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Variable Complexe Licence de Math´ ematiques

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Variable Complexe

Licence de Mathematiques

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Table des matieres

Preambule 5

Chapitre 1. Fonctions holomorphes : definitions et exemples 71. Calcul differentiel dans le plan complexe 72. Fonctions holomorphes 103. Series entieres ; fonctions analytiques 134. Fonctions usuelles 18

Chapitre 2. Integrale curviligne 251. Definition et proprietes elementaires 252. La formule de Green-Riemann 313. Applications aux fonctions holomorphes 37

Chapitre 3. Proprietes des fonctions holomorphes 411. Consequences “immediates” de la formule de Cauchy 412. Holomorphie et analyticite 443. Zeros des fonctions holomorphes 474. Le theoreme de Liouville 505. Le principe du maximum 526. Series de Laurent 567. Singularites ; fonctions meromorphes 61

Chapitre 4. Primitives, homotopie 671. Formes differentielles exactes et localement exactes 672. Les theoremes de Morera et Cauchy-Goursat 713. Cauchy-Goursat, Green-Riemann et Kurzweil-Henstock 744. Homotopie 825. Indice d’un lacet par rapport a un point 85

Chapitre 5. Residus 911. Le “theoreme des residus” 912. Exemples de calculs d’integrales 943. Denombrements de zeros et de poles 99

Chapitre 6. Suites, integrales et produits infinis 1051. Suites et integrales 1052. Produits infinis 1113. Zeta, Gamma et le sinus 114

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Preambule

Dans tout ce qui suit, on identifiera constamment C avec R2 de la facon habituelle :a un nombre complexe z “ x` iy correspond le couple px, yq P R2. Il est tres importantde savoir “jongler” avec cette identification :

CÐÑ R2

z “ x` iy ÐÑ px, yq

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Chapitre 1

Fonctions holomorphes : definitions et exemples

1. Calcul differentiel dans le plan complexe

1.1. Formes differentielles.

Notations. On notera LpC,Cq ou LpR2,Cq l’ensemble des applications R-lineairesde C “ R2 dans C. Si L P LpC,Cq “ LpR2,Cq et h P C “ R2, on note Lphq ousimplement Lh l’image de h par L.

Remarque. Comme C “ R2 est un R-espace vectoriel de dimension 2, LpR2,Cq estun R-espace vectoriel de dimension 4. C’est aussi un C-espace vectoriel (car on peutmultiplier une application lineaire L : R2 Ñ C par un nombre complexe), de dimension2.

Definition 1.1. Soit Ω un ouvert de C “ R2. Une 1-forme differentielle sur Ωest une application ω : Ω Ñ LpR2,Cq.

Remarque. La definition a en fait un sens meme si Ω n’est pas un ouvert, ce quisera parfois commode.

Exemple. Si f : Ω Ñ C est une fonction differentiable en tout point, alors sadifferentielle df : Ω Ñ LpC,Cq est une forme differentielle.

Operations sur les formes differentielles.

(a) Addition, multiplication par un scalaire. La somme de deux 1-formes ω1 et ω2

est la forme differentielle definie par la formule

pω1 ` ω2qpzq “ ω1pzq ` ω2pzq .

Le produit d’une 1-forme ω par un scalaire λ P C est la 1 -forme definie par

pλωqpzq “ λωpzq .

(b) Multiplication par une fonction. Si ω est une 1-forme differentielle sur Ω etsi f : Ω Ñ C est une fonction sur Ω, on definit une 1-forme fω en posant

pfωqpzq “ fpzqωpzq .

(La multiplication par un scalaire est un cas particulier : c’est la multiplicationpar une fonction constante).

1.2. Les deux “bases canoniques”. Dans ce qui suit Ω est un ouvert de C “ R2.

Notation 1. On note x : Ω Ñ R et y : Ω Ñ R les “fonctions coordonnees” sur Ω :si u “ pxu, yuq P Ω, alors xpuq “ xu et ypuq “ yu. On considerera en fait x et y commedes fonctions a valeurs dans C.

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8 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

Par definition, les fonctions x et y sont les restrictions a Ω des “applications lineairescoordonnees” π1 : R2 Ñ C et π2 : R2 Ñ C definies par πiph1, h2q “ hi. Elles sont doncdifferentiables sur Ω, avec

dxpuq “ π1 et dypuq “ π2

pour tout u P Ω. Autrement dit, si h “ ph1, h2q P R2 alors

dxpuqh “ h1 et dypuqh “ h2 .

Proposition 1.2. Toute 1-forme differentielle sur Ω s’ecrit de maniere uniquesous la forme

ω “ Pdx`Qdy ,

ou P et Q sont des fonctions sur Ω.

Demonstration. Notons pe1, e2q la base canonique de R2. Par definition des ap-plications lineaires coordonnees, on a πipejq “ δi,j pour i, j P t1, 2u. On en deduitfacilement que pπ1, π2q est une base de LpR2,Cq : si L P LpR2,Cq, alors L “ Lpe1qπ1`

Lpe2qπ2 car ces deux applications lineaires prennent les memes valeurs sur la basepe1, e2q, donc pπ1, π2q est generatrice ; et si λ1π1 ` λ2π2 “ 0 on obtient λi “ 0 enevaluant sur ei, donc pπ1, π2q est libre.

Si maintenant ω est une 1-forme differentielle sur Ω alors, pour tout u P Ω, il existeun unique couple de scalaires pλu, µuq tel que

ωpuq “ λuπ1 ` µuπ2

“ λudxpuq ` µudypuq;

autrement dit, en posant P puq “ λu et Qpuq “ µu il existe un unique couple defonctions pP,Qq tel que ω “ Pdx`Qdy.

Remarque. Avec les notations de la proposition, les fonctions P et Q sont donneespar P puq “ ωpuqe1 et Qpuq “ ωpuqe2, pour tout u P Ω.

Exemple. Si f : Ω Ñ C est une fonction differentiable sur Ω, alors

(1.1) df “Bf

Bxdx`

Bf

Bydy .

Demonstration. On sait que si u P Ω et h “ ph1, h2q P R2, alors dfpuqh “

h1BfBx puq ` h2

BfBy puq, autrement dit dfpuqh “ Bf

Bx puqdxpuqh`BfBy puqdypuqh.

Notation 2. On note z : Ω Ñ C et z : Ω Ñ C les fonctions z ÞÑ z et z ÞÑ z.

Par definition, les fonctions z et z sont les restrictions a Ω des applications R-lineaires I : C Ñ C et I : C Ñ C definies par Iphq “ h et Iphq “ h. Donc z et z sontdifferentiables sur Ω, avec

dzpuq “ I et dzpuq “ I

pour tout u P Ω. Autrement dit, si h P C alors

dzpuqh “ h et dzpuqh “ h .

Par ailleurs, comme z “ x`iy et z “ x´iy, on a par linearite de la differentiation :

dz “ dx` idy et dz “ dx´ idy .

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1. CALCUL DIFFERENTIEL DANS LE PLAN COMPLEXE 9

Proposition 1.3. Toute 1-forme differentielle sur Ω s’ecrit de maniere uniquesous la forme

ω “ Adz `Qdz ,

ou A et B sont des fonctions sur Ω.

Demonstration. Comme I “ π1 ` iπ2 et I “ π1 ´ iπ2, on a π1 “12pI ` Iq et

π2 “12ipI´ Iq. On en deduit que pI, Iq est une base de LpC,Cq, d’ou le resultat comme

dans la preuve de la proposition 1.2

Remarque 1.4. Si ω “ Pdx ` Qdy est une 1-forme differentielle sur Ω, alorsω : Ω Ñ LpR2,Cq est continue ou de classe C1 si et seulement si les fonctions P et Q lesont. De meme, si ω “ Adz ` bdz, alors ω est continue ou de classe C1 si et seulementsi A et B le sont.

Demonstration. Si ω est continue ou de classe C1, alors P et Q le sont carP puq “ ωpuqe1 et Qpuq “ ωpuqe2 pour tout u P Ω. Inversement, si P et Q sontcontinues ou de classe C1, alors ω est continue car ωpuq “ P puqπ1 `Qpuqπ2.

Lemme 1.5. (formules de “changements de base”)Si ω “ Pdx ` Qdy “ Adz ` Bdz est une 1-forme differentielle sur Ω, alors on a

les formules suivantes :"

P “ A`BQ “ ipA´Bq

"

A “ 12pP ´ iQq

B “ 12pP ` iQq

Demonstration. Pour la premiere accolade, on ecrit

Pdx`Qdy “ Apdx` idyq `Bpdx´ idyq

et on identifie les “fonctions coefficients” devant dx et dy grace a l’unicite dans l’ecriturePdx`Qdy. La deuxieme accolade se deduit de la premiere en inversant le systeme.

Ce lemme “justifie” la definition suivante.

Definition 1.6. Si f : Ω Ñ C est une fonction differentiable sur Ω, on definitdeux fonctions Bf

Bz et BfBz par

$

&

%

Bf

Bz“

1

2

ˆ

Bf

Bx´ iBf

By

˙

Bf

Bz“

1

2

ˆ

Bf

Bx` iBf

By

˙

D’apres (1.1) et les formules de changement de base, on a alors

(1.2) df “Bf

Bzdz `

Bf

Bzdz .

Exemple. Comme dz “ 1 dz ` 0 dz et dz “ 0 dz ` 1 dz, on a (par unicite dansl’ecriture Adz `Bdz)

Bz

Bz“ 1 “

Bz

Bzet

Bz

Bz“ 0 “

Bz

Bz¨

Exercice. Etablir les formules BfBz “

BfBz et Bf

Bz “BfBz ¨

On aura de temps en temps besoin du lemme suivant. Rappelons que si f est unefonction de classe C2 sur Ω, alors le laplacien de f est la fonction

∆f “B2f

Bx2`B2f

By2¨

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10 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

Lemme 1.7. Si f P C2pΩq, alors ∆f “ 4B2f

BzBz“ 4

B2f

BzBz¨

Demonstration. Il suffit de calculer calmement B2fBzBz et B2f

BzBz : c’est un excellentexercice.

2. Fonctions holomorphes

Definition 2.1. Soit Ω un ouvert de C, et soit f : Ω Ñ C.(1) On dit que f est C-derivable en un point p P Ω si la limite

f 1ppq :“ limhÑ0

fpp` hq ´ fppq

h“ lim

zÑp

fpzq ´ fppq

z ´ p

existe dans C.(2) On dit que f est holomorphe sur Ω si elle est C-derivable en tout point et si

la fonction f 1 : Ω Ñ C est continue.

Notation. On notera HpΩq l’ensemble des fonctions holomorphes sur Ω.

Exemples. La fonction fpzq “ z est holomorphe sur C, avec f 1pzq ” 1. A l’inverse,la fonctions z ÞÑ z (qui est de classe C1 sur C puisque R-lineaire) n’est C-derivable enaucun point.

Demonstration. Si p, h P C et h ‰ 0 alors p`h´ph “ h

h , expression qui n’a pas de

limite quand h Ñ 0 car par exemple hh vaut 1 si h est reel et ´1 si h est imaginaire

pur.

Proprietes formelles. Les proprietes formelles de la C-derivabilite sont lesmemes que celles de la derivabilite pour les fonctions d’une variable reelle, et les preuvessont identiques :

‚ Si f et g sont C-derivables sur Ω, alors f ` g et fg sont C-derivables, avecpf ` gq1 “ f 1 ` g1 et pfgq1 “ f 1g ` fg1. Si de plus g ne s’annule pas, alors f

g est

C-derivable, avecˆ

f

g

˙1

“f 1g ´ fg1

g2¨

‚ Si f : Ω1 Ñ C et g : Ω2 Ñ C sont C-derivables et si fpΩ1q Ă Ω2, alors g ˝ f estC-derivable sur Ω1, avec

pg ˝ fq1 “ pg1 ˝ fq ˆ f 1 .

Consequences. Si P pzq “řnk“0 akz

k est une fonction polynomiale, alors P est

holomorphe sur C avec P 1pzq “řnk“1 kakz

k´1. De meme, toute fonction rationnellefpzq “ P pzqQpzq est holomorphe sur son domaine de definition.

Definition 2.2. Pour tout λ P C, on note Mλ : CÑ C l’application lineaire definiepar Mλphq “ λh. On dit qu’une application lineaire L P LpC,Cq est une similitudedirecte si L “Mλ pour un certain λ P C.

Remarque 1. Une application lineaire L P LpC,Cq est une similitude directe si etseulement si elle est C-lineaire, et dans ce cas on a L “MLp1q.

Demonstration. Il est clair que toute similitude est C-lineaire. Inversement, siL : CÑ C est C-lineaire, alors Lphq “ Lphˆ 1q “ hˆ Lp1q et donc L “MLp1q.

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2. FONCTIONS HOLOMORPHES 11

Remarque 2. Munissons C de la norme “module” et LpC,Cq de la norme subor-donnee. Si λ P C, alors Mλ “ |λ|.

Demonstration. C’est evident car si h P C alors |Mλphq| “ |λh| “ |λ| ˆ |h|.

Proposition 2.3. Soit f : Ω Ñ C, ou Ω est un ouvert de C, et soit p P Ω. Alorsf est C-derivable en p si et seulement si les deux proprietes suivantes sont verifiees :f est differentiable en p et de plus dfppq est une similitude directe. Dans ce cas, on adfppq “Mf 1ppq.

Demonstration. Supposons que f soit C-derivable en p, et posons λ “ f 1ppq.Par definition, on peut alors ecrire

fpp` hq ´ fppq

h“ λ` εphq ,

ou εphq tend vers 0 quand hÑ 0. En multipliant par h, on en deduit

fpp` hq “ fppq ` λh` hεphq “ fppq `Mλphq ` op|h|q ,

ce qui montre que f est differentiable en p avec dfppq “Mλ “Mf 1ppq.Inversement, supposons que f soit differentiable en p et que dfppq soit une similitude

Mλ. Alors

fpp` hq “ fppq `Mλphq ` op|h|q “ fppq ` λˆ h` op|h|q

quand hÑ 0, et donc

fpp` hq ´ fppq

h“ λ`

op|h|q

hhÑ0ÝÝÝÑ λ .

Par consequent, f est C-derivable en p et f 1ppq “ λ.

Corollaire 2.4. Si f : Ω Ñ C est C-derivable en tout point, alors df “ f 1dz.

Demonstration. D’apres la proposition, on a dfpuqh “ f 1puq ˆ h, autrement ditdfpuqh “ f 1puqdzpuqh pour tout u P Ω et h P C.

Corollaire 2.5. Toute fonction holomorphe est de classe C1.

Demonstration. Si f P HpΩq alors df “ f 1dz et donc df : Ω Ñ LpC,Cq estcontinue d’apres la remarque 1.4.

Corollaire 2.6. Pour une fonction f P C1pΩq, les proprietes suivantes sontequivalentes :

(i) f est holomorphe ;

(ii) df “ g dz pour une certaine fonction g continue sur Ω ;

(iii) f verifie l’equation de Cauchy-Riemann BfBz “ 0.

Dans ce cas, on a necessairement g “ f 1 dans (ii).

Demonstration. On sait deja que si f est holomorphe alors df “ f 1dz. Inverse-ment, si df “ gdz pour une certaine fonction g, alors dfpuq “ gpuqdzpuq “ gpuqI “Mgpuq pour tout u P Ω ; donc f est C-derivable en tout point avec f 1 “ g, et f est ho-lomorphe si g est continue. Ainsi, (i) et (ii) sont equivalentes. L’equivalence de (ii) et

(iii) vient de l’identite df “ BfBz dz`

BfBz dz et de l’unicite dans l’ecriture Adz`Bdz.

Corollaire 2.7. Si f P HpΩq, alors f 1 “ BfBz “

BfBx “

1iBfBy ¨

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12 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

Demonstration. On a f 1 “ BfBz car d’une part df “ f 1dz et d’autre part df “

BfBz dz d’apres l’equation de Cauchy-Riemann. Toujours d’apres Cauchy-Riemann et par

definition de BfBz , on a Bf

Bx ` iBfBy “ 0, i.e. Bf

Bx “ ´iBfBy “

1iBfBy . Enfin, Bf

Bz “12

´

BfBx ´ i

BfBy

¯

12

´

BfBx `

BfBx

¯

“BfBx ¨

Corollaire 2.8. (“theoreme fondamental de l’analyse”)Soit f P HpΩq. Si p P Ω et si h P C est tel que rp, p` hs Ă Ω, alors

fpp` hq “ fppq `

ż 1

0f 1pp` thq ˆ h dt .

Demonstration. On applique le theoreme fondamental de l’analyse usuel a lafonction ϕ : r0, 1s Ñ C definie par ϕptq “ fpγptqq, ou γptq “ p ` th. Cette fonctionest bien definie et de classe C1 puisque γptq P Ω pour tout t P r0, 1s, et on a ϕ1ptq “

dfpγptqqγ1ptq “ f 1pp ` thq ˆ h. Donc fpp ` hq ´ fppq “ ϕp1q ´ ϕp0q “ş10 ϕ

1ptq dt “ş10 f

1pp` thq ˆ h dt .

Exercice. Soit U un ouvert de Rn et soit ϕ : U Ñ C de classe C1. Montrer que si fest une fonction holomorphe sur un ouvert contenant ϕpUq, alors

dpf ˝ ϕq “ pf 1 ˝ ϕq dϕ .

Proposition 2.9. Soit L P LpC,Cq. Alors L est une similitude directe si et seule-ment si sa matrice dans la base canonique de C “ R2 est de la forme

ˆ

a ´bb a

˙

Dans ce cas, on a L “Mλ, ou λ “ a` ib.

Demonstration. Notons pe1, e2q la base canonique de C “ R2. On a e1 “ p10 q “

1` i0 “ 1 et e2 “ p01 q “ 0` i1 “ i. Si L est une similitude, L “ Mλ avec λ “ a` ib,

on a Lpe1q “ λˆ 1 “ a` ib “ p ab q et Lpe2q “ λˆ i “ ia´ b “ p´ba q, et par consequent

L a pour matrice

ˆ

a ´bb a

˙

dans la base pe1, e2q. Inversement, si la matrice de L est de

ce type et si on pose λ “ a` ib, alors L “Mλ puisque ces deux applications lineairesont la meme matrice.

Corollaire 2.10. (forme reelle de l’equation de Cauchy-Riemann)Soit f : Ω Ñ C une fonction de classe C1, et ecrivons f “ u` iv (ou u et v sont a

valeurs reelles). Alors f est holomorphe si et seulement si

Bu

Bx“Bv

Byet

Bv

Bx“ ´

Bu

By¨

Demonstration. Comme f est de classe C1, elle est holomorphe si et seulement sidfpzq est une similitude directe pour tout z P Ω (d’apres la proposition 2.3) ; autrement

dit : si et seulement si la matrice jacobienne de f en tout point est de la forme

ˆ

a ´bb a

˙

.

D’ou le resultat par definition de la matrice jacobienne puisque f “ u` iv “ p uv q.

Corollaire 2.11. Si f P HpΩq et si on note Jf pzq le determinant jacobien de fen un point z P Ω, alors

Jf pzq “ |f1pzq|2 .

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3. SERIES ENTIERES ; FONCTIONS ANALYTIQUES 13

Demonstration. Comme dfpzq “ Mf 1pzq, la matrice jacobienne de f au point z

est Jacf pzq “

ˆ

a ´bb a

˙

, ou f 1pzq “ a` ib. Donc Jf pzq “ a2 ` b2 “ |f 1pzq|2.

Exercice. Montrer que pour une fonction f de classe C1 quelconque, on a

Jf “

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

Bf

Bz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

2

´

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

Bf

Bz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

2

¨

3. Series entieres ; fonctions analytiques

3.1. Series entieres ; rayon de convergence.

Definition 3.1. Une serie entiere est une serie de fonctions de la variable z P Cde la forme Σpzq “

ř

ně0cnz

n, ou les cn sont des nombres complexes.

Remarque 1. Il est important d’etre conscient qu’une serie entiere est un objetformel. La serie peut tres bien ne converger pour aucun point (sauf z “ 0).

Remarque 2. Par convention, on pose z0 “ 1 pour tout nombre complexe z. Enparticulier, on a 00 “ 1.

Notation. Pour a P C et r ą 0, on notera Dpa, rq le disque ouvert de centrea et de rayon r dans C :

Dpa, rq “ tz P C; |z ´ a| ă ru .

Le disque ferme correspondant sera note Dpa, rq :

Dpa, rq “ tz P C; |z ´ a| ď ru .

La notation D n’est pas choisie au hasard : le disque ferme est bien l’adherence dudisque ouvert !

Lemme 3.2. (lemme d’Abel)Soit pcnqně0 une suite de nombres complexes, et soit ρ ą 0. Si la suite pcnρ

nq estbornee, alors la serie

ř

cnzn converge absolument pour tout z P C verifiant |z| ă ρ, et

on a convergence normale sur tout disque ferme Dp0, rq de rayon r ă ρ.

Demonstration. Choisissons un constante M telle que |cn|ρn ď M pour tout

n P N. Si z P C, on a cnzn “ cnρ

n ˆ

´

¯n, et donc

|cnzn| ďM p|z|ρqn

pour tout n P N. Donc la serieř

cnzn est absolument convergente si |z|ρ ă 1, i.e.

|z| ă ρ. Si 0 ď r ă ρ, alors

@z P Dp0, rq : |cnzn| ďM prρqn ,

majoration par le terme general d’une serie convergente independante de z P Dp0, rq.Donc la serie

ř

cnzn converge normalement sur Dp0, rq.

Theoreme 3.3. Soit Σ “ř

cnzn une serie entiere. Il existe un unique “nombre”

R P r0,8s verifiant les deux proprietes suivantes :

(i) la serieř

cnzn converge pour |z| ă R ;

(ii) la serieř

cnzn diverge pour |z| ą R.

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14 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

De plus, la serieř

cnzn converge absolument si |z| ă R, et on a convergence normale

sur tout compact de Dp0, Rq. Le “nombre” R s’appelle le rayon de convergence dela serie entiere Σ.

Demonstration. Posons R “ suptρ ě 0; la suite p|cn|ρnq est borneeu. Cette

definition a bien un sens : R existe dans r0,8s car l’ensemble dont on prend la bornesuperieure est non vide (il contient r “ 0). Si z P C verifie |z| ă R alors on peut trouverρ ą |z| tel que la suite |cn|ρ

n est bornee, donc la serieř

cnzn converge absolument

d’apres le lemme d’Abel. Si |z| ą R alors la suite p|cnzn|q n’est pas bornee par definition

de R, donc la serieř

cnzn ne peut pas converger. Ainsi, R verifie (i) et (ii). De plus,

la serieř

cnzn converge normalement sur tout disque Dp0, rq de rayon r ă R d’apres

le lemme d’Abel, donc uniformement sur tout compact de Dp0, Rq.L’unicite est “evidente” : si R1 P r0,8s verifie (i) et (ii), on ne peut pas avoir

R1 ă R sinon on obtiendrait une contradiction en choisissant r tel que R1 ă r ă R. (Laserie

ř

cnrn devrait a la fois converger car r ă R et diverger car r ą R1). De meme on

ne peut pas avoir R1 ą R, donc R1 “ R.

Notation. On notera RpΣq le rayon de convergence d’une serie entiere Σ.

Reformulation. Le rayon de convergence d’une serie entiereř

cnzn est l’unique

nombre R tel que la serieř

|cn|rn converge pour 0 ď r ă R et diverge pour r ą R.

Remarque 1. La preuve du theoreme a etabli qu’on a

RpΣq “ sup tr ě 0; la suite p|cn|rnq est borneeu .

On peut donc utiliser les faits suivants pour determiner RpΣq : etant donne r P R`,

‚ si la suite p|cn|rnq est bornee, alors RpΣq ě r ;

‚ si la serieř

|cn|rn diverge, alors RpΣq ď r.

Remarque 2. Comme le montrent les exemples suivants, on ne peut rien dire decompletement general sur la convergence de

ř

cnzn pour |z| “ RpΣq.

(1) Pour Σpzq “ř

zn, on a RpΣq “ 1 (car la serie geometriqueř

rn converge sir ă 1 et diverge si r ě 1) et la serie diverge en tout point z tel que |z| “ 1.

(2) Pour Σpzq “ř

ně1zn

n2 , on a RpΣq “ 1 (la suite`

rn

n2

˘

est bornee si r ă 1 etř rn

n2

diverge pour r ą 1 car en fait rnn2 Ñ 8) et la serie converge en tout point ztel que |z| “ 1.

(3) pour Σpzq “ř

ně1zn

n , on a RpΣq “ 1 (meme raisons que pourř zn

n2 ), la seriediverge pour z “ 1, mais converge pour z “ ´1 (serie alternee), et en fait pourtout point z ‰ 1 tel que |z| “ 1 (ce qui n’est pas du tout evident).

La proposition qui va suivre donne une formule generale pour calculer le rayon deconvergence d’une serie entiere. On doit d’abord rappeler la definition de la limitesuperieure d’une suite de nombres reels pxnq : la limite superieure de pxnq est la plusgrande valeur d’adherence de la suite pxnq dans r´8,`8s ; autrement dit, c’est laplus grande limite possible (dans r´8,`8s) pour une sous-suite de pxnq. On note ce“nombre” lim nÑ8xn, ou simplement limxn. Par exemple : si la suite pxnq convergedans r´8,`8s alors limxn est la limite de pxnq ; on a lim p´1qn “ 1 car les valeursd’adherence de xn “ p´1qn sont 1 et ´1 ; et on a lim p´1qn ˆ n2 “ `8.

Exercice 1. Montrer que pour tout nombre reel L, les implications suivantes ontlieu :

‚ limxn ă L ùñ xn ă L a partir d’un certain rang ;

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3. SERIES ENTIERES ; FONCTIONS ANALYTIQUES 15

‚ limxn ą L ùñ xn ą L pour une infinite d’entiers n.

Exercice 2. Montrer que si punq et pvnq sont deux suites de nombres reels et si punqadmet une limite l ą 0, alors lim punvnq “ l ˆ lim vn.

Proposition 3.4. (formule d’Hadamard)Pour toute serie entiere Σ “

ř

cnzn, le rayon de convergence de Σ est donne par

la formule

1

RpΣq“ lim |cn|

1n .

Demonstration. Notons R0 le “nombre” defini par 1R0“ lim |cn|

1n. On va mon-

trer separement que RpΣq ě R0 et RpΣq ď R0.

Si 0 ď r ă R0, alors lim nÑ8p|cn|1n ˆ rq ă 1, donc on a |cn|

1n ˆ r ă 1 a partird’un certain rang, i.e. |cn|r

n ă 1. La suite p|cn|rnq est donc bornee, et par consequent

RpΣq ě r. Ceci etant vrai pour tout r ă R0, on en deduit RpΣq ě R0.

Si r ą R0, alors lim nÑ8p|cn|1nˆrq ą 1, donc on peut trouver une infinite d’entiers

n tels que |cn|rn ą 1. Par consequent, cnr

n ne tend pas vers 0 quand n Ñ 8, doncla serie

ř

|cn|rn diverge et donc r ě RpΣq. Ceci etant vrai pour tout r ą R0, on en

deduit R0 ě RpΣq.

Corollaire 3.5. Soient Σ0 “ř

cnzn et Σ1 “

ř

c1nzn deux series entieres.

(a) S’il existe une constante M telle que |cn| ďM |c1n| a partir d’un certain rang,alors RpΣ0q ě RpΣ1q.

(b) Si cn, c1n ‰ 0 a partir d’un certain rang et si |cn| „ |c

1n|, alors RpΣ0q “ RpΣ1q.

Demonstration. La partie (a) est evidente d’apres la formule d’Hadamard puisque

|cn|1n ď M1n|c1n|

1n a partir d’un certain rang et M1n Ñ 1 ; et (b) decoule de (a)applique 2 fois car on a 1

2 |c1n| ď |cn| ď 2|c1n| a partir d’un certain rang.

Corollaire 3.6. Si la suite pcnq est bornee, alors le rayon de convergence deř

cnzn est au moins egal a 1.

Demonstration. On applique le corollaire precedent avec c1n “ 1, en se souvenant

que le rayon de convergence deř

zn est egal a 1. Evidemment, on peut aussi demontrerle resultat directement, sans utiliser la formule d’Hadamard.

Corollaire 3.7. Si |cn|1n admet une limite l P r0,8s, alors RpΣq “ 1l.

Corollaire 3.8. Si cn ‰ 0 a partir d’un certain rang et si |cn`1|

|cn|admet une limite

l P r0,8s, alors RpΣq “ 1l.

Demonstration. D’apres le corollaire precedent, il suffit de montrer que |cn|1n

tend vers l. On utilise pour cela le lemme suivant, qui est en fait un theoreme trescelebre et tres important.

Lemme 3.9. (theoreme de Cesaro)Soit punq une suite de nombres reels. Si punq admet une limite L P r´8,`8s,

alors Sn “1n

řn´1k“0 uk tend egalement vers L quand nÑ8.

Preuve du lemme. Supposons d’abord que L “ 0.

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16 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

Soit ε ą 0. Comme un Ñ 0, on peut trouver N0 ě 1 tel que |uk| ď ε pour toutk ě N0. Si n ą N0, on a alors

|Sn| ď1

n

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

N0´1ÿ

k“0

uk

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

`1

n

nÿ

k“N0

|uk|

ďC0

n` εˆ

n´N0

n

ďC0

n` ε ,

ou on a pose C0 “

ˇ

ˇ

ˇ

řN0´1k“0 uk

ˇ

ˇ

ˇ. Comme C0n Ñ 0, on peut trouver N ą N0 tel que

C0n ď ε pour tout n ě N , et on a alors

@n ě N : |Sn| ď ε` ε “ 2ε .

Donc Sn tend bien vers 0 quand nÑ8.Si L P R, on se ramene au cas “L “ 0” grace a l’astuce (tres naturelle) suivante :

pour tout n ě 1, on a

Sn ´ L “1

n

n´1ÿ

k“0

puk ´ Lq ,

donc on peut appliquer le cas precedent a la suite pun´Lq pour obtenir que Sn´LÑ 0.Supposons maintenant L “ `8. La demonstration est presque identique a celle

du cas “L “ 0”, donc on va aller un peu plus vite. Pour tout A ą 0 donne, on peuttrouver N0 tel que uk ě A pour tout k ě N0, et on en deduit que si n ą N0, alors

Sn ě Aˆn´N0

1

n

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

N0´1ÿ

k“0

uk

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

“n´N0

nA´

C0

Comme n´N0n A Ñ A et C0

n Ñ 0 quand n Ñ 8, on peut trouver N ą N0 tel quen´N0n A ´ C0

n ě A2 pour n ě N , et on a alors Sn ě A2 pour tout n ě N . CommeA ą 0 est arbitraire, cela montre que Sn Ñ `8 “ L. Le cas ou L “ ´8 s’en deduiten considerant ´un.

Revenons a la preuve du corollaire 3.8. En supposant cn ‰ 0 pour tout n, on

applique le lemme avec un “ log |cn`1|

|cn|“ log |cn`1| ´ log |cn|, qui tend vers L “ log l P

r´8,`8s. Avec les notations du lemme, on a

Sn “1

n

´

plog |c1| ´ log |c0|q ` plog |c2| ´ log |c1|q ` ¨ ¨ ¨ ` plog |cn| ´ log |cn´1|q

¯

“1

nplog |cn| ´ log |c0|q ,

et comme log |c0|n tend vers 0 on en deduit que log |cn|

n tend vers log l. Donc |cn|1n “

exp´

log |cn|n

¯

Ñ elog l “ l.

Exemples. Pour Σ “ř

ně1zn

nα , α P R, on a RpΣq “ 1 car pn`1qα

nα Ñ 1. Pour

Σ “ř zn

n! , on a RpΣq “ 8 car n!pn`1q! “

1n Ñ 0. Pour Σ “

ř

n!zn, on a RpΣq “ 0 carpn`1q!n! Ñ8.

Exercice. Determiner les rayons de convergence des series entieresř

ně1p1`1nqn2zn

etř

kě0 z2k.

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3. SERIES ENTIERES ; FONCTIONS ANALYTIQUES 17

3.2. Regularite de la somme d’une serie entiere.

Definition 3.10. Soit Σpzq “ř

cnzn une serie entiere. La serie derivee de Σ

est la serie entiere Σ1pzq “ř

ně1 ncnzn´1 “

ř

ně0pn` 1qcn`1zn.

Lemme 3.11. Une serie entiere et sa serie derivee ont le meme rayon de conver-gence.

Demonstration. Si Σ “ř

cnzn, alors Σ1pzq “

ř

ně1 ncnzn´1 a le meme rayon

de convergence que rΣpzq “ř

ně0 ncnzn car rΣpzq “ zΣ1pzq (et donc les deux series

convergent pour les memes valeurs de z). D’apres la formule d’Hadamard, on a 1RprΣq “

lim pn1n |cn|1nq et donc RprΣq “ RpΣq car n1n Ñ 1 ; d’ou le resultat.

Theoreme 3.12. Soit Σ “ Σcnzn une serie entiere de rayon de convergence R ą

0, et soit f : Dp0, Rq Ñ C la somme de cette serie, fpzq “ř8

0 cnzn. Alors f est

infiniment C-derivable dans le disque Dp0, Rq, et ses derivees successives s’obtiennenten derivant terme a terme : on a

@k P N : f pkqpzq “8ÿ

n“k

npn´ 1q ¨ ¨ ¨ pn´ k ` 1q cnzn´k .

Demonstration. Pour N P N, posons fN pzq “řNn“0 cnz

n. Les fonctions fN sont

polynomiales, donc holomorphes sur Dp0, Rq, avec f 1N pzq “řNn“1 ncnz

n´1. D’apres lelemme, la serie entiere

ř

ně1 ncnzn´1 a un rayon de convergence egal a R, donc cette

serie converge normalement sur tout compact de Dp0, Rq. En particulier, la suite pf 1N qconverge uniformement sur tout compact de Dp0, Rq vers une fonction g : Dp0, Rq ÑC, qui est continue car les f 1N le sont. Si on pose ωN “ f 1Ndz et ω “ gdz, alorsωN puq ´ ωpuq “ Mf 1N puq´gpuq

“ |f 1N puq ´ gpuq| pour tout u, donc ωN puq tend

vers ωpuq uniformement sur tout compact de Dp0, Rq. On est donc dans la situationsuivante : fN pzq Ñ fpzq pour tout z P Dp0, Rq, et dfN “ f 1Ndz Ñ gdz uniformementsur tout compact. D’apres un theoreme connu sur les suites de fonctions de classe C1, onen deduit que f est de classe C1 avec df “ gdz. Autrement dit, f est holomorphe avecf 1pzq “ gpzq “

ř8n“1 ncnz

n´1. Par recurrence, on montre alors que f est infiniment

C-derivable avec f pkqpzq “ř8n“k npn´ 1q ¨ ¨ ¨ pn´ k ` 1q cnz

n´k pour tout k P N.

3.3. Fonctions analytiques.

Definition 3.13. Soit Ω un ouvert de C, et soit f : Ω Ñ C.

(1) On dit que f est developpable en serie entiere au voisinage d’un pointa P Ω s’il existe r ą 0 et une suite de coefficients pcnqně0 (dependant de a)tels que Dpa, rq Ă Ω et

@z P Dpa, rq : fpzq “8ÿ

n“0

cnpz ´ aqn ,

ou la serie converge en tout point de Dparq.

(2) On dit que f est C-analytique sur Ω si elle est developpable en serie entiereau voisinage de chaque point de Ω.

Du theoreme 3.12, on deduit facilement le resultat suivant.

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18 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

Proposition 3.14. Si f : Ω Ñ C est C-analytique, alors f est infiniment C-derivable sur Ω. De plus, si a P Ω et si fpzq “

ř80 cnpz ´ aqn sur un certain disque

Dpa, rq, alors les coefficients cn sont determines de maniere unique par la fonction f :on a

@k P N : ck “f pkqpaq

k!¨

Demonstration. Soit a P Ω quelconque, et soit r ą 0 tel que Dpa, rq Ă Ω etfpzq “

ř80 cnpz´ aq

n sur Dpa, rq, pour une certaine suite de coefficients pcnq. La serieentiere Σpwq “

ř

cnwn a un rayon de convergence au moins egal a r, donc sa somme

g est infiniment C-derivable dans le disque Dp0, rq, d’apres le theoreme 3.12. Commefpzq “ gpz ´ aq dans Dpa, rq, on en deduit que f est infiniment C-derivable dansDpa, rq, donc au voisinage de a. Ceci etant vrai pour tout point a P Ω, cela signifieque f est infiniment C-derivable sur Ω. Enfin, avec les notations precedentes on af pkqpzq “ gpkqpz ´ aq “

ř8k npn´ 1q ¨ ¨ ¨ pn´ k ` 1q cnpz ´ aq

n´k pour tout z P Dpa, rq,

d’ou f pkqpaq “ k!ck ˆ 00 ` 0 “ k!ck pour tout k P N.

Corollaire 3.15. Toute fonction C-analytique est holomorphe.

4. Fonctions usuelles

4.1. Exponentielle.

Definition 4.1. Pour z “ x` iy P C, on pose ez “ exeiy “ expcos y ` i sin yq .

Cette definition suppose evidemment que l’on connaisse deja l’exponentielle reelleet les fonctions sinus et cosinus.

Proposition 4.2. On a ez ‰ 0 pour tout z P C et ez`z1

“ ezez1

pour tous z, z1.

Demonstration. Si z “ x`iy alors |ez| “ ex|eiy| “ ex car |eiy| “ 1, donc |ez| ą 0et ez ‰ 0.

Si z “ x` iy et z1 “ x1 ` iy1, alors

ez`z1

“ ex`x1`ipy`y1q “ exex

1

eipy`y1q .

Pour prouver que ez`z1

“ ezez1

, il suffit donc de verifier qu’on a eipy`y1q “ eiyeiy

1

; maisceci est la traduction des formules d’addition pour le sinus et le cosinus :

eipy`y1q “ cospy ` y1q ` i sinpy ` y1q

“ pcos y cos y1 ´ sin y sin y1q ` ipcos y sin y1 ` sin y cos y1q

“ pcos y ` i sin yqpcos y1 ` i sin y1q .

Corollaire 4.3. La fonction exponentielle est un homomorphisme surjectif depC,`q sur pC˚,ˆq, de noyau 2iπZ.

Demonstration. Notons E la fonction exponentielle. Que E soit un homorphismede pC,`q dans pC˚,ˆq est la traduction de la proposition. La surjectivite est clairepuisque tout nombre complexe w ‰ 0 peut s’ecrire w “ reiθ avec r ą 0 et θ P R, etdonc w “ elog r`iθ. Pour determiner kerpEq “ tz; ez “ 1u, on utilise le fait suivant :

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4. FONCTIONS USUELLES 19

un nombre complexe w est egal a 1 si et seulement si |w| “ 1 et Repwq “ 1. Comme|ez| “ ex si z “ x` iy, on a donc les equivalences suivantes (pour z “ x` iy) :

z P kerpEq ðñ ex “ 1 et Repezq “ 1

ðñ x “ 0 et Repeiyq “ 1

ðñ x “ 0 et cos y “ 1

ðñ x “ 0 et y P 2πZ ,ce qui prouve que kerpEq “ 2iπZ.

Corollaire 4.4. L’application θ ÞÑ eiθ est un homomorphisme surjectif de pR,`qsur pT,ˆq, de noyau 2πZ.

Remarque. Il est tres important de retenir le fait suivant, qu’on a utilise dans lapreuve du corollaire 4.3 : si z P C, alors

|ez| “ eRepzq .

Proposition 4.5. La fonction exponentielle est holomorphe sur C, avec pezq1 “ ez.

Demonstration. Notons E : R2 Ñ C la fonction exponentielle, consideree commefonction de deux variables reelles. On a E “ u` iv avec

upx, yq “ ex cos y et vpx, yq “ ex sin y .

Il est clair que E est de classe C1, et un calcul immediat montre qu’on a BuBx “ u “ Bv

By

et BvBx “ v “ ´Bu

By ¨ Ainsi, E verifie la forme reelle de l’equation de Cauchy-Riemann et

est donc holomorphe sur C. Enfin, on a

E1 “BE

Bx“Bu

Bx` iBv

Bx“ u` iv “ E .

Proposition 4.6. On a ez “8ÿ

n“0

zn

n!pour tout z P C, ou la serie converge norma-

lement sur tout compact de C.

Demonstration. La serie entiereř zn

n! a un rayon de convergence infini, donc elleconverge normalement sur tout compact de C.

Soit z P C fixe, et soit ϕ : r0, 1s Ñ C la fonction definie par ϕptq “ etz. D’apres laproposition precedente, la fonction exponentielle est infiniment C-derivable sur C, avecpeuqpkq “ eu pour tout k P N. Donc ϕ est de classe C8 sur r0, 1s, avec ϕpkqptq “ zketz

pour tout k P N. D’apres la formule de Taylor, on a

ϕp1q “ ϕp0q ` ϕ1p0q ˆ p1´ 0q ` ¨ ¨ ¨ `ϕpnqp0q

n!ˆ p1´ 0qn `

ż 1

0

p1´ tqn

n!ϕpn`1qptq dt

pour tout n P N, autrement dit

(4.1) ez “ 1` z ` ¨ ¨ ¨ `zn

n!`zn`1

n!

ż 1

0p1´ tqnetzdt .

De plus, on aˇ

ˇ

ˇ

ˇ

zn`1

n!

ż 1

0p1´ tqnetzdt

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď|z|n`1

n!

ż 1

0p1´ tqn|etz| dt

ď|z|n`1

n!ˆ eRepzq ,

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20 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

et donc zn`1

n!

ş10p1´ tq

netzdt tend vers 0 quand nÑ8. On peut donc passer a la limitedans (4.1) pour obtenir la formule souhaitee.

Exercice. En utilisant la formule du binome et le developpement en serie entierede l’exponentielle, montrer que pour tout z P C, on a

ez “ limnÑ8

´

1`z

n

¯n.

4.2. Fonctions trigonometriques. Les fonctions trigonometriques complexes sedefinissent a partir de l’exponentielle.

Definition 4.7. Pour z P C, on pose cos z “ 12pe

iz`e´izq et sin z “ 12ipe

iz´e´izq.

La verification des proprietes suivantes est laissee en exercice.

(1) Les fonctions sin et cos sont holomorphes sur C, avec sin1 “ cos et cos1 “ ´ sin.

(2) Les fonctions sin et cos sont developpables en serie entiere sur C, avec

cos z “8ÿ

n“0

p´1qnz2n

p2nq!et sin z “

8ÿ

n“0

p´1qnz2n`1

p2n` 1q!¨

(3) Les formules trigonometriques usuelles pour sinpu ` vq et cospu ` vq restentvalables pour tous u, v P C.

Lemme 4.8. On a cos z “ 0 si et seulement si z est de la forme π2 ` kπ, ou k P Z.

Demonstration. Par definition de la fonction cos, on a les equivalences suivantes :

cos z “ 0 ðñ eiz “ ´e´iz

ðñ e2iz “ ´1 “ eiπ

ðñ eip2z´πq “ 1

ðñ 2z ´ π P 2πZ .

Corollaire 4.9. La fonction tan z :“ sin zcos z est bien definie et holomorphe sur

Ω “ Cztπ2 ` kπ; k P Zu

Exercice 1. Montrer qu’on a tan1pzq “ 1` tan2 z

Exercice 2. Determiner le domaine de definitions de cotan z :“ cos zsin z ¨

4.3. Logarithmes et arguments.

Notation. On notera log : s0,8rÑ R la fonction “logarithme neperien” usuelle,i.e. la reciproque de l’exponentielle reelle.

Definition 4.10. Soit z P C˚.

(a) On dit qu’un nombre complex w est un logarithme de z si on a ew “ z.

(b) On dit qu’un nombre reel θ est un argument de z si on a eiθ “ z|z| ¨

Remarques.

(1) Si z “ reiθ avec r ą 0 et θ P R, alors w “ logprq ` iθ est un logarithme de z.

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4. FONCTIONS USUELLES 21

(2) Tout nombre complexe z ‰ 0 possede une infinite de logarithmes et d’argu-ments. Si z s’ecrit reiθ, alors les logarithmes de z sont tous les nombres de laforme wk “ logprq ` ipθ ` 2kπq ou k P Z, et les arguments de z sont tous lesnombres de la forme θk “ θ ` 2kπ.

(3) Si w est un logarithme de z alors Repwq “ log |z|, et Impwq est un argumentde z.

Demonstration. La partie (1) est evidente puisque elogprq`iθ “ elogprqeiθ “ z.Comme e2ikπ “ 1 si k P Z, on en deduit immediatement que tous les wk sont deslogarithmes de z et que tous les θk sont des arguments de z. Reciproquement, si w1

est un logarithme de z, alors ew´w1

“ zz´1 “ 1 et donc w1 ´ w P 2iπZ, ce qui prouveque w1 est un wk ; et de meme tout argument de z est un θk. Enfin, la partie (3) estevidente : si w “ x ` iy et si ew “ z, alors |z| “ ex (donc x “ log |z|) et z|z| “ eiy

(donc y est un argument de z).

Definition 4.11. La determination principale de l’argument est la fonctionarg : C˚ Ñ R definie comme suit : argpzq est l’unique argument de z appartenant al’intervalle s ´ π, πs. La determination principale du logarithme est la fonctionlog : C˚ Ñ C definie par logpzq “ log |z| ` i argpzq. Autrement dit, si z “ reiθ avecr ą 0 et θ P s ´ π, πs, alors logpzq “ logprq ` iθ.

Exemples.

(1) On a ´1 “ eiπ, donc logp´1q “ iπ. De meme, i “ e´π2 et ´i “ e´i

π2 , donc

logpiq “ iπ2 et logp´iq “ ´iπ2 .

(2) On a |1 ´ i| “?

2 et 1 ´ i “?

2´?

22 ´ i

?2

2

¯

“?

2 e´iπ4 , donc logp1 ´ iq “

log?

2´ iπ4 “logp2q

2 ´ iπ4 .

Remarque 1. La notation log est intentionnelle : la fonction log prolonge la fonctionlogarithme reelle.

Remarque 2. En general, on n’a pas logpzz1q “ logpzq ` logpz1q : cette egalite estvraie seulement modulo 2iπ. Par exemple, on a logp´1 ˆ iq “ logp´iq “ ´iπ2 , mais

logp´1q ` logpiq “ iπ ` iπ2 “ i3π2 ¨

Remarque 3. Les fonctions log et arg ne sont pas continues sur C˚. En fait, ellesne sont continues en aucun point de la forme z “ ´r, ou r ą 0.

Demonstration. Pour ε P s0, πs, posons z`ε “ reipπ´εq et z´ε “ reip´π`εq (faireun dessin). Alors z˘ε Ñ r quand ε Ñ 0`, mais argpz`ε q “ ipπ ´ εq Ñ iπ et argpz´ε q “ip´π`εq Ñ ´iπ. Donc la fonction arg est discontinue au point ´r ; et comme argpzq “Implogpzqq, on en deduit que la fonction log est egalement discontinue au point ´r.

Proposition 4.12. La fonction arg est de classe C1 sur CzR´, et la fonction logest holomorphe sur CzR´ avec log1pzq “ 1

z ¨

Demonstration. Si z “ x ` iy P CzR´, alors θ :“ argpzq P s ´ π, πr. Doncθ2 P s ´

π2 ,

π2 r et tan

`

θ2

˘

est bien definie. D’apres le theoreme de l’angle au centre et del’angle inscrit, on a

tan

ˆ

θ

2

˙

“y

x` |z|“

y

x`a

x2 ` y2¨

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22 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

De plus, comme θ2 P s ´ π2, π2r on a θ2 “ arctanptan θ2q. Donc

argpzq “ θ “ 2 arctan

˜

y

x`a

x2 ` y2

¸

,

et cette formule explicite prouve que la fonction arg est de classe C1 sur CzR´.

Comme logpzq “ log |z| ` i argpzq et que la fonction z ÞÑ log |z| “ logpa

x2 ` y2q

est de classe C1 sur C˚, la fonction log est egalement de classe C1 sur CzR´. Deplus, en differentiant la relation elog “ z, on obtient elogdplogq “ dz, autrement ditzdplogq “ dz, ou encore dplogq “ dz

z . Par consequent, log est holomorphe sur CzR´avec log1pzq “ 1

z ¨

Corollaire 4.13. Pour tout nombre complexe z, on a ez “ limnÑ8

´

1`z

n

¯n.

Demonstration. Fixons z P C. Si l’entier n est assez grand, alors 1 ` zn ‰ 0 et

on peut ecrire`

1` zn

˘n“ exp

`

n log`

1` zn

˘˘

. De plus, comme la fonction log est C-

derivable en 1 avec log1p1q “ 1 et comme logp1q “ 0, on voit que logp1` uq „ u quanduÑ 0. Par consequent, n log

`

1` zn

˘

tend vers z quand nÑ8 et donc`

1` zn

˘ntend

vers ez.

Proposition 4.14. Dans le disque unite D “ Dp0, 1q, on a

logp1´ zq “ ´8ÿ

n“1

zn

n,

ou la serie converge normalement sur tout compact de D.

Demonstration. La serie entiereř

ně1zn

n a un rayon de convergence egal a 1,donc elle converge normalement sur tout compact de Dp0, 1q “ D.

Si z P D, alors 1 ´ z P Dp1, 1q Ă CzR´ (faire un dessin). Donc fpzq “ logp1 ´ zqest bien definie et holomorphe sur D, avec f 1pzq “ ´ 1

1´z et fp0q “ logp1q “ 0. D’apres

le theoreme fondamental de l’analyse (corollaire 2.8), on a donc

logp1´ zq “ 0´

ż 1

0

1

1´ tzˆ zdt “ ´z

ż 1

0

1

1´ tz

pour tout point z P D. De plus, pour z P D fixe on a

1

1´ tz“

8ÿ

k“0

ptzqk ,

ou la serie geometrique converge normalement sur r0, 1s car |tz| ď |z| ă 1 pour toutt P r0, 1s. On en deduit

logp1´ zq “ ´z

ż 1

0

˜

8ÿ

k“0

ptzqk

¸

dt

“ ´ÿ

ż

“ ´

8ÿ

k“0

zk`1 ˆ

ż 1

0tk dt

“ ´

ż 8

k“0

zk`1

k ` 1,

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4. FONCTIONS USUELLES 23

ce qui est la formule souhaitee. L’interversion de la somme infinie et de l’integrale estjustifiee par la convergence normale de la serie sur r0, 1s.

Definition 4.15. Soit A Ă C˚. On dit qu’une fonction L : A Ñ C est unedetermination du logarithme sur A si on a eLpzq “ z pour tout z P A, et qu’unefonction Θ “ AÑ R est une determination de l’argument si Θpzq est un argumentde z pour tout z P A.

Remarque 4.16. Il n’existe aucune determination continue de l’argument sur lecercle T “ tz P C; |z| “ 1u et aucune determination continue du logarithme sur C˚.

Demonstration. Supposons qu’il existe une determination continue de l’argu-ment sur T, i.e. une fonction continue Θ : TÑ R telle que eiΘpzq “ z pour tout z P T.

On a alors eiΘpeitq “ eit pour tout t P R, autrement dit eipΘpe

itq´tq “ 1. Donc la fonctionϕ : RÑ R definie par ϕptq “ Θpeitq ´ t est a valeurs dans 2πZ. Comme ϕ est de pluscontinue, elle est donc constante d’apres le theoreme des valeurs intermediaires (ϕpRqdoit etre un intervalle contenu dans 2πZ). Il existe donc un entier k tel que

@t P R : Θpeitq “ t` 2kπ ,

ce qui est absurde car le membre de gauche est 2π-periodique mais le membre de droitene l’est pas.

Si L est une determination du logarithme sur C˚ alors Lpzq “ log |z| ` iΘpzq, ouΘ est une determination de l’argument. D’apres ce qui precede, Θ ne peut pas etrecontinue sur C˚, donc L non plus puisque Θpzq “ ImpLpzqq.

Exercice. Montrer que si L est une determination C1 du logarithme dans un ouvertΩ Ă C˚, alors L est holomorphe et L1pzq “ 1

z ¨

Proposition 4.17. Soit I “sα, βr un intervalle ouvert de longueur 2π, et soit∆I Ă C la demi-droite R`eiα. Pour z P Cz∆I , on note argIpzq l’unique argument de zappartenant a l’intervalle I, et on pose logIpzq “ log |z| ` i argIpzq. Alors argI est unedetermination C1 de l’argument dans Cz∆I , et logI est une determination holomorphedu logarithme. On dit que logI et argI sont les determinations du logarithme et del’argument obtenues en choisissant l’argument dans I.

Demonstration. On a I “sα, α ` 2πr puisque I est de longueur 2π. En faisantun dessin, on voit qu’un nombre complexe z appartient a Cz∆I si et seulement si

ze´ipπ`αq P CzR´ (en tournant d’un angle ´pα ` πq, on passe de ∆I a R´). Dans ce

cas, on a argpze´ipπ`αqq P s ´ π, πr et donc argpze´ipπ`αqq ` pπ ` αq P sα, α ` 2πr“ I.

Comme argpze´ipπ`αqq ` pπ ` αq est un argument de z, on en deduit que argIpzq “

argpze´ipπ`αqq ` pπ`αq pour tout z P Cz∆I . D’apres la proposition 4.12, cela montreque argI est de classe C1, et on en deduit comme plus haut que logI est holomorpheavec log1Ipzq “

1z ¨

Remarque. Avec les notations de la proposition, on a args´π,πr “ arg et logs´π,πr “

log sur CzR´.

Corollaire 4.18. Pour toute demi-droite ∆ Ă C d’origine 0, on peut trouver unedetermination C1 de l’argument et une determination holomorphe du logarithme surCz∆.

Demonstration. Toute demi-droite ∆ d’origine 0 est une ∆I .

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24 1. FONCTIONS HOLOMORPHES : DEFINITIONS ET EXEMPLES

Corollaire 4.19. Pour tout nombre complexe z0 ‰ 0, il existe une determinationholomorphe du logarithme definie sur un voisinage V de z0.

Demonstration. Il suffit de choisir une demi-droite ∆ d’origine 0 ne passant paspar z0 (par exemple ∆ “ R´z0), et de poser V “ Cz∆.

4.4. Fonctions puissances.

Definition 4.20. Soit L une determination holomorphe du logarithme sur un ou-vert Ω Ă C˚. La determination de zλ associee a L est la fonction z ÞÑ eλLpzq.Autrement dit, si z “ reiΘpzq, ou Θ est la determination de l’argument associee a L,alors

zλ “ rλeiλΘpzq .

Remarque. Il est important d’avoir compris que zλ depend de la determinationdu logarithme consideree, autrement dit du choix de l’argument. Par exemple, si onveut calculer p´1q13 en choisissant l’argument dans s0, 2πr, alors on trouve p´1q13 “

peiπq13 “ eiπ3 ; mais si on choisit l’argument dans s2π, 4πr, on trouve p´1q13 “

pei3πq13 “ eiπ “ ´1.

On laisse en exercice la verification des (importantes) proprietes suivantes.

(1) Si λ “ n P N˚, alors zλ “ z ˆ ¨ ¨ ¨ ˆ zlooooomooooon

n fois

“ ¨ ¨ ¨ zn, quelle que soit la determination

de l’argument choisie ; et z0 “ 1.

(2) Si on choisit l’argument dans s ´ π, πr et si λ P R, alors la fonction zλ (dontle domaine de definition est CzR´) prolonge la fonction puissance xλ usuelle(definie sur s0,8r).

(3) Si λ P R alors |zλ| “ |z|λ, quelle que soit la determination de l’argumentchoisie.

(4) Si Ω “ Cz∆ pour une demi-droite ∆ ‰ r0,8r et si on choisit l’argument dans

un intervalle I contenant 0, alors |xλ| “ xRepλq pour tout x P s0,8r.

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Chapitre 2

Integrale curviligne

1. Definition et proprietes elementaires

1.1. Definitions.

Definition 1.1. Soit Ω un ouvert de C. Un chemin dans Ω est une applicationcontinue γ : ra, bs Ñ Ω, ou ra, bs est intervalle compact de R. On dit qu’un cheminγ : ra, bs Ñ Ω est ferme (ou encore que γ est un lacet) si on a γpbq “ γpaq.

On dit qu’un chemin γ est de classe C1 par morceaux si on peut subdiviserson intervalle de parametrage ra, bs en intervalles ra0, a1s, ra1, a2s, . . . , raN´1, aN s surlesquels γ est de classe C1.

Definition 1.2. Si γ : ra, bs Ñ C est un chemin de classe C1 par morceaux d’imageΓ et si ω est une 1-forme differentielle continue sur un ouvert Ω contenant Γ, on definitl’integrale de ω sur γ par la formule

ż

γω “

ż b

aωpγptqqγ1ptq dt .

Remarque 1. Cette definition a bien un sens car la fonction sous l’integrale (qui estdefinie sauf en un nombre fini de points) est continue par morceaux sur ra, bs.

Remarque 2. Pour que l’integrale curviligneş

γ ω ait un sens, il suffit en fait que ω

soit definie et continue sur l’image Γ de γ.

Pratique du calcul.

(1) Cas ou ω est de la forme Pdx ` Qdy. En ecrivant γptq “ pxptq, yptqq, on aωpγptqq “ P pxptq, yptqqπ1 ` Qpxptq, yptqqπ2 pour tout t P ra, bs, ou π1 et π2 sont lesdeux “applications lineaires coordonnees”. Donc ωpγptqqγ1ptq “ P pxptq, yptqqx1ptq `Qpxptq, yptqqy1ptq, et on obtient

ż

γPdx`Qdy “

ż b

aP pxptq, yptqqx1ptqdt`

ż b

aQpxptq, yptqq y1ptqdt .

Pour calculerş

γ Pdx ` Qy, on procede donc “mecaniquement” comme suit : onpose

x “ xptq , y “ yptq , dx “ x1ptqdt , dy “ y1ptqdt ,

et on integre entre a et b.

Exemple. Soit f : RÑ C une fonction continue, et notons P : R2 Ñ R la fonctiondefinie par P px, yq “ fpxq. Soit egalement ra, bs un itervalle de R et soit v P R. Si onnote γ : ra, bs Ñ C le chemin defini par γptq “ t` iv “ pt, vq, alors

ż

γPdx “

ż b

afpxq dx .

25

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26 2. INTEGRALE CURVILIGNE

Ainsi, l’integrale des fonctions d’une variable est un cas particulier d’integrale cur-viligne.

(2) Cas ou ω est de la forme Adz ` Bdz. Dans ce cas, on a ωpγptqq “ ApγptqqI `BpγptqqI pour tout t P ra, bs, ou Iphq “ h et Iphq “ h. Donc ωpγptqqγ1ptq “ Apγptqq ˆ

γ1ptq `Bpγptqq ˆ γ1ptq et donc

ż

γAdz `Bdz “

ż b

aApγptqq γ1ptqdt`

ż b

aBpγptqq γ1ptqdt .

Ainsi, pour calculerş

γ Adz `Bdz, on pose

z “ γptq , dz “ γ1ptqdt , dz “ γ1ptq dt,

et on integre entre a et b.

Exemple. Soit R ą 0, et soit γR : r0, 2πs Ñ C˚ le chemin (ferme) defini parγptq “ Reit. Alors

ż

γR

dz

z“ 2iπ .

Demonstration. On pose z “ Reit, dz “ iReitdt, ce qui donneż

γR

dz

z“

ż 2pi

0

iReitdt

Reit“

ż 2

0πi dt “ 2iπ .

Exercice. Pour n P Z, calculerş

γndzz , ou γn : r0, 2πs Ñ C˚ est defini par γnptq “

eint.

1.2. Proprietes de l’integrale curviligne. Dans ce qui suit, Ω est un ouvertde C, et tous les chemins γ : ra, bs Ñ Ω sont de classe C1 par morceaux.

Proposition 1.3. (additivite)Soit γ : ra, bs Ñ Ω un chemin dans Ω, et soit c P ra, bs. Alors

ż

γω “

ż

γ|ra,cs

ω `

ż

γ|rc,bs

ω

pour toute 1-forme differentielle ω continue sur Ω.

Demonstration. C’est evident par definition de l’integrale curviligne.

Remarque. Un des interets de ce resultat est qu’il permet de se ramener a deschemins de classe C1.

Proposition 1.4. (theoreme fondamental de l’analyse)Soit F P C1pΩq. Pour tout chemin γ : ra, bs Ñ Ω, on a

ż

γdF “ F pγpbqq ´ F pγpaqq .

En particulier,ş

γ dF ne depend que des extremites du chemin γ.

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1. DEFINITION ET PROPRIETES ELEMENTAIRES 27

Demonstration. Supposons d’abord que γ soit de classe C1 sur ra, bs. Alors lafonction F ˝ γ est de classe C1, avec pF ˝ γq1ptq “ dF pγptqqγ1ptq. On a donc

ż

γdF “

ż b

apF ˝ γq1ptq dt “ rF ˝ γsba ,

ce qui est la formule souhaitee.Dans le cas general, choisissons une subdivision a “ a0 ă a1 ¨ ¨ ¨ ă aN “ b de

l’intervalle ra, bs telle que γ soit de classe C1 sur rai, ai`1s, pour tout i P t0, . . . , N ´1u.D’apres la proposition 1.3 et le “cas C1”, on a

ż

γdF “

N´1ÿ

i“0

ż

γ|rai,ai`1s

dF

´

F pγ1q ´ F pγ0q

¯

`

´

F pγ2q ´ F pγ1q

¯

` ¨ ¨ ¨ `

´

F pγN q ´ F pγN´1q

¯

“ F pγpaN qq ´ F pγpa0qq ,

d’ou le resultat.

Corollaire 1.5. Si γ : ra, bs Ñ Ω est un chemin ferme, alorsş

γ dF “ 0 pour

toute fonction F P C1pΩq.

Demonstration. C’est evident puisque γpbq “ γpaq.

Definition 1.6. (changement de parametre)

(1) Un changement de parametre est une bijection continue s : ra, bs Ñ rc, dsentre deux intervalles compacts de R.

(2) On dit que deux chemins γ1 : ra, bs Ñ Ω et γ2 : rc, ds Ñ Ω sont

- equivalents s’il existe un changement de parametre croissant s : ra, bs Ñrc, ds tel que γ1ptq “ γ2psptqq pour tout t P ra, bs ;

- anti-equivalents s’il existe un changement de parametre decroissanttel que γ1 “ γ2 ˝ s.

Remarque. Intuitivement, deux chemins sont equivalents s’ils decrivent la memecourbe, dans le meme sens (mais peut-etre pas a la meme vitesse) ; et deux cheminssont anti-equivalents s’ils decrivent la meme courbe “en sens contraire”.

Exemples. (i) Les chemins γ1 : r0, 2πs Ñ C˚ et γ2 : r0, πs Ñ C˚ definis parγ1ptq “ eit et γ2psq “ e2is sont equivalents.

(ii) Les chemins γ1 : r0, 2πs Ñ C˚ et γ2 : r0, 2πs Ñ C˚ definis par γ1ptq “ eit etγ2ptq “ e´it sont anti-equivalents.

(iii) Pour tout chemin γ : ra, bs Ñ C, on definit le chemin inverse qγ : ra, bs Ñ Cpar la formule qγptq “ γpa` b´ tq. Alors γ et qγ sont anti-equivalents. Lorsquera, bs “ r0, 1s, on a qγptq “ γp1´ tq.

Proposition 1.7. (invariance de l’integrale par changement de parametre)Soient γ1 : ra, bs Ñ Ω et γ2 : rc, ds Ñ Ω deux chemins dans Ω.

(1) Si γ1 et γ2 sont equivalents, alorsş

γ1ω “

ş

γ1ω pour toute 1-forme differentielle

ω continue sur Ω.

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28 2. INTEGRALE CURVILIGNE

(2) Si γ1 et γ2 sont anti-equivalents, alorsş

γ1ω “ ´

ş

γ1ω pour toute 1-forme ω.

Demonstration. Soit s : ra, bs Ñ rc, ds un changement de parametre tel queγ1 “ γ2 ˝ s, croisant dans le cas (1) et decroissant dans le cas (2). Soit egalement ωune 1-forme continue sur Ω.

Supposons d’abord que γ1, γ2 et s soient de classe C1. On a alors γ11ptq “ γ12psptqqs1ptq

pour tout t P ra, bs, et doncż

γ1

ω “

ż b

aωpγ1ptqqps

1ptqγ12psptqqq dt

ż b

aωpγ2psptqqγ

12ppsptqq ˆ s

1ptqdt

ż spbq

spaqωpγ2psqqγ

1psq ds ,

ou on a effectue le changement de variable s “ sptq. Dans le cas (1), s est croissant, donc

spaq “ c et spbq “ d, et doncş

γ1ω “

şdc ωpγ2psqqγ

1psq ds “ş

γ2ω. Dans le cas (2), on a

spaq “ d et spbq “ c, doncş

γ1ω “

şcd ωpγ2psqqγ

1psq ds “ ´şdc ωpγ2psqqγ

1psq ds “ ´ş

γ2ω.

Si γ1,γ2 et s sont de classe C1 par morceaux, on se ramene au “cas C1” en subdivisantconvenablement les intervalles ra, bs et rc, ds : plus precisement, on subdivise ra, bs enintervalles rai, ai`1s sur lesquels γ1 et s sont de classe C1 et tels que γ2 est C1 sursprai, ai`1sq, et on utilise la proposition 1.3.

Le cas ou le changement de parametre s est seulement suppose continu est un peuplus delicat, et on l’admettra.

Corollaire 1.8. Si γ est un chemin dans Ω, alorsş

γ ω “ ´ş

qγ ω pour toute 1-

forme ω continue sur Ω.

1.3. Courbes simples.

Definition 1.9. Une courbe simple dans le plan est un compact Γ Ă C qui estl’image d’un chemin γ : ra, bs Ñ C injectif (on dit encore sans point double), avecun intervalle ra, bs non reduit a point. On dit alors que γ est un parametrage de lacourbe Γ.

Remarque. Si γ : ra, bs Ñ C est une application continue et injective, alors γ est unhomeomorphisme de ra, bs sur γpra, bsq, par compacite de ra, bs. Donc, toute courbesimple Γ Ă C est homeomorphe a l’intervalle r0, 1s. En particulier, Γ possede deuxextremites p et q, qui correspondent aux extremites 0 et 1 de r0, 1s. On peut lescaracteriser de la facon suivante : ce sont les deux seuls points de Γ tels que Γztpu etΓztqu sont connexes.

Definition 1.10. Soit Γ Ă C une courbe simple d’extremites p et q. On dit qu’ona oriente Γ si on a choisi un “sens de parcours” sur Γ : de p vers q, ou de q vers p.Il y a donc exactement 2 manieres d’orienter Γ.

Remarque. Tout parametrage γ : ra, bs Ñ C de Γ definit une orientation de Γ (“deγpaq vers γpbq”).

Lemme 1.11. Soient γ1 et γ2 deux parametrages d’une meme courbe simple Γ Ă C.

(1) Si γ1 et γ2 definisent la meme orientation de Γ, alors γ1 et γ2 sont equivalents.

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1. DEFINITION ET PROPRIETES ELEMENTAIRES 29

(2) Si γ1 et γ2 definisent des orientations inverses, alors ils sont anti-equivalents.

Demonstration. En notant ra, bs et rc, ds les intervalles de definition de γ1 etγ2, on sait que γ1 : ra, bs Ñ Γ et γ2 : rc, ds Ñ Γ sont des homeomorphismes. Doncl’application s “ γ´1

2 ˝ γ1 : ra, bs Ñ rc, ds est un changement de parametre tel queγ1 “ γ2 ˝ s. Si γ1 et γ2 definissent la meme orientation de Γ, alors γ1paq “ γ2pcq etγ1pbq “ γ2pdq, donc spaq “ c et spbq “ d, et s est croissant. Si γ1 et γ2 definissent desorientations inverses, alors γ1paq “ γ2pdq et γ1pbq “ γ2pcq, donc spaq “ d et spbq “ c,et s est decroissant.

Ce lemme rend legitime la definition suivante.

Definition 1.12. Soit Γ Ă C une courbe simple orientee. Si ω est une 1-formedifferentielle continue au voisinage de Γ, on definit l’integrale de ω sur Γ par

ş

Γ ω “ş

γ ω, ou γ : ra, bs Ñ C est n’importe quel parametrage de Γ compatible avec l’orienta-tion.

Exemple. (segments orientes)

(1) Si p, q P C, on notera rp, qs Ă C le segment d’extremites p et q, et rpqs (sansla virgule) le segment rp, qs oriente de p vers q. On a alors

ż

rpqsω “ ´

ż

rqpsω

pour toute 1-forme differentielle ω continue au voisinage de rp, qs.

(2) On peut parametrer un segment oriente rpqs par le chemin γ : r0, 1s Ñ C definipar γptq “ p` tpq ´ pq “ p1´ tqp` tq. Le chemin inverse qγptq “ tp` p1´ tqqparametre le segment oriente rqps.

(3) Si rp, qs est un segment horizontal de la forme ra, bsˆtvu, il est plus naturel deparametrer rpqs directement par l’intervalle ra, bs, i.e. de poser γpxq “ px, vq,x P ra, bs. Si ω “ Pdx`Qdy est une forme differentielle continue au voisinagede rp, qs, on a alors

ż

rpqsPdx`Qdy “

ż b

aP px, vq dx et

ż

rqpsPdx`Qdy “ ´

ż b

aP px, vq dx .

De meme, si rp, qs est un segment vertical tuu ˆ rc, ds alors rpqs se parametrepar γpyq “ pu, yq, y P ra, bs, et donc

ż

rpqsPdx`Qdy “

ż d

cQpu, yqdy et

ż

rqpsPdx`Qdy “ ´

ż d

cQpu, yqdy .

(4) Si ξ P C, alors le segment oriente r0ξs se parametre par γptq “ tξ, t P r0, 1s.

1.4. Longueur d’un chemin.

Definition 1.13. Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin de classe C1 par morceaux. La

longueur de γ est le nombre lpγq defini par lpγq “şba |γ

1ptq| dt.

Exemples. (1) Soient p, q P C et soit γ : r0, 1s Ñ C le parametrage natureldu segment rp, qs, i.e. γptq “ p1 ´ tqp ` tq “ p ` tpq ´ pq. On a γ1ptq “ q ´ p

pour tout t P r0, 1s, donc lpγq “ş10 |q´ p| dt “ |q´ p|, ce qui est bien la valeur

attendue pour la longueur de rp, qs.

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30 2. INTEGRALE CURVILIGNE

(2) Soient a P C et R ą 0. Le chemin γ : r0, 2πs Ñ C defini par γptq “ a ` Reit

parametre le cercle tz P C; |z ´ a| “ Ru, donc on s’attend a trouver lpγq “2πR. Et de fait, on a |γ1ptq| “ iReit pour tout t P r0, 1s, donc |γ1ptq| “ R et

lpγq “ş2π0 Rdt “ 2πR.

Proposition 1.14. Deux chemins equivalents ou anti-equivalents ont la memelongueur.

Demonstration. Soient γ1 : ra, bs Ñ C et γ2 : rc, ds Ñ C deux chemins equivalentsou anti-equivalents, et soit s : ra, bs Ñ rc, ds un changement de parametre tel queγ1ptq “ γ2psptqq.

Si s est de classe C1 (ou C1 par morceaux), on peut montrer que lpγ1q “ lpγ2q enutilisant la formule de changement de variable, exactement comme dans la preuve dela proposition 1.7 : c’est un bon exercice.

Pour un changement de parametre seulement continu, on doit proceder differemment.Tout repose sur le fait suivant, que l’on admettra :

Fait. Soit ru, vs un intervalle de R. Appelons subdivision de ru, vs toute suite finiede la forme t “ pt0, t1, . . . , tN q, avec ou bien u “ t0 ă t1 ă ¨ ¨ ¨ ă tN “ v ou bienv “ t0 ą t1 ą ¨ ¨ ¨ ą tN “ u. Soit egalement γ : ru, vs Ñ C un chemin de classe C1 parmorceaux. Pour toute subdivision t “ pt0, t1, . . . , tN q de ru, vs, posons

lpγ, tq “N´1ÿ

i“0

|γpti`1q ´ γptiq| .

Avec ces notations, on a lpγq “ sup tlpγ, tq; t subdivision de ru, vsu .

En admettant ce fait, la preuve de la proposition est immediate. En effet, quandt “ pt0, . . . , tN q decrit l’ensemble des subdivisions de ra, bs, alors st :“ pspt0q, . . . , sptN qqdecrit l’ensemble des subdivisions de rc, ds car s est une bijection strictement monotonede ra, bs sur rc, ds, et on a lpγ1, tq “ lpγ2, stq pour toute subdivision t ; donc la formuleprecedente donne directement lpγ1q “ lpγ2q.

Exercice. Essayer de donner une preuve de la proposition 1.7 en s’inspirant de lademonstration precedente.

Corollaire 1.15. On peut definir la longueur d’une courbe (simple) Γ Ă C :c’est la longueur de n’importe quel parametrage de Γ.

Exercice. Calculer la longueur de l’arc de la parabole d’equation y “ x2 joignantles points p0, 0q et p1, 1q.

Notation. Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin de classe C1 par morceaux, d’image Γ.Pour toute fonction continue ϕ definie sur Γ, on posera

ż

γϕpzq| |dz| “

ż b

a“ ϕpγptqq |γ1ptq| dt .

En particulier, on a lpγq “ş

γ 1 |dz| “ş

γ |dz|.

La notation est utile lorsqu’on veut majorer le module d’une integrale curviligne :c’est le contenu du lemme suivant.

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2. LA FORMULE DE GREEN-RIEMANN 31

Lemme 1.16. Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin de classe C1 par morceaux d’image Γ.Si f est une fonction continue sur un ouvert contenant Γ, alors

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

γfpzqdz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

ż

γ|fpzq| |dz| ď lpγq ˆ sup

zPΓ|fpzq| .

Demonstration. Il suffit d’ecrireş

fpzqdz “şba fpγptqqγ

1ptqdt et de majorer lemodule de l’integrale par l’integrale du module.

2. La formule de Green-Riemann

Le but de cette section est d’etablir une “formule magique” sur laquelle sera baseetoute la theorie des fonctions holomorphes.

2.1. Domaines elementaires.

Definition 2.1. On dit qu’un compact Γ Ă C est une courbe de Jordan fermeesi Γ est l’image d’un chemin γ : ra, bs Ñ C ferme et “sans points doubles”, i.e. tel queγ|ra,br est injectif.

Par exemple : un cercle, le bord d’un triangle, le bord d’un rectangle sont descourbes de Jordan fermees.

Exercice. Montrer qu’un compact Γ est une courbe de Jordan fermee si et seulementsi Γ est homeomorphe au cercle T “ tz P C; |z| “ 1u.

Definition 2.2. On dit qu’un compact K Ă C est un domaine elementaire siles conditions suivantes sont satisfaites.

(1) K est l’adherence de son interieur, et sa frontiere BK est reunion d’un nombrefini de courbes de Jordan fermes deux-a-deux disjointes Γ1, . . . ,ΓN .

(2) Chaque courbe Γj admet un parametrage γj possedant les proprietes sui-vantes :

(a) γj est de classe C2 par morceaux, et γ1jptq ‰ 0 en tout point de derivabilite ;

(b) lorsqu’on parcourt Γj en suivant le parametrage γj, on a constammentl’interieur du domaine K “a sa gauche”.

Remarque 1. La signification precise de (2) est la suivante. Soit raj , bjs l’intervallede definition de γj . En tout point t P saj , bjr ou γj est derivable, notons njptq le vecteurunitaire orthogonal a γ1jptq tel que pγ1jptq,njptqq soit oriente dans le sens direct. Alors

njptq “pointe vers l’interieur de K” : on peut trouver ε ą 0 tel que sγjptq, γjptq `

εnjptqs Ă K et rγjptq ´ εnjptq, γjptqrXK “ H.

Remarque 2. Si γj verifie (2), on dira que γj est un parametrage admissiblede Γj ; et si γ1, . . . , γN verifient tous (2), on dira que pγ1, . . . , γN q est un parametrageadmissible de BK.

Exemple 1. Un disque ferme, un rectangle ferme, un triangle ferme sont des do-maines elementaires. Dans chaque cas, un parametrage admissible de BK fait parcourirBK dans le sens trigonometrique.

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32 2. INTEGRALE CURVILIGNE

Exemple 2. Si a P C et si r et R verifient 0 ă r ă R, alors la couronne fermeeK “ Dpa,RqzDpa, rq “ tz P C; r ď |z ´ a| ď Ru est un domaine elementaire, avecBK “ BDpa,RqYBDpa, rq. Un parametrage admissible de BK fait parcourir le “grand”cercle BDpa,Rq dans le sens trigonometrique, et le “petit” cercle BDpa, rq dans le sensanti-trigonometrique.

Exemple 3. Plus generalement, si D,D1, . . . , Dn sont des disques ouverts tels queDj Ă D pour tout j et les Dj sont deux a deux disjoints, alors le “disque a trous”

K “ DzpD1 Y ¨ ¨ ¨ Y Dnq est un domaine elementaire, avec BK “ BD YŤn

1 BDj . Legrand cercle BD doit etre oriente dans le sens trigonometrique, et les petits cercles BDj

dans le sens anti-trigonometrique.

Lemme 2.3. Soit K Ă C un domaine elementaire de frontiere BK “ Γ1Y¨ ¨ ¨YΓN ,et soit ω une 1-forme differentielle continue sur un ouvert contenant K. Pour toutj P t1, . . . , Nu, l’integrale

ş

γjω est independante du parametrage admissible γj de Γj.

Preuve abregee. Fixons j P t1, . . . , Nu. Il s’agit de montrer que si γ1 : ra1, b1s ÑC et γ2 : ra2, b2s Ñ C sont deux parametrages admissibles de Γj , alors

ş

γ1 ω “ş

γ2 ω.

Pour ne pas perdre de temps, on admettra qu’on peut se ramener au cas ou γ1 etγ2 sont de classe C1 et ont le meme point de depart (i.e. γ1pa1q “ γ2pa2q), et que dansce cas il existe un changement de parametre s : ra1, b1s Ñ ra2, b2s tel que γ1 “ γ2 ˝ s. Ilreste a voir que ce changement de parametre est croissant, car on pourra alors conclureque γ1 et γ2 sont equivalents et appliquer la proposition 1.7.

Le point cle est que le changement de parametre s ( apriori seulement continu) estderivable en tout point t P sa1, b1r. Pour le voir, il suffit d’ecrire

γ1pt` hq ´ γ11ptq

h“

γ2pspt` hqq ´ γ2psptqq

h

“γ2pspt` hqq ´ γ2psptqq

spt` hq ´ sptqˆspt` hq ´ sptq

Quand h tend vers 0, le membre de gauche tend vers pγ1q1ptq, et γ2pspt`hqq´γ2psptqqspt`hq´sptq tend

vers pγ2q1psptqq car spt` hq tend vers sptq par continuite de s. Comme pγ2q1psptqq ‰ 0

(par definition d’un parametrage admissible), on en deduit que spt`hq´sptqh tend vers

pγ1q1ptqpγ2q1psptqq

, et donc que s est derivable au point t.

Maintenant qu’on sait que s est derivable, on peut ecrire

(2.1) pγ1q1ptq “ s1ptq ˆ pγ2q1psptqq.

Cette identite montre que pour tout point t P sa1, b1r, les vecteurs pγ1q1ptq et pγ2q1psptqqsont colineaires, et donc que les vecteurs “normaux” nγ1ptq et nγ2psptqq le sont egalement.

Comme ces deux vecteurs (attaches au meme point ξ “ γ1ptq “ γ2psptqq de Γj pointenttous les deux vers l’interieur de K par definition d’un parametrage admissible, ils sontnecessairement de meme sens. Par consequent, pγ1q1ptq et pγ2q1psptqq sont eux aussi dememe sens, et en revenant a (2.1) on en conclut que s1ptq ě 0, pour tout t P sa1, b1r.Ainsi, le changement de parametre s est croissant, ce qui acheve la demonstration.

Definition 2.4. Soit K Ă C un domaine elementaire. Si ω est une 1-formedifferetielle continue sur un ouvert contenant K, on definit l’integrale de ω sur

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2. LA FORMULE DE GREEN-RIEMANN 33

BK par la formuleż

BKω “

Nÿ

j“1

ż

γj

ω ,

ou pγ1, . . . , γN q est n’importe quel parametrage admissible de BK.

Remarque. Comme K est l’adherence de son interieur, on a BK “ BpKq, donc onpeut ecrire

ş

BpKq au lieu deş

BK . On le fera systematiquement lorsque K est un disque

ferme D ; autrement dit, on ecrira toujoursş

BD au lieu deş

BD.

Exemple 1. Si D “ Dpa, rq est un disque ouvert et si ω est de la forme fdz, alorsż

BDfpzq dz “

ż 2π

0fpa` reitq ireit dt .

Exemple 2. Soit R un rectangle ra, bs ˆ rc, ds. Notons A,B,C,D les sommets deR, en commencant par le sommet inferieur gauche A “ pa, cq et en “tournant dansle sens trigonometrique”. On obtient un parametrage admissible de BR en “mettantbout a bout” des parametrages des segments orientes rABs, rBCs, rCDs, rDAs. Siω “ Pdx`Qdy, on obtient donc (d’apres la propriete d’additivite)ż

BRPdx`Qdy “

ż

rABs`

ż

rBCs`

ż

rCDs`

ż

rDAs

ż b

aP px, cq dx`

ż d

cQpb, yq dy ´

ż b

aP px, dq dx´

ż d

cQpa, yq dy .

Exemple 3. Si K est un“disque a trous”, K “ DzŤn

1 Dj , alors (compte tenu desconventions d’orientation)

ż

BKω “

ż

BDω ´

nÿ

j“1

ż

BDj

ω .

2.2. La formule. On peut maintenant enoncer la formule de Green-Riemann.

Theoreme 2.5. (formule de Green-Riemann)Soit K Ă C un domaine elementaire. Si ω “ Pdx`Qdy est une 1-forme differentielle

de classe C1 sur un ouvert contenant K, alorsż

BKPdx`Qdy “

ż

K

ˆ

BQ

Bx´BP

By

˙

dxdy .

Remarque. Si ω “ Adz `Bdz, alors la formule de Green-Riemann s’ecritż

BKAdz `Bdz “ ´2i

ż

K

ˆ

BB

Bz´BA

Bz

˙

dxdy .

Demonstration. D’apres les formules de “changement de base”, on a Adz `Bdz “ Pdx`Qdy, ou P “ A`B et Q “ ipA´Bq. Il s’agit donc de verifier qu’on a

BpipA´Bqq

Bx´BpA`Bq

By“ ´2i

ˆ

BB

Bz´BA

Bz

˙

,

ce qui n’est pas difiicile.

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34 2. INTEGRALE CURVILIGNE

Corollaire 2.6. Si f est une fonction de classe C1 au voisinage d’un domaineelementaire K, alors

ż

BKAdz “ 2i

ż

K

BA

Bzdxdy .

La preuve de la formule de Green-Riemann va se faire en considerant plusieurs cas,de plus en plus generaux. Pour plus de “lisibilite”, on s’abstiendra de demontrer endetail certains points techniques.

Cas 1. Le domaine K est un rectangle ra, bs ˆ rc, ds.

Dans ce cas, c’est un calcul assez facile, mais cependant non-trivial et en fait tresinstructif :ż

BKPdx`Qdy “

ż b

aP px, cq dx`

ż d

cQpb, yq dy ´

ż b

aP px, dq dx´

ż d

cQpa, yq dy

ż d

c

Qpb, yq ´Qpa, yqı

dy ´

ż b

a

P px, dq ´ P px, dqı

dx

ż d

c

ˆż b

a

BQ

Bxpx, yq dx

˙

dy ´

ż b

a

ˆż d

c

BP

Bypx, yq dy

˙

dx

ż

K

ˆ

BQ

Bx´BP

By

˙

dxdy ,

ou on a utilise le theoreme fondamental de l’analyse et le theoreme de Fubini.

Cas 2. Le domaine K est un “rectangle deforme”.

De facon precise, supposons que K soit de la forme K “ ΦpRq, ou R “ ra, bsˆrc, dsest un rectangle et Φ est un diffeomorphisme de classe C2 d’un ouvert U Ă C contenantR sur un ouvert U 1 Ă C. On va se ramener au cas 1 au prix de quelques calculs et al’aide de la formule de changement de variables.

Comme le rectangle R est connexe, on peut supposer que U est connexe, quittea remplacer U par la composante connexe de U contenant R. Comme Φ est undiffeomorphisme, le determinant jacobien JΦ ne s’annule pas, et garde donc un signeconstant sur U par connexite (et par continuite de JΦ). Quitte a remplacer R parR˚ “ rc, ds ˆ ra, bs et Φ par le diffeomorphisme Φ˚ defini par Φ˚pu, vq “ Φpv, uq(qui verifie JΦ˚pu, vq “ ´JΦpv, uq, on peut supposer qu’on a JΦpu, vq ą 0 pour toutpu, vq P U .

La condition JΦpu, vq ą 0 signifie que le diffeomorphime Φ “preserve l’orientationen tout point”. Cela rend plausible fait suivant, que l’on admettra car sa preuve n’estpas particulierement eclairante.

Fait. Si γ est un parametrage admissible de BR, alors Φ ˝ γ est un parametrageadmissible de BK.

On va se contenter d’etablir la formule de Green-Riemann dans le cas d’une formedifferentielle du type ω “ Pdx, ou P est une fonction de classe C1. (Le cas ω “ Qdyse traite de la meme facon, et le cas general s’obtient en faisant la somme de ces deuxcas particuliers). Il s’agit donc de verifier qu’on a

ż

BKP dx “ ´

ż

K

BP

Bydxdy .

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2. LA FORMULE DE GREEN-RIEMANN 35

Dans la suite, on ecrira

Φpu, vq “ pXpu, vq, Y pu, vqq .

Avec ces notations, le determinant jacobien JΦ est donne par la formule

JΦ “BX

Bu

BY

Bv´BX

Bv

BY

Bu,

ce qui servira plus bas.Soit γ : ra, bs Ñ C un parametrage admissible de BR. D’apres le fait, on a

ż

BKP dx “

ż

Φ˝γP dx

ż b

aP pΦ ˝ γptqq pX ˝ γq1ptq dt

ż b

apP ˝ Φqpγptqq dXpγptqqγ1ptq dt

ż

γpP ˝ Φq dX .

Autrement dit :ż

BKP dx “

ż

BRpP ˝ Φq dX

ż

BRpP ˝ Φq

BX

Budu` pP ˝ Φq

BX

Bvdv .

D’apres le cas 1 et comme la forme differentielle pP ˝ Φq BXBu du` pP ˝ Φq BX

Bv dv est

de classe C1 (car P est C1 et X est C2), on a donc

(2.2)

ż

BKP dx “

ż

R

"

B

Bu

ˆ

pP ˝ ΦqBX

Bv

˙

´B

Bv

ˆ

pP ˝ ΦqBX

Bu

˙*

dudv .

Il s’agit maintenant de montrer que le membre de droite est egal a ´ş

BKBPBy dxdy,

ce qui n’est pas immediatement apparent !

D’apres les formules pour les derivees partielles d’une fonction composee, on a

B

Bu

ˆ

pP ˝ ΦqBX

Bv

˙

“B

Bu

ˆ

P pX,Y qBX

Bv

˙

“B

BupP pX,Y qq

BX

Bv` P pX,Y q

B2X

BuBv

ˆ

BP

BxpX,Y q

BX

Bu`BP

BypX,Y q

BY

Bu

˙

BX

Bv` P pX,Y q

B2X

BuBv;

et de meme :

B

Bv

ˆ

pP ˝ ΦqBX

Bu

˙

ˆ

BP

BxpX,Y q

BX

Bv`BP

BypX,Y q

BY

Bv

˙

BX

Bu` P pX,Y q

B2X

BvBu¨

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36 2. INTEGRALE CURVILIGNE

Comme B2XBuBv “

B2XBvBu d’apres le theoreme de Schwarz, on obtient donc, apres sim-

plification :

B

Bu

ˆ

pP ˝ ΦqBX

Bv

˙

´B

Bv

ˆ

pP ˝ ΦqBX

Bu

˙

“BP

BypX,Y q ˆ

ˆ

BY

Bu

BX

Bv´BY

Bv

BX

Bu

˙

“ ´

ˆ

BP

By˝ Φ

˙

JΦ .

Comme de plus JΦ “ |JΦ| puisqu’on suppose depuis le debut que JΦ ą 0, on peutalors conclure en revenant a (2.2) et en utilisant la formule de changement de variable :

ż

BKP dx “ ´

ż

R

BP

BypΦpu, vqq |JΦpu, vq| dudv

“ ´

ż

ΦpRq

BP

Bypx, yq dxdy

“ ´

ż

K

BP

Bydxdy .

Ceci termine la preuve de la formule de Green-Riemann dans le cas d’un “rectangledeforme”.

Cas 3. Le domaine K peut se “quadriller” par des rectangles deformes.

De facon precise, on suppose qu’on peut decomposer K sous la forme

K “ K1 Y ¨ ¨ ¨ YKN ,

ou les Kj sont des rectangles deformes et, pour tous j, j1 P t1, . . . , Nu, ou bien Kj X

Kj1 “ H, ou bien Kj et Kj1 se rencontrent selon un “cote” commun. Un dessin estindispensable ici !

Dans ce cas, on il n’est pas tres difficile de montrer que toutes les intersectionsKj XKj1 sont de mesure de Lebesgue nulle, car ce sont des reunions finies de courbesde classe C1. On a donc

ż

Kfpx, yq dxdy “

Nÿ

j“1

ż

Kj

fpx, yq dxdy

pour toute fonction f continue sur K.D’autre part, si deux rectangles deformes Kj et Kj1 se rencontrent selon un “cote”

commun Γj,j1 , on voit que Γj,j1 est parcouru en sens inverse selon qu’on parcourt BKj

ou BKj1 . Par consequent, si ω est une forme differentielle continue au voisinage de K,alors les deux integrales sur Γj,j1 se detruisent lorsqu’on calcule

ş

Kjω `

ş

Kj1ω. Ceci

etant vrai pour tous j, j1, il est alors facile de se convaincre qu’on a

Nÿ

j“1

ż

BKj

ω “

ż

BKω ,

pour toute forme differentielle ω continue au voisinage de K.

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3. APPLICATIONS AUX FONCTIONS HOLOMORPHES 37

D’apres le cas 2, on en deduit immediatement le resultat souhaite : si ω “ Pdx`Qdy, alors

ż

BKω “

Nÿ

j“1

ż

BKj

ω

Nÿ

j“1

ż

Kj

ˆ

BQ

Bx´BP

By

˙

dxdy

ż

K

ˆ

BQ

Bx´BP

By

˙

dxdy .

Cas 4. Le domaine K est quelconque.

On peut montrer, et on l’admettra, que tout domaine elementaire K Ă C admetun quadrillage par rectangles deformes. Donc le cas general est en fait le cas 3, et lademonstration est terminee.

3. Applications aux fonctions holomorphes

3.1. Preambule : “convergence dominee”. On aura tres souvent l’occasion de“passer a la limite” sous des integrales

ş

I fλptq dt dependant d’un parametre λ. Pourcela, on utilisera systematiquement la version suivante du theoreme de convergencedominee.

Theoreme de convergence dominee. Soit I un intervalle de R, soit f : I ÑC une fonction integrable et soit pfλqλPΛ une famille de fonctions integrables (fλ :I Ñ C) avec un ensemble d’indices Λ Ă R. Enfin, soit λ0 P R Y t˘8u un “pointd’accumulation” de Λ. On fait les hypotheses suivantes.

(i) fλptq Ñ fptq quand λÑ λ0, pour tout t P I sauf peut-etre un nombre fini.

(ii) Hypothese de domination. il existe une fonction mesurable g : I Ñ R`independante de λ P Λ telle que @λ P Λ : |fλptq| ď gptq et

ş

I gptq dt ă 8.

Alors on peut conclure queş

I fptq dt “ limλÑλ0 fλptq dt.

Remarque 1. Lorsque l’intervalle I est borne, l’hypothese de domination (ii) estsatisfaite s’il existe une constante M independante de λ telle que |fλptq| ď M pourtout λ et pour tout t P I.

Remarque 2. On en deduit que si I est un intervalle compact ra, bs, si les fλ sontcontinues et si fλptq Ñ fptq uniformement sur ra, bs quand λ Ñ λ0, alors on peutpasser a la limite sous l’integrale. En particulier, si

ř

uk est une serie de fonctions quiconverge normalement sur ra, bs, alors les sommes partielles fn “

řn0 uk convergent

uiniformement sur ra, bs, et on obtient donc

ż b

a

˜

8ÿ

k“0

ukptq

¸

dt “8ÿ

k“0

ż b

aukptq dt .

Exercice. Demontrer directement ce qui est dit dans la remarque 2, sans utiliser letheoreme de convergence dominee.

On appliquera tres souvent le theoreme de convergence dominee a des integralescurvilignes, sous la forme suivante.

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38 2. INTEGRALE CURVILIGNE

Corollaire 3.1. Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin de classe C1 par morceaux d’imageΓ, soit ϕ : Γ Ñ C une fonction continue, et soit pϕλqλPΛ une famille de fonctionscontinues sur Γ. On suppose que ϕλpzq Ñ ϕpzq pour tout z P Γ (quand λ Ñ λ0) etqu’il existe une constante M telle que |ϕλpzq| ďM pour tout z P Γ et pour tout λ P Λ.Alors on peut conclure que

ş

γ ϕλpzq dz tend versş

γ ϕpzq dz.

Demonstration. C’est immediat en ecrivant la definition des integrales curvi-lignes : comme on integre sur l’intervalle borne ra, bs, on peut utiliser la remarque1.

3.2. Le “theoreme de Cauchy”. Le resultat suivant est une consequence immediatede la formule de Green-Riemann.

Theoreme 3.2. (theoreme de Cauchy)Si f est une fonction holomorphe sur un ouvert Ω Ă C, alors

ş

BK fpzq dz “ 0 pourtout domaine elementaire K Ă Ω.

Demonstration. D’apres la formule de Green-Riemann, on aż

BKfpzqdz “ 2i

ż

K

Bf

Bzdxdy ,

d’ou le resultat puisque BfBz “ 0.

Corollaire 3.3. Si K Ă C est un domaine elementaire, alors

@a P CzK :

ż

BK

dz

z ´ a“ 0 .

Demonstration. On applique le theoreme de Cauchy a fpzq “ 1z´a , qui est ho-

lomorphes sur Ω “ Cztau, ouvert de C contenant K.

Remarque. Dans le theoreme de Cauchy, il est essentiel que le domaine elementaireK soit entierement contenu dans l’ouvert Ω sur lequel f est holomorphe : il ne suffitpas d’avoir BK Ă Ω. Par exemple, fpzq “ 1

z est holomorphe sur C˚ et K “ D verifie

BK “ BD Ă C˚, mais on a vu plus haut queş

BDdzz “ 2iπ ‰ 0.

Application. Pour illustrer le theoreme de Cauchy, on va montrer que l’integrale“generalisee” I “

ş8

0sin tt dt existe et calculer cette integrale.

Soit f : C˚ Ñ C la fonction (holomorphe) definie par

fpzq “eiz

Pour ε et R verifiant 0 ă ε ă R, notons Kε,R le domaine elementaire defini par

Kε,R “ tz P C; ε ď |z| ď R et Impzq ě 0u .

Comme Kε,R Ă C˚, on aş

BKε,Rfpzq dz “ 0, d’apres le theoreme de Cauchy. En

parametrant les 4 “morceaux” de BKε,R, cela s’ecrit

0 “

ż R

ε

eit

tdt`

ż π

0

eiReit

ReitiReitdt`

ż ´ε

´R

eit

tdt´

ż π

0

eiεeit

εeitiεeitdt

ż R

ε

eit

tdt` i

ż π

0eiRe

itdt´

ż R

ε

e´it

tdt´ i

ż π

0eiεe

itdt .

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3. APPLICATIONS AUX FONCTIONS HOLOMORPHES 39

Autrement dit :

(3.1) 2i

ż R

ε

sin t

tdt “ ´i

ż π

0eiRe

itdt

looooomooooon

IR

`i

ż π

0eiεe

itdt

loooomoooon

.

Examinons maintenant le comportement de Iε quand εÑ 0 et de IR quand RÑ8.

Pour t P r0, πs fixe, eiεeit

tend vers 1 quand εÑ 0. De plus, on aˇ

ˇ

ˇeiεe

itˇ

ˇ

ˇ“

ˇ

ˇeiε cos t´ε sin tˇ

ˇ “ e´ε sin t ď 1

pour tout ε ą 0 et pour tout t P r0, πs, car sin t ě 0 sur r0, πs. D’apres le theoreme deconvergence dominee, on en deduit

limεÑ0

Iε “

ż π

0dt “ π .

D’autre part, on a |IR| ďşπ0

ˇ

ˇ

ˇeiRe

itˇ

ˇ

ˇdt “

şπ0 e´R sin tdt, et limRÑ8 e

´R sin t “ 0 pour

tout t P s0, πr car sin t ą 0 sur s0, πr. Commeˇ

ˇe´R sinˇ

ˇ ď 1 pour tout R et pour toutt P r0, πs, on en deduit (a nouveau par convergence dominee)

limRÑ8

IR “ 0 .

Au total, on voit que le membre de droite de (3.1) tend vers ´iˆ0` iπ “ iπ quandεÑ 0 et R Ñ 8. Donc le membre de gauche tend egalement vers iπ : autrement dit,I “

ş8

0sin tt dt existe en tant qu’integrale generalisee et on a 2i I “ iπ. D’ou finalement

ż 8

0

sin t

tdt “

π

Exercice 1. Montrer que Iε tend vers π quand ε Ñ 0 sans utiliser le theoreme deconvergence dominee.

Exercice 2. En utilisant la concavite de la fonction sinus sur r0, π2s, montrer qu’ona sin t ě 2

π t pour tout t P r0, π2 s, et en deduire l’inegaliteż π

0e´R sin tdt ď

π

Exercice 3. Montrer que pour tout N P N, on a

ż pN`1qπ

0

| sin t|

tdt ě

Nÿ

n“0

?2

2ˆπ

1

pn` 1qπ,

et en deduire que l’integrale I n’est pas absolument convergente.

3.3. La “formule de Cauchy”. Le theoreme suivant est le resultat le plus im-portant de toute la theorie des fonctions holomorphes.

Theoreme 3.4. (formule de Cauchy)Soit Ω un ouvert de C, et soit f P HpΩq. Si K Ă Ω est un domaine elementaire,

alors

@a P K : fpaq “1

2iπ

ż

BK

fpzq

z ´ adz .

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40 2. INTEGRALE CURVILIGNE

Demonstration. Fixons un domaine elementaire K Ă Ω et un point a P K.Fixons egalement ε0 ą 0 tel que Dpa, ε0q Ă K.

Pour ε verifiant 0 ă ε ď ε0, posons Kε “ KzDpa, εq. En faisant un dessin, onvoit que Kε est un domaine elementaire, avec BKε “ BK Y BDpa, εq. De plus, si onveut calculer une integrale curviligne sur BKε, il faut orienter BDpa, εq dans le sensanti -trigonometrique.

Pour z P Ωztau, posons

gpzq “fpzq

z ´ a¨

La fonction g est holomorphe sur l’ouvert Ωztau, qui contient le domaine elementaireKε, pour tout ε P s0, ε0s. D’apres le theoreme de Cauchy, on a donc

ş

BKεgpzq dz “ 0,

ce qui s’ecrit (compte tenu de l’orientation)

(3.2)

ż

BK

fpzq

z ´ adz ´

ż

BDpa,εq

fpzq

z ´ adz “ 0 .

En parametrant le cercle BDpa, εq par γptq “ a` εeit, on obtientż

BDpa,εq

fpzq

z ´ adz “

ż 2π

0

fpa` εeitq

εeitiεeit dt

“ i

ż 2π

0fpa` εeitq dt .

Comme fpa` εeitq tend vers fpaq quand εÑ 0 et qu’on a de plus |fpa` εeitq| ďM :“ sup t|fpzq|; z P Dpa, ε0qu pour tout ε P s0, ε0s, on en deduit (par convergencedominee)

limεÑ0

ż

BDpa,εq

fpzq

z ´ adz “ i

ż 2π

0ε dt “ 2iπ fpaq ;

d’ou la formule de Cauchy en faisant tendre ε vers 0 dans (3.2).

Corollaire 3.5. Si K Ă C est un domaine elementaire, alors

@a P K :

ż

BK

dz

z ´ a“ 2iπ .

Demonstration. On applique la formule de Cauchy avec fpzq “ 1.

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Chapitre 3

Proprietes des fonctions holomorphes

1. Consequences “immediates” de la formule de Cauchy

1.1. Les fonctions holomorphes sont C8.

Proposition 1.1. Soit Ω un ouvert de C.(1) Toute fonction holomorphe sur Ω est infiniment C-derivable sur Ω.(2) Si f P HpΩq et si K Ă Ω est un domaine elementaire, on peut “deriver sous

l’integrale” dans la formule de Cauchy : si n P N, alors

@z P K : f pnqpzq “n!

2iπ

ż

BK

fpξq

pξ ´ zqn`1dξ .

Ce resultat va decouler tres facilement de la formule de Cauchy et du lemme suivant.

Lemme 1.2. Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin de classe C1 par morceaux d’image Γ,et soit ϕ : Γ Ñ C une fonction continue. On definit f : CzΓ Ñ C par la formule

fpzq “

ż

γ

ϕpξq

ξ ´ zdξ .

Alors f est infiniment C-derivable sur l’ouvert V “ CzΓ, et on peut deriver sousl’integrale :

@n P N : f pnqpzq “ n!

ż

γ

ϕpξq

pξ ´ zqn`1dξ .

Remarque. Par convention, la derivee 0-ieme de f est f elle meme, et on a 0! “ 1.La formule precedente est donc bien valable pour n “ 0.

Demonstration. On pourrait utiliser le theoreme de derivation des integrales aparametres, mais il est egalement instructif de donner une preuve plus “directe”.

L’ensemble V “ CzΓ est bien un ouvert de C car Γ est compact (et donc ferme).Pour p P N˚, on posera

fppzq “

ż

γ

ϕpξq

pξ ´ zqpdξ .

Il suffit de demontrer que pour tout p P N˚, la fonction fp est C-derivable sur V avecf 1p “ pfp`1 : on obtient alors le lemme par une recurrence immediate.

Fixons p P N˚ et un point z0 P V . Soit egalement r ą 0 tel que Dpz0, rq Ă V , i.e.Dpz0, rq X Γ “ H.

Si z P Dpz0, rq Ă V , alors

fppzq ´ fppz0q “

ż

γϕpξq

1

pξ ´ zqp´

1

pξ ´ z0qp

ż

γ

pξ ´ z0qp ´ pξ ´ zqp

pξ ´ zqppξ ´ z0qp

ϕpξq dξ .

41

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42 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

De plus, l’identite bp´ap “ pb´aqpap1`ap´2b`¨ ¨ ¨`abp´2`bp´1q permet d’ecrire

pξ ´ z0qp ´ pξ ´ zqp “ pz ´ z0q ˆ

p´1ÿ

k“0

pξ ´ z0qp´1´kpξ ´ zqk

et donc (pour z ‰ z0)

fppzq ´ fppz0q

z ´ z0“

ż

γ

p´1ř

k“0

pξ ´ z0qp´1´kpξ ´ zqk

pξ ´ zqppξ ´ z0qp

ϕpξq dξ

ż

γApξ, zqϕpξq dξ .

Quand z tend vers z0, on voit que Apξ, zq tend vers pˆpξ´z0qp´1

pξ´z0q2p“

ppξ´z0qp`1 ¨ De

plus, la fonctions A est continue sur Γ ˆDpz0, rq qui est compact, donc A est borneesur ΓˆDpz0, rq. D’apres le theoreme de convergence dominee, on en deduit

limzÑz0

fppzq ´ fppz0q

z ´ z0“ p

ż

γ

ϕpξq

pξ ´ z0qp`1

dξ “ pfp`1pz0q .

Ainsi, fp est C-derivable en tout point z0 P V avec f 1p “ pfp`1, ce qui termine lademonstration.

Preuve de la proposition 1.1. Fixons une fonction f P HpΩq.(1) Soit z0 P Ω quelconque, et choisissons r ą 0 tel que Dpz0, rq Ă Ω. D’apres la

formule de Cauchy, on a

@z P Dpz0, rq : fpzq “1

2iπ

ż

BDpz0,rq

fpξq

ξ ´ zdξ .

D’apres le lemme, on en deduit que f est infiniment C-derivable sur Dpz0, rq, donc auvoisinage de z0. Ceci etant vrai pour tout z0 P Ω, cela prouve (1).

(2) Soit K Ă Ω un domaine elementaire, et soit pγ1, . . . , γN q un parametrage ad-missible de BK. D’apres la formule de Cauchy, on a

@z P K : fpzq “1

2iπ

ż

BK

fpξq

ξ ´ zdξ “

1

2iπ

Nÿ

j“1

ż

γj

fpξq

ξ ´ zdξ .

D’apres le lemme, on peut deriver sous chaque integraleş

γj, et on en deduit que si

z P K et n P N, alors

f pnqpzq “1

2iπ

Nÿ

j“1

n!

ż

γj

fpξq

pξ ´ zqn`1dξ “

n!

2iπ

ż

BK

fpξq

pξ ´ zqn`1dξ .

1.2. Formules de la moyenne. Le resultat suivant est un cas tres particulier dela formule de Cauchy, mais il est suffisamment important pour etre enonce separement.

Proposition 1.3. (formule de la moyenne pour les cercles)Si f est une fonction holomorphe au voisinage d’un disque ferme Dpa,Rq, alors

fpaq “1

ż 2π

0fpa`Reiθq dθ .

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1. CONSEQUENCES “IMMEDIATES” DE LA FORMULE DE CAUCHY 43

Demonstration. Il suffit d’appliquer la formule de Cauchy pour le disqueDpa,Rq,en parametrant le cercle BDpa,Rq par z “ a`Reiθ :

fpaq “1

2iπ

ż

BDpa,Rq

fpzq

z ´ adz

“1

2iπ

ż 2π

0

fpa`Reiθq

pa`Reiθq ´ aiReiθdθ

“1

ż 2π

0

fpa`Reiθq

ReiθReiθdθ .

Corollaire 1.4. (formule de la moyenne pour les disques)Si f est une fonction holomorphe au voisinage d’un disque Dpa,Rq, alors

fpaq “1

πR2

ż

Dpa,Rqfpx, yq dxdy .

Demonstration. En integrant en coordonnees polaires et en utilisant la formulede la moyenne pour les cercles, on obtient

ż

Dpa,Rqfpx, yq dxdy “

ż 2π

0

ż R

0fpa` reiθq rdrdθ

ż R

0

ˆż 2π

0fpa` reiθq dθ

˙

rdr

ż R

02πfpaq rdr

“ πR2fpaq .

1.3. Une remarque utile. La formule de Cauchy

@z P Dpa,Rq : fpzq “1

2iπ

ż

BDpa,Rq

fpξq

ξ ´ zdξ

et la formule de la moyenne

fpaq “1

ż 2π

0fpa`Reiθq dθ

ont ete etablies pour une fonction f holomorphe au voisinage du disque ferme Dpa,Rq.En fait, un resultat un peu plus general est vrai :

Remarque 1.5. La formule de Cauchy et la formule de la moyenne sont valablespour toute fonction f : Dpa,Rq Ñ C continue sur Dpa,Rq et holomorphe dans ledisque ouvert Dpa,Rq.

Demonstration. Il suffit de prouver la formule de Cauchy car la formule de lamoyenne correspond au cas particulier z “ a (cf la preuve de la proposition 1.3).

Si z P Dpa,Rq et si r verifie |z ´ a| ă r ă R, alors f est holomorphe au voisinagedu disque ferme Dpa, rq et z P Dpa, rq, donc

fpzq “1

2iπ

ż

BDpa,rq

fpξq

ξ ´ zdξ .

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44 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

En utilisant la continuite de f sur Dpa,Rq, il n’est alors pas difficile de montrer qu’onpeut faire tendre r vers R dans cette formule pour obtenir le resultat souhaite. Lesdetails sont laisses en exercice.

2. Holomorphie et analyticite

On a vu au chapitre 1 que la somme d’une serie entiere est une fonction holomorphedans le disque ouvert ou elle est naturellement definie. Le theoreme suivant montre quela reciproque est vraie : toute fonction holomorphe dans un disque est la somme d’uneserie entiere. Il s’agit evidemment d’un resultat tres important.

Theoreme 2.1. Si f est une fonction holomorphe dans un disque ouvert D decentre a,alors f est “developpable en serie entiere” dans D : on a

fpzq “8ÿ

n“0

f pnqpaq

n!pz ´ aqn

pour tout z P D, ou la serie converge normalement sur tout compact de D.

Demonstration. Notons R le rayon de D, fixons un point z P D “ Dpa,Rq, etchoisissons r tel que |z ´ a| ă r ă R. D’apres la formule de Cauchy, on a

fpzq “1

2iπ

ż

BDpa,rq

fpξq

ξ ´ zdξ .

De plus, si ξ P BDpa, rq alors

1

ξ ´ z“

1

pξ ´ aq ´ pz ´ aq

“1

ξ ´ aˆ

1

1´ z´aξ´a

,

et on aˇ

ˇ

ˇ

z´aξ´a

ˇ

ˇ

ˇ“|z´a|r ă 1. On peut donc ecrire

1

ξ ´ a“

1

ξ ´ z

8ÿ

n“0

ˆ

z ´ a

ξ ´ a

˙n

8ÿ

n“0

pz ´ aqn

pξ ´ aqn`,

ou la serie converge normalement sur BDpa, rq.En revenant a la formule de Cauchy, on en deduit

fpzq “

ż

BDpa,rq

˜

1

2iπ

8ÿ

n“0

pz ´ aqn

pξ ´ aqn`fpξq

¸

“ÿ

ż

8ÿ

n“0

˜

1

2iπ

ż

BDpa,rq

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ

¸

pz ´ aqn ,

ou l’interversion de la somme infinie et de l’integrale est justifiee par la convergence

normale de la serie sur BDpa, rq. Comme 12iπ

ş

BDpa,rqfpξq

pξ´aqn`1 dξ “f pnqpaqn! pour tout

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2. HOLOMORPHIE ET ANALYTICITE 45

n P N (d’apres la formule de Cauchy derivee n fois), on obtient donc bien le resultatsouhaite :

fpzq “8ÿ

n“0

f pnqpaq

n!pz ´ aqn .

Enfin, La convergence normale de la serie sur tout compact de Dpa,Rq est claire,car il s’agit d’une serie entiere en pz ´ aq qui converge en tout point de Dpa,Rq, doncde rayon de convergence au moins egal a R.

Corollaire 2.2. Soit Ω un ouvert de C. Si f P HpΩq, alors f est developpable enserie entiere dans tout disque ouvert D Ă Ω.

On peut donc boucler une boucle debutee au chapitre 2 :

Corollaire 2.3. Toute fonction holomorphe est C-analytique, et par consequent

“holomorphe” ðñ “C-analytique” .

Exercice. Soit f la fonction definie par fpzq “ 1z2´2z´2

¨

(a) Determiner le plus grand disque Dp0, Rq sur lequel f est holomorphe.(b) Decomposer fpzq en elements simples, puis determiner le developpement en

serie entiere de f dans le disque Dp0, Rq.

La proposition suivante donne plusieurs formules pour les coefficients d’un developpementen serie entiere.

Proposition 2.4. (calcul des coefficients d’un DSE)Soit f une fonction holomorphe dans un disque ouvert D “ Dpa,Rq, et ecrivons

fpzq “ř8

0 cnpz ´ aqn.

(1) On a cn “f pnqpaqn! pour tout n P N.

(2) On a aussi

cn “1

2iπ

ż

BDpa,rq

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ ,

pour n’importe quel r tel que 0 ă r ă R.(3) Pour 0 ă r ă R, notons fr : r0, 2πs Ñ C la fonction continue 2π-periodique

definie par frptq “ fpa` reitq, et notons pfrpnq ses coefficients de Fourier :

@n P Z : pfrpnq “1

ż 2π

0frptqe

´intdt “1

ż 2π

0fpa` reitqe´intdt .

Avec ces notations, on a

pfrpnq “

"

0 si n ă 0cnr

n si n ě 0

(4) Si f est de plus continue sur Dpa,Rq, alors les formules de (2) et (3) sontencore valables pour r “ R.

Demonstration. La partie (1) est comprise dans l’enonce du theoreme 2.1, et (2)a ete vu dans le cours de la preuve de ce theoreme.

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46 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Pour demontrer (3), on peut partir de la formule de (2), qui a un sens pour toutentier n P Z, et parametrer le cercle BDpa, rq : on obtient

1

2iπ

ż

BDpa,rq

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ “

1

2iπ

ż 2π

0

fpa` reitq

ppa` reitq ´ aqn`1ireitdt

“1

ż 2π

0

fpa` ritq

rne´intdt

“ r´n pfrpnq ,

pour tout n P Z. D’apres (2), on a donc pfrpnq “ cnrn si n ě 0 ; et pour n ă 0, on

voit que pfrpnq “ 0 carş

BDpa,rqfpξq

pξ´aqn`1 dξ “ş

BDpa,rq fpξqpξ ´ aq´n´1 dξ “ 0 d’apres le

theoreme de Cauchy (la fonction ξ ÞÑ fpξqpξ ´ aq´n´1 est holomorphe au voisinage deDpa, rq car ´n´ 1 est un entier positif).

On peut aussi obtenir (3) de la facon suivante, peut-etre plus naturelle. Par definitionde gr et comme fpzq “

ř80 ckpz ´ aq

k, on a

frptq “

8ÿ

n“0

cnppa` reitq ´ aqn

8ÿ

k“0

ckrkeikt ,

ou la serie converge normalement sur R. On en deduit que pour tout n P Z, on a

pfrpnq “1

ż 2π

0

˜

8ÿ

k“0

ckrkeikte´int

¸

dt

“1

ÿ

ż

8ÿ

k“0

ckrk

ˆ

1

ż 2π

0eipk´nqtdt

˙

.

(L’interversion de l’integrale et de la somme infinie est justifiee par la convergencenormale de la serie sur r0, 2πs). De plus, un calcul immediat montre que pour m P Z,

l’integraleş2π0 eimtdt vaut 0 si m ‰ 0 et 2π si m “ 0. Par consequent, dans la somme

precedente tous les termes sont nuls sauf eventuellement celui correspondant a k “ n(ce qui suppose n ě 0), qui est egal a cnr

n. D’ou (3).La preuve de (4) est laissee en exercice : il suffit d’observer que si f est continue

sur Dpa,Rq, alorsş

BDpa,rqfpξq

pξ´aqn`1 dξ et pfrpnq dependent continument de r P r0, Rs, et

de faire tendre r vers R dans (2) et (3).

Corollaire 2.5. Si f est holomorphe sur Dpa,Rq, fpzq “ř8

0 cnpz ´ aqn, alors

@r ă R :8ÿ

n“0

|cn|2 r2n “

1

ż 2π

0|fpa` reitq|2 dt ,

et cette formule est encore valable pour r “ R si f est de plus continue sur Dpa,Rq.

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3. ZEROS DES FONCTIONS HOLOMORPHES 47

Demonstration. Cela decoule de (3) (et (4)) et de la formule de Parsevalappliquee a la fonction fr : on a

1

ż 2π

0|frpe

itq|2dt “`8ÿ

n“´8

| pfrpnq|2 ,

ce qui est exactement l’identite voulue.

3. Zeros des fonctions holomorphes

Notation 3.1. Si f est une fonction holomorphe sur un ouvert Ω Ă C, on pose

Zpfq “ ta P Ω; fpaq “ 0u .

On dit que Zpfq est l’ensemble des zeros de la fonction f .

3.1. Factorisation. On sait que si P est un polynome a coefficients complexes etsi a est une racine de P , alors on peut factoriser P pzq sous la forme P pzq “ pz´aqpQpzq,ou p ě 1 et Q est un polynome tel que Qpaq ‰ 0. Le theoreme suivant generalise cettepropriete algebrique a toutes les fonctions holomorphes.

Theoreme 3.2. (theoreme de factorisation)Soit Ω un ouvert connexe de C et soit f P HpΩq non identiquement nulle.

Pour tout point a P Zpfq, il existe un entier p ě 1 et une fonction g : Ω Ñ C tels que

(i) @z P Ω : fpzq “ pz ´ aqpgpzq ;

(ii) g est holomorphe et gpaq ‰ 0.

L’entier p et la fonction g sont determines de maniere unique par (i) et (ii). On ditque p est la multiplicite de a comme zero de f .

Pour la preuve du theoreme, on aura besoin du lemme suivant.

Lemme 3.3. Soit f P HpΩq et soit A “ ta P Ω; @n P N : f pnqpaq “ 0u. Alors Aest a la fois ouvert et ferme dans Ω.

Demonstration. Comme toutes les fonctions f pnq sont continues, il est clair queA “

Ş

n Zpfpnqq est un ferme de Ω.

Soit a P A quelconque. Comme a P Ω, on peut choisir r ą 0 tel que Dpa, rq Ă Ω ;et comme f est holomorphe, on a alors

@z P Dpa, rq : fpzq “8ÿ

n“0

f pnqpaq

n!pz ´ aqn .

Comme f pnqpaq “ 0 pour tout n (puisque a P A), on voit ainsi que f est identiquement

nulle sur le disque ouvert Dpa, rq, et donc f pnq ” 0 sur Dpa, rq pour tout n P N.Autrement dit, Dpa, rq est contenu dans A. Comme a est un point quelconque de A,cela prouve que A est un ouvert de Ω.

Corollaire 3.4. Si Ω est connexe et si f P HpΩq n’est pas identiquement nulle

alors, pour tout point a P Ω, il existe un entier n tel que f pnqpaq ‰ 0.

Demonstration. Par connexite, l’ensemble A est soit vide soit egal a Ω. Commef n’est pas identiquement nulle, on a A ‰ Ω ; donc A “ H, ce qui est la conclusionsouhaitee.

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48 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Preuve du theoreme de factorisation. Fixons a P Zpfq.

Montrons d’abord l’existence de l’entier p et de la fonction g. Par le lemme (et soncorollaire), on peut poser

p “ mintn P N; f pnqpaq ‰ 0u .

Alors p ě 1 car f p0qpaq “ fpaq “ 0 ; et par definition de p, on a f ppqpaq ‰ 0 et

fpaq “ ¨ ¨ ¨ “ f pp´1qpaq “ 0.Choisissons r ą 0 tel que Dpa, rq Ă Ω. Si z P Dpa, rq, alors

fpzq “

8ÿ

n“0

f pnqpaq

n!pz ´ aqn

8ÿ

n“p

f pnqpaq

n!pz ´ aqn

“ pz ´ aqp8ÿ

n“p

f pnqpaq

n!pz ´ aqn´p

“ pz ´ aqp8ÿ

k“0

f pp`kqpaq

pp` kq!pz ´ aqk .

La serie entiereř

kě0f pp`kqpaqpp`kq! pz ´ aqk (serie entiere en z ´ a) converge en tout

point z P Dpa, rq, donc la fonction

rgpzq “8ÿ

k“0

f pp`kqpaq

pp` kq!pz ´ aqk

est bien definie et holomorphe sur Dpa, rq. Par definition, on a rgpaq “ f ppqpaqp! ‰ 0, et

fpzq “ pz ´ aqp rgpzq

pour tout z P Dpa, rq.Definissons alors une fonction g : Ω Ñ C par

gpzq “

#

rgpaq si z “ afpzqpz´aqp si z ‰ a

La fonction g est visiblement holomorphe sur Ωztau, et elle l’est egalement auvoisinage de a car g ” rg sur z P Dpa, rq. Donc g est holomorphe sur Ω. De plus, on agpaq “ rgpaq ‰ 0 et fpzq “ pz ´ aqpgpzq pour tout z P Ω par definition de g.

Pour demontrer l’unicite, supposons que pp1, g1q et pp2, g2q verifient (i) et (ii). Alors

(3.1) pz ´ aqp1g1pzq “ fpzq “ pz ´ aqp2g2pzq

pour tout z P Ω. Si p1 ‰ p2, on a par exemple p1 ă p2 et donc g1pzq “ pz´aqp2´p1g2pzq.

En particulier, on obtient g1paq “ 0, ce qui est exclu. Donc p1 “ p2. On en deduitg1pzq “ g2pzq pour z ‰ a en divisant par pz ´ aqp1 “ pz ´ aqp2 dans (3.1), doncegalement g1paq “ g2paq par continuite, et ainsi g1 “ g2.

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3. ZEROS DES FONCTIONS HOLOMORPHES 49

3.2. Le principe des zeros isoles. Le resultat suivant est une consequenceimmediate du theoreme de factorisation.

Theoreme 3.5. (principe des zeros isoles)Soit Ω un ouvert connexe de C. Si f P HpΩq n’est pas identiquement nulle, alors

tous les zeros de f sant isoles : pour tout a P Zpfq, on peut trouver un voisinageouvert V de a tel que f n’a pas d’autre zero que a dans V .

Demonstration. Soit a P Zpfq, et ecrivons fpzq “ pz ´ aqpgpzq comme dans letheoreme de factorisation. Comme gpaq ‰ 0 et comme g est continue au point a, onpeut trouver un voisinage ouvert V de a tel que gpzq ‰ 0 pour tout z P V . Alorsfpzq ‰ 0 pour tout z P V different de a, donc le voisinage V convient.

Exemple. Si fpzq “ cos z, alors Zpfq “ tπ2 `kπ; k P Zu : on voit bien que les zerosde f sont isoles !

Rappel. Soit A Ă C, et soit w P A. On dit que w est un point d’accumulationde A si tout voisinage de w contient une infinite de points de A.

Exercice 1. Montrer que w est un point d’accumulation de A si et seulement si ilexiste une suite panq de points de A telle que an Ñ w et an ‰ w pour tout n P N

Exercice 2. Montrer que tout point d’accumulation de A appartient a A, et quetout point w P AzA est un point d’accumulation de A.

Exemples.

(1) L’ensemble A “ t 1n ; n P N˚u possede 1 point d’accumulation, a savoir w “ 0.

(2) Si W est un ouvert de C, alors tout point de W est un point d’accumulationde W .

(3) Si I est un segment nontrivial de C, alors tout point de I est un point d’ac-cumulation de I.

Corollaire 3.6. Si f est une fonction holomorphe non identiquement nulle surun ouvert connexe Ω Ă C, alors Zpfq ne possede pas de points d’accumulation dans Ω.

Demonstration. C’est evident par le principe des zeros isoles.

Remarque. En revanche, Zpfq peut posseder des points d’accumulation en dehorsde Ω. Par exemple, fpzq “ sinp1zq est holomorphe sur C˚ et Zpfq “ t 1

nπ ; n P Z˚uadmet 0 comme point d’accumulation.

Corollaire 3.7. (principe d’identite)Soient f et g deux fonctions holomorphes sur un ouvert commexe Ω Ă C.

(1) S’il existe un ensemble A Ă Ω possedant un point d’accumulation dans Ω telque fpξq “ gpξq pour tout ξ P A, alors f “ g.

(2) En particulier :

(i) s’il existe un ouvert non-vide W Ă Ω tel que f ” g sur W , alors f “ g ;

(ii) s’il existe un segment nontrivial I Ă Ω tel que f ” g sur I alors f “ g.

Exemple. Considerons la “formule d’addition”

cospu` vq “ cospuq cospvq ´ sinpuq sinpvq .

On sait que cette formule est vraie pour u, v P R. Pour u P R fixe, les deux fonctionsfpvq “ cospu ` vq et gpvq “ cospuq cospvq ´ sinpuq sinpvq sont holomorphes sur C et

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50 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

f ” g sur R ; donc f “ g par le principe d’identite, autrement dit la formule d’additionest vraie pour u P R et v P C quelconque. En fixant maintenant v P C et en appliquantle meme raisonnement aux fonctions u ÞÑ sinpu`vq et u ÞÑ cospuq cospvq´sinpuq sinpvq,on conclut que la formule d’addidtion est vraie pour u, v P C quelconques.

Corollaire 3.8. Si f est une fonction holomorphe non identiquement nulle surun ouvert connexe Ω Ă C, alors

(i) Zpfq XK est fini pour tout compact K Ă Ω ;

(ii) Zpfq est denombrable.

Demonstration. (i) Soit K un compact de Ω. Si ZpfqXK etait infini, on pourraittrouver une suite de points deux a deux distincts dans Zpfq XK. Par compacite, onpourrait en extraire une sous-suite convergente, et on obtiendrait ainsi une suite panq ĂZpfqXK convergeant vers un point a P K, les an etant deux a deux distincts. Alors aest un point d’accumulation de l’ensemble tan; n P Nu, donc un point d’accumulationde Zpfq, ce qui est impossible puisque a P Ω.

La partie (ii) decoule de (i) et du fait suivant, dont la preuve est laissee en exercice.

Fait. L’ouvert Ω est reunion denombrable de compacts. Plus precisement, si onpose Kn “ tz P C; |z| ď n et dist pz,CzΩq ě 2´nu, alors les Kn sont compacts etΩ “

Ť80 Kn.

En effet, en ecrivant Zpfq “Ť8

0 Zpfq X Kn, on voit que Zpfq est une reuniondenombrable d’ensembles finis, donc un ensemble denombrable.

Exercice. Soit Ω un ouvert connexe de C. Montrer que si f et g sont deux fonctionsholomorphes sur Ω telles que fg “ 0, alors f “ 0 ou g “ 0. En termes algebriques, celasignifie que HpΩq est un anneau integre.

4. Le theoreme de Liouville

4.1. Cauchy. Le resultat suivant est souvent tres utile.

Lemme 4.1. (inegalites de Cauchy)Soit f une fonction holomorphe dans un disque Dp0, Rq, fpzq “

ř80 cnz

n. Pour0 ď r ă R, posons Mprq “ supt|fpξq|; |ξ| “ ru. Avec ces notations, on a

@n P N : |cn|rn ďMprq .

Demonstration. C’est evident en ecrivant la formule de la moyenne

cnrn “

1

ż 2π

0fpreitqe´int dt

et en majorant le module de l’integrale :

|cn| rn ď1

ż 2π

0Mprq dt “Mprq .

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4. LE THEOREME DE LIOUVILLE 51

4.2. Liouville.

Definition 4.2. Une fonction entiere est une fonction holomorphe sur C toutentier.

Theoreme 4.3. Soit f : C Ñ C une fonction entiere. On suppose qu’il existe desconstantes A, B et k telles que

@z P C : |fpzq| ď A`B |z|k .

Alors f est une fonction polynomiale de degre inferieur ou egal a k.

Demonstration. Ecrivons fpzq “ř8

0 cnzn. D’apres les inegalites de Cauchy, on

a

|cn| rn ď sup t|fpξq|; |ξ| “ ru

ď A`B rk

pour tout r ą 0 et pour tout n P N, et donc

|cn| ďA

rn`

B

rn´k¨

En faisant tendre r vers l’infini, on en deduit cn “ 0 pour tout n ą k ; doncfpzq “

ř

nďk cnzn, et f est polynomiale de degre au plus k.

Corollaire 4.4. Si f est une fonction entiere et si fpzq tend vers 0 quand |z| Ñ8, alors f “ 0.

Demonstration. Comme f est continue, l’hypothese entraine que f est borneesur C, et donc constante par le theoreme de Liouville ; et comme fpzq Ñ 0 quand|z| Ñ 8, la constante vaut 0.

Le “theoreme de Liouville” proprement dit est le corollaire suivant :

Corollaire 4.5. Toute fonction entiere bornee est constante.

Demonstration. On applique le theoreme avec k “ 0, A “ 0 et une constanteB telle que |fpzq| ď B “ 0 ` B |z|0 pour tout z P C. La conclusion est que f est unefonction polynomiale de degre ď 0, c’est-a-dire une fonction constante.

4.3. D’Alembert-Gauss. Comme illustration du theoreme de Liouville, on vademontrer le “theoreme fondamental de l’algebre”, qu’on appelle egalement “theoremede d’Alembert-Gauss”.

Theoreme 4.6. Si P est un polynome non constant a coefficients complexes, alorsP possede au moins une racine dans C.

Corollaire 4.7. Tout polynome P a coefficients complexes de degre n ě 1 peutse decomposer sous la forme P pzq “ C pz ´ α1q ¨ ¨ ¨ pz ´ αnq, ou C,α1, . . . , αn P C.

Demonstration. On sait que si α est une racine de P , alors on peut ecrire P pzq “pz ´ αqQpzq, ou Q est un polynome de degre n ´ 1. Le resultat se deduit donc dutheoreme en raisonnant par recurrence sur n “ degpP q.

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52 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Preuve du theoreme. Supposons que P ne possede aucune racine dans C. Alors

fpzq “1

P pzq

est bien defini pour tout z P C, et f est une fonction entiere. De plus, comme lepolynome P est non constant, on verifie facilement que |P pzq| tend vers l’infini quand|z| Ñ 8. Donc fpzq tend vers 0 quand |z| Ñ 8, et par consequent f “ 0, ce qui estabsurde puisque f ne s’annule pas.

5. Le principe du maximum

5.1. Le resultat de base. Il existe de nombreuses versions du “principe du maxi-mum”, valables pour diverses categories de fonctions. Pour les fonctions holomorphes,le rsultat de base s’enonce comme suit.

Theoreme 5.1. Soit Ω un ouvert borne de C, et soit f : Ω Ñ C une fonctioncontinue sur Ω et holomorphe dans Ω.

(1) Pour tout point z P Ω, on a |fpzq| ď supξPBΩ

|fpξq|.

(2) Si Ω est connexe et si f est non constante, alors l’inegalite precedente eststricte : |fpzq| ă sup

ξPBΩ|fpξq| pour tout z P Ω.

Demonstration. On demontre d’abord (2). Supposons donc que Ω est connexeet que f n’est pas constante. Posons M “ supξPΩ |fpξq|. Il suffit de montrer qu’on a

(5.1) @z P Ω : |fpzq| ăM.

En effet, comme Ω est compact (car Ω est borne) et f continue, on peut trouver ξ0 P Ωtel que |fpξ0q| “M . Si (5.1) est vraie alors necessairement ξ0 P BΩ, donc M “ supBΩ |f |et donc |fpzq| ă supBΩ |f | pour tout z P Ω (a nouveau grace a (5.1)). La preuve de(5.1) repose sur le fait suivant :

Fait. L’ensemble A “ tz P Ω; |fpzq| “Mu est ouvert et ferme dans Ω.

Preuve du Fait. L’ensemble A est ferme dans Ω car la fonction |f | est continue.Pour montrer que A est ouvert, fixons z0 P A. Il s’agit de trouver r0 ą 0 tel queDpz0, r0q Ă A. On va en fait montrer que n’importe quel r0 tel que Dpz0, r0q Ă Ωconvient. Fixons un tel r0.

D’apres la formule de la moyenne, on a pour tout r P r0, r0r :

M “ |fpz0q| “

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

1

ż 2π

0fpz0 ` re

iθq dθ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď1

ż 2π

0|fpz0 ` re

iθq| dθ .

En ecrivant M “ 12π

ş2π0 M dθ on en deduit

ż 2π

0

´

M ´ |fpz0 ` reiθq|

¯

dθ “ 0 .

La fonction de θ apparaissant sous l’integrale etant continue et positive par definitionde M , elle est donc identiquement nulle sur r0, 2πs. Ainsi, on a |fpz0`re

iθq| “M pourtout r P r0, r0r et pour tout θ P r0, 2πs, autrement dit |fpzq| ” M sur Dpz0, r0q, ouencore Dpz0, r0q Ă A.

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5. LE PRINCIPE DU MAXIMUM 53

Par connexite de Ω, l’ensemble A est soit vide, soit egal a Ω tout entier. Si A “ Ω,alors la fonction |f | est constante sur Ω. On a donc ∆|f |2 ” 0 sur Dpz0, rq, et comme∆|f |2 “ 4|f 1|2 (exercice), cela montre que f est constante sur Ω puisque Ω est supposeconnexe. Par continuite, f est constante sur Ω, ce qui est exclu par hypothese. On nepeut donc pas avoir A “ Ω. Ainsi A “ H, ce qui demontre (5.1) et donc (2).

Pour demontrer (1), fixons z P Ω, et notons Ωz la composante connexe de Ωcontenant z. Comme Ω est ouvert, on sait que Ωz est un ouvert (borne) de C, et on aBΩz Ă BΩ. Si la fonction f est constante sur Ωz, alors |fpzq| “ supBΩz |f | ď supBΩ |f |.

Si f n’est pas constante sur Ωz, alors |fpzq| ă supBΩz |f | d’apres (2) applique a f|Ωz

,

et donc |fpzq| ă supBΩ |f |.

Remarque. On peut aussi enoncer une version du principe du maximum en rem-placant |f | par Repfq. La demonstration est identique, le seul point a verifier etantque si u “ Repfq est constante et si Ω est connexe, alors f est constante. Mais ceci est

clair car BuBz “

12

´

BfBz `

BfBz

¯

“ 12 f

1, et donc f 1 “ 0 si u est constante.

Corollaire 5.2. (“principe du maximum local”)Soit Ω un ouvert connexe de C. Si f P HpΩq et si |f | possede un maximum local enun point de Ω, alors f est constante. En particulier, si |f | possede un maximum surΩ, alors f est constante.

Demonstration. Supposons que |f | possede un maximum local en un point z0 P

Ω. On peut alors trouver un disque ouvert D centre en z0 tel que D Ă Ω et |fpz0q| ě

|fpξq| pour tout ξ P D, donc en particulier pour tout ξ P BD. D’apres le principe dumaximum, la fonction f est constante sur D, donc constante sur Ω d’apres le principed’identite.

Corollaire 5.3. (“principe du minimum local”)Soit Ω un ouvert connexe de C. Si f : Ω Ñ C est holomorphe non constante et si|f | possede un minimum local en un point z0 P Ω, alors fpz0q “ 0.

Demonstration. Supposons que fpz0q ‰ 0. Par continuite, on peut alors trouverun disque ouvert D centre en z0 tel que f ne s’annule pas sur D. La fonction g “ 1fest bien definie et holomorphe sur D, et |g| “ 1|f | possede un maximum local en z0.Comme D est connexe, le principe du maximum local assure que g est constante surD. Ainsi, f est constante sur D, donc sur Ω d’apres le principe d’identite, ce qui estexclu par hypothese.

Exercice. Demontrer le theoreme fondamental de l’algebre en utilisant le principedu minimum local.

5.2. Un resultat plus general. Le principe du maximum n’est pas reserve auxseules fonctions holomorphes :

Theoreme 5.4. Soit Ω un ouvert borne de Rn, et soit u : Ω Ñ R une fonctioncontinue sur Ω et de classe C2 dans Ω. On suppose que le Laplacien ∆u est partoutě 0 dans Ω.

(a) Pour tout point z P Ω, on a upzq ď supξPBΩ

upξq.

(b) Si Ω est connexe et si u n’est pas constante, alors l’inegalite precedente eststricte.

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54 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Les remarques suivantes montrent que ce resultat est plus general que le theoreme5.1.

Remarque 5.5. Si n “ 2 et si f : Ω Ñ C est continue sur Ω et holomorphe dansΩ, on peut appliquer le theoreme 5.4 a la fonction u “ |f |2 car ∆u “ 4|f 1|2 ě 0,et on deduit immediatement de (a) la partie (1) du theoreme 5.1. De plus, si Ω estconnexe alors u est constante si et seulement si f l’est (toujours a cause de l’identite∆u “ 4|f 1|2), donc on retrouve la partie (2) du theoreme 5.1 en appliquant (b).

On peut aussi appliquer le theoreme 5.4 a la fonction u “ Repfq, car ∆u “

2 B2

BzBz pf ` fq “ 0. Si Ω est connexe, alors u est constante si et seulement si f l’est

car BuBz “

12Bpf`fqBz “ 1

2 f1. On obtient ainsi une version du theoreme 5.1 ou |f | est

remplace par Repfq.

On ne demontrera le theoreme 5.4 que pour n “ 2. La preuve repose sur le lemmesuivant.

Lemme 5.6. Soit Ω un ouvert de C “ R2, et soit u une fonction de classe C2 sur Ωverifiant ∆u ě 0. Alors u possede la propriete de sous-moyenne : pour tout disqueferme Dpz0, rq Ă Ω, on a

upz0q ď1

ż 2π

0upz0 ` re

iθq dθ.

Demonstration. Fixons un disque Dpz0, r0q Ă Ω, et pour r P r0, r0s, posons

Iprq “

ż 2π

0upz0 ` re

iθq dθ.

Comme la fonction F pr, θq “ upz0 ` reiθq possede une derivee partielle BFBr continue

sur r0, r0s ˆ r0, 2πs, la fonction I est de classe C1 sur r0, r0s d’apres le theoreme le pluselementaire sur les integrales a parametres, et on peut deriver sous l’integrale. Le pointcle est le fait suivant :

Fait. Pour r ą 0 on a I 1prq “1

r

ż

Dpz0,rq∆upx, yq dxdy.

Preuve du Fait. Ecrivons z0 “ px0, y0q. En derivant sous l’integrale, on trouve

r I 1prq “

ż 2π

0rB

Br

upx0 ` r cos θ, y0 ` r sin θqı

ż 2π

0

r cos θBu

Bxpxrpθq, yrpθqq ` r sin θ

Bu

Bypxrpθq, yrpθqq

dθ ,

ou on a pose pxrpθq, xrpθqq “ px0 ` r cos θ, y0 ` r sin θq. Comme γrpθq “ pxrpθq, yrpθqqparametre le cercle BDpz0, rq, avec dx “ ´r sin θ dθ et dy “ r cos θ dθ, on en deduit

r I 1prq “

ż

BDpz0,rq´Bu

Bydx`

Bu

Bxdy .

D’apres la formule de Green-Riemann, cela s’ecrit encore

r I 1prq “

ż

Dpz0,rq

ˆ

B2u

Bx2`B2u

By2

˙

dxdy,

ce qui est le resultat annonce.

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5. LE PRINCIPE DU MAXIMUM 55

Par hypothese sur u, on a donc rI 1prq ě 0 pour tout r ą 0. Ainsi, la fonction I estcroissante sut s0, r0s, donc sur r0, r0s par continuite. En particulier, on a Ip0q ď Ipr0q,

autrement dit 2π fpz0q ďş2π0 fpz0 ` r0e

iθq dθ.

Remarque 5.7. On dit qu’une fonction u : Ω Ñ R est harmonique si elle verifie∆u “ 0. En appliquant le lemme precedent a u et a ´u, on voit que si u : Ω Ñ R estharmonique, alors u possede la propriete de la moyenne, i.e.

upz0q “1

ż 2π

0upz0 ` re

iθq dθ

pour tout disque Dpa, rq Ă Ω. En fait, on peut montrer que la propriete de la moyennecaracterise les fonctions harmoniques : une fonction continue u est harmonique si etseulement si elle verifie la propriete de la moyenne.

Preuve du theoreme 5.4. Compte tenu du lemme 5.6, la preuve consiste a pu-rement et simplement recopier celle du theoreme 5.1 en remplacant partout la fonction|f | par la fonction u. Bien entendu, il faut aussi remplacer (1) par (a) et (2) par (b).

5.3. Deux applications. On va maintenant utiliser le principe du maximumpour demontrer deux autres resultats importants.

Theoreme 5.8. (“theoreme de l’application ouverte”)Soit Ω un ouvert connexe de C. Si f : Ω Ñ C est holomorphe et non constante,alors f est une application ouverte : l’image par f de tout ouvert V Ă Ω est un ouvertde C.

Demonstration. Soit V Ă Ω ouvert. Fixons a P V et posons b “ fpaq. On veutmontrer que fpV q est un voisinage de b ; autrement dit, on cherche r ą 0 tel queDpb, rq Ă V , ce qui signifie que pour tout w P Dpb, rq, on peut trouver z P V tel quefpzq “ b.

Par hypothese, f n’est pas constante. D’apres le principe des zeros isoles appliquea gpzq “ fpzq ´ b, on peut donc trouver un disque ouvert D centre en a tel queD Ă V et fpzq ‰ b pour tout z P Dztau, en particulier pour tout z P BD. Alorsε :“ inft|fpzq|; z P BDu est strictement positif par compacite de BD. On va montrerque r “ ε2 convient ; et plus precisement, que pour tout w0 P Dpb, ε2q, on peuttrouver un point z0 dans D tel que fpz0q “ w0.

Fixons w0 P Dpb, ε2q et posons gpzq “ fpzq ´ w0. Comme D est compact, |g|possede un minimum sur D, atteint en un point z0. On a en particulier |gpz0q| ď

|gpaq| “ |fpaq ´ w0| “ |b´ w0| ă ε2. D’autre part, si ξ P BD alors

|gpξq| “ |fpξq ´ w0|

ě |fpξq ´ b| ´ |b´ w0|

ě ε´ ε2 “ ε2 .

On en deduit que z0 R BD, i.e. z0 P D. Comme D est ouvert et |gpz0q| ď |gpzq| pourtout z P D, cela montre que g possede un minimum local en z0. D’apres le corollaire5.3, on a donc gpz0q “ 0, autrement dit fpz0q “ w0.

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56 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Theoreme 5.9. (“lemme de Schwarz”)Soit f une fonction holomorphe sur le disque unite D “ tz P C; |z| ă 1u. On supposequ’on a fp0q “ 0 et |fpzq| ď 1 pour tout z P D.

(1) On a |fpzq| ď |z| pour tout z P D, et |f 1p0q| ď 1.

(2) S’il existe un point a ‰ 0 tel que |fpaq| “ |a|, ou si |f 1p0q| “ 0, alors f estune rotation : fpzq ” λ z, pour un certain λ P C de module 1.

Demonstration. Comme fp0q “ 0, on peut ecrire fpzq “ zgpzq, pour une cer-

taine fonction g holomorphe sur D. On a de plus gp0q “ limzÑ0fpzqz “ f 1p0q. Fixons

z P D. Si r verifie |z| ă r ă 1 et si ξ P BDp0, rq, alors |gpξq| “ 1|ξ| |fpξq| ď

1r puisque

|fpξq| ď 1. D’apres le principe du maximum, on a donc |gpzq| ď 1r pour tout r tel que

|z| ă r ă 1, d’ou |gpzq| ď 1 en faisant tendre r vers 1. Ainsi, |fpzq| “ |zgpzq| ď |z|pour tout z P D, et |f 1p0q| “ |gp0q| ď 1.

Si |fpaq| “ |a| pour un certain a ‰ 0, alors |gpaq| “ 1 ; et si |f 1p0q| “ 1 alors|gp0q| “ 1. Dans les deux cas |g| admet un maximum (global) dans le disque D, donc gest constante d’apres le principe du maximum. On a ainsi |gpzq| ” λ, ou la constante λest de module 1 puisque |g| atteint la valeur 1. Donc fpzq ” λ z et f est une rotation.

6. Series de Laurent

On a vu que toute fonction holomorphe dans un disque Dpa,Rq se developpe enserie entiere dans ce disque, c’est a dire en serie de puissances positives de pz ´ aq.On va maintenant demontrer un resultat analogue pour une fonction holomorphe dansune couronne centree en a, c’est a dire un ensemble du type

Cpa, r,Rq “ tz P C; r ă |z ´ a| ă Ru ,

ou 0 ď r ă R ď 8. Remarquons que les valeurs r “ 0 et R “ 8 sont autorisees.Si r “ 0, alors Cpa, 0, Rq est le “disque epointe Dpa,Rqztau ; et si R “ 8, alorsCpa, r,8q “ tz P C; |z ´ a| ą ru. En particulier, Cpa, 0,8q “ Cztau.

Theoreme 6.1. Si f est une fonction holomorphe dans une couronne Cpa, r,Rq,il existe une unique suite de coefficients pcnqnPZ telle que :

(a) la serie S`pzq “ř

ně0 cnpz´aqn converge pour tout z verifiant |z´a| ă R et

la serie S´pzq “ř

nă0 cnpz ´ aqn converge pour tout z verifiant |z ´ a| ą r ;

(b) pour tout z P Cpa, r,Rq,

fpzq “`8ÿ

n“´8

cnpz ´ aqn .

De plus, la serie S`pzq converge normalement sur tout disque t|z ´ a| ď ρu, ρ ă R etla serie S´pzq converge normalement sur tout ensemble du type t|z ´ a| ě ρu, ρ ą r.On dit que les cn sont les coefficients de Laurent de f pour la couronne Cpa, r,Rq,et que la serie

ř

cnpz´aqn est la serie de Laurent de f pour la couronne Cpa, r,Rq.

Remarque. Si f se trouve etre en fait holomorphe dans le disque Dp0, Rq, alors (parunicite des coefficients) son developpement de Laurent dans la couronne Dpa,Rqztaucoıncide avec son developpement en serie entiere dans Dpa,Rq. Autrement dit, on a

cn “ 0 pour n ă 0 et cn “f pnqpaqn! si n ě 0.

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6. SERIES DE LAURENT 57

La preuve du theoreme 6 utilise le lemme suivant.

Lemme 6.2. Soit f une fonction holomorphe dans la couronne Cpa, r,Rq. Pourn P Z et r ă ρ ă R, posons

cnpρq “1

2iπ

ż

BDpa,ρq

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ .

Alors cnpρq ne depend pas de ρ.

Demonstration. Si r ă ρ1 ă ρ2 ă R, alors la fonction ξ ÞÑ fpξqpξ´aqn`1 est holo-

morphe au voisinage de la couronne fermee K “ Cpa, ρ1, ρ2q. D’apres le theoreme de

Cauchy, on a doncş

BKfpξq

pξ´aqn`1 dξ “ 0, autrement dit

ż

BDpa,ρ2q

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ ´

ż

BDpa,ρ1q

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ “ 0 ,

et donc cnpρ2q “ cnpρ1q.

Preuve du theoreme 6.1. (i) Soit pcnqnPZ la suite de coefficients definie par lelemme precedent, cn “ cnpρq pour n’importe quel ρ P sr,Rr. On va montrer que la suitepcnq verifie (a) et (b), ce qui prouvera la partie “existence” du theoreme.

Fixons z P Cpa, r,Rq et choisissons ρ1 et ρ2 tels que r ă ρ1 ă |z ´ a| ă ρ2 ă R.D’apres la formule de Cauchy appliquee au point z et a la couronne fermee K “

Cpa, ρ1, ρ2q, on a

fpzq “1

2iπ

ż

BK

fpξq

pξ ´ aqdξ

“1

2iπ

ż

BDpa,ρ2q

fpξq

pξ ´ aqdξ ´

1

2iπ

ż

BDpa,ρ1q

fpξq

pξ ´ aqdξ

“ F`pzq ´ F´pzq .

La suite de la preuve consiste a developper F`pzq en serie de puissances positivesde z ´ a et F´pzq en serie de puissances negatives de z ´ a, exactement comme dansla demonstration du theoreme 2.1.

Si ξ P BDpa, ρ1q, i.e. |ξ ´ a| “ ρ1, on ecrit

fpξq

ξ ´ z“

fpξq

pξ ´ aq ´ pz ´ aq“ ´

1

z ´ a

fpξq

1´´

ξ´az´a

¯ ¨

Commeˇ

ˇ

ˇ

ξ´az´a

ˇ

ˇ

ˇ“

ρ1|z´a| ă 1, on en deduit

fpξq

ξ ´ z“ ´

fpξq

z ´ a

8ÿ

k“0

ˆ

ξ ´ a

z ´ a

˙k

“ ´

8ÿ

k“0

fpξq

pξ ´ aq´kpz ´ aq´k´1

“ ´

´1ÿ

n“´8

fpξq

pξ ´ aqn`1pz ´ aqn ,

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58 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

ou la serie converge normalement par rapport a ξ P BDpa, ρ1q. Par consequent :

F´pzq “ ´1

2iπ

ż

BDpa,ρ1q

´1ÿ

n“´8

1

pz ´ aqnfpξq

pξ ´ aqn`1dξ

“ ´ÿ

ż

“ ´

8ÿ

n“´1

˜

1

2iπ

ż

BDpa,ρ1q

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ

¸

pz ´ aqn,

ou l’interversion des signesř

etş

est justifiee par la convergence normale de la serie.Par definition des coefficients cn, cela s’ecrit encore

(6.1) F´pzq “ ´´1ÿ

n“´8

cn pz ´ aqn.

Remarquons que la seule propriete de z utilisee pour etablir la convergence de laserie

ř

nă0 cnpz ´ aqn est qu’il existe ρ1 ą r tel que ρ1|z´a| ă 1 ; autrement dit que

|z ´ a| ą r. Par consequent, cette serie converge pour tout z verifiant |z ´ a| ą r.Pour ξ P BDpa, ρ2q on ecrit cette fois

fpξq

ξ ´ z“

fpξq

pξ ´ aq ´ pz ´ aq

“1

ξ ´ a

fpξq

1´´

z´aξ´a

¯

et on developpe 1

1´´

z´aξ´a

¯ en serie : 1

1´´

z´aξ´a

¯ “8ř

n“0

pz´aqn

pξ´aqn , ce qui est possible puisqueˇ

ˇ

ˇ

z´aξ´a

ˇ

ˇ

ˇ“|z´a|ρ2

ă 1. Le meme calcul que plus haut donne alors

(6.2) F`pzq “8ÿ

n“0

cn pz ´ aqn ,

ou la serie converge en fait pour tout z verifiant |z ´ a| ă R.En combinant (6.2) et (6.1), on obtient donc finalement

fpzq “`8ÿ

n“´8

cn pz ´ aqn.

(ii) La convergence normale des deux series S`pzq et S´pzq est claire, car ce sontdes series entieres en u “ z ´ a et v “ 1

z´a respectivement, qui convergent en tout

point des disques t|u| ă Ru et t|v| ă 1ru.(iii) Montrons maintenant l’unicite. Supposons qu’on puisse ecrire

fpzq “`8ÿ

k“´8

dkpz ´ aqk ,

ou la serieř

kě0 dkpz ´ aqk converge pour |z ´ a| ă R et la serieř

kă0 dkpz ´ aqk

converge pour |z ´ a| ą r. Si r ă ρ ă R alors les deux series convergent normalement

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6. SERIES DE LAURENT 59

sur le cercle t|z ´ a| “ ρu car ce sont des series entieres en u “ z ´ a et v “ 1z´a qui

convergent pour |u| ă R et |v| ă 1r. On peut donc ecrire, pour tout n P Z :

cn “1

2iπ

ż

BDpa,ρq

fpzq

pz ´ aqn`1dz

`8ÿ

k“´8

dk ˆ1

2iπ

ż

BDpa,ρqpz ´ aqk´n´1 dz .

De plus, si p P Z et p ‰ ´1 alorsş

BDpa,ρqpz´aqp dz “ 1

p`1

ş

BDpa,ρq dppz´aqp`1q “ 0 car

BDpa, ρq est une courbe fermee ; et si p “ ´1 alorsş

BDpa,ρqpz ´ aq´1dz “

ş

BDp0,ρqduu “

2iπ. Dans la somme precedente, tous les termes sont donc nuls sauf celui correspondanta k ´ n ´ 1 “ ´1 (i.e. k “ n) qui vaut dn ˆ

12iπ ˆ 2iπ “ dn. On a donc dn “ cn pour

tout n P Z, ce qui termine la demonstration.

Corollaire 6.3. (decomposition de Laurent)Si f est une fonction holomorphe dans une couronne C “ Cpa, r,Rq, alors il existe unefonction f` holomorphe dans Dpa,Rq et une fonction f´ holomorphe dans CzDpa, rqverifiant lim|z|Ñ8 f

´pzq “ 0, telles que f ” f` ´ f´ dans C. De plus, une telledecomposition est unique.

Demonstration. Pour l’existence, il suffit de poser f`pzq “ř8

0 cnpz ´ aqn et

f´pzq “ ´ř´1´8 cnpz ´ aqn, ou les cn sont les coefficients de Laurent de f dans la

couronne C. Comme la serieř

nă0 cnpz ´ aqn est une serie entiere en v “ 1z´a sans

terme constant, on a bien lim|z|Ñ8 f´pzq “ limvÑ0 f

´p1vq “ 0.

Pour l’unicite, supposons qu’on ait deux couples pf`1 , f´1 q et pf`2 , f

´2 q verifiant les

proprietes requises. Alors φ´ “ f´1 ´ f´2 est holomorphe dans CzDpa, rq et coıncidedans Cpa, r,Rq avec φ` “ f´1 ´ f´2 , qui est holomorphe dans Dpa,Rq. On peut doncdefinir sans ambiguite une fonction entiere φ en posant φpzq “ φ´pzq si |z ´ a| ą ret φpzq “ φ`pzq si |z ´ a| ă R. De plus, f´1 et f´2 tendent vers 0 a l’infini, donc φegalement. D’apres le theoreme de Liouville, φ est identiquement nulle, donc f´1 “ f´2et f`1 “ f`2 .

Proposition 6.4. (Calcul des coefficients de Laurent)Soit f une fonction holomorphe dans une couronne C “ Cpa, r,Rq, et notons cn sescoefficients de Laurent pour la couronne C.

(1) Les coefficients cn sont donnes par la formule

cn “1

2iπ

ż

BDpa,ρq

fpξq

pξ ´ aqn`1dξ

pour n’importe quel ρ tel que r ă ρ ă R.

(2) Pour ρ P sr,Rr, notons fρ : RÑ C la fonction (continue) 2π-periodique definie

par fρpθq “ fpa` ρeiθq. Pour tout n P Z, on a

cnρn “ pfρpnq “

1

2iπ

ż 2π

0fpa` ρeiθq e´inθdθ .

Demonstration. (1) a ete vu dans la demonstration du theoreme 6.1.

Pour (2), une preuve consiste a ecrire fρpθq “ř`8´8 ckρ

k eikθ et a calculer pfρpnqen integrant terme a terme. (Details laisses en exercie). On peut aussi calculer cn en

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60 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

parametrant le cercle BDpa, ρq par z “ a` ρeiθ : cela donne

cn “1

2iπ

ż 2π

0

fpa` ρeiθq

ppa` ρeiθq ´ aqn`1iρeiθ dθ

“ρ´n

ż 2π

0fpa` ρeiθq e´inθdθ .

Remarque. Pour determiner un developpement en serie de Laurent dans une cou-ronne centree en a, une strategie souvent efficace est la suivante : on exprime tout enfonction de u “ z ´ a et on essaye de se ramener a des expressions du type 1

1´cu avec

|cu| ă 1 ou 11´pcuq avec |cu| ă 1.

Cherchons par exemple les developpements en serie de Laurent de fpzq “ 1z2´4

dans les couronnes C2 “ t0 ă |z ´ 2| ă 4u et C´2 “ t0 ă |z ` 2| ă 4u.Pour z P C2, on ecrit

fpzq “1

pz ´ 2qpz ` 2q“

1

z ´ 2ˆ

1

4` pz ´ 2q

“1

4pz ´ 2qˆ

1

1` z´24

“1

4pz ´ 2qˆ

8ÿ

k“0

p´1qkˆ

z ´ 2

4

˙k

8ÿ

n“´1

p´1qn`1

4n`2pz ´ 2qn .

Pour z P C´2, le raisonnement est analogue et les details laisses en exercice.

Application. Singularites “eliminables”.

Comme illustration de l’existence du developpement de Laurent, on va demontrerl’important resultat suivant. (On parlera plus en details des “singularites isolees” d’unefonction holomorphe dans la prochaine section).

Proposition 6.5. Soit Ω un ouvert de C, soit a P Ω P C, et soit f une fonctionholomorphe sur Ωztau. On suppose que f est bornee au voisinage de a. Alors f seprolonge en une fonction holomorphe sur Ω. On dit que le point a est une singulariteeliminable pour f .

Demonstration. Choisissons r ą 0 et une constante M tels que Dpa, rq Ă Ω et|fpzq| ď M pour tout z P Dpa, rqztau. D’apres le theoreme 6.1, on peut developper lafonction f en serie de Laurent dans la couronne Dpa, rqztau “ t0 ă |z ´ a| ă ru :

fpzq “`8ÿ

n“´8

cn pz ´ aqn .

On sait que pour tout ρ P s0, rr, on a cnρn “ 1

ş2π0 fpa`ρeiθq e´inθdθ . Comme de plus

|fpa` ρeiθq| ďM sur r0, 2πs, on a doncˇ

ˇ

ˇ

ş2π0 fpa` ρeiθq e´inθdθ

ˇ

ˇ

ˇď 2πM , et par suite

|cn| ďM ρ´n

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7. SINGULARITES ; FONCTIONS MEROMORPHES 61

pour tout n P Z. Si n ă 0, on en deduit |cn| ď 0 en faisant tendre ρ vers 0. Ainsi, on acn “ 0 pour tout n ă 0. Par consequent :

fpzq “8ÿ

n“0

cn pz ´ aqn

pour tout z P Dpa, rqztau. La serie entiereř

ně0 cnpz ´ aqn converge en tout point de

Dpa, rqztau, et aussi bien sur pour z “ a ; elle definit donc une fonction holomorpheg : Dpa, rq Ñ C qui coıncide avec f sur Dpa, rqztau par definition. Si maintenant on

pose rfpaq “ gpaq et rfpzq “ fpzq pour z ‰ a, alors rf est holomorphe sur Ωztau et

aussi au voisinage de a car rf ” g sur Dpa, rq. Donc rf P HpΩq, et rf prolonge f pardefinition.

Corollaire 6.6. Soit Ω un ouvert de C, et soit a P Ω. Si f : Ω Ñ C est unefonction continue sur Ω et holomorphe sur Ωztau, alors f est holomorphe sur Ω.

Demonstration. Par continuite, f est bornee au voisinage de a, donc a est une

singularite eliminable pour f|Ωztau. Il existe ainsi une fonction rf holomorphe sur Ω qui

coıncide avec f sur Ωztau. Par continuite, on a aussi rfpaq “ fpaq, donc f “ rf et parsuite f est holomorphe sur Ω.

7. Singularites ; fonctions meromorphes

7.1. Classification des singularites. Dans ce qui suit, on appellera voisinageepointe d’un point a P C un ensemble du type W ztau, ou W est un voisinage ouvertde a. Par exemple, un disque epointe Dpa,Rqztau “ t0 ă |z´a| ă Ru est un voisinageepointe de a.

Definition 7.1. Soit a P C, et soit f une fonction holomorphe dans un voisinageepointe de a.

(1) On dit que le point a est une singularite eliminable pour f s’il existe un

voisinage ouvert V de a et une fonction rf holomorphe sur V tels que rfpzq “fpzq pour tout z P V ztau.

(2) Soit p un entier ě 1. On dit que a est un pole de multiplicite p pour f si on

peut ecrire fpzq “ upzqvpzq , ou u est holomorphe au voisinage de a avec upaq ‰ 0,

et v est holomorphe au voisinage de a avec un zero de multiplicite p en a.

(3) On dit que a est une singularite essentielle pour f si a n’est ni une singu-larite eliminable, ni un pole pour f .

Remarques.

(i) Si a est une singularite eliminable pour f , alors la fonction f est bornee auvoisinage de a.

(ii) Le point a est un pole de multiplicite p pour f si et seulement si on peut

ecrire fpzq “ gpzqpz´aqp au voisinage de a, ou g est holomorphe au voisinage de a

et gpaq ‰ 0.

(iii) Si a est un pole de multiplicite p, alors il existe une constante c ‰ 0 telleque fpzq „ c

pz´aqp au voisinage de a. En particulier, a ne peut pas etre un

pole de multiplicite p1 ‰ p (de sorte qu’on peut parler de p comme etant lamultiplicite de a comme pole de f), et |fpzq| tend vers l’infini quand z Ñ a.

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62 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

(iv) La definition d’une singularite eliminable est locale, mais elle peut se “glo-baliser” : si f est holomorphe sur W ztau, ou W est un voisinage ouvert de a,et si a est une singularite eliminable pour f , alors f se prolonge de maniereunique en une fonction holomorphe sur W tout entier.

Demonstration. La partie (i) est evidente.La partie (ii) est egalement “evidente” par definition de la multiplicite d’un zero :

si fpzq “ upzqvpzq comme dans la definition, on ecrit vpzq “ pz ´ aqpv1pzq ou v1 est

holomorphe au voisinage de a avec v1paq ‰ 0, et on pose g “ vv1 (fonction biendefinie au voisinage de a puisque v1paq ‰ 0 et v1 est continue en a) ; et inversement, si

f s’ecrit fpzq “ gpzqpz´aqp comme dans (2), il suffir de poser u “ g et vpzq “ pz ´ aqp.

La partie (iii) decoule de (ii) en posant c “ gpaq.Pour demontrer (iv), supposons que a soit une singularite eliminable pour f . Soient

V un voisinage ouvert de a contenu dans W et rfa une fonction holomorphe sur V telle

que rfapzq “ fpzq pour tout z P V ztau. On definit une fonction rf : W Ñ C en posantrfpzq “ fpzq pour z ‰ a et rfpaq “ rfapaq. Par definition, la fonction rf prolonge f . Elle

est holomorphe sur W ztau, et egalement holomorphe au voisinage de a puisque rf ” rfasur V . Donc rf est holomorphe sur W . Pour l’unicite, il suffit d’observer que si deuxfonctions continues sur W coıncident sur W ztau, alors elles prennent la meme valeuren a par continuite, et sont donc egales sur tout W .

Exercice. Soit Ω un ouvert de C, et soit f une fonction holomorphe sur ΩzS, ou Sest un ferme de Ω sans point d’accumulation dans Ω. On suppose que chaque point deS est une singularite eliminable pour f . Montrer que f se prolonge de maniere uniqueen une fonction holomorphe sur Ω.

Exemples.

(1) Si fpzq “ sin zz , alors f est holomorphe sur C˚ et a “ 0 est une singularite

eliminable pour f .

(2) Si f est une fonction rationnelle, fpzq “ P pzqQpzq avec pgcdpP,Qq “ 1, alors f

est holomorphe sur CzZpQq et tout point a P ZpQq est un pole pour f , demultiplicite egale a la multiplicite de a comme zero de Q.

(3) Si fpzq “ e1z, alors f est holomorphe sur C˚ et a “ 0 est une singulariteessentielle pour f .

Demonstration. (1) On a sin z “ř8n“0p´1qn z2n`1

p2n`1q! pour tout z P C, et doncsin zz “

ř8n“0p´1qn z2n

p2n`1q! pour tout z ‰ 0. La serie entiereř

ně0p´1qn z2n

p2n`1q! converge

en tout point z P C, et definit donc une fonction rf holomorphe sur C qui prolonge f .(2) C’est clair par definition d’un pole.(3) On a limxÑ0` |fpxq| “ `8, donc f n’est pas bornee au voisinage de a et a n’est

pas une singularite eliminable. Mais on a aussi limxÑ0´ fpxq “ 0, donc |fpzq| ne tendpas vers l’infini quand z Ñ a et a n’est pas un pole.

Proposition 7.2. Soit a P C, et soit f une fonction holomorphe dans un voisinageepointe de a.

(1) a est une singularite eliminable pour f si et seulement si f est bornee auvoisinage de a.

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7. SINGULARITES ; FONCTIONS MEROMORPHES 63

(2) a est un pole si et seulement si |fpzq| Ñ 8 quand z Ñ a.

Demonstration. On a deja remarque les implications “triviales” “seulement si”.De plus, l’implication non triviale dans (1) a deja ete demontree : c’est la proposition6.5. Il reste a demontrer l’implication non triviale dans (2). Dans ce qui suit, on fixeun voisinage ouvert W de a tel que f est holomorphe sur W ztau.

Supposons qu’on ait limzÑa |fpzq| “ 8. On peut alors choisir r ą 0 tel queDpa, rq Ă W et fpzq ‰ 0 pour tout z P Dpa, rqztau, de sorte que gpzq “ 1fpzqest bien definie et holomorphe sur Dpa, rqztau. On a limzÑa gpzq “ 0, donc g est enparticulier bornee au voisinage de a. D’apres (1), a est une singularite eliminable pourg. On peut donc trouver une fonction rg holomorphe sur Dpa, rq telle que rgpzq “ 1fpzqpour tout z P Dpa, rqztau. Alors a P Zprgq puisque rgpaq “ limzÑa gpzq “ 0, et rg n’estpas identiquement nulle sur Dpa, rq. La multiplicite p de a comme zero de rg est doncbien definie ; et comme fpzq “ 1

rgpzq sur Dpa, rqztau, le point a est un pole de multiplicite

p pour f .

Corollaire 7.3. Supposons que f soit holomorphe sur W ztau, ou W est un voi-sinage ouvert de a. Si a est un pole de multiplicite p pour f , alors on peut trouver une

fonction g holomorphe sur W tout entier telle que gpaq ‰ 0 et fpzq “ gpzqpz´aqp pour tout

z PW ztau.

Demonstration. On sait que pz ´ aqpfpzq admet une limite c ‰ 0 quand z Ñ a.En particulier, le point a est une singularite eliminable pour pz ´ aqpfpzq d’apes laproposition precedente. On peut donc trouver une fonction g holomorphe sur W telleque gpzq “ pz ´ aqpfpzq pour tout z P W ztau ; et on a gpaq “ limzÑapz ´ aqpfpzq “c ‰ 0.

Proposition 7.4. (“theoreme de Casorati-Weierstrass”)Soit a P C, et soit f une fonction holomorphe sur un voisinage epointe de a. Si a estune singularite essentielle pour f , alors fpV ztauq est dense dans C pour tout voisinageV de a.

Demonstration. On raisonne par contraposee. Supposons donc que fpV ztauq nesoit pas dense dans C, pour un certain voisinage V de a : il s’agit de montrer que a estun pole ou une singularite eliminable pour f .

Fixons un point w P CzfpV ztauq. Par definition de l’adherence, on peut trouverε ą 0 tel que

@z P V ztau : |fpzq ´ w| ě ε .

Alors gpzq “ 1fpzq´w est bien definie, holomorphe et bornee sur V ztau, donc a est

une singularite eliminable pour g. On peut ainsi trouver une fonction rg holomorphesur V et ne s’annulant pas sur V ztau telle que

@z P V ztau : fpzq ´ w “1

rgpzq¨

Si rgpaq ‰ 0, alors fpzq admet une limite quand z Ñ a (a savoir w ` 1rgpaq) donc a

est une singularite eliminable ; et si rgpaq “ 0, alors |fpzq| Ñ 8 quand z Ñ a, donc aest un pole.

Remarque. En fait, un resultat beaucoup plus fort est vrai : si a est une singulariteessentielle pour f , alors pour tout voisinage V de a, le complementaire de fpV ztauq

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64 3. PROPRIETES DES FONCTIONS HOLOMORPHES

dans C contient au plus un point. C’est le theoreme de Picard, qu’il n’est pasquestion de demontrer ici.

Voici pour finir un resultat montrant que la nature d’une singularite peut se “lire”sur le developpement de Laurent.

Proposition 7.5. (singularites et developpement de Laurent)Soit f une fonction holomorphe dans un disque epointe C “ Dpa,Rqztau, et notons

fpzq “`8ÿ

n“´8

cnpz ´ aqn

son developpement de Laurent dans C.

(1) a est une singularite eliminable pour f si et seulement si cn “ 0 pour toutn ă 0.

(2) a est un pole si et seulement si il existe un entier p ě 1 tel que c´p ‰ 0 etcn “ 0 pour tout n ă ´p.

(3) a est une singularite essentielle si et seulement si cn ‰ 0 pour une infinited’entiers n ă 0.

Demonstration. (1) Le point a est une singularite eliminable si et seulement si

il existe une fonction rf holomorphe sur Dpa, rq telle que rfpzq “ fpzq pour z ‰ a. Ilrevient au meme de dire qu’il existe une suite de coefficients pdnqně0 telle que la serieř

dnpz ´ aqn converge dans Dpa, rq et

@z P C :`8ÿ

n“´8

cnpz ´ aqn “

8ÿ

n“0

dnpz ´ aqn .

Par unicite des coefficients de Laurent, cela signifie qu’on a cn “ 0 pour tout n ă 0.(2) D’apres le corollaire 7.3, a est un pole si et seulement si il existe un entier

p ě 1 et une fonction g holomorphe sur Dpa, rq telle que gpaq ‰ 0 et fpzq “ gpzqpz´aqp

pour z ‰ a. Il revient au meme de dire qu’il existe un entier p ě 1 et une suite decoefficients pdnqně0 avec d0 ‰ 0 telle que la serie

ř

cnpz´aqn converge dans Dpa, rq et

@z P C :`8ÿ

n“´8

cnpz ´ aqn “ pz ´ aq´p

8ÿ

n“0

dnpz ´ aqn

8ÿ

n“´p

dn`p pz ´ aqn .

Toujours par unicite des coefficients de Laurent, cela signifie qu’il existe p ě 1 tel quec´p ‰ 0 et cn “ 0 pour tout n ă ´p.

La partie (3) decoule immediatement de (1) et (2).

7.2. Fonctions meromorphes. La definition suivante “doit” etre connue, maison n’en fera rien d’interessant.

Definition 7.6. Soit Ω un ouvert de C. Une fonction meromorphe sur Ω estune fonction f definie sur un ouvert de la forme ΩzS ou S est un ferme de Ω sanspoint d’accumulation dans Ω, holomorphe sur ΩzS, et telle que chaque point a P S estsoit un pole, soit une singularite eliminable pour f .

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7. SINGULARITES ; FONCTIONS MEROMORPHES 65

Remarque. L’ensemble S depend de la fonction f . En particulier, S “ ∅ estautorise, de sorte que toute fonction holomorphe sur Ω est meromorphe sur Ω.

Exemple 7.7. Supposons Ω connexe. Si u et v sont deux fonctions holomorphessur Ω avec v ‰ 0, alors f “ u

v est une fonction meromorphe sur Ω.

Demonstration. La fonction f est definie et holomorphe sur ΩzS, ou S “ Zpvqest un ferme de Ω sans point d’accumulation dans Ω d’apres le principe des zeros isoles.Si a P Zpvq, alors f est un pole pour f si a n’est pas un zero de u ou si sa multiplicitecomme zero de v est strictement plus grande que sa multiplicite comme zero de u, eta est une singularite eliminable si u “ 0 ou si a est un zero de u avec une multiplicitesuperieure ou egale a sa multiplicite comme zero de v. Les verifications sont laisseesen exercice.

Remarque. On peut montrer qu’inversement, toute fonction meromorphe sur unouvert connexe est le quotient de deux fonctions holomorphes. Ce resultat est tres loind’etre evident.

Exercice. Montrer que si l’ouvert Ω est connexe, alors les fonctions meromorphessur Ω forment un corps. Autrement dit, la somme et le produit de deux fonctionsmeromorphes f et g sont des fonctions meromorphes bien definies, et le quotient fgest une fonction meromorphe bien definie si g ‰ 0. (La remarque precedente montreque le corps des fonctions meromorphes s’identifie au corps des fraction de l’anneauintegre HpΩq).

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Chapitre 4

Primitives, homotopie

Dans ce chapitre, on adopte la convention suivante pour eviter d’ecrire trop souvent“C1 par morceaux” : sauf mention contraire,

tous les chemins sont de classe C1 par morceaux.

1. Formes differentielles exactes et localement exactes

Definition 1.1. Soit Ω un ouvert de C, et soit ω une 1-forme differentielle conti-nue sur Ω. On dit qu’une fonction F P C1pΩq est une primitive de ω sur Ω si on adF “ ω ; et on dit que ω est exacte sur Ω si elle y admet une primitive.

Remarques.

(i) Si ω est exacte sur Ω, alorsş

γ ω “ 0 pour tout chemin ferme γ dans Ω, d’apres

le theoreme fondamental de l’analyse (voir le chapitre 2, proposition 1.4).

(ii) Supposons que ω s’ecrive ω “ Pdx`Qdy. Dire que ω est exacte signifie qu’ilexiste une fonction F de classe C1 telle que P “ BF

Bx et Q “ BFBy . Si de plus ω

est de classe C1, alors F est de classe C2 et on doit donc avoir

(1.1)BQ

Bx“BP

By

d’apres le theoreme de Schwarz. Si ω “ Adz `Bdz, cette condition s’ecrit

(1.1)BB

Bz“BA

Bz¨

On dira que ω est d-fermee si elle est de classe C1 et verifie (1.1).

Exemple 1.2. Soit f : Ω Ñ C une fonction continue.

(a) La forme ω “ fpzqdz est exacte sur Ω si et seulement si f possede une primitiveholomorphe, i.e. il existe une fonction F P HpΩq telle que F 1 “ f . Dans cecas, la fonction f est holomorphe.

(b) La fonction f est holomorphe si et seulement si ω “ fpzqdz est d-fermee.

(c) Si Ω est un disque Dpa,Rq, alors ω “ fpzqdz est exacte sur Ω si et seulementsi f est holomorphe.

Demonstration. Les parties (a) et (b) sont evidentes. Pour demontrer (c), sup-posons que f soit holomorphe dans le disque Dpa,Rq. On peut alors developper f enserie entiere dans Dpa,Rq,

fpzq “8ÿ

n“0

cn pz ´ aqn .

67

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68 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

La serie entiereř

ně0cnn`1 w

n`1 a un rayon de convergence au moins egal a R, et lafonction F definie par

F pzq “8ÿ

n“0

cnn` 1

pz ´ aqn`1

est une primitive holomorphe de f sur Dpa,Rq.

Exemple 1.3. Soit ω “ dzz , definie sur Ω “ C˚.

(a) ω est d-fermee, mais n’est pas exacte sur C˚.(b) ω est exacte sur tout ouvert du type W “ Cz∆, ou ∆ est une demi-droite

d’origine 0.

Demonstration. (a) ω est d-fermee puisque fpzq “ 1z est holomorphe. D’autre

part, en notant D le disque unite t|z| ă 1u on aş

BDdzz “ 2iπ ‰ 0, donc ω n’est pas

exacte puisque BD est une courbe fermee.(b) On sait qu’il existe une determination holomorphe du logarithme sur W . En

notant L une telle determination, on a L1pzq “ 1z et donc dL “ ω.

Definition 1.4. Soit ω une 1-forme differentielle continue sur un ouvert Ω Ă C.On dit que ω est localement exacte si pour tout point a P Ω, on peut trouver unvoisinage ouvert Va de a tel que ω est exacte sur Va.

Remarque. Evidemment, toute forme exacte est localement exacte puisqu’on peutprendre Va “ Ω pour tout a P Ω.

Exemple 1.5. Une 1-forme du type ω “ fpzqdz est localement exacte si et seule-ment si la fonction f est holomorphe.

Demonstration. Si ω “ fpzqdz est localement exacte, alors f est localementholomorphe et donc holomorphe. Inversement, on a vu que si f est holomorphe, alorsf possede des primitives holomorphes dans tout disque Dpa, rq Ă Ω, donc ω “ fpzqdzest localement exacte.

Le resultat suivant donne des caracterisations de l’exactitude et de l’exactitudelocale en termes d’integrales curvilignes.

Theoreme 1.6. Soit ω une 1-forme continue sur un ouvert Ω Ă C.

(1) ω est exacte sur Ω si et seulement si on aş

γ ω “ 0 pour tout chemin ferme

γ dans Ω.

(2) ω est localement exacte si et seulement si on aş

BR ω “ 0 pour tout rectangleR Ă Ω a cotes paralleles aux axes de coordonnees. Dans ce cas, ω est exactesur tout disque Dpa, rq Ă Ω.

La demonstration utilise trois lemmes. On rappelle que si p, q P C, on designe parrpqs le segment rp, qs oriente de p vers q.

Lemme 1.7. Soit ω une 1-forme continue sur un ouvert W Ă C, et soit p P W .On suppose qu’il existe une famille pγzqzPW de chemins dans W verifiant les proprietessuivantes.

(a) Pour tout z PW , le chemin γz a pour origine p et pour extremite z.

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1. FORMES DIFFERENTIELLES EXACTES ET LOCALEMENT EXACTES 69

(b) Pour tout segment horizontal ou vertical ru, vs ĂW , on aż

γv

ω “

ż

γu

ω `

ż

ruvsω .

Alors ω est exacte sur W . Plus precisement, la fonction F definie par F pzq “ş

γzω

est une primitive de ω sur W .

Demonstration. Ecrivons ω “ Pdx ` Qdy. Comme les fonctions P et Q sontcontinues, il suffit de montrer que BF

Bx et BFBy existent en tout point de W , avec BF

Bx “ P

et BFBy “ Q.

Fixons z0 “ px0, y0q P W et choisissons r ą 0 tel que Dpz0, rq Ă W . Si z P Wverifie |z ´ z0| ă r, alors rz0, zs Ă Dpz0, rq Ă W ; et si le segment rz0, zs est verticalou horizontal, alors F pzq “ F pz0q `

ş

rz0,zsω par hypothese. Par consequent, si x P R

verifie |x´ x0| ă r, alors

F px, y0q “ F px0, y0q `

ż

rpx0,y0qpx,y0qsPdx`Qdy

“ F px0, y0q `

ż x

x0

P pt, y0q dt ;

et de meme, si y P R et |y ´ y0| ă r, alors

F px0, yq “ F px0, y0q `

ż y

y0

Qpx0, uq du .

Comme P et Q sont continues, on en deduit (d’apres le theoreme fondamental del’analyse) que BF

Bx px0, y0q et BFBy px0, y0q existent et valent respectivement P px0, y0q et

Qpx0, y0q.

Lemme 1.8. (“lemme de Lebesgue”)Soit K un compact de C, et soit pViqiPI une famille d’ouverts de C telle que K ĂŤ

iPI Vi. Alors on peut trouver ε ą 0 verifiant la propriete suivante : tout ensembleA Ă K de diametre inferieur a ε est contenu dans un Vi. On dit que ε est un nombrede Lebesgue pour K associe au recouvrement ouvert pViqiPI .

Demonstration. (Ce lemme doit figurer dans tout cours raisonnable de topolo-gie...) Supposons que la conclusion soit fausse. On peut alors trouver une suite An departies de K telle que diampAnq Ñ 0 et An n’est contenu dans aucun Vi, pour toutn P N. Choisissons pour chaque n un point xn P An. Comme K est compact, on peutsupposer, quitte a extraire une sous-suite, que la suite pxnq converge vers un pointa P K. Comme K Ă

Ť

i Vi, on peut trouver un indice i tel que a P Vi, puis r ą 0tel que Dpa, rq Ă Vi. Soit alors n P N tel que diampAnq ă r2 et |xn ´ a| ă r2.comme xn P An, on voit immediatement en faisant un dessin et en utilisant l’inegalitetriangulaire qu’on a An Ă Dpa, rq. Donc An Ă Vi, ce qui contredit le choix de An.

Lemme 1.9. (lemme de quadrillage)Soit R Ă C un rectangle ferme, et soit pR1, . . . , RN q un “quadrillage” de R en rec-tangles fermes. Si ω est une 1-forme continue sur un ouvert contenant R, alors

ż

BRω “

Nÿ

k“1

ż

BRk

ω .

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70 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

Demonstration. Si deux rectangles Ri et Rj ont un cote commun Lij , alors Lijest parcouru en sens inverse selon qu’on suit BRi ou BRj , donc les deux integrales deω sur Lij se detruisent si on ajoute

ş

BRiω et

ş

BRjω. On en deduit immediatement (par

recurrence) qu’on anÿ

k“1

ż

BRk

ω “

ż

BpR1Y¨¨¨YRnqω

pour tout n ď N , d’ou le resultat puisque R1 Y ¨ ¨ ¨ YRN “ R.

Remarque. On a enonce le lemme pour un quadrillage de R, mais en fait la conclu-sion vaut encore pour une subdivision quelconque de R, c’est-a-dire une suite finiede rectangles pR1, . . . , Rnq telle que R “

Ť

k Rk et les Rk sont d’interieurs deux-a-deux disjoints. Un quadrillage est une subdivision d’un type particulier obtenue ... enquadrillant le rectangle R, i.e. en tracant des droites verticales et horizontales.

Preuve du theoreme 1.6. (1) On a deja vu que si ω est exacte, alorsş

γ ω “ 0

pour tout chemin ferme γ dans Ω. Inversement, supposons cette propriete verifiee.Pour montrer que ω est exacte, on se ramene au cas ou Ω est connexe en considerantseparement chaque composante connexe de Ω. On sait qu’alors Ω est connexe pararcs polygonaux. Si on fixe un point p P Ω, on peut donc choisir pour tout pointz P Ω un chemin γz joignant p a z dans Ω. Si ru, vs est un segment quelconque contenudans Ω, alors le chemin “γu suivi de ruvs suivi du chemin inverse qγv” est un cheminferme dans Ω. On a donc

ş

γuω`

ş

ruvs ω´ş

γvω “ 0, i.e.

ş

γvω “

ş

γuω`

ş

ruvs ω. D’apres

le lemme 1.7, on en deduit que ω est exacte sur Ω.(2) Supposons que ω soit localement exacte, et fixons un rectangle R Ă Ω. Tout

point z P R possede un voisinage ouvert Vz tel que ω est exacte sur Vz. Soit ε ą 0 unnombre de Lebesgue pour R associe au recouvrement ouvert pVzqzPR, et soit pRkq

Nk“1

un quadrillage de R en rectangles Rk de diametre inferieur a ε. Alors ω est exacte auvoisinage de chaque rectangle Rk par definition de ε, et donc

ş

BRkω “ 0. D’apres le

lemme 1.9, on a doncż

BRω “

Nÿ

k“1

ż

BRk

ω “ 0 .

Inversement, supposons qu’on aitş

BR ω “ 0 pour tout rectangle R Ă Ω, et montrons

que ω est exacte sur tout disque Dpa, rq Ă Ω. Ecrivons a “ pxa, yaq. Pour z “ px, yq PDpa, rq, notons Rz le rectangle a cotes paralleles aux axes de coordonnees ayant ra, zspour diagonale, pz le sommet px, yaq de ce rectangle, et γz le chemin “rapzs suivide rpzzs”. Il s’agit bien d’un chemin dans Dpa, rq car le rectangle Rz est contenudans le disque Dpa, rq (faire un dessin). Si ru, vs Ă Dpa, rq est un segment vertical,alors

ş

γvω “

ş

γuω`

ş

ruvs ω par definition de γu et γv. Si ru, vs est un segment horizontal,

alorsż

γv

ω “

ż

γu

ω `

ż

rupus`

ż

rpupvsω `

ż

rpvvsω .

Mais l’integrale de ω sur le bord du rectangle R “ upupvv est nulle car ce rectangleest contenu dans Dpa, rq, donc dans Ω. On a donc

ş

rupus`ş

rpupvsω `

ş

rpvvsω “

ş

ruvs ω,

d’ou a nouveauş

γvω “

ş

γuω `

ş

ruvs ω. D’apres le lemme 1.7, on en deduit que ω est

exacte sur Dpa, rq.

Corollaire 1.10. Une 1-forme de classe C1 est localement exacte si et seulementsi elle est d-fermee.

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2. LES THEOREMES DE MORERA ET CAUCHY-GOURSAT 71

Demonstration. On a deja vu que toute 1-forme C1 et localement exacte estd-fermee. Inversement, si ω “ Pdx`Qdy est d-fermee sur Ω, alors

ş

BR ω “ 0 pour toutrectangle R Ă Ω d’apres la formule de Green-Riemann, donc ω est localement exactepar le theoreme.

Corollaire 1.11. (“lemme de Poincare”)Une 1-forme d-fermee est exacte sur tout disque ouvert contenu dans son domaine dedefinition.

Exercice. Montrer qu’une 1-forme ω est localement exacte si et seulement si on aş

B∆ ω “ 0 pour tout triangle ∆ contenu dans son domaine de definition.

2. Les theoremes de Morera et Cauchy-Goursat

2.1. Morera. Le resultat suivant est une consequence immediate du theoreme1.6 ; mais vu son importance historique et son utilite, il est bon de l’enoncer separement.

Theoreme 2.1. (“theoreme de Morera”)Soit f une fonction continue sur un ouvert Ω Ă C. On suppose qu’on a

ş

BR fpzq dz “ 0pour tout rectangle R Ă Ω a cotes paralleles aux axes de coordonnees. Alors f estholomorphe.

Demonstration. D’apres le theoreme 1.6, la 1-forme ω “ fpzqdz est localementexacte.

Remarque. La subtilite de l’enonce vient du fait que la fonction f n’est pas supposeede classe C1, mais seulement continue.

L’application la plus spectaculaire du theoreme de Morera est le “theoreme deCauchy-Goursat”, qu’on demontrera dans la prochaine sous-section. Voici une autreillustration.

Proposition 2.2. Soit Ω un ouvert de C, et soit f : Ω Ñ C. On suppose quef est continue sur Ω et holomorphe sur ΩzL, ou L est une droite de C. Alors f estholomorphe sur Ω.

Demonstration. (i) On peut supposer que la droite L est l’axe reel. En effet, onpeut trouver une similitude affine spzq “ az ` b telle que spLq “ R. Comme s´1 est

aussi une similitude et est donc holomorphe, la fonction rfpzq :“ fps´1pzqq est alors

continue sur rΩ “ spΩq et holomorphe sur rΩzR. Si on sait montrer que rf est holomorphe

sur rΩ, alors on aura montre que f “ rf ˝ s est holomorphe sur Ω.(ii) On suppose donc que L “ R. Pour montrer que f est holomorphe, il suffit

(d’apres Morera) de verifier qu’on aş

BR fpzqdz “ 0 pour tout rectange R Ă Ω a cotesparalleles aux axes de coordonnees. On distingue trois cas.

Cas 1. R ne rencontre pas l’axe reel, i.e. R Ă ΩzR.

Dans ce cas, on aş

BR fpzqdz “ 0 par le theoreme de Cauchy puisque f est holomorphesur ΩzR.

Cas 2. R a un cote sur l’axe reel.

Supposons par exemple que le cote horizontal inferieur de R soit soit sur l’axe reel.Pour ε ą 0, notons Rε le rectangle R ` iε. Alors Rε ne rencontre pas l’axe reel,donc

ş

BRεfpzqdz “ 0 d’apres le cas 1. De plus, comme f est continue, on verifie que

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72 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

ş

BRεfpzqdz tend vers

ş

BR fpzqdz quand ε tend vers 0 (details laisses en exercice). On

a donc bienş

BR fpzqdz “ 0.

Cas 3. R “traverse” l’axe reel.

Dans ce cas, on aR “ R1YR2, ouR1 etR2 ont un cote commun sur l’axe reel. D’apres lelemme de quadrillage 1.9 et le cas 2, on a donc

ş

BR fpzqdz “ş

BR1fpzqdz`

ş

BR2fpzqdz “

0.

Comme consequence, on retrouve un resultat deja demontre au Chapitre 3 (corol-laire 6.6) :

Corollaire 2.3. Soit Ω un ouvert de C, et soit a P Ω. Si f est une fonctioncontinue sur Ω et holomorphe sur Cztau, alors f est holomorphe sur Ω.

Demonstration. Prendre n’importe quelle droite L passant par a.

Une autre consequence est un cas particulier de ce qu’on appelle le principe dereflection.

Corollaire 2.4. Soit Ω un ouvert de C symetrique par rapport a l’axe reel, etposons Ω` “ tz P Ω; Impzq ą 0u. Si f “ Ω`Y pRXΩq Ñ C est une fonction continuesur Ω`Y pRXΩq, holomorphe sur Ω` et telle que fpxq P R pour tout x P RXΩ, alorsf peut se prolonger en une fonction holomorphe sur Ω.

Demonstration. Posons Ω´ “ tz P Ω; Impzq ă 0u, et notons rf : Ω Ñ C lafonction definie par

rfpzq “

"

fpzq si z P Ω` Y pRX Ωq

fpzq si z P Ω´ Y pRX Ωq

Comme fpzq P R pour tout z P RXΩ, cette definition est non-ambigue ; et comme f est

continue sur Ω`, on voit que rf est continue sur Ω. De plus, rf est holomorphe sur Ω`,et on verifie sans difficulte qu’elle est egalement holomorphe sur Ω´ (par exemple en

calculant BrfBz ) ; autrement dit, f est holomorphe sur ΩzR. D’apres le corollaire precedent,

la fonction rf est donc holomorphe sur Ω, et rf prolonge f par definition.

2.2. Cauchy-Goursat. Le resultat suivant montre que dans la definition de l’ho-lomorphie, il est en fait inutile de supposer que la fonction est de classe C1.

Theoreme 2.5. (“theoreme de Cauchy-Goursat”)Soit Ω un ouvert de C. Si f : Ω Ñ C est une fonction C-derivable en tout point, alorsf est holomorphe (et donc infiniment C-derivable).

Demonstration. Comme f est continue, il suffit (d’apres Morera) de montrerqu’on a

ş

BR fpzq dz “ 0 pour tout rectangle R Ă Ω. Fixons un tel rectangle R, et

posons α :“ˇ

ˇ

ş

BR fpzq dzˇ

ˇ. Il s’agit de montrer que α “ 0.

Posons R0 “ R, et quadrillons le rectangle R0 en 4 rectangles R1, R2, R3, R4 deuxfois plus petits en tracant les medianes des cotes de R0. D’apres le lemme de quadrillage1.9, on a

ż

BR0

fpzq dz “4ÿ

k“1

ż

BRkfpzq dz ,

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2. LES THEOREMES DE MORERA ET CAUCHY-GOURSAT 73

et donc

α ď4ÿ

k“1

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BRkfpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

.

On peut donc trouver k0 P t1, . . . , 4u tel queˇ

ˇ

ş

BRk0 fpzq dzˇ

ˇ ě 14α. On pose alors

R1 “ Rk0 . Ainsi, on a$

&

%

R1 Ă R0 “ RdiampR1q “ 2´1diampRqlpBR1q “ 2´1lpBRqˇ

ˇ

ˇ

ş

BR1fpzq dz

ˇ

ˇ

ˇě 4´1 α

Si on repete ce raisonnement en remplacant R0 par R1, on obtient un rectangleR2 Ă R1, auquel on peut a nouveau applique le meme raisonnement et ainsi de suite.De cette facon, on construit par recurrence une suite de rectangles fermes pRnqně0

verifiant les proprietes suivantes :

$

&

%

Rn`1 Ă RndiampRnq “ 2´ndiampRqlpBRnq “ 2´nlpBRqˇ

ˇ

ˇ

ş

BRnfpzq dz

ˇ

ˇ

ˇě 4´n α

D’apres le theoreme des fermes emboites, l’intersection de tous les rectangles Rnest non vide, reduite a un point tau. Ce point a appartient a R0 “ R, donc a Ω ; doncf est C-derivable en a. Posons λ “ f 1paq, et ecrivons

fpzq “ fpaq ` λ pz ´ aq ` vpzq .

Comme la fonction z ÞÑ fpaq `λpz´ aq est holomorphe sur C (et en fait admet demaniere evidente une primitive holomorphe), on a

ż

BRn

pfpaq ` λpz ´ aqq dz “ 0 ,

doncş

BRnfpzq dz “

ş

BRnvpzq dz et donc

(2.1)

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BRn

vpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ě 4´n α

pour tout n P N.Soit maintenant ε ą 0. Par definition de la C-derivabilite, on peut trouver δ ą 0

tel que |vpzq| ď ε |z ´ a| pour tout z P Dpa, δq ; et comme a P Rn et diampRnq Ñ 0, onpeut trouver un entier n tel que Rn Ă Dpa, δq. On a alors

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BRn

vpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

ż

BRn

|vpzq| |dz| ď εˆ diampRnq ˆ lpBRnq ,

puisque |vpzq| ď ε |z ´ a| et |z ´ a| ď diampRnq pour tout z P BRn. Autrement dit :

(2.2)

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BRn

vpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď εˆ 4´ndiampRq lpBRq .

En posant C “ diampRq lpBRq et en comparant (2.1) et (2.2), on obtient doncfinalement

α ď C ε

pour tout ε ą 0, d’ou α “ 0.

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74 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

Remarque. Le theoreme de Cauchy-Goursat est philosophiquement tres satisfaisantet la demonstration est tres belle. Mais le resultat ne presente pas un grand interetpratique : la plupart du temps, si on sait montrer qu’une fonction est C-derivable, onsait en general aussi montrer qu’elle est de classe C1 ( !)

3. Cauchy-Goursat, Green-Riemann et Kurzweil-Henstock

Comme on l’a vu, l’idee de la preuve du theoreme de Cauchy-Goursat est de montrerque si f est une fonction C-derivable sur Ω, alors

ş

BR fpzq dz “ 0 pour tout rectangleR Ă Ω. Toute la subtilite vient du fait que la fonction f n’est pas supposee de classeC1 : sinon le resultat serait “evident” car on pourrait appliquer directement la formulede Green-Riemann.

Le but de cette section est de montrer qu’en fait, il est possible d’appliquer laformule de Green-Riemann. De facon precise, on va etablir le resultat suivant.

Theoreme 3.1. Il existe une theorie de l’integration raisonnable, pour des fonc-tions definies sur des rectangles, telle que la propriete suivante ait lieu : si Ω est unouvert de C, alors la formule de Green-Riemann

ż

BRPdx`Qdy “

ż

R

ˆ

BQ

Bx´BP

By

˙

est valable pour toutes fonctions P et Q differentiables sur Ω et pour tout rectangleR Ă Ω.

L’integrale qu’on va utiliser est une integrale de type “Riemann” (donc avec dessubdivisions et des “sommes de Riemann”), mais beaucoup plus generale. Toute laconstruction repose sur une sorte de raffinement du lemme de Lebesgue connue sousle nom de lemme de Cousin. On va donc commencer par demontrer ce lemme, et onverra immediatement apres comment il permet de “re-ecrire” la preuve du theoreme deCauchy-Goursat donnee plus haut. On definira ensuite l’integrale, et on pourra alorsetablir une version tres generale de la formule de Green-Riemann sur un rectangle.

3.1. Le lemme de Cousin. Il s’agit du resultat suivant. On l’enonce ici pour desrectangles dans C “ R2, mais il est valable pour des paves dans RN avec N quelconque(et en particulier pour des segments de R !).

Lemme 3.2. (lemme de Cousin)Soit R un rectangle (ferme) de C, et supposons donne pour tout a P R un voisinageouvert Va de a dans C. Alors on peut subdiviser R en rectangles R1, . . . , RN de sorteque la propriete suivante ait lieu : chaque rectangle Ri est contenu dans un ouvert Vaiavec un point ai appartenant a Ri. De plus, on peut imposer que les Ri soient toushomothetiques a R.

Demonstration. Convenons de dire qu’un rectangle K Ă R homothetique a Rest refractaire s’il est impossible de subdiviser K en rectangles homothetiques ayant lapropriete ci-dessus. On va montrer par l’absurde que R n’est pas refractaire. Le pointcle est l’observation suivante :

Fait. Si un rectangle K Ă R est refractaire, alors on peut trouver un rectanglerefractaire K 1 Ă K homothetique a K et tel que diampK 1q “ 1

2diampKq.

Preuve du fait. Il suffit de subdiviser (en fait, quadriller) K en 4 rectangleshomothetiques deux fois plus petits : si aucun de ces 4 rectangles n’etait refractaire,K ne le serait pas non plus.

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3. CAUCHY-GOURSAT, GREEN-RIEMANN ET KURZWEIL-HENSTOCK 75

Supposons maintenant que le rectangle R soit refractaire. En posant K0 “ R, le faitpermet de construire par recurrence une suite decroissante de rectangles refractairespKnqně0 homothetiques a R avec diampKnq “ 2´ndiampRq. D’apres le theoreme desfermes emboites, l’intersection des Kn est non vide et reduite a un point tau. On peutalors trouver un entier n tel que Kn Ă Va, et comme a P Kn cela contredit le caractererefractaire de Kn.

3.2. Retour sur Cauchy-Goursat. (Cette sous-section n’est pas strictementindispensable). On va voir ici comment le lemme de Cousin permet de re-ecrire lapreuve du theoreme de Cauchy-Goursat. Soit donc f une fonction C-derivable sur Ω :il s’agit de montrer qu’on a

ş

BR fpzq dz “ 0 pour tout rectangle R Ă Ω. Tout reposesur le fait suivant.

Fait. Soit ε ą 0. Pour tout point a P Ω, on peut trouver un voisinage ouvert Vade a verifiant la propriete suivante : pour tout rectangle K tel que a P K Ă Va, on a

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BKfpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď εdiampKq lpBKq .

Demonstration. Fixons a P Ω. Comme f est C-derivable en a, on peut trouverun voisinage ouvert Va de a tel que |fpzq ´ Lapzq| ď ε |z ´ a| pour tout z P Va, ouLapzq “ fpaq`pz´aqf 1paq. Soit K un rectangle tel que a P K Ă Va. Comme la fonctionLa possede une primitive holomorphe, on a

ş

BK Lapzq dz “ 0 et doncş

BK fpzq dz “ş

BKpfpzq ´ Lapzqq dz. Par consequent :ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BKfpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

ż

BK|fpzq ´ Lapzq| |dz|

ď ε

ż

BK|z ´ a| |dz| .

Comme de plus le point a appartient a K, on a |z ´ a| ď diampKq pour toutz P BK, d’ou finalement

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BKfpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď εdiampKq lpBKq .

Soit maintenant R un rectangle contenu dans Ω. Notons |R| son aire et posons

c “diampRq lpBRq

|R|,

de sorte que diampR1q lpBR1q “ c |R1| pour tout rectangle R1 homothetique a R. D’apresle fait, le lemme de Cousin et cette propriete de c, on peut pour tout ε ą 0, subdiviserR en rectangles R1, . . . , RN tels que

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BRk

fpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď c ε |Rk|

pour tout k P t1, . . . , Nu.Comme

ş

BR fpzq dz “ř

k

ş

BRkfpzq dz, on en deduit

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BRfpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď c εNÿ

k“1

|Rk| “ c|R| ε ,

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76 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

pour tout ε ą 0. Et par consequentş

BR fpzq dz “ 0.

3.3. Integrale “de jauge” sur un rectangle. Dans cette sous-section, on definitla notion d’integrale dont on a besoin pour la formule de Green-Riemann generalisee.Il faut malheureusement introduire un peu de vocabulaire.

Definition 3.3. Soit R un rectangle de C.

(1) Une subdivision pointee de R est une suite finie K “ ppK1, a1q, . . . , pKN , aN qq,ou pK1, . . . ,KN q est une subdivision de R en rectangles et aj P Kj pour toutj P t1, . . . , Nu.

(2) Une jauge sur R est une fonction δ : R Ñs0,8r. (Autrement dit, la donneepour tout a P R d’un nombre δpaq ą 0).

(3) Etant donne une jauge δ sur R, on dit qu’une subdivision pointee K “

ppK1, a1q, . . . , pKN , aN qq est δ-fine si on a Kj Ă Dpaj , δpajqq pour tout j Pt1, . . . , Nu.

Il faut un peu de temps pour digerer ces definitions, en particulier la notion de“δ-finesse”. Quoi qu’il en soit, avec cette terminologie le lemme de Cousin peut sereformuler comme suit :

Lemme 3.4. Soit R un rectangle de C. Pour toute jauge δ sur R, il existe unesubdivision pointee δ-fine de R constituee de rectangles homothetiques a R.

Demonstration. Il suffit de poser Va “ Dpa, δpaqq pour tout a P R et d’appliquerle lemme de Cousin.

La definition de l’integrale fait intervenir des sommes de Riemann. Si ϕ : RÑ Cest une fonction definie sur un rectangle R et si K “ ppK1, a1q, . . . , pKN , aN qq est unesubdivision pointee de R, la somme de Riemann pour ϕ associee a K est le nombreSpϕ,Kq defini comme on s’y attend :

Spϕ,Kq “Nÿ

j“1

ϕpajq |Kj | ,

ou on a note |Kj | l’aire du rectangle Kj .

Definition 3.5. Soit ϕ : R Ñ C une fonction definie sur un rectangle R. Ondit que ϕ est J-integrable sur R s’il existe un nombre complexe I verifiant la pro-priete suivante : pour tout ε ą 0, il est possible de trouver une jauge δ sur R telleque |Spϕ,Kq ´ I| ď ε pour toute subdivision δ-fine de R constituee de rectangles ho-mothetiques a R. Le nombre I est alors determine de maniere unique, et on le noteI “

ş

R ϕ.

Remarque 0. Le fait que I soit determine de maniere unique se demontre exacte-ment comme l’“unicite de la limite” pour les suites numeriques, en utilisant le lemmede Cousin et le fait que si δ1 et δ2 sont deux jauges sur R, alors δ :“ minpδ1, δ2q estencore une jauge sur R. C’est un bon exercice “de comprehension”.

Remarque 1. La terminologie “J-integrable” n’est absolument pas standard. (Lalettre “J” fait reference au mot “jauge”.)

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3. CAUCHY-GOURSAT, GREEN-RIEMANN ET KURZWEIL-HENSTOCK 77

Remarque 2. Si on ne se restreint pas a des subdivisions constituees de rectangleshomothetiques a R (i.e. si dans la definition on exige d’avoir |Spϕ,Kq ´ I| ă εpour toutes les subdivisions δ-fines de R), on obtient exactement l’integrale dite deKurzweil-Henstock. Ainsi, toute fonction integrable au sens de Kurzweil-Henstockest J-integrable, et son integrale au sens de Kurzweil-Henstock est egale a sa “J-integrale”.

Remarque 3. Il est clair par definition que les fonctions J-integrables sur R formentun espace vectoriel et que l’integrale

ş

R ϕ depend lineairement de ϕ. Il est egalementfacile de voir que l’integrale est croissante : si ϕ et ψ sont a valeurs reelles et ϕ ď ψ, alorsş

R ϕ ďş

R ψ. En revanche, contrairement a ce qui se passe pour l’integrale de Lebesgue,il n’est pas vrai en general qu’une fonction ϕ est J-integrable si et seulement si |ϕ| estJ-integrable.

Exemple. Toute fonction continue sur un rectangle R est J-integrable sur R, etsa “J-integrale” est egale a son integrale au sens de Lebesgue.

Demonstration. Soit ϕ : R Ñ C une fonction continue ; on va en fait montrerque ϕ est integrable au sens de Kurzweil-Henstock. Pour tout rectangle K Ă R, onnotera

ş

K ϕpx, yq dxdy son integrale au sens de Lebesgue sur K.Fixons ε ą 0. Par definition de la continuite, on peut pour tout a P R choisir

δpaq ą 0 tel que

|z ´ a| ă δpaq ùñ |ϕpzq ´ ϕpaq| ď ε

On definit ainsi une jauge δ sur R. Si K “ ppK1, a1q, . . . , pKN , aN qq est une subdi-vision pointee δ-fine, alors on a par definition |ϕpzq ´ ϕpajq| ď ε pour tout j et pour

tout z “ px, yq P Kj . On en deduitˇ

ˇ

ˇ

ş

Kjpϕpx, yq ´ ϕpajqq dxdy

ˇ

ˇ

ˇď

ş

Kjε dxdy “ ε |Kj |,

ce qui s’ecrit encoreˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

Kj

ϕpx, yq dxdy ´ ϕpajq |Kj |

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď ε |Kj |

pour tout j P t1, . . . , Nu. D’apres l’inegalite triangulaire, on a doncˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

Nÿ

j“1

ż

Kj

ϕpx, yq dxdy ´Nÿ

j“1

ϕpajq |Kj |

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď εNÿ

j“1

|Kj | ,

autrement ditˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

Rϕpx, yq dxdy ´ Spϕ,Kq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď ε |R| .

Comme ε ą 0 est arbitraire, cela montre que ϕ est integrable au sens de Kurzweil-Hestock sur R, et que son integrale au sens de Kurzweil-Henstock est egale a sonintegrale au sens de Lebesgue

ş

R ϕpx, yq dxdy.

Remarque. Il est egalement vrai (mais plus delicat a demontrer) que toute fonctionintegrable au sens de Lebesgue sur R est integrable au sens de Kurzweil-Henstock (etdonc J-integrable), et que son integrale au sens de Kurzweil-Henstock est egale a sonintegrale au sens de Lebesgue.

Page 78: Variable Complexe Licence de Math ematiquesmatheron.perso.math.cnrs.fr/enseignement_fichiers/PolyVC.pdf · La formule de Green-Riemann 31 3. ... R2 ÑC par un nombre complexe), de

78 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

3.4. Derivee exterieure. La formule de Green-Riemann que l’on a en vue faitintervenir ce qu’on appelle la “derivee exterieure” d’une forme differentielle. L’objetde cette sous-section est de definir precisement ce qu’on entend par la.

On a d’abord besoin d’introduire quelques notations et un peu de vocabulaire.

‚ Comme d’habitude, on notera |K| l’aire d’un rectangle K Ă C.

‚ On appellera regularite d’un rectangle K la quantite rpKq “ |K|diampKq2

¨ (Par

definition, on a donc 0 ă rpKq ď 1). La signification geometrique de rpKq estla suivante : plus le rectangle K est “aplati”, et plus rpKq est petit.

‚ On utilisera le fait evident suivant : si K et K 1 sont deux rectangles ho-mothetiques, alors rpKq “ rpK 1q.

‚ Si a P C, on notera Rpaq la famille de tous les rectangles de C contenant a.

‚ Soit a P C, et soit Φ : Rpaq Ñ C. On dit que ΦpKq admet une limite quandK tend vers a sans s’aplatir s’il existe un nombre complexe l tel que lapropriete suivante ait lieu : pour toute suite de rectangles pKnq Ă Rpaq telleque diampKnq Ñ 0 et infn rpKnq ą 0, on a limnÑ8ΦpKnq “ l. Le nombre lest alors determine de maniere unique (exercice) et on ecrit l “ lim

KÑaΦpKq.

Definition 3.6. Soit ω une forme differentielle continue sur un ouvert Ω Ă C. Ondit que ω est exterieurement derivable en un point a P Ω si 1

|K|

ş

BK ω admet une

limite quand K P Kpaq tend vers a sans s’aplatir. On pose alors

dωpaq “ limKÑa

1

|K|

ż

BKω ,

et on dit que dωpaq est la derivee exterieure de ω au point a.

On ne tentera pas ici d’expliquer la terminologie “derivee exterieure”. En revanche,on va demontrer le lemme suivant, qui est en quelque sorte la “raison d’etre” de ladefinition.

Lemme 3.7. Soit ω “ Pdx `Qdy une forme differentielle continue sur un ouvertΩ Ă C. Si ω est differentiable en un point a P Ω (i.e. P et Q sont differentiables en a)alors ω est exterieurement derivable en a et

dωpaq “BQ

Bxpaq ´

BP

Bypaq .

Demonstration. Cela va decouler des deux faits suivants.

Fait 1. Si Ppx, yq “ α1x`β1y`γ1 et Qpx, yq “ α2x`β2y`γ2 sont des fonctionsaffines sur C “ R2 (a valeurs complexes), alors

ż

BKPdx`Qdy “ pα2 ´ β1q ˆ |K| ”

ˆ

BQBx´BPBy

˙

ˆ |K|

pour tout rectangle K Ă C.

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3. CAUCHY-GOURSAT, GREEN-RIEMANN ET KURZWEIL-HENSTOCK 79

Demonstration. En ecrivant K “ ru, u1s ˆ rv, v1s, on aż

BKPdx`Qdy “

ż u1

u

`

Ppx, vq ´ Ppx, v1q˘

dx`

ż v1

v

`

Ppu1, yq ´Qpu, yq˘

dy

ż u1

uβ1pv ´ v

1q dx`

ż v1

vα2pu

1 ´ uq dy

“ pα2 ´ β1q ˆ pu1 ´ uqpv1 ´ vq ,

d’ou le resultat.

Remarque. Comme P et Q sont de classe C1, on aurait pu tout aussi bien appliquer... la formule de Green-Riemann, que l’on vient de redemontrer dans ce cas particulier.

Fait 2. Soit η “ pdx ` qdy une forme differentielle continue sur Ω, et soit a P Ω.On suppose qu’on a ppzq “ op|z ´ a|q “ qpzq quand z Ñ a. Alors η est exterieurementderivable en a et dηpaq “ 0.

Demonstration. Par hypothese, on peut ecrire

ppzq “ pz ´ aqεppzq et qpzq “ pz ´ aqεqpzq ,

ou limzÑa εppzq “ 0 “ limzÑa εqpzq.Si K Ă Ω est un rectangle contenant a, alors

|ppzq| ď |εppzq| ˆ diampKq et |qpzq| ď |εqpzq| ˆ diampKq

pour tout z P K. En ecrivant K “ I ˆ J ou I et J sont des segments de R, on endeduit

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BKpdx` qdy

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď diampKq ˆ`

2|I| εppKq ` 2|J | εqpKq˘

,

ou on a pose εppKq “ supzPK |εppzq| et εqpKq “ supzPK |εqpzq|. Comme |I| ď diampKqet |J | ď diampKq, on obtient donc

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BKη

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď 2 pεppKq ` εqpKqq ˆ diampKq2 ;

et par consequentˇ

ˇ

ˇ

ˇ

1

|K|

ż

BKη

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ďεpKq

rpKq,

ou εpKq “ 2 pεppKq ` εqpKqq et rpKq “ |K|diampKq2

est la regularite de K. Comme εpKq

tend vers 0 quand K tend vers a, on en deduit que 1|K|

ş

BK η tend vers 0 quand K

tend vers a sans s’aplatir ; autrement dit que η est exterieurement derivable en a avecdηpaq “ 0.

La preuve du lemme est maintenant “immediate”. Supposons que ω “ Pdx`Qdysoit differentiable en a “ pxa, yaq. En posant

Papx, yq “ P paq `BP

Bxpaq px´ xaq `

BP

Bypaq py ´ yaq et

Qapx, yq “ Qpaq `BQ

Bxpaq px´ xaq `

BQ

Bypaq py ´ yaq ,

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80 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

on peut alors ecrire

P pzq “ Papzq ` papzq et Qpzq “ Qapzq ` qapzq ,

ou

papzq “ op|z ´ a|q “ qapzq quand z Ñ a .

On a donc

ω “ pPadx`Qadyq ` ppadx` qadyq

“ pPadx`Qadyq ` ηa .

D’apres le fait 1, on en deduit

1

|K|

ż

BKPdx`Qdy “

BQ

Bxpaq ´

BP

Bypaq `

1

|K|

ż

BKηa

pour tout rectangle K Ă Ω ; et d’apres le fait 2 on en conclut que dωpaq existe et vautBQBx paq ´

BPBy paq.

Exercice. Utiliser le lemme precedent pour demontrer le theoreme de Schwarz,sous la forme suivante : si f est une fonction de classe C1 sur Ω et deux fois differentiable

en un point a P Ω, alors B2fBxBy paq “

B2fByBxpaq.

Remarque. On dira qu’une forme differentielle ω est d-fermee si elle est continue, etexterieurement derivable en tout point avec dω ” 0. Cette terminologie est compatibleavec celle introduite au tout debut de ce chapitre : en effet, si ω est de classe C1 oumeme seulement differentiable et s’ecrit ω “ Pdx ` Qdy “ Adz ` Bdz, il decoule dulemme 3.7 qu’elle est d-fermee si et seulement si BQ

Bx “BPBy , ou encore BB

Bz “BABz ¨ En

particulier, une forme differentielle du type ω “ fdz avec f differentiable est d-fermeesi et seulement si f verifie l’equation de Cauchy-Riemann Bf

Bz “ 0, i.e. f est C-derivableen tout point.

3.5. Green-Riemann. On a maintenant introduit tous les outils necessaires al’enonce et a la preuve du theoreme suivant.

Theoreme 3.8. Soit ω une forme differentielle continue au voisinage d’un rec-tangle R Ă C. Si ω est exterieurement derivable en tout point de R, alors dω estJ-integrable sur R et

ż

BRω “

ż

Rdω .

Compte tenu du lemme 3.7 et du fait que la J-integrale generalise l’integrale deLebesgue (c qu’on n’a pas demonre...), on en deduit immediatement :

Corollaire 3.9. Si ω “ Pdx`Qdy est differentiable sur un ouvert Ω Ă C et siR Ă Ω est un rectangle tel que la fonction BQ

Bx ´BPBy est integrable au sens de Lebesgue

sur R, alorsż

BRPdx`Qdy “

ż

R

ˆ

BQ

Bx´BP

By

˙

dxdy .

De meme, on obtient instantanement la generalisation suivante du theoreme deCauchy-Goursat :

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3. CAUCHY-GOURSAT, GREEN-RIEMANN ET KURZWEIL-HENSTOCK 81

Corollaire 3.10. Si ω est une forme differentielle d-fermee sur Ω, alorsş

BR ω “ 0pour tout rectangle R Ă Ω. En particulier, si f est une fonction C-derivable sur Ω,alors

ş

BR fpzq dz “ 0 pour tout rectangle R Ă Ω.

Et pour finir, une caracterisation des formes differentielles d-fermees.

Corollaire 3.11. Soit ω une forme differentielle continue sur Ω. Alors ω est d-fermee si et seulement si

ş

BR ω “ 0 pour tout rectangle R Ă Ω, ce qui revient a direque ω est localement exacte.

Demonstration. Si ω est d-fermee, alorsş

BR ω “ 0 pour tout rectangle R Ă Ωpar “Green-Riemann generalise” ; et inversement, si cette propriete est verifiee alors ωest exterieurement derivable en tout point avec dω “ 0, par definition.

Preuve du theoreme. Supposons ω exterieurement derivable en tout point deR, et fixons ε ą 0. Il s’agit de trouver une jauge δ sur R telle que

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

Spdω,Kq ´

ż

BRω

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď ε

pour toute subdivision pointee δ-fine de R constituee de rectangles homothetiques aR.

Soit r0 “|R|

diampRq2la regularite du rectangleR, et soit ε1 ą 0 a choisir ulterieurement.

Par definition de la derivabilite exterieure, on peut pour tout a P R, choisir δpaq ą 0 telque la propriete suivante ait lieu : pour tout rectangle K Ă Ω tel que a P K Ă Dpaδpaqqet rpKq ě r0, on a

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BKω ´ |K| dωpaq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď ε1 |K| .

En particulier, cette inegalite sera satisfaite pour tout rectangle K Q a homothetiquea R tel que diampKq ď 2δpaq.

Le choix de δpaq pour tout a P R definit une jauge δ sur R. On va montrer quecette jauge convient si ε1 est assez petit.

Soit K “ ppK1, a1q, . . . , pKN , anqq une subdivision pointee δ-fine de R constitueede rectangles homothetiques a R. Par definition de la jauge δ et de la “δ-finesse” on aaj P Kj Ă Dpaj , δpajqq, et donc

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BKj

ω ´ |Kj | dωpajq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď ε1 |Kj |

pour tout j P t1, . . . , Nu. D’apres l’inegalite triangulaire, on en deduitˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

Nÿ

j“1

ż

BKj

ω ´Nÿ

j“1

|Kj | dωpajq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď ε1Nÿ

j“1

|Kj | ,

autrement ditˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

BRω ´ Spdω,Kq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď ε1 |R| ;

d’ou la conclusion souhaitee en choisissant ε1 ď ε|R| ¨

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82 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

4. Homotopie

4.1. Invariance de l’integrale curviligne par homotopie.

Definition 4.1. Soit Ω un ouvert de C, et soient γ0 et γ1 deux lacets dans Ω (i.e.deux chemins fermes), parametres par le meme intervalle ra, bs. On dit que γ0 et γ1

sont homotopes dans Ω s’il existe une application continue H : r0, 1s ˆ ra, bs Ñ Ωverifiant les deux proprietes suivantes.

(a) Pour tout s P r0, 1s, le chemin Γs : ra, bs Ñ Ω defini par Γsptq “ Hps, tq estun lacet ( pas necessairement de classe C1 par morceaux).

(b) Γ0 “ γ0 et Γ1 “ γ1.

On dit alors que H est une homotopie de γ0 a γ1.

Remarques.

(o) En termes un peu vagues mais images, γ0 et γ1 sont homotopes dans Ω si “onpeut passer continument de γ0 a γ1 en restant dans Ω”.

(i) On voit immediatement que si H est une homotopie de γ0 a γ1, alors l’appli-cation ps, tq ÞÑ Hp1´ s, tq est une homotopie de γ1 a γ0. Donc la definition del’homotopie est symetrique en γ0 et γ1, ce qui justifie la terminologie “sonthomotopes” (qui est d’emblee symetrique).

(ii) En fait, la relation “etre homotopes dans Ω” est une relation d’equivalence.La preuve est laissee en exercice.

(iii) La definition depend de l’ouvert Ω puisque l’homotopie H doit prendre sesvaleurs dans Ω.

Exemples.

(1) Tout lacet γ : ra, bs Ñ C est homotope dans C a un lacet constant.

(2) Le lacet γ : r0, 2πs Ñ C˚ defini par γptq “ eit n’est pas homotope dans C˚ aun lacet constant.

Demonstration. (1) Fixons un point p P C. Si on definit H : r0, 1s ˆ C parHps, tq “ p1´ sqγptq ` s p, alors H est une homotopie de γ au lacet constant egal a p.

(2) Le resultat est intuitivement evident : on ne peut pas deformer continumentsur un point un cercle centre en 0 sans passer par 0. Pour une preuve rigoureuse, ilfaut attendre un peu.

Exercice. Soient 0 ă r ă R.Montrer que les lacets definis sur r0, 2πs par γrptq “ reit

et γRptq “ Reit sont homotopes dans C˚.Le resultat suivant est fondamental.

Theoreme 4.2. (invariance de l’integrale curviligne par homotopie)Soit Ω un ouvert de C. Si γ0 et γ1 sont deux lacets homotopes dans Ω, alors

ş

γ0ω “

ş

γ1ω

pour toute 1-forme localement exacte ω sur Ω. En particulier, si γ est un lacethomotope dans Ω a un lacet constant, alors

ş

γ ω “ 0.

Pour la preuve, on a besoin de deux lemmes. Dans ce qui suit, on dira qu’uneapplication continue H : rc, ds ˆ ra, bs Ñ C definie sur un rectangle rc, ds ˆ ra, bs Ă R2

est separement C1 par morceaux si pour tout s P rc, ds fixe, le chemin t ÞÑ Hps, tqest C1 par morceaux, et pour tout t P ra, bs fixe, le chemin s ÞÑ Hps, tq est C1 parmorceaux.

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4. HOMOTOPIE 83

Lemme 4.3. Si γ0 et γ1 sont deux lacets (de classe C1 par morceaux) homotopesdans Ω, alors il existe une homotopie de γ0 a γ1 qui est separement C1 par morceaux.

Demonstration. La preuve est un peu technique et ne presente pas un interetdemesure. On admettra donc le resultat.

Lemme 4.4. Soit R “ rc, dsˆra, bs un rectangle de R2, et soit H : rc, dsˆra, bs Ñ Ωcontinue et separement C1 par morceaux. Soit egalement γ un parametrage admissiblede BR. Alors

ş

H˝γ ω “ 0 pour toute 1-forme localement exacte ω sur Ω.

Demonstration. Remarquons d’abord que l’integraleş

H˝γ ω est bien definie car

H ˝ γ est un chemin C1 par morceaux, d’apres l’hypothese faite sur H.Fixons une 1-forme localement exacte ω, et posons K “ HpRq. L’ensemble K est

compact par continuite de H, et tout point z P K possede un voisinage ouvert Vz surlequel ω est exacte. Soit ε ą 0 un nombre de Lebesgue pour K associe au recouvrementouvert pVzqzPK . Comme H est uniformement continue sur le compact R, on peutquadriller R en rectangles R1, . . . , RN tels que le diametre de chaque ensemble HpRkqest inferieur a ε. Alors ω est exacte au voisinage de chaque HpRkq, par definition deε. En notant γk un parametrage admissible de BRk, on a donc

ş

H˝γkω “ 0 pour tout

k. (Cette integrale est bien definie car H ˝ γk est C1 par morceaux par hypothese sur

H). Enfin, on aş

H˝γ ω “řNk“1

ş

H˝γkω, d’apres une variante “evidente” du lemme de

quadrillage 1.9, dont la preuve est un bon exercice de redaction. Doncş

H˝γ ω “ 0.

Preuve du theoreme 4.2. Soient γ0, γ1 : ra, bs Ñ Ω deux lacets (de classe C1

par morceaux) homotopes dans Ω, et soit ω une 1-forme localement exacte sur Ω.Par le lemme 4.3, on peut trouver une homotopie separement C1 par morceaux H :r0, 1sˆra, bs Ñ Ω de γ0 a γ1. Soit R “ r0, 1sˆra, bs, et soit γ un parametrage admissiblede BR. Par le lemme 4.4, on a

ş

H˝γ ω “ 0. D’autre part, en notant ca : r0, 1s Ñ Ω et

cb : r0, 1s Ñ Ω les chemins definis par capsq “ Hps, aq et cbpsq “ Hps, bq, on aż

H˝γ“

ż

ca

`

ż

γ1

´

ż

cb

´

ż

γ0

.

Enfin, on a ca “ cb puisque tous les chemins t ÞÑ Hps, tq sont des lacets. Ainsi, onobtient

ż

γ1

ω ´

ż

γ0

ω “ 0 .

La deuxieme partie du theoreme est immediate puisqu’on a evidemmentş

c ω “ 0pour tout lacet constant c.

Corollaire 4.5. (“theoreme de Cauchy homotopique”)Si f est une fonction holomorphe sur Ω, alors

ş

γ fpzq dz “ 0 pour tout lacet homotope

dans Ω a un lacet constant.

Corollaire 4.6. Le lacet γ defini sur r0, 2πs par γptq “ eit n’est pas homotopedans C˚ a un lacet constant.

Demonstration. On aş

γdzz “ 2iπ ‰ 0, d’ou le resulat par le theoreme de Cauchy

homotopique.

Exercice. Soient m,n P Z et soient γm et γn les lacets definis sur r0, 2πs par γmptq “eimt et γnptq “ eint. A quelle condition γm et γn sont-ils homotopes dans C˚ ?

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84 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

4.2. Ouverts simplement connexes.

Definition 4.7. Soit Ω un ouvert de C. On dit que Ω est simplement connexes’il est connexe et si tout lacet dans Ω est homotope dans Ω a un lacet constant.

Remarque. Appelons trou d’un ouvert Ω toute composante connexe bornee de CzΩ.Si un ouvert Ω possede un trou, on voit bien qu’un lacet entourant ce trou ne peut pasetre deforme continument sur un point en restant dans Ω, i.e. n’est pas homotope dansΩ a un lacet constant. Intuitivement, il est donc clair qu’un ouvert simplement connexen’a pas pas de trous. Il est peut-etre moins clair que les trous sont la seule obstructiona la simple connexite, i.e. que tout ouvert sans trous est simplement connexe. C’esteffectivement vrai, mais la demonstration est loin d’etre evidente.

Exemples.

(1) Tout ouvert convexe est simplement connexe.

(2) Tout ouvert Ω etoile par rapport a un point p (i.e. rp, zs Ă Ω pour tout z P Ω)est simplement connexe.

(3) Si L est une demi-droite de C, alors Ω “ CzL est simplement connexe.

(4) Ω “ C˚ n’est pas simplement connexe.

(5) Si K est un compact non vide de C, alors Ω “ CzK n’est pas simplementconnexe.

Demonstration. (2) Si γ : ra, bs Ñ Ω est un lacet dans Ω, on definit une homo-topie (dans Ω) de γ au lacet constant egal a p en posant

Hps, tq “ s p` p1´ sqγptq .

Comme tout ouvert convexe est etoile (par rapport a n’importe lequel de ses points),(1) est un cas particulier de (2).

Pour (3), il suffit d’observer que si on note a l’origine de L, alors CzL est etoile parrapport a tout point p P L˚ztau, ou L˚ est la demi-droite symetrique de L par rapporta a.

Pour (5), choisissons un point a P K et R ą 0 tel que K Ă Dpa,Rq. Si on poseγptq “ a`Reit, t P r0, 2πs, alors γ est un lacet dans Ω et

ş

γdzz´a “ 2iπ ‰ 0. Comme la

fonction z ÞÑ 1z´a est holomorphe sur Ω (puisque a R Ωq, cela montre que γ n’est pas

homotope dans Ω a un lacet constant, d’apres le theoreme de Cauchy homotopique.Donc Ω n’est pas simplement connexe.

Enfin, (4) est un cas particulier de (5), qui a d’ailleurs deja ete rencontre.

Theoreme 4.8. Si Ω Ă C est un ouvert simplement connexe, alors toute 1-formelocalement exacte sur Ω est exacte. En particulier, toute fonction holomorphe sur Ωpossede des primitives holomorphes.

Demonstration. Soit ω une 1-forme localement exacte sur Ω. D’apres le theoreme4.2, on a

ş

γ ω “ 0 pour tout lacet γ dans Ω. Donc ω est exacte d’apres le theoreme 1.6.

Corollaire 4.9. Si Ω est simplement connexe, alors toute fonction f holomorphesur Ω et sans zeros possede un logarithme holomorphe. Autrement dit, si f :Ω Ñ C est holomorphe et si fpzq ‰ 0 pour tout z P Ω, alors il existe une fonctionholomorphe g telle que eg “ f .

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5. INDICE D’UN LACET PAR RAPPORT A UN POINT 85

Demonstration. Comme f ne s’annule pas, la fonction f 1f est bien definie etholomorphe sur Ω ; elle possede donc une primitive holomorphe g. On a alors

pe´gfq1 “ e´gp´g1f ` f 1q “ 0 ,

donc la fonction C “ e´gf est constante puisque Ω est connexe. Si on fixe un point z0 P

Ω, on peut supposer, quitte a rajouter une constante a g, que gpz0q est un logarithme de

fpz0q : il suffit de remplacer g par g` c, ou c verifie ec “ e´gpz0qfpz0q. Alors Cpz0q “ 1,donc C est identiquement egale a 1, autrement dit f “ eg.

Corollaire 4.10. Soit Ω un ouvert simplement connexe. Si u est une fonctionharmonique sur Ω et a valeurs reelles, alors il existe une fonction f P HpΩq telle queRepfq “ u.

Remarque. Rappelons qu’une fonction u est dite harmonique si elle est de classe C2

et verifie ∆u “ 0, ou ∆u “ B2uBx2

` B2uBy2¨ Comme on a egalement ∆ “ 4 B2

BzBz , il est clair

que toute fonction holomorphe f est harmonique ; et comme ∆pRepfqq “ Rep∆fq pourtoute fonction f , on en deduit que si f est une fonction holomorphe, alors la fonctionRepfq est harmonique. Ceci ne depend pas de l’ouvert Ω ou les fonctions sont definies.La reciproque est fausse en general, mais devient vraie si Ω est simplement connexe :c’est le contenu de l’enonce precedent.

Preuve du corollaire 4.10. Soit u : Ω Ñ R une fonction harmonique. Comme

∆ “ 4 B2

BzBz , on a

B

Bz

ˆ

Bu

Bz

˙

“ 0 ,

et donc la fonction g “ BuBz est holomorphe sur Ω. Comme Ω est simplement connexe,

on peut donc trouver une fonction f P HpΩq telle que f 1 “ 2BuBz ¨ Alors la fonction

h “ Repfq “ 12pf ` fq verifie Bh

Bz “12 f

1 “ BuBz , et Bh

Bz “12BfBz “

12 f

1 “ BuBz “

BuBz , ou la

derniere egalite vient du fait que u est a valeurs reelles. Par consequent, la fonctionRepfq ´ u est constante ; et quitte a rajouter une constante a f , on peut supposer queRepfq ´ u ” 0.

5. Indice d’un lacet par rapport a un point

5.1. Definition et interpretation geometrique. Commencons par demontrerqu’on peut toujours trouver des determinations continues du logarithme “le long d’unchemin” (ne passant pas par 0).

Proposition 5.1. Soit p P C, et soit γ : ra, bs Ñ C un chemin ne passant paspar p, i.e. γptq ‰ p pour tout t P ra, bs. Soit la P C un logarithme de γpaq ´ p, et soitl : ra, bs Ñ C definie par

lptq “ la `

ż b

a

γ1psq

γpsq ´ pdt.

Alors l est une determination continue du logarithme le long de γ´p. Autrementdit, l est continue et on a

elptq “ γptq ´ p

pour tout t P ra, bs.

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86 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

Demonstration. Supposons d’abord γ de classe C1. Alors l est de classe C1, avec

l1ptq “ γ1ptqγptq´p ¨ Si on pose ϕptq “ e´lptqpγptq ´ pq, alors

ϕ1ptq “ p´l1ptqpγptq ´ pq ` lptqγ1ptqq “ 0 ,

donc ϕ est constante ; et la constante vaut 1 car ϕpaq “ e´lapγpaq ´ pq “ 1. D’ou leresultat dans ce cas.

Si γ est seulement de classe C1 par morceaux, on subdivise ra, bs en intervalles

ra0, a1s, . . . , raN´1, aN s sur lesquels γ est de classe C1. Alors elptq “ γptq ´ p pour tout

t P ra0, a1s d’apres le premier cas. Pour t P ra1, a2s, on a lptq “ lpa1q `şta1

γ1psqγpsq´p ds

d’apres la relation de Chasles. Comme lpa1q est un logarithme de γpa1q ´ p, on a donc

elptq “ γptq ´ p pour tout t P ra1, a2s, d’apres le premier cas applique sur l’intervalle

ra1, a2s. De proche en proche, on obtient elptq “ γptq ´ p pour tout t P ra, bs. Enfin,la fonction l est continue en tant qu’integrale indefinie d’une fonction continue parmorceaux.

Remarque. En fait l est de classe C1 par morceaux, et elle est de classe Ck si γ estde classe Ck, k ě 1.

Corollaire 5.2. (parametrage “en coordonnees polaires”)Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin tel que γptq ‰ 0 pour tout t P ra, bs, et posons rptq “|γptq|. Alors on peut ecrire

γptq “ rptqeiθptq ,

ou θptq P R et la fonction θ est continue. On dit que θ est une determination conti-nue de l’argument le long de γ. Si γ est de classe Ck, k ě 1, alors on peut prendreθ de classe Ck.

Demonstration. Avec les notations de la proposition (et p “ 0), ecrivons lptq “xptq ` iθptq, ou x et θ sont des fonctions continues a valeurs reelles, de classe C1 si γ

est C1. Comme elptq “ γptq, on a rptq “ |γptq| “ exptq, et donc γptq “ rptqeiθptq.

Corollaire 5.3. Soit p P C. Si γ est un lacet ne passant pas par p, alors lenombre complexe

ş

γdzz´p est un multiple entier de 2iπ.

Demonstration. Avec les notations de la proposition, ce nombre est egal aşba

γ1psqγpsq´p ds, autrement dit a lpbq ´ lpaq. Comme elpbq “ γpbq ´ p “ γpaq ´ p “ elpaq, on

a elpbq´lpaq “ 1, d’ou le resultat.

Definition 5.4. Soit p P C, et soit γ : ra, bs Ñ C un lacet ne passant pas par p.L’indice de γ par rapport a p est le nombre entier Ipγ, pq defini par

Ipγ, pq “1

2iπ

ż

γ

dz

z ´ p¨

Cette definition est purement analytique, et peut sembler un peu opaque. On va voirmaintenant qu’on peut aussi definir l’indice de maniere beaucoup plus geometrique.

Definition 5.5. Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin ne passant pas par 0. La variationde l’argument le long de γ est la difference θpbq ´ θpaq, ou θ est n’importe quelledetermination continue de l’argument le long de γ.

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5. INDICE D’UN LACET PAR RAPPORT A UN POINT 87

Remarque. Le fait que θpbq ´ θpaq ne depende pas de la determination θ vient dece que que deux determinations de l’argument le long de γ different d’une constante(multiple de 2π). En effet, si θ1 et θ2 sont deux telles determinations, alors θ1 ´ θ2 estune fonction continue sur ra, bs a valeurs dans 2πZ, donc θ1 ´ θ2 est constante d’apresle theoreme des valeurs intermediaires.

Le lemme suivant donne l’interpretation geometrique de l’indice.

Lemme 5.6. Soit p P C, et soit γ : ra, bs Ñ C un lacet ne passant pas par p.La determination de l’argument le long de γ ´ p est egale a 2π Ipγ, pq. Ainsi, Ipγ, pqs’interprete geometriquement comme le nombre de tours effectue par le lacet γ autourdu point p dans le sens trigonometrique.

Demonstration. Soit θ une determination continue de l’argument le long de γ´p.Alors Lptq “ log |γptq´ p|` iθptq est une determination continue du logarithme le longde γ´p. Comme deux telles determination different d’une constante (multiple de 2iπ),on a donc Lpbq´Lpaq “ lpbq´ lpaq, ou l est la determination donnee par la proposition5.1. Mais lpbq´lpaq “ 2iπ Ipγ, pq par definition de l’indice, et Lpbq´Lpaq “ ipθpbq´θpaqqcar |γpbq ´ p| “ |γpaq ´ p|. On a donc bien θpbq ´ θpaq “ 2π Ipγ, pq.

5.2. Formule de Cauchy “homotopique”. L’importance de l’indice en analysecomplexe vient du resultat suivant, qui est une autre version de la formule de Cauchy.

Theoreme 5.7. (formule de Cauchy homotopique)Soit Ω un ouvert de C, et soit γ un lacet dans Ω, d’image Γ. On suppose que γ esthomotope dans Ω a un lacet constant. Si f est une fonction holomorphe sur Ω, alors

1

2iπ

ż

γ

fpzq

z ´ adz “ Ipγ, aq fpaq

pour tout point a P ΩzΓ.

Demonstration. Fixons f et un point a P ΩzΓ. Soit g : Ω Ñ C la fonction definiepar

gpzq “

$

&

%

fpzq ´ fpaq

z ´ asi z ‰ a

f 1paq si z “ a

La fonction g est continue sur Ω et holomorphe sur Ωztau ; elle est donc holomorphesur Ω d’apres le corollaire 2.3. Comme γ est homotope a un lacet constant, on a doncş

γ gpzq dz “ 0 d’apres le theoreme de Cauchy homotopique. Comme γ ne passe pas par

a, cela s’ecritż

γ

fpzq

z ´ adz “

ż

γ

fpaq

z ´ adz “ fpaq ˆ 2iπ Ipγ, aq .

Remarque. Si l’ouvert Ω est simplement connexe, alors la formule de Cauchyhomotopique et le theoreme de Cauchy homotopique sont valables pour tout lacet γdans Ω.

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88 4. PRIMITIVES, HOMOTOPIE

5.3. Calcul pratique de l’indice. Pour pouvoir utiliser la formule de Cauchyhomotopique, il faut etre capable de calculer des indices. On va maintenant donnerune methode geometrique tres facile a utiliser. Introduisons d’abord la terminologiesuivante.

Definition 5.8. Soit γ : ra, bs ÑÑ C un chemin dans C et soit L Ă C une demi-droite d’origine p. On dit que γ traverse L en un point c P sa, br si γpcq P L et s’ilexiste ε ą 0 tel que γptq R L pour t P rc ´ ε, crY sc, c ` εs et l’une des deux proprietessuivantes ait lieu :

(+) Quand t decrit l’intervalle rc´ ε, c` εs, la demi-droite rp, γptqq “tourne dansle sens trigonometrique”.

(´) Quand t decrit l’intervalle rc´ ε, c` εs, la demi-droite rp, γptqq “tourne dansle sens anti-trigonometrique”.

On dit que γ traverse positivement L dans le cas (+), et negativement dans le cas(´).

Exercice. Donner un sens precis a l’expression “tourner dans le sens trigonometrique”.

Remarque. Il est compris dans la definition que γ ne traverse pas L aux points aet b.

Proposition 5.9. (calcul pratique de l’indice)Soit p P C et soit γ : ra, bs Ñ C un lacet ne passant pas par p. On suppose qu’il existeune demi-droite L d’origine p tel que γ´1pLq est fini et que γ traverse L en tout pointc P γ´1pLq. Notons n` le nombre de points c ou γ traverse positivement L, et n´ lenombre de points c ou γ traverse negativement L. Alors

Ipγ, pq “ n` ´ n´ .

Demonstration. Par translation et rotation (i.e. quitte a composer γ par unesimilitude affine comme dans la preuve de la proposition 2.2), on se ramene au cas oup “ 0 et L “ R´.

Pour u, v P ra, bs, u ă v, notons V pu, vq la variation de l’argument de γptq entre uet v, i.e. la variation de l’argument le long de γ|ru,vs. L’interpretation geometrique del’indice nous dit que

V pa, bq “ 2π Ipγ, 0q .

D’autre part, en notant γ´1pLq “ tc1, . . . , cNu avec a ă c1 ă c2 ă ¨ ¨ ¨ ă cN ă b, on a

V pa, bq “ V pa, c1q `

N´1ÿ

i“1

V pci, ci`1q ` V pcN , bq .

Pour i P t1, . . . , Nu, posons εi “ `1 si γ traverse R´ positivement au point ci,et εi “ ´1 si γ traverse negativement. En notant arg la determination principale del’argument sur CzR´, la fonction t ÞÑ argpγptqq est continue sur ra, bszγ´1pR´q “ra, c1rY sc1, c2rY ¨ ¨ ¨ Y scN´1, cN rY scNbr. De plus il decoule directement des definitionsqu’on a

limtÑc´i

argpγptqq “ εiπ et limtÑc`i

argpγptqq “ ´εiπ

pour tout i P t1, . . . , Nu (faire un dessin !).On en deduit que la fonction t ÞÑ argpγptqq se prolonge par continuite a chaque in-

tervalle ra, c1s, rc1, c2s . . . , rcN´1s, rcN , bs ; et chaque prolongement est une determinationcontinue de l’argument le long de γ entre les bornes de l’intervalle considere. On a donc

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5. INDICE D’UN LACET PAR RAPPORT A UN POINT 89

V pa, c1q “ ε1π´argpγpaqq, V pci, ci`1q “ εi`1π´p´εiqπ “ pεi`εi`1qπ pour tout i ă N ,et V pcN , bq “ argpγpbqq´p´εNπq “ argpγpbqq` εNπ. Par suite, et comme γpbq “ γpaq,on obtient

2πIpγ, pq “ ε1π ´ argpγpaqq `N´1ÿ

i“1

pεi ` εi`1qπ ` argpγpbqq ` εNπ

“ 2πNÿ

i“1

εi

“ n` ´ n´ .

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Chapitre 5

Residus

1. Le “theoreme des residus”

1.1. Enonce et preuve du theoreme.

Definition 1.1. Soit a P C, et soit f une fonction holomorphe dans un voisinageepointe de a, c’est-a-dire un ouvert de la forme W ztau, ou W est un voisinage de a.Le residu de f au point a est le coefficient de 1

z´a dans le developpement de Laurent

de f dans n’importe quel disque epointe Dpa, rqztau ; on le note Respf, aq. Autrement

dit, si fpzq “`8ř

n“´8cnpz ´ aq

n dans un disque epointe Dpa, rqztau, alors

Respf, aq “ c´1 .

Le lemme suivant a deja ete demontre.

Lemme 1.2. Soit, a P C, et soit f une fonction holomorphe sur W ztau, ou W estun voisinage ouvert de a. Si r ą 0 est tel que Dpa, rq ĂW , alors

ż

BDpa,rqfpzq dz “ 2iπRespf, aq .

Demonstration. C’est la proposition 6.4 du Chapitre ?? avec n “ ´1.

Mentionnons egalement deux faits evident mais tres utiles :

Exercice 1. Montrer que si f et g sont holomorphe dans un voisinage epointe de a,alors Respf ` g, aq “ Respf, aq ` Respg, aq.

Exercice 2. Montrer que si le point a est une singularite eliminable pour f , alorsRespf, aq “ 0.

Voici maintenant le resultat principal du chapitre.

Theoreme 1.3. (formule des residus)Soit Ω un ouvert de C, et soit f une fonction holomorphe sur ΩzS, ou S est un ferme deΩ sans points d’accumulation dans Ω. Soit egalement K Ă Ω un domaine elementaire,et supposons que BK ne contienne aucun point de S. Alors S n’a qu’un nombre fini depoints dans K, et on a la formule des residus

ż

BSfpzq dz “ 2iπ

ÿ

aPSXK

Respf, aq .

Demonstration. Comme S n’a pas de points d’accumulation dans Ω, on sait queS n’a qu’un nombre fini de points dans tout compact de Ω, donc en particulier dansK (voir la preuve du corollaire 3.8, Chapitre ??).

91

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92 5. RESIDUS

Par hypothese, les points de K X S sont tous dans K. Comme ces points sont ennombre fini, on peut donc trouver r ą 0 tel que Dpa, rq Ă K pour tout a P S X K.Posons alors L “ Kz

Ť

aPSXK Dpa, rq. Par definition, L est un domaine elementairecontenu dans ΩzS, donc f est holomorphe au voisinage de L. D’apres le theoreme deCauchy, on a donc

ş

BL fpzq dz “ 0. Autrement dit :

0 “

ż

BKfpzq dz ´

ÿ

aPSXK

ż

BDpa,rqfpzq dz

ż

BKfpzq dz ´ 2iπ

ÿ

aPSXK

Respf, aq ,

d’apres le lemme 1.2.

Remarque. Lorsque S “ H, i.e. f est holomorphe sur Ω, la formule des residusdonne

ş

BK fpzqdz “ 0, autrement dit le theoreme de Cauchy. De meme, lorsque f est

holomorphe sur Ω et qu’on applique la formule des residus a gpzq :“ fpzqz´a , ou a P K

(donc avec S “ tau), on obtient la formule de Cauchy. Ainsi, le theoreme des residusest formellement une generalisation du theoreme de Cauchy et de la formule de Cauchy.

1.2. Calcul pratique d’un residu dans le cas d’un pole. Soit a P C, etsoit f une fonction holomorphe dans un voisinage epointe de a. On va expliquer com-ment calculer Respf, aq lorsque a est un pole pour la fonction f . Rappelons que pardefinition, cela signifie qu’il existe un entier p ě 1 et deux fonctions u et v holomorphesau voisinage de a, avec upaq ‰ 0 et v possedant un zero de multiplicite p en a, tels que

fpzq “upzq

vpzq

au voisinage de a. Il revient au meme de dire qu’on peut ecrire

fpzq “upzq

pz ´ aqpv1pzq

au voisinage de a, ou u et v sont holomorphes avec upaq ‰ 0 et v1paq ‰ 0 ; ou encorequ’on peut ecrire

fpzq “gpzq

pz ´ aqp

au voisinage de a, ou g est holomorphe et gpaq ‰ 0.

Lemme 1.4. Supposons que a soit un pole simple pour f , i.e. un pole de multi-plicite p “ 1.

‚ Si f s’ecrit sous la forme fpzq “ gpzqpz´aq , avec g holomorphe au voisinage de a,

alors

(PS1) Respf, aq “ gpaq “ limzÑa

pz ´ aqfpzq .

‚ Si f s’ecrit sous la forme fpzq “ upzqpz´aqv1pzq

avec u, v holomorphes au voisinage

de a et v1paq ‰ 0, alors

(PS2) Respf, aq “upaq

v1paq¨

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1. LE “THEOREME DES RESIDUS” 93

‚ Si f s’ecrit sous la forme fpzq “ upzqvpzq ave u, v holomorphe au voisinage de a et

v ayant un zero simple en a, alors

(PS2’) Respf, aq “upaq

v1paq¨

Demonstration. Pour (PS1), on developpe g en serie entiere,

gpzq “8ÿ

n“0

dnpz ´ aqn .

On en deduit fpzq “8ř

n“0dnpz ´ aq

n´1, autrement dit

fpzq “8ÿ

n“´1

dn`1pz ´ aqn .

Le residu de f en a vaut donc d0 “ gpaq, ce qui prouve (PS1). La formule (PS2) s’endeduit immediatement en posant g “ u

v1¨

Pour (PS2’), on ecrit vpzq “ pz ´ aqv1pzq, ou v1 est holomorphe au voisinage de

a avec v1paq ‰ 0, et on applique (PS2) en remarquant que v1paq “ limzÑavpzqz´a “

v1paq.

Les trois formules (PS1), (PS2) et et (PS2’) sont tres efficaces pour calculer unresidu en un pole simple, et avec un peu d’habitude on voit immediatement sur unexemple donne laquelle est la plus facile a utiliser. Il faut cependant imperativementgarder a l’esprit que ces formules ne sont valables que pour un pole simple. (En realite,ce n’est pas tout a fait vrai : comme on n’a jamais utilise le fait que upaq ‰ 0, lesformules sont encore vraies si a est une singularite eliminable).

Exemple 1. Soit fpzq “ tan z “ sin zcos z ¨

La fonction f est holomorphe sur CzS, ou S “ tp2k ` 1q π2 ; k P Zu. Si a “

p2k ` 1q π2 P S, alors cos z a un zero simple en a car cos1paq “ ´ sin a “ p´1qk`1 ‰ 0.

D’apres (PS2), on a donc Respf, aq “ sin acos1paq “

sin a´ sin a “ ´1, pour tout a P S.

Exemple 2. Soit fpzq “ 11`z6

¨

La fonction f est holomorphe sur CzS, ou S est l’ensemble des racines 6-iemes de

´1, autrement dit S “ teipπ6`k π

3 q; 0 ď k ď 5u. Si a “ eipπ6`k π

3 q P S, alors a est un zerosimple de vpzq “ 1`z6, avec v1paq “ 6a5 “ ´ 6

a puisque a6 “ ´1. Donc Respf, aq “ ´a6

pour tout a P S.

Lemme 1.5. Supposons que a soit un pole de multiplicite p ě 1 pour f , et ecrivons

fpzq “ gpzqpz´aqp , ou g est holomorphe au voisinage de a. Notons cnpgq les coefficients du

developpement en serie entiere de g au voisinage de a. Alors

(PM) Respf, aq “ cp´1pgq “gpp´1qpaq

pp´ 1q!¨

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94 5. RESIDUS

Demonstration. Comme gpzq “ř8

0 cnpgqpz´aqn , le developpement de Laurent

de f en a s’ecrit

fpzq “8ÿ

n“0

cnpgqpz ´ aqn´p “

8ÿ

n“´p

cn`ppgqpz ´ aqn ,

d’ou le resultat.

Remarque. La deuxieme identite dans (PM) est peu utilisable si p est grand puis-qu’il faut deriver p´ 1 fois la fonction g, mais elle fonctionne assez bien pour p “ 2 ou3. Si p est vraiment grand, il faut se debrouiller pour calculer le coefficient cp´1pgq sansderiver g, par exemple en determinant directement le developpement en serie entierede g ; cf l’exemple donne a la fin de la sous-section 6.

Exemple. Soit fpzq “ 1z3`3z2´4

¨

La fonction polynomiale vpzq “ z3` 3z2´ 4 admet 1 comme racine “evidente” ; eten factorisant par z ´ 1, on trouve vpzq “ pz ´ 1qpz ` 2q2. Donc fpzq “ 1

pz´1qpz`2q2est

holomorphe sur Czt1,´2u, avec un pole simple en 1 et un pole double en ´2. D’apres(PS2), on a Respf, 1q “ 1

v1p1qavec v1pzq “ pz ` 2q2, i.e. Respf, 1q “ 1

9 ¨ D’apres (PM),

on a Respf, 2q “ g1p´2q1! avec gpzq “ 1

z´1 , i.e. Respf,´2q “ ´19 ¨

2. Exemples de calculs d’integrales

Dans cette section, on donne trois exemples montrant que le theoreme des residuspeut se reveler remarquablement efficace pour calculer certaines integrales n’ayant apriori aucun lien avec l’analyse complexe.

La strategie est toujours la meme pour calculer une integrale inconnue I. On ap-plique le theoreme des residus a une fonction holomorphe f bien choisie (en generalfacile a trouver) sur le bord d’un domaine elementaire K egalement bien choisi (etparfois difficile a trouver) dependant d’un ou plusieurs parametres. Le bord de K sedecompose en un certain nombre de morceaux, et l’integrale de f sur le bord de K estla somme des integrales sur chacun des morceaux. En general, l’une de ces integralestend vers l’integrale cherchee I quand les parametres tendent vers certaines bornes. Sion a de la chance, on sait aussi determiner les limites des autres integrales (parfois enfonction de I), et on obtient alors la valeur de I en passant a la limite dans la formuledes residus.

2.1. Fonctions rationnelles sans poles reels.

Proposition 2.1. Soit fpzq “ P pzqQpzq une fraction rationnelle sans poles reels, avec

degpQq ě degpP q ` 2. On note P` l’ensemble des poles de f a partie imaginairestrictement positive. Alors

ż `8

´8

fptq dt “ 2iπÿ

aPP`Respf, aq .

Demonstration. L’integrale I “ş`8

´8fptq dt est bien definie car f est continue

sur R et fptq “ Op1t2q en ˘8, par hypothese sur P et Q.Posons R0 “ maxt|a|; a pole de fu, et pour R ą R0, considerons le domaine

elementaireKR “ tz P C; |z| ď R et Impzq ě 0u .

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2. EXEMPLES DE CALCULS D’INTEGRALES 95

La fonction f est visiblement holomorphe au voisinage de KRzP`. D’apres letheoreme des residus, on a donc

ż

BKR

fpzq dz “ 2iπÿ

aPP`Respf, aq ,

autrement ditż R

´Rfptq dt`

ż

γR

fpzq dz “ 2iπÿ

aPP`Respf, aq ,

ou γR : r0, πs Ñ C est defini par γRptq “ Reit. Pour conclure, il suffit donc de montrerque l’integrale

ş

γRfpzq dz tend vers 0 quand RÑ8.

En posant MpRq “ supt|fpzq|; |z| “ Ru, on aˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

γR

fpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

ż

γR

|fpzq| |dz|

ď MpRq ˆ πR .

Comme MpRq “ Op1R2q quand R Ñ 8, on en deduitˇ

ˇ

ˇ

ş

γRfpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ“ Op1Rq,

d’ou le resultat.

Exemple. Calcul de I “ş`8

´8dt

1`t6¨

La fonction fpzq “ 11`z6

verifie les hypotheses de la proposition, avec P` “

teiπ6, eiπ2, ei5π6u “ teiπ6, i, ei5π6u. De plus, on a vu que si a est un pole de f ,alors Respf, aq “ ´a

6 . On a donc

I “ 2iπ ˆ´1

6

´

eiπ6 ` i` ei5π6¯

“ ´iπ

3

´

i` 2i sinπ

6

¯

“2π

2.2. Transformees de Fourier. Si f est une fonction integrable sur R, sa trans-

formee de Fourier est la fonction pf : RÑ C definie par

pfpαq “

ż

Rfptqe´iαt dt .

Cette definition a un sens : la fonction integree est effectivement integrable sur Rpuisque |fptqe´iαt| “ |fptq|.

Proposition 2.2. Soit f une fonction integrable sur R. On suppose que f seprolonge en une fonction holomorphe (encore notee f) au voisinage de UzS, ou U estle demi-plan tImpzq ą 0u et S est une partie finie de U , avec lim|z|Ñ8 |fpzq| “ 0 . Sousces hypotheses, on a pour tout α ą 0 :

pfp´αq “ 2iπÿ

aPS

Respfpzqeiαz, aq .

Demonstration. Fixons α ą 0. Pour R ą R0 “ maxt|a|; a P Su, on considere anouveau le demi-disque

KR “ tz P C; |z| ď R et Impzq ě 0u .

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96 5. RESIDUS

La fonction gpzq “ fpzqeiαz est holomorphe au voisinage de KRzS, et tous les

points de S sont dans KR. D’apres le theoreme des residus, on a doncż R

´Rfptqeiαt dt`

ż

γR

fpzqeiαz dz “ 2iπÿ

aPS

Respfpzqeiαz, aq .

ou γR : r0, πs Ñ C est defini par γRptq “ Reit. L’integraleşR´R fptqe

iαt dt tend verspfp´αq, donc il suffit de montrer que

ş

γRfpzqeiαz dz Ñ 0 quand RÑ8.

On aˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

γR

fpzqeiαz dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż π

0fpReitq eiαRe

itiReit dt

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

ż π

0|fpReitq| |eiαRe

it|Rdt

“ R

ż π

0|fpReitq| e´Rα sin t dt

ď RMpRq

ż π

0e´Rα sin t dt ,

ou on a pose MpRq “ supt|fpzq|; |z| “ Ru.

De plus, l’integraleşπ0 e´Rα sin t dt est egale a 2

şπ20 e´Rα sin t dt, comme on le voit en

ecrivantşπ0 “

ş

π20 `

şππ2

et en changeant t en π´ t dans l’integraleşππ2. Comme sin t ě 2

π t

pour t P r0, π2s par concavite du sinus, on en deduitż π

0e´Rα sin t dt ď 2

ż π2

0e´αR

2πt dt

“ 2”

´π

2αRe´

2αRπ

tıπ2

0

“π

α

`

1´ e´αR˘

ďπ

αR¨

Au total, on obtient doncˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

γR

fpzqeiαz dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ďπ

αMpRq ,

d’ou le resultat puisque MpRq tend vers 0 quand RÑ8, par hypothese sur f .

Exercice. Peut-on montrer queş

γRfpzq dz tend vers 0 par une application directe

du theoreme de convergence dominee ?

Exemple. Calcul de Ipxq “ş8

0cospxtq1`t2

dt pour x P R.

La fonction a integrer est effectivement integrable sur r0,8r carˇ

ˇ

ˇ

cospxtq1`t2

ˇ

ˇ

ˇď 1

1`t2;

donc Ipxq est bien definie pour tout x P R.La fonction I est visiblement paire, et on a Ip0q “

ş8

0dt

1`t2“ π

2 ¨

Pour x “ α ą 0, on a

Ipαq “1

2

ż `8

´8

cospαtq

1` t2dt “

1

2Re

ˆż `8

´8

eiαt

1` t2dt

˙

.

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2. EXEMPLES DE CALCULS D’INTEGRALES 97

Autrement dit : Ipαq “ 12 Re pfp´αq, ou fptq “ 1

1`t2¨

La fonction fpzq “ 11`z2

est holomorphe sur Czti,´iu, et fpzq tend vers 0 quand

|z| Ñ 8. On peut donc appliquer la proposition precedente avec S “ tiu. Le point iest un pole simple pour fpzqeiαz, donc

Respfpzqeiαz, iq “eiαˆi

2i“e´α

2i¨

On en deduit pfp´αq “ 2iπ ˆ e´α

2i “ π e´α, d’ou Ipxq “ π2 e´α pour α ą 0. Comme

I est paire, on obtient ainsi

Ipxq “π

2e´|x|

pour tout x P R.

2.3. Un exemple plus complique. Dans cette sous-section, on va calculer pourtout α P s0, 1r, l’integrale

Iα “

ż 8

0

dt

tα p1` tq¨

Notons que Iα est bien definie et strictement positive, en tant qu’integrale d’unefonction mesurable strictement positive ( !). Mais evidemment, Iα est une “vraie”integrale (i.e. Iα ă 8) car la fonction t ÞÑ 1

tαp1`tq est continue sur s0,8r et equivalente

a 1tα en 0 et a 1

tα`1 en `8, donc integrable sur s0,8r puisque α P s0, 1r.

Suivant la strategie exposee plus haut, on a envie d’appliquer le theoreme desresidus a fpzq “ 1

zαp1`zq sur des domaines elementaires bien choisis. Cela etant, deux

problemes se posent immediatement :

‚ donner un sens a zα ;

‚ trouver des domaines elementaires bien adaptes au probleme.

Donner un sens a zα n’est pas difficile : on choisit une demi-droite ∆ d’origine 0et on prend la determination principale de zα dans Cz∆. Maintenant, on a le choix dela demi-droite ∆, et c’est la recherche du “bon” choix qui va en fait donner l’idee desdomaines elementaires a considerer.

Si on regarde la definition de Iα, on voit que la demi-droite ∆ “ r0,8r doit jouerun role. Paradoxalement, c’est cette demi-droite qu’on va enlever pour definir zα alorsqu’on veut calculer une integrale sur ∆. On definit donc officiellement la fonction fsur Ω “ Czpr0,8rYt´1uq par

fpzq “1

zαp1` zq,

ou zα est defini en prenant l’argument dans s0, 2πr, puisque la demi-droite r0,8r cor-respond a l’argument θ “ 0 (modulo 2π).

Ce choix n’est pas si surprenant si on garde a l’esprit la recherche des domaineselementaires, qui doivent dependre de certains parametres appeles a tendre vers cer-taines limites : pour retrouver ∆ “ r0,8r (et donc Iα) dans le processus de passagea la limite, il suffira de prendre des domaines elementaires dont certains morceaux“tendent” vers r0,8r. D’autre part, ces domaines doivent contenir le point a “ ´1(le seul pole de fpzq) dans leur interieur si on veut que le theoreme des residus donneune information interessante, et ils doivent etre disjoints de r0,8r puisque f n’est pasdefinie sur r0,8r.

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98 5. RESIDUS

Ces remarques devraient rendre moins “parachutee” la definition qui suit : pourε et R verifiant 0 ă ε ă 1 ă R, on notera KεR le domaine elementaire de type“pac-man” delimite par le demi-cercle Cε “ t|z| “ ε, Repzq ď 0u, les deux segments

I`εR “ riε, iε `?R2 ´ ε2s, I´εR “ r´iε,´iε `

?R2 ´ ε2s, et l’arc de cercle ΓεR “

tReiθ; θ P r´π;πs, |θ| ě θεRu, ou θεR “ arctan pε?R2 ´ ε2q. Bien entendu, un dessin

est indispensable ici !La fonction f est holomorphe dans Ω et possede un pole simple en ´1, avec

Res pf,´1q “1

p´1qα“ e´iπα .

Comme ´1 P KεR, la formule des residus s’ecrit donc

(2.1)

ż

BKεR

fpzq dz “ 2iπ e´iπα .

Quand ε tend vers 0, l’integraleş

Cεfpzq dz tend vers 0 car

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż

fpzq dz

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż 3π2

π2

1

pεeitqαp1` εeitqiεeit dt

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

ż 3π2

π2

ε dt

εα |1` εeit|

ď1

εαp1´ εqˆ πε

“πε1´α

1´ ε

et α ă 1.L’integrale

ş

ΓεRfpzq dz “

ş2π´θεRθεR

iR1´α eip1´αqθ

1`Reiθdθ tend vers

ş2π0 iR1´α eip1´αqθ

1`Reiθdθ

quand ε Ñ 0 (d’apres le theoreme de convergence dominee) car θε,R tend vers 0 et lafonction apparaissant sous l’integrale est integrable sur r0, 2πs.

Si t P s0,8r, alors pt` iεqα tend vers tα et pt´ iεqα tend vers e2iπαtα quand ε tendvers 0`, car l’argument de t` iε tend vers 0 et celui de t´ iε tend vers 2π. Comme deplus |fpt`iyq| ď 1

tαp1`tq pour tout y P R et comme la fonction t ÞÑ 1tαp1`tq est integrable

sur s0, Rs (car α ă 1), on en deduit, a l’aide du theoreme de convergence dominee,

que les integralesş

I`εRfpzq dz et

ş

I´εRfpzq dz tendent respectivement vers

şR0

dttαp1`tq et

e´2iπαşR0

dttαp1`tq quand ε tend vers 0.

En faisant tendre ε vers 0 dans (2.1), on obtient donc

(2.2)`

1´ e´2iπα˘

ż R

0

dt

tαp1` tq` i

ż 2π

0

R1´αeip1´αqθ

1`Reiθdθ “ 2iπ e´iπα

pour tout R ą 1. Enfin, on aˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ż 2π

0

R1´αeip1´αqθ

1`Reiθdθ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ďR1´α

R´ 1ˆ 2π ,

et comme α ą 0, on en deduit que l’integraleş2π0

R1´αeip1´αqθ

1`Reiθdθ tend vers 0 quand

R tend vers `8. En faisant tendre R vers l’infini dans (2.2), on obtient ainsi

p1´ e´2iπαqIα “ 2iπ e´iπα ,

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3. DENOMBREMENTS DE ZEROS ET DE POLES 99

d’ou finalement, en ecrivant 1´ e´2iπα “ e´iπαpeiπα ´ e´iπαq “ e´iπα ˆ 2i sinpπαq :

Iα “π

sinπα¨

3. Denombrements de zeros et de poles

3.1. Zeros, poles et derivee logarithmique. Dans ce qui suit, on dira qu’unefonction meromorphe sur un ouvert Ω Ă C est non triviale si elle n’est identiquementnulle sur aucune composante connexe de Ω.

Definition 3.1. Soit f une fonction meromorphe non triviale sur un ouvert Ω ĂC. Pour tout ensemble K Ă Ω, on note

‚ NZpf,Kq le nombre de zeros de f dans K, comptes avec leurs multiplicites ;‚ NP pf,Kq le nombre de poles de f dans K, comptes avec leurs multiplicites.

Remarque 1. Si K est compact, alors f n’a qu’un nombre fini de zeros et depoles sur K, car l’ensemble des zeros et l’ensemble des poles de f n’ont pas de pointd’accumulation dans Ω.

Remarque 2. Le sens de l’expression “comptes avec leurs multiplicites” est le sui-vant : si a P K est un zero ou un pole de multiplicite m, alors a doit etre compte mfois dans le calcul de NZpf,Kq ou NP pf,Kq.

Exercice. Soit fpzq “ pz´1q2pz´3q3 cospzq. CalculerNZpf,Dp0, 2qq etNZpf,Dp0, 5qq.

Definition 3.2. Soit f une fonction meromorphe non triviale sur un ouvert Ω ĂC. La derivee logarithmique de f est la fonction (meromorphe) f 1f .

Remarque. La non-trivialite de f entraine que f 1f est effectivement une fonctionmeromorphe sur Ω. Elle est definie sur ΩzpP pfq Y Zpfqq, ou P pfq est l’ensemble despoles de f .

L’expression “derivee logarithmique” vient de la remarque suivante.

Exercice 1. Montrer que si f est une fonction holomorphe sur Ω possedant unlogarithme holomorphe log f , alors f 1f “ plog fq1.

Par ailleurs, la derivation logarithmique change les produits en somme (ce qui n’estbien entendu pas surprenant) :

Exercice 2. Montrer que si f et g sont deux fonctions meromorphes non trivialesdefinies sur un meme ouvert Ω, alors pfgq1fg “ f 1f ` g1g.

Le lien entre derivee logarithmique et nombre de zeros et/ou de poles est donneepar la proposition suivante.

Proposition 3.3. Soit f une fonction meromorphe non triviale sur un ouvertΩ Ă C, et soit K Ă Ω un domaine elementaire. On suppose que BK ne contient aucunzero et aucun pole de f . Alors

1

2iπ

ż

BK

f 1pzq

fpzqdz “ NZpf,Kq ´NP pf,Kq .

La preuve repose sur le theoreme des residus et sur le lemme suivant.

Lemme 3.4. Soit f une fonction meromorphe au voisinage d’un point a P C.

(1) Si a est un zero de f avec multiplicite m, alors Respf 1f, aq “ m.

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100 5. RESIDUS

(2) Si a est un pole de f avec multiplicite m, alors Respf 1f, aq “ ´m.

Demonstration. Posons n “ m dans le cas (1), et n “ ´m dans le cas (2). Alorson peut ecrire

fpzq “ pz ´ aqngpzq ,

ou g est holomorphe au voisinage de a et gpaq ‰ 0. On a donc

f 1pzq

fpzq“

`

pz ´ aqn˘1

pz ´ aqn`g1pzq

gpzq

“n

z ´ a`g1pzq

gpzq¨

Comme g1g est holomorphe au voisinage de a, on a Respg1g, aq “ 0, d’ou

Res

ˆ

f 1

f, a

˙

“ Res

ˆ

n

z ´ a, a

˙

` 0 “ n .

Preuve de la proposition 3.3. Notons a1, . . . , , aM les zeros de f dans K, eta˚1 , . . . , a

˚N les poles. Les multiplicites correspondants sont notees mi et m˚j .

La fonction f 1f est holomorphe au voisinage deKzta1, . . . , aM , a˚1 , . . . , a

˚Nu. D’apres

le theoreme des residus et le lemme 3.4, on a doncż

BK

f 1pzq

fpzqdz “ 2iπ

˜

Mÿ

i“1

Res

ˆ

f 1

f, ai

˙

`

Nÿ

j“1

Res

ˆ

f 1

f, a˚j

˙

¸

“ 2iπ

˜

Mÿ

i“1

mi ´

Nÿ

j“1

m˚j

¸

“ 2iπ pNZpf,Kq ´NP pf,Kqq .

3.2. Le theoreme de Rouche. Le resultat suivant signifie que si on veut calculerle nombre de zeros d’une fonction holomorphe f dans un certain domaine elementaireK, on peut remplacer f par n’importe quelle fonction holomorphe g suffisammentproche de f . Evidemment, ceci n’est interessant que si NZpg,Kq est facile a calculer.On aura donc interet a chercher une fonction g la plus “simple” possible.

Theoreme 3.5. (“theoreme de Rouche”)Soit f une fonction holomorphe non identiquement nulle sur un ouvert connexe Ω Ă C,et soit K Ă Ω un domaine elementaire. Soit egalement g ‰ 0 une autre fonctionholomorphe sur Ω. On suppose qu’on a |fpξq ´ gpξq| ă |gpξq| pour tout ξ P BK. Alors

g a le meme nombre de zeros que f dans K. De plus, tous ces zeros sont dans K.

Exemple. Cherchons le nombre de zeros de fpzq “ z7`3z4´2z3`1 dans le disqueK “ Dp0, 2q. Si on pose gpzq “ z7 et si ξ P BK, i.e. |ξ| “ 3, alors |fpξq ´ gpξq| “|3ξ4 ´ 2ξ3 ` 1| ď 3ˆ 24 ` 2ˆ 23 ` 1 “ 65 et |gpξq| “ 27 “ 128. D’apres Rouche, on adonc NZpf,Kq “ NZpg,Kq “ 7 (car g possede un zero de multiplicite 7 en z “ 0).

Remarque 1. Il est essentiel que l’inegalite |fpξq ´ gpξq| ă |gpξq| soit stricte pourque la conclusion soit valable. Par exemple, si on prend fpzq “ z ` 1, gpzq “ 1 etK “ D, alors f a un zero dans K (a savoir z “ ´1) mais g n’en a aucun. Pourtant, ona |fpξq ´ gpξq| “ |ξ| ď 1 “ |gpξq| pour tout ξ P BD.

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3. DENOMBREMENTS DE ZEROS ET DE POLES 101

Remarque 2. Bien entendu, f et g n’ont pas necessairement les memes zeros, et lesmultiplicites n’ont pas de raisons d’etre conservees. Par exemple, si fpzq “ z3 ´ 1 etgpzq “ z3, alors Rouche s’applique dans le disque K “ Dp0, 2q et on en “deduit” quef et g ont 3 zeros dans K ; mais f a 3 zeros simples (les racines cubiques de 1) et g unzero triple en 0.

La preuve du theoreme de Rouche utilise les deux lemmes suivants.

Lemme 3.6. Soit f une fonction meromorphe non triviale sur un ouvert Ω Ă C,et soit γ un chemin de classe C1 par morceaux dans Ω dont l’image ne contient aucunzero et aucun pole de f . Alors

ż

γ

f 1pξq

fpξqdξ “

ż

f˝γ

dz

Demonstration. Il suffit d’ecrire les definitions.

Lemme 3.7. Si α et β sont deux lacets dans C˚, definis sur le meme intervallera, bs, tels que |αptq ´ βptq| ă |βptq| pour tout t P ra, bs, alors

ş

αdzz “

ş

βdzz ¨

Demonstration. Il suffit de montrer que α et β sont homotopes dans C˚. Parhypothese, on a |αptq ´ β| ă |αptq| ` |βptq| pour tout t P ra, bs. Geometriquement,cela signifie que le segment rαptq, βptqs ne passe jamais par 0. Par suite, si on definitH : r0, 1s ˆ ra, bs Ñ C par Hps, tq “ p1 ´ sqαptq ` s βptq, alors H est a valeurs dansC˚, et est donc une homotopie dans C˚ entre les lacets α et β.

Autre preuve. La demonstration qui suit est plus elementaire, car elle n’utilisepas l’invariance de l’integrale curviligne par homotopie. Si on pose γptq “ αptqβptq,alors |γptq ´ 1| ă 1 pour tout t P ra, bs, autrement dit γptq P Dp1, 1q. D’autre part,on sait que la determination principale du logarithme est holomorphe sur Dp1, 1q (carDp1, 1q Ă CzR´) et qu’on a log1pzq “ 1

z ¨ D’apres le theoreme fondamental de l’analyse,

on en deduitş

γdzz “

ş

γ dplogq “ 0. Maisş

γdzz “

şbapαβq1ptqpαβqptq dt, et il est facile de verifier

qu’on a pαβq1

αβ “ α1

α ´β1

β ¨ On obtient ainsi 0 “şbaα1ptqαptq ´

şbaβ1ptqβptq dt “

ş

αdzz ´

ş

βdzz , d’ou

le resultat.

Preuve du theoreme de Rouche. Remarquons d’abord que f et g n’ont aucunzero sur BK : si on avait fpξq “ 0 pour un certain ξ P BK, on obtiendrait |0´ gpξq| ă|gpξq| ; et si on avait gpξq “ 0, on obtiendrait |fpξq ´ 0| ă 0.

Soit pγ1, . . . , γN q un parametrage admissible de BK. D’apres la proposition 3.3 etle lemme 3.6, on a

NZpf,Kq “1

2iπ

ż

BK

f 1pξq

fpξqdξ

“1

2iπ

Nÿ

j“1

ż

γj

f 1pξq

fpξqdξ

“1

2iπ

Nÿ

j“1

ż

f˝γj

dz

z,

et de meme :

NZpg,Kq “1

2iπ

Nÿ

j“1

ż

g˝γj

dz

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102 5. RESIDUS

D’autre part, en notant raj , bjs l’intervalle de definition de γj , on a par hypothese|f ˝ γjptq ´ g ˝ γjptq| ă |g ˝ γjptq| pour tout j et pour tout t P raj , bjs. D’apres le

lemme 3.7, on en deduitş

g˝γjdzz “

ş

f˝γjdzz pour tout j P t1, . . . , Nu, et par consequent

NZpf,Kq “ NZpg,Kq.

Corollaire 3.8. Soit f une fonction holomorphe non constante sur un ouvertconnexe Ω Ă C, et soit K Ă Ω un domaine elementaire. Pour tout w P C, notonsNpf, w,Kq le nombre de solutions de l’equation fpzq “ w dans K, comptees avec leursmultiplicites :

Npf, w,Kq “ NZpf ´ w,Kq .

Alors l’application w ÞÑ Npf, w,Kq est localement constante sur l’ouvert CzfpBKq :pour tout point w0 P CzfpBKq, on a Npf, w,Kq ” Npf, w0,Kq au voisinage de w0.

Demonstration. Fixonx w0 P CzfpBKq. Comme BK est compact, on peut trou-ver ε ą 0 tel que |fpξq ´w0| ě ε pour tout ξ P BK. Si w P C verifie |w´w0| ă ε, alorsw R fpBKq par definition de ε, et on a

|pfpξq ´ wq ´ pfpξq ´ w0q| “ |w ´ w0| ă |fpξq ´ w0|

pour tout ξ P BK. D’apres le theoreme de Rouche, on a donc

Npf, w,Kq “ NZpf ´ w,Kq “ NZpf ´ w0,Kq “ Npf, w0,Kq

pour tout w P Dpw0, εq.

3.3. Trois exemples d’application.

Exemple 1. Le theoreme fondamental de l’algebre.

Soit P pzq “ a0 ` a1z ` ¨ ¨ ¨ ` aNzN un polynome de degre N ě 1 (a coefficients

complexes). On va montrer a l’aide du theoreme de Rouche que P possede N racinescomplexes (comptees avec leur multiplicite).

En ecrivant P pzq “ aNzN´

1`aN´1

aNˆ 1

z ` ¨ ¨ ¨ `a0aNˆ 1

zN´1

¯

, on voit que P pzq „

aNzN quand |z| Ñ 8. On peut donc trouver R ą 0 tel que

|z| ě R ùñ |P pzq ´ aNzN | ď

1

2|aNz

N | .

Posons alors K “ Dp0, Rq. Si ξ P BK, on a

|P pξq ´ aNξN | ď

1

2|aNξ

N | ă |aNξN |

car evidemment aNξN ‰ 0. D’apres Rouche applique avec f “ P et gpzq “ aNz

N , onen deduit

NpP pzq, 0,Kq “ NpaNzN , 0,Kq “ N

car z “ 0 appartient a K et est racine de zN avec multiplicite N . Ainsi, P a au moinsN racines complexes, et bien entendu au plus N puisque degP “ N .

Exemple2. Le “theoreme de l’application ouverte”.

Le theoreme suivant a deja ete demontre a l’aide du principe du maximum. On vaen donner une autre preuve basee sur le corollaire 3.8.

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3. DENOMBREMENTS DE ZEROS ET DE POLES 103

Theoreme 3.9. Si f est une fonction holomorphe non constante sur un ouvertconnexe Ω Ă C, alors f est une application ouverte : l’image par f de tout ouvertV Ă C est un ouvert de C.

Demonstration. Fixons un ouvert V Ă Ω et un point a P V , et posons b “ fpaq.On cherche ε ą 0 tel que Dpb, εq Ă fpV q.

Comme f n’est pas constante et que Ω connexe, le principe des zeros isoles (appliquea gpzq “ fpzq ´ b) permet de choisir r ą 0 tel que Dpa, rq Ă V et fpzq ‰ b pour toutz P Dpa, rqztau. En posant K “ Dpa, rq, on a donc b R fpBKq.

D’apres le corollaire 3.8, on peut trouver ε ą 0 tel que Npf, w,Kq “ Npf, b,Kqpour tout w P Dpb, εq. Comme b “ fpaq et a P K, on a Npf, a,Kq ě 1, et doncNpf, w,Kq ě 1 pour w P Dpb, εq. Ainsi, pour tout w P Dpb, εq, l’equation fpzq “ wpossede au moins une solution dans K, et donc dans V . Autrement dit, Dpb, εq ĂfpV q.

Exercice. Deduire le principe du maximum du theoreme de l’application ouverte.

Exemple 3. Fonctions holomorphes injectives.

Comme autre illustration du corollaire 3.8, on va maintenant demontrer le resultatsuivant.

Proposition 3.10. Soit Ω un ouvert de C. Si f est une fonction holomorpheinjective sur Ω, alors f 1 ne s’annule pas sur Ω.

Demonstration. En considerant separement chaque composante connexe de Ω,on se ramene au cas ou Ω est connexe.

Soit f : Ω Ñ C holomorphe injective, et supposons qu’on ait f 1paq “ 0 pour uncertain a P Ω. Comme f n’est pas constante (et donc f 1 ‰ 0), le principe des zeros isolespermet de trouver r ą 0 avec Dpa, rq Ă Ω tel que les deux proprietes suivantes soientverifiees : fpzq ‰ fpaq pour tout z P Dpa, rqztau, et f 1 ne s’annule pas sur Dpa, rqztau.

Posons K “ Dpa, rq et b “ fpaq, de sorte que b R fpBKq. Si on pose gpzq “ fpzq´b,alors gpaq “ 0 et g1paq “ f 1paq “ 0. Donc le point a est un zero de g “ f ´ b avecune multiplicite au moins egale a 2, et comme a P K on en deduit Npf, b,Kq ě 2.D’apres le corollaire 3.8, on a Npf, w,Kq ě 2 pour tout w suffisamment proche de b ;en particulier, on peut trouver w0 ‰ b tel que Npf, w0,Kq ě 2.

Deux cas sont alors possibles : ou bien on peut trouver 2 points distincts z1, z2 P Ktels que fpz1q “ w0 “ fpz2q ; ou bien on peut trouver un point z0 P K tel quefpz0q “ w0 et f 1pz0q “ 0. Le premier cas est exclu par injectivite de f ; et le deuxiemeest egalement exclu car la seule racine de f 1 dans K est la point a et fpaq “ b ‰ w0.On a ainsi obtenu une contradiction.

Corollaire 3.11. Si f : Ω Ñ Ω1 est une bijection holomorphe d’un ouvert Ω Ă Csur un ouvert Ω1, alors f´1 est holomorphe sur Ω1.

Demonstration. La fonction f n’est constante sur aucune composante connexede Ω, donc fpV q est un ouvert de C (et donc de Ω1) pour tout ouvert V Ă Ω, d’apresle theoreme de l’application ouverte. Autrement dit : pf´1q´1pV q est ouvert pour toutouvert V Ă Ω, ce qui signifie que f´1 est continue sur Ω.

La continuite de f etant acquise, on peut maintenant montrer, exactement commedans le cas des fonctions d’une variable reelle, que f´1 est C-derivable en tout point,avec

pf´1q1pzq “1

f 1pf´1pzqq

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104 5. RESIDUS

pour tout z P Ω1. (Les details sont laisses en exercice). Comme f 1 ˝ f´1 est conti-nue, pf´1q1 est continue, donc f´1 est holomorphe. (On peut aussi appliquer Cauchy-Goursat, mais ce n’est pas indispensable).

Remarque. On aurait pu proceder tres differemment, en utilisant le theoremed’inversion locale. En effet, comme f est holomorphe le determinant jacobien def en tout point z P Ω est egal a |f 1pzq|2 (voir le chapitre 1, corollaire 2.11) ; doncJf ne s’annule jamais, et d’apres le theoreme d’inversion locale on en deduit que fest un diffeomorphisme de Ω sur Ω1, autrement dit que g “ f´1 est de classe C1. Endifferentiant la relation f ˝ gpzq “ z, on obtient alors pf 1 ˝ gq dg “ dz, autrement ditdg “ dz

f 1pgpzq ¨ Cela montre que g “ f´1 est holomorphe, avec la formule attendue pour

pf´1q1.

Corollaire 3.12. Si f est une fonction holomorphe injective sur un ouvert Ω Ă C,alors Ω1 “ fpΩq est un ouvert de C et f est un diffeomorphisme de Ω sur Ω1.

Demonstration. Le fait que Ω1 soit ouvert vient par exemple du theoreme del’application ouverte, donc on peut appliquer le corollaire precedent. On peut aussiappliquer la proposition et le theoreme d’inversion locale.

Exercice. Soit f une fonction holomorphe injective sur le disque unite D,

fpzq “8ÿ

n“0

cnzn .

En utilisant le theoreme de changement de variable, un passage en coordonnees polaireset l’identite de Parseval, montrer que l’aire de fpDq est donnee par la formule

airepfpDqq “ π8ÿ

n“0

n |cn|2 .

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Chapitre 6

Suites, integrales et produits infinis

1. Suites et integrales

1.1. Majoration de la derivee. Tous les resultats theoriques de ce chapitre vontdecouler du lemme tres simple suivant. Pour tout compact K Ă C, on posera

Kε “ tξ P C; distpξ,Kq ď εu .

Lemme 1.1. Etant donne ε ą 0, il existe une constante Cpεq verifiant la proprietesuivante : pour tout compact K Ă C et pour toute fonction f holomorphe au voisinagede Kε, on a

supzPK

|f 1pzq| ď Cpεq supξPKε

|fpξq| .

Demonstration. Soit f une fonction holomorphe sur un ouvert Ω contenant Kε.Pour tout z P K, le disque Dpz, εq est contenu dans Kε, donc dans Ω. D’apres laformule de Cauchy “derivee une fois”, on a donc

f 1pzq “1

2iπ

ż

BDpz,εq

fpξq

pξ ´ zq2dξ .

On en deduit

|f 1pzq| ď1

ż

BDpz,εq

|fpξq|

|ξ ´ z|2|dξ|

ď sup!

|fpξq|; ξ P BDpz, εq)

ˆ1

ż

BDpz,εq

|dξ|

ε2

ď1

εsupξPKε

|fpξq| .

Comme z P K est arbitraire, cela demontre le lemme avec Cpεq “ 1ε .

Remarque. Le point essentiel est que la constante Cpεq ne depend pas de lafonction f holomorphe au voisinage de Kε.

1.2. Suites de fonctions holomorphes. On sait bien que si une suite pfnq defonctions de classe C1 sur un intervalle de R converge uniformement, alors sa limite fn’a aucune raison d’etre encore de classe C1 : pour pouvoir conclure a coup sur que fest de classe C1, on doit par exemple supposer que la suite des derivees pf 1nq convergeuniformement. La situation est tres differente lorsqu’on considere des fonctions holo-morphes : il n’est plus necessaire de faire une hypothese sur les derivees, car la proprieteque l’on souhaite est automatiquement satisfaite. C’est le contenu du theoreme suivant.

Theoreme 1.2. Soit pfnq une suite de fonctions holomorphes sur un ouvert Ω Ă C.On suppose que la suite pfnq converge uniformement sur tout compact vers unefonction f : Ω Ñ C. Alors f est holomorphe et f 1n Ñ f 1 uniformement sur toutcompact.

105

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106 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

Demonstration. Soit K un compact quelconque de Ω, et choisissons ε ą 0 telque Kε Ă Ω. D’apres le lemme 1.1, on a

supK|f 1q ´ f

1p| ď Cpεq sup

Kε|fq ´ fp|

pour tous p, q P N. Comme la suite pfnq converge uniformement sur le compact Kε, onen deduit que la suite des derivees pf 1nq verifie le critere de Cauchy uniforme surtout compact K Ă Ω. Par consequent, la suite pf 1nq converge uniformement sur toutcompact vers une fonction g : Ω Ñ C, necessairement continue car les f 1n le sont.

Comme dfn “ f 1n dz, cela signifie que la suite des differentielles pdfnq convergeuniformement sur tout compact vers g dz. D’apres le theoreme “standard” sur lessuites de fonctions de classe C1, on en deduit que la fonction f est de classe C1 sur Ω,avec df “ g dz. Autrement dit, f est holomorphe et f 1 “ g.

Remarque. Pour montrer que la fonction f est holomorphe, on peut egalementutiliser le theoreme de Morera (theoreme 2.1 du chapitre 4). Tout d’abord, laconvergence uniforme sur tout compact entraine la continuite de f , car les fn sontcontinues. Ensuite, si R est un rectangle contenu dans Ω, alors

ş

BR fnpzq dz tend versş

BR fpzq dz quand n Ñ 8, par convergence uniforme de pfnq sur le compact BR ; etdonc

ş

BR fpzq dz “ 0 puisqueş

BR fnpzq dz “ 0 pour tout n (d’apres le theoreme deCauchy). En revanche, la convergence des derivees ne se deduit pas du theoreme deMorera.

Corollaire 1.3. Soit pukqkPN une suite de fonctions holomorphes sur Ω. Si la serieř

uk converge normalement sur tout compact de Ω, alors la fonction f “ř8

0 ukest holomorphe sur Ω.

Demonstration. On applique le theoreme aux sommes partielles fn “řnk“0 uk.

Exemple 1.4. La serieř

ně11ns converge normalement sur tout compact de Ω “

ts P C; Repsq ą 1u. Par consequent, la formule

ζpsq “8ÿ

n“1

1

ns

definit une fonction holomorphe sur Ω. Cette fonction s’appelle la fonction Zeta deRiemann.

Demonstration. Si K est un compact de Ω “ tRepsq ą 1u, on peut trouverα ą 1 tel que Repsq ě α pour tout s P K. On a alors

ˇ

ˇ

1ns

ˇ

ˇ “ 1nRepsq ď

1nα pour tout

s P K, ce qui prouve la convergence normale de la serie.

1.3. Integrales a parametres.

Theoreme 1.5. Soit F : I ˆ Ω Ñ C, ou I est un intervalle de R et Ω un ouvertde C. On fait les hypotheses suivantes .

(i) F pt, zq est mesurable en t P I, et holomorphe en z P Ω.(ii) Pour tout compact K Ă Ω, on peut majorer |F pt, zq| pour z P K par une

fonction gKptq independante de z et integrable sur I.Alors la formule

fpzq “

ż

IF pt, zq dt

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1. SUITES ET INTEGRALES 107

a un sens pour tout z P Ω et definit une fonction holomorphe sur Ω. De plus, on peutderiver sous l’integrale : pour tout z P Ω et pour tout n P N, la fonction t ÞÑ BnF

Bzn pt, zqest integrable sur I et

f pnqpzq “

ż

I

BnF

Bznpt, zq dt .

Remarque. L’hypothese de domination (ii) est satisfaite si l’intervalle I est borneet si on peut majorer |F pt, zq| par une constante pour z P K. En particulier : si Iest un intervalle compact et si F : I ˆΩ Ñ C est continue par rapport au couple devariables pt, zq et holomorphe par rapport a z P Ω, alors le theoreme s’applique.

Preuve du theoreme. Comme |F pt, zq| ď gtzuptq, la fonction t ÞÑ F pt, zq estintegrable sur I pour tout z P Ω, donc fpzq est bien defini.

Soit K un compact quelconque de Ω, et soit ε “ εK ą 0 tel que Kε Ă Ω. D’apresle lemme 1.1, on a

supzPK

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

BF

Bzpt, zq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď Cpεq supξPKε

|F pt, ξq|

ď Cpεq gKεptq

pour tout t P I. Comme BFBx pt, ¨q “

BFBz pt, ¨q et BF

By pt, ¨q “ i BFBz pt, ¨q, on a donc

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

BF

Bxpt, zq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď hKptq et

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

BF

Bypt, zq

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď hKptq

pour tout t P I et pour tout z P K, ou hK “ CpεKq gK est integrable sur I etindependante de z P K.

Ceci etant vrai pour tout compact K Ă Ω, cela montre que la fonction F verifie leshypotheses du theoreme “usuel” concernant la derivabilite des integrales a parametres.Par consequent, la fonction f est de classe C1 sur Ω et ses derivees partielles s’obtiennenten derivant sous l’integrale.

En particulier, on aBf

Bzpzq “

ż

I

BF

Bzpt, zq dt “ 0

pour tout z P Ω, donc f est holomorphe ; et on a

f 1pzq “Bf

Bzpzq “

ż

I

BF

Bzpt, zq dt .

Enfin, ce qui precede montre que la fonction BFBz verifie les memes hypotheses (i)

et (ii) que F , et par recurrence on voit qu’il en est de meme pour toutes les BnFBzn . On

peut donc calculer les derivees successives de f en derivant sous l’integrale.

Corollaire 1.6. Soit γ : ra, bs Ñ C un chemin de classe C1 par morceaux d’imageΓ, et soit Ω un ouvert de C. Si F : Γ ˆ Ω Ñ C est une fonction continue telle que,pour tout ξ P Γ, la fonction z ÞÑ F pξ, zq est holomorphe sur Ω, alors la formulefpzq “

ş

γ F pξ, zq dξ definit une fonction holomorphe sur Ω.

Demonstration. Par definition, on a fpzq “şba F pγptq, zq γ

1ptq dt. Si K est uncompact de Ω, la fonction continue pt, zq ÞÑ F pγptq, zq est bornee sur le compactr0, 2πsˆK, disons |F pt, zq| ďMK ; et on a alors |F pγptq, zq γ1ptq| ďMK |γ

1ptq| “ gKptqpour z P K. La fonction gK est integrable sur ra, bs car continue par morceaux, et parconsequent le theoreme s’applique.

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108 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

Remarque 1. Le theoreme 1.5 reste valable, avec la meme demonstration, en rem-placant l’intervalle I muni de la mesure de Lebesgue par un espace mesure pI,A, µq.

Remarque 2. Comme pour le theoreme 1.2, l’holomorphie de la fonction f peutse deduire du theoreme de Morera. Les details constituent un bon exercice : il fautd’abord verifier la continuite de f , puis utiliser le theoreme de Fubini pour montrerque

ş

BR fpzq dz “ 0 pour tout rectangle R Ă Ω.

Exemple 1.7. Soit Ω “ tz P C; Repzq ą 0u. La formule

Γpzq “

ż 8

0tz´1e´t dt

definit une fonction holomorphe sur Ω. Cette fonction s’appelle la fonction Gammad’Euler.

Demonstration. La fonction F : s0,8rˆΩ Ñ C definie par F pt, zq “ tz´1e´t estmesurable en t P s0,8r et holomorphe en z P Ω. De plus, on a

|F pt, zq| “ tRepzq´1e´t

pour tout pt, zq P s0,8rˆΩ.Si K est un compact de Ω, on peut trouver a ą 0 et b ă 8 tels que a ď Repzq ď b

pour tout z P K. On a alors tRepzq´1 ď ta´1 si t P s0, 1r et tRepzq´1 ď tb´1 si t ě 1, pourtout z P K. On obtient ainsi |F pt, zq| ď gKptq, ou

gKptq “

"

ta´1e´t si 0 ă t ď 1tb´1e´t si t ě 1

La fonction gK est integrable sur s0, 1s car elle est continue avec gkptq „ ta´1 auvoisinage de 0 et a ´ 1 ą ´1 ; et elle est integrable sur r1,8r car gKptq “ Op1t2q en`8. Donc gK est integrable sur s0,8r.

D’apres le theoreme 1.5, on peut donc conclure que Γ est (bien definie et) holo-morphe sur Ω.

Exercice. Montrer qu’on a Γpz ` 1q “ z Γpzq pour tout z P Ω, et en deduire lavaleur de Γpn` 1q pour n P N.

1.4. Une autre approche. Dans cette sous-section, on donne des demonstrationsun peu differentes des theoremes 1.2 et 1.5. Tout repose sur la formule de Cauchy etsur le lemme suivant, qui a ete demontre au chapitre 3 (lemme 1.2 de ce chapitre).

Lemme 1.8. Soit γ un chemin de classe C1 par morceaux dans C, d’image Γ, etsoit ϕ : Γ Ñ C une fonction continue. Alors la fonction u : CzΓ Ñ C definie par

upzq “

ż

γ

ϕpξq

ξ ´ zdξ

est holomorphe sur CzΓ.

Deuxieme preuve du theoreme 1.2. Pour montrer que f “ lim fn est holo-morphe sur Ω, il suffit de verifier qu’elle l’est sur tout disque ouvert D tel que D Ă Ω ;fixons un tel disque D “ Dpz0, rq. On utilisera le fait suivant (consequence immediatede l’inegalite triangulaire) : si z P D et si on pose εpzq “ r ´ |z ´ z0|, alors

@ξ P B∆ : |ξ ´ z| ě ε .

(Le point important est que εpzq ne depend pas de ξ P BD).

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1. SUITES ET INTEGRALES 109

Si z P D, alors

(1.1) fnpzq “1

2iπ

ż

BD

fnpξq

ξ ´ zdξ

pour tout n P N, d’apres la formule de Cauchy. De plus, fnpξqξ´z tend vers fpξq

ξ´z uni-

formement sur BD. En effet, comme |z ´ ξ| ě εpzq pour tout ξ P BD, on aˇ

ˇ

ˇ

ˇ

fnpξq

ξ ´ z´fpξq

ξ ´ z

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď|fnpξq ´ fpξq|

εpzq;

d’ou le resultat puisque fnpξq Ñ fpξq uniformement sur le compact BD. Comme onintegre sur un compact, on peut donc passer a la limite dans (1.1) et on obtient

fpzq “1

2iπ

ż

BD

fnpξq

ξ ´ zdξ

pour tout z P D. D’apres le lemme 1.8, cela prouve que f est holomorphe sur D.

Pour etablir la convergence uniforme de f 1n vers f 1 sur tout compact de Ω, il suffitde verifier que f 1n Ñ f 1 uniformement sur tout disque ferme D Ă Ω. En effet, si Kest un compact quelconque de Ω, on peut trouver des disques ouverts D1, . . . , DN telsque Di Ă Ω pour tout i et K Ă D1 Y ¨ ¨ ¨ Y DN . Si on sait montrer que f 1n Ñ f 1

uniformement sur chaque Di, on aura prouve que f 1n Ñ f 1 uniformement sur K.Fixons un disque ferme D “ Dpz0, rq Ă Ω. Choisissons egalement ε ą 0 tel que

Dpz0, r1 ` εq Ă Ω, et posons ∆ “ Dpz0, r ` εq. D’apres l’inegalite triangulaire, on a

alors

(1.2) @z P D @ξ P B∆ : |ξ ´ z| ě ε .

Si z P D, alors

f 1pzq “1

2iπ

ż

B∆

fpξq

pξ ´ zq2dξ ,

d’apres la formule de Cauchy “derivee une fois”. De meme, on a

f 1npzq “1

2iπ

ż

B∆

fnpξq

pξ ´ zq2dξ .

pour tout n P N. On en deduit

|f 1npzq ´ f1pzq| ď

1

ż

BD

|fnpξq ´ fpξq|

|ξ ´ z|2|dξ|

ď1

ż

BD

|fnpξq ´ fpξq|

ε2|dξ|

ou on a utilise (1.2). Comme fnpξq Ñ fpξq uniformement sur le compact B∆ et commela majoration ne depend pas de z P D, cela montre que f 1npzq Ñ f 1pzq uniformementsur D.

Deuxieme preuve du theoreme 1.5. Si on utilise l’hypothese de domination(ii) avec K “ tzu, on obtient |F pt, zq| ď gtzuptq. Par consequent, la fonction t ÞÑ F pt, zqest integrable sur I, et donc fpzq est bien defini pour tout z P Ω.

La continuite de f sur Ω decoule du theoreme de continuite pour les integrales aparametres, ou directement du theoreme de convergence dominee (ce qui revient aumeme) : si pznq est une suite de points de Ω convergeant vers un point z P Ω, alors

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110 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

Fnptq :“ F pt, znq tend vers F pt, zq pour tout t P I par continuite de F pt, ¨q, et ennotant K le compact tzu Y tzn; n P Nu, on a |Fnptq| ď gKptq pour tout n ; doncfpznq “

ş

I F pnptq dt tend versş

I F pt, zq dt “ fpzq par convergence dominee.

Pour montrer que f est holomorphe sur Ω, il suffit (comme d’habitude) de verifierqu’elle l’est sur tout disque ouvert D tel que D Ă Ω. Fixons un tel disque D “ Dpz0, rq.

Comme F pt, zq est holomorphe en z, on a

F pt, zq “1

2iπ

ż

BD

F pt, ξq

ξ ´ zdξ

pour tout t P I et pour tout z P D, d’apres la formule de Cauchy. Par consequent,

fpzq “

ż

IF pt, zq dt

“1

2iπ

ż

I

ˆż

BD

F pt, ξq

ξ ´ zdξ

˙

dt

“1

2iπ

ż

BD

ˆż

IF pt, ξq dt

˙

ξ ´ z

“1

2iπ

ż

BD

fpξq

ξ ´ zdξ

ou on a utilise le theoreme de Fubini. D’apres le lemme 1.8, on en deduit que f estholomorphe sur D.

Pour justifier l’utilisation du theoreme de Fubini, il suffit de verifier qu’on aż

BD

ˆż

I|F pt, ξq| dt

˙

|dξ|

|ξ ´ z|ă 8 .

En posant K “ BD, on a |F pt, ξq| ď gKptq, doncş

I |F pt, ξq| dt ď C “ş

I gKptq dt pourtout ξ P BD et donc

ż

BD

ˆż

I|F pt, ξq| dt

˙

|dξ|

|ξ ´ z|ď C

ż

BD

|dξ|

|ξ ´ z|ă 8

car la fonction ξ ÞÑ 1|ξ´z| est continue et donc bornee sur BD.

Pour montrer qu’on peut calculer les derivees de f en derivant sous l’integrale,fixons un point z0 P Ω. Choisissons r ą 0 tel que Dpz0, rq Ă Ω, et posons D “ Dpz0, rq.D’apres la formule de Cauchy derivee, on a

f pnqpz0q “n!

2iπ

ż

BD

fpξq

pξ ´ z0qn`1

dξ .

Comme fpξq “ş

I F pt, ξq dt, on obtient donc

f pnqpz0q “n!

2iπ

ż

BD

ˆż

IF pt, ξq dt

˙

pξ ´ z0qn`1

ż

I

ˆ

n!

2iπ

ż

BD

F pt, ξq

pξ ´ z0qn`1

˙

dt

ż

I

BnF

Bznpt, z0q dt ,

ou on a utilise le theoreme de Fubini a la deuxieme ligne, et la fomule de Cauchyderivee pour F pt, ¨q a la troisieme. La fonction t ÞÑ BnF

Bzn pt, z0q est bien integrable sur I

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2. PRODUITS INFINIS 111

car en posant K “ BD, on aˇ

ˇ

ˇ

ˇ

BnF

Bznpt, z0q

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

n!

2iπ

ż

BD

F pt, ξq

pξ ´ z0qn`1

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ďn!

ż

BD

gKptq

rn`1|dξ|

“n!

rngKptq .

Enfin, la justification du recours au theoreme de Fubini est laissee en exercice.

2. Produits infinis

Definition 2.1. Soit panqně0q une suite de nombres complexes. On dit que le

produit infiniś

an est convergent si la suite des “produits partiels” PN “śNn“0 an

admet une limite dans C quand N Ñ8. Cette limite se note alorsś8n“0 an.

Dans tout ce qui suit, on notera log la determination principale du logarithme dansC˚. Rappelons qu’on a par definition

logpzq “ log |z| ` i argpzq

pour tout z P C˚, ou l’argument est pris dans s ´ π, πs. Rappelons egalement que logn’est pas continue sur C˚, mais qu’elle est holomorphe sur CzR´, avec log1pzq “ 1

z ¨

Proposition 2.2. Soit pfnqně0 une suite de fonctions a valeurs complexes definiessur un ensemble Ω. On suppose que la serie

ř

p1´fnq est normalement convergentesur Ω.

(i) Le produit infiniś

fnpzq est uniformement convergent sur Ω.

(ii) Si les fn ne s’annulent pas, alors la serieř

logpfnq est uniformement convergente,

et on aś8

0 fnpzq “ eSpzq, ou S “ř8

0 logpfnq. En particulier, la fonction f “ś8

0 fn ne s’annule pas sur Ω.

Pour la demonstration, on a besoin du lemme suivant.

Lemme 2.3. Si h P C verifie |h| ď 12, alors | logp1` hq| ď 2 |h|.

Demonstration. L’enonce du lemme a un sens car on a certainement 1` h ‰ 0.La fonction log est holomorphe au voisinage du segment r1, 1 ` hs car r1, 1 ` hs ĂDp1, 12q Ă CzR´. D’apres le theoreme fondamental de l’analyse, on a donc

logp1` hq “ logp1q `

ż 1

0log1p1` thqh dt

ż 1

0

h

1` thdt

et par consequent

| logp1` hq| ď

ż 1

0

|h|

1´ |th|dt ď 2 |h| ,

ou la deuxieme inegalite vient du fait que |th| ď |h| ď 12.

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112 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

Preuve de la proposition 2.2. (i) Par hypothese, 1 ´ fnpzq tend vers 0 uni-formement sur Ω, donc on peut trouver un entier N0 tel que |1 ´ fnpzq| ď 12 pourtout n ą N0 et pour tout z P Ω. D’apres le lemme 2.3, on a alors fnpzq ‰ 0 et

| logpfnpzqq| “ | logp1` pfnpzq ´ 1qq|

ď 2 |fnpzq ´ 1|

pour tout n ą N0 et pour tout z P Ω. On en deduit que la serieř

nąN0logpfnpzqq

converge normalement (donc uniformement) sur Ω. Notons S0pzq la somme de cetteserie.

Pour N ě 0, posons PN pzq “śNn“0 fnpzq. Si N ą N0, alors

PN pzq “ f0pzq ¨ ¨ ¨ fN0pzq ˆNź

n“N0`1

fnpzq

“ PN0pzq ˆ exp

˜

Nÿ

n“N0`1

fnpzq

¸

.

Par consequent, PN pzq tend vers PN0pzq ˆ eS0pzq quand N tend vers l’infini. Deplus, la convergence est uniforme par rapport a z P Ω car la serie

ř

nąN0logpfnq est

uniformement convergente, la fonction exponentielle est uniformement continue sur lesparties bornees de C, et la fonction PN0 est bornee. (Ecrire les details constitue unexercice tres profitable). Ainsi, le produit infini

ś

fnpzq est uniformement convergent.

(ii) On garde les notations de la preuve de (i). Comme les fn ne s’annulent pas, lesfonctions logpfnq sont bien definies pour tout n ě 0, et la serie

ř

ně0 logpfnq convergeuniformement sur Ω car la serie

ř

nąN0logpfnq converge uniformement. D’apres la

preuve de (i), on a

n“0

fnpzq “ f0pzq ¨ ¨ ¨ fN0pzq ˆ exp

˜

8ÿ

n“N0`1

logpfnpzqq

¸

“ exp

˜

N0ÿ

n“0

logpfnpzqq

¸

ˆ exp

˜

8ÿ

n“N0`1

logpfnpzqq

¸

“ eSpzq .

Corollaire 2.4. Si panqnPN est une suite de nombres complexes telle que la serieř

p1´ anq est absolument convergente, alors le produit infiniś

an est convergent ;et si de plus an ‰ 0 pour tout n, alors

ś80 an ‰ 0.

Demonstration. On applique la proposition avec un ensemble Ω reduit a unpoint a et fnpaq “ an.

Exercice 1. Soit panqnPN une suite de nombres complexes.Montrer que si le produitinfini

ś

an est convergent et siś8

0 an ‰ 0, alors an Ñ 1 quand nÑ8.

Exercice 2. En utilisant un developpement limite, montrer que si panq est une suitede nombres complexes telle que

ř80 |an|

2 ă 8, alors le produit infiniś

cos an estconvergent.

On peut maintenant enoncer le resultat de base concernant les produits infinis defonctions holomorphes.

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2. PRODUITS INFINIS 113

Theoreme 2.5. Soit Ω un ouvert de C, et soit pfnqně0 une suite de fonctionsholomorphes sur Ω. On suppose que la serie

ř

p1 ´ fnq converge normalement surtout compact de Ω.

(1) Le produit infiniś

fnpzq converge uniformement sur tout compact de Ω, et lafonction f “

ś80 fn est holomorphe sur Ω.

(2) On a Zpfq “Ť

ně0 Zpfnq, et la multiplicite d’un zero a P Zpfq est la somme desmultiplicites de a comme zero des fn.

(3) Si les fn ne s’annulent pas, alors f ne s’annule pas et la derivee logarithmique def est donnee par la formule

f 1pzq

fpzq“

8ÿ

n“0

f 1nzq

fnpzq,

ou la serie converge uniformement sur tout compact de Ω.

Demonstration. L’hypothese entraine que la serieř

p1´ fnpzqq est absolumentconvergente pour tout z P Ω (car tzu est un compact de Ω !), donc la fonction f estbien definie sur Ω d’apres le corollaire 2.4.

Supposons d’abord que la serieř

p1´fnq soit normalement convergente sur Ω toutentier.

(1) Par la proposition 2.2, le produit infiniś

fnpzq converge uniformement surΩ. D’apres le theoreme 1.2, la fonction f est holomorphe car les produits partielsPN “

śN0 fn le sont.

(2) Par hypothese, 1´ fnpzq tend vers 0 (i.e. fnpzq Ñ 1) uniformement sur Ω. Onpeut donc trouver un entier N tel que fn ne s’annule pas pour n ą N . D’apres laproposition 2.2, on peut alors ecrire

fpzq “ f0pzq ¨ ¨ ¨ fN pzq eSpzq ,

ou Spzq “ř8N`1 logpfnpzqq. Comme eS ne s’annule pas, on a donc

Zpfq “ Zpf0 ¨ ¨ ¨ fN q

n“0

Zpfnq

n“0

Zpfnq ,

car Zpfnq “ H si n ą N . Enfin, l’assertion concernant les multiplicites est claire.(3) Soit N0 tel que |1 ´ fnpzq| ď 12 pour tout n ą N0 et pour tout z P Ω. Alors

fn est a valeurs dans Dp1, 12q Ă CzR´ pour n ą N0, donc logpfnq est holomorphe surΩ. D’apres la proposition 2.2, on a

fpzq “ P0pzqeS0pzq ,

ou P0 “ f0 ¨ ¨ ¨ fN0 et S0 “ř8N0`1 logpfnq, la serie etant uniformement convergente sur

Ω. D’apres le theoreme 1.2, la fonction S0 est holomorphe sur Ω avec

S10pzq “8ÿ

n“N0`1

plog fnq1pzq “

8ÿ

n“N0`1

f 1npzq

fnpzq,

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114 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

ou la serie converge uniformement sur tout compact de Ω. Comme de facon generale,la derivee logarithmique d’un produit est la somme des derivees logarithmiques des

termes du produit (autrement dit : puvq1

uv “ u1

u `v1

v ), on en deduit

f 1

f“

P 10P0`peS0q1

eS0

N0ÿ

n“0

f 1nfn` S10

8ÿ

n“0

f 1nfn,

ou la serie converge uniformement sur tout compact.

Traitons maintenant le cas general, ou on suppose seulement que la serieř

p1´fnqconverge normalement sur tout compact de Ω.

Pour k P N˚, posons

Ωk “ tz P C; |z| ă k et distpz,CzΩq ą 1ku .

On verifie facilement les deux proprietes suivantes (details laisses en exercice) :

(i) les Ωk sont ouverts, et les Ωk sont des compacts contenus dans Ω ;(ii) tout compact K Ă Ω est contenu dans un Ωk.

Par (i), on peut appliquer le 1er cas a chaque Ωk ; et par (ii), on en deduit le theoremepour Ω.

Definition 2.6. Sous l’hypothese du theoreme (convergence normale de la serieř

p1´ fnq sur tout compact), on dira que le produit infiniś

fn converge norma-lement sur tout compact de Ω.

3. Zeta, Gamma et le sinus

3.1. Developpement de 1ζ en produit infini. Rappelons que la fonction ζest definie sur Ω “ ts P C; Repsq ą 1u par la formule

ζpsq “8ÿ

k“1

1

ks¨

Dans ce qui suit, on notera ppnqně0 la suite des nombres premiers ranges par ordrecroissant : p0 “ 2, p1 “ 3, p2 “ 5, ...

Lemme 3.1. Le produit infiniś

ně0

´

1´ 1psn

¯

converge normalement sur tout com-

pact de Ω “ tRepsq ą 1u.

Demonstration. En posant fnpsq “ 1´ 1psn, on a

|1´ fnpsq| “

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

1

psn

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

“1

pRepsqn

,

et comme pn ě n pour tout n on en deduit sans difficulte que la serieř

p1 ´ fnqconverge normalement sur tout compact de Ω.

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3. ZETA, GAMMA ET LE SINUS 115

Theoreme 3.2. Si s P C verifie Repsq ą 1, alors ζpsq ‰ 0 et

1

ζpsq“

n“0

ˆ

1´1

psn

˙

.

Demonstration. Fixons s verifiant Repsq ą 1. Avant de commencer, faisons uneremarque utile pour la suite : comme la serie

ř

mě11ms est absolument convergente,

toutes ses sous-series sont convergentes, donc la somme

ÿ

mPA

1

ms

a un sens pour tout ensemble A Ă N˚.Pour N P N, posons PN psq “

śN0

´

1´ 1psn

¯

. On a

ζpsqP0psq “ ζpsq ˆ

ˆ

1´1

2s

˙

˜

8ÿ

k“1

1

ks

¸

ˆ

ˆ

1´1

psn

˙

8ÿ

k“1

1

ks´

8ÿ

k“1

1

p2kqs

“ÿ

mPA0

1

ms.

ou A0 est l’ensemble des entiers m ě 1 non divisibles par p0 “ 2.De meme, on trouve

ζpsqP1psq “ ζpsqP0psq ˆ

ˆ

1´1

3s

˙

“ÿ

kPA0

1

ks´

ÿ

kPA0

1

p3kqs

“ÿ

mPA1

1

ms,

ou A1 est l’ensemble des entiers m P A0 qui ne sont pas de la forme 3k ou k P A0, c’est-a-dire exactement l’ensemble des entiers m ě 1 qui ne sont divisibles ni par p0 “ 2, nipar p1 “ 3. (On utilise ici le fait que l’ensemble t3k; k P A0u est contenu dans A0, cequi est vrai car p0 et p1 “ 3 sont premiers entre eux).

Par recurrence, on obtient

ζpsqPN psq “ÿ

mPAN

1

ms

pour tout N P N, ou AN est l’ensemble des entiers m ě 1 qui ne sont divisibles paraucun des nombres premiers p0, . . . , pN .

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116 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

Par definition de AN , on a m ą pN pour tout m P AN different de 1 (le plus petitdiviseur premier de n doit etre strictement plus grand que pN ), et donc

|ζpsqPN psq ´ 1| “

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ÿ

mPAN zt1u

1

ms

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ďÿ

mąpN

1

|ms|

pour tout N P N. Comme pN Ñ 8, on en deduit que ζpsqPN psq tend vers 1 quandN Ñ8. On obtient ainsi

ζpsq ˆ8ź

n“0

ˆ

1´1

psn

˙

“ 1 ,

ce qui termine la demonstration.

Corollaire 3.3. La serieÿ 1

pnest divergente.

Demonstration. Si cette serie etait convergente, alors la serieř 1

psnserait nor-

malement convergente sur r1,8r, puisqueˇ

ˇ

ˇ

1psn

ˇ

ˇ

ˇď 1

pnpour tout s ě 1. D’apres la

proposition 2.2, le produit infiniś

´

1´ 1psn

¯

serait donc uniformement convergent sur

r1,8r, avecś8

0

´

1´ 1pn

¯

‰ 0 car 1 ´ 1pn‰ 0 pour tout n. La fonction f definie

par fpsq “ś

´

1´ 1psn

¯

serait alors continue sur r1,8r, avec fp1q ‰ 0. Comme

fpsq “ 1ζpsq pour s ą 1, on en deduirait que ζpsq admet une limite finie quandsÑ 1`. Mais d’apres le theoreme de convergence monotone (pour les series), on a

limsÑ1`

ζpsq “8ÿ

k“1

1

k“ 8 .

3.2. Developpement de 1Γ en produit infini. Rappelons que la fonction Γest definie sur Ω “ tz P C; Repzq ą 0u par la formule

Γpzq “

ż 8

0tz´1e´t dt .

Dans cette sous-section, on va developper la fonction 1Γ en produit infini. Pource faire, on aura besoin de trois lemmes “d’interet independant”.

Lemme 3.4. Pour tout z P C verifiant Repzq ą 0, on a

Γpzq “ limnÑ8

n!nz

zpz ` 1q ¨ ¨ ¨ pz ` nq¨

Demonstration. Commencons par verifier que

(˚) Γpzq “ limnÑ8

ż n

0tz´1

ˆ

1´t

n

˙n

dt .

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3. ZETA, GAMMA ET LE SINUS 117

On sait que pour tout t ą 0, on a

e´t “ limnÑ8

ˆ

1´t

n

˙n

.

De plus, si n ě 1 et si t P s0, nr alors

0 ď

ˆ

1´t

n

˙n

“ en logp1´ tnq ď e´t ,

car log`

1´ tn

˘

ď ´ tn ¨ Donc, si on fixe z et si on pose

fnptq “ 1s0,nrptq tz´1

ˆ

1´t

n

˙n

,

alors la suite pfnq converge simplement sur s0,8r vers fptq “ tz´1e´t, et |fnptq| ď |fptq|pour tout n ě 1. Comme la fonction f est integrable sur s0,8r, on peut donc appliquerle theoreme de convergence dominee pour obtenir (˚).

Maintenant, posons

Inpzq “

ż n

0tz´1

ˆ

1´t

n

˙n

dt .

En effectuant le changement de variable u “ tn , on trouve

Inpzq “ nzż 1

0uz´1p1´ uqn du

“ nz Jnpzq .

Ensuite, on integre par parties Jnpzq en primitivant uz´1 et en derivant p1 ´ uqn,ce qui donne

Jnpzq “

uz

zp1´ uqn

1

0

`n

z

ż 1

0uzp1´ uqn´1 du

“n

zJn´1pz ` 1q

pour tout n ě 1 et pour tout z verifiant Repzq ą 0. Par recurrence, on en deduit

Jnpzq “n!

zpz ` 1q ¨ ¨ ¨ pz ` n´ 1qJ0pz ` nq .

Comme J0pz ` nq “ş10 u

z`n´1du “ 1z`n , on obtient finalement

Inpzq “n!nz

zpz ` 1q ¨ ¨ ¨ pz ` nq

pour tout n ě 1, ce qui termine la demonstration d’apres (˚).

Lemme 3.5. La suite pγnqně1 definie par γn “řnk“1

1k ´ log n est convergente, et

sa limite γ est strictement positive. Le nombre γ s’appelle la constante d’Euler.

Demonstration. Pour t ě 1, posons fptq “ 1t. On a ainsi

γn “nÿ

k“1

fpkq ´

ż n

1fptq dt .

On en deduit

γn`1 ´ γn “ fpn` 1q ´

ż n`1

nfptq dt ď 0

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118 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

car la fonction f est decroissante et donc fptq ě fpn`1q pour tout t P rn, n`1s. Ainsi,la suite pγnq est decroissante.

D’autre part, on a

γn “n´1ÿ

k“1

ˆ

fpkq ´

ż k`1

kfptq dt

˙

` fpnq ;

et comme f est decroissante et fpnq ě 0, on en deduit γn ě 0. Ainsi, la suite pγnq estdecroissante et minoree par 0, donc admet une limite γ ě 0.

Comme chaque terme de la somme precedente est positif, on a en fait

γn ě fp1q ´

ż 2

1fptq “ 1´ log 2

pour tout n ě 1, et donc γ ě 1´ log 2 ą 0.

Lemme 3.6. Le produit infiniś

kě1

`

1` zk

˘

e´zk converge normalement sur tout

compact de C.

Demonstration. Posons fkpzq “`

1` zk

˘

e´zk . Pour pouvoir appliquer le theoreme

2.5, il faut majorer convenablement |1´ fkpzq|.On a fkpzq “ ϕp zk q, ou ϕpuq “ p1 ` uqe´u. La fonction ϕ est holomorphe sur C,

avec ϕ1puq “ ´ue´u. On a donc ϕp0q “ 1 et ϕ1p0q “ 0. Par consequent, on peut ecrire

ϕpuq “ 1` u2hpuq ,

ou h est une fonction entiere, et donc

fkpzq ´ 1 “´z

k

¯2h´z

k

¯

.

Pour tout R ą 0 et z P Dp0, Rq, on a donc

|1´ fkpzq| ďR2

k2ˆMpRq ,

ou MpRq “ supt|hpuq|; |u| ď Ru. Cela prouve que la serieř

p1´ fkq converge norma-lement sur tout disque Dp0, Rq, et donc sur tout compact de C.

Theoreme 3.7. Si z P C verifie Repzq ą 0, alors Γpzq ‰ 0 et

1

Γpzq“ z eγz

k“1

´

1`z

k

¯

e´zk ,

ou γ est la constante d’Euler.

Demonstration. D’apres le lemme 3.4, on a

Γpzq “ limnÑ8

n!nz

zpz ` 1q ¨ ¨ ¨ pz ` nq¨

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3. ZETA, GAMMA ET LE SINUS 119

D’autre part, on peut ecrire

zpz ` 1q ¨ ¨ ¨ pz ` nq

n!nz“ z

ˆ

z ` 1

1

˙ˆ

z ` 2

2

˙

¨ ¨ ¨

ˆ

z ` n

n

˙

ˆ1

nz

“ znź

k“1

´

1`z

k

¯

ˆ e´z logn

“ z eγnznź

k“1

´

1`z

k

¯

e´zk ,

ou γn “řn

11k ´ log n. Comme γn tend vers γ quand nÑ8, on en deduit

Γpzq ˆ z eγz8ź

k“1

´

1`z

k

¯

e´zk “ 1 .

3.3. Developpement du sinus en produit infini.

Theoreme 3.8. Pour tout z P C on a

sinpπzq “ πz8ź

n“1

ˆ

1´z2

n2

˙

,

ou le produit infini converge normalement sur tout compact.

Demonstration. La convergence normale du produit infini est tres facile a verifier.Pour etablir la formule souhaitee, le point de depart est l’identite

eu “ limkÑ8

´

1`u

k

¯k,

valable pour tout nombre complexe u (voir le chapitre 1, corollaire 4.13). D’apres cetteidentite et la definition du sinus complexe, on a pour tout z P C :

sinpπzq “ limKÑ8

1

2i

«

ˆ

1`iπz

2K

˙2K

´

ˆ

1´iπz

2K

˙2Kff

“ limKÑ8

PKpzq .

(On prend des exposants pairs 2K par “commodite technique”).

Fait. On a PKpzq “ πzK´1ś

n“1

ˆ

1´ z2

α2n,K

˙

, ou αn,K “2Kπ tan

`

nπ2K

˘

¨

Preuve du fait. Le polynome PK semble etre de degre 2K, mais en fait il est dedegre de degre 2K´1 : verifier que le coefficient de z2K est nul, et celui de z2K´1 ne l’estpas. De plus, le coefficients de z dans PKpzq est egal a P 1Kp0q “ π. Comme le polynomeapparaissant au second membre de l’identite a etablir est egalement de degre 2K ´ 1avec le meme coefficient devant z, il suffit donc de verifier que ces deux polynomes ontles memes racines (avec les memes multiplicites). Autrement dit, il s’agit de voir queles racines de PK sont 0 et les ˘αn,K pour 1 ď n ď K ´ 1.

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120 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

Un nombre complexe z est racine de PK si et seulement si`

1` iπz2K

˘2K“

`

1´ iπz2K

˘2K,

ce qui signifie qu’on peut ecrire

1`iπz

2K“ ω

ˆ

1´iπz

2K

˙

,

ou ω est une racine 2K-ieme de 1. Cette equation n’a pas de solution si ω “ ´1 ; et siω ‰ ´1 on obtient

z “2K

ω ´ 1

ω ` 1¨

Les racines 2K-iemes de 1 differentes de ´1 “ eiπ sont de la forme

ωK,n “ einπK ,

ou ´pK ´ 1q ď n ď pK ´ 1q. De plus, on a

einπK ´ 1

einπK ` 1“

einπ2K ´ e´inπ2K

einπ2K ` e´inπ2K

“ i tan´ nπ

2K

¯

¨

Ainsi, les racines de PK sont les αn,K pour ´pK ´ 1q ď n ď K ´ 1, autrement ditα0,K “ 0 et les αn,K pour 1 ď |n| ď K ´ 1.

Fixons maintenant z P C. D’apres le fait, on peut ecrire

PKpzq “ πz8ź

n“1

fnpKq ,

ou fnpKq est donne par

fnpKq “

#

1´ z2

α2n,K

si n ď K ´ 1

1 si n ě K

Comme tanx ě x pour tout x P r0, π2r, on a pour n ď K ´ 1

|1´ fnpKq| “ | z|2p2Kπq2

tan2 pnπ2Kq

ď|z|2

n2;

et cette inegalite est bien sur aussi valable pour n ě K puisque dans ce cas 1´fnpKq “0. Par consequent, la serie

ř

ně1p1 ´ fnpKqq converge normalement sur Ω “ N˚.D’apres la proposition 2.2, on en deduit que le produit infini

ś

ně1 fnpKq convergeuniformement par rapport a K P N˚. Autrement dit, si on pose

QN,K “ πzNź

n“1

fnpKq

alors on alimNÑ8

QN,K “ PKpzq uniformementK .

D’autre part, αn,K “2Kπ tan

`

nπ2K

˘

tend vers n quand K Ñ8 car tanu „ u quanduÑ 0. Donc

limKÑ8

QN,K “ QN :“ πzNź

n“1

ˆ

1´z2

n2

˙

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3. ZETA, GAMMA ET LE SINUS 121

pour tout N fixe.Un argument de “double limite” permet alors d’ecrire

limNÑ8

limKÑ8

QN,K “ limKÑ8

limNÑ8

QN,K ;

autrement dit (puisque limKÑ8 limNÑ8QN,K “ limKÑ8 PKpzq “ sinpπzq) :

(3.1) limNÑ8

QN “ sinpπzq .

Comme limNÑ8QN “ πzś8n“1

´

1´ z2

n2

¯

, on obtient donc la formule souhaitee.

Voici les details pour (3.1). Soit ε ą 0. Par convergence uniforme (par rapport aK) de QN,K vers PKpzq, on peut trouver N0 tel que |QN,K ´ PKpzq| ď ε pour toutN ě N0 et pour tout K. En fixant N et en faisant tendre K vers l’infini, on en deduit|QN ´ sinpπzq| ď ε pour tout N ě N0, d’ou (3.1).

Corollaire 3.9. Si z P C verifie 0 ă Repzq ă 1, alors on a l’identite suivante,qu’on appelle la formule des complements :

ΓpzqΓp1´ zq “π

sinpπzq¨

Demonstration. D’apres le lemme 3.4, on a

1

ΓpzqΓp1´ zq“ lim

nÑ8un ,

ou

un “zp1` zqp2` zq ¨ ¨ ¨ pn` zq

n!nzˆp1´ zqp2´ zq ¨ ¨ ¨ pn´ zqpn` 1´ zq

n!n1´z¨

D’autre part, on peut reorganiser un comme suit :

un “n` 1´ z

nˆ z ˆ

p12 ´ z2qp22 ´ z2q ¨ ¨ ¨ pn2 ´ z2q

pn!q2

“n` 1´ z

nˆ z ˆ

ˆ

12 ´ z2

12

˙ˆ

22 ´ z2

22

˙

¨ ¨ ¨

ˆ

n2 ´ z2

n2

˙

“n` 1´ z

nˆ z ˆ

k“1

ˆ

1´z2

k2

˙

.

D’apres le theoreme 3.8, on en deduit limnÑ8 un “ zś8

1

´

1´ z2

k2

¯

“sinpπzqπ , d’ou

la formule des complements.

Corollaire 3.10. Pour tout w P CzπZ, on a

cotanpwq “1

w` 2w

8ÿ

n“1

1

w2 ´ n2π2¨

Demonstration. Posons fpzq “ sinpπzq. D’apres les theoremes 3.8 et 2.5, onpeut ecrire pour tout z P CzZ :

f 1pzq

fpzq“pπzq1

pπzq`

8ÿ

n“1

p1´ z2n2q1

p1´ z2n2q,

autrement dit

π cotanpπzq “1

z´ 2z

8ÿ

n“1

1

n2 ´ z2¨

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122 6. SUITES, INTEGRALES ET PRODUITS INFINIS

La formule pour cotanpwq s’en deduit en prenant z “ wπ ¨