Villes et Pays d’Art et d’Histoire Briançon

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l’usine de la Schappe laissez-vous conter Villes et Pays d’Art et d’Histoire Briançon

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l’usine de la Schappelaissez-vous conter

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Sommaire

p.4 Qu’est-ce que la schappe ?

p.8 Pourquoi le choix de Briançon ?

p.10 Des débuts difficiles

p.12 Puis le succès vient

p.14 La fin de l’usine

p.16 L’origine des ouvriers

p.18 Salaires et règlement

p.22 Les conditions de travail

p.24 La grève de 1907

p.30 Le parc de la Schappe

p.32 Témoignages

p.36 Annexes

p.38 Plan de l’usine

L’usine de la Schappe de Briançon

Pendant 90 années, de 1842 à 1932, l’usine de la Schappe a dominé le

paysage économique et social de Briançon.

Ses vestiges imposants témoignent de la place de cette entreprise dans

l’histoire de la ville et des communes avoisinantes.

C’est ce passé industriel et ouvrier que ce livret veut tenter de faire

revivre afin de rendre les traces de cette histoire accessibles au plus

grand nombre.

Laissez-vous entraîner dans un voyage au cœur de la « plus grande

entreprise industrielle des Alpes françaises. (1)»

Maîtrise d’ouvrageVille de Briançon

AuteurFrank Dellion

Conception et réalisationDirection du Patrimoine et des ArchivesAgence PublidiA

PhotographiesCollection particulière : pages 3, 6, 9, 11, 14, 16, 18, 21, 22, 26, 27 et 28.Frank Dellion : pages 1, 2, 4, 5, 6, 10, 11, 12, 13, 17, 23, 24, 25, 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 40.SWA : page 7AMB : page 19Nicole Jullien : page 15

PlanFrank Dellion et Agence PublidiA

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En 1265 et 1499 en France, uneordonnance royale interdisait detisser de la soie avec du floret,c’est à dire le fil de schappe, carc’était consiré comme unemalfaçon.Une fois filée, la schappe était leplus souvent utilisée commetrame dans les tissus unis etfaçonnés, car sa souplesse et sonélasticité sont plus grandes. Ceproduit a été mis au point pourimiter le tussah produit en Inde,en Chine ou au Japon à partir desoies plus épaisses que celle duBombyx-mori. Ces toiles dites Tussor ont été

reproduites à Lyon, puis imitéespar des articles en schappe.

Les déchets ont plusieursorigines parmi lesquelles on peut trouver :- Les cocons percés d’où lespapillons se sont échappés. - Les doupions produits parplusieurs vers tissant en communune même enveloppe et rendusindévidables.- Les piqués, cocons percés pardes insectes pour dévorer lachrysalide.- Les muscardinés, cocons danslesquels la chrysalide est morte

de la muscardine, une maladie duvers à soie.- Les frisons, c’est à dire lespremiers bouts de fils de soie quisont restés accrochés aux balaislors du battage. - La bourre composée de filsprovenant du dévidage descocons, ou des opérations defilage.On peut regrouper ces différentsdéchets en trois grandescatégories : les déchets demagnanerie, de filature et demoulinage. Ils sont de qualité etde rendement très différents.Leur valeur est très inégale, ainsique leur traitement, car seuls lescocons vont subir l’ensemble duprocessus industriel.

Qu’est-ce que la schappe ?Si l’origine de ce mot reste assez obscure, latechnique qui consiste à récupérer les déchetsde soie est assez ancienne.

L’origine du mot schappe estobscure.C’est un mot commun que l’onretrouve dans la plupart desdictionnaires. Pour Le PetitRobert : n.f, tech, fil obtenu parfilature des déchets de soie ; fil deschappe, bourre de soie. Ce motest certainement d’originegermanique, bien qu’il soitdifficile de le démontrer. Lesétymologies proposées sont

nombreuses, mais aucune n’estconvaincante. Le terme deschappe viendrait du blé chappé

qui est un blé battu mais nondébarrassé de sa glume. Il yaurait aussi une parenté entreschappe et charpie. Les ortho-graphes ont d’ailleurs étévariables : chape, chappe,schape, schappe ou schappie.La schappe désigne le traitementdes déchets de soie qui peuventêtre très variés. Il faut distinguerla schappe qui vient des déchetsde soie, la soie grège, et la soiesauvage qui provient de coconsproduits dans la nature.Mais ce mot est aussi une raisonsociale qui désigne desentreprises industrielles.

En raison de son extrêmerichesse, la soie a très vitesuscité des efforts pour larécupération des déchets.En effet pour obtenir 12 kg desoie, on produit 14 kg dedéchets, et l’on comprendfacilement que la récupération de

telles quantités ait tenté lesindustriels. Les bénéfices retirésont été considérables à certainespériodes.Le peignage des déchets de soieest très ancien. Aristote et Plineparlent de l’effilochage du coconet du filage par la quenouille dela ouate ainsi obtenue.

Déchets de soie à leur arrivée à l’usineLe ruban de schappe après toutesles opérations industrielles

Peigneuse circulaire(Perosa Argentina)

Déchets de soie décreusés

Cordon de cocon retrouvé dans l’usinede Briançon

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La qualité du résultat dépend dela lessive choisie et de la durée dutraitement. Certaines basesrendent la soie terne et cassante,d’autres lui donnent un aspectmat et flou. Les frères Chancel sesont, semble-t-il, orientés versdes savons neutres qui confèrentaux déchets du brillant et de lasouplesse. Les déchets sont lavésà l’eau, essorés et séchés. Ils sontensuite battus pour ouvrir,adoucir et gonfler les cocons. Laseconde étape est celle dupeignage des fibres décreusées.

Le nappage a pour but d’ouvrirles cocons et de paralléliser lesfibres afin de les mettre ennappe. Le cardage les démêle.Enfin, le peignage permet deséparer les fibres courtes desfibres longues. Le produit passeensuite à l’étaleur-nappeur ou« sett-frame » qui transforme leruban obtenu en une nappe.Celle-ci sera examinée àl’épluchage, appelé le voile àBriançon. Devant une vitreéclairée le voile de soie défiledevant les ouvrières munies de pinces d’horloger. Letravail consiste à retirer leséléments étrangers qui subsistent

dans la soie, essentiellement descheveux. L’épluchage est manuelà Briançon. Ailleurs, des bainschimiques à des températures de15° à 100° permettent de détruireles cheveux. Mais ces bainsattaquent la qualité de la soie. Après l’épluchage, la schapperepasse à la nappeuse puis àl’étirage qui la transforme en unruban prêt à être filé.La troisième opération est lefilage qui ne s’est jamais faità Briançon. Contrairement auxidées reçues le fil obtenu n’estpas un sous-produit de la soiemais une fibre de hautetechnologie.

Peigneuse circulaire systèmeQuinson. Au premier planl’aide peigneur

Atelier de l’épluchage

Le traitement des déchets dela soie implique trois groupesd’opérations,dont seules les deux premièressont effectuées à Briançon.

La première concerne les cocons.Il y a tout d’abord unemacération des déchets afin deles débarrasser des matièresgrasses ou étrangères. Celle-ci se fait dans des cuves enbois avec de l’eau chauffée entre60° à 70°. La fermentations’effectue pendant quatre à huitjours suivant le degré de propretéde la matière.

Mais l’opération estnauséabonde, les usines peuventse repérer à plusieurs kilomètres.Cette opération s’appelle ledégommage. Pour raccourcir ladurée de cette opération à troisjours on peut utiliser unesolution d’eau et d’acidesulfurique qui permet de détruireles matières organiques.On passe ensuite au décreusagequi est une améliorationtechnique. Les déchets sontpassés à la lessive pour élimineressentiellement la séricine et lafibroïne.

Vue del’usine : aupremier planl’atelier dudécreusage

Mise en pointe ou filling Cardeuse

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Par contre, il semble quel’industrie de la soie ait étéencouragée. Le 23 novembre1835, la somme de 1 000 francsétait accordée à la ville deBriançon par le préfet desHautes-Alpes pour encourager letravail de la soie. En 1837, 17 métiers à tisser lasoie sont fabriqués à Briançon etprêtés par la commune, à despersonnes se lançant dans lepeignage à domicile.A cette époque, des travauxtransforment un mauvais cheminmuletier en une routecarrossable, utilisable par delourds chariots, qui transportentla production de l’usine par le coldu Lautaret vers Grenoble etLyon.La conjonction de ces facteurspeut aider à expliquer unelocalisation au premier abordpeu logique. Les frères Chancelet les différents administrateursont toujours insisté sur lecaractère délicat de cetteimplantation pour mettre envaleur l’exceptionnelle réussite del’usine.

Pourquoi le choix de Briançon ?Ville de montagne, d’altitude élevée, Briançon n’estpas un choix logique pour une implantationindustrielle. A l’écart des axes de communicationimportants, elle fut pourtant retenue.

Le choix de l’implantation àBriançon surprend. Au milieu du XIXe siècle, la ville,située à haute altitude (1326 m),est difficile d’accès. Lesadministrateurs de l’usine enrappellent l’isolement : « Dans notre région c’est par undésert sibérien qu’il faut franchirles 114 km qui nous séparent deGrenoble (…). Il faut au courrier18 h en été, 24 à 36 h par lestemps ordinaires d’hiver etparfois, trois ou quatre jourspour avoir nos lettres de Paris.(…)Les transports demarchandises sont lents àproportion et très coûteux parconséquent. (2)»

Plusieurs facteurs expliquent lechoix des fondateurs : • l’eau en abondance qui est

indispensable aux industriesde schappe et est l’énergieprincipale de l’usine,

• une main-d’œuvre librel’hiver qui travaille déjà àdomicile le textile comme lalaine ou le chanvre.Essentiellement paysanne etsans passé ouvrier, elle estmalléable et peu revendicative,

• la présence de charbon,• la proximité de l’approvision-

nement en matière première.Au départ elle vient duPiémont.

Ces raisons ne compensent pastotalement l’isolement de la ville.La main-d’œuvre, qui semble unatout, est en réalité trèsrapidement insuffisante au pointde devoir faire appel à l’immi-gration et au travail des enfants.

L’origine géographique de lafamille Chancel dans leBriançonnais peut égalementexpliquer le choix de la ville.Dans le discours d’inaugurationdu bâtiment principal, le 21 juin1863, Marius Chancel rappellel’attachement de sa famille auBriançonnais :« (…) c’est avec bonheur quenous nous voyons entourés d’unplus grand nombre de noscompatriotes. Nous avons ladouce confiance que là ne sebornera pas ce développement, etque ces vastes constructions enconsolidant notre industrie sur lesol natal auront pour résultat lebien-être de plus en plus marquéde notre population (…). (3)»

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Vue de la cour de l’usine. A gauche la maisondu concierge, à droite la maison dudirecteur, aujourd’hui disparue

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A cette date les rentrées d’argentsont nulles alors que l’entreprisefonctionne depuis 14 mois.Etienne Mathieu est envoyé enSuisse pour espionner les secretsde fabrication de la schappe. Lesrésultats obtenus ne sont pasprobants, d’autant que lesindustriels suisses le font chasserpar la police comme« embaucheur d’ouvrier. (6)»Arduin et Mathieu doiventtrouver des personnescompétentes pour les aider. Ilscherchent alors à débaucher desouvriers de l’usine Bolmidaconnaissant le fonctionnement desmachines et les secrets dudécreusage, en leur offrant unsalaire plus élevé. Le peignage àbras ne permet pas de dégager desbénéfices suffisants pourconstituer une industrie dequelque importance. Il faut passerpar la mécanisation du peignage. En 1844, ils débauchent HenriAticker, mécanicien dans lacarderie du baron Bolmida àPerosa Argentina.Il apporte avec lui tous les planset les croquis des machinesutilisées. Aticker parvient àattirer à Briançon Jacob Pasquet,contremaître du décreusage etdes machines. Les premières peigneusesmécaniques fonctionnent le12 février 1845.

Une nouvelle société estenregistrée le lendemain sous laraison sociale Arduin, Mathieu etChancel avec un capital de150 000 francs. Le nouvel associé, Paul Chancel,est le beau-fils d’Adelphe Arduin. Le 11 août 1846, les deuxsociétés, Mathieu et Cie etArduin, Mathieu, Chancel sontdissoutes. Les Mathieudisparaissent de l’entreprise,Adelphe Arduin, Paul, Evariste etMarius Chancel fondent lasociété Arduin et Chancel. Jusqu’en 1849, la nouvellesociété ne fait aucun bénéfice etles inventaires sont tousdéficitaires.

Le bâtiment origineltransformé après 1863en cité ouvrière

Paul Chancel 1817-1881

Evariste Chancel 1820-1882

Marius Chancel 1827-1880

Les débuts de l’entreprise ont été difficiles…Fondée en 1842, la première entreprise detraitement des déchets de soie de Briançon neproduit ses premiers peignés que de nombreuxmois plus tard.

L’histoire de l’usinecommence par des débutsdifficiles.Le peignage à domicile apparaîtà Saint-Véran en 1835 sousl’impulsion de Joseph Mathieu.Entre 1830 et 1835, le fils aînéde la famille Mathieu, Antoine,se rend au Piémont et visite àPerosa Argentina la carderie desoie du baron Bolmida. A sonretour, il persuade son pèreJoseph et ses frères de se lancerdans le travail de la soie. Pour serapprocher des voies de commu-nication, ils s’installent à Briançondans un ancien couvent desdominicains à Sainte-Catherine.

Le banquier Adelphe Arduin etson frère apportent les fondsnécessaires pour l’achat desdéchets de soie. Le 11 avril 1842,la maison Mathieu et Cie est née.Le 17 juin, ils reçoiventl’autorisation de commencerl’exploitation de leur entreprise.Les locaux sont modestes : deuxappartements, l’un de 20 m sur 6et l’autre de 15 m sur 4, soit180 m2.

Une chaudière est installée àl’extérieur pour « faire bouillirde la bourre de soie avant de lafaire carder. (4)»Les fondateurs se lancent dansl’aventure et, les premièresannées, tâtonnent.Adelphe Arduin écrit à EtienneMathieu le 14 juin 1843 :« Nous commençons à fabriquerde la schappe, mais nous ne savonspas si c’est bien cela (…) (5)»

Le lieu de naissance de l’usine à Sainte-Catherine

Ancien système hydraulique de la Schappe

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Ceci permet à l’entreprisebeaucoup de souplesse et deréactivité face aux aléas de laconjoncture économique.Toutes ces raisons vont permettreà l’entreprise des frères Chanceld’être une des plus performantesd’Europe.

Le nombre d’ouvriers etd’ouvrières est révélateur del’évolution de la taille del’entreprise.

En 1845, ils sont 40, 95 en 1848,126 en 1856, 400 en 1857, 550en 1861, 700 en 1864. A cettedate, l’usine embauche de plus enplus d’ouvrières italiennes car lamain-d’œuvre locale est devenueinsuffisante. La croissancecontinue ensuite, 800 personnesen 1869. Le chiffre se stabiliseensuite autour de 1 000 ouvriersen moyenne.

La suite de l’histoire del’entreprise est celle de fusionset de concentrationsindustrielles et financières.Fin 1859, Adelphe Arduin seretire de l’entreprise et la raisonsociale devient Chancel frères. En1867, ils fusionnent avec lepeignage Banse et Quinson àTenay, dans l’Ain, ettransforment la firme en Chancelet Quinson. En 1872, unenouvelle usine voit le jour auVigan sous la raison sociale PaulLèques et Cie, sous le contrôledes Chancel. Au 1er janvier 1873, les Chancels’associent avec des filateurssuisses. La société devientChancel-Veillon-Allioth et Cie,ou CVA. A cette date, les frèresChancel disposent encore de50% du capital et possèdent lespeignages de Briançon, de Tenayet du Vigan et les filatures deTenay, Arlesheim et Grellingen.

Enfin, le 1er janvier 1882, c’estl’intégration dans une sociétéanonyme dont le siège social esten Suisse : la SIS, SociétéIndustrielle pour la Schappe.Cette entreprise contrôle unequinzaine d’usines en France eten Suisse. Les Chancel sont alorsactionnaires minoritaires.

A cette date, les fondateurs seretirent de la conduite del’entreprise. Ils décèdent peuaprès, Marius en 1880, Paul en1881 et Evariste en 1882.La réussite de cette entreprises’explique par la volonté de sesfondateurs de la faire croître etprospérer. Ces « capitainesd’industrie » ont su inventer etcréer les conditions pourpérenniser leur capital.

La cité ouvrière fondée en 1875,essentiellement pour les ouvrièresitaliennes

Le peignage des Eaux Noires à Tenay

…puis le succès vient.A partir de 1860, les premiers inventairespositifs sont réalisés. La suite de l’histoirede l’entreprise est celle de fusions et deconcentrations industrielles.

Plusieurs raisons expliquent cesuccès.En premier lieu la qualité de laproduction obtenue grâce auxinnovations apportées par lesfondateurs.Les Chancel obtiennent ainsi uneproduction de haute qualité etsuscitent des jalousies dans leurentourage. Les accords conclus avec lesfilateurs expliquent le succèséconomique et financier.

Ils consistent en l’arrangementsuivant : la société Chancel frèress’engage à fournir du peigné àprix coûtant au filateur. Lesbénéfices dégagés par la vente dufil sont ensuite partagés à partségales entre les deux parties.L’avantage pour les Chancel estde toucher des bénéfices sur unproduit fini dont la valeurajoutée est bien plus importanteque celle de leur peigné.

Le succès de l’entreprise tientaussi dans la qualité del’épluchage effectué à la main,alors que la plupart desentreprises préférent la solutionchimique, plus économique, maisrespectant moins la matière.

L’industrie de la Schappe connaîtde nombreux aléas et desvariations de prix importantes dela matière première et du produitfini. Pour pallier ces inconvénients, lesfrères Chancel donnent à leurusine des capacités de stockage très importantes qui représententprès de 50% de la superficie desbâtiments.

Le grand bâtiment de stockage

Le bâtiment principal inauguré en 1863

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Cette industrie est en effet trèsdépendante. Sa survieéconomique dépend de l’écartentre le prix de revient de laschappe et celui de la soie grège.Toute chute du prix de cettedernière entraîne des difficultéset des marges de plus en plusfaibles.Une à une, les usines du groupevont fermer. L’ensemble dusecteur en Europe ne survivra pasà cette crise.

Les dirigeants de la SIS vontdécider de fermer le site deBriançon.En janvier 1931, l’usine faittoujours travailler 810 personnes.

Le chômage est encore limité àune journée par semaine pour275 ouvriers. A partir de la finde l’été de cette même année, lesdifficultés de l’entrepriseconduisent la direction à mettrel’usine en chômage partiel. Leseffectifs fondent de 600 personnesen septembre à 518 en octobre et462 en décembre. Le chômagepartiel passe de 2 jours parsemaine en septembre,à 15 jours de fermeturecomplète en décembre. La situation se dégradeencore au premiertrimestre 1932. Ladirection décide alorsde conserver lespeignages de Tenay,aux dépens du site deBriançon.

Le 24 mai, l’usine ferme enlicenciant 370 personnes.

On tente de sauverl’entreprise en peignant la« China Grass. »Dès l’été 1932, on tente detravailler une urticacée textileoriginaire de l’île de Java enMalaisie. Des essais sonteffectués dans l’atelier dudécreusage. Mais cette plante estd’un travail très difficile etencrasse les peigneuses. Laquantité de déchets produite esttrès importante et le produit finiest loin de ressembler à de laschappe. L’usine licencieprogressivement les quelquesouvriers embauchés du 1er au29 avril 1933. A cette date,l’usine de la Schappe de Briançona définitivement fermé ses portes.

L’usine désormais désertée :la salle des machines

Les combles du bâtimentdu peignage à l’abandon

La fermeture de l’usine met fin à prèsd’un siècle d’activité industrielle.L’entreprise licencie son personnel le 24 mai 1932. Aprèsune malheureuse tentative de remise en route, lafermeture est définitive le 29 avril 1933.

A partir des années trente,l’industrie de la schappeconnaît des difficultés enEurope. La concurrence japonaise devientde plus en plus vive en offrant sesproduits à des prix trois foismoins élevés qu’en Europe. Si, en1903, le Japon ne dispose que de33 000 broches à filer laschappe, ce nombre passe à223 000 en 1922. Les salairessont de 4 F à 4,50 Fhebdomadaires, contre 40 F à44 F en France.

L’arrivée de la soie synthétique,qui est un produit directementconcurrentiel de la schappe,achève d’affaiblir l’industrieeuropéenne.Si de 1883 à 1930 la SIS n’aconnu que trois années de pertes,les années suivantes serontcatastrophiques. Dans un contexte économiquegénéral peu favorable, l’industriedu traitement des déchets de soieest très menacée.

La sortie des usines au début des années trente.Au premier plan à gauche, la maison du concierge.

Au fond, la maison du directeur

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Années Bénéfices Pertes

1928 4 267 818

1929 2 583 081

1930 692 644

1931 3 125 448

1932 8 210 971

1933 490 998

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L’appel à l’immigration estindispensable.Ces immigrés viennent de l’Italievoisine. Ce sont des femmes dansleur immense majorité. Pour lesattirer à l’usine, une cité ouvrièreest construite en 1875.Auparavant, le bâtiment originelservait de logements ouvriersdepuis 1863. Il sera désormaisréservé aux employés.Construite pour 300 ouvrièresenviron, sa pleine capacité ne futjamais utilisée.

Les Italiens sont originaires duPiémont, en particulier desvallées voisines de la France.

Compositionsocioprofessionnelle desimmigrants arrivant àBriançon :

Nombre de pensionnairesdans la cité de 1886 à 1931.

La cité ouvrière : vue de la courintérieure

L’origine des ouvriers.Les effectifs importants de l’usine sont trop élevés pour la seule population deBriançon. Aussi, fait-on appel aux habitants des villages avoisinants et àl’immigration italienne.

Une large part des ouvriers del’usine est originaire duBriançonnais.En 1906, 49,6% des ouvrierssont originaires des communesextérieures à Briançon. Lecontingent le plus élevé est celuide la commune de Saint-Chaffreyavec 15,8% du total des ouvriersde la Schappe. Viennent ensuiteles communes de Villeneuve avec12,3%, Villard-Saint-Pancraceavec 6,5%, Puy-Saint-Pierre avec1,9% Monêtier-les-Bains avec1,2% et enfin Val-des-Prés avecun seul ouvrier.Pour l’année 1906, les autrescommunes du Briançonnais nesont pas représentées.Ces pourcentages évoluent au fildu temps et d’autres communessont massivement représentéescomme Puy-Saint-André.Par contre, la vallée de la Clarée,Montgenèvre, la Vallouise oul’Argentièrois sontmarginalement représentés.

Les communes les plus prochesde Briançon sont celles quifournissent les plus grosbataillons des ouvriers etouvrières de l’usine.

La répartition des ouvriersdans Briançon répond aussi àune logique de proximité.Les rues proches de l’usinefournissent 28,8% du total desouvriers de l’usine. Le quartier deSainte-Catherine s’est développégrâce à l’usine. Comme lerappelle une plaque, la premièremaison de la rue Centrale estédifiée en 1880. Avant ces cons-tructions typiques de la fin duXIXe siècle, Sainte-Catherine aencore une morphologie ruralecomme on peut le constater PlaceGallice Bey ou Chemin Vieux. En1831, le quartier ne comptait que131 habitants contre 1307 en1891.

La ville haute ne fournit que6,9% du total des ouvriers. Leshameaux autour de Briançoncomme le Fontenil ou Pont-de-Cervières totalisent 19,6% dutotal. Ces hameaux voient aussileur population croître avecl’implantation de l’usine.

Une façade typique du quartierdéveloppé autour de l’usine

Source AMB : carnets d’entrée des étrangers

Source ADHA : recensement 1886-1931

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Années Nombre

1886 222

1891 200

1896 190

1901 110

1906 129

1907 200

1911 193

1921 104

1926 54

1931 17

ouvrières en soie

maçons

journaliers

manœuvres

mineurs

terrassiers

cordonniers

cultivateurs

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Cet apprentissage doit êtreeffectué par tous, y compris lesanciens ouvriers ayant déjàtravaillé dans l’usine. Le chapitre trois est relatif à ladiscipline. Ce sontessentiellement des règles desécurité concernant les ouvrierstravaillant sur des machines. Lesvêtements flottants ou les blousessont interdits, il est interdit deremettre les courroies sans l’aided’un surveillant, il est interdit deréparer ou de nettoyer unemachine sans la mettre à l’arrêt.Ces dispositions s’expliquent parle travail à la tâche qui pousse lesouvriers à ne pas toujoursrespecter les consignes de sécuritépour des raisons de rendement.Ceci n’empêche pas les accidentsde travail.Le chapitre quatre nous donneles conditions de règlement dessalaires. Ceux-ci sont versés à lafin du mois pour les ouvrièreslogeant dans la cité, et au débutde la deuxième quinzaine dechaque mois pour les autresouvriers. De cette manière ladirection de l’usine conservel’équivalent de douze journées detravail. Un ouvrier qui n’a paseffectué ces douze journées detravail ne peut toucher son moisque lorsqu’il aura effectivementtravaillé ces journées.

Enfin les salaires des premiersmois dans l’entreprise sont payésmoins chers. Le règlement stipuleque cette règle s’applique « enparticulier aux ouvriers qui netravaillent à l’usine que la saisond’hiver (7)».

Le problème de main-d’œuvreque rencontre l’usine expliqueces dispositions particulièresdu règlement. Tout est fait pour que lesouvriers travaillent de manièrecontinue et régulière. Malgré cesprécautions, les ouvriers quittentsouvent l’usine. D’originepaysanne, ils ont conservé desterres qu’ils cultivent à la bellesaison. Le mouvement desouvriers qui entrent et quisortent est important. Lesdéparts se font majoritairementaux mois de mai et juin. L’usinetravaille donc à plein régimel’hiver et doit se contenter d’unnombre limité d’ouvriers l’été. Ilsemble que les ouvriers/paysansdu Briançonnais ne soient jamaisdevenus ouvriers. Le travail àl’usine est considéré comme unappoint pécuniaire nécessairedans le cadre d’une agriculturede montagne. Pour les jeunesfilles c’est aussi un moyen de seconstituer une dote dans laperspective du mariage.

La première page du règlement envigueur jusqu’en 1875

Salaires et règlements.Le règlement de l’usine permet de mieuxcomprendre les rapports entre les ouvriersbriançonnais et l’entreprise.

Tous les ouvriers reçoivent àleur entrée dans l’entreprise lerèglement intérieur qu’ilsdoivent signer.Avant 1875, l’achat d’extraits durèglement alors en vigueur étaitobligatoire au prix de15 centimes. Nous connaissonsdeux règlements. Le premier estun document de 15 pages quicomporte 48 articles. Le secondentre en vigueur en 1875. Ilcomporte 8 pages et 31 articles.Ils sont tous deux relativementcomparables. Dans le règlementde 1875, le mot usine estsystématiquement écrit avec unemajuscule. C’est une sorte depersonnification de l’entreprise.On notera que ce n’est pas un casunique et que la personnificationd’une entreprise et l’utilisation dela majuscule ne sont passpécifiques à Briançon, mais seretrouvent dans un certainnombre d’autres cas. On peutaussi considérer que son unicitédans le paysage briançonnais faitde l’usine une entitéreconnaissable.

Les différents articles montrentque la direction cherche lacréation d’un lien entre l’ouvrieret l’usine.

La lecture de ces documentsest riche d’enseignements surla volonté des dirigeantsd’encadrer les ouvriers. Le premier chapitre est consacréaux conditions d’admission. Lesecond présente les règles del’apprentissage qui s’apparentent à des conditionsd’admission.

« Tout ouvrier entrant à l’usinedoit faire un apprentissage dutravail qui lui sera confié. Ladurée de cet apprentissage est de6 journées complètes de travailque tout ouvrier devra faire sansrétribution (7)».

Le quartier de Sainte Catherine vu dusud. Au centre-gauche, les cheminéesdu décreusage et du séchage

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Nous avons eu 15 enfants deplus que d’habitude et 3 hommesseulement manquaient à l’atelierde peignage, alors que d’habitudeil en manque 6 ou 7 pour causesdiverses. Nous avons distribuéplus de 600 rations dans lessalles de travail même, ce soirnous gratifierons différemmentl’escouade de nuit. La bouteilled’ammoniaque est prête pourdégriser tout homme arrivant autravail en mauvais étatd’équilibre. Ce sera ainsi de1 100 kilos de production degagné de plus (…). Nous avionsdonné nos instructions pour qu’ilen soit de même à Tenay et auVigan, mais là on ne peutcommander comme nous lefaisons ici. (8)»Lettre du 1er janvier 1872.

Les salaires évoluent peu dans letemps : si en 1860, un ouvriertouche de 3 F à 3,50 F pour 13 à14 heures de travail, en 1907, iltouche de 2,75 F à 4 F pour9 h 30 de travail.En règle générale, un hommetouche deux fois plus qu’unefemme et quatre fois plus qu’unenfant.

Ces faibles salaires ne sont pasune exception, ils sont mêmeplutôt plus élevés que ceux généralement pratiqués dans lesautres industries duBriançonnais.En 1884, la situation des salairesdans l’arrondissement deBriançon est nettement en faveurde l’usine de la Schappe. Leshommes touchent 4 F contre2,10 F à 1,50 F dans les minesd’anthracite de Villard-Saint-Pancrace.

Les dirigeants de la SISsemblent avoir une piètreopinion de la main-d’œuvrebriançonnaise.Lors de la grève de 1907, un desadministrateurs déclare que« si la main-d’œuvre est enapparence moins chère, elle esten réalité moins productive, caron n’y emploie guère ( …), quedes demis-ouvriers ».

Les salaires ont toujours étéfaibles dans l’usine.En contrepartie, la société offreun certain nombre d’avantagesen nature : une cité ouvrière pourloger les jeunes Italiennes, unecaisse de secours avec les soinsdu médecin et les médicamentsgratuits, des vêtements chauds àprix de fabrique.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle,33 cl de « bon vin » et 15 cl decafé chaud (de Saint-Domingue)par jour sont offerts auxouvriers.Des gratificationssupplémentaires en nature sontparfois offertes pour prévenirl’absentéisme :« Aujourd’hui nous avons fait ungrand tour de force ; nous avons

travaillé au grand completcontrairement à ce qui se faisaitles autres années. Pour cela nousavons annoncé des gratificationsen nature : café, cognac à larentrée, 250 g de pain blanc, 7 gde saucisson de Milan et 1/4 delitre de vin à 8 h 30, 1/3 de litrede vin à midi, le café plus7 papillotes à chaque enfant.

Salaires et prix de quelquesdenrées au début du siècle :

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Salaire journalier des ouvriers en 1907

Déballage : Homme : 2,75 francs, femme : 1,25 francs

Décreusage :Homme : 3,00 francs, femme : 2,00 francs

Cardage :Homme : 3,00 francs, femme : 2,00 francs

Peignage :Homme : 4,00 francs

Epluchage :Homme : 3,00 francs, femme : 2,00 francs

Etalage :Homme : 3,25 francs, femme : 1,75 francs

Prix de quelques denrées en 1914

Pain : 0,60 francs le KgPâte : 0,70 francs le KgBeurre : 0,40 francs le KgPétrole d’éclairage : 0,80 francs le litre

Nombre d’ouvriers en 1910

950 ouvriersdont 130 enfants (officiellement ils doivent avoirplus de 10 ans) et 430 femmes.

Salaire d’un paysan dans le Briançonnais

1 franc à 2,75 francs par jour

La cheminée de la chaudière. Elle servait à chaufferles calorifères du grand bâtiment du peignage

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Les journées de travail sontlongues.Jusqu’aux années 1880 environ,l’usine fonctionne 24 h sur 24 h.Deux équipes se succèdent afinque les machines tournent sansarrêt.Les enfants sont égalementastreints au travail de nuit pourle nettoyage des machines. Ilsemble que les différentes lois surle travail des enfants et la duréedu travail ne soient pas toujourstrès bien respectées dans l’usinede Briançon.

Les nombreux témoignagesrecueillis font encore apparaîtreces pratiques dans les annéestrente.Avant la loi de 1920 instituantles 8 heures par jour, les ouvrierstravaillent 10 à 12 heures parjour. L’usine ferme le dimanchemais travaille le samedi. On esttrès loin des 35 heureshebdomadaires.

La difficulté du travail estdifférente en fonction desateliers.Au décreusage la matière bruteest travaillée dans une chaleur etune humidité étouffantes. Lesbains sont chauffés à ébullition.Les hommes travaillent souventtorse nu.Dans l’atelier du peignage, lapoussière est importante et lebruit des machines assourdissant.Les accidents de travail ne sontpas rares dans cet atelier. Le plussouvent, ils ne sont pas déclaréscar l’usine dispose d’un médecinà son service, et en profite pourne pas faire de déclaration.Dans l’atelier du voile, le travaildemande beaucoup d’attentionpour enlever les cheveux dans leruban de schappe.

Pourtant les ouvriers ne seplaignent pas de cesconditions.On ne connaît en effet que trèspeu de mouvements de grève.Pendant tout le XIXe siècle, lessous-préfets soulignent dans leursrapports les bonnes relations quiexistent entre les patrons et lesouvriers. Les rares conflits serèglent à l’amiable.Toutefois, en 1913 puis en 1920,deux grèves éclatent dans l’usine.Dans les deux cas, le mouvementest très limité : 37 grèvistes en1913, 71 en 1920, sur plus de1 000 ouvriers.En 1907, se produit le seulmouvement ouvrierd’importance. Pendant un peuplus de 3 mois, près de 400ouvriers et ouvrières sur 860seront en grève…

Ventilateur dans l’usine de Briançon

Vue arrière du bâtiment du peignage

Les conditions detravail dans lesusines de schappesont difficiles.Les conditions de travail desouvriers étaient difficiles dans lesentreprises textiles en général etplus encore dans celles de schappe.

Le décreusage est uneopération nauséabonde.Le sous-préfet écrit en 1871 :« La cuite des cocons présente ungrave inconvénient. Elle répandau loin des odeurs désagréableset malfaisantes. Il est à désirerque M.M. Chancel se résolvent àuser de moyens chimiques quidétruisent ou du moins atténuentces émanations miasmatiques.(9)»Ces problèmes ne sont pasentièrement résolus selon le vœudu sous-préfet, puisqu’en 1923,le contremaître du décreusageécrit que l’acidage des coconsprovoque une odeur d’hydrogènesulfuré :

« Malheureusement cette odeurse répand à une grande distance,surtout par les temps calmes etc’est là un inconvénient. (10)»Les odeurs proviennent aussi dela putréfaction de la gomme etdes chrysalides.

Le peignage des déchetsprovoque une importantepoussière :Marius Chancel déclarait qu’il yavait « une poussière à faire despoitrinaires. (11)»Les anciens ouvriers nous ontsouvent déclaré que beaucoupd’ouvriers sont morts deproblèmes pulmonaires. Mais cepoint n’a jamais été vérifié.L’usine dispose cependant d’unimposant système d’aération quiest encore visible aujourd’hui.

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la réunion constitutive du10 janvier 1907. L’article 2 des statuts précise quepour « être admis au Syndicat ilfaut être Français, âgé de 16 ans,ouvrier à l’usine de la Schappe. »Par contre, les « directeurs, sous-directeurs, employés à un titrequelconque, les contremaîtres etles surveillants, ne peuvent êtreadmis. (12)»La direction de l’usine réagit pardes vexations à l’égard desdirigeants du syndicat. Cesprovocations n’ont pour but qued’arriver au conflit. Le 30 janvierau matin, une délégation dusyndicat se rend auprès d’Ernest Audoyer, directeur de l’usinedepuis 1878, qui refuse de lesrecevoir s’ils se présentent en tantque délégation ouvrière.

Cette rupture marque ledébut d’un long conflit.La délégation décide aussitôt delancer la grève, et 422 ouvrierssur 860 cessent immédiatementle travail.Le jour même, la fermeture del’usine est décidée par le conseild’administration de la SIS à Bâle.Elle durera trois mois. L’enjeu duconflit va au-delà des revendica-tions avancées par les ouvriers.Celles-ci concernent une haussedes salaires, les mauvaistraitements de la part dessurveillants et des contremaîtres,le chômage forcé, la corruptiondes femmes par ces mêmessurveillants, etc.En réalité, la direction ne veutpas d’un syndicat dans sonentreprise et, par son attitude,cherche à briser dans l’œuf celuiqui vient de se constituer. Apartir du 18 février, les ouvriersdécident de ne plus se prévaloirdu syndicat.

Les manifestations se multiplientdans Briançon (cf. pp. 26 et 27.)Le 6 mars, une contremanifestation organisée par ladirection se déroule aux cris« d’à-bas le syndicat », et « à-basles grévistes ». Des rixes éclatententre grévistes et « jaunes ». Le12 mars, nouveaux incidents :des vitres sont cassées, despoteaux électriques sciés. Lelendemain, l’armée est sollicitéetandis que la gendarmerie deBriançon est renforcée. Cetteprésence calme les espritspuisqu’on ne signale plusd’incidents par la suite. Le 2 avril,la direction annonce que l’usinerouvrira ses portes le 2 mai. Elleaccorde des augmentations desalaires, mais il n’y aura plusjamais de syndicat au sein del’usine.

Manuscrit des statuts rédigés le 10 janvier 1907 etdéposés le 15 janvier à la sous-préfecture de Briançon

La grève de 1907.Le 30 janvier 1907 débute une grève très dureà l’usine de Briançon. Le conflit durerajusqu’au 2 mai de la même année.

Le conflit trouve son originedans la création d’un syndicatdans l’entreprise.En 1906, pour la première fois,un député socialiste, Emile Merleest élu dans la circonscription deBriançon. Lors de la campagneélectorale, il a évoqué lapossibilité de la création d’unsyndicat des ouvriers de l’usinede la Schappe. Il dispose d’unjournal hebdomadaire, « LePaysan Briançonnais », dont lerédacteur en chef est Mattéi, quiest aussi le représentant local dudéputé lors de ses très nombreusesabsences.Un conflit éclate entre les deuxhommes pour d’obscures raisons.Mattéi se sert alors de la créationdu syndicat contre son ancienpatron.Les statuts sont déposés le15 janvier 1907 à la sous-préfecture de Briançon après

Convocation à l’assemblée constitutive dusyndicat de la Schappe.Affiche du 10 janvier 1907

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Photographie prise lors d’une desmanifestations devant la maisondu concierge de l’usine. Sur ledrapeau, on devine l’inscription« Vive le Syndicat ».On remarque la présence denombreux gendarmes au milieude la foule, dans une ambiancedétendue.

Le cortège devant le bâtiment desemployés. En arrière-plan, ondistingue le bâtiment du peignageet la maison du directeur. Lesfemmes sont très présentes et leurrôle est toujours important dansles grèves. Elles sont souvent lemoteur des actions les plusrevendicatrices.

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Le cortège rue Pasteur. A gauche,le logement des employés dontquelques-uns observent le défilédepuis leurs fenêtres. En avantdu cortège, Mattéi, puis lesfemmes qui défilent en premier.

Le cortège devant le logementdes employés. En arrière-plan, lamaison du directeur surl’emplacement actuel ducarrefour de l’Izoard. Devant, àdroite, la fontaine qui se trouvedésormais à l’intérieur du parc dela Schappe.

Images de la grève.

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Chanson des grévistes.Composée le 7 et 8 mars 1907.Elle brocarde les différents dirigeants de l’usine.

I.Ayant posé des revendications A l’ancien roi de BriançonIl nous dit tout basGrévistes je verrais çaOn le mettra dans la marmiteIl est trop gras Ah ! Ah !

II.Etant allé devant ce cochonAu sujet des revendicationsLa tripe nous dit tout basL’usine n’ouvrira pasCar ce qui cuit dans la marmiteN’est pas gras Ah ! Ah !

III.Braves grévistes de BriançonLa cloche de l’usine n’a plus de sonEt nous ne rentrerons pas Sans le syndicatCar ce qui cuit dans la marmiteN’est pas gras Ah ! Ah !

IV.Et toi le fils de Pierre PolkaTon appareil tu braquerasChacun te montreraCe que tu ne prévois pasAvec tes jambes en élastiqueTu n’es pas gras Ah ! Ah !

V.Tu traites les filles de chameauxEt toi mon cher petit crapaudTu pars de BriançonPour aller à CharentonTu iras voir des gantistesTu es trop gras Ah ! Ah !

VI.Et toi espèce de machinTu veux trop faire le malinTu feras comme ton papaOn chantera le liberaOn va te mettre dans la marmiteTu es trop gras Ah ! Ah !(…)

La cloche de l’usine sur le toit de la maison du concierge

Chansons de la grève.La grève à l’usine, composée le 18 janvier 1907(sur l’air de l’Internationale).

I.Debout les parias de l’usineDebout les serfs du patronNos salaires sont trop infimesRéclamons l’augmentationSi par coutume il la refuseSachons-la leur imposerPar la grève on est en mesureDe pouvoir les obliger

RefrainA la grève mes frèresAidons-nous et demainQue tous nos salairesAssurent notre pain

II.(…)N’écoutons plus ceux qui se posent Devant nous en libérateursLe seul vrai devoir qui s’imposeEst de nous unir tous en cœur

Le défilé des hommes

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On voit très bien sur le cadastrede 1841, le parc, les canauxaménagés et le lac central avecson île. Le parc est donc largementantérieur à la création de l’usine.Les terrains du parc de laSchappe sont acquis vers 1850par A. Arduin et Chancel grâceaux bénéfices réalisés. Pendantla période de fonctionnement dela Schappe, le parc est à l’usageexclusif des directeurs successifs.

Le parc cache aussi desinstallations hydrauliquesimportantes pour l’usine.L’énergie nécessaire aufonctionnement des nombreusesmachines est fournie par l’eaujusqu’à l’électrification de l’usineen 1918. Les machines sont muespar des courroies actionnées par

la force mécanique de l’eau.L’autorisation de construire unbarrage, entre le Fontenil et lepont d’Asfeld, « en vue del’aménagement d’une usinehydroélectrique sur la Durance »,est accordée le 13 juin 1916.

Le parc est également aménagépour lutter contre les crues de laDurance. Par deux fois victimesen 1848 et en 1856 des cruesviolentes de la Durance, lesChancel conçoivent d’utiliser leparc pour protéger leur usine. Letunnel de Roche Percée, tout aufond du parc, peut être fermé parune porte dont on voit encore lestraces sur les parois. L’usine estprotégée par un rideau d’arbresafin de dévier une éventuelle cruevers la Durance. Près de l’entréeactuelle du parc, le mur desoutènement est ouvert pourpermettre à l’eau de s’évacuer.

En 1954 le parc est rachetépar la ville de Briançon.

Transformé en jardin zoologique,en camping, ou en patinoirel’hiver, le parc est réhabilité àpartir de 1998.Il reste quelques éléments del’époque de l’usine. En particulierl’île, avec sa construction de styleoriental qui rappelle l’origine descocons et des déchets traités.

L’aqueduc dans le parc de la Schappe

Canal dans le parc de la Schappe

Le tunnel de Roche Percée

Le parc de la Schappe.Réalisé avant la construction de l’usine, le parcest un élément important de l’entreprise.

Le parc est l’œuvre de LaurentDelphin.Fils d’un chirurgien major desforts de Briançon, il est né en1777 et sera conseillerd’arrondissement de 1833 à1839. Il est lieutenant-colonel du Génieet commandant de la place deBriançon. Aux alentours de 1815, il décidela création du parc. Il a utilisél’eau de la Durance et deuxcanaux pour apporter les limonspour remblayer le parc. Le limontransporté a été ensuite déposé lelong de digues pour permettre la

sédimentation et l’aménagementdu parc. « Tout ce travail a été l’ouvragede quinze ans ; là où on ne voyaitqu’une montagne desséchée etune carrière abandonnée s’élèvemaintenant une très belle forêt(…) (13)»

En même temps, des arbresd’Europe et des Etats-Unis ontété plantés. Cette réalisationreçoit le 18 avril 1830, unemédaille d’or de la Société royaleet centrale d’agriculture.

Le bâtiment du peignagedans son écrin de verdure

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Joséphine Faure, ouvrièreoriginaire de Saint-Chaffrey sesouvient également de lacantine et de la vie dans la citéouvrière : « La cantine nous nourrissait etnous logeait. Le lever était à 5 h,toilette à l’eau froide auxlavabos, et une fois par semaine,le soir, la douche.Le petit déjeuner était composéde soupe au lait, avec riz oupâtes, le midi, pâtes ou riz avecmortadelle, pain et eau, le soirune soupe épaisse de lentilles oude pois cassés ou de fèves avecdes pommes de terre. C’étaientdes dortoirs de quinze, certainesétaient en chambre de trois ouquatre en ville, mais elles avaientmauvaise réputation. » »

Pour celles qui ne sont paslogées par l’usine, il reste lesystème de la chambrée. Voicile récit d’Emma Bonnardel,originaire du Bez :« On couchait comme onpouvait. Nous, on avait deux lits,y avait le lit de mon père quicouchait avec un de mes frères,un autre qui allait coucher, jecrois avec un cousin et puis nousdeux les filles. On couchait là,dans notre lit vers la porte.

Puis je crois qu’y avait un petitdivan dans la cuisine, y avait unetable, y avait une petitecheminée, y fallait faire notrecroûte. On apportait pas mal duBez : de la viande, des œufs, toutce qu’on pouvait rapporter duBez, on apportait. Ma mère ellefaisait beaucoup de beurre, dufromage blanc, tout ça on leportait du Bez, vous voyez. »

Les habitants de la vallée de laGuisane se rendent à pied àl’usine été comme hiver.Joséphine Faure se souvient deces déplacements vers l’usine :« Le chemin passait par Mas deBlais, non déneigé, non éclairé etune dizaine de personnespartaient à pied avec unelanterne. Les filles avaient degrandes jupes, des chaussettes delaine de Chantemerle, de grosseschaussures en cuir cloutées, uneveste, un châle. Quand il neigeaittrès fort ou qu’il faisait très froid,

Témoignages.

Sur la cité ouvrière…Récitd’une ancienne ouvrièred’origine italienne entrée àl’usine en 1923 :« C’est à dire qu’au premier il yavait Madame Pascal qui avaitson appartement, puis après il yavait une espèce de buanderie, sivous voulez, pour qu’on puisse ylaver notre linge quand même.C’était la Schappe qui s’occupaitde laver les draps, tout ça, leschoses de lit…Mais notre linge personnel on sele lavait nous. Et puis il y avait ledortoir qui était au deuxième.Un grand dortoir qui tenait toutela longueur de l’étage. On était àpeu près 80, 100 dans le mêmedortoir. On était toutesensemble, il y avait deux rangées,une rangée d’un côté et unerangée tournée vers l’autre. Il yavait de petits lavabos en zinc, ily avait l’eau froide. On étaitl’une à côté de l’autre pour selaver. On rigolait. Il y en avaitqui avaient déjà 50 ou 60 ans,que ça faisait plusieurs annéesqu’elles travaillaient à l’usine. »

« A six heures du soir il y avaitune cloche qui sonnait, fallait pasavoir du retard, sinon on étaitpuni. Mais la punition c’était pasgrave, le 14 juillet ou le 15 aoûtau lieu d’avoir la permission de10 heures, on pouvait pas.C’était pas grave.Oui, on allait danser au Pont-de-Cervières, « Au Câble » qu’onappelait. C’était un café-restaurant, on dansait et c’étaitprès de l’usine, c’était là où il y

avait les cités Barbot. On allait àPont-de-Cervières parce quec’était près et on entendait lacloche à six heures. On l’appelait « Le Câble » parcequ’il y avait un câble detransport qui menait au Fort desTêtes. »

Le bâtiment du peignage

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La fontaine désormais à l’intérieurdu parc de la Schappe

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Et moi j’étais une gamine,j’aimais bien parler, j’étaissouvent debout alors mapunition c’était d’enlever lachaise et travailler toute unejournée debout, des fois huitjours debout. Vous savez quec’était pénible surtout le lundiquand on arrivait du dimanchequ’on était allé un peu danser ouse promener quelque part, c’étaitpénible, mais après ons’habituait. »

Emma Bonnardel se souvientégalement :« On avait des visiteuses, biensûr, qui regardaient. Y avait desvisiteuses, y en avait deux partable, par machin et moi je mesuis fait rappeler souvent àl’ordre. « Dites, Chancel, j’étaisune Chancel, dites Chancel, vousavez laissé des cheveux, vousavez un « galo »! Alors le« galo », je vais vous dire qu’aulieu de présenter trois ou quatrepots le soir de mon travail, ehben si on me faisait faire deuxfois le même travail j’en perdaisdeux ou trois et j’étais payéepour deux pots ou trois mais paspour cinq.

Moi, je suis arrivée une fois enretard à 1’usine, eh ben, on m’afait appeler au bureau. Alors aubureau, y avait le directeur,M. Vial. Alors je me suis excusée,j’ai dit : « Monsieur, je m’excuse, y avaitdes mauvais chemins, on a prisdu retard. Ah, il m’a dit :« Madame, je rentre pas dans ceshistoires ; vous êtes arrivée enretard donc vous allez avoir unepunition.» Et je sais pas si ym’avait mis à pied trois jours.J’étais pas payée. Oh, c’étaitsévère hein, c’était même TRÈSSÉVÈRE. Y a une fois, moi, jetournais la tête comme ça puis ilétait passé le directeur avec lasurveillante, deux surveillantesdans l’allée et qui surveillaient àdroite, à gauche. Et les ouvrièrestravaillaient. Eh ben moi, jem’étais retournée un moment,seulement à ce moment-là ledirecteur qui était entre ces deuxfemmes il est venu me trouver ettu sais ma punition, ce qu’ellem’a valu ? On avait des chaisespour s’asseoir, hautes ; eh ben, ilm’a enlevé ma chaise pendant unmois. Voilà ma punition ! Alorsil m’a dit : « pourquoi, vous vousêtes retournée? » J’ai dit : « Ben,j’ai tourné la tête comme ça ! »Eh bien, vous n’aviez pas le droitde retourner la tête. Vous aviezqu’à faire votre travail. Voilà

votre tête tournée ce qu’elle avalu. Vous êtes un mois à pied. »Il m’avait mis un mois sanschaise, vous voyez si c’était bienmené, hein ! Oui,... Oh, vouspouvez l’inscrire ça, oui... »

Ces témoignages ont étérecueillis dans le cadre del’atelier d’histoire del’Université du temps libre deBriançon en 2000.

mon grand-père enroulait sesmolletières de la guerre de 14,autour de mes jambes, et je lesdéroulais pour les faire sécher encachette à l’usine.Le samedi on quittait l’usine à17 h 30 et on arrivait au Bez vers21 h. »

Emma Bonnardel rappellel’organisation et la solidaritédes ouvriers de la vallée, lorsde ces déplacements :« Eh ben le lundi matin ! Si onpouvait descendre le lundi matinon se levait à la pointe du jour.Alors on mettait tous les hommesdevant pour faire la piste et puisnous on marchait derrière dans lepetit chemin qu’on nous traçaitcomme ça, et puis après, arrivésà Villeneuve, ça s’élargissait déjàet puis après, Chantemerle,Saint-Chaffrey, ça allaitmieux. On faisait prendre leshommes, les jeunes gens avant,puis nous, les femmes, les filles,on marchait derrière ; la traceétait un peu tassée. Mais on enavait encore, dites ! On en a pâti,hein ! Moi, une fois j’avais de laneige jusqu’ici (geste : montre lataille).

Une fois, j’avais tellement froid,au lieu de rentrer chez moi, mamère elle tenait un petit café, aulieu de rentrer chez moi je suisrentrée à l’écurie me déchausserpour pouvoir mettre mes piedssur le fumier tellement j’avaisfroid aux pieds. On en a bavé,hein ! »

L’application du règlement alaissé des souvenirs cuisants àces jeunes filles. JoséphineFaure nous en fait part :« Oh ! C’était contrôlé, il yavait la visiteuse, si elle trouvaitplus de cinq petites saletés dansle voile, allez hop ! Il fallaitrefaire, on le passait à lamachine… Et puis il y avait lasurveillante, elle était sévère.

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Abréviations :ADHA : Archives Départementales des Hautes-Alpes.AMB : Archives Municipales de Briançon.SWA : Archives économiques suisses.

Notes :(1) Blanchard Raoul, Les Alpes occidentales. T.V : Les Alpes françaises du sud, Grenoble et Paris, B. Arthaud,

1949-1950.(2) Copie d’un cahier de notes adressé à Bâle le 4 décembre 1923, pour servir à la rédaction de l’ouvrage de

Mangold et Sarasin. Collection particulière.(3) ADHA : Le Courrier des Alpes du 8 juillet 1863.(4) ADHA : 5M162 (5) Mangold F. et Sarrasin H.F., Société industrielle pour la Schappe : origine et développement 1824-1935.

Contribution à l’histoire de la filature des déchets de soie, Neufchâtel, Delachaux et Niestlé, 1924, p. 234. (6) ADHA : 9M3(7) Règlement de l’usine de Briançon, collection particulière(8) SWA : 345M278(9) ADHA : 6M901(10) Cahiers du contremaître du décreusage, collection particulière.(11) ADHA : 72J11(12) AMB : 7F56(13) J.C.F Ladoucette, Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, Paris, Librairie de

Fantin, 1834, pp 24-25.

Notes et bibliographie.Orientation bibliographique

Ouvrages universitaires :- Amouretti Bernard, De Briançon au Bourg d’Oisans. Les hommes et la route au XIXème siècle,

Aix-en-Provence, Edisud, 1984, réédition 1992.- Etienne Christine, Les grèves de 1907, 1913, 1920 à l’usine de la Schappe à Briançon, Ebauche d’étude du

prolétariat local, Aix-en-Provence, Mémoire de DEA. Université Aix-Marseille, 1990.- Tornatore Jean-Louis, Mineurs et charbonniers du Briançonnais (XIXème-XXème siècles), Laboratoire

D’Ethologie Méditerranéenne et comparative, Direction Régionale des Affaires culturelles PACA, Mission dupatrimoine éthologique (Ministère de la Culture), ville de Briançon, 1992.

- Villain Didier, La Schappe, un isolat industriel dans une commune de montagne, Aix-en-Provence, Maîtrise desciences sociales appliquées au travail, Université Aix-Marseille, 1986.

- Vivier Nadine, Le Briançonnais rural aux XVIIIème et XIXème siècles, Paris, L’Harmattan, 1992.

Ouvrages à caractère scientifique :- Guillemot Françoise, Archives du chalet. Une famille briançonnaise, les Chancels (1837-1907),

Le Puy-en-Velay, 1981.- Péguy Charles-Pierre, L’industrie de la soie en France, Grenoble, Revue de géographie alpine, 1944,

pp 308 à 314.- Rabi Wladimir, La grève de 1907 à Briançon, Paris, Le mouvement social, n°94, janvier-mars 1976,

pp 77 à 95. - Rabi Wladimir, Mémoire ouvrière : la grève de 1907 à Briançon, Lyon, Le monde alpin et rhodanien, 1980,

n°1-2, pp 97 à 121.- Routier Jacqueline, Briançon à travers l’histoire, Gap, SEHA, 1997.- Veyret-Vernet Germaine, L’industrie textile dans le département des Hautes-Alpes, Grenoble, Revue de

géographie alpine, 1939, pp 625 à 646.

Ouvrages à caractère de source :- Guérin Georges, Chambre de commerce de Gap et des Hautes-Alpes. L’industrie de la Schappe et les usines de

Briançon. Gap. Imprimerie Louis Jean, Chambre de commerce de Gap et des Hautes-Alpes. 1939.- Mangold F. et Sarrasin H.F., Société industrielle pour la Schappe : origine et développement 1824-1935.

Contribution à l’histoire de la filature des déchets de soie. Neufchâtel. Delachaux et Niestlé. 1924.

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Glossaire :

fibroïne : constituant proteïque de la soie lui donnant sa souplesse et son élasticité.

paternalisme : tendance pour les patrons à vouloir exercer un contrôle, une domination sur les ouvrierssous couvert de protection sociale.

peignage : opération consistant à peigner les fibres textiles avant la filature, par extension il désigne lamanufacture où l’on peigne les fibres textiles.

séricine : un des composants de la fibre de soie.

soie grège : soie produite par élevage des vers à soie dans des magnagnerie.

soie sauvage : soie produite dans la nature par les vers à soie.

tussah ou tussor : étoffe de soie sauvage et par extension une étoffe légère de soie.

urticacée textile : la China grass est une plante de la famille des orties, originaire de Malaisie, elle est cultivéepour être tissée.

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Plan des usines de la Schappe.dans les années vingt

LÉGENDE

1. logement du concierge. Sur le toit, on peut encore voir la cloche qui appelait les ouvriers au travail.

2. grande usine principale, 125 m de long et 18 m de large ; au rez-de-chaussée, machines et transmissions,bureaux, au premier, machines et transmissions, au second, tables à trier et magasins de matières soyeuses, autroisième, magasin de matières soyeuses.

3. vers le parc de la Schappe.

4. emplacement de la maison du directeur, aujourd’hui rond-point de la route du col de l’Izoard.

5. logements des employés.

6. cité ouvrière. Les étages servaient de logements aux ouvrières de l’usine. Sur le toit on peut apercevoir lesclochetons qui abritaient les cloches appelant les ouvrières.

7. cuves pour le nettoyage des cocons, les magasins de séchage, la chaudière et les cheminées de l’usine. Ici, lamatière première subissait un certain nombre d’opérations dont la principale était le décreusage. Elle consistaità tremper les cocons de soie dans un mélange d’eau chaude et savonneuse et acide pour dégager les fils ;aujourd’hui parc de stationnement et ZAC Durance.

8. magasin de stockage, actuellement utilisé par la DDE.

38

1

245

6

7

8

3laboratoires

séchage

magasins

rinçage

stockage du charbon

cantine

chaudière

décreusage

chaudièreateliers

jardin verger

potager

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Cheminement du produit de la matière brute au produit fini.

Page 21: Villes et Pays d’Art et d’Histoire Briançon

L’usine de la Schappe est fermée au public. Le parc de laSchappe est libre d’accès aux heures d’ouverture.Le service du patrimoine organise des visites du parc etdu quartier Sainte Catherine.

RenseignementsDirection du patrimoine & des archivesService du patrimoinePorte de Pignerol05105 Briançon cedexTél : 04 92 20 29 49Fax : 04 92 20 39 84mél : [email protected]

Laissez-vous conter Briançon, ville d’art etd’histoire……en compagnie d’un guide conférencier agréé par leministère de la Culture. Le guide vous accueille. Ilconnaît toutes les facettes de Briançon et vous donne lesclefs de lecture pour comprendre l’échelle d’une place, ledéveloppement de la ville au fil des quartiers. Le guide està votre écoute. N’hésitez pas à lui poser des questions.

Le service du patrimoineCoordonne les initiatives de Briançon, Ville d’art etd’histoire. Il propose toute l’année des animations pourles habitants et pour les scolaires. Il se tient à votredisposition pour tout projet.

Si vous êtes en groupeBriançon vous propose des visites toute l’année surréservation. Des brochures conçues à votre attentionvous sont envoyées à votre demande. Renseignements auservice du patrimoine.

Un label nationalDéposé à l’Institut National de la Propriété Industrielle,le label Villes et Pays d’Art et d’Histoire est attribué parla direction de l’Architecture et du Patrimoine auministère de la Culture et de la Communication. Il a faitl’objet d’une convention signée entre l'État et Briançonen 1990, remarquable non seulement par sa densité depatrimoine, le nombre de ses monuments classés ouinscrits, mais aussi par une politique d’accueil et desensibilisation des publics clairement affirmée. Le labelgarantit la compétence des guides-conférenciers et desanimateurs du patrimoine et la qualité de leurs actions.Aujourd’hui un réseau de 130 villes et pays vous offreson savoir sur toute la France.

A proximitéArles, Chambéry, Fréjus, Marseille, Menton, Pays deMaurienne et Tarentaise, Pays de Carpentras et duComtat Venaissin, Valence bénéficient de l’appellationVilles et Pays d’Art et d’Histoire ; Aix en Provence,Grenoble, Vaison-la-Romaine, de l’appellation Villesd’art (programmation uniquement de visites).