si on sait que la situation du salarié entre la fin de son arrêt de travail et la visite de reprise est délicate et qu’il n’est pas souhaitable de prolonger cette situation. Quoi qu’il en soit, le non-respect des visites médicales obligatoires entraîne nécessairement une condamnation de l’employeur, la santé et la sécurité des salariés au travail conduisant la Cour de cassation à être de plus en plus intransigeante et à appliquer la réglementation à la lettre là où elle est aujourd’hui inapplicable dans les faits.

TERME DE LA SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Source : IM du CISME, n° 11 - Janvier-Février-Mars 2005 Cass. soc., 19 janv. 2005 - n° 03-41.479 et n° 03-41.904 La Cour de cassation, à l’occasion de la salve d’arrêts rendue en matière d’inaptitude au poste de travail, confirme sa jurisprudence relative à l’événement caractérisant la fin de la période de suspension du contrat de travail. Rappelons au préalable que l’article R. 241-51 du Code du travail prévoit que : « Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail après une absence pour cause de maladie professionnelle, après un congé de maternité, après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail, après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel et en cas d'absences répétées pour raisons de santé.

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Cet examen a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l’intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen doit avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours. Cependant, à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail est prévisible, un examen peut être sollicité préalablement à la reprise du tra-vail, en vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires. L'avis du médecin du travail devra être sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l'activité profes-sionnelle. Le médecin du travail doit être informé de tout arrêt de travail d'une durée inférieure à huit jours pour cause d'accident du travail afin de pouvoir apprécier, notamment, l'opportunité d'un nouvel examen médical. » Aux termes de cet article, il apparaît qu’il faut distinguer deux types de visites : 1. La visite de reprise ; 2. La visite de pré-reprise, mentionnée au quatrième alinéa. La distinction entre les deux est fondamentale pour l’employeur dans la mesure où la Cour de cassation, de jurisprudence constante, considère que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail (Cass. soc., 22 mars 1989, Bull. civ. V n° 235). En d’autres termes, si l’employeur se fonde sur un avis émis par le médecin du travail lors d’une visite dite de pré-reprise pour rompre le contrat de travail, le licenciement qui peut s’en suivre sera considéré comme étant prononcé pendant une période de suspension du contrat de travail. Il est donc impératif que ne subsiste aucune ambiguïté sur la nature de la visite à laquelle est soumis le salarié. Force est de constater cependant que l’employeur peut se trouver dans une position très inconfortable, ne sachant pas comment qualifier une visite, depuis un arrêt du 6 avril 1999 (Cass. soc., 6 avr. 1999, n° 96-45.056). Pour mémoire, rappelons qu’en l’espèce, un salarié avait cru pouvoir dire que son licenciement était survenu pendant une période de suspension du contrat de travail alors même qu’il avait subi deux visites en vue de la reprise du travail, du seul fait de l’envoi de prolongations. Mais la Cour de cassation avait rejeté cette argumentation en énonçant que « la cour d’appel a constaté que les avis du médecin du travail avaient été délivrés en vue de la reprise du travail par le salarié et l’avaient déclaré inapte, ce dont il résultait que la période de suspension du contrat de travail avait pris fin, peu important à cet égard que le salarié ait continué à bénéficier d’un arrêt de travail de son médecin traitant. » Cette position vient d’être confirmée par deux arrêts du 19 janvier 2005. Dans la première espèce, une salariée était en arrêt de travail pour maladie depuis le 30 août 1999. Par avis des 25 avril et 9 mai 2000, le médecin du travail l’a déclarée inapte définitivement à son poste de travail. L’employeur, contestant la qualification de visite médicale de reprise, refusa de reprendre le versement des salaires à l’expiration du délai d’un mois suivant le jour de la seconde visite précitée ou de procéder au licenciement de la salariée, qui a donc saisi la juridiction prud’homale au mois d’octobre suivant.

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Au mois de février 2001, l’employeur, estimant toujours le contrat suspendu jusqu’alors, convoqua la salariée devant la médecine du travail en vue de la reprise, puis la licencia pour absence injustifiée et refus de se présenter auprès des Services de Médecine du Travail par la suite. Dans les moyens invoqués au pourvoi, l’employeur soutient notamment que la salariée lui avait notifié des avis de prolongation d’arrêt de travail de son médecin traitant sans discontinuer jusqu’au 28 février 2001.

Mais la Haute juridiction confirme très nettement sa position dans un attendu de principe : « mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que les visites pratiquées l’avaient été eu égard au poste de travail actuel de la salariée espacées de deux semaines (…), a pu en déduire que l’intervention du médecin du travail s’était inscrite en vue d’une reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1 à 3 de l’article R. 241 51 de ce Code, peu important l’envoi par la salariée de prolongation d’arrêts maladie de son médecin traitant. »

Dans la seconde espèce, un salarié était en arrêt de travail pour maladie depuis le 14 août 1999. A sa demande, le médecin du travail l’a examiné lors de deux visites des 6 et 20 mars 2000, et l’a déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise. Le 27 novembre suivant, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour voir constater la rupture du contrat de travail à la charge de l’employeur.

La Cour d’appel a débouté le salarié en retenant que l’avis du médecin avait été délivré pendant une période de suspension du contrat de travail puisque le salarié ne rapportait pas la preuve d’une reprise effective et qu’il avait continué à adresser à son employeur sans discontinuer des avis de prolongation de son médecin traitant.

Dans un nouvel attendu dont les termes sont sensiblement identiques à ceux de l’arrêt précité, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond.

Elle considère qu’il est possible que le salarié prenne l’initiative de l’examen médical de reprise s’il en informe l’employeur, et confirme à nouveau une de ses positions antérieures (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912). Cette solution engendre une certaine insécurité juridique pour l’employeur, sur lequel pèse l’obligation de soumettre les salariés aux examens prévus par l’article R. 241-51 du Code du travail. Cet article n’évoque pas expressément la possibilité offerte au salarié de prendre l’initiative de la visite de reprise après une période de suspension du contrat de travail. L’alinéa quatre prévoit bien une telle faculté, mais précisément pour un examen de préreprise ! Il apparaît donc illogique, d’un point de vue juridique, de considérer que le salarié puisse être à l’origine de l’examen médical de reprise, d’autant que la responsabilité de l’employeur peut être engagée en cas de carence sur ce point. Le salarié ne devrait donc pouvoir qu’inviter l’employeur à remplir ses obligations dans un premier temps au moins. L’étude de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 31 janvier 2003 est très importante sur ce point. Il s’agit de la première espèce à laquelle il est fait référence dans le présent commentaire. Les juges du fond ont censuré l’employeur qui croyait le contrat de travail de la salariée toujours suspendu du fait de l’envoi d’avis de prolongation d’arrêts de travail, en indiquant qu’ « une visite de reprise peut être sollicitée par le salarié.

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(…) Que l’employeur était avisé des démarches de la salariée comme le révèle le visa de l’article R. 241-57 du Code sur les deux avis des 25 avril et 9 mai 2000 et de l’inaptitude effective de la salariée dès réception du second avis ». L’article R. 241-57 précité prévoit l’obligation pour le médecin du travail d’établir une fiche d’aptitude en double exemplaire à l’issue des examens médicaux. Les juges du fond déduisent donc, de ce seul fait, que l’employeur ne peut prétendre ne pas être informé de l’intention du salarié de prendre l’initiative d’une visite de reprise…. Mais ces avis sont précisément émis une fois les visites effectuées ! La Haute juridiction considère en outre qu’il faut se positionner par rapport à l’intention qui doit ressortir nettement de l’avis émis et duquel il doit apparaître que l’examen a été passé « en vue de la reprise ». Ce qui, précisément, peut poser problème : qui doit avoir cette intention ? L’intention du salarié paraît contradictoire : a-t-il réellement entendu passé une visite en vue de la reprise du travail, ou pour qu’il soit statué définitivement sur le sort de son contrat de travail ? A-t-il envoyé des avis de prolongations d’arrêts de travail pour courtcircuiter les effets de la procédure en cours, ou pour s’assurer un minimum de revenus ? Si cette dernière hypothèse reflète son intention, il aurait sans doute été plus simple qu’il attende le lendemain du jour de la première visite pour obtenir un nouvel arrêt de travail, et non un avis de prolongation, et ce jusqu’à la veille du jour du second examen médical. Aucun des deux examens n’aurait alors été passé en période de suspension du contrat. Il semblerait que le médecin du travail lui-même doit entendre se placer dans le cadre d’une visite de reprise, par exemple en convoquant le salarié à un second examen dans un délai de quinze jours. L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 31 janvier 2003 nous éclaire une nouvelle fois sur l’appréciation donnée à l’intention des parties. En effet, les juges du fond relèvent que « en l’espèce, contrairement à ce que prévoit l’alinéa 4 de l’article R. 241-51 du Code du Travail sur la pré-reprise qui dispose seulement que l’avis du médecin doit être sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l’activité professionnelle, les visites pratiquées l’ont été eu égard « au poste de travail actuel » de l’intéressé, et non pas en vue de faciliter des mesures nécessaires en cas de prévisible inaptitude du salarié au sens de l’alinéa 4 précité, et espacées de deux semaines conformément aux dispositions de l’arti- cle R. 241-51-1 du code ; que l’intervention du médecin s’est donc bien inscrite alors en vue de la reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1 et 3 de l’arti-cle R. 241-51 du code, peu important l’envoi d’arrêts maladie ». Il ressort de cet arrêt que l’intention du médecin du travail dans une procédure doit faire l’objet d’un examen au cas par cas. L’employeur doit bien entendu être tenu informé de l’ensemble de cette procédure, et peut également demander toute précision utile au médecin du travail qui doit lui apporter des conseils. Nous conseillons donc à l’ensemble des médecins du travail d’être très précis quant à la nature de la visite en cause lorsqu’ils rédigent un avis et apprécient l’aptitude d’un salarié à son poste de travail.

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Source : IM du CISME, n° 46 – Septembre 2009 Cass. soc., 16 juin 2009 - n° 08-41.519 « L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité. Il ne peut dès lors, laisser un salarié reprendre son travail après une succession d'arrêts de travail pour maladie ni lui proposer une mutation géographique sans lui avoir fait passer une visite de reprise auprès du médecin du travail afin de s'assurer de son aptitude à l'emploi envisagé ». Dans la présente affaire, un contrôleur de gestion, fréquemment absent pour raisons de santé, bénéficie d’un Congé Individuel de Formation (CIF). Lors de son retour, l’employeur lui a proposé un autre poste nécessitant une mutation en application d’une clause de mobilité. Le salarié a alors demandé la résiliation de son contrat de travail, puis a pris acte de la rupture de celui-ci, au motif que l’employeur ne l’a pas reintégré dans son emploi. Il estime que l’employeur aurait dû lui faire passer un examen médical de reprise afin de s'assurer de sa capacité à reprendre son poste antérieur ou à donner une suite favorable à la mutation géographique qui lui était proposée. Il importe de rappeler qu’en application de l'article R. 4624-21 du Code du Travail (ancien-nement R. 241-51), le salarié doit bénéficier, à l'initiative de l'employeur, d'un examen médical de reprise par le médecin du travail en cas d'absences répétees pour raison de santé ; il ne peut être fait grief au salarié de n'avoir pas sollicité lui-même la visite. Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, la Cour de cassation décide que la rupture éventuelle du contrat de travail qui en résulte lui est alors imputable. La Haute juridiction consacre ici le prolongement de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et prend soin de préciser que ce dernier doit en assurer l'effectivité. Tout employeur ne peut, dès lors, laisser un salarié reprendre son travail après une succes-sion d'arrêts de travail pour maladie, ni lui proposer une mutation géographique sans lui avoir fait passer une visite de reprise auprès du médecin du travail afin de s'assurer de son apti-tude à l'emploi envisagé. Allant dans le sens d’une doctrine très ferme fondée sur l’importance majeure du droit à la sécurité et à la santé dans le travail depuis la directive CE n° 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et la santé des travailleurs (Soc., 28 fevrier 2002, Bull., V, n° 81 ; Ass. plén., 24 juin 2005, Bull., Ass. plén., n° 7 ; Soc., 29 juin 2005, Bull., V, n° 219 ; Soc., 28 fév. 2006, Bull., V n° 87), la Chambre sociale, soucieuse également d’assurer l’effectivité du droit des salariés, avait déjà décidé que la visite de reprise qui doit être effectuée à l’issue d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle faisait partie intégrante de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur en ce qui concerne la protection de leur santé et de leur sécurité dans l’entreprise (Cass. soc., 13 déc. 2006, n° 05-44580). Elle adopte en définitive, dans la pré-sente espèce, le même raisonnement. Il est ainsi clairement affirme que, face au droit fondamental de tout travailleur à la protection de sa santé et de sa sécurité au travail, les obligations de l’employeur en la matière sont de résultat. La réticence de certains employeurs à faire passer la visite médicale de reprise à leurs salariés peut avoir de graves conséquences.

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VISITE DE REPRISE ET OBLIGATION DE SECURITE DE RESULTAT DE

L’EMPLOYEUR

Source : IM du CISME, n° 17 – Mars-Avril 2006 Cass. soc., 28 fév. 2006 - n° 05-41.455 Depuis les arrêts « amiante » du 28 février 2002, nous savons que l’employeur est tenu d’une obligation contractuelle de sécurité de résultat. La Cour de cassation énonçait alors qu’ « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat » et que « le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 00-11.793). La Cour de cassation vient de faire un lien direct entre l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur et les impératifs que ce dernier doit respecter à l’issue d’un arrêt de travail du salarié. Dans l’affaire traitée par la Haute juridiction, un salarié est victime d’un accident du travail le 8 septembre 1999. Il est en arrêt de travail de ce fait jusqu’au 6 décembre 1999, puis en rechute entre le 25 jan-vier et le 10 mai 2000. Il reprend son travail à cette date sans avoir bénéficié de la visite de reprise. Ayant été, avant et après les arrêts de travail pour accident du travail, en arrêt maladie, ce salarié est licencié le 27 novembre 2000 pour « absences répétées désorganisant l’entre-prise et nécessitant son remplacement définitif ». Il conteste alors son licenciement. • L’absence de visite de reprise suite à l’arrêt de travail pour accident de travail de plus de huit jours : Aux termes de l’article R. 241-51 du Code du travail, tout salarié victime d’un accident du tra-vail nécessitant un arrêt d’au moins huit jours doit bénéficier d’une visite de reprise auprès du médecin du travail. Cette dernière doit avoir lieu lors de la reprise ou dans les huit jours qui suivent. De jurisprudence constante, la Cour de cassation considère que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail (Cass. soc., 22 mars 1989, n° 86-43.655). Par conséquent, une reprise effective du salarié à son poste de travail à l’issue d’un arrêt de travail ne correspond pas nécessairement à la fin de la suspension théorique du contrat de travail. Parallèlement, la protection instituée en faveur des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle rend nul le licenciement prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail, sauf en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le

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contrat pour un motif non lié à l’accident du travail (C. trav., art. L. 122-32-2). En l’occurrence, rappelons que le salarié, suite aux arrêts dont il a bénéficié en raison d’un accident du travail, n’a pas bénéficié d’une visite de reprise. La cour d’appel n’a cependant pas jugé le licenciement illicite en estimant que « si en l’absence de visite de reprise par le médecin du travail, la période de suspension du contrat de travail de l’article L. 122-32-1 du Code du travail consécutive à un accident du travail continue, quand le salarié reprend effectivement son travail, il y a antinomie entre exécution et suspension du contrat de travail, de sorte qu’en reprenant le travail sans visite médicale de reprise, le salarié a mis fin à la suspension du contrat de travail ; que, d’ailleurs, il ne conteste pas que ses arrêts de travail postérieurs sont des arrêts pour maladie, et que n’étant plus en période de suspension du contrat de travail au moment du licenciement, il n’est pas fondé à invoquer l’application des dispositions de l’article L. 122-32-2 du Code du travail ni à réclamer des dommages-intérêts pour absence de visite médicale de reprise alors qu’il pouvait en prendre l’initiative ». Les juges du fond prennent donc une position contraire à la jurisprudence classique de la Cour de cassation en considérant que ce n’est pas la visite de reprise qui met fin à la suspension du contrat, mais la reprise effective du salarié à son poste de travail. La question est d’importance : en l’absence de visite de reprise à l’issue de l’arrêt de travail pour accident du travail, le salarié qui a effectivement repris son poste peut-il prétendre au bénéfice des dispositions protectrices prévues par l’article L. 122-32-2 du Code du travail ? Le licenciement ne peut-il être alors prononcé qu’en raison d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident du travail ? • Le terme de la suspension du contrat et l’obligation de sécurité de résultat : La Cour de cassation ne s’est pas contentée de censurer l’analyse des juges du fond au visa des articles L. 122-32-2 et R. 241-51 du Code du travail mais également au visa de l’article L. 230-2, I du même Code. De fait, elle confirme d’abord implicitement sa position, à savoir que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail. Elle invoque en outre l’article L. 230-2, I, selon lequel « le chef d’établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l’établissement, y compris les travailleurs temporaires. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Il veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ». C’est notamment au visa de cet article que la Haute juridiction avait reconnu l’exis- tence d’une obligation de sécurité de résultat dans les arrêts « amiante » (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 00-11.793 précité). La Cour de cassation, dans un attendu de principe dépourvu de toute ambiguïté, invoque tout à la fois l’absence de visite de reprise et l’obligation de sécurité de résultat pour condamner l’employeur : « Attendu que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité derésultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période

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d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuelle- ment de l’une et de l’autre de ces mesures ; qu’à défaut l’employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s’il justifie soit d’une faute grave de ce dernier, soit de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l’accident, de maintenir ledit contrat ». Par conséquent, la visite de reprise tend à devenir une garantie essentielle pour le salarié, garantie que l’employeur doit respecter sous peine de violer l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu et de risquer de se voir reconnaître, le cas échéant, une faute inexcusable ...

Source : IM du CISME, n° 42 - Avril 2009 Cass. soc., 25 mars 2009 - n° 07-44.408 La Santé au travail constitue un enjeu majeur dans la société actuelle, l’employeur étant tenu d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses salariés. Cette obligation, reconnue par la jurisprudence dans les célèbres arrêts « amiante » de février 2002 en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, a progressivement été étendue (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 99-17.201). Dans notre secteur, elle a plus particulièrement été reconnue s’agissant de l’obli-gation, pour l’employeur, de faire bénéficier un salarié d’une visite de reprise dans les conditions prévues par l’article R. 4624-21 du Code du travail (Cass. soc., 9 janv. 2008, n° 06-46.043). Selon cet article, « le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;

4° Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;

5° En cas d'absences répétées pour raisons de santé ». L’article R. 4624-22 ajoute que « l'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours ». Quelles sont les conséquences d’un examen médical de reprise passé hors délai ? Dans un arrêt du 25 mars 2009, la Cour de cassation nous apporte des précisions dans une affaire concernant un salarié bénéficiant d’un arrêt de travail d’origine professionnelle.

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Rappelons, au préalable, que selon le premier alinéa de l’article L. 1226-7 du Code du travail, « le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie ». L’article L. 1226-9 précise qu’« au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie, soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ». L’employeur qui entend rompre le contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle doit donc justifier d’une faute grave du salarié ou de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. A défaut, la rupture du contrat de travail serait considérée comme nulle. Ces dispositions doivent être conjuguées avec la position de la Cour de cassation selon laquelle seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail (Cass. soc., 22 mars 1989, n° 86-43.655). La Cour de cassation considère, en effet, par une fiction juridique, que la reprise effective du travail par le salarié ne marque pas la fin de la suspension du contrat de travail. Dès lors que l’arrêt de travail est d’origine professionnelle, l’employeur ne peut donc, à défaut de visite de reprise, procéder au licenciement que dans les conditions prévues par l’article L. 1226-9 précité, ce que vient de confirmer la Cour de cassation. En l’espèce, un salarié, chef de trafic dans une société de transport, a été victime d'un accident du travail le 1er

avril 2004. Il a repris son activité sans bénéficier d’une visite médicale de reprise, puis a été licencié pour faute grave le 19 octobre 2004 tenant à son absence sans autorisation depuis le 7 sep-tembre 2004. Le salarié a ensuite saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenu gain de cause en appel.

La Cour de cassation, sans surprise, rejette le pourvoi formé par l’employeur en considérant tout d’abord, dans un attendu de principe, « qu'il résulte de l'article L. 230-2 I, devenu L. 4121-1 du Code du travail, interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, ainsi que de l'article R. 241-51, alinéa 1, devenu R. 4624-21 du code du travail, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ».

Elle ajoute ensuite « qu'il ne peut, dès lors, laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures ; qu'à défaut, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s'il justifie, soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident, de maintenir ledit contrat ».

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La chambre sociale en conclut « que la cour d'appel ayant constaté que le salarié n'avait pas, à l'issue d'un arrêt de travail du 1er

au 11 avril 2004, été soumis à la visite de reprise et que les faits qui lui étaient reprochés consistaient à ne pas avoir repris le travail à une date à laquelle il n'y était pas tenu, a pu décider qu'ils n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ».

En l’espèce, la Cour de cassation considère donc que l’absence injustifiée du salarié depuis le 7 septembre 2004 ne pouvait être considérée comme constitutive d’une faute grave qui, rappelons-le, est d’une gravité telle qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de travail et rend nécessaire sa rupture immédiate.

La décision aurait été différente si le salarié avait, outre l’absence injustifiée, refusé de se présenter devant le médecin du travail afin de bénéficier d’une visite de reprise et de mettre ainsi un terme à la suspension du contrat de travail.

En précisant que « les faits reprochés consistaient à ne pas avoir repris le travail à une date à laquelle il n’y était pas tenu », la Cour de cassation a-t-elle entendu affirmer que le salarié n’est pas contraint de reprendre son poste avant de pouvoir bénéficier de la visite de reprise ?

Cette question est d’importance dans les SIST, compte tenu des difficultés à organiser les visites de reprise dans le délai de 8 jours prévu par le Code du travail. Rappelons dans ce cadre que la chambre sociale, dans l’attendu de principe, évoque précisément le délai de 8 jours suivant la reprise du travail prévu par l’article R. 4624-22 du Code du travail. Il y a donc lieu de considérer, à notre sens, que la visite de reprise peut toujours être effectuée lors de la reprise ou, au plus tard, dans les 8 jours de celle-ci. La prudence conduirait naturellement à conseiller à l’employeur de ne pas laisser le salarié reprendre son poste avant d’avoir bénéficié de la visite de reprise. Outre des difficultés d’organisation de l’examen de reprise dans les SIST compte tenu de la pénurie médicale, cette position conduirait, cependant, à soulever la question du versement du salaire à un salarié qui, s’il n’effectue pas sa prestation de travail, se tient néanmoins à la disposition de l’employeur à cette fin.

DEFAUT DE VISITE DE REPRISE

Source : IM du CISME, n° 30 - Mars 2008 Cass. soc., 9 janv. 2008 - n° 06-46.043 La Santé au travail, comme vous le savez, est devenue une préoccupation majeure de la société actuelle et fait désormais partie de la Santé publique.

A cet égard, l’influence de l’Europe en matière de prévention des risques professionnels est prépondérante et s’est notamment traduite en France par un durcissement de la juris-prudence visant à assurer de manière effective la sécurité du salarié.

La chambre sociale fait ainsi peser sur l’employeur une obligation de sécurité de résultat.

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La Cour de cassation vient précisément de se prononcer sur les conséquences d’une absence de visite de reprise organisée « lors de la reprise du travail ou au plus tard dans un délai de huit jours » (C. trav., art. R. 241-51).

En l’espèce, un salarié, victime d'un accident du travail le 5 avril 1991, se trouve en arrêt de travail jusqu'au 31 mars 1993 puis du 20 septembre au 10 octobre 1993.

Il reprend son activité sans bénéficier de la visite médicale de reprise puis est licencié le 3 janvier 1994, soit près de trois mois après la cessation de l’arrêt de travail, pour faute grave tenant à son absence sans autorisation.

Rappelons dans ce cadre qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, « l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, de maintenir ledit contrat » (C. trav., art. L. 122-32-2).

Le salarié victime d’un accident du travail bénéficie ainsi de dispositions protectrices ne s’appliquant plus dès lors que la suspension du contrat de travail a pris fin.

Ce n’est pas la fin de l’arrêt de travail qui marque le terme de la suspension du contrat de travail mais la visite de reprise elle-même selon la Cour de cassation.

Autrement dit, tant que la visite de reprise n’a pas été organisée en faveur du salarié, le contrat de travail est toujours, théoriquement, suspendu même si le salarié a déjà repris son activité.

Dans l’affaire qui retient ici toute notre attention, l'employeur considère que le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour cause d'accident du travail ou de maladie profession-nelle et qui reprend son travail avant d'avoir fait l'objet de la visite médicale de reprise est soumis au pouvoir disciplinaire de l'employeur. Dès lors, en cas d’absence injustifiée, l’employeur aurait la possibilité de procéder au licenciement pour faute grave.

Pour la cour d’appel au contraire, la suspension du contrat de travail résultant de l'absence de visite de reprise s'oppose à ce que l'absence injustifiée du salarié postérieure à la reprise du travail puisse constituer une faute grave.

La Cour de cassation confirme cette analyse et retient « qu'il résulte de l'article L. 230-2 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l'article R. 241-51 du code du travail, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures ; qu'à défaut, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident, de maintenir ledit contrat ;

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Et attendu que la cour d'appel ayant constaté que salarié n'avait pas été soumis à la visite de reprise et que les faits qui lui étaient reprochés consistaient à ne pas avoir repris le travail à une date à laquelle il n'y était pas tenu, a pu décider qu'ils n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ». Cet arrêt constitue une confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 28 févr. 2006, n° 05-41.555). Corollaire de l’obligation pesant sur l’employeur, le salarié doit lui-même respecter une obligation de sécurité. La Cour de cassation avait ainsi considéré qu’un salarié refusant notamment de se rendre à la visite médicale de reprise commettait une faute pouvant être qualifiée de faute grave (Cass. soc., 29 nov. 2006, n° 04-47.302). En l’espèce, la chambre sociale retenait que « la cour d'appel, qui a constaté qu'à compter du 20 janvier 2001 M. X... n'a plus adressé de justificatif d'arrêt de travail pour maladie, malgré les mises en demeure de son employeur des 15 février, 5 avril, 5 mai 2001 avec convocation de se présenter pour la visite de reprise devant le médecin du travail le 18 mai 2001, du 28 mai 2001 avec nouvelle convocation devant le médecin du travail pour le 5 juin, du 31 octobre 2001 avec convocation devant le médecin du travail pour le 6 novembre 2001, a pu décider que le comportement du salarié qui faisait obstacle de façon réitérée à l'examen du médecin du travail constituait une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ». Afin de pouvoir retenir l’existence éventuelle d’une faute grave en cas d’absence injustifiée suite à un arrêt de travail, l’employeur doit donc prouver avoir organisé en vain la visite de reprise permettant de mettre fin à la suspension du contrat de travail. Le risque, pour les Services interentreprises de Santé au travail, est bien entendu de voir se multiplier, comme dans l’affaire ci-dessus, les convocations à la visite de reprise auxquelles le salarié ne se présenterait pas.

INITIATIVE DE LA VISITE DE REPRISE

L’employeur,

Le salarié, s’il en informe l’employeur. Source : IM du CISME, n° 34 - Juillet-Août 2008 Cass. soc., 9 avril 2008 - n° 07-40.832 Dans un arrêt du 9 avril 2008, la Cour de cassation confirme qu’un salarié peut prendre l’initiative d’une visite de reprise dès lors qu’il en informe son employeur. En principe, rappelons qu’il appartient à l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, d’organiser une visite de reprise au bénéfice du salarié après :

1. un congé de maternité ;

2. une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3. une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;

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4. une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;

5. en cas d'absences répétées pour raisons de santé (C. trav., art. R. 4621-21 nou-veau).

Cet examen doit avoir lieu à la reprise ou dans les huit jours qui suivent. Mais la chambre sociale a déjà admis que le salarié lui-même peut prendre l’initiative d’une telle visite, pour autant qu’il en informe l’employeur (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912). Parmi l’ensemble des éléments devant être pris en considération lors de la qualification d’un examen médical figure précisément l’identité de la partie à l’origine de la visite. Seule la visite de reprise permet de mettre fin à la suspension du contrat, contrairement à la visite de pré-reprise dont l’initiative appartient au salarié, au médecin traitant et au médecin-conseil de la sécurité sociale (C. trav., art. R. 4621-23 nouveau). En d’autres termes, un licenciement qui serait fondé sur une « inaptitude » irrégulièrement constatée à l’issue d’un examen de pré-reprise serait nul. D’où l’importance de la qualification d’un examen médical ! En l’espèce, une salariée, engagée en qualité de VRP multicartes, se trouve en arrêt de travail pour maladie du 12 mars au 15 avril 2004 puis du 28 mai au 24 novembre 2004. Elle bénéficie ensuite d'un congé maternité jusqu'au 30 mars 2005 puis est de nouveau en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 16 mars 2006. Par avis du 20 janvier 2006 visant le danger immédiat, le médecin du travail la déclare inapte à son poste de travail et à tous postes de travail dans l'entreprise. Elle est ensuite licenciée le 16 février 2006 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. La cour d’appel décide que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur au paiement de diverses sommes. Les juges du fond retiennent en effet que la salariée, qui a fait l'objet le 10 décembre 2005 d'un arrêt de travail pour maladie jusqu'au 16 mars 2006, a été examinée par le médecin du travail le 20 janvier 2006 pendant la période de suspension de son contrat de travail. Cette visite ne pouvait donc, selon la cour d’appel, constituer la visite de reprise et le licenciement a été prononcé en raison d'une inaptitude non constatée dans les conditions légales. Ce raisonnement est toutefois censuré par la Cour de cassation qui affirme « qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé si l'avis du médecin du travail n'avait pas été délivré à la demande de la salariée qui en avait informé son employeur, en vue de la reprise du travail, ce dont il résulterait que la période de suspension du contrat de travail, au sens de l'article R. 241-51 du code du travail, avait pris fin, peu important à cet égard que la salariée ait continué à bénéficier d'un arrêt de travail de son médecin traitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ». La Cour de cassation confirme dans cet arrêt la position qu’elle tient depuis quelques années.

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Depuis les célèbres arrêts du 19 janvier 2005 (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-41.479 et n° 03-41.904), la Cour de cassation affirme régulièrement que lorsque les avis du médecin du travail ont été délivrés en vue de la reprise du travail par le salarié et que l'employeur en a eu connaissance, la période de suspension du contrat de travail prend fin, peu important à cet égard que le salarié ait continué à bénéficier d'un arrêt de travail de son médecin traitant. Depuis lors, nous attirons fréquemment l’attention des médecins du travail sur la portée des avis émis. En effet, en cas de contentieux, les juges vont chercher à connaître l’intention du médecin du travail, notamment au regard des questions suivantes :

- qui a pris l’initiative de la visite ?

- si le salarié a pris cette initiative, l’employeur en a-t-il été informé ?

- à quel moment ?

- le salarié était-il toujours en arrêt de travail ?

- le médecin du travail s’est-il prononcé « en vue de la reprise du travail » ?

- quelle case a-t-il coché ?

- en cas d’inaptitude, un second examen a-t-il été prévu ? Une étude de poste et des condi-tions de travail ?

Dans l’arrêt du 9 avril 2008, la cour d’appel ne s’était pas attachée à la possibilité, pour un salarié, de prendre l’initiative d’une visite de reprise s’il en informe l’employeur. Cette ques-tion est pourtant essentielle, comme nous l’avons vu, afin de procéder à la qualification d’un examen de reprise, pouvant seul mettre fin à la suspension du contrat de travail. Rappelons que cette règle vaut, que le salarié adresse ou non des prolongations d’ar-rêts de travail à son employeur.

Source : IM du CISME, n° 40 - Février 2009 Cass. soc., 4 fév. 2009 - n° 07-44.498 Rappelons qu’il appartient à l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, d’organiser une visite de reprise au bénéfice du salarié après :

1° un congé de maternité ;

2° une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;

4° une absence d'au moins vingt-et-un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;

5° en cas d'absences répétées pour raisons de santé (C. trav., art. R. 4621-21).

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La chambre sociale a admis que le salarié lui-même peut prendre l’initiative d’une telle visite, pour autant qu’il en informe l’employeur (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912). C’est ce principe que vient de réaffirmer le Cour de cassation dans l’arrêt du 4 février 2009. En l’espèce, Monsieur X, suite à un arrêt maladie qui a pris fin le 1er décembre 2004, a sollicité une visite auprès du médecin du travail. Ce dernier a rendu l’avis suivant: « Inapte responsable assurance qualité. Je suis actuellement incapable de faire des propositions de reclassement ou d'aménagement de postes compte tenu des informations portées à ma connaissance. Danger immédiat ». A ce stade, rappelons que l’avis rédigé dans le cadre d’une procédure de danger immédiat doit comprendre certaines mentions obligatoires. En effet, dans un arrêt du 21 mai 2008, la Cour de cassation avait indiqué que « l’inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l'avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l'article R. 241-51-1 du code du travail, qu'une seule visite est effectuée » (Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.380). Par la suite, le salarié a été convoqué, à la demande de l’employeur, à deux visites médi-cales les 10 et 20 janvier 2005, auxquelles il ne s’est pas rendu.

Le 14 février 2005, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes : « Je considère que le lien qui me lie à la Cegelec Sud-Est est rompu. A ce titre, je saisis le conseil de prud'hommes afin de faire reconnaître que cette rupture vous est entièrement imputable, compte tenu des conclusions rendues par la médecine du travail en date du 1er décembre 2004 notifiant un danger immédiat. Cette rupture ayant pour cause une inaptitude, elle prend donc effet immédiatement puisqu'en la matière, il n'y a pas de préavis ».

La cour d’appel rejette les demandes du salarié tendant à voir requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que la visite initiée par le salarié ne pouvait être considérée comme une visite de reprise, l’employeur n’en ayant pas été informé.

Rappelons dans ce cadre que la prise d’acte de la rupture est une construction prétorienne. La Cour de cassation considère ainsi que, lorsqu'un salarié « prend acte de la rupture » de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets :

soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient,

soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Revenons maintenant à la décision de la Cour de cassation qui confirme, dans l’arrêt du 4 février 2009, sa position sur la qualification de la visite de reprise initiée par le salarié en considérant « que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié, sans se présenter à son travail afin que l'employeur organise la visite de reprise, a pris l'initiative de se rendre chez un médecin du travail sans en avertir la société Cegelec Sud-Est, a exactement décidé que cette visite ne remplissait pas les conditions de l'article R. 241-51, alinéas 1 et 3, du Code du travail devenus les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du Code du travail pour être qualifiée de visite de reprise ; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ».

La chambre sociale rappelle ici la condition qu’elle a posée afin de permettre à un salarié de prendre l’initiative de la visite de reprise, à savoir d’en informer préalablement l’employeur.

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A défaut, l’examen médical nepeut être qualifié de visite de reprise qui, seule, met fin à la suspension du contrat de travail. La procédure qui s’en suit est nulle. Le salarié avait pourtant avancé plusieurs arguments, dont certains retiennent notre attention. Le non-respect de l’article L. 1226-11 du Code du travail (ex-article L. 122-32-5) Le salarié considère que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de l’ex-article L. 122-32-5 du Code du travail, dans la mesure où il ne l’avait ni reclassé ni licencié dans le délai d’un mois visé par cet article et qu’il n’avait en outre pas repris le paiement des salaires. Cet argument n’est pas sans nous rappeler une décision de la Cour de cassation dans laquelle il avait été jugé qu’ « aucun courrier n'avait été adressé par la salariée à l'employeur pour l'aviser de son intention de subir une visite de reprise de sorte que les deux avis des 22 septembre et 8 octobre 2003 ne lui étaient pas opposables et qu'il ne pouvait pas lui être reproché le non-paiement du salaire à compter du 8 novembre » (Cass. soc., 30 mai 2007, n° 05-43.341). Ainsi, le fait que l’employeur n’ait pas repris le paiement des salaires ne lui est pas opposable dans la mesure où le salarié ne l’avait pas informé de sa volonté de bénéficier d’une visite de reprise. Dans l’affaire du 4 février 2009, le salarié complète son argument en précisant que la visite dont il avait pris l’initiative avait été qualifiée de visite de reprise par le médecin du travail. Il indique en outre que le médecin du travail avait mentionné sur la fiche d’aptitude « reprise après maladie » et avait indiqué à l’employeur par courrier qu’il s’agissait d’une visite de reprise. Pourtant, cet argument n’a pas été retenu par la chambre sociale. En effet, aucune précision n’est apportée dans l’arrêt sur l’intention du médecin du travail ou encore sur la case qu’il aurait cochée sur la fiche d’aptitude. Faut-il en déduire que cet indice est subsidiaire ? Rappelons que ces éléments peuvent avoir une incidence importante sur la qualification de la visite de reprise. Les juges, utilisant la technique du faisceau d’indices, vont chercher à connaître l’intention du médecin du travail, notamment au regard des questions suivantes :

- Qui a pris l’initiative de la visite?

- Si le salarié a pris cette initiative, l’employeur en a-t-il été informé ?

- A quel moment ?

- Le salarié était-il toujours en arrêt de travail ?

- Le médecin du travail s’est-il prononcé « en vue de la reprise du travail » ?

- Quelle case a-t-il cochée ?

- En cas d’inaptitude, un second examen a-t-il été prévu ?

- Une étude de poste et des conditions de travail ? La communication de la fiche d’aptitude à l’employeur suffit-elle à informer ce

dernier de la réalisation de la visite de reprise ?

La réponse est NON.

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Le salarié considère en l’espèce que « constitue une visite de reprise la visite organisée à l'initiative du salarié à l'issue des périodes de suspension de son contrat de travail, et dont les résultats ont été communiqués à l'employeur, le fait que l'information sur l'existence de cette visite n'ait été délivrée à l'employeur que postérieurement à la réalisation d'une visite à laquelle, en toute hypothèse, il n'a pas à participer, n'ayant d'autre effet que de différer à la date de cette information le point de départ des obligations mises à sa charge en fonction de ses résultats, qu'en l'espèce, la visite du 1er décembre 2004 avait été diligentée à l'issue du dernier jour d'arrêt de travail du salarié et avait fait l'objet de la délivrance, par le médecin du travail, d'une fiche d'inaptitude faisant état d'un « danger immédiat » (…) ». La Cour de cassation en rejetant ce moyen considère implicitement que l’information de l’employeur par la seule communication de la fiche d’aptitude à l’employeur n’est pas suffisante. Cette position n’est pas nouvelle. La Cour de cassation l’avait déjà adoptée dans l’arrêt du 30 mai 2007 cité précédemment. Dans cette espèce, la Cour de cassation indiquait qu’« aucun courrier n'avait été adressé par la salariée à l'employeur pour l'aviser de son intention de subir une visite de reprise de sorte que les deux avis des 22 septembre et 8 octobre 2003 ne lui étaient pas opposable et qu'il ne pouvait pas lui être reproché le nonpaiement du salaire à compter du 8 novembre » (Cass. soc., 30 mai 2007, n° 05-43.341). Cette fois-ci, c’est la première partie de l’attendu qui retient notre attention. La salariée, dans cet arrêt, avait tenté d’user de l’argument selon lequel l’employeur était informé de la procédure en cours dans la mesure où, conformément à l’article D. 4624-47 du Code du travail, une fiche médicale d’aptitude avait été émise à l’issue de chacun des deux examens et adressée à l’employeur. De la même façon que dans l’arrêt du 4 février 2009, cet argument avait été rejeté par la chambre sociale. Pour l’heure, la seule certitude que nous ayons est que l’information de l’employeur doit avoir lieu préalablement à la visite de reprise. L’une des questions qui subsiste porte sur la forme que doit prendre cette information et sur l’attitude que doit adopter le médecin du travail, lorsqu’il reçoit un salarié l’informant du fait qu’il prend l’initiative de la visite de reprise. Compte tenu des enjeux, il est préférable que la preuve soit rapportée par le salarié lui-même, et non par le Service, par écrit. Nous espérons que la Cour de cassation nous apportera plus de précisions dans ses prochaines décisions…

Source : IM du CISME, n° 62 - Février 2011 Cass. soc., 26 janv. 2011 - n° 09-68.544

Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement d’origine non profession-

nelle doit donner lieu à la réalisation d’un préavis, même si le salarié ne peut physiquement l’effectuer. En revanche et sauf dispositions conventionnelles plus favorables, l'indemnité compensatrice de préavis ne sera pas due, dans la mesure où le salarié n'est pas apte à occuper l'emploi qu'il exerçait antérieurement (Cass. soc., 11 juil. 2000, n° 98-45.471).

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Toutefois, en cas d’inaptitude d’origine professionnelle, la Cour de cassation retient depuis longtemps une solution contraire. En effet, la chambre sociale a jugé que l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 1226-14 du Code du travail est d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis de droit commun, par exception à la règle jurisprudentielle selon laquelle le salarié n'y a pas droit s'il est dans l'incapacité physique de travailler durant le préavis. La Cour de cassation a affirmé que l'impossibilité pour le salarié d'exécuter son préavis ou son refus d'accepter un reclassement, s'il n'est pas abusif, ne prive pas l'intéressé du bénéfice de l'indemnité compensatrice (Cass. soc., 9 avr. 2002, n° 99-44.718). Quelle indemnité verser lorsque la durée du préavis de licenciement fixée par la convention collective du salarié est plus longue que celle prévue par la loi ? Rappelons les durées de préavis fixées par l’article L. 1234-1 du Code du travail :

Ancienneté chez le même employeur

Durée du préavis

Inférieure à 6 mois Durée fixée selon la convention collective

ou, à défaut, par un usage

De 6 mois à moins de 2 ans

1 mois

De 2 ans et plus 2 mois

Dans la mesure où ces durées sont minimales, une convention collective peut fixer des durées de préavis supérieures. Dans l’arrêt du 26 janvier 2011, un salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail suite à un accident du travail. En l’absence de reclassement, le salarié a été licencié. L’employeur a donc versé une indemnité compensatrice de préavis d’un montant égal à celui fixé par loi correspondant à 2 mois de préavis, alors que la convention collective prévoyait la réalisation d’un préavis de 4 mois. Le salarié demande donc à être indemnisé à hauteur d’un préavis d’une durée de 4 mois et non de 2. La Cour de cassation, sans surprise, rappelle que l’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui prévu à l’article L. 1234-1 du Code du travail était due et non celui prévu par la convention collective. Ainsi, comme l’avait déjà jugé la chambre sociale, en cas d’inaptitude d’origine profession-nelle, le montant de l'indemnité de préavis est égal à celui de l'indemnité légale prévue à l'article L. 1234-1 et non à celui prévu par la convention collective, même s'il est plus favorable (Cass. soc., 12 juill. 1999, n° 97-43.641).

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QUALIFICATION DE LA VISITE DE REPRISE

Source : IM du CISME, n° 11 – Janvier-Février-Mars 2005 Cass. soc., 19 janv. 2005 - n° 03-41.904 La Cour de cassation, à l’occasion de la salve d’arrêts rendue en matière d’inaptitude au poste de travail, confirme sa jurisprudence relative à l’événement caractérisant la fin de la période de suspension du contrat de travail. Rappelons au préalable que l’article R. 241-51 du Code du travail prévoit que : « Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail après une absence pour cause de maladie professionnelle, après un congé de maternité, après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail, après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel et en cas d'absences répétées pour raisons de santé. Cet examen a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l’intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen doit avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours. Cependant, à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail est prévisible, un examen peut être sollicité préalablement à la reprise du travail, en vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires. L'avis du médecin du travail devra être sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l'activité profes-sionnelle. Le médecin du travail doit être informé de tout arrêt de travail d'une durée inférieure à huit jours pour cause d'accident du travail afin de pouvoir apprécier, notamment, l'opportunité d'un nouvel examen médical. » Aux termes de cet article, il apparaît qu’il faut distinguer deux types de visites :

1. La visite de reprise ;

2. La visite de pré-reprise, mentionnée au quatrième alinéa. La distinction entre les deux est fondamentale pour l’employeur dans la mesure où la Cour de cassation, de jurisprudence constante, considère que seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail (Cass. soc., 22 mars 1989, Bull. civ. V n° 235). En d’autres termes, si l’employeur se fonde sur un avis émis par le médecin du travail lors d’une visite dite de pré-reprise pour rompre le contrat de travail, le licenciement qui peut s’en suivre sera considéré comme étant prononcé pendant une période de suspension du contrat de travail.

Il est donc impératif que ne subsiste aucune ambiguïté sur la nature de la visite à laquelle est soumis le salarié.

Force est de constater cependant que l’employeur peut se trouver dans une position très inconfortable, ne sachant pas comment qualifier une visite, depuis un arrêt du 6 avril 1999 (Cass. soc., 6 avr. 1999, n° 96-45.056).

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Pour mémoire, rappelons qu’en l’espèce, un salarié avait cru pouvoir dire que son licenciement était survenu pendant une période de suspension du contrat de travail alors même qu’il avait subi deux visites en vue de la reprise du travail, du seul fait de l’envoi de prolongations.

Mais la Cour de cassation avait rejeté cette argumentation en énonçant que « la cour d’appel a constaté que les avis du médecin du travail avaient été délivrés en vue de la reprise du travail par le salarié et l’avaient déclaré inapte, ce dont il résultait que la période de suspension du contrat de travail avait pris fin, peu important à cet égard que le salarié ait continué à bénéficier d’un arrêt de travail de son médecin traitant. »

Cette position vient d’être confirmée par deux arrêts du 19 janvier 2005. Dans la première espèce, une salariée était en arrêt de travail pour maladie depuis le 30 août 1999. Par avis des 25 avril et 9 mai 2000, le médecin du travail l’a déclarée inapte définitivement à son poste de travail.

L’employeur, contestant la qualification de visite médicale de reprise, refusa de reprendre le versement des salaires à l’expiration du délai d’un mois suivant le jour de la seconde visite précitée ou de procéder au licenciement de la salariée, qui a donc saisi la juridiction prud’- homale au mois d’octobre suivant.

Au mois de février 2001, l’employeur, estimant toujours le contrat suspendu jusqu’alors, convoqua la salariée devant la médecine du travail en vue de la reprise, puis la licencia pour absence injustifiée et refus de se présenter auprès des Services de Médecine du Travail par la suite.

Dans les moyens invoqués au pourvoi, l’employeur soutient notamment que la salariée lui avait notifié des avis de prolongation d’arrêt de travail de son médecin traitant sans discontinuer jusqu’au 28 février 2001.

Mais la Haute juridiction confirme très nettement sa position dans un attendu de principe : « mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que les visites pratiquées l’avaient été eu égard au poste de travail actuel de la salariée espacées de deux semaines (…), a pu en déduire que l’intervention du médecin du travail s’était inscrite en vue d’une reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1 à 3 de l’article R. 241-51 de ce Code, peu important l’envoi par la salariée de prolongation d’arrêts maladie de son médecin traitant. »

Dans la seconde espèce, un salarié était en arrêt de travail pour maladie depuis le 14 août 1999. A sa demande, le médecin du travail l’a examiné lors de deux visites des 6 et 20 mars 2000, et l’a déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise. Le 27 novembre suivant, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour voir constater la rupture du contrat de travail à la charge de l’employeur. La Cour d’appel a débouté le salarié en retenant que l’avis du médecin avait été délivré pendant une période de suspension du contrat de travail puisque le salarié ne rapportait pas la preuve d’une reprise effective et qu’il avait continué à adresser à son employeur sans discontinuer des avis de prolongation de son médecin traitant. Dans un nouvel attendu dont les termes sont sensiblement identiques à ceux de l’arrêt précité, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond. Elle considère qu’il est possible que le salarié prenne l’initiative de l’examen médical de reprise s’il en informe l’employeur, et confirme à nouveau une de ses positions antérieures (Cass. Soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912).

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Cette solution engendre une certaine insécurité juridique pour l’employeur, sur lequel pèse l’obligation de soumettre les salariés aux examens prévus par l’article R. 241-51 du Code du travail. Cet article n’évoque pas expressément la possibilité offerte au salarié de prendre l’initiative de la visite de reprise après une période de suspension du contrat de travail. L’alinéa quatre prévoit bien une telle faculté, mais précisément pour un examen de préreprise ! Il apparaît donc illogique, d’un point de vue juridique, de considérer que le salarié puisse être à l’origine de l’examen médical de reprise, d’autant que la responsabilité de l’employeur peut être engagée en cas de carence sur ce point. Le salarié ne devrait donc pouvoir qu’inviter l’employeur à remplir ses obligations dans un premier temps au moins. L’étude de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 31 janvier 2003 est très importante sur ce point. Il s’agit de la première espèce à laquelle il est fait référence dans le présent commentaire. Les juges du fond ont censuré l’employeur qui croyait le contrat de travail de la salariée toujours suspendu du fait de l’envoi d’avis de prolongation d’arrêts de travail, en indiquant qu’ « une visite de reprise peut être sollicitée par le salarié. (…) Que l’employeur était avisé des démarches de la salariée comme le révèle le visa de l’article R. 241-57 du Code sur les deux avis des 25 avril et 9 mai 2000 et de l’inaptitude effective de la salariée dès réception du second avis ».

L’article R. 241-57 précité prévoit l’obligation pour le médecin du travail d’établir une fiche d’aptitude en double exemplaire à l’issue des examens médicaux.

Les juges du fond déduisent donc de ce seul fait que l’employeur ne peut prétendre ne pas être informé de l’intention du salarié de prendre l’initiative d’une visite de reprise….

Mais ces avis sont précisément émis une fois les visites effectuées !

La Haute juridiction considère en outre qu’il faut se positionner par rapport, à l’intention qui doit ressortir nettement de l’avis émis et duquel il doit apparaître que l’examen a été passé « en vue de la reprise ». Ce qui, précisément, peut poser problème : qui doit avoir cette intention ?

L’intention du salarié paraît contradictoire : a-t-il réellement entendu passé une visite en vue de la reprise du travail, ou pour qu’il soit statué définitivement sur le sort de son contrat de travail ?

A-t-il envoyé des avis de prolongations d’arrêts de travail pour courtcircuiter les effets de la procédure en cours, ou pour s’assurer un minimum de revenus ? Si cette dernière hypothèse reflète son intention, il aurait sans doute été plus simple qu’il attende le lendemain du jour de la première visite pour obtenir un nouvel arrêt de travail, et non un avis de prolongation, et ce jusqu’à la veille du jour du second examen médical. Aucun des deux examens n’aurait alors été passé en période de suspension du contrat.

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Il semblerait que le médecin du travail lui-même doit entendre se placer dans le cadre d’une visite de reprise, par exemple en convoquant le salarié à un second examen dans un délai de quinze jours.

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 31 janvier 2003 nous éclaire une nouvelle fois sur l’appréciation donnée à l’intention des parties. En effet, les juges du fond relèvent que « en l’espèce, contrairement à ce que prévoit l’alinéa 4 de l’article R. 241-51 du Code du Travail sur la pré-reprise qui dispose seulement que l’avis du médecin doit être sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l’activité professionnelle, les visites pratiquées l’ont été eu égard “au poste de travail actuel“ de l’intéressé, et non pas en vue de faciliter des mesures nécessaires en cas de prévisible inaptitude du salarié au sens de l’alinéa 4 précité, et espacées de deux semaines conformément aux dispositions de l’arti- cle R. 241-51-1 du code ; que l’intervention du médecin s’est donc bien inscrite alors en vue de la reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1 et 3 de l’ar-ticle R. 241-51 du code, peu important l’envoi d’arrêts maladie ».

Il ressort de cet arrêt que l’intention du médecin du travail dans une procédure doit faire l’objet d’un examen au cas par cas.

L’employeur doit bien entendu être tenu informé de l’ensemble de cette procédure, et peut également demander toute précision utile au médecin du travail qui doit lui apporter des conseils.

Nous conseillons donc à l’ensemble des médecins du travail d’être très précis quant à la nature de la visite en cause lorsqu’ils rédigent un avis et apprécient l’aptitude d’un salarié à son poste de travail.

Source : IM du CISME, n° 18 - Mai 2006 Cass. soc., 8 mars 2006 - n° 04-44.585 La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 mars dernier, confirme sa position tant sur la qualification de visite de reprise que sur l’élément constitutif du point de départ du délai d’un mois à l’issue duquel le versement des salaires doit être repris. 1. La qualification de visite de reprise :

Qu’on se le dise, seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail…. Encore faut-il savoir quel examen médical peut être qualifié comme tel. En particulier, cette visite doit être distinguée de la visite de pré-reprise qui, elle, ne permet pas la reconnaissance d’une inaptitude dans les conditions réglementairement fixées. Rappelons que l’article R. 241-51 du Code du travail indique à quels moments doit avoir lieu la visite de reprise. Ainsi, « les salariés doivent bénéficier d’un examen par le médecin du travail après une absence pour cause de maladie professionnelle, après un congé de maternité, après une absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail, après une absence d’au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel et en cas d’absences répétées pour raisons de santé. Cet examen a pour seul objet d’apprécier l’aptitude de l’intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation du salarié ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures. Cet examen doit avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours ».

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En son alinéa quatre, ce même article fait référence à la visite de pré-reprise : « Cependant, à l’initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, lorsqu’une modification de l’aptitude au travail est prévisible, un examen peut être sollicité préalablement à la reprise du travail, en vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires. L’avis du médecin du travail devra être sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l’activité professionnelle ». La distinction entre les deux visites est essentielle, puisqu’un licenciement basé sur des « avis » rendus après une visite de pré-reprise, avis qui ne devraient pas exister au demeurant, serait tout simplement nul. Aussi peut-on comprendre qu’une certaine confusion existe dans l’esprit de chacun… surtout si la visite de reprise peut avoir lieu pendant une période de suspension du contrat de travail. L’arrêt rendu le 28 mars dernier ne constitue qu’une confirmation de jurisprudence, mal acceptée à ce jour. En l’espèce, un salarié est déclaré « inapte temporaire » le 25 mars 2003 lors d’une visite de pré-reprise après un arrêt de travail pour maladie. Un avis d’inaptitude est ensuite rendu le 16 mai 2003, confirmé le 30 juin 2003. Le salarié ayant été en arrêt de travail le 16 mai 2003, l’employeur considère que l’examen doit être qualifié de visite de pré-reprise. La Cour de cassation ne suit cependant pas ce raisonnement et confirme la position tenue notamment dans les deux arrêts, tant décriés, du 19 janvier 2005 (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-41.904 et n° 03-41.479) : « Mais attendu, d’abord, que la visite de reprise, dont l’initiative appartient normalement à l’employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du Travail en avertissant l’employeur de cette demande ; que, dès lors que l’employeur ne soutenait pas avoir été laissé dans l’igno-rance des examens médicaux litigieux, le moyen, qui critique des motifs surabon-dants, est inopérant ; Et attendu, ensuite, que la cour d’appel, qui a constaté que les visites pratiquées les 16 mai et 30 juin 2003 l’avaient été eu égard au poste de travail actuel du salarié et espacées de deux semaines conformément aux dispositions de l’article R. 241-51-1 du Code du travail, a pu en déduire que l’intervention du médecin du Travail s’était inscrite en vue d’une reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1er à 3 de l’article R. 241-51 de ce Code, peu important l’envoi par le salarié de prolon-gation d’arrêts maladie de son médecin traitant ». Premier rappel : Le salarié lui-même peut prendre l’initiative d’une visite de reprise, à condition d’en avoir informé l’employeur. La lettre même de l’article R. 241-51 du Code du travail ne prévoit pourtant pas cette hypothèse, ajoutée par la Haute juridiction (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912). Le salarié peut donc se trouver à l’origine de la fin de la suspension du contrat de travail, à condition :

- soit de solliciter directement l’employeur ;

- soit de solliciter le médecin du travail tout en avertissant l’employeur.

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En effet, la Cour de cassation ne limite pas la faculté offerte au salarié de prendre l’initiative d’une telle visite au cas où l’employeur aurait manqué à ses obligations dans l’organisation de l’examen de reprise dans le délai imparti… Selon la jurisprudence, le salarié peut toujours solliciter directement le médecin du travail, dès lors qu’il en informe l’employeur. En l’espèce, ce dernier ne contestait pas avoir été informé de cette initiative. Nous conseillons aux médecins du travail confrontés à cette situation de demander une preuve de l’information préalable, par le salarié, de l’employeur concerné. Second rappel : La circonstance que le salarié adresse des prolongations d’arrêts de travail importe peu, dès lors que l’intention du médecin du travail de se prononcer « en vue de la reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1er à 3 de l’article R. 241-51 » du Code du travail est claire. La finalité de la visite de pré-reprise est en effet distincte de celle de la visite de reprise… même si l’appréciation en pratique peut s’avérer difficile. Dans un cas, le médecin raisonne au futur et n’est pas censé délivrer un quelconque avis (visite de pré-reprise), dans l’autre, il raisonne au présent en appréciant l’aptitude au poste occupé par le salarié (visite de reprise). Il peut paraître difficile cependant de distinguer entre le reclassement prévu en cas de visite de reprise, l’article R. 241-51 al. 1er du Code du travail faisant référence à « la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation du salarié ou éventuel-lement de l’une et de l’autre de ces mesures », et « la recherche des mesures nécessaires » prévue dans le cas d’une visite de pré-reprise lorsqu’une modification de l’aptitude est prévisible. En l’espèce, les deux visites des 16 mai et 30 juin 2003 constituent bien des visites de reprise, compte tenu de l’intention du médecin du travail. Mais il est légitime de s’interroger sur la qualification de la visite passée le 25 mars 2003, qualifiée dans l’arrêt de visite de pré-reprise, dans la mesure où un avis a bel et bien été délivré invoquant une « inaptitude temporaire »… 2. Le point de départ du délai d’un mois :

L’article L. 122-24-4 du Code du travail prévoit que « à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le contrat de travail du salarié peut être suspendu pour lui permettre de suivre un stage de reclassement professionnel. Si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de verser à l’intéressé, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Les dispositions prévues à l’alinéa précédent s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail ».

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Ce délai court-il à compter de la première ou de la seconde visite ?

La cour d’appel, tout en qualifiant la visite du 25 mars 2003 de visite de pré-reprise, considère que l’employeur doit être condamné au versement des salaires à compter du 17 juin 2003, soit un mois après la première visite de reprise du 16 mai 2003.

Mais la Cour de cassation censure les juges du fond : « Attendu que pour condamner l’employeur à reprendre le versement des salaires dus au salarié à compter du 17 juin 2003 jusqu’à son reclassement ou la fin de son détachement, la cour d’appel retient qu’il est constant que le Port autonome du Havre doit, par application combinée des articles L. 122-24-4, L. 241-10-1, R. 241-51 et R. 241-51-1 du Code du travail, à compter du délai d’un mois du deuxième examen médical d’inaptitude, soit en l’espèce du 17 juin 2003, verser à M. X... son salaire ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la visite médicale du 25 mars 2003 était une visite de pré-reprise et que le salarié avait été soumis les 16 mai et 30 juin 2003 aux deux examens médicaux prévus à l’article R. 241-51-1 du Code du travail, ce dont il résultait que l’employeur n’était tenu, en l’absence de reclassement ou de licenciement du salarié, au paiement du salaire qu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la date du second de ces examens, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

La confusion des genres continue donc pour la cour d’appel… Si l’examen du 25 mars 2003 ne peut être qualifié de visite de reprise, a fortiori ne peut-il pas non plus constituer le premier des deux examens permettant le décompte du délai d’un mois… En confirmant sa position de principe, la Haute juridiction affirme que le délai d’un mois court à compter de la date du deuxième examen médical d’inaptitude, c’est-à-dire à compter du 30 juin 2003 en l’occurrence (voir notamment Cass. soc., 28 janv. 1998, n° 95-44301).

Source : IM du CISME, n° 23 - Juillet-Août 2007 Cass. soc., 31 mai 2007 - n° 06-41.143

L’article R. 241-57 al. 1er du Code du travail prévoit que « à l’issue de chacun des examens médicaux prévus aux articles R. 241-48, R. 241-49, R. 241-50 et R. 241-51, le médecin du travail établit une fiche d’aptitude en double exemplaire ». Le modèle de cette fiche a été fixé par arrêté du 24 juin 1970 (JO 12 sept.) et comporte notamment des cases relatives à la nature de l’examen effectué, par exemple « Embauche-Réintégration ». Les médecins du travail devront être extrêmement attentifs dans la sélection de la nature de l’examen médical dans la mesure où, en cas de contentieux, le juge pourra déduire de ce choix quelle était l’intention initiale du médecin… C’est ce que décide la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mai dernier. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’affirmer que l’intention du médecin du travail est essentielle dans le cadre d’une procédure de reconnaissance d’(in)aptitude au poste de travail. En effet, la chambre sociale a notamment indiqué dans deux arrêts du 19 janvier 2005 qu’un examen effectué pendant un arrêt de travail pour maladie pouvait, sous conditions, être qualifié de visite de reprise (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-41.904 et 03-41.479).

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Elle constatait alors que « l’intervention du médecin du travail s’était inscrite en vue d’une reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1 à 3 de l’article R. 241-51 de ce Code, peu important l’envoi par la salariée de prolongation d’arrêts maladie de son médecin traitant ». L’intention du médecin du travail lui-même est donc déterminante pour qualifier la visite en cause. Ce rôle prédominant est confirmé dans l’arrêt du 31 mai dernier, lequel va sans doute donner lieu à des interprétations multiples. En l’espèce, une salariée se trouve en arrêt de travail pour maladie professionnelle dans un premier temps. Par la suite, elle est classée en invalidité et bénéficie de deux visites médicales effectuées par le médecin du travail les 12 et 26 septembre 2000. En mai 2002, la salariée forme une demande en résiliation du contrat de travail et en paiement de rappel de salaires et de congés payés. Cette dernière considère, en effet, que la visite dont elle a bénéficié le 12 septembre 2000 constituait une visite de reprise ayant conduit à la reconnaissance de son inaptitude au poste de travail. Par conséquent, l’employeur aurait dû respecter l’ensemble de ses obligations, notamment au niveau de la recherche de reclassement ou encore à celui de la reprise de versement des salaires à l’expiration du délai d’un mois suivant la seconde visite. La Cour de cassation déboute cependant la salariée de ces demandes. Elle relève en effet « qu'ayant constaté que le médecin du travail avait, sur la fiche médicale du 12 septembre 2000, coché, non pas les autres mentions de visite annuelle, d'embauche, de reprise du travail, de surveillance particulière et d'examen complémentaire, mais celle d'autre visite, la cour d'appel a pu, abstraction faite du motif surabondant visé par la seconde branche du moyen, en déduire que la visite en date du 12 septembre 2000 à l'issue de laquelle ce médecin formulait une demande de reclassement professionnel sur un poste sédentaire excluant les déplacements professionnels ne constituait pas une visite de reprise ». La Cour considère donc que le médecin du travail, en ne cochant pas « visite de reprise » sur la fiche d’aptitude prévue par l’article R. 241-57 du Code du travail, entendait néces-sairement exclure une telle qualification et, par conséquent, la reconnaissance d’une inap-titude au poste de travail. Il serait intéressant de connaître le point de vue du médecin du travail concerné. Ce dernier avait en effet émis un avis d’aptitude préconisant, pour la salariée dont l'arrêt de travail avait pris fin, un « reclassement professionnel sur un poste sédentaire excluant les déplacements professionnels » et indiquant la nécessité de la revoir dans les quinze jours. A notre sens, une procédure de reconnaissance d’inaptitude semblait donc bien être initiée. Les Hauts Magistrats ne partagent pas ce point de vue et vont même plus loin dans l’arrêt du 31 mai 2007 puisqu’ils considèrent qu’à défaut de visite de reprise initiée par l’employeur conformément à l’article R. 241-51 du Code du travail, la salariée était en droit de solliciter une résiliation du contrat de travail aux torts de ce dernier.

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Elle précise en effet que « la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige en statuant sur les demandes formulées devant elle dont l'examen supposait de qualifier les visites par le médecin du travail, et qui a par ailleurs accueilli la demande en résiliation du salarié fondée sur le manquement de l'employeur à son obligation de provoquer la visite de reprise, a tiré les conséquences légales de ses constatations en retenant exac-tement qu'en l'absence de la seconde visite de reprise, le délai d'un mois prévu par l'article L. 122-24-4 du code du travail pour la reprise du paiement du salaire n'avait pas commencé à courir ». Il est certain que le fameux délai d’un mois à l’expiration duquel l’employeur peut être condamné à procéder au versement des salaires à défaut de reclassement ou de licenciement ne peut commencer à courir que si la seconde visite a lieu… ce qui n’est évidemment pas le cas si la première des deux visites n’est pas qualifiée de visite de reprise. Dans le second moyen, la salariée sollicitait le versement d’une indemnité compensatrice de préavis dans la mesure où l’employeur aurait manqué à son obligation de reclassement. C’est en effet la sanction classiquement infligée par la Cour de cassation en cas de manquement de l’employeur à cette obligation, essentielle dans le cadre d’une procédure de reclassement. Mais en l’espèce, aucune inaptitude n’ayant pu être régulièrement constatée dans la mesure où la première visite n’est pas qualifiée de visite de reprise, cette sanction ne pouvait s’appliquer. La cour d’appel ne pouvait donc que se prononcer sur les conséquences du défaut d’initiative, par l’employeur, d’une visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail. Sur ce point, la cour d’appel a, comme nous l’avons examiné précédemment, fait droit à la demande de la salariée tendant à obtenir une résiliation du contrat de travail. Rappelons que la Cour de cassation avait auparavant jugé que le défaut de visite de reprise engendre nécessairement un préjudice au salarié qu’il convient de réparer. Hasard du calendrier, la Cour de cassation vient d’émettre un bulletin d’information dans lequel elle rappelle sa position en la matière (Bulletin d’information de la Cour de cassation, n° 661, du 15 mai 2007, concernant une décision de rejet de la Chambre sociale du 13 décembre 2006) : « Il résulte de l'article L. 230-2 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive CEE n° 89/391, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promou- voir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l'arti- cle R. 241-51 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier, lors de la reprise du travail ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une ou de l'autre de ces mesures et que le non-respect par l'employeur de ses obligations relatives à la visite médicale de reprise cause nécessairement au salarié un préjudice. C'est à bon droit qu'une cour d'appel, qui a fait ressortir que le salarié avait repris son travail et continué à travailler au-delà des huit jours de la reprise sans passer la visite médicale prévue par les alinéas 1 à 3 de l'article R. 241-51 du code du travail, a condamné l'employeur à verser au salarié des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce fait ».

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Dans l’arrêt du 31 mai 2007, la Haute juridiction rappelle que « la carence, constatée par la cour d'appel, de l'employeur dans la mise en œuvre de la visite médicale de reprise, et dont le salarié peut prendre l'initiative en informant celui-ci, n'est pas sanctionnée par le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ». Le défaut d’initiative de la visite de reprise par l’employeur ne s’est donc pas traduit par l’attribution de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi mais par la résiliation du contrat de travail. S’agissant de la possibilité, pour le salarié, de prendre lui-même l’initiative de la visite de reprise, la chambre sociale confirme ici la position tenue dans plusieurs arrêts antérieurs. Elle considère en effet classiquement qu’il est possible que le salarié prenne l’initiative de l’examen médical de reprise s’il en informe l’employeur (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912). La salariée avait précisément entendu se fonder sur cette jurisprudence pour permettre la qualification de la visite « de reprise » dont elle avait elle-même pris l’initiative en indiquant, dans le premier moyen, que « l'employeur ne soutenait pas ne pas avoir été informé de la visite médicale ». Elle n’a cependant pas été entendue dans la mesure où l’intention du médecin du travail était différente selon la Cour de cassation.

Source : IM du CISME, n° 27 – Décembre 2007 Cass. soc., 19 oct. 2007 - n° 06-43.953 Dans un arrêt du 31 mai 2007, la Cour de cassation avait jugé « qu'ayant constaté que le médecin du travail avait, sur la fiche médicale du 12 septembre 2000, coché, non pas les autres mentions de visite annuelle, d'embauche, de reprise du travail, de surveillance particulière et d'examen complémentaire, mais celle d'autre visite, la cour d'appel a pu, abstraction faite du motif surabondant visé par la seconde branche du moyen, en déduire que la visite en date du 12 septembre 2000 à l'issue de laquelle ce médecin formulait une demande de reclassement professionnel sur un poste sédentaire excluant les déplacements professionnels ne constituait pas une visite de reprise » (Cass. soc., 31 mai 2007, n° 06-41.143). En d’autres termes, elle admettait que le choix de la nature de l’examen médical coché par le médecin du travail sur la fiche d’aptitude puisse avoir un impact direct sur la qualification de la visite dont a bénéficié un salarié à l’issue d’un arrêt de travail. Nous savons combien est importante la qualification d’une visite dans la mesure où seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail après un arrêt de travail (Cass. soc., 22 mars 1989, Bull. civ. V, n° 235). Un licenciement prononcé sans reconnaissance d’une inaptitude dans le respect des procédures prévues par le Code du travail pourrait être considéré comme nul car fondé sur l’état de santé du salarié (C. trav., art. L. 122-45).

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Suite à l’arrêt du 31 mai 2007, nous avons conseillé aux médecins du travail d’être extrêmement vigilants dans le choix de la nature de l’examen médical qu’ils cochent sur la fiche d’aptitude prévue par l’article R. 241-57 du Code du travail. Si la prudence doit être maintenue, la Cour de cassation nuance cette position dans un arrêt du 19 octobre 2007 dans lequel elle adopte une position plus pragmatique. En l’espèce, une salariée, engagée le 22 mai 1996, est licenciée le 19 février 2003 suite au constat, par le médecin du travail, de son inaptitude à tous postes de l'entreprise. Elle saisit par la suite la juridiction prud'homale de diverses demandes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture. La salariée considère notamment que le licenciement prononcé est nul dans la mesure où la première des deux visites aux termes de laquelle une inaptitude a été constatée par le médecin du travail a eu lieu alors même qu’elle se trouvait en arrêt de travail. Plus précisément, la première visite a eu lieu le 7 janvier 2003 à l’initiative de la salariée elle-même et alors que cette dernière se trouvait, semble-t-il, toujours en arrêt de travail. La salariée cherche donc à prouver que la visite du 7 janvier 2003 était une visite de pré-reprise ne mettant pas un terme à la suspension du contrat de travail et ne permettant pas de procéder régulièrement au constat d’une inaptitude au poste de travail. Le licenciement prononcé par la suite ne pouvant qu’être annulé dans ces conditions. Aux termes de l’article R. 241-51 du Code du travail, il est vrai que le salarié peut prendre l’initiative d’une visite de pré-reprise alors même que cette faculté n’est pas prévue par les textes s’agissant de la visite de reprise elle-même ! C’est la jurisprudence, et non le législateur, qui a admis que le salarié pouvait prendre l’initiative d’une visite de reprise s’il en informe l’employeur (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912). Depuis un arrêt du 6 avril 1999, confirmé par les célèbres arrêts du 19 jan- vier 2005, la Cour de cassation admet en outre qu’une visite ayant lieu pendant un arrêt de travail soit qualifiée de visite de reprise (Cass. soc., 6 avr. 1999, n° 96-45.056 ; Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-41.904 et 03-41.479).

Elle affirme en effet régulièrement que « les visites pratiquées l’avaient été eu égard au poste de travail actuel de la salariée espacées de deux semaines (…), que l’intervention du médecin du travail s’était inscrite en vue d’une reprise du travail ou d’un reclassement au sens des alinéas 1 à 3 de l’article R. 241-51 de ce Code, peu important l’envoi par la salariée de prolongation d’arrêts maladie de son médecin traitant ».

En clair, tout dépendra des éléments de faits et, surtout, de l’intention du médecin du travail : a-t-il entendu se prononcer en vue d’une reprise du travail ou d’un reclassement ? Outre le fait que la visite a eu lieu pendant un arrêt de travail, la salariée souligne que « la fiche médicale d'aptitude du 7 janvier 2003 fait apparaître que seule a été cochée la case "visite occasionnelle", tandis que la case "visite de reprise" était laissée vierge, ce qui démontre sans équivoque que l'examen litigieux ne constituait pas une visite de reprise au sens de l'article R. 241-51, alinéa 1er, du code du travail ».

La salariée considère que l’intention du médecin du travail n’était pas de procéder au constat d’une inaptitude dans la mesure où il n’avait pas coché la case relative à la visite de reprise mais seulement « visite occasionnelle ».

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Qu’en est-il réellement ? Sans pouvoir interroger le médecin du travail concerné, nous pouvons néanmoins souligner que ce dernier a émis un avis d’inaptitude, alors même qu’un tel avis ne serait en principe pas rendu dans le cadre d’une visite de pré-reprise, et qu’il a prévu une seconde visite dans les quinze jours suivants.

A notre sens, une procédure d’inaptitude avait bien été engagée par ses soins, ce que confirme la Cour de cassation dans l’arrêt du 19 octobre 2007 en affirmant « qu'appréciant l'ensemble des éléments et sans se fonder sur la seule fiche médicale du 7 janvier 2003, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a retenu que Mme X... avait pris l'initiative de se soumettre à la visite médicale à l'expiration de son arrêt de travail et que cette première visite du 7 janvier 2003 avait été suivie d'une seconde dans le délai de quinze jours ».

Afin de procéder à la qualification d’une visite suite à un arrêt de travail (reprise ou pré-reprise), il convient donc d’adopter la technique du « faisceau d’indices », c’est-à-dire d’apprécier l’ensemble des éléments de fait. Il importe alors de se poser notamment les questions suivantes :

� A quel moment a eu lieu la visite ?

� Qui a pris l’initiative de la visite ?

� Le salarié en a-t-il informé l’employeur ?

� Le médecin du travail raisonne-t-il au présent ou au futur ?

� A-t-il coché la case « visite de reprise » ?

� A-t-il émis un avis d’inaptitude ?

� A-t-il prévu de revoir le salarié deux semaines plus tard ? Une étude de poste ? En l’espèce, la Cour de cassation retient que la salariée a pris l’initiative de la visite de reprise mais n’indique nullement que l’employeur en a été préalablement informé… C’était pourtant l’une des conditions posées dans les précédents arrêts pour permettre à un salarié d’organiser lui-même la visite de reprise. Nous ne pouvons que souligner le maintien d’une certaine insécurité juridique pour l’ensemble des parties : salarié, employeur et SIST/médecin du travail…

Source : IM du CISME, n° 32 - Mai 2008 Cass. soc., 19 mars 2008 - n° 06-44.734 Nous avons à plusieurs reprises attiré votre attention sur l’évolution de la jurisprudence en matière d’inaptitude dans les présentes colonnes.

Au cours des dernières années, il est apparu que l’intention du médecin du travail est désormais considérée comme déterminante pour procéder à la qualification d’un examen médical. Or, nous savons que cette étape est essentielle et décide de l’ensemble de la procédure à suivre. Plus particulièrement, en cas de contentieux, les juges vont chercher à connaître l’intention du médecin du travail afin de qualifier un examen de visite de « pré-reprise » ou de visite de « reprise ».

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Seule la visite de reprise met fin à la suspension du contrat de travail et permet d’engager régulièrement une procédure de reconnaissance d’inaptitude conduisant, à défaut de reclas-sement, au licenciement.

Si le premier examen est qualifié de visite de « pré-reprise », qui ne peut mettre fin à la suspension du contrat de travail, la procédure suivie est tout simplement considérée comme nulle.

Une certaine « pression » pourrait donc retomber sur le médecin du travail, acteur clé du dispositif de la Santé au travail.

Nous en avons une nouvelle illustration dans l’arrêt du 19 mars 2008, publié par la Cour de cassation.

En l’espèce, un salarié, chauffeur de poids lourds, est victime d'un accident du travail le 24 octobre 1994, au terme duquel il est reclassé au poste de mécanicien puis de nouveau « autorisé », pour reprendre le terme de la Cour de cassation, par le médecin du travail à conduire un camion.

Victime d’un nouvel accident du travail le 19 juillet 2001, le salarié bénéficie d’une visite médicale qualifiée de visite de reprise par le médecin du travail le 5 septembre 2001, à l’issue de laquelle il est déclaré inapte au poste de chauffeur poids lourds.

Le 12 septembre 2001, le médecin du travail adresse à l'employeur un courrier l'informant de cette première visite, de l’inaptitude et du fait qu'il convient d'envisager pour lui un reclassement, tout en indiquant que le salarié doit être revu dans les quinze jours. Il informe également l’employeur du fait que le salarié entend contester l’avis d’inaptitude émis.

Le 27 septembre 2001, le salarié conteste effectivement l’avis auprès de l’inspection du travail en application de l’article L. 241-10-1 du Code du travail.

L’avis d’inaptitude est régulièrement confirmé par le médecin du travail.

L'avis émis à l’issue de la seconde visite de reprise comporte la mention "deuxième visite à quinze jours" et « inapte au poste de chauffeur poids lourd. Il serait souhaitable de le reclasser à un poste ne comprenant pas de travail en hauteur ».

Le salarié, invoquant le non-respect par son employeur des dispositions de l'article L. 122-32-5 du Code du travail (délai d’un mois) et prenant acte de la rupture de son contrat de travail à l'initiative de celui-ci, saisit par la suite la juridiction prud'homale de diverses demandes. Il est débouté de l’intégralité de ses demandes, tant en paiement des salaires qu'en paie-ment des indemnités résultant de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, par la cour d'appel. Cette dernière retient en effet que l'employeur conteste avoir reçu l'avis du médecin du travail du 5 septembre 2001 et le courrier du 12 septembre 2001, que la lettre a été envoyée par courrier simple et qu’il n'est pas démontré que l'employeur l'a reçue. Les juges du fond considèrent également que l’employeur reconnaît avoir été destinataire de l'avis de la seconde visite de reprise mais que la simple mention "Reprise - deuxième visite à quinze jours" est « ambiguë » dans la mesure où il peut s’agir tant de la deuxième visite de reprise que de la demande qu’une deuxième visite soit effectuée quinze jours après. La cour d’appel en déduit qu'il n'a en conséquence pas été valablement porté à la connaissance de l'employeur l'existence des deux visites de reprise et, qu'en outre, l'employeur a pu être

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d'autant plus induit en erreur que l'avis d'inaptitude n'était pas définitif puisqu'il était toujours contesté devant la juridiction administrative. La cour d’appel souligne au surplus que l’employeur a versé l'intégralité de son salaire au salarié du 20 juillet 2001 au 17 octobre 2001. Pour la période du 18 octobre 2001 au 1er septembre 2002, les prestations en espèces de l'assurance accident du travail ont été directement versées au salarié par la MSA. Les juges du fond retiennent que, au moment où ont été passées les deux examens médicaux, « le contrat de travail du salarié était toujours suspendu et qu'il ne pouvait donc s'agir que de visites de pré-reprise et qu'en conséquence, le délai d'un mois imparti à l'employeur à compter de la seconde visite de reprise pour procéder soit au reclassement du salarié soit à son licenciement n'avait pas couru ». A tort selon la Cour de cassation qui confirme la jurisprudence qu’elle tient en la matière. Les Hauts Magistrats affirment en effet « qu'en statuant comme elle a fait, par des motifs inopérants tirés de l'ignorance dans laquelle se trouvait l'employeur du premier avis médical d'inaptitude et du recours administratif en cours alors qu'elle avait constaté que le médecin du travail avait lui-même qualifié l'avis du 5 septembre 2001 de visite de reprise et que le second avis du 26 septembre 2001 confirmait l'inaptitude du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». En d’autres termes, l’élément essentiel à retenir se rapporte donc bien à l’intention du médecin du travail. Ce dernier ayant entendu se prononcer sur l’(in)aptitude du salarié à reprendre son poste, la suspension du contrat de travail avait bien pris fin. En conséquence, l’employeur aurait effectivement dû reprendre le versement des salaires à l’issue du délai d’un mois suivant la seconde visite. A défaut, le salarié pouvait faire constater la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. • Qualification de la visite Rappelons que dans les arrêts du 19 janvier 2005, la Cour de cassation précisait que « les visites pratiquées les 25 avril et 9 mai 2000 l'avaient été eu égard au poste de travail actuel de la salariée et espacées de deux semaines conformément aux dispositions de l'article R. 241-51-1 du Code du travail, a pu en déduire que l'intervention du médecin du travail s'était inscrite en vue d'une reprise du travail ou d'un reclassement au sens des alinéas 1 à 3 de l'article R. 241-51 de ce Code, peu important l'envoi par la salariée de prolongation d'arrêts maladie de son médecin traitant » (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-41.479). Dans une précédente édition (Informations Mensuelles, Décembre 2007), nous vous avons conseillé d’utiliser la technique, chère aux juristes, dite du « faisceau d’indices » afin de pouvoir, en cas de doute, procéder à la qualification d’un examen médical. Plusieurs questions doivent en effet se poser :

A quel moment a eu lieu la visite ? Qui a pris l’initiative de la visite ? Le médecin du travail a-t-il coché la case « visite de reprise » ? A-t-il émis un avis d’inaptitude ? A-t-il prévu de revoir le salarié deux semaines plus tard ?

Avant de se prononcer, le médecin du travail doit donc prendre toutes les précautions utiles afin que son intention soit totalement dépourvue d’ambigüité. Rappelons également pour mémoire qu’à l’issue d’une visite dite de « pré-reprise », aucun avis d’aptitude ou d’inaptitude ne doit être prononcé.

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• Transmission de l’avis d’aptitude Dans l’arrêt du 19 mars dernier, l’employeur contestait notamment avoir été informé de la première visite. Le médecin ne l’en avait semble-t-il informé que par courrier, une semaine plus tard. Quelle procédure doit être suivie ? Rappelons qu’aux termes de l’article R. 241-57 du Code du travail, « à l'issue de chacun des examens médicaux prévus aux articles R. 241-48, R. 241-49, R. 241-50 et R. 241-51, le médecin du travail établit une fiche d'aptitude en double exemplaire. Il en remet un exemplaire au salarié et transmet l'autre à l'employeur qui le conserve pour être présenté à tout moment, sur leur demande, à l'inspecteur du travail et au médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'oeuvre ». Dans la pratique, le double de l’avis destiné à l’employeur est fréquemment remis au salarié lui-même, à charge pour ce dernier de le transmettre à l’entreprise. Mais comment garantir, dans ces conditions, l’information de l’employeur ? Nous vous conseillons une nouvelle fois de mettre en place une procédure garantissant l’information de chacune des parties (voir IM, Mars-Avril 2006, Cass. soc., 8 mars 2006, n° 04-43.856). La Cour de cassation ne s’attarde toutefois pas sur cette question, considérant qu’il s’agit d’un « motif inopérant ». Nous pouvons toutefois nous interroger sur l’intérêt qu’aurait l’employeur à se retourner contre le Service de Santé au travail dans la mesure où ce dernier ne lui a pas transmis un double de l’avis, conformément à l’article R. 241-57 précité, et qu’il n’a donc pas été en mesure de respecter la procédure. Bien entendu, en l’espèce, le médecin du travail avait tenté de procéder à l’information après coup, en adressant un courrier simple à l’employeur que ce dernier a prétendu ne pas avoir reçu… D’où un risque de tensions entre employeurs, salariés et SIST. • Recours contre l’avis Dans l’arrêt du 19 mars dernier, la Cour de cassation confirme également que le recours exercé par l’employeur ou le salarié contre un avis, en application de l’article L. 241-10-1 du Code du travail, n’est pas suspensif. Autrement dit, la procédure se poursuit, nonobstant le fait que cet avis soit contesté devant l’inspecteur du travail. Aucun délai n’est d’ailleurs prévu pour encadrer le recours du salarié ou de l’employeur contre l’avis du médecin du travail. En conséquence, un tel recours peut théoriquement survenir y compris une fois que l’inaptitude a été définitivement reconnue… La Cour de cassation, dans un arrêt du 9 février 2005, a répondu à la question de la compétence de l’inspecteur du travail saisi postérieurement au licenciement du salarié inapte. Cet arrêt reconnaît implicitement à l’inspecteur du travail la capacité de se prononcer sur l’aptitude du salarié à son poste, même après le licenciement. Dans cet arrêt, la chambre sociale affirmait en effet que lorsqu'un salarié, dont l'inaptitude a été reconnue par le médecin du travail, a, en application de l'article L. 241-10-1 du Code du travail, contesté l'avis médical devant l'inspecteur du travail, et que ce dernier ne reconnaît pas l'inaptitude, le licenciement prononcé par l'employeur après l'avis médical, mais avant la

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décision de l'inspecteur du travail, devient privé de cause et le salarié a droit à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 9 févr. 2005, n° 03-44.986). Repenser l’inaptitude, l’un des objectifs du Plan Santé-travail 2005- 2009, nous semble indispensable, tant la « judiciarisation » des affaires tend à complexifier les relations entre adhérents, salariés et Services interentreprises de Santé au travail dont la mission, rappelons-le, est d’éviter l’altération de l’état de santé du salarié du fait de son travail. De telles procédures ont pourtant de quoi altérer…

Source : IM du CISME, n° 36 - Octobre 2008 Cass. soc., 30 mai 2007 - n° 05-43.341 Conformément à l’article R. 4624-21 du Code du travail (ancien article R. 241-51), « le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ;

4° Après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;

5° En cas d'absences répétées pour raisons de santé ». Nous avons attiré votre attention à plusieurs reprises sur le fait que, selon la Cour de cassation, ce n’est pas la fin de l’arrêt de travail lui-même qui met fin à la suspension du contrat de travail mais la visite de reprise (Cass. soc., 22 mars 1989, n° 86-43.655). Autrement dit, si la notification, par un salarié, d’un arrêt de travail entraîne la suspension du contrat de travail, celle-ci ne prend cependant pas fin au terme de l’arrêt mais du fait de la visite de reprise elle-même… Ce raisonnement a notamment conduit la Haute juridiction à affirmer que lorsque les avis du médecin du travail ont été délivrés « en vue de la reprise du travail » par le salarié et que l'employeur en a eu connaissance, la période de suspension du contrat de travail au sens de l'article R. 241-51 du Code du travail (C. trav., art. R. 4624-21 nouveau) a pris fin, « peu important à cet égard que le salarié ait continué à bénéficier d'un arrêt de travail de son médecin traitant » (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-41.479).

D’où l’intérêt, de manière à éviter le risque d’invalidation d’une procédure, de savoir qualifier un examen médical : visite de reprise ou non ? Rappelons qu’en principe, il appartient à l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, de prendre l’initiative de la visite de reprise. A défaut, il doit réparation au salarié du préjudice qui lui est causé (Cass. soc., 13 déc. 2006, n° 05-44.580).

Mais la chambre sociale a déjà également admis que le salarié lui-même peut prendre l’initiative de la visite s’il en informe l’employeur (Cass. soc., 12 nov. 1997, n° 94-40.912). Cette formalité est substantielle. A défaut, la procédure est nulle, ce qu’a illustré la Cour de cassation dans un arrêt du 30 mai 2007.

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Dans cette affaire, une salariée, engagée en qualité d'assistante d'étude le 4 janvier 1999, s’est trouvée en arrêt de travail pour maladie du 22 mai au 23 novembre 2003. Le 22 sep-tembre, soit deux mois environ avant la fin de l’arrêt de travail, le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste occupé et à tout poste dans la même direction et/ou placé sous la même hiérarchie. Le 8 octobre, la salariée a été déclarée inapte définitivement dans les mêmes termes à l’issue de la seconde visite médicale. Le 5 décembre, douze jours après la fin de l’arrêt de travail, l'employeur a reproché à la salariée d'être en absence irrégulière depuis le 24 novembre et a cessé de lui verser son complément de salaire en la menaçant de sanction disciplinaire. La salariée a, dès lors, « pris acte de la rupture » de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour non-paiement de son salaire à compter du 8 novembre 2003, à l’issue du délai d’un mois suivant la seconde visite, et pour « attitude de déstabilisation constitutive de violences morales et psychologiques caractérisant une exécution déloyale du contrat de travail ». Après avoir été licenciée le 17 mars 2004 pour « impossibilité de reclassement », la salariée a saisi la juridiction prud'homale. Il semblerait donc, eu égard aux faits évoqués, que l’employeur ait finalement décidé de tenir compte de la procédure d’inaptitude dans la mesure où un licenciement pour « impossibilité de reclassement », et donc inaptitude, a été prononcé. Ce licenciement ne pouvait cependant prendre effet dans la mesure où la salariée avait déjà, antérieurement, « pris acte de la rupture » de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Rappelons dans ce cadre que la prise d’acte de la rupture est une construction prétorienne. La Cour de cassation considère ainsi que, lorsqu'un salarié « prend acte de la rupture » de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets :

• soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justi-fiaient,

• soit, dans le cas contraire, d'une démission. Bien entendu, pour chacune des parties, les conséquences d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou d’une démission ne sont pas du même ordre ! En l’espèce, la cour d’appel a débouté la salariée de sa demande tendant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et rejeté ses demandes d'indemnisation. Cet arrêt a été confirmé par la Cour de cassation qui rappelle notamment qu’« aucun courrier n'avait été adressé par la salariée à l'employeur pour l'aviser de son intention de subir une visite de reprise, de sorte que les deux avis des 22 septembre et 8 octobre 2003 ne lui étaient pas opposables et qu'il ne pouvait pas lui être reproché le non-paiement du salaire à compter du 8 novembre ». La chambre sociale rappelle ici la condition qu’elle a posée afin de permettre à un salarié de prendre l’initiative de la visite de reprise, à savoir d’en informer préalablement l’employeur. A défaut, l’examen médical ne peut être qualifié de visite de reprise qui, seule, met fin à la suspension du contrat de travail et la procédure qui s’en suit est nulle. La salariée avait pourtant notamment tenté d’user de l’argument selon lequel l’employeur était informé de la procédure en cours dans la mesure où, conformément à l’article D. 4624-47 du Code du travail, une fiche médicale d’aptitude avait été émise à l’issue de chacun des deux examens et adressée à l’employeur.

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L’information de l’employeur doit cependant avoir lieu préalablement à la visite de reprise, cette condition étant essentielle. L’une des questions qui peut subsister porte sur la forme que doit prendre cette information et sur l’attitude que doit adopter le médecin du travail lorsqu’il reçoit un salarié l’informant du fait qu’il prend l’initiative de la visite de reprise. Compte tenu des enjeux, il est préférable que la preuve soit rapportée par le salarié lui même, et non par le Service, par écrit. Dans l’arrêt du 30 mai 2007, la cour d’appel, puis la Cour de cassation, avaient ainsi souligné l’absence de courrier adressé par la salariée à son employeur. Mais jusqu’où aller ? Là est toute la question dans un contexte de « judiciarisation » croissante où la preuve constitue un élément clé dans le cadre d’un contentieux. Dans cette affaire, ce n’est pas la souffrance au travail qui est au cœur des débats mais la procédure suivie pour reconnaître une inaptitude du salarié à son poste de travail, procédure non valable à défaut de respect de l’un des éléments de fait devant être respectés. La qualification d’un examen médical, exercice difficile dans certains cas, est donc extrêmement importante et l’intention du médecin du travail constitue un élément clé dans ce cadre, comme nous vous l’avons indiqué à d’autres occasions dans les présentes colonnes (voir notamment : Cass. soc., 31 mai 2007, n° 06-41.143). Celle-ci, déterminante, ne suffit toutefois pas, comme nous venons de le constater dans l’arrêt du 30 mai 2007, la rupture du contrat de travail par la salariée ayant finalement produit les effets d’une démission dans la mesure où l’employeur n’avait pas été informé, par écrit, du fait qu’elle prenait l’initiative de la visite de reprise. L’ensemble de la procédure d’inaptitude a donc été invalidé et la salariée ne pouvait reprocher à l’employeur l’absence de versement du salaire à l’issue du délai d’un mois suivant la seconde visite médicale. Médecine et Droit obéissent décidément à des logiques distinctes. Comment qualifier un examen médical ? Nous profitons du présent arrêt pour vous rappeler les éléments devant être pris en compte afin de qualifier un examen de « visite de reprise » mettant un terme à la suspension du contrat de travail :

12/08/08

Arrêt de

travail : début

13/01/09

Arrêt de

travail : terme

20/09/08

1ère

visite

05/10/08

2nde

visite

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La visite qui a eu lieu le 20 septembre 2008 peut-elle être qualifiée de visite de reprise ? Si oui, à quelles conditions ?

Afin de répondre à cette question, il est possible d’adopter la technique du « faisceau d’indices » :

-t-elle eu lieu pendant un arrêt de travail ?

-t-il coché la case « visite de reprise » ?

t-il prononcé « en vue de la reprise » ?

-t-il émis un avis d’inaptitude ?

-t-il prévu de revoir le salarié deux semaines plus tard ? Et d’effectuer une étude de poste et des conditions de travail entre les deux ?

te ? S’il s’agit du salarié, en a-t-il informé l’employeur au préalable ?

SITUATION DU SALARIE ENTRE LA FIN DE L’ARRET DE TRAVAIL ET

LA VISITE DE REPRISE

Source : IM du CISME, n° 37 - Novembre 2008 Cass. soc., 21 mai 2008 - n° 07-41.102

Vous êtes nombreux à nous interroger sur la situation dans laquelle se trouve le salarié entre la fin de son arrêt de travail et la visite de reprise. Nous profitons donc de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 mai dernier pour vous rappeler ce que prévoient les textes en la matière.

Rappelons qu’aux termes de l’article R. 4624-21 du Code du travail, tout salarié doit bénéficier d'un examen obligatoire de reprise par le médecin du travail dans les cas suivants :

après une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ;

après une absence d'au moins 8 jours pour cause d'accident du travail ;

après une absence pour cause de maladie professionnelle (quelle qu’en soit la durée) ;

après un congé de maternité ;

après des absences répétées pour raison de santé.

L’employeur est, en outre, tenu d’organiser cette visite dans un délai maximum de 8 jours (C. trav., art. R. 4624-22).

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Plusieurs questions se posent alors :

L’employeur peut-il autoriser le salarié à reprendre son travail dès la fin de son arrêt de travail ou doit-il attendre que la visite de reprise soit réalisée ?

L’article R. 4624-22 du Code du travail précise que « l'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours ». En principe, aucune faute ne peut ainsi être reprochée à un employeur ayant pris toutes les mesures nécessaires afin d’organiser la visite de reprise lors de la reprise ou, au plus tard, dans un délai de huit jours. Cela étant, la Cour de cassation a été amenée à construire une jurisprudence en matière de Santé au travail s’écartant de la lettre même des dispositions légales ou réglementaires. Code du travail et jurisprudence doivent en effet être dissociés. Elle considère, notamment, que ce n’est pas la fin d’un arrêt de travail qui met un terme à la suspension du contrat de travail, mais la visite de reprise elle-même (Cass. soc., 22 mars 1989, Bull. civ. V n° 235). Autrement dit, même si le salarié reprend effectivement son poste au terme d’un arrêt de travail, son contrat est toujours théoriquement suspendu. De ce raisonnement découlent plusieurs conséquences. La chambre sociale de la Cour de cassation juge ainsi que, suite à un arrêt de travail pour accident du travail et en l’absence de visite de reprise, le contrat est toujours théoriquement suspendu en dépit de la reprise effective de sorte que le salarié bénéficie des dispositions protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie profession-nelle en arrêt de travail. Aucune rupture du contrat de travail ne peut donc intervenir, sauf impossibilité de maintenir le contrat ou faute grave (Cass. soc., 28 févr. 2006, n° 05-41.555). La Cour de cassation affirmait, en effet, dans cet arrêt, que « l'employeur, tenu d'une obli-gation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier, lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures (…)». Comme vous le constatez, la Cour de cassation mentionne expressément le délai de huit jours dans lequel doit intervenir la visite de reprise. L’employeur est donc supposé respecter son obligation de sécurité de résultat dès lors qu’il a organisé la visite de reprise dans un délai de huit jours au plus suivant la reprise. Néanmoins, dans la mesure où seule la visite de reprise met un terme à la suspension du contrat de travail, nous vous invitons à adopter une position de prudence. Si un accident survient entre le jour de la reprise effective et le jour de la visite de reprise, alors même que le contrat est toujours théoriquement suspendu, il est possible qu’un impact direct sur l’origine de l’inaptitude soit constaté. Enfin, l’une des questions qui peut subsister, si l’employeur refuse la reprise effective avant la visite de reprise, porte sur la question du versement du salaire, le salarié se mettant à la disposition de l’employeur.

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L’absence du salarié entre la fin de son arrêt de travail et la visite de reprise peut-elle constituer un motif de licenciement ?

La chambre sociale de la Cour de cassation répond par la négative à cette question dans l’arrêt du 18 mai 2008, réponse déjà formulée dans un arrêt du 29 novembre 2006 (IM, Oct.-Nov.-Déc. 2006).

En effet, en 2006, un salarié avait été licencié pour faute grave « pour absence injustifiée depuis le 20 janvier 2001 et refus de se présenter devant le médecin du travail ».

La Cour de cassation avait considéré que « ne constitue pas une faute grave la seule absence de justification par le salarié de la prolongation de son arrêt de travail, dès lors que l'employeur a été informé par la remise du certificat médical initial de l'arrêt de travail du salarié » (Cass. soc., 11 janv. 2006, n° 04-41.231).

Dans l’arrêt qui fait l’objet de notre attention, une salariée a bénéficié d’un arrêt de travail du 17 juillet 2001 au 8 octobre 2001.

En raison de son absence du 9 au 12 octobre, soit la semaine suivant la fin de son arrêt de travail (délai dont dispose l’employeur pour organiser la visite de reprise), la salariée a été licenciée.

Cette dernière a donc porté l’affaire devant les tribunaux, afin de contester le motif de son licenciement.

La Cour de cassation considère que « seule la visite médicale de reprise du travail met fin à la période de suspension du contrat de travail et que l'absence constatée entre le jour de cette reprise et la date de la visite médicale ne peut justifier le licenciement ».

Ainsi, l’absence du salarié entre la visite de reprise et la fin de son arrêt de travail n’est pas constitutive d’une faute, dans la mesure où le contrat de travail du salarié est suspendu jusqu’à la visite de reprise.

Cette réponse donne, en outre, tout son sens à l’examen de reprise réalisé par le médecin du travail qui, rappelons-le, a pour objet d’apprécier l’aptitude médicale du salarié à reprendre son emploi.

Toutefois, une incohérence subsiste entre la prescription faite par le médecin traitant et la visite de reprise du médecin du travail : bien que l’arrêt de travail ait pris fin, le contrat de travail reste suspendu jusqu’à la visite de reprise.

Nous ne pouvons donc que constater que la situation du salarié entre la fin de son arrêt de travail et la visite de reprise reste encore incertaine !!

VISITE DE REPRISE ET INVALIDITE

Source : IM du CISME, n° 48 – Novembre 2009 Cass. soc., 28 oct. 2009 - n° 08-43.251 Depuis un arrêt du 28 février 2006, la visite de reprise est devenue une garantie essentielle pour le salarié, garantie que l’employeur doit respecter sous peine de violer l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu et de risquer de se voir reconnaître, le cas échéant, une faute inexcusable.

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Cette fois-ci, la Cour de cassation n’est pas saisie sur le terrain de la faute inexcusable, mais sur la rupture du contrat de travail. Dans cette affaire, une secrétaire est en arrêt de travail pour maladie du 26 août 2002 au 11 juin 2005. Déclarée en invalidité 2ème catégorie par la sécurité sociale, elle demande le 16 septembre 2005, soit 3 mois après la fin de son arrêt de travail, à l'employeur, d'organiser une visite de reprise. Ce dernier lui répond qu'il l'organisera dès que la salariée aura repris son travail. Cette dernière saisit alors la juridiction prud’homale, afin que la rupture du contrat de travail soit prononcée aux torts de l'employeur. La Cour d’appel rejette les demandes de la salariée, au motif que « tant que la reprise du travail n’a pas eu lieu et que la visite de reprise n’a pas été effectuée au plus tard dans un délai de huit jours après la reprise du travail, le contrat de travail demeure suspendu ». En l’espèce, les juges du fond considèrent que l’employeur a rempli son obligation, en assurant à la salariée l’organisation de la visite de reprise dès la reprise effective du travail, et que seule l’absence de reprise du travail, qui conditionnait l’organisation de la visite obligatoire, n’a pas permis de mettre fin à la suspension du contrat de travail. Ce raisonnement est censuré par la Chambre sociale qui donne raison à la salariée.

Elle précise que « selon les dispositions de l’article R. 4624-1 du Code du travail, le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après certaines absences pour raisons médicales ; que le classement en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale ne dispense pas de cette obligation ; qu’il en résulte que si, en cas de carence de l'employeur, le salarié peut solliciter lui-même la visite de reprise à condition d'en aviser au préalable l'employeur, l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé ».

En l'espèce, la salariée avait bien demandé par écrit à l'employeur d'organiser une visite de reprise et de lui attribuer un poste compatible avec son état de santé. Le refus de l'employeur s'analysait donc en un licenciement.

La Cour de cassation considère ainsi, contrairement aux juges du fond, qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait une reprise effective du travail (c'est-à-dire que le salarié se présente dans l’entreprise) pour déclencher l’obligation de l’employeur.

Cette décision, en ce qu’elle rappelle la possibilité pour le salarié de solliciter lui-même une visite de reprise, s’il en informe préalablement son employeur, confirme la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 12 oct. 1999, n° 97-40.835). Toutefois, cette décision appelle quelques précisions.

Rappelons que le classement en invalidité n’a aucun effet automatique sur le contrat de travail. Seul le médecin du travail peut se prononcer sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié à son poste de travail, indépendamment du classement en invalidité.

Aussi, jusqu’à présent, dans l’hypothèse où le salarié devenait invalide, l’employeur n’était pas automatiquement tenu d’organiser une visite de reprise. Il ne l’était que si aucune prolongation d’arrêt de travail ne lui était adressée.

La durée de l’arrêt de travail permettait ainsi à l’employeur de connaître ses obligations, s’agissant de l’organisation de la visite de reprise.

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Plusieurs arrêts de la Chambre sociale, et notamment celui qui fait l’objet de notre commentaire, semblent remettre en cause quelque peu cette analyse.

La Cour de cassation, dans l’arrêt du 28 octobre dernier, semble ne plus se référer à l’issue de l’arrêt de travail, mais à la situation de reprise dans laquelle se place le salarié, en indiquant que l’initiative de la visite de reprise appartient à l’employeur, dès que le salarié invalide en fait la demande et qu’il se tient à sa disposition pour y procéder.

Rappelons qu’aux termes de l’article R. 4624-2 du Code du travail, la visite de reprise « a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de 8 jours ». Aucun contentieux n’avait jusqu’alors porté sur la définition de la « reprise ».

Le Code du travail vise-t-il le terme de l’arrêt de travail ou le cas où le salarié se trouve en situation de reprise ?

La Cour de cassation avait tranché cette question dans un arrêt d’espèce (non publié au Bulletin du 4 juin 2009), en affirmant que « attendu que l'examen de reprise du travail par un salarié après une période d'absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel, ayant, suivant les dispositions de l'article R. 241-51 dont les alinéas 1 et 3 sont devenus les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du pas, antérieurement à cette reprise du travail, Code du travail, lieu lors de la reprise du travail ou au l'obligation de faire procéder à un tel examen ; que la plus tard dans un délai de huit jours, l'employeur n'a cour d'appel, qui a constaté que le salarié n'avait pas alors demandé à reprendre le travail, en a exactement déduit l'absence d'obli-gation pour l'employeur de prendre l'initiative de convoquer ce salarié à une visite médicale de reprise » (Cass. soc., 4 juin 2009, n° 08-40.030).

En l’espèce, un salarié avait reproché à son employeur de ne pas avoir organisé une visite de reprise au terme de son arrêt de travail. La Cour de cassation avait rejeté sa demande, au motif, que n’ayant pas demandé à reprendre le travail, l’employeur n’avait pas l’obligation d’organiser la visite de reprise.

Cette question semble sous-jacente dans l’arrêt du 28 octobre dernier.

A partir de quand l’employeur doit-il considérer que le salarié est en situation de reprise ? Est-ce dès l’issue de l’arrêt de travail ? Le salarié doit-il informer l’employeur qu’il se met en situation de reprise ?

En l’espèce, suite à son classement en invalidité, la salariée a demandé à l’employeur d’organiser une visite de reprise. La Cour de cassation en a donc déduit qu’elle s’était mis en situation de reprise et que l’employeur était alors tenu d’organiser la visite de reprise.

La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : qu’en est-il lorsque le salarié n’informe pas l’employeur de son intention de reprendre le travail ?

Dans ce cas, la prudence voudrait que l’employeur, dès l’issue de l’arrêt de travail, contacte le salarié afin d’organiser la visite de reprise.

Le délai de 8 jours visé par l’article R. 4624-2 du Code du travail commence-t-il à courir à la fin de l’arrêt de travail ou à la date où le salarié se met en situation de reprise ?

Enfin, une dernière interrogation subsiste.

La Cour de cassation, par cet arrêt, semble considérer que dans la mesure où le salarié peut prendre l’initiative de la visite de reprise lui-même et que cette initiative n’est pas subor-donnée à une reprise effective du travail, il a la possibilité de solliciter son employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat, pour bénéficier de cette visite.

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En l’espèce, le salarié n’était plus en arrêt de travail lorsqu’il a sollicité son employeur. La solution aurait-elle été la même s’il avait été en arrêt de travail ? Aurait-il pu, pendant son arrêt de travail, demander à son employeur de lui organiser une visite de reprise ? Nous espérons que la Cour de cassation apportera quelques éclaircissements dans ses prochaines décisions, ces éléments venant complexifier encore davantage l’organisation de la visite de reprise.

Source : IM du CISME, n° 62 – Février 2011 Cass. soc., 25 janv. 2011 - n° 09-42.766 L’employeur doit prendre l’initiative de la visite, dès lors que le salarié l’informe de son classement en invalidité. La Cour de cassation ne cesse de faire évoluer sa position sur les obligations de l’employeur s’agissant de l’organisation de la visite de reprise, lorsqu’un salarié est classé en invalidité. Avant d’analyser la décision du 25 janvier dernier et pour mieux en expliquer le contenu, il convient de rappeler quelques points importants sur la notion d’invalidité. Selon le Code de la sécurité sociale, il existe 3 catégories d’invalidité (CSS, art. L. 341-4) :

- les personnes invalides capables d'exercer une activité rémunérée ;

- les personnes invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque ;

- les personnes invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

L’invalidité est par ailleurs reconnue :

- par le médecin-conseil de la CPAM,

- aux personnes de moins de 60 ans,

- pour compenser une perte de gain résultant d’un état pathologique chronique. Depuis longtemps, et cela a encore été rappelé en 2008 par la chambre sociale de la Cour de cassation, il est admis que « le classement d'un salarié en invalidité 2e catégorie (...) obéit à une finalité distincte et relève d'un régime juridique différent » de celui de l’inaptitude au poste de travail (Cass. soc., 9 juill. 2008, n° 07-41.318). Autrement dit, une personne, même reconnue invalide 2ème catégorie, c'est-à-dire « incapable d’exercer une profession » selon le régime de la Sécurité sociale, peut être apte à un emploi. Circulaire du 21 novembre 1994 En 1994, une circulaire a défini les différentes hypothèses se présentant à l’employeur, lorsqu’un de ses salariés est reconnu invalide (Circ. DRT n° 94-13 du 21 nov. 1994). Elle rappelait, avant toute chose, que le salarié n’était pas tenu d’informer son employeur de son classement en invalidité. Toutefois, lorsqu’il faisait le choix de l’informer sans exprimer le

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souhait de reprendre le travail et qu’il n’adressait plus d’arrêt de travail, l’employeur avait, selon ce texte, plusieurs possibilités :

- ne rien faire, ce qui avait pour conséquence de maintenir la suspension du contrat de travail initiée par l’arrêt de travail ;

- demander une visite de reprise auprès du médecin du travail ;

- rompre le contrat de travail du salarié pour perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise.

Par ailleurs, il était indiqué que, lorsque le salarié en invalidité souhaitait mettre fin à la période de suspension de son contrat de travail, l’employeur devait organiser une visite de reprise. Au-delà du fait que cette circulaire n’ait pas de réelle valeur juridique et qu’elle soit devenue obsolète, elle conduisait souvent les employeurs à opter pour la première possibilité, à savoir, maintenir la suspension du contrat de travail du salarié, cette situation pouvant ainsi durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Régime du droit du travail applicable En droit du travail, toute absence doit être justifiée. Or, l’invalidité n’avait pas et n’a toujours pas pour effet de justifier l’absence du salarié vis-à-vis de son employeur. En d’autres termes, juridiquement, dès lors que le salarié n’adresse plus d’arrêt de travail, peu important un éventuel classement en invalidité, l’employeur doit organiser la visite de reprise. Bien que ce principe soit mal connu, il est important de le rappeler pour analyser les obligations pesant aujourd’hui sur les employeurs. Rappel d’une décision jurisprudentielle…

(Cass. soc., 28 oct. 2009 - n° 08-43.251) Dans cette affaire, une secrétaire était en arrêt de travail pour maladie du 26 août 2002 au 11 juin 2005. Déclarée en invalidité 2ème catégorie par la Sécurité sociale, elle demande le 16 septembre 2005, soit 3 mois après la fin de son arrêt de travail, à l'employeur, d'organiser une visite de reprise. Ce dernier lui répond qu'il l'organisera dès que la salariée aura repris son travail. La Cour de cassation juge alors que « selon les dispositions de l’article R. 4624-1 du Code du travail, le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après certaines absences pour raisons médicales ; que le classement en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale ne dispense pas de cette obligation ; qu’il en résulte que si, en cas de carence de l'employeur, le salarié peut solliciter lui-même la visite de reprise à condition d'en aviser au préalable l'employeur, l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé ». Jusqu’à présent, dans l’hypothèse où le salarié était classé en invalidité suite à un arrêt de travail, l’employeur n’était pas automatiquement tenu d’organiser une visite de reprise. Il ne l’était que si aucune prolongation d’arrêt de travail ne lui était adressée. La durée de l’arrêt de travail permettait ainsi à l’employeur de connaître ses obligations, s’agissant de l’organisation de la visite de reprise.

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Toutefois, dans l’arrêt précité, la Cour de cassation ne semblait plus se référer à l’issue de l’arrêt de travail, mais à la situation de reprise dans laquelle se plaçait le salarié, en indiquant que l’initiative de la visite de reprise appartenait à l’employeur, dès lors que le salarié invalide en faisait la demande et qu’il se tenait à sa disposition pour y procéder. L’arrêt du 25 janvier 2011 La Cour de cassation semble désormais considérer qu’à partir du moment où le salarié informe son employeur de son classement en invalidité, sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur doit prendre l’initiative de la visite de reprise. Cela n’est pas complètement incompatible avec la décision du 28 octobre 2009. En effet, on pourrait considérer que lorsque le salarié demande une visite de reprise, l’employeur est tenu de l’organiser et lorsqu’il ne manifeste pas sa volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur est également tenu de l’organiser. En l’espèce, une salariée est engagée en qualité d'infirmière. Suite à plusieurs arrêts de travail pour maladie, elle a été mise en invalidité deuxième catégorie, ce dont elle a informé son employeur par courrier. Celui-ci l'a invitée à « prendre rendez-vous auprès de la médecine du travail ». Près d'un an plus tard, la salariée met en demeure son employeur d'organiser les visites de reprise, ce qu’il a aussitôt fait. A l'issue de deux visites médicales, la salariée a été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise, puis licenciée. Elle saisit alors la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment au titre de la rupture de son contrat de travail. La Cour d’appel condamne l’employeur à payer une somme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi par la salariée du fait du retard dans l’organisation de la visite de reprise. L’employeur considère qu’il n’était pas tenu d’organiser la visite de reprise dans la mesure où la salariée n’avait pas manifesté sa volonté claire et non équivoque de reprendre son travail. Il précise que dès qu’il a été mis en demeure par la salariée de saisir le médecin du travail, il l’a effectivement saisi. La Cour de cassation, à l'instar de la cour d'appel, juge que « dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise laquelle met fin à la suspension du contrat de travail ». Elle précise qu'après avoir relevé que la salariée avait demandé à son employeur de l'informer des perspectives qu'il envisageait au mieux de ses intérêts à la suite de sa mise en invalidité deuxième catégorie, la cour d'appel a constaté que celui-ci l'avait alors invitée à prendre rendez-vous auprès de la médecine du travail et que ce n'est qu'à la suite de sa mise en demeure par l'intéressée qu'il avait organisé les visites de reprise ; qu'en l'état de ces constatations, la Cour d’appel a exactement décidé que le retard dans l'organisation de ces visites était imputable à l'employeur qui aurait dû saisir lui-même le médecin du travail. Que faut-il comprendre de cette décision ? La chambre sociale ne conditionne plus l’obligation d’organiser la visite de reprise par l’employeur au fait que le salarié en fasse la demande expresse et se tienne à sa disposition. Elle considère qu’à partir du moment où le salarié l’informe de son classement en invalidité et qu’il ne manifeste pas la volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur doit prendre l’initiative de la visite de reprise.

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Interprétée a contrario, cette décision pourrait laisser penser que lorsque le salarié informe son employeur de son classement en invalidité et qu’il manifeste sa volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur n’est pas tenu d’organiser la visite de reprise. Toutefois, bien que l’arrêt ne le précise pas, on peut supposer qu’en l’espèce le salarié ne fournissait plus d’arrêt de travail. Or, pour l’employeur, c’est bien la fin de l’arrêt de travail qui déclenche l’organisation de la visite de reprise. Dès lors, à notre sens, plusieurs situations pourraient se présenter :

- si le salarié n’informe pas l’employeur de son classement en invalidité et qu’il n’adresse plus d’arrêts de travail, l’employeur doit prendre l’initiative de la visite de reprise conformément à l’article R. 4624-21 du Code du travail ;

- si le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité, qu’il manifeste la volonté de reprendre le travail et qu’il ne fournit plus d’arrêts de travail, l’employeur doit, de la même façon, organiser la visite de reprise ;

- si le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité, qu’il manifeste la volonté de ne pas reprendre le travail :

soit le salarié adresse des arrêts de travail : le contrat de travail reste suspendu et l’employeur n’est pas tenu d’organiser la visite de reprise ;

soit le salarié n’adresse plus d’arrêt de travail : l’employeur doit organiser une visite de reprise. Le salarié ne peut alors refuser de s’y rendre. En effet, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que constitue une faute grave le fait pour un salarié qui s’abstient, sans motif, de se rendre à la visite de reprise organisée par son employeur (Cass. soc., 28 oct. 2009, n° 08-47.748) ;

- si le salarié informe l’employeur de son classement en invalidité sans aucune précision quant à son intention de reprendre ou non le travail :

soit le salarié adresse des arrêts de travail : le contrat de travail reste suspendu et l’employeur n’est pas tenu d’organiser la visite de reprise ;

soit le salarié n’adresse plus d’arrêts de travail : l’employeur est tenu d’organiser une visite de reprise.

Dans les faits, cela doit-il conduire l’employeur, informé d’un classement en invalidité, à demander au salarié ses intentions quant à une éventuelle reprise du travail ? L’employeur devrait-il organiser la visite de reprise systématiquement quelle que soit l’intention du salarié ? Ce qui est certain c’est que le classement en invalidité ne justifie pas l’absence au travail du salarié, contrairement à l’arrêt maladie qui suspend d’office le contrat de travail. En conclusion, pour l’heure, seule la durée de l’arrêt de travail permet à l’employeur de connaître ses obligations, s’agissant de l’organisation de la visite de reprise : dès lors que le salarié n’adresse plus d’arrêts de travail, quelles que soient ses intentions, l’employeur doit organiser la visite de reprise.

Page 54: Visite de pré-reprise Visite de reprise - presanse.fr · VISITE DE REPRISE ET VISITE DE PRE-REPRISE: QUALIFICATION Source : IM du CISME, n° 15 - Décembre 2005 Cass. soc., 2 nov

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FAUTE GRAVE ET ABSENCE DU SALARIE A LA VISITE DE REPRISE

Source : IM du CISME, n° 49 – Décembre 2009 Cass. soc., 28 oct. 2009 - n° 08-47.748 Le Code du travail prévoit des dispositions protectrices en faveur du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Ainsi, l’article L. 1226-9 du Code du travail prévoit que « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ». Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

Il est donc important de connaître les actes ou comportements pouvant être qualifiés de « faute grave » par l’employeur.

Rappelons au préalable que la faute grave est classiquement définie en jurisprudence comme celle qui « résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou de relations de tra-vail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ».

La Cour de cassation, dans l’arrêt du 28 octobre dernier, a été amenée à contrôler la qualification de la faute commise s’agissant d’un salarié victime d’un accident du travail refusant de se présenter devant le médecin du travail pour bénéficier d’une visite de reprise.

En l’espèce, un salarié a été victime d’un accident du travail le 6 décembre 2000, à la suite duquel il a bénéficié d’un arrêt de travail. A partir du 2 avril 2004, le salarié ayant cessé d’adresser des arrêts de travail, son employeur a organisé une visite de reprise, le 15 octo- bre 2004, à l’issue de laquelle il a été déclaré temporairement inapte.

Afin de lui faire bénéficier d’un second examen, le salarié a été convoqué à plusieurs reprises, par l’employeur et par le médecin du travail, à une nouvelle visite. Refusant de s’y rendre, l’employeur l’a licencié pour faute grave motivée par une absence injustifiée à partir du 2 avril 2004, date à partir de laquelle le salarié n’adressait plus d’arrêt de travail, et par son opposition réitérée à effectuer, auprès de la médecine du travail, les visites médicales.

La Cour d’appel, pour déclarer le licenciement nul, retient que « l’employeur ne peut reprocher au salarié son absence injustifiée depuis le 2 avril 2004 alors qu’il était destinataire d’un premier certificat d’aptitude du 15 octobre 2004 et qu'il restait dans l'attente du second, que le salarié a été convoqué le 22 novembre 2004 à la seconde visite médicale de reprise dont il a demandé le report, qu'il a été convoqué à nouveau pour le 24 novembre puis le 3 décembre 2004, que l'employeur l'a mis en demeure par lettre du 5 janvier 2005 de se présenter à l'infirmerie de l'entreprise le 12 janvier 2005 tandis que le médecin du travail le convoquait le 1er février 2005 dans ses propres locaux le 17 février, que cette incohérence requérait des explications quifont singulièrement défaut en l'espèce, que compte tenu du contentieux qui opposait les parties, le salarié pouvait préférer déférer à l'injonction de la médecine du travail plutôt qu'à celle de l'employeur ».

La chambre sociale casse l’arrêt d’appel en rappelant que constitue une faute grave le fait pour un salarié qui s’abstient, sans motif, après la première visite de reprise, de se rendre aux convocations à la deuxième visite de reprise malgré une mise en demeure de son employeur.

Page 55: Visite de pré-reprise Visite de reprise - presanse.fr · VISITE DE REPRISE ET VISITE DE PRE-REPRISE: QUALIFICATION Source : IM du CISME, n° 15 - Décembre 2005 Cass. soc., 2 nov

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La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur le refus du salarié de se présenter à une visite de reprise, il s’agissait cependant du refus de se rendre à la première visite et non à la seconde.

Dans l’arrêt du 28 octobre, la première visite a été réalisée par le médecin du travail et a donc mis fin à la suspension du contrat de travail du salarié.

Sans surprise, la Cour de cassation semble donc adopter la même analyse. Dans les deux cas, le refus du salarié de se rendre à la visite de reprise constitue une faute grave.

L’Equipe Juridique