VENISE, SUR LES TRACES DE BRUNETTI - Decitre.fr · Sommaire Préface de Donna Leon 9 Indications...

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TONI SEPEDA VENISE, SUR LES TRACES DE BRUNETTI Douze promenades au fil des romans de Donna Leon Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Charles Khalifa et William-Olivier Desmond 149378QXM_VENISE.fm Page 5 Samedi, 30. janvier 2010 2:35 14

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TONI SEPEDA

VENISE,SUR LES TRACES

DE BRUNETTI

Douze promenades au fil desromans de Donna Leon

Traduit de l’anglais (États-Unis)par Jean-Charles Khalifa et William-Olivier Desmond

149378QXM_VENISE.fm Page 5 Samedi, 30. janvier 2010 2:35 14

Le texte de Toni Sepedaa été traduit par

Jean-Charles Khalifa

Les extraits des œuvres de Donna Leonreproduits dans l’ouvrage

ont été traduits parWilliam Olivier Desmond

Titre original anglaisþ:BRUNETTI’S VENICE

Première publicationþ: Diogenes Verlag AG, Zurich

© Diogenes Verlag AG, Zürich, 2008

Pour la traduction françaiseþ:© Calmann-Lévy, 2010

ISBN 978-2-7021-4077-2

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Sommaire

Préface de Donna Leon 9Indications pratiques 19Itinéraire 1þ: Où l’on rencontre Brunetti 23Itinéraire 2þ: Quartier du Rialto etþles plaisirs des sens 51Itinéraire 3þ: Le quartier de Brunetti 75Itinéraire 4þ: Cuisine et belle-famille 99Itinéraire 5þ: Météorologie et immobilier 119Itinéraire 6þ: La Venise des expatriés 137Itinéraire 7þ: Les riches et les pauvres 159Itinéraire 8þ: La place Saint-Marc 179Itinéraire 9þ: Autour de la questure 205Itinéraire 10þ: La Venise lointaine 229Itinéraire 11þ: Le paradis des arts 249Itinéraire 12þ: Le plus beau quartier du monde 273Brunetti et les îles de la lagune 297

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Itinéraire 1

Où l’on rencontre Brunetti

San Fantin • Sant’Angelo • Manin • San Luca • San Bartolomeo

Duréeþ: 1 h 30

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ette première promenade nous fait parcourir Venise surles pas de Guido Brunetti depuis l’Opéra, La Fenice,

jusqu’au pied du pont du Rialto. Nous commencerons à ydécouvrir les différentes facettes de la ville en compagnie ducommissaire au gré de ses traversées des campi, points de ren-contre toujours importants de nos jours pour les promeneurs.Jadis dominés par les clochers des églises, on y trouvait despuits et même des pâturages à vaches, mais aujourd’hui ce nesont que cafés et vastes espaces de flânerie attirant résidentsautant qu’étrangers. Le ravissement de Brunetti à la vue deleur splendide architecture et de l’ambiance qui s’en dégagen’a souvent d’égal que son agacement devant le sans-gênegrandissant des foules. En toutes circonstances le commissairese révèle un authentique Vénitien, autant fasciné par la beautéde sa ville que lucide quant à la corruptionþqui y règneþ; et toutspécialement dans le tout premier ouvrage, celui qui ouvrecette promenade et inscrit Brunetti dans la longue lignée his-torique des amoureux de Venise.

Relevé de ses cendres tel ce Phénix dont il porte le nom,l’Opéra La Fenice (A) et son élégant campo offrent un décornocturne idéal pour introduire le taciturne commissaire GuidoBrunetti dans le premier roman de Donna Leon, Mort à LaFenice. Le Campo San Fantin, qui abrite l’un des restaurantsles plus renommés de la ville, un célèbre Centre d’études clas-siques, une église Renaissance et un théâtre musical duXVIIIeþsiècle, est le reflet de beaucoup des passions du commis-saireþ: bonne chère et bon vin, musique et art, les auteurs grecset romains antiques, sans oublier (lorsque le chef d’orchestreest découvert mort dans l’Opéra) le crime.

S’il était passé plus tôt dans la soirée, Brunetti aurait tra-versé pour rejoindre ce lieu un campo grouillant de monde,

C

Campo San Fantin (1)

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élégants mélomanes se rendant à l’Opéra, dîneurs sirotant leurprosecco au Ristorante Antico Martini*(B). Il aurait entendudes bribes de conversation de ce public aux toilettes raffinéespatientant devant l’église de San Fantin (C), dont la façadeRenaissance de pierre blanche fait directement face aux colon-nades de La Fenice. À l’heure même des trois coups, toutes cesfaçades autour du campo pourraient constituer autant desuperbes décors d’un autre spectacle, celui de l’extérieur. Et cethéâtre de plein air n’aurait rien d’incongru aux yeux de Bru-netti, qui n’y verrait sans doute qu’une manifestation de plusdes éternels et vains efforts de la cité pour ressusciter sa gran-deur perdue. Tout près de là, l’institut Ateneo Veneto (D) etson héritage grec lui remettraient en mémoire l’héritage de laville, fortifiant sa si longue passion des classiques et l’acuité deson oreille pour les subtilités de la langue. Les membres decette institution étaient jadis chargés d’accompagner les crimi-nels à l’échafaud, et l’ironie de la chose n’a sans doute paséchappé au commissaire et à son sens de l’histoire.

À l’heure tardive où Brunetti s’échappe de l’Opéra après lamort de Wellauer, il ne reste plus grand monde de la foule ducampoþ: solitude rare et précieuse pour méditer sur sa villenatale. Il commence par se remémorer la gloire passée d’uneVenise toujours représentée au féminin (femme mais pas tou-jours dame)þ: le contraste entre son passé royal et son présentdéfraîchi n’est jamais bien loin de ses pensées. Pendant ce brefinstant de repos sur les marches de l’Opéra, épuisé de tous sesconciliabules nocturnes avec des chanteurs et musiciens fortréticents à parler de la mort violente du maestro Wellauer, lecommissaire Guido Brunetti retarde le dernier interrogatoireinfructueux de la nuit avec le directeur de l’Opéra, Santore,pour laisser ses pensées vagabonder sur l’histoire et la beautéde sa ville.

Jadis capitale des plaisirs de tout un continent, Venisen’était plus qu’une ville de province somnolente plongée dansun quasi-coma après neuf ou dix heures du soir. Pendant lesmois d’été, elle pouvait s’imaginer revenue au temps de sasplendeur galante, tant que les touristes payaient et que le

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beau temps se prolongeaitþ; mais en hiver, elle n’était plusqu’une vieille mémère fatiguée, seulement désireuse de se cou-ler de bonne heure sous sa couette et de laisser ses rues déser-tées aux chats et au passé.

Ces heures étaient cependant celles où Venise était la plusséduisante pour Brunetti, les heures où lui, pur Vénitien, sen-tait le plus vivement la présence de son ancienne gloire. L’obs-curité de la nuit dissimulait la mousse qui envahissait lesmarches des palais, le long du Grand Canal, faisait disparaîtreles fissures des églises et les plaques d’enduit manquantes auxfaçades des bâtiments publics. Comme beaucoup de femmesd’un certain âge, la ville avait besoin de cet éclairage trompeurpour donner l’illusion de sa beauté évanouie. Une embarca-tion chargée de barils de lessive ou de choux devenait, la nuit,une silhouette inquiétante en route vers quelque destinationmystérieuse. Les brouillards, si fréquents en ces jours d’hiver,métamorphosaient objets et gens, y compris les adolescents àcheveux longs partageant une cigarette à un coin de rue, enfantômes mystérieux du passé.

Il jeta un coup d’œil aux étoiles, parfaitement visiblesdepuis la rue dépourvue d’éclairage, et les trouva belles. C’estavec leur image encore présente à l’esprit qu’il poursuivit sonchemin. (Mort à La Fenice, chap. 4)

En ces heures tardives, après l’Opéra, c’est à l’hôtel LaFenice (E) que s’offre à nos regards indiscrets une nouvellescène de l’éternel jeu vénitien entre vérité et illusion. En touteautre cité ce décor pourrait apparaître incongru pour discuterd’un atroce empoisonnementþ: hall d’hôtel fastueux, conversa-tion légère devant des digestifs, tragédies en grec, et accentsressuscitant un passé glorieux. Mais tout doit entrer en jeulorsque Brunetti travaille un témoin, aussi cultivé soit-il.

Dans une ville qui, même encore récemment, a publié qua-tre dictionnaires vénitien-italien différents afin d’aider lesautochtones à préserver leur singularité, la diction demeurecruciale pour l’identité. Pour Brunetti, quel que soit l’accent,

➙De la Calle della Fenice au Campiello della Fenice (2)

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florentin, méridional, ou dialecte vénitien, la prononciationdes mots compte souvent tout autant que leur contenu.

Brunetti se dirigea vers l’hôtel, encore éclairé à cette heurede la nuit où, pourtant, l’obscurité régnait sur la ville endor-mie. […]

Le hall de l’hôtel était vide et présentait cet aspect aban-donné que prennent les endroits publics la nuit. Derrière lecomptoir de la réception, assis dans une chaise inclinée contrele mur, le veilleur de nuit était plongé dans les pages rosesd’un journal de sport. Un vieil homme, habillé d’un tablier àrayures vertes et noires, répandait de la sciure sur le sol demarbre avant de le balayer. Brunetti se rendit compte qu’ilavait marché dedans et qu’il n’allait pas pouvoir traverser lereste du hall sans laisser derrière lui une trace de pasþ; ilregarda le vieil employé. «þScusi.þ» […]

Le policier suivit un itinéraire sinueux, parmi les gros fau-teuils rembourrés regroupés par cinq ou six autour des tablesbasses, pour se diriger vers la seule personne présente dans lasalle. S’il fallait en croire la presse, l’homme assis là était àl’heure actuelle le meilleur metteur en scène d’Italie. […]

Santore se leva à l’approche de Brunetti. […] Il demanda aupolicier si celui-ci désirait prendre un verreþ; les mots tombè-rent de cette bouche dans le plus pur des accents florentins,prononcés avec la limpidité et la grâce d’un acteur chevronné.Brunetti se dit que tel devait avoir été l’accent de Dante.

(Mort à La Fenice, chap. 4)

En littérature, Brunetti trouve souvent des parallèles avec lemonde contemporain qu’il scrute, ce qui donne à ses observa-tions une profondeur, une résonance historique très appro-priées à un authentique natif d’une cité vieille de mille ans.L’italien aux accents florentins de Santore lui évoque Dante.Dès le quinzième roman, Requiem pour une cité de verre, sesréminiscences de L’Enfer deviennent essentielles à la résolutiond’un meurtre explosif. Dans toutes ses enquêtes, qu’il s’agissede son cher Tacite, du tortueux Gibbon, ou de la piled’auteurs grecs et romains aux pages bien cornées qu’il

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conserve toujours sous la main, Brunetti découvre des référen-ces constantes à des mondes oubliés, qui le forcent à méditersur la permanence de la nature humaine… ou du crime. C’estbien ce classicisme d’esprit qui lui permet d’aborder sonmétier de policier de façon humaniste et cultivée. Sa conversa-tion nocturne avec Santore renferme toute la grâce d’unéchange entre gens de bonne compagnie, qui attendent ledigestif pour aborder les questions de mort violente.

«þMerciþ», dit Brunetti, prenant aussitôt une bonne gorgéede cognac. Puis il eut un geste vers le livre, ayant décidéd’attaquer par ce biais plutôt que par les questions habituelles– où avez-vous étéþ? qu’avez-vous faitþ?…. «þEschyleþ?þ»

La question fit sourire Santore, mais rien n’indiquait qu’ilfût surpris de trouver un policier capable de déchiffrer un titreen grec.

«þLe lisez-vous pour votre plaisir ou pour le travailþ?– On peut dire que c’est pour le travail, si l’on veut, répon-

dit Santore, prenant une petite gorgée de cognac. En principe,je dois commencer à préparer une nouvelle mise en scèned’Agamemnon à Rome, dans trois semaines.þ»

(Mort à La Fenice, chap. 4)

Lorsque Brunetti, cet entretien terminé, se met en routepour rentrer dans ses foyers, Donna Leon signe son entréedans une longue et prestigieuse lignée d’écrivains expatriésdécrivant Venise en offrant à son héros, pour sa premièrebalade, une ville aux rues d’une rare tranquillité. Aucunendroit n’a été dépeint par des étrangers sur un mode aussifidèle et affectionné que la Serenissima. Et aucun endroit n’asuscité autant de descriptions détaillées du premier panoramaoffert au regard. Thomas Mann dans La Mort à Venise exhortele visiteur à arriver par la mer, toute autre route revenant àentrer dans un palais par la porte de serviceþ; Jan Morris dansVisa pour Venise pénètre dans la lagune par la mer, et compareles palais qu’il découvre à «þune foule d’aristocrates infirmesqui se disputent leur part d’air fraisþ»þ; Goethe la nommait«þRépublique des castorsþ»þ; Hemingway dans Au-delà du

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fleuve et sous les arbres fait quitter au colonel Cantwell agoni-sant la banquette arrière de sa limousine militaire pour escala-der une colline et contempler de tout là-haut cette ville qu’ilaime plus que toute autre.

Brunetti n’est cependant pas un expatrié, mais un autoch-tone au ressenti unique de la ville, de ses habitants, ses ruelleset canaux, ses bateaux et bâtiments. Et la cité qu’il habite estun quasi-anachronisme au XXIeþsiècleþ: un espace urbain oùl’on ne se déplace guère plus vite qu’à la rame. Lui n’est pasriche et ne possède pas de bateau. Jamais on ne le verra,épuisé, appeler tard dans la nuit un coûteux bateau-taxi privé.Ce sont au contraire, au gré des pages des romans, ses baladespédestres à travers les ruelles sinueuses qui font contrepoint àsa lutte contre le crime, ainsi que ses tentatives quotidiennesde traverser la ville par tout moyen de transport maritime quipuisse se présenterþ: vaporetti, traghetti, vedette de policeþ; àpied, il se bat constamment contre les foules de touristes et lesvenelles étroites et encombrées, parfois pas assez larges pour youvrir un parapluie.

Mais dans notre première promenade, le commissaire Bru-netti, dans une solitude et un silence providentiels, s’enretourne chez lui après un coup d’œil aux étoiles dont labeauté l’enchante, goûtant au charme rare des rues désertes età la quiétude du cœur de la nuit. C’est encore avec des précur-seurs littéraires qu’il partage sa vision de Venise façonnée parl’humeur, le moment et l’atmosphère ambiante. Il est le der-nier d’une longue lignée d’écrivains qui ont tous rendu hom-mage à la citéþ: John Ruskin, Jan Morris, Henry James, ErnestHemingway, Heinrich Heine, Rainer Maria Rilke, Goethe,Nietzsche et Proust.

Brunetti décida de rentrer chez lui à pied pour profiter duciel piqueté d’étoiles et des rues désertes. Il marqua un tempsd’arrêt devant l’hôtel, jaugeant les distances. Le plan de la villeimprimé dans son cerveau – comme dans celui de tout bonVénitien – lui apprit que le plus court chemin consistait àemprunter le pont du Rialto. […] Il ne croisa personne, ce qui

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lui procura la sensation étrange d’avoir la ville endormie entiè-rement pour lui. […]

Le pont franchi, il passa par le marché, un vrai cauchemar àtraverser dans la journéeþ; il fallait jouer des coudes et subir labousculade des rues encombrées. Cette nuit, en revanche, ilpouvait allonger le pas à sa guise. À un moment donné, ilcroisa deux amoureux collés l’un à l’autre de la tête aux pieds,inconscients de la beauté qui les entourait, mais peut-être, quisaitþ? inspirés par elle.

À l’horloge il tourna à gauche, content d’être sur le pointd’arriver. En moins de cinq minutes, il passait devant saboutique préférée, Biancat, le fleuriste dont la vitrine étaitune explosion quotidienne de splendeur. Cette nuit, à traversla buée qui couvrait la vitre, il distingua des roses jaunes quise refaisaient une beauté dans des bacs d’eau et plus vague-ment, à l’arrière-plan, un nuage de jasmin pâle. Il passa rapi-dement devant les rangs serrés d’orchidées blafardes, dans ladeuxième vitrine – des fleurs qui lui avaient toujours faitl’effet d’être plus ou moins cannibales.

(Mort à La Fenice, chap. 5)

Il est rare que les balades de Brunetti soient d’une sérénitéaussi apaisante que ce tout premier trajet depuis l’Opérajusqu’à son appartement dans Mort à La Fenice. Quelle quesoit l’affaire qui l’amène jusqu’aux confins les plus éloignés dela ville, l’urgence de la traque criminelle le force à calculer sonitinéraire au plus juste, avec le moins de ponts possible.Compte tenu de la grande complication de la géographie phy-sique de Venise, aggravée qui plus est par un système d’adres-ses décousu basé non pas sur les rues et ruelles mais sur les sixsecteurs (sestieri), les localisations sont un sujet de préoccupa-tion constant pour les résidents, qui passent leur temps à esti-mer les distances.

Dans le seizième roman de Donna Leon, Le Cantique desinnocents, Brunetti tente d’expliquer à Paola la tragédie qui afrappé le docteur Pedrolli et sa famille. Mais il doit tout

Du Ponte Storto (3) à la Calle Caotorta (4) puis au Campo Sant’Angelo (5)

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d’abord situer cette pharmacie (imaginaire), si différente decelle que tient son ami Danilo tout près de là, à San Luca.Pour les Vénitiens le «þquoiþ» et le «þpourquoiþ» passent aprèsl’essentiel «þoùþ»þ:

«þLe pharmacien du Campo Sant’Angeloþ? (5)þ» dit-ellelorsqu’il eut terminé son récit – espérant avoir présenté lesfaits dans l’ordre chronologique, mais craignant d’avoir fait uncompte rendu plutôt chaotique et embrouillé.

Brunetti était assis à côté d’elle, bras croisés. «þTu leconnaisþ?

– Non, il n’est pas sur mon chemin. Sans compter que c’estune de ces places où l’on n’a pas envie de s’arrêter, pas vraiþ?On la traverse pour aller à l’Accademia ou au Rialtoþ; je n’aimême jamais acheté un de ces tee-shirts en coton qu’ils ven-dent, tout à côté du pont.þ»

(Le Cantique des innocents, chap.þ24)

Le plan de ville mental de Brunetti s’est ici centré sur lecampo, vu tout d’abord depuis l’entrée du pont, puis depuis laCalle della Mandola (F). Un restaurant où il n’a jamaismangé, une galerie d’art, l’inévitable agence immobilière, lekiosque à journaux avec son labrador en chocolat.

La géographie est une préoccupation majeure, et pas seu-lement pour les résidents. Venise ayant la réputation d’uneville où il est notoirement difficile de trouver un restaurantcorrect, les visiteurs craignent d’être condamnés aux canti-nes à touristes. Les deux médecins américains témoins dumeurtre du jeune vendeur à la sauvette africain dans De sanget d’ébène ont la bonne idée de demander conseil à un habi-tant, et également à Brunetti. Ce dernier les envoie à laCalle della Mandola (6), de l’autre côté du CampoSant’Angelo, et, prudence supplémentaire, leur recommandeun endroit où il est connu, ce qui leur garantit un traite-ment de faveur.

➙De la Calle della Mandola (6) au Campo Manin (7)

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