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VINCENNESLe système Lafon

DOSSIER RÉALISÉ PAR SYLVAIN ROLLANDREPORTAGE PHOTO : STÉPHANE LAGOUTTE/MYOP/POUR L’EXPRESS

RÉDACTEUR EN CHEF : JACQUES TRENTESAUX

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SPÉCIAL RÉGIONS

II IL’EXPRESS

Le discretambitieuxElu maire « par accident », Laurent Lafonarapidement imposé un style atypique. S’il mène une politiqueconsensuelle, sa méthode solitaire – voire autoritaire – agace.SYLVAIN ROLLAND

’est un loup déguisé enagneau. On ne s’en méfiepas au premier abord caril est très sympathique,mais il peut mordre. Il esttoutefois suffisammentmalin pour n’en avoir que

rarement besoin. » En quelquesphrases, Didier Mireur, le chef defile des élus UMP de la majorité,résume assez bien le personnage.Laurent Lafon, premier magistratde Vincennes depuis 2002, détonnedans la classe politique. D’un natu-rel discret et réservé, ce père defamille de 47 ans «n’est pas de cesélus au caractère bien trempé quivous tapent sur l’épaule en vousracontant une blague », estimePierre Serne, chef de file local desVerts et vice-président (EELV)du conseil régional. Cette sobriété– que ses adversaires nomment«déficit de charisme» –, LaurentLafon tente de l’utiliser à son avantage. Spécialiste reconnu des finances locales (il a signé

trois livres sur le sujet), l’édile cultive sa marginalité dans unmilieu politique surpeuplé de« grandes gueules ». « Il est fierde ne pas être un politicard pro-fessionnel mais un technicien quimet sa compétence au service desautres», revendique Gildas Lecoq,son directeur de cabinet.Paradoxalement, celui qui fut, à

37 ans, le plus jeune maire élu dansle Val-de-Marne est entré sur letard en politique. Ce n’est qu’en1993, à 28 ans, que Laurent Lafonadhère au Centre des démocratessociaux (CDS), le parti de PierreMéhaignerie, avant de rejoindrel’UDF de François Bayrou. « Lapolitique n’était pas une évidencepour moi, rappelle-t-il. Je ne suispas né en me disant que je devien-drais maire ou parlementaire. »Ce fils d’ingénieur, originaire deSaint-Germain-en-Laye (Yvelines),a mené une scolarité exemplaire :bac scientifique, licence en éco-nomie, Sciences po Paris… Aprèsun bref passage comme trader auCrédit local de France, il s’investit

dans un cabinet de conseil spé-cialisé en finances locales, avantde bifurquer vers la politique. « J’aivendu des prestations à des poin-tures comme Dominique Strauss-Kahn ou l’ancien maire de LyonMichel Noir, raconte-t-il. Au boutd’un moment, j’ai eu envie de passer à l’action. »La chance lui sourit. A peine

débarqué à Vincennes, il est repérépar le maire UDF, Patrick Gérard,qui lui propose, en 1996, un postede conseiller délégué aux finances,avant de l’adouber en 2001 adjointaux finances. « Il a su exceller dansce domaine tout en imposant sonautorité », se souvient l’ancienmaire. Cette rampe de lancementporte ses fruits de manière ines-pérée : un an plus tard, PatrickGérard démissionne à la suite desa défaite aux législatives, où il est

« Un hommede grand talent,qui nous pousseà formuler desamendementsqui tiennentla route »

PIERRE CARDONI,conseiller

municipal (PCF)

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L’EXPRESS I III

battu dans sa propre ville parPatrick Beaudouin, le maire (UMP)de Saint-Mandé. Laurent Lafon,le jeune premier de la classe, estalors catapulté sur le devant de lascène. A sa grande surprise.Depuis, l’édile travaille dur pour

conserver le pouvoir. « C’est unperfectionniste qui maîtrise tousles dossiers, même dans leursaspects les plus techniques», relèveDominique Le Bideau, sa premièreadjointe. «Laurent est le plus intel-ligent des élus et possède unegrande capacité de travail », ren-chérit son bras droit, Gildas Lecoq.L’envergure intellectuelle de celuiqui est également professeur definances locales au Conservatoirenational des arts et métiers (Cnam)fait consensus y compris dans l’op-position. Pierre Cardoni, le seulélu communiste, admire « un

homme de grand talent, qui nouspousse à formuler des amende-ments qui tiennent la route ».Réduits le plus souvent à un rôlede proposition et de consultation,les élus de la majorité acceptentbon gré mal gré leur condition.« Il est normal qu’il y ait un chef.Cela ne l’empêche pas d’être trèsà l’écoute et de reprendre parfoisnos idées », précise DominiqueLe Bideau.Il n’empêche. La méthode Lafon

en agace plus d’un. Face à un mairepeu réceptif aux critiques – sonvisage peut se fermer soudaine-ment à l’évocation d’un sujet sen-sible –, ses contradicteurs doivents’armer d’un solide argumentairepour lui tenir tête. « Il a un avissur tous les sujets… et il le par-tage !» tance l’UMP Didier Mireur.Le conseiller municipal (MoDem)

François de Landes de Saint-Palaisva plus loin : « Il a mis en place unsystème autoritaire où les décisionsse prennent dans l’intimité d’unpetit cercle d’où rien ne filtre. »Le cercle ? Deux personnes en

tout et pour tout. Soit l’incontour-nable Gildas Lecoq et Joël Degouy,le directeur général des services(voir page VI). Tous les lundis, letrio se réunit dans le bureau dumaire pour « faire le point sur lessujets délicats, l’avancement desprojets et les derniers arbitrages»,détaille Joël Degouy. Le systèmeLafon fonctionne sur un principepyramidal : au sommet, le maireet ses deux principaux collabora-teurs, puis les présidents desgroupes de la majorité municipale(Laurent Lafon les reçoit deuxfois par mois) et, ensuite, les autresélus. Tout ce petit monde seretrouve lors des commissionsthématiques et, bien sûr, lors desrares réunions du conseil municipal(cinq ou six par an), perçu commeune simple chambre d’enregistre-ment. « Tout y est calibré au mil-limètre près pour une mise enscène parfaite de la démocratielocale », déplore un ancien élu dela majorité, éjecté en 2008.

Une grande maîtrise du rapport de forces

Volontiers belliqueux en coulisses,les élus UMP et MoDem rentrenttoujours dans le rang lors du vote.«Certains critiquent sa méthode,mais Lafon est un excellent ges-tionnaire qui ne fait qu’appliquerle programme », souligne GillesPannetier, l’adjoint (UMP) auxfinances. Une feuille de route éta-blie en 2008 dans les règles de l’artentre les trois tiers de la majorité :les centristes, l’UMP et les non-inscrits, des élus indépendantssur le papier mais, en réalité, souvent proches des centristes.Fin 2012, ce programme d’unionavait été appliqué à 98 % !Cette maîtrise du rapport de

forces, Laurent Lafon la manieaussi à plus large échelle. Pour lesélections cantonales, régionaleset législatives, le chef des centristesdu Val-de-Marne mise sur ���

ˆ TERRAINLe maire mise sur l’amélioration de la qualité de vie et le dynamismeculturel pour séduireses administrés.

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nal, sont aussi à mettre à son actif.En public, le maire des débuts,hésitant et raide, a gagné en assu-rance. « Il paraît froid, mais il esten réalité très abordable», confirmeune commerçante de la rue deMontreuil.

Des élus recrutés dans le milieu associatif

L’édile s’est aussi construit uneimage de défenseur des intérêtsde Vincennes au-delà de ses fron-tières, grâce son engagement à larégion Ile-de-France, où il dirigele groupe centriste, et au sein dusyndicat mixte Paris métropole,dont il préside la commission destransports. Enfin, pour s’assurerde bons relais dans la population,Laurent Lafon a recruté de nom-breux élus au sein du milieu asso-ciatif – généreusement subven-tionné par la municipalité –, àl’image de la première adjointe,Dominique Le Bideau.L’opposition fustige une « poli-

tique d’affichage», mais elle restepeu visible. «Les festivals attirentles Parisiens, mais il n’y a aucunévénement grand public pour les

Vincennois. Le manque de volontéde la mairie sur les logementssociaux [NDLR : 8% du parc] estalarmant dans une ville presqueaussi chère que Paris », déploreClaire Lemeunier, la patronne duPS local. Pierre Serne, le chef defile des Verts, critique un manqued’ambition : « Il n’y a pas de vraiepolitique, juste de la gestion. Toutest minimaliste, à l’image del’agenda 21, qui vise surtout à capterun électorat sensible aux questionsenvironnementales. »Autant de critiques vaines pour

la majorité. «Laurent Lafon mèneune politique de consensus etd’intérêt général, je me désoleque cela complique le travail del’opposition », ironise GildasLecoq. Depuis 2008, cependant,la gauche ne cesse de progresserà Vincennes (voir page VII). Unindice que le système Lafonvacille ? L’intéressé ne montreaucun signe d’inquiétude : « Jepense que j’ai gagné la confiancedes Vincennois et que je suis tou-jours sur la même longueur d’ondequ’eux. » Il lui reste deux ans pourle prouver. � S. R.

VU PAR…Chantal JouannoConseillère régionale (UDI), sénatrice, ancienne ministre

« Il est sympathique et apaisé. Au conseilrégional, il pratique une oppositionintelligente, jamais frontale nisystématique, contrairement à l’UMP.

Il n’a pas d’a priori sur les personnes et respecte leurs idées. »

Catherine ProcacciaSénatrice (UMP) et conseillère généraledu canton de Vincennes-Ouest« C’est un centriste dans toute soninconstance. Il dirige Vincennes avecl’UMP, mais il n’a pas soutenu Sarkozy au premier tour de la présidentielle.Contre l’avis de son parti, il a appuyéFrançois Bayrou alors qu’il avait combattuun sénateur MoDem, Jean-Jacques Jégou,six mois plus tôt. J’ai renoncé à le comprendre. »

Pierre SerneVice-président (EELV) du conseil régional,conseiller municipal« Laurent Lafon respecte l’oppositionmais il n’a pas de vision pour Vincennes :il gère, c’est tout. Ses projets manquentd’ambition car il n’y a pas de convictionsderrière. »

Jean-Jacques JégouMaire (MoDem) du Plessis-Trévise, ancien sénateur« Il fait partie de cette générationde quadras sans gêne, dont les dentsraient le parquet. Son comportement froidd’homme-préfet lui jouera peut-être des tours. »

l’alliance avec la droite, tantqu’elle ne fait pas obstacle à sesambitions (voir page VIII). Unesituation délicate pour les élusUMP et MoDem vincennois, quin’hésitent pas à brandir, en cou-lisses, la menace d’une candidaturedissidente aux prochaines muni-cipales. Afin de maintenir l’ordredans sa majorité, le maire veille àse faire apprécier de ses adminis-trés. Pour l’instant, son activismepaye. En 2008, il a été brillammentélu dès le premier tour, avec prèsde 60% des suffrages. « Les Vin-cennois lui sont reconnaissantsd’avoir engagé et réussi la moder-nisation de la ville », s’enthou-siasme Gildas Lecoq.La stratégie de Laurent Lafon

est simple : tout miser sur l’amé-lioration de la qualité de vie et ledynamisme culturel. Le festivalAmerica, qui a fêté ses dix ans en2012, est devenu un rendez-vousincontournable. La rénovation ducentre-ville, les multiples opéra-tions d’embellissement urbain,l’ouverture d’équipements publicscomme la piscine et, bientôt, unlycée, avec l’appui du conseil régio-

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« Le manque de volonté de la mairie surles logementssociaux estalarmant dansune ville presqueaussi chère que Paris »CLAIRE LEMEUNIER,patronne du PS local

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Bio expressNaissance Le 18 novembre 1965 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).Etudes Licence de sciences écono-miques, Sciences po Paris.Depuis 2002 Professeur definances locales au Conservatoirenational des arts et métiers (Cnam).

Son parcours1990-1991 Trader au Crédit local de France.1992-2005 Consultant auprès des collectivités locales.1996 Conseiller municipal délégué aux finances.2001 Adjoint aux finances.2002 Maire.2004 Conseiller régional, élu sur la liste UDF d’André Santini.2008 Réélu maire de Vincennes aupremier tour, avec 59,76 % des voix.2010 Réélu conseiller régional sur la liste UMP de Valérie Pécresse.Président du groupe centriste.2011 Echec aux sénatoriales.2012 Membre du bureau exécutifde l’Union des démocrates et indépendants (UDI), la confédération centristecréée par Jean-Louis Borloo.

Son profilSon modèle en politique « Raymond Barre, pour la sincérité de son engagement et ses qualités personnelles et intellectuelles. »L’adversaire qu’il respectele plus « Aucun de mes adversaireslocaux ne sort du lot. Au niveaunational, j’apprécie le courage de Manuel Valls. »Sa principale qualité « La sincérité.Je n’avance pas masqué. »Son principal défaut « Une certaine impatience, voireune frustration de ne pas pouvoir faire autant que je voudrais. Car bien faire demande du temps. »Son pire échec politique « La défaite de l’ancien maire,Patrick Gérard, aux législatives de2002. Je m’étais beaucoup investi.Sa défaite est aussi la mienne. »

Sa plus grande fierté « Le dyna-misme de Vincennes, sa vivacitéculturelle et l’amélioration de sa qualité de vie depuis dix ans. »S’il n’avait pas fait de politique« J’aurais continué dansle conseil auprès des collectivitéslocales. Et j’aurais probablementpris un engagement associatif dans le social. »Le lieu qui incarne le mieux la France « L’Assemblée nationale,lieu du débat et de la naissance des lois. Mais aussi la place de la Bastille, qui a toujoursété le lieu du peuple depuisl’époque des Lumières. »Le lieu qui incarne le mieuxVincennes « La rue du Midi. Elle est vivante, j’aime beaucoupm’y promener et échanger avec les passants et les commerçants. »Sa période historique préférée« La construction européenne,

après la Seconde Guerre mondiale.Rétrospectivement, c’est un accomplissement magnifique. »Un film « Les Temps modernes,de Charlie Chaplin. Pour la finessede l’analyse de la société et le personnage fascinant de Chaplin. »Un livre « La Peste, d’AlbertCamus. Je l’ai relu plusieurs fois.J’admire le parcours de l’auteur, les qualités littéraires du livre et l’espoir qu’il véhicule. »Un acteur « Jean-Louis Trintignantpour son charisme, son engagementet son indépendance vis-à-vis du milieu du cinéma. Il n’a jamaischerché à attirer la lumière. »Un chanteur « Jacques Brel. Un type ordinaire, ni très beau nibon chanteur. Il n’était pas destiné à devenir une icône, mais il a réussigrâce à son talent. »Un art « La sculpture. Mon œuvre préférée est L’Hommequi marche, de Giacometti. Son élégance et sa fragilité m’onttoujours fasciné. »Un plaisir « Le chocolat. »Plat préféré « Du foie gras avec un bon jurançon moelleux.Ou du magret de canard avec une bonne bouteille de vin rouge. »Où il se voit dans dix ans « Toujours maire de Vincennes.Avec aussi, je l’espère, de plushautes fonctions nationales. »

Laurent Lafon au scanner

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ˇ SATIRE CharlieChaplin, dansLes Temps modernes.

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VI IL’EXPRESS

aurent Lafon se méfie des éti-quettes. Alors, quand on l’in-terroge sur ses proches, il estcatégorique : « A Vincennes,je m’appuie sur une équipe

élargie, composée des élus, demon cabinet et de l’administration.Mais personne n’est indispensa-ble. » Cette version d’un exercice

collectif du pouvoir n’est défendueque par les membres de sa garderapprochée. Dans les couloirs del’hôtel de ville, tout le monde s’ac-corde pour souligner qu’il y a lesproches du maire et les autres…A 40 ans, Gildas Lecoq est le

pilier politique. Cet homme dyna-mique et chaleureux porte la doublecasquette de directeur de cabinetet de directeur de la communica-tion. « Il est incontournable, caril se situe à la fois dans l’action etdans la représentation », estimeFrançois de Landes de Saint Palais,conseiller municipal MoDem. Aprèsavoir travaillé pour Valéry Giscardd’Estaing ou Alain Lamassouredans les années 1990, cet ancienjournaliste a été recruté pour «don-ner un coup de jeune» au journalmunicipal en 1999. Promu directeurde la communication en 2003, ils’insère dans le cercle des prochesde Laurent Lafon, jusqu’à accéder,en 2011, au poste de directeur decabinet.« Notre relation est fondée sur

des valeurs politiques communes

auxquelles s’ajoutent le respect,l’estime et la confiance obtenuspar des années de collaboration»,explique-t-il. Celui que certainssurnomment le « vice-maire » sedéfinit comme la « boîte à idées »,voire le «poil à gratter» de LaurentLafon. Ambitieux, Gildas Lecoqs’est lui aussi lancé dans l’arènepolitique, dans la ville communistevoisine de Fontenay-sous-Bois,où il a rejoint le groupe d’oppo-sition centriste, devenant les yeuxet les oreilles de Laurent Lafonen territoire hostile. Il joue ainsiun rôle stratégique pour renforcerl’UDI dans la sixième circonscrip-tion du Val-de-Marne, qui couvreVincennes, Saint-Mandé (UMP)et Fontenay-sous-Bois (PC).L’autre pilier – administratif,

celui-là – est Joël Degouy, 52 ans.Discret et efficace, le directeurgénéral des services (DGS) est lechef d’orchestre de la mise enœuvre des décisions de la majoritéauprès des agents depuis 2008.Ingénieur de formation, il est pré-sent à la mairie depuis la fin desannées 1980 et bénéficie de lapleine confiance du maire. « J’ap-précie son expertise technique,sa vivacité intellectuelle et sa com-préhension des enjeux politiques»,explique Laurent Lafon.Parmi les élus, le maire s’appuie

avant tout sur DominiqueLe Bideau, sa première adjointedepuis 2008, chargée de l’admi-

nistration municipale, des res-sources humaines et des relationsavec les collectivités territoriales.La chef de file des élus non-inscrits,qui composent un tiers de la majo-rité municipale aux côtés des cen-tristes et de l’UMP, présente unprofil très politique, bien qu’ellene soit pas encartée. La preuve ?En 2008, elle a pris le siège deconseillère générale du cantonde Vincennes-Est à l’UMP, prou-vant qu’elle était une arme poli-tique pour Laurent Lafon. Grâceà ses réseaux dans le milieu asso-ciatif, l’ancienne directrice de l’es-pace culturel Daniel-Sorano a for-tement contribué au recrutementde nouveaux élus en 2008.

Une compagne influenteEnfin, le maire dispose d’une fidèlealliée en la personne de sa com-pagne, Odile Séguret, égalementadjointe chargée du développe-ment durable et de l’attractivitédu territoire. Même si elle gardeses distances avec le « cercle » deLaurent Lafon, son influence est réelle. « Nous avons votél’agenda 21 malgré ses lacunes,car Odile Séguret a su imposercertaines de nos propositions »,rappelle Pierre Serne, le chef defile des écologistes. L’élue est aussila directrice de cabinet du mairede Joinville-le-Pont. Un autreatout dans le jeu de LaurentLafon. � S. R.

Sa garde rapprochéePlutôt solitaire dans l’exercice du pouvoir, Laurent Lafon s’appuie sur un cercle resserré de personnalités qui ont toute sa confiance.

L

‹ DISCRETJoël Degouy,directeur généraldes services.

‹ INCONTOURNABLEGildas Lecoq,directeur de cabinetet directeur de la communicationdu maire.

› FIDÈLEDominique Le Bideau,

première adjointe,chef de file des élus

non-inscrits.

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ude métier que celui d’op-posant à Laurent Lafon !Terre centriste depuis 1971,Vincennes n’a jamais confiéles clefs de l’hôtel de ville à

la gauche. En 2008, face à la listed’union du centre et de la droite,l’opposition s’est fracturée entrois : socialistes, verts et com-munistes. La conséquence futimmédiate : l’élection, dès le pre-mier tour, de Laurent Lafon avec59,76 % des suffrages. Et desmiettes pour se consoler. Soithuit élus municipaux (quatresocialistes, trois verts et un com-muniste) sur… 43.Plus de quatre ans plus tard, les

divisions perdurent. «Nous nousapprécions, mais nous ne travaillonspas ensemble », admet ClaireLemeunier, la secrétaire du PSlocal. Au conseil municipal, il n’estpas rare que les opposants votentdifféremment, y compris sur destextes importants comme le pro-gramme local de l’habitat (PLH)ou l’agenda21, tous deux approuvéspar les seuls Verts. «Etre alliés neveut pas dire adopter un compor-tement moutonnier, se défendl’écologiste Pierre Serne. Mais noussaurons nous parler le momentvenu. » Comprendre : après le

premier tour de l’élection muni-cipale de 2014, quand les urnesauront tranché la délicate questiondu leadership… à la seule conditionque Laurent Lafon ne réitère passa performance de 2008.Pour l’heure, ni Claire Lemeunier

ni Pierre Serne n’envisagent defigurer en deuxième position surune liste commune. A 33 ans, lapatronne du PS local sillonne sansrelâche la ville et a déjà lancé lesconsultations sur le futur projetsocialiste. Mais Pierre Serne, plusexpérimenté et fort de son postede vice-président du conseil régio-nal chargé des transports, se consi-dère mieux placé pour l’emporter.L’impasse est totale. Malgré tout,la gauche croit en ses chances, enraison des résultats encourageantsdes derniers scrutins.Le premier coup de semonce a

été tiré aux élections régionalesde 2010, lorsque Laurent Lafon,tête de liste dans le Val-de-Marnesur la liste UMP de ValériePécresse, a été devancé par lagauche dans sa ville (49,7 % ausecond tour). Le contexte national,il est vrai, était très défavorable

à la droite. Aux sénatoriales del’automne 2011, la concurrenceentre deux candidats centristes,Laurent Lafon et Jean-JacquesJégou (MoDem), a permis à lagauche de gagner un siège inespéré.Enfin, une vague rose a déferlélors de l’élection présidentielle(où François Hollande a devancéNicolas Sarkozy de justesse, unepremière à Vincennes pour uncandidat de gauche) et des légis-latives de juin 2012, qui ont vu ledéputé (UMP) sortant, PatrickBeaudouin, être battu par l’éco-logiste Laurence Abeille.

Un réel déficit de visibilitédans une ville peu politisée«La gauche progresse, c’est indé-niable. Mais elle ne devrait pasconfondre des élections nationalesavec un scrutin municipal », rela-tivise la première adjointe, Domi-nique Le Bideau. L’oppositionsouffre aussi d’un déficit de visibilitédans une ville peu politisée. « Lagauche a du mal à exister car Lafonn’est pas clivant, et la mairie com-munique tous azimuts sur sonaction », déplore Brigitte Fliecx,conseillère municipale (PS), avantde se rassurer : « Les Vincennoissont de plus en plus réceptifs ànos idées.» L’évolution de la socio-logie vincennoise – la fameuseboboïsation venue de Paris – estperçue comme plus favorable à lagauche.Confortablement assis dans son

fauteuil d’édile, Laurent Lafon faitmine de ne pas s’intéresser à l’agi-tation de l’opposition. «Les habi-tants devront se demander si leurville est plus agréable et plus dyna-mique qu’il y a six ans. Je ne crainspas cette réponse. » Verdicten 2014. � S. R.

L’opposition entre espoirs et divisionsEncouragés par de bons résultats lors des derniers scrutins, les socialistes et les écologistes croient en leurs chances de conquête. A condition de surmonter leurs rivalités.

R› ENGAGÉE

Claire Lemeunier(PS), à propos

des écologistes :« Nous nous

apprécions, maisnous ne travaillons

pas ensemble. »

ˇ EXPÉRIMENTÉPierre Serne (EELV) :« Nous sauronsnous parlerle moment venu. »

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SPÉCIAL RÉGIONS

VIII IL’EXPRESS

n ce début d’année 2011, Lau-rent Lafon invite à déjeunerJean-Jacques Jégou, maire(MoDem) du Plessis-Tréviseet sénateur sortant du Val-

de-Marne, dans un restaurant vin-cennois. Entre la poire et le fro-mage, il lui annonce tout de go :« J’ai pris mes dispositions, je vaisme présenter aux sénatoriales deseptembre. » Stupeur ! Sur les sixsièges à pourvoir dans le dépar-tement, les centristes ne peuventen espérer qu’un. « J’ai tout desuite compris qu’il estimait quej’avais fait mon temps et qu’il étaitdéterminé, si je ne me retirais pas,à m’affronter », raconte, encoreamer, Jean-Jacques Jégou, 66 ans.Le sénateur décide vaille que

vaille de maintenir sa candidature.Laurent Lafon jette alors toutesses forces dans la campagne. Unà un, il tente de convaincre lesgrands électeurs de le soutenir.

Finalement, sa liste de centre droitdevancera celle de Jean-JacquesJégou (211 suffrages contre 168).Mais la dispersion des voix serafatale aux centristes, dont le siègeéchoit finalement à l’écologisteEsther Benbassa, qui n’en espéraitpas tant. Laurent Lafon a raté sonhold-up d’une cinquantaine devoix. Conspué par l’UMP et leMoDem, le maire de Vincennesassume, justifiant son combat par« le nécessaire renouvellementdes élus ». « Mon score montreque j’étais le candidat légitime ducentre droit, persiste-t-il. Le droitd’aînesse est une de ces pratiquesd’un autre siècle qui finissent pardégoûter les gens de la politique. »Cet épisode, fort en tensions,

est révélateur. Il montre que, sousses apparences affables, LaurentLafon ne craint pas le combat. Saspécialité : le passage en forcesavamment calculé. Car si sa

candidature n’a pas été payanteen 2011, le voilà bien placé pourla prochaine échéance, en 2017.Il apparaîtra alors comme le candidat naturel du centre, etJean-Jacques Jégou sera trop âgépour rivaliser. « Il est incontes-tablement le meilleur avocat ducentre droit en Val-de-Marne »,déclare sa première adjointe,Dominique Le Bideau, égalementconseillère générale de Vincennes-Est depuis sa victoire en 2008face à l’UMP Jean-Michel Seux.Pour exister hors de Vincennes,

Laurent Lafon mise sur la théma-tique des transports franciliens,l’un de ses domaines de prédilec-tion. Il s’y consacre à la fois entant que vice-président du syndicatintercommunal Paris métropole,dont il préside la commissiontransports et déplacements, et entant que président du groupe UDIà la région. Mais ses diatribescontre la politique menée par lepatron socialiste du conseil régio-nal, Jean-Paul Huchon, passentrelativement inaperçues. LaurentLafon n’a pas encore la staturesuffisante. Et ce n’est pas sa fonc-tion – pourtant stratégique – deprésident de la fédération des élusde l’UDI qui le propulsera au pre-mier plan. « Il a les réseaux, lacompétence et l’expérience, maisil lui manque la visibilité nationaleque seuls un mandat de parle-mentaire ou un poste de ministrepeuvent lui donner », concèdel’ancienne ministre ChantalJouanno, nouvelle recrue de l’UDI.

« Il est en phase avec cequ’attendent les Français »Reste une question : Laurent Lafona-t-il le charisme pour percer auplus haut niveau ? « Il inspire dela sympathie et du respect, maisil ne sait pas tenir une foule commele font les meilleurs », estimentplusieurs de ses comparses del’UDI. « Sa réserve est atypiqueen politique mais il est en phaseavec ce qu’attendent les Français :du sérieux et de la compétence »,répond Gilles Pannetier, adjoint(UMP) aux finances. Un pari surl’avenir. � S. R.

Et maintenant, un mandat national…Si Laurent Lafon a réussi à s’imposer dans le Val-de-Marne, il peine à éclore au niveau national. Prochain objectif : le Sénat.

Eˆ OBJECTIF : 2017Laurent Lafon, avec André Santiniet Jean-LouisBorloo, lors d’unrassemblement de l’UDI à Issy-les-Moulineaux(Hauts-de-Seine), le 21 novembre 2012.

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