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PIERRE SAUREL

Vedette déchue

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Pierre Saurel

Diane la belle aventurière # 008

Vedette déchueroman

La Bibliothèque électronique du QuébecCollection Littérature québécoise

Volume 422 : version 1.0

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Vedette déchue

Numérisateur : Jean Layette.Éditions Police Journal

Relecture : Jean-Yves Dupuis.

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I

Diane Roy, celle qu’on venait de surnommer la plus belle femme d’Hollywood, était une Canadienne-française.

Les journalistes s’efforçaient de lui trouver des surnoms. On l’avait surnommé « La femme aventurière », « La reine des pin-ups », « Le plus beau corps au monde », etc... etc...

Pourtant, tous ces qualificatifs, toute cette publicité n’affectaient pas la jeune vedette.

Ben Laurie, son imprésario, ne craignait qu’une chose.

– Elle n’a pas voulu signer de contrat. Je ne serais pas surpris si elle quittait Hollywood. Son père la retenait ici mais maintenant...

Maintenant c’était bien différent. Car Diane Roy avait perdu l’être qu’elle chérissait le plus au monde, son père, Robert Roy.

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Robert Roy était un célèbre journaliste canadien et il avait accepté d’accompagner sa fille à Hollywood.

Il demeurait à l’emploi de son journal, à titre de correspondant à Hollywood et durant son temps libre, il traduisait des scénarios français que les Américains avaient l’intention d’adapter au cinéma.

Mais Diane avait eu des démêlés avec plusieurs personnes depuis son arrivée dans la capitale du cinéma.

Sa soif de l’aventure la forçait à se mêler des affaires des autres.

Et c’est ainsi que pour défendre un jeune journaliste Michel Dupuis, accusé injustement de vol, elle s’était attirée les foudres de Frank Conway, le roi de la pègre.

Et comme nous l’avons vu lors de notre dernier épisode (Voir numéro précédent) Frank avait voulu se venger.

– Cette petite ne pourra rester longtemps à Hollywood, je m’en charge. Je vais me servir de

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son père pour arriver à mes fins.Mais tout n’avait pas marché tel que prévu.

Robert Roy avait refusé de se plier aux exigences de Conway. Il y avait eu querelle, puis le complice de Conway avait tiré à bout portant sur le journaliste.

Quelques heures plus tard, Robert Roy mourait à l’hôpital. Conway et ses hommes furent arrêtés et le complice du roi de la pègre avoua son crime.

Robert avait recommandé à Ben Laurie, avant de rendre le dernier soupir :

– Vous prendrez bien soin de ma fille, n’est-ce pas ? Elle est jeune et si peu expérimentée.

– Je vous le promets, Roy.Puis, le blessé avait dit à Diane :– Michel Dupuis, c’est un bon garçon, Diane,

et un Canadien, occupe-toi de lui.Qu’avait donc voulu dire Robert Roy ?

Favorisait-il les amours de sa fille avec le jeune journaliste.

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Michel n’avait pas caché ses sentiments à l’égard de la belle Diane.

– Je n’aime plus Hollywood, je retournerais volontiers au Canada surtout si je pouvais épouser une femme comme vous.

La réponse de Diane avait été claire, elle aussi.– Je ne vous aime pas, Michel. Oh ! je ne dis

pas qu’un jour, je ne vous aimerai pas, mais je suis encore très jeune, vous savez. En attendant, soyons de bons amis, mais pas plus.

Et maintenant Ben Laurie craignait :– Elle n’aime pas suffisamment Hollywood

pour y demeurer. Et puis, il y a ce journaliste. Je vais lui en parler.

Le docteur avait ordonné à Diane de passer la nuit à l’hôpital. La jeune fille souffrait d’une crise nerveuse et il lui fallait nécessairement du repos.

Ben avait pris sur lui de s’occuper de tout.– L’enterrement, le service, je vois à tout,

avait-il promis.

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Le lendemain matin, il était à peine sept heures qu’il se présentait à l’appartement du jeune journaliste, Michel Dupuis.

Ce dernier vint ouvrir.– Tiens, monsieur Laurie ! Qu’est-ce qui vous

amène si à bonne heure ?Ben ne répondit pas. Il entra et se laissa

immédiatement tomber dans un fauteuil. Il alluma un cigare, puis :

– Il y a longtemps que vous avez vu Diane ?– Quelques jours.– Je croyais que vous étiez de fort bons amis ?– Justement, nous ne sommes que ça,

monsieur Laurie. J’ai peur de tomber amoureux de Diane. J’ai peur de l’avenir si je la vois trop souvent. Diane n’est pas une femme comme les autres.

– Vous ne travailliez pas, hier soir ?– Non, pourquoi ?– Vous n’avez pas écouté les nouvelles ?– Non, j’ai passé la soirée chez des amis. Je

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suis entré vers deux heures du matin, complètement fourbu.

– Diane va avoir besoin de vous, Dupuis.Michel pâlit.– Il lui est arrivé quelque chose ?– Pas à elle mais à son père.– Il est malade ?– Il a été tué.– Qu’est-ce que vous dites, Roy a été...– Assassiné, oui.Et Ben conta tout ce qui s’était passé : Michel

était de plus en plus désemparé.– C’est ma faute tout ça, jamais Diane ne me

le pardonnera.– Allons donc, comment ça, votre faute ?– Oui, c’est moi qui ai entraîné Diane dans

cette aventure avec Frank Conway. Je suis toujours malchanceux, comme à l’ordinaire. Je traîne la malchance avec moi, monsieur Laurie.

– Ne dites pas ça. Vous n’êtes responsable en

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rien.Puis Ben demanda :– Savez-vous ce que Roy a dit avant de

mourir ?– Non.– Il a dit à Diane que vous étiez un fort bon

garçon. Enfin, il a presque laissé entendre qu’il ne détesterait pas ça si Diane tombait amoureuse de vous. Il craignait pour l’avenir de sa fille et savait que vous êtes un homme d’honneur.

Michel demanda :– Où est Diane ?– À l’hôpital. Naturellement, elle était

nerveuse. Le docteur lui a donné un calmant. Moi, je m’occupe des obsèques.

– Je vais la voir immédiatement. Elle a sûrement besoin de réconfort, la pauvre petite. Vous permettez que je m’habille ?

– Faites. D’ailleurs, je dois partir tout de suite. J’ai beaucoup à faire. Je me suis mis en communication avec un entrepreneur de pompes

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funèbres. Il doit aller chercher le corps.Michel avait commencé à se vêtir.– Dupuis !– Oui ?– Je ne détesterais pas du tout que vous

épousiez Diane.– Qu’est-ce que ça peut vous faire ?– Beaucoup, car désormais, j’agirai comme le

père de Diane. Il m’a confié sa fille et j’en prendrai soin comme ma propre enfant.

Ben demanda :– Vous vous plaisez à Hollywood ?– Plus ou moins.– Pourtant vous êtes un des critiques les plus

en vue. Vous devez faire un énorme salaire.– Laurie, une chanson dit que « rien n’est plus

beau que son pays » et cette chanson a bien raison. Je m’ennuie du Canada, je m’ennuie des Canadiens. Oh ! les Américains sont fort gentils, mais la mentalité n’est pas la même. Là-bas, au Canada, je pourrais amplement gagner ma vie.

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Avant de devenir journaliste, je faisais du théâtre. Aujourd’hui, je pourrais faire de la télévision. C’est payant, en plus de mon métier de journaliste...

– Oui, mais si vous épousiez Diane ?– Justement, ça arrangerait tout. Elle n’aime

pas Hollywood, alors...Ben bondit :– Comment, vous l’encourageriez à quitter la

capitale du cinéma ?– Sûrement.– Mais ce serait un crime. Diane a du talent,

c’est une future grande vedette et vous en savez quelque chose.

Michel l’arrêta :– Pardon, monsieur Laurie, pardon. Vous

autres, vous faites vedette, une femme qui a un beau corps et qui sait attirer les regards des hommes. Mais ce n’est pas tout. Il y a le jeu également. Une belle femme réussira à Hollywood mais son étoile s’éteindra facilement car on se fatigue d’une beauté mais on ne se

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fatigue pas du jeu d’une excellente comédienne.– Mais Diane a les deux.– Ce n’est pas prouvé. Oh ! peut-être qu’à la

longue...Ben parut fort désappointé.– Je croyais trouver en vous un allié.– Naturellement, si Diane part, ce sera une

belle source de profits de disparue.– Quoi, vous osez ?– Oh ! je sais, vous aimez Diane comme si elle

était votre fille. Mais vous ne seriez pas un homme si vous ne pensiez pas au profit.

Michel ajouta :– Je ne serai ni votre allié, ni votre ennemi.

J’aime Diane et je suis prêt à l’épouser. Si elle préfère demeurer à Hollywood, très bien, mais si elle veut retourner en Canada, je ne ferai que l’encourager.

Michel était prêt.– Maintenant, excusez-moi, je dois partir pour

l’hôpital.

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Ils sortirent ensemble.– Rassurez Diane, dites-lui bien que je

m’occupe de tout. Elle n’a pas à s’inquiéter. Roy aura des funérailles aussi belles que le meilleur des acteurs, fit Laurie.

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II

Michel ouvrit la porte de la chambre. Diane était assise dans un grand fauteuil près de la fenêtre. Elle semblait rêver. Elle était emmitouflée dans une robe de chambre trop grande pour elle.

Elle ne tourna même pas la tête.– C’est vous, Ben ?– Non.Cette fois, elle se retourna au son de la voix.– Michel !– Bonjour, Diane. Je ne viens que d’apprendre

le terrible malheur qui vous a frappée, Diane. Je vous offre mes sympathies.

– Merci, Michel, merci.Elle murmura :– Pauvre papa.

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Ses yeux étaient remplis de larmes.– J’ai vu Ben Laurie. Il dit de ne pas vous

inquiéter. Il s’occupe de tout.– Il est bien bon.– Mais vous, Diane, qu’allez-vous devenir ?– Oh ! je n’ai pas le temps de penser à ça.

C’est papa qui m’intéresse pour le moment et je dois prendre une décision.

– Laquelle ?– Je me demande si je dois faire transporter

son corps au Canada.– Tout dépend ce de que vous ferez, Diane. Si

vous retournez dans votre pays, eh bien, faites le transporter, sinon...

– Évidemment mais j’aurais tellement aimé qu’il repose auprès de maman.

– Écoutez, vous pouvez le faire transporter plus tard. Enterrez-le ici pour le moment et plus tard on pourra transporter son cadavre au Canada.

– Ça se fait ?– Mais certainement. On vous accorde une

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permission spéciale.– Michel ?– Oui.– Il faudrait prévenir le patron de papa,

monsieur Dupas.– Je vais m’en charger, Diane.– Vous êtes bien aimable... Le docteur doit me

donner mon congé cet avant-midi.– Je vais m’occuper de vous. Ensuite quand

tout sera terminé, eh bien, nous penserons à l’avenir.

– L’avenir, soupira Diane, je me demande bien ce qu’il me réserve maintenant.

– Il ne faut pas vous en faire, Diane.

*

Il y avait foule aux funérailles de Robert Roy. Il y avait tout d’abord plusieurs journalistes puis des amis de Diane.

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Mais il y avait surtout des curieux qui s’étaient rendus là dans l’espoir de voir la jolie Canadienne.

Elle était plus belle que jamais dans sa robe noire.

Ses yeux cependant étaient rouges et l’on sentait le chagrin immense qu’elle avait.

Une fois le tout terminé, Ben s’approcha d’elle :

– Diane ?– Oui, Ben ?– Mon épouse vous invite. Elle veut que vous

veniez habiter chez moi pendant un certain temps. Vous n’allez pas rester seule ?

– Je la remercie pour sa gentillesse, Ben, mais j’aime mieux retourner chez moi.

– Mais...– N’insistez pas, j’ai besoin d’être seule.– Bon, comme vous voudrez, Diane. Si vous

me le permettez, j’irai vous reconduire.– Je vous remercie mais Michel a promis de

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m’accompagner.– Ah bon, bon, très bien, Diane, très bien.Mais l’imprésario murmura :– Ce jeune journaliste ne désire qu’une chose,

la ramener au Canada. Il sait qu’il aurait plus de chances de la conquérir, loin d’Hollywood.

Et il ajouta :– C’est un crime que d’empêcher une telle

vedette d’arriver jusqu’au faîte de la gloire, un véritable crime. Il faut absolument que je trouve le moyen de garder Diane ici. Il le faut.

*

– Entrez, Michel. Ça ne vous dérange pas ?– Mais non, j’ai prévenu le journal, fit Michel.

Ma chronique est entrée. J’ai travaillé une partie de la nuit.

– Je vous cause bien des soucis.– Mais non, voyons. Je travaillerais nuit et

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jour pour vous, Diane.Quelques secondes plus tard, ils étaient assis

tous les deux, au salon.– Monsieur Dupas a été bien gentil, il m’a

écrit une longue lettre, fit la jeune fille.– Le patron de votre père ?– Oui. Si je veux retourner au Canada, ma

place est toujours ouverte au journal.– Et qu’avez-vous décidé, Diane ?– Rien encore, rien, Michel, mais j’y songe

sérieusement. C’est un grave problème. Vous allez m’aider à le résoudre, n’est-ce pas ?

– Je ne demande pas mieux.– Ben me conseillerait bien mais il n’est pas

désintéressé. Vous, c’est différent, Michel. Vous me conseillerez pour le mieux.

– Pour le mieux, Diane, je vous le jure.Elle réfléchit, puis :– Au point de vue sécurité, il est clair que je

ferais plus d’argent à Hollywood.

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– Je ne sais pas, Diane.– Comment ça ?– Vous ne connaissez pas les dirigeants des

postes de radio et de télévision ? Il suffit que vous soyez allée en France ou à Hollywood pour qu’on vous offre plus d’engagements que vous puissiez en remplir.

– Vous voulez dire, faire de la radio, de la télévision, au Canada ?

– Oui, et garder votre emploi au journal. C’est une sécurité pour l’avenir. Supposons que vous ne vous décidiez pas à vous marier... Dans dix ans, serez-vous encore une vedette de cinéma ? Vous l’ignorez. Mais dans dix ans, vous serez encore journaliste, vous continuerez à travailler à salaire fixe.

– Peut-être avez-vous raison ?– La radio et la télévision vous apporteraient

un bon surplus.– Je n’en doute pas.– Moi, en tout cas, c’est ce que je désire faire.

D’ailleurs je vous en ai déjà parlé. Il faudrait que

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je me trouve une place dans un journal...Diane s’écria :– Mais à la Trompette !– Comment ça ?– Il va falloir quelqu’un pour remplacer papa.

Je suis assurée que si je vous recommande, monsieur Dupas ne demandera pas mieux que de vous engager.

– Alors nous pourrions partir ensemble, Diane, travailler ensemble et peut-être qu’un jour mon rêve se réalisera.

Diane murmura :– Mais il y a Ben ! Ce n’est pas très chic de

ma part de lui faire ce coup-là, d’autant plus qu’on vient de m’offrir un rôle de vedette.

– C’est vrai ?– Oui. J’ai accepté, mais nous n’avons pas

encore commencé à tourner et je suis certaine que monsieur Leary comprendra si je lui explique.

– En tout cas, il faut y penser sérieusement, Diane, très sérieusement.

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*

– Mon cher Johnson, fit Ben Laurie en entrant, je viens d’avoir une idée lumineuse. *

– Ah !– Vous êtes toujours en quête d’idées

nouvelles pour la télévision ? En quête de programmes qui pourraient intéresser les téléspectateurs ?

– Évidemment mais...– J’en ai une.Ben avait le chapeau renfoncé jusqu’aux

oreilles et tournait continuellement son cigare dans sa bouche.

– Une idée merveilleuse ! Les aventures de Diane Roy !

– Diane Roy, la Canadienne, celle qui fait parler d’elle de ce temps-ci ?

– Justement. Oh ! je vois que vous ne connaissez pas cette femme, mon cher Johnson.

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Une beauté rare. Une femme, qui malgré son jeune âge, a déjà eu des aventures extraordinaires. Non, mais voyez-vous ça, à la télévision ? Les aventures vécues de Diane, la belle aventurière.

Johnson soupira :– Et vous croyez que le cinéma va me laisser

faire ? Allons donc.– Mais elle n’a pas de contrat avec aucune

compagnie. Elle a un contrat avec moi, c’est tout. Elle ne veut signer avec personne.

– Non, c’est vrai ?– Mais oui, et si je vous propose ça, c’est

parce que je sais qu’elle pourrait l’accepter. Elle pourrait faire du cinéma et filmer ses aventures. C’est elle qui jouerait le rôle principal, naturellement.

Johnson approuva :– Votre idée est bonne, mon cher Laurie. Vous

avez des textes de prêts ?– Non, mais ce ne sera pas long. Je puis vous

en apporter d’ici quelques jours. Une semaine

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tout au plus.– C’est vous qui allez les écrire ?– Non, j’ai quelqu’un, ne vous occupez de

rien. Quand mon idée aura été acceptée, ne craignez rien, nous nous entendrons sur le prix.

Et le même jour, Ben prenait rendez-vous avec Michel Dupuis.

– Comment est Diane ? Je suppose que vous l’avez vue ?

– Oui, hier après l’enterrement et je suis passé lui rendre visite ce matin. Elle se remet petit à petit.

– A-t-elle pris une décision ? demanda Ben.– Presque.– Ah !– Je crois qu’elle va retourner au Canada.– Pas encore !– Comment ça ?– Je n’ai pas dit mon dernier mot. Écoutez,

Michel, vous permettez que je vous appelle

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Michel, n’est-ce pas ?– Certainement.– Eh bien, Michel, vous aimez Diane. Vous

êtes fou d’elle.– Je ne la déteste pas, je l’avoue.– Eh bien, moi, je vais vous donner le moyen

de la voir souvent, d’être auprès d’elle le plus souvent possible.

– Comment ça ?Ben lui expliqua son idée.– Maintenant tenez-vous bien. C’est vous qui

allez écrire les textes d’après les récits qu’elle vous contera.

– Ah !– Et ce n’est pas tout, vous jouerez dans

l’émission.Les yeux de Michel se mirent à briller d’un vif

éclat.– Comme comédien ?– Oui, près de celle que vous aimez. Pouvez-

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vous demander mieux ?Et Ben ajouta :– Il ne faut pas tarder cependant. Il faut des

textes pour la semaine prochaine. Il faut que vous m’aidiez.

– Vous aider à quoi ?– À convaincre Diane.– Ce ne sera pas facile. Et puis a-t-elle eu

suffisamment d’aventures pour faire plusieurs émissions.

– C’est à vous de les allonger, d’en rajouter, d’en forger des aventures, mon cher Dupuis, avec son consentement, naturellement.

Michel déclara :– Eh bien, votre projet m’intéresse, Ben, et si

Diane accepte, je marche avec vous cent pour cent.

*

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Jack Howen entra dans le bureau de son patron.

– Boss, boss, j’ai de bonnes nouvelles, quelque chose qui va sûrement vous intéresser.

– Tiens, quoi donc ?– Écoutez bien ça !Lawrence Miller était un des imprésarios les

plus connus d’Hollywood mais un des imprésarios les moins aimés.

Il exploitait outrageusement les jeunes vedettes, et c’est lui, naturellement qui touchait la plus grosse part du salaire de ces stars.

– Vous avez entendu parler de la petite Canadienne, Diane ?

– Et comment ! s’écria Miller. C’est cette fripouille de Laurie qui l’a sous contrat. Il va l’exploiter jusqu’à la corde.

– Vous aimeriez l’avoir sous contrat ?– Et comment ! Notre fortune serait faite, mon

cher Howen. Cette femme-là, c’est une mine d’or. Elle a un corps plus beau que Monroe et elle

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est bourrée de talent. Que demander de plus ?– Et elle est innocente !Miller éclata de rire.– Je n’osais pas le dire. Tu vas voir si Laurie

ne se met pas riche avec elle.– Non, il ne se mettra pas riche.– Comment ça ?– Vous avez su qu’elle avait été mêlée à

l’arrestation de Frank Conway ?– Oui.– Son père est mort !– Je sais tout ça, voyons, je le sais. Son père a

été assassiné, Frank est en prison et il est même possible qu’il soit envoyé à la chaise électrique.

– Eh bien, pour en revenir à mon idée, Ben ne pourra se mettre riche avec elle.

– Pourquoi ?– Parce que Diane n’est pas sous contrat avec

lui.– Allons donc !

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– Je me suis renseigné, boss, et c’est l’exacte vérité. Diane n’est pas sous contrat avec Ben Laurie.

– Mais...– Attendez, laissez-moi finir. Savez-vous qui

avait signé le contrat ?Miller ne répondit pas.– Pas d’autre que le père de Diane. Elle n’a

que dix-neuf ans et son père a signé à sa place. Maintenant qu’il est mort, elle est devenue agent libre.

– Tu es certain de ça ?Il se mit à rire.– Jack Howen n’est pas fou. Savez-vous ce

que j’ai fait ?– Non.– Je me suis présenté chez Ben Laurie.– Quand ?– Ce matin. J’ai dit à madame Laurie que

j’étais le notaire de Roy et que je venais pour jeter un coup d’oeil sur le contrat qui liait Diane à

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son mari.– Elle te l’a laissé voir ?– Oh ! au début, elle ne voulait rien entendre,

mais je lui ai fait comprendre que je venais spécialement du Canada pour régler ces affaires-là. Alors elle m’a laissé entrer. Le contrat n’est signé que par Roy qui s’engage au nom de sa fille. Ben reçoit un pourcentage sur les engagements qu’il lui fera avoir.

– L’imbécile. Ce n’est pas de cette façon qu’on prépare un contrat. On prend un pourcentage mais pas sur les engagements qu’il lui fera avoir mais bien tous les engagements qu’elle aura.

– Ça revient au même, boss.– Comment ça ?– C’est marqué dans le contrat que Roy ne

pourra prendre aucun engagement au nom de sa fille, sans en parler à Laurie. Alors...

– Et Diane n’a pas signé ?– Non.

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Miller se leva. Il se mit à se promener de long en large.

– Très intéressant. Maintenant il faudrait trouver le moyen de la convaincre de signer avec nous.

– Nous n’avons qu’à lui faire des offres alléchantes.

– Non.– Comment ça ?– Tu as vu ce qu’elle a fait avec Conway ?

Non, elle ne mordra pas.Et Miller murmura :– Je crois que j’ai trouvé.– Comment ça ?– Cette petite est honnête dans la force du mot

et elle voudra respecter le contrat signé par son père, à moins que...

Et il ajouta avec un sourire :– À moins que nous puissions lui prouver que

Ben l’exploite et la vole. Tu commences à comprendre, n’est-ce pas, Jack ?

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III

Diane se décida enfin :– Écoutez, si c’est pour une série de treize

émissions sur film, c’est entendu, j’accepte, mais pas plus que treize. Pour le reste, on décidera plus tard.

– Nous pourrons faire les treize films en un mois et demi et ensuite, ajouta Michel, si nous décidons d’entrer au Canada, il sera toujours temps.

– Justement. Alors, mes enfants, vous allez vous mettre au travail ?

– Sitôt que Diane le voudra. Moi, je suis prêt, répondit Michel.

– Nous allons commencer par mes aventures à Vancouver. J’étais avec papa, alors.

– Justement, nous allons changer ce rôle, fit Ben. Vous n’aurez pas de père, non, vous aurez

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un ami, un journaliste et ce rôle sera joué par Michel.

– Franchement, Ben, je vous trouve extraordinaire, fit Michel. Diane et moi étions presque décidés à entrer au Canada et, en moins de deux heures, vous nous faites changer d’avis.

Et ils continuèrent de discuter de leurs projets.Le même soir, Ben entra chez lui vers cinq

heures et demie.– Où étais-tu ? lui demanda son épouse.– Pourquoi ? As-tu cherché à me rejoindre ?– Oui. Il est venu un notaire.– Un notaire ?– Oui, celui de ta protégée, mademoiselle Roy.

Il venait du Canada et devait repartir presque aussitôt.

– C’est curieux, Diane ne m’en a pas parlé.– Tu l’as vue ?– Je sors de chez elle.Madame Laurie ajouta :

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– Je trouve que tu y vas pas mal souvent.Ben ne put s’empêcher de rire.– Voyons, tu ne vas pas être jalouse de Diane

maintenant. Mais revenons à ce notaire, qu’est-ce qu’il voulait ?

– Voir ton contrat.– Le contrat ?Oui, l’entente que tu as avec Diane, c’est-à-

dire, avec son père. Comme me l’a fait remarquer le notaire, tu n’as aucun contrat avec Diane.

Ben pâlit.– Mais c’est la vérité !– Quoi donc ?– Je n’ai pas de contrat avec Diane. Celui que

j’ai est nul et sans valeur et si quelqu’un veut exploiter la petite, c’est le temps.

– Elle te doit tout.– Oui mais je connais mes adversaires. Ils ont

des trucs et pas toujours honnêtes. Non, je n’ai pas de chances à prendre.

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Ben se précipita vers le téléphone. Il appela à l’appartement de sa vedette.

– Allo, Diane ?– Oui.– C’est Ben. Écoutez, vous ne sortez pas ce

soir ?– Non.– Dans ce cas, j’irai vous voir, car j’ai à

discuter de choses... importantes.– Vous êtes toujours le bienvenu, Ben.– Si vous devez sortir, vous me préviendrez.– Mais non, je ne sortirai pas, Michel va rester

à souper ici et nous allons travailler sur le premier texte pour la télévision.

– Vous prenez ça au sérieux.– Vous n’êtes pas content ?– Au contraire, voyons, au contraire.Ben raccrocha.– Cette histoire de notaire était fausse.

Quelqu’un a pensé que j’avais un contrat avec

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Roy et non avec sa fille.– Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda sa

femme.– Simplement faire signer un nouveau contrat

à Diane et devant témoin. Je ne prendrai pas de chances.

Et Ben appela son notaire.– J’ai besoin de vous ce soir, notaire. J’ai un

contrat important à faire signer et dès ce soir.– C’est que je suis fort occupé...– Notaire, je suis prêt à vous donner un

surplus. J’irai vous prendre vers sept heures trente. Ça vous convient ?

– Puisqu’il le faut.Ben raccrocha.– Heureusement que je me suis souvenu à

temps. Demain, il aurait peut-être été trop tard.

*

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Une fois le repas terminé, Diane raconta sa première aventure à Michel. Ce dernier prenait des notes.

– Mais Diane, c’est fou de courir tant de dangers.

– J’aime le risque, Michel.– Je comprends, mais de là à risquer sa vie,

presque pour le plaisir de la chose.– Le plaisir de la chose ! Mais à Vancouver,

j’ai combattu des trafiquants de drogues, ici, je me suis battue contre des voleurs, des criminels et vous dites que c’est seulement pour le plaisir ?

Elle serra les poings.– Mon père a été tué par des rois de la pègre,

ceux qui sont intelligents et qui profitent des autres. Toute ma vie, vous entendez, Michel, toute ma vie, je lutterai contre eux, je lutterai pour protéger les faibles et pour faire éclater la justice...

Juste à ce moment, le téléphone sonna.– Excusez-moi.

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– Quelle femme extraordinaire ! se dit Michel.Diane décrocha.– Allo ?– Mademoiselle Diane Roy ?– Oui, c’est moi.– Voici mademoiselle, mon nom est Louis

Hammer, je suis détective privé, ici à Hollywood.– Ah !– J’aimerais vous voir en particulier et seule,

mademoiselle Roy.– Mais pourquoi ?– Voici, votre père, dans le but de protéger ses

intérêts, m’avait engagé pour procéder à une certaine enquête. Il craignait qu’on cherche à l’exploiter et à vous exploiter. Il ne vous a pas mise au courant, parce qu’il savait que vous aviez confiance en votre ami, Ben Laurie.

– Mon père vous avait demandé ça ?– Oui. J’étais justement pour lui remettre le

rapport de mes constatations, quand j’ai appris la nouvelle de sa mort. Naturellement, j’ai attendu

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que les obsèques aient lieu et je me suis permis de vous téléphoner. Maintenant puis-je vous voir, dès ce soir ?

– C’est que je suis occupée, monsieur.– Mais, mademoiselle, les renseignements que

je dois vous donner sont d’une extrême importance. Je ne voudrais pas que vous fassiez une erreur.

– Une erreur ?– Enfin, je veux dire... Écoutez, je ne puis

m’expliquer au téléphone. Pouvez-vous me rencontrer demain ?

– Probablement, oui.– Vous pouvez venir à mon bureau,

mademoiselle. Mais je veux que vous me promettiez une chose.

– Quoi donc ?– De ne pas voir Ben Laurie, ou du moins, de

ne signer aucun papier avant que je vous aie parlé.

– Entendu, je vous le promets, monsieur.

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Maintenant pouvez-vous me donner votre adresse ?

Le détective donna son adresse et Diane la prit en note sur un petit bloc-notes qui se trouvait près de l’appareil.

– Alors je vous attendrai demain. À quelle heure ?

– N’importe quelle heure, je ne travaille pas présentement, je suis à étudier un nouveau rôle.

– Alors, disons à dix heures, demain avant-midi ? Le plus tôt sera le mieux.

– Entendu, demain avant-midi. Au revoir.Diane raccrocha.– Qu’est-ce que c’est ? demanda le journaliste.– Oh ! c’est... c’est un type d’une assurance.

Oui, papa avait pris une assurance. Il veut me voir au plus tôt pour me faire signer certains papiers. J’irai à son bureau, demain.

– Vous semblez inquiète.– Mais pas du tout, voyons, pas du tout. Alors

nous continuons ?

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– Oui, vous me racontiez votre aventure à Vancouver.

On sonna à la porte.– Ce doit être Ben, il a dit qu’il serait ici à huit

heures.En effet, c’était Laurie.– Ah ! j’avais peur que vous soyez sortie,

Diane. Nous avons à discuter d’une chose fort importante.

Ben, pour une des rares fois, enleva son chapeau melon et alluma un cigare.

– Mademoiselle Roy, vous êtes libre.– Qu’est-ce qui vous prend ?– Mais oui, libre, entièrement. J’avais un

contrat, une entente avec votre père, mais pas avec vous, Diane. Alors...

Michel se mit à rire.– Vous avez peur qu’elle vous abandonne,

n’est-ce pas ?Ben était fort calme.

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– Mais non, d’ailleurs, l’entente signée avec son père n’en était une qu’on rencontre rarement. Elle n’avait pas de date pour la terminer, c’est-à-dire que monsieur Roy pouvait la briser à n’importe quel temps.

Ben sortit un papier de sa serviette.– J’en ai préparé une semblable, Diane, que

vous allez signer. Michel sera le témoin. Je fais ça pour protéger vos intérêts. C’est d’ailleurs ce que m’a demandé votre père, n’est-ce pas ?

La jeune fille prit la feuille. Ben aussitôt, lui tendit sa plume.

Diane lentement repoussa sa main.– Non.– Quoi ?– Je lirai cette entente à tête reposée, et

ensuite, je déciderai si je dois signer ou non. Ça vous va, Ben ?

L’imprésario était fort surpris.– Mais... mais oui, naturellement.– Elle a raison, fit Michel en souriant. On ne

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doit jamais signer de papier sans les lire.– Et sans prendre nos renseignements, fit

Diane.Et elle pensait au mystérieux appel qu’elle

avait reçu.

*

– Qu’est-ce qu’elle a dit ? demanda Miller à Louis Hammer.

– Je dois la rencontrer demain matin, à mon bureau, à dix heures.

– Vous auriez dû presser les choses et la voir ce soir.

– Elle ne pouvait pas, elle était occupée. Mais ne craignez rien, mon cher Lawrence, demain, j’arrangerai tout. Mais vous allez me trouver la fille que je vous ai demandée ?

– Ne craignez rien, vous l’aurez. Quand voulez-vous la voir ?

– Demain, vers neuf heures. Et une bonne

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comédienne, n’est-ce pas ?– Ne craignez rien, j’ai plusieurs jeunes filles

sur mes listes qui feraient n’importe quoi pour gagner quelques dollars.

– Dites-lui qu’elle se rende directement à mon bureau, et là, je lui expliquerai le rôle qu’elle aura à jouer..

Lawrence demanda :– Vous allez me suggérer comme imprésario ?– Ne craignez rien, tout mon boniment est

prêt. Si je ne réussis pas, ce ne sera pas de ma faute, monsieur Miller.

Les deux hommes se serrèrent la main.– N’oubliez pas, fit le détective, je joue gros

jeu, ne l’oubliez pas. Vous me donnez mille dollars pour mon travail...

– Et un autre mille si vous mettez cette fille sous contrat.

– Entendu.Et le détective sortit, l’air triomphant. Miller

était très satisfait.

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– Ce Louis Hammer est un as. S’il ne réussit pas, personne ne réussira.

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IV

Michel Dupuis était inquiet. Depuis l’appel que Diane avait reçu, elle n’était plus la même.

– C’est curieux mais quelque chose me dit qu’elle ne m’a pas révélé la vérité. On dirait qu’elle a appris une mauvaise nouvelle.

Ce matin-là, le journaliste se rendit à son travail mais pas de bon gré. Il aurait préféré aller rejoindre Diane chez ce mystérieux agent d’assurances.

– Après tout, je m’inquiète peut-être inutilement.

À neuf heures, Ben appela Diane.– Et puis, Diane, avez-vous lu l’entente ?– Oui, mais je n’ai pas encore pris ma

décision. Vous pouvez me téléphoner vers midi, Ben.

– Entendu, Diane.

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Mais inquiet, l’imprésario appela au journal vers dix heures.

– J’aimerais à parler à Michel Dupuis, s’il vous plaît ?

– Un instant.Le journaliste vint à l’appareil.– Allo ?– Michel ?– Oui.– C’est Ben. Dites-moi, qu’est-ce qui s’est

passé avant que j’arrive, hier soir ? Je vous laisse tous les deux, vous êtes d’accord au sujet de l’émission de télévision. Je reviens pour mettre les choses en ordre et je trouve Diane toute changée.

– Mais il ne s’est rien passé.– On dirait que, brusquement, elle a perdu

confiance en moi. Hier, elle aurait signé l’entente sans même la lire.

– Vous ne pouvez tout de même pas lui reprocher de...

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– Mais non, ce n’est pas ça. Mais depuis hier soir, elle a eu le temps de lire l’entente, de réfléchir, et pourtant elle n’a rien décidé.

– Ah !– Elle va me donner une réponse ce midi,

Michel. Écoutez, je me demande si quelqu’un n’est pas en train de me jouer un mauvais tour.

– Quoi ?– Je ne vous accuse pas mais vous avez passé

la fin de l’après-midi avec elle. Je la revois à huit heures et elle n’est plus la même.

– Si Diane est changée, c’est à la suite d’un appel qu’elle a reçu juste avant votre arrivée.

– Ah !– Oui, un appel mystérieux. J’aurais peut-être

dû vous en parler plus tôt.– Écoutez, Michel, si je passais au journal, est-

ce que je pourrais vous voir ? Moi aussi, j’ai quelque chose à vous conter au sujet d’un faux notaire.

– Un faux notaire ?

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– Oui, je vous conterai tout.– Eh bien, venez, moi, je vous apprendrai

quelque chose au sujet d’un faux agent d’assurances, probablement.

– J’y vais tout de suite.

*

– Entrez !Diane poussa la porte. Un homme dans la

quarantaine était assis derrière un imposant pupitre et consultait quelques papiers.

– Mademoiselle ?– Vous êtes monsieur Hammer ?– Oui.– Diane Roy.– Asseyez-vous, mademoiselle, je suis à vous

dans un instant. Ce ne sera pas long, je finis de consulter ces papiers.

– Entendu.

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Diane prit place dans un large fauteuil. Le détective étudiait des papiers en se servant d’une loupe.

Il fit patienter sa visiteuse pendant presque cinq minutes. Enfin, il poussa ses papiers.

– Voilà, c’est terminé. Excusez-moi, je suis tellement occupé.

– Alors, monsieur Hammer, mon père vous avait demandé de faire une enquête ?

– Oui, il était à Hollywood depuis une semaine à peine. Il est venu me voir. Il voulait protéger vos intérêts et je ne le blâme pas. Il m’a dit qu’il avait signé une entente avec Laurie, entente qui pouvait se briser n’importe quand. Il m’a dit également que vous n’aviez pas signé.

– C’est bien vrai. Alors, vous avez terminé cette enquête, monsieur Hammer ?

– Oui, et il me reste à faire mon rapport, mademoiselle Roy. Maintenant vous savez qu’un détective privé ne doit jamais avancer des choses sans avoir de preuves ?

– Naturellement.

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– Eh bien, Ben Laurie n’est pas un honnête homme.

– Quoi ?– C’est un type qui a déjà exploité plusieurs

personnes et qui fera de même avec vous.Diane lança :– Je ne vous crois pas.– Justement, je m’attendais à cette réponse-là.

Aussi, la meilleure preuve que j’aie pu trouver, est un témoin.

– Un témoin ?– Oui elle doit arriver d’un instant à l’autre. Je

lui ai donné rendez-vous pour dix heures dix.– Ben est un honnête homme.– Naturellement, il cache son jeu, mais quand

vous aurez entendu l’histoire de cette jeune fille...Juste à ce moment, on frappa à la porte.– Entrez !Une jeune fille parut. Elle était fort jolie et

pouvait avoir environ vingt-cinq ans.

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– Bonjour, mademoiselle Henry.– Bonjour, monsieur Hammer.Il fit les présentations :– Mademoiselle Henry, je vous présente

mademoiselle Diane Roy. Mademoiselle est une future vedette et Ben Laurie lui propose de signer une entente avec lui.

– Oh ! le goujat !Puis, se tournant vers Diane :– N’allez jamais signer un papier avec Ben.

Vous tomberiez entre les pattes d’un monstre.– Je ne vous crois pas.– Soyez calme, mademoiselle Roy, fit

Hammer, et laissez Grâce vous raconter son histoire, ensuite, vous jugerez.

Grâce commença :– Tout d’abord, je viens de Saint-Louis. Ben

Laurie avait organisé un concours de beauté et c’est moi qui ai gagné.

– Il a fait la même chose à Montréal.

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– Et c’est vous qui avez gagné ?– Non, mais ça revient au même. J’ai été

choisie.– Ben avait un rôle pour moi, continua la star.

Avec le consentement de mes parents, je suis partie pour Hollywood. Je n’étais pas décidée à signer un contrat.

– Pourquoi ?– On s’engage avec une compagnie et

quelques jours plus tard, une autre nous offre un salaire deux fois plus élevé. Donc, j’ai décidé de ne pas signer tout de suite. C’est Ben qui me l’a conseillé.

Diane dut admettre que Ben lui avait conseillé la même chose.

– Donc j’ai tourné un premier film. J’avais avec Ben une entente inoffensive. Il prenait tant pour cent sur mon salaire. Tout alla à merveille pendant près d’un an. Puis les engagements diminuèrent, même si j’étais devenue une vedette.

– Comment cela se faisait-il ?

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– Ben exigeait des bonus pour signer les contrats. Il empochait un mille ici et un mille là. Moi, j’étais obligée d’accepter ses conditions sans rouspéter. Il n’avait pas été question de bonus dans l’entente.

– Moi non plus, pensa Diane.– Les compagnies ont trouvé que je devenais

beaucoup trop exigeante. Puis, Ben est arrivé avec une nouvelle vedette qu’il proposait aux directeurs à ma place. Ils l’acceptaient. Elle était jolie, bonne comédienne, et petit à petit, je suis tombée dans l’oubli. J’ai dépensé tout ce que j’avais gagné. J’ai été obligée de travailler comme serveuse dans les restaurants. Aujourd’hui, je fais un peu de télévision. Quant à Ben, il continue à faire de l’argent comme de l’eau avec ses nouvelles vedettes.

Diane ne disait absolument rien.Le détective se tourna vers la jeune fille :– Très bien, Grâce, vous pouvez partir, à

moins que mademoiselle ait des questions à vous poser.

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– Non, ce n’est pas nécessaire, fit Diane. Votre nom, déjà ?

– Grâce Henry.– Je vous remercie de m’avoir ouvert les yeux,

mademoiselle.La jeune fille sortit. Le détective Hammer

demanda :– Et puis, qu’en pensez-vous, mademoiselle

Roy ? C’est là le rapport que je devais faire à votre père. Naturellement, j’ai d’autres jeunes filles qui peuvent venir vous raconter la même histoire.

– Non, ce n’est pas nécessaire.– Ben est fort habile, j’en ai eu la preuve. Il

réussit à vous endormir, il vous traite comme si vous étiez ses enfants, puis, après quelques mois, c’est la débâcle. Il fait de l’argent, et vous, vous restez le bec à l’eau.

– Mais pourquoi cette jeune fille n’est-elle pas retournée chez elle ?

– L’orgueil, mademoiselle. Elle a des parents, des amis. Elle leur laisse croire qu’elle a du

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travail, ici, mais pas comme vedette, qu’elle est mieux payée à titre de directrice dans une compagnie.

– Oh ! je comprends, elle ne veut pas avouer son échec ?

– Justement.Hammer déclara ensuite :– Ce n’est pas tout, mademoiselle Roy, votre

père m’a également demandé de faire enquête auprès des autres imprésarios.

– Pourquoi ?– Au cas où il ne serait pas satisfait de Ben, il

lui fallait un gérant pour s’occuper de sa publicité.

– Et puis ?– L’enquête s’est faite rapidement. Il y a des

tas d’imprésarios, ici à Hollywood, mais le plus connu est certainement Lawrence Miller. Plusieurs des grandes vedettes sont sous contrat avec lui. C’est un imprésario qui a un gros bureau. Il ne travaille pas seul comme Ben Laurie. Il a plusieurs employés. Aussi, je vous le

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recommande fortement.– Ce n’est pas nécessaire.– Pourquoi ?– J’ai décidé de quitter Hollywood.– Quoi ?– Oui, je retourne au Canada, à Montréal,

monsieur Hammer. Je vais travailler comme journaliste.

– Mais voyons, mademoiselle Roy, c’est complètement ridicule. Vous avez du talent et si quelqu’un sait bien vous guider, vous aurez un succès formidable, ici.

– Monsieur Hammer, j’hésitais énormément, je ne savais pas au juste si je devais rester oui ou non. Maintenant ma décision est prise.

– Si vous le voulez, je puis dire un mot à Miller. Je suis certain qu’il vous ferait des offres extrêmement alléchantes.

– C’est inutile, je n’aurais pas confiance en lui.

– Mais voyons, Lawrence est connu dans tout

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Hollywood.– Ben aussi. J’avais placé toute ma confiance

en lui, je me suis trompée et je ne veux pas me tromper une seconde fois.

Et Diane se leva.– Est-ce que je vous dois quelque chose pour

cette enquête ?– Non, votre père m’avait donné un acompte

et ça couvre amplement le montant.– Merci, monsieur Hammer.– À votre service, mademoiselle.Diane sortit. Aussitôt Hammer s’empara du

récepteur.– Allo, Lawrence ?– Oui.– Diane Roy sort d’ici. Quelle femme, tu as

bien raison de vouloir lui faire signer un contrat.– N’est-ce pas ? As-tu réussi ?– J’ai réussi à lui faire comprendre que Ben

était malhonnête.

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– Elle l’a cru ?– Écoutez, je ne suis pas un enfant d’école.

Grâce a joué son rôle à la perfection. Elle paraissait sincère.

– Alors elle va accepter de travailler pour moi ?

– Elle veut retourner au Canada.– Quoi ?– Mais pour moi, ce n’est qu’une crise

passagère. Si vous alliez la voir et lui offriez un gros bonus, elle signerait probablement.

– C’est ce que je vais faire et sans tarder.

*

Ben s’était rendu au journal. Il avait raconté à Michel ce qui s’était passé chez lui durant son absence.

– Et maintenant, votre histoire d’agent d’assurances ?

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– Oh ! elle est simple.Michel conta ce qu’il savait.– Pour moi, ce n’est pas trompant, un

imprésario malhonnête tente de m’enlever Diane. J’en mettrais ma main dans le feu.

– Laissez-moi faire, Ben. Diane a confiance en moi, j’ai idée qu’elle me contera tout.

– Vous pensez ?– Oui. Je finis vers onze heures. Je vais aller

chez elle pour la voir et je réussirai bien à la faire parler. Oh ! si seulement j’avais pu avoir l’adresse de cet agent.

– Elle l’a nommé ?– Non mais elle a écrit son nom sur le bloc-

notes et elle a mis la feuille dans son sac à mains.– Une seconde, fit Ben. En écrivant, ç’a dû

faire des marques sur la feuille suivante.– Vous avez raison.– On place sur cette feuille de la suie puis on

souffle dessus. La suie reste prise dans les traces faites par le crayon et on peut lire.

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– Vous avez bien raison, si elle ne veut pas parler, je vais employer ce vieux truc.

Vers onze heures et quart, Michel se rendait à la demeure de Diane. Mais il n’y avait personne.

– Attendons un peu, elle ne devrait pas tarder, puisqu’elle a demandé à Ben de l’appeler vers midi.

En effet, dix minutes plus tard, Diane arrivait.– Michel, que je suis contente de vous voir.– C’est vrai ?– Oui, j’ai de grandes nouvelles pour vous.– Ah ! comment ça ?– Entrez, je vais vous conter ça.Ils passèrent dans le salon.– Tenez-vous bien, Michel. Plus rien ne

marche, ni la télévision, ni le cinéma et je retourne à Montréal.

– Quoi ?– J’ai même envoyé un télégramme à

monsieur Dupas. Comme je suis certaine qu’il me

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reprendra et que vous désirez m’accompagner, je lui ai dit de n’engager personne pour remplacer papa jusqu’à ce qu’il me voie.

– Oh ! non, Diane, je n’ose y croire.– C’est la vérité, Michel. Je vais prévenir Ben

tout à l’heure, quand il m’appellera.Soudain le journaliste oublia sa joie pour

demander :– Pour quelles raisons avez-vous changé

d’idée si brusquement ?– Oh ! j’ai réfléchi, c’est tout.– Diane !Michel avait l’air très sévère.– Oui ?– Je vous ai toujours connue comme une jeune

fille sérieuse, honnête, et incapable de mentir... Vous voulez que nous restions de bons amis, n’est-ce pas ?

– Évidemment.– Alors pourquoi ne pas me faire confiance ?

Pourquoi me cacher la vérité ? Je sais qu’il s’est

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passé quelque chose, Diane.Elle hésita.– Vous pouvez tout me dire. D’ailleurs, moi,

je ne demande pas mieux que de retourner au Canada.

– Et moi aussi, maintenant.– Alors vous pouvez être assurée que je ne

tenterai pas de vous faire changer d’idée.Diane enfin se décida.– Je vais tout vous raconter, Michel.

*

– Et voilà toute l’histoire, fit Diane.– Et vous avez cru ce détective ?– Je ne dis pas que je l’ai cru, fit Diane.– Ah !– Non, je vais faire ma petite enquête pour

savoir s’il a dit la vérité. Je ne veux pas quitter Hollywood avant de savoir si Ben Laurie est, oui

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ou non, un honnête homme.– Alors pourquoi ne pas attendre d’avoir fait

votre enquête pour prendre votre décision ?– Parce que je sais qu’ici, je ne pourrai jamais

être heureuse.– Enfin ! soupira Michel.– Non, chaque jour, ce sera une nouvelle

intrigue. J’aime les aventures, mais je déteste les machinations, les coups de poignard dans le dos. Je vais retourner à Montréal, ma décision est bien prise.

– J’en connais un qui sera désappointé.– Ben, je le sais, surtout s’il est honnête.Puis, Diane ajouta :– Savez-vous ce que je vais demander à

monsieur Dupas ?– Non.– De couvrir les causes de meurtre ou de vol.

Et puis, je vais tenter de résoudre moi-même les mystères.

– Autrement dit, vous désirez jouer à la

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femme-détective ?– Justement.– Les policiers n’aiment pas ça. Les criminels

encore moins.– Je le sais mais ça ne m’effraie pas, Michel.

De plus, je vais essayer que monsieur Dupas vous fasse travailler avec moi. Qu’est-ce que vous en dites ?

– Mais je ne demande pas mieux. Ce serait merveilleux.

Juste à ce moment, le téléphone sonna :– Allo ?– Diane, c’est Ben. Et puis, vous êtes prête à

signer l’entente ?– Non.– Comment, vous n’avez pas encore pris de

décision ?– Si, ma décision est prise, Ben, je retourne à

Montréal et très bientôt. Je vais aller expliquer, moi-même, la situation à monsieur Leary.

– Voyons, Diane, vous n’êtes pas sérieuse,

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hier encore...– Hier et aujourd’hui sont deux jours

différents, mon cher Ben.Michel s’approcha.– Donnez-moi le récepteur.– Pourquoi ?– Je veux lui dire deux mots.– Une seconde, fit Diane dans l’appareil,

Michel veut vous parler. Il est ici.Le journaliste prit le récepteur de l’appareil

téléphonique.– Allo, Ben, c’est Michel. Écoutez, inutile de

vous énerver, nous discuterons de tout ça, plus tard. Je ne sais pas au juste quand, mais je vous appellerai.

– Je compte sur vous, Michel.– C’est ça, je vous rappellerai.Il raccrocha.– Pourquoi discuter de tout ça ? fit Diane.

C’est inutile de revenir sur le sujet puisque ma

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décision est prise.– Nous n’avons pas le droit de partir sans

parler à Ben, fit Michel, ce serait injuste, vous ne pensez pas ? S’il est malhonnête, nous devons lui dire ce que nous pensons de lui. Par contre, s’il est honnête...

– Oui, vous avez raison.– Maintenant je me sauve, déclara le

journaliste. Je suis en retard dans mon travail. Sitôt que je serai libre, je viendrai vous retrouver et nous ferons notre petite enquête.

– Oh ! elle sera peut-être terminée, fit Diane. Je vais la commencer le plus tôt possible.

– Pourquoi ne pas m’attendre ?– Parce qu’un proverbe dit : « Il faut battre le

fer pendant qu’il est chaud. »Le journaliste partit et Diane prépara son

dîner. Elle venait à peine de se mettre à table, lorsqu’on sonna à la porte.

– Allons, qui ça peut-il être ?Elle alla ouvrir.

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– Oui ?– Mademoiselle Diane Roy ?– Oui.– Mon nom est Lawrence Miller. Vous devez

avoir entendu parler de moi, aujourd’hui ?– En effet, monsieur Miller et j’ai prévenu

monsieur Hammer que vous perdiez votre temps en venant me voir.

– Peut-être pas.– Ah !– Non, mademoiselle, car ce que je vous

apporte va vous renverser.– Tiens, allez-y !Il ouvrit sa serviette de cuir et sortit un paquet

de billets.– Ce sont tous des billets de cent, comptez-les.– Pas nécessaire, il y en a combien ?– Cinquante. Cinq mille dollars. Cet argent est

à vous, mademoiselle.– Mais pourquoi ?

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– Cet argent est à vous, si vous acceptez que je m’occupe de vos affaires. Oui, je puis vous trouver du travail. Pas nécessaire de bouger, je m’occupe de tout. Je suis très connu. Nous discuterons ensemble de conditions.

– Inutile !– Mais...– Monsieur Miller, je retourne à Montréal

dans quelques jours. J’abandonne le cinéma.– Voyons, mademoiselle, parce que vous avez

été jouée par un imprésario, il ne faut pas croire que tous les autres sont malhonnêtes.

– Ma décision s’est prise le jour même de la mort de papa, monsieur Miller. Donc, inutile d’insister.

Miller se mit à rire mal à l’aise.– Mademoiselle Roy, vous changerez d’idée,

j’en suis certain. Je vais vous laisser ma carte. Aujourd’hui, vous êtes nerveuse, mais demain...

– Vous pouvez la laisser, si vous le voulez..– J’attendrai votre appel, mademoiselle Diane.

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Et l’imprésario sortit. Diane resta un long moment à réfléchir.

– J’ai bien peur que Michel ait raison. Pour moi, Ben est honnête. Et dire que j’ai douté de lui. Il faut absolument que je sache la vérité.

*

– Allo, Michel ?– Oui.– C’est Diane. Me rendriez-vous un service ?– Certainement.– Pouvez-vous appeler l’imprésario Miller et

lui demander s’il ne saurait pas ce qu’est devenue Grâce Henry. Je crois qu’il la connaît très bien, si mes déductions sont justes.

– Tout de suite, Diane, et je vous rappelle.Michel raccrocha et appela ensuite chez

l’imprésario.– Monsieur Miller, s’il vous plaît.

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– Un instant.Miller vint à l’appareil :– Allo ?– Miller, ici Mike Dupuis.Le jeune journaliste était connu de tous les

imprésarios.– Que puis-je faire pour vous, mon cher

Dupuis ?– Je suis en train de préparer des articles sur

des jeunes vedettes qui croyaient pouvoir réussir à Hollywood et qui pourtant ont été déçues.

– Pourquoi faites-vous ça ?– Pour empêcher des petites folles de se lancer

tête première dans une aventure idiote. Je voudrais rencontrer ces jeunes écervelées. Il y en a plusieurs à Hollywood et vous devez en connaître.

Michel prit une liste.– Une seconde, j’ai des noms ici et vous

pouvez dire ce qu’elles sont devenues.Il nomma trois noms et Miller donna deux

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adresses.– J’ai aussi celui de Grâce Henry.– Oh ! mais elle travaille encore de temps à

autre à la télévision.– Oui, mais pas au cinéma. D’ailleurs cet

article peut l’aider.Miller donna le nom d’un restaurant.– Elle travaille présentement à ce restaurant.– Bon.Le journaliste donna encore deux autres noms,

puis :– Si j’ai besoin d’autres renseignements,

Miller, je vous appellerai.– Avec plaisir. Je suis toujours à votre service.– Merci.Et Dupuis ajouta à voix basse :– Vieille crapule.Il rappela Diane et lui donna le nom du

restaurant où travaillait Grâce Henry.– Je vous remercie, Michel.

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– Vous irez la voir ?– Oui et non. Enfin, je vous expliquerai.

Serez-vous à votre chambre, ce soir ?– Oui.– Je vous appellerai probablement. Ça vous

va ?– Certainement.Dix minutes plus tard, Diane quittait son

appartement pour se diriger vers le restaurant où travaillait Grace.

C’était un des grands restaurants d’Hollywood. La jeune fille devait se faire un bon salaire. Toutes les serveuses étaient fort jolies. Ce devaient toutes être des jeunes qui avaient cru réussir au cinéma. Les restaurants d’Hollywood sont bondés de ces jeunes filles.

Diane chercha Grâce des yeux.Lorsqu’elle l’aperçut, elle alla s’installer à une

table où la jeune fille servait.– Mademoiselle ?Diane leva les yeux.

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– Non, quelle coïncidence, Grâce Henry ?– Tiens, mademoiselle Roy. Comment allez-

vous ?– Assez bien depuis ce matin. J’avais chaud et

j’ai décidé d’entrer prendre quelque chose. J’ai une soif terrible.

– Alors, je vous conseille un bon thé glacé, ils sont délicieux.

– Ça me va.Grâce revint bientôt avec la liqueur.– Mademoiselle Henry ?– Oui.– J’ai un service à vous demander. Avant de

quitter Hollywood, je veux démasquer Ben Laurie.

– Ah !– Qu’est-ce que vous faites ce soir ?– Mais...Elle hésita.– Donc vous ne faites rien. Alors vous allez

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venir avec moi.– Mais où ?– Chez moi, je vous expliquerai mon idée.

Qu’est-ce que vous en dites ? Je veux vous poser d’autres questions, puis tout juste avant de prendre l’avion pour Montréal, eh bien, je démasquerai ce Ben Laurie.

– À quelle heure voulez-vous que j’aille ?– Mais disons vers sept heures, ça vous va ?– Non, j’arrête de travailler vers sept heures.

Je ne pourrais pas être chez vous avant huit heures.

– Ça me va. Je puis compter sur vous ? L’entretien s’est fait rapidement, ce matin.

Puis, Diane ajouta :– J’ai autre chose à vous proposer.– Excusez-moi, je vais revenir.Grâce alla servir à une autre table puis revint

vers Diane.– Qu’est-ce que c’est ?

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– Je vais essayer de vous obtenir un rôle important. Je suis au mieux avec un directeur... Je vais lui parler de vous. Je crois que vous feriez en plein le genre.

– Non, c’est vrai ?– Nous en discuterons ce soir, voulez-vous ?– Entendu, mademoiselle Roy, et merci.Diane termina son thé et sortit. Quelques

minutes plus tard, de retour, chez elle, elle appelait Ben Laurie.

– Monsieur Laurie est-il là ?– Non, fit sa femme, qui parle ?– Diane Roy. Votre mari a dû vous dire que

j’abandonne la carrière et que je retourne au Canada ?

– Je ne vous blâme pas, ma petite. Vous savez, ici, ce n’est pas la place pour une jeune fille qui veut rester honnête.

– Cependant, je dois des explications à votre époux, madame.

– Ben est très désappointé mais il se consolera.

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Il trouvera bien une autre vedette.– Pourriez-vous lui demander de venir chez

moi, vers sept heures trente ce soir. Michel Dupuis sera ici, et puis, d’autres personnes. Nous discuterons et réglerons définitivement mon cas.

– Certainement. Mais ne vous laissez pas influencer, ma chère petite.

– Ne craignez rien, madame. À sept heures et demie, n’est-ce pas ?

– Oui, oui, je lui dirai.Diane raccrocha puis elle appela au bureau de

Miller.– J’aimerais à parler à monsieur Lawrence

Miller.– Qui l’appelle ?– Diane Roy.– Oh ! une seconde.L’homme déposa le récepteur.– Patron, c’est elle. Elle a dû réfléchir.– Ce n’est pas nouveau, c’est toujours la

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même chose.Il prit le récepteur.– Allo ?– Monsieur Miller ?– Oui.– Ici, Diane Roy. Écoutez, j’ai beaucoup

réfléchi depuis ce midi et j’aimerais discuter de votre projet.

– Je suis à votre disposition, mademoiselle, prenez tout le temps voulu.

– Puis-je vous voir, ce soir ?– Certainement, vous pourriez passer à mon

bureau.– Non, j’aimerais mieux que vous veniez chez

moi, disons, vers neuf heures. Ça vous va, monsieur Miller.

– Entendu, mademoiselle, à neuf heures, je serai là.

Miller raccrocha et se retourna du côté de son comparse.

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– Ça marche, ça marche mieux que je ne croyais.

– Comment ça ?– Je vais la voir vers neuf heures et chez elle,

mon vieux. Tu sais ce que ça veut dire ? Elle va sans doute essayer d’employer son charme pour que je lui fasse des meilleures conditions. Autrement, pour quelles raisons ne viendrait-elle pas ici ?

– Mais oui, pour quelles raisons ? J’espère que vous allez en profiter ?

– Un fou !Miller se mit à rire :– Un si beau morceau... un morceau qui va

nous apporter la fortune, mon cher.

*

Ben était pâle.– Diane, non, non, je ne puis croire que vous

ayez prêté foi à ces gens-là.

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– Je n’ai rien cru, Ben, absolument rien.– Ah ! bon, merci.Diane venait de raconter tout ce qu’elle savait.– Mais je ne connais même pas cette

demoiselle Grâce Henry. Je suis prêt à la rencontrer n’importe quand, fit Ben.

– Justement, elle va venir ici, dans dix minutes. Maintenant écoutez-moi bien, voici ce que vous allez faire.

Et Diane conta son idée.On sonna à la porte.– Vite, tous les deux, passez dans ma chambre.

Ce doit être elle.Le journaliste et l’imprésario sortirent

rapidement de la pièce.Diane alla ouvrir :– Ah ! mademoiselle Grâce, je suis bien

contente de vous voir. Entrez !Diane la fit asseoir au salon.– Avant d’aller plus loin, j’aimerais que vous

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me répétiez tout ce que m’avez dit ce matin.– Pourquoi ?– J’étais tellement nerveuse, vous comprenez.

Alors, je ne voudrais pas commettre d’erreur. Qu’est-il arrivé au juste entre vous et Ben ?

La jeune fille répéta son récit inventé de toute pièce.

Ben et Michel entendaient toute la conversation.

– Nous en savons assez, sortons.Mais ils n’allèrent pas au salon. Ils

traversèrent la petite cuisine sur le bout des pieds et sortirent de la maison par la porte arrière.

Ils firent le tour par la ruelle et revinrent à l’avant.

– Maintenant, disait Diane à ce moment-là, je vous réserve une surprise. Je vous ai parlé ce matin d’un magnat du cinéma ?

– Oui.– Il est prêt à vous rencontrer.– Non, c’est vrai ? Qui est-ce ?

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– Vous allez le connaître dans quelques minutes. Il m’a promis d’être ici à huit heures quinze.

Et Diane ajouta en souriant :– Je lui ai tellement parlé de vous qu’il brûle

du désir de vous connaître.– Ah !On sonna à la porte.– Je suis nerveuse, fit Grâce, s’il allait

refuser...– Mais non, vous êtes jolie et c’est ce qu’il

regarde avant tout. Je vais ouvrir.Diane fit entrer Michel et Ben Laurie.– Tenez, voilà la vedette dont je vous ai tant

parlé. Mademoiselle Grâce Henry.La jeune fille s’inclina.Diane demanda :– Vous ne connaissez pas monsieur ?– Non, je n’ai pas ce grand honneur.– Je suis très surprise, fit Diane.

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– Comment ça ?– Savez-vous qui est cet homme ?– Non.– Ben Laurie !Grâce passa du blanc au vert, puis devint

rouge. Sa figure ressemblait à un arc-en-ciel.– B... B... Ben Laurie ?– Oui, oui, Ben Laurie, fit le petit homme au

cirage, celui qui vous a volée, qui vous a trompée et qui vous a pris vos cachets.

Diane ajouta :– Ben et mon ami, le journaliste Michel

Dupuis, étaient dans ma chambre lorsque vous avez répété votre récit.

Michel s’approcha :– Je crois, mademoiselle Henry que vous nous

devez des explications, n’est-ce pas ?– Je n’ai rien à dire.Le journaliste demanda :– Avez-vous toujours l’intention de réussir à

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Hollywood ? je sais que vous faites un peu de télévision.

– Oui et je gagne ma vie honnêtement. Je deviendrai une vedette, un jour.

– Oh ! non, pas quand tout le monde saura le sale coup que vous avez préparé. Vous savez que Michel Dupuis, le journaliste, n’a pas la langue dans sa poche.

– Michel Dupuis, c’est vous ?– Oui.Il se frotta les mains.– Et je vais vous préparer un de ces articles

pour demain. Ça va être quelque chose de sensationnel. Pour moi, vous n’aurez pas beaucoup de travail par la suite.

Grâce tremblait.– Mais... mais ce n’est pas ma faute, à moi.

Lawrence m’a promis un grand rôle, si je jouais bien la comédie auprès de mademoiselle Roy.

Ben bondit.– C’est Miller qui est au fond de toute cette

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histoire ?– Oui.– Pourquoi a-t-il fait ça ?– Il ne m’a pas donné d’explications. Il m’a

fait venir à son bureau, m’a dit qu’il avait un rôle formidable pour moi. Je n’avais qu’une seule concurrente et je pouvais facilement l’éliminer.

– En me faisant passer pour un homme malhonnête ? dit Laurie.

– Oui.– Mais c’est criminel ce que vous avez fait là,

mademoiselle Grâce.Elle baissa les yeux.– Je sais, je n’aurais pas dû. Mais ça fait des

mois que Lawrence me promet quelque chose. Cette fois, il était sérieux, il m’avait même montré le contrat.

– Et naturellement, vous avez joué son jeu, vous vous foutez éperdument de la réputation des autres.

Diane l’interrompit :

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– Ben, une seconde, comment trouvez-vous mademoiselle ?

– Mais...– Jolie, oui ou non ?– Elle est jolie, en effet, mais...– Elle a déjà gagné un concours de beauté. De

plus, elle étudie depuis cinq ans, comme comédienne.

– Où voulez-vous en venir ?– À ceci, il va vous falloir trouver une

nouvelle jeune fille pour me remplacer, n’est-ce pas ?

– Oui mais...– Mademoiselle Henry pourrait probablement

faire l’affaire.Ben bondit :– Voyons, Diane, vous n’êtes pas sérieuse,

vous me demandez d’engager cette jeune fille qui a tenté de ruiner ma réputation ?

– Puisqu’elle regrette, Ben. Ce n’est pas sa faute. Elle s’est laissée entraîner. Si nous

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démasquons Miller, elle sera libre. Vous pourrez la prendre sous contrat.

Ben se tourna vers elle.– Vous allez nous aider à démasquer Miller ?– Oui.– Moi, je vous signerai une entente. Et je suis

honnête, mademoiselle.Michel se pencha vers Laurie.– J’espère que vous ne laisserez pas les choses

là ?– Vous pouvez en être sûr, Michel. Je vais

actionner ce Miller pour un fort montant. Il a tenté de ruiner ma réputation et j’aurai des preuves.

– Nous témoignerons pour vous, Ben, fit Diane, même si nous devons revenir à Hollywood.

– C’est bien décidé, vous allez partir ?– Oui, bien décidé, fit Diane.Puis elle déclara :

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– Monsieur Miller doit venir ici à neuf heures. Nous allons le démasquer. J’ai hâte de lui voir la tête lorsqu’il vous verra tous.

– J’aimerais mieux ne pas être ici, fit Grâce.– Mais nous avons absolument besoin de vous,

déclara Diane. Sans vous, nous ne pouvons rien faire.

– Si vous nous aidez, dit Ben, je vous fais signer un contrat Je ne vous promets rien mais j’essaierai de vous obtenir du travail.

Michel remarqua :– Notre idée d’émission à la télévision pourrait

continuer et mademoiselle pourrait tenir le rôle de Diane.

– Hum... je ne sais pas si on acceptera.On sonna à la porte.– Ce doit être Lawrence Miller. Vite, passez

tous dans ma chambre, déclara Diane et ne sortez que lorsque je vous appellerai.

– Bien.Michel et Ben emmenèrent Grâce avec eux.

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– Je vais ouvrir.Lawrence Miller parut, le sourire aux lèvres.– Ah ! mademoiselle Roy, je suis bien content

de vous revoir, bien content.– Moi aussi, monsieur Miller. Asseyez-vous.L’imprésario obéit.– Alors vous avez réfléchi ?– Oui, votre offre de cinq mille dollars

m’intéresse énormément.– Je le savais.– Mais il y a une chose que vous oubliez. J’ai

une entente que j’ai signée avec Ben Laurie.– Pardon, ce n’est pas vous qui avez signé

cette entente mais votre père. Elle est nulle maintenant.

– Comment le savez-vous ?– Hammer m’a renseigné.Et Miller se fit hypocrite :– Je ne croyais pas Laurie si malhonnête.

Heureusement que votre père a eu le nez long en

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faisant faire une enquête.– Les imprésarios ne sont pas tous honnêtes

comme vous.– Et je ne les comprends pas. Je me demande

ce que ça leur donne !Diane enrageait. Elle en avait assez. Elle se

leva et se plaça bien droite devant Miller.– Hypocrite !– Ah ! çà, mais qu’est-ce qui vous prend ?– Je dis que vous êtes un hypocrite, un salaud.– Si vous étiez un homme, mademoiselle...– Allez-y, ne vous gênez pas. Vous désirez me

gifler, me frapper ? Allez-y. Je sais me défendre contre n’importe qui. Un voyou de votre espèce ne me fait pas peur.

– Mais expliquez-vous, qu’est-ce qui vous prend ? Je ne permettrai pas que vous m’insultiez.

– C’est vous qui avez monté toute cette affaire, Lawrence Miller. Vous êtes jaloux de Laurie parce qu’il avait une entente avec papa.

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Vous vouliez lui voler cette entente et profiter de moi. Vous employez tous les moyens, même s’ils ne sont pas honnêtes. Mais ça ne se passera pas comme ça.

Miller se leva.– Je vois qu’il est inutile de discuter avec

vous, mademoiselle, vous vous emportez trop facilement. Restez avec votre Ben Laurie et faites-vous voler, je ne ferai rien pour l’en empêcher. J’ai voulu vous sauver malgré vous.

– Une seconde.Diane lui barra le chemin.– J’ai une petite surprise pour vous.Diane appela :– Venez !Ben, Michel et Grâce apparurent. Miller pâlit.– Grâce, qu’est-ce que tu fais ici ?– Croyez-vous, monsieur Miller, que je vais

avaler vos contes à dormir debout sans me renseigner ? Vous me prenez pour une idiote. Grâce a tout raconté.

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– Quoi ?Ben s’avança.– Et vous n’avez pas fini avec moi.L’imprésario voulut repousser Diane pour

pouvoir sortir mais la jeune fille ne broncha pas.– Si vous me touchez encore, monsieur Miller,

vous allez vous éveiller à l’autre bout de la pièce, je vous préviens.

– Michel, appelle la police, lança Ben.Michel s’exécuta.– Je vous fais arrêter sur le champ.– Vous ne pouvez pas, fit Miller, il vous faut

lever un mandat. Et puis il vous faudra des preuves.

– J’ai deux témoins importants, fit Ben. Mademoiselle Henry et mademoiselle Roy.

Miller se tourna vers Grâce.– Tu vas me payer ça, toi.La police arriva bientôt. Naturellement, ils ne

purent emmener Miller mais ils prirent tout en

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notes.– Demain, je placerai une plainte contre vous.

Attendez-vous à avoir une action terrible sur la tête, mon cher Miller. Pour moi, après cette affaire, l’imprésario Lawrence Miller n’existera plus.

*

– Je me suis permis de venir vous donner des nouvelles, Diane, fit Ben. Je suis allé trouver mon avocat. Nous actionnons Miller pour cinquante mille dollars.

– Cinquante mille ?– Oh ! je n’obtiendrai peut-être pas ça mais

sûrement un fort montant.– Allez-vous avoir besoin de moi, Ben ?– Oui et non, vous ne serez pas obligée de

rester pour le procès, vous et Michel, nous allons faire prendre votre déposition assermentée devant un juge, je m’en servirai au procès.

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Il demanda à Diane :– Avez-vous vu, monsieur Leary ?– Oui et il va se chercher une autre vedette. Je

lui ai parlé de Grâce. Présentez-la elle a peut-être une chance de décrocher ce rôle.

– C’est pour vous que je le fais, Diane. Alors toujours décidée de partir ?

– Oui. Je vais prévenir Michel et nous allons retenir nos billets sur le prochain avion. Et puis, Ben, je ne regrette rien.

– C’est vrai ?– Je ne regrette pas de vous avoir connu. Vous

avez été un grand ami pour moi.– Et je le resterai toujours. Si jamais vous avez

besoin de moi, ne vous gênez pas.– Michel a prévenu la direction de son journal.

Ils ont accepté sa démission mais sans grand enthousiasme.

– Vous partirez quand, au juste ?– Je ne sais pas, dans deux ou trois jours.Elle soupira.

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– Maintenant il me reste à décider monsieur Dupas. Je ne sais pas s’il acceptera de me faire travailler sur les causes de meurtres. Je sais que ce n’est guère la place d’une femme.

*

Diane partira donc d’Hollywood, ce semble décidé. La retrouverons-nous comme femme-reporter et détective ?

Et si Diane part avec le journaliste Michel Dupuis, n’est-ce pas parce qu’elle est un peu attachée à lui ? Deviendrait-elle amoureuse ?

Ne manquez pas, la semaine prochaine, la suite des exploits, de DIANE LA BELLE AVENTURIÈRE, le roman de l’année.

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Cet ouvrage est le 422e publiédans la collection Littérature québécoise

par la Bibliothèque électronique du Québec.

La Bibliothèque électronique du Québecest la propriété exclusive de

Jean-Yves Dupuis.

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