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HYGIÈNES - 2011 - VOLUME XIX - N° 5 285 Evaluation of the use of gloves during hands-on nursing Incorrect use of gloves contributes to failure to prevent cross infection. Professional practices were studied to determine the extent to which standard precautions were taken in a hospital. Two hundred and forty observations were made during two nursing procedures (washing and changing nap- pies), depending on the method used for the practice audit. In many cases staff did not change gloves if their tasks were interrupted and removed gloves too late after providing care. Compliance with hand hygiene rules, which was measured in parallel, revealed blatant failure to use alcohol hand rubs after providing care. After this evaluation, an action plan was set up to ensure that healthcare workers were more recep- tive to training provided by the Hospital Hygiene unit. Practi- cal workshops illustrating healthcare situations with a risk of cross transmission were set up. A second evaluation of pro- fessional practices focussing on washing bedridden patients was undertaken to assess the extent to which the standard precautions were taken. KEYWORDS Healthcare Associated Infections – Cross Infection – Infection Prevention – Evaluation – Gloves – Nursing Acts – Audit of Practices. Le mésusage des gants participe à la non-maîtrise de la transmission croisée. Nous avons réalisé une évaluation des pratiques professionnelles afin de déterminer précisément le niveau de respect des précautions standard dans notre établissement. Deux cent quarante observations ont été conduites dans le cadre de deux situations de nursing (toi- lette, et change de la protection du patient), selon la méthode de l’audit de pratiques. Nous avons constaté le respect très partiel du changement de gants en cas d’interruption de tâches, ainsi qu’un retrait trop tardif des gants à l’issue du soin. Le respect des règles d’hygiène des mains, mesuré en parallèle, a mis en évidence un déficit flagrant du recours aux solutions hydroalcooliques au décours du soin. À l’issue de cette évaluation, nous avons mis en place un plan d’action visant à améliorer la réceptivité des agents aux formations dispensées par l’unité d’hygiène hospitalière : des ateliers pratiques mettant en scène des situations de soins à risque de transmission croisée ont été développés. Une seconde évaluation des pratiques professionnelles centrée sur la toi- lette du patient alité a été initiée afin de mesurer plus pré- cisément le niveau d’application des précautions standard. MOTS-CLéS Infections nosocomiales – Transmission croisée – Prévention des Infections – évaluation – Gants – Soins de Nursing – Audit de Pratiques. augmentation de la consommation des gants de soins non corrélée à l’évolution d’activité de l’établissement. Cette situation nous a amenés à nous interroger sur la pertinence du recours aux gants non stériles à usage unique. La publication de documents relatifs à l’émer- gence du danger lié aux entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre élargi (EBLSE) à portage diges- tif [1-2] a confirmé l’importance de la maîtrise du risque de transmission croisée lors de la manipulation des excrétas du patient. D’autre part, deux documents majeurs relatifs L a transmission croisée manuportée peut facilement être favorisée par un port inadapté des gants au cours des différents actes de soins. Lors d’un audit réalisé dans le cadre de la préparation de la version 2 de la certification en 2009, ayant pour thème le respect des précautions complémentaires, l’unité d’hygiène hospita- lière du centre hospitalier de Sedan avait mis en évidence un déficit de maîtrise de l’utilisation des gants de soins, principalement au cours des actes de nursing. D’autre part, la pharmacie constate depuis plusieurs années une L. iriet, K. Jeunesse, A. Gizzi, B. Ibarissène Unité d’hygiène hospitalière – Centre hospitalier – Sedan Dr Laurent iriet - Pôle médico-technique - Unité d’hygiène hospitalière - Centre hospitalier 2, avenue du Général Margueritte - 08209 Sedan - E.mail : [email protected] Évaluation des pratiques d’utilisation des gants de soins au cours d’actes de nursing éTUDE & éVALUATION RéSUMé ABSTRACT

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HYGIÈNES - 2011 - Volume XIX - n° 5 285

Evaluation of the use of gloves during hands-on nursing

Incorrect use of gloves contributes to failure to prevent cross infection. Professional practices were studied to determine the extent to which standard precautions were taken in a hospital. Two hundred and forty observations were made during two nursing procedures (washing and changing nap-pies), depending on the method used for the practice audit. In many cases staff did not change gloves if their tasks were interrupted and removed gloves too late after providing care. Compliance with hand hygiene rules, which was measured in parallel, revealed blatant failure to use alcohol hand rubs after providing care. After this evaluation, an action plan was set up to ensure that healthcare workers were more recep-tive to training provided by the Hospital Hygiene unit. Practi-cal workshops illustrating healthcare situations with a risk of cross transmission were set up. A second evaluation of pro-fessional practices focussing on washing bedridden patients was undertaken to assess the extent to which the standard precautions were taken.

Keywords

Healthcare Associated Infections – Cross Infection – Infection Prevention – evaluation – Gloves – Nursing Acts – Audit of Practices.

Le mésusage des gants participe à la non-maîtrise de la transmission croisée. Nous avons réalisé une évaluation des pratiques professionnelles afin de déterminer précisément le niveau de respect des précautions standard dans notre établissement. Deux cent quarante observations ont été conduites dans le cadre de deux situations de nursing (toi-lette, et change de la protection du patient), selon la méthode de l’audit de pratiques. Nous avons constaté le respect très partiel du changement de gants en cas d’interruption de tâches, ainsi qu’un retrait trop tardif des gants à l’issue du soin. Le respect des règles d’hygiène des mains, mesuré en parallèle, a mis en évidence un déficit flagrant du recours aux solutions hydroalcooliques au décours du soin. À l’issue de cette évaluation, nous avons mis en place un plan d’action visant à améliorer la réceptivité des agents aux formations dispensées par l’unité d’hygiène hospitalière : des ateliers pratiques mettant en scène des situations de soins à risque de transmission croisée ont été développés. Une seconde évaluation des pratiques professionnelles centrée sur la toi-lette du patient alité a été initiée afin de mesurer plus pré-cisément le niveau d’application des précautions standard.Mots-cLés

Infections nosocomiales – transmission croisée – Prévention des Infections – évaluation – Gants – soins de Nursing – Audit de Pratiques.

augmentation de la consommation des gants de soins non corrélée à l’évolution d’activité de l’établissement. Cette situation nous a amenés à nous interroger sur la pertinence du recours aux gants non stériles à usage unique. La publication de documents relatifs à l’émer-gence du danger lié aux entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre élargi (EBLSE) à portage diges-tif [1-2] a confirmé l’importance de la maîtrise du risque de transmission croisée lors de la manipulation des excrétas du patient. D’autre part, deux documents majeurs relatifs

La transmission croisée manuportée peut facilement être favorisée par un port inadapté des gants au cours des différents actes de soins. Lors d’un audit

réalisé dans le cadre de la préparation de la version 2 de la certification en 2009, ayant pour thème le respect des précautions complémentaires, l’unité d’hygiène hospita-lière du centre hospitalier de Sedan avait mis en évidence un déficit de maîtrise de l’utilisation des gants de soins, principalement au cours des actes de nursing. D’autre part, la pharmacie constate depuis plusieurs années une

L. Thiriet, K. Jeunesse, A. Gizzi, B. Ibarissène Unité d’hygiène hospitalière – Centre hospitalier – Sedan

✎ Dr Laurent Thiriet - Pôle médico-technique - Unité d’hygiène hospitalière - Centre hospitalier 2, avenue du Général Margueritte - 08209 Sedan - E.mail : [email protected]

Évaluation des pratiques d’utilisation des gants de soins au cours

d’actes de nursing

étude & évaluation

RésUMé AbsTrACT

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HYGIÈNES - 2011 - Volume XIX - n° 5286

évALUAtIoN Des PRAtIqUes D’UtILIsAtIoN Des GANts De soINs AU coURs D’Actes De NURsING

dans le logiciel epI-Info 6 [6], à partir duquel a été réalisée l’analyse statistique.

RésultatsTrente observations de toilettes et 30 observations de change de la protection du patient incontinent ont été réalisées dans chacun des services de soins : 240 obser-vations ont été effectuées entre le 1er juin et le 30 juillet 2010. Le temps consacré à la réalisation des audits dans les unités de soins fut de 53 heures 30 minutes. Les per-sonnels soignants audités appartenaient aux catégories professionnelles suivantes :- infirmières (IDE) : 20 % (48/240) ;- aides-soignantes (AS) : 76,7 % (184/240) ;- agents des services hospitaliers (ASH) : 2,5 % (6/240).Les patients concernés par les actes audités étaient hébergés pour 25,8 % (62/240) en chambre individuelle et pour 74,2 % (178/240) en chambre à deux lits.

Hygiène des mains avant l’acte de soinsLa fréquence de réalisation d’un acte d’hygiène des mains observée fut la suivante :• toilette : 86,5 % (96/111) ;• change de la protection souillée : 77,3 % (92/119).Dans 59,4 % (66/111) des cas de toilette, et dans 67,2 % (80/119) des situations de change de la protection, l’acte d’hygiène fut réalisé en dehors de la chambre. Dans moins de 10 % des cas, il fut réalisé au plus près de l’acte de soins. Une solution hydroalcoolique fut utilisée dans 63,1 % (70/111) des cas avant une toilette, et 72,3 % (86/119) avant un change de la protection.

Modalités d’utilisation des gantsLes occurrences de pose des gants de soins sont décrites dans le tableau I. Les tableaux II et III présentent les pratiques d’utilisation des gants observées au cours des situations de soins auditées. Dans 10 % à 13 % des situa-tions observées, les gants de soins n’ont pas été utilisés. Des lésions cutanées ont été constatées chez 23 agents audités. Dans cette situation, 100 % des agents ont enfilé des gants de soins avant la réalisation de l’acte technique.

à la prévention des infections avaient été mis à la disposi-tion des professionnels par la Société française d’hygiène hospitalière au cours du premier semestre 2009 [3-4]. Dans ce contexte, il nous est apparu pertinent d’initier une évaluation des pratiques professionnelles (EPP) dont le thème serait l’observation de l’utilisation des gants de soins dans le cadre des précautions standard ou com-plémentaires [3-5], au cours de deux actes de nursing au cours desquels le soignant est exposé au risque d’ac-cident d’exposition au sang et aux liquides biologiques (AES) , et où le risque de transmission croisée manupor-tée est important : toilette du patient et change de la pro-tection chez le patient incontinent.

Matériel et méthodesL’EPP a été conduite selon la méthode de l’audit de pra-tiques. Une grille de recueil des données a été élaborée pour chacun des actes techniques audités (Figures 1 et 2). Ces grilles furent construites à partir de deux fiches techniques rédigées par le comité de lutte contre les infections nosocomiales de l’établissement ; l’une relative aux modalités de mise en œuvre des précautions stan-dard et complémentaires, l’autre décrivant le protocole de réalisation de la toilette périnéale du patient grabataire souillé. Elles comportaient des items communs relatifs à l’hygiène des mains et l’élimination des déchets, et des items spécifiques à chacun des actes. Quatre unités de soins, représentatives des activités médicales réalisées dans l’établissement, ont été incluses dans le champ de l’audit :- un service de médecine de 30 lits ;- un service de chirurgie viscérale de 35 lits ;- un service de soins de suites de 30 lits ;- une structure de soins de longue durée de 100 lits.La méthodologie de l’EPP a été présentée aux cadres de santé des services retenus pour cette étude. L’infor-mation préalable des équipes a été réalisée par voie de courrier. Les auditeurs étaient les agents de l’unité d’hy-giène hospitalière. Un minimum de 30 observations par acte technique et par service de soins était exigé. Les données issues des grilles de recueil ont été intégrées

tableau i - Modalités d'enfilage des gants de soins.

absence de gants

Mise en placeen dehors de la chambre à l'entrée dans la chambre au plus près du soin

Toilette du patient 12/120 (10 %) 23/120 (19,2 %) 37/120 (30,8 %) 48/120 (40 %)Change de la protection 16/120 (13,3 %) 23/120 (19,2 %) 45/120 (37,5 %) 36/120 (30 %)

tableau ii - Modalités d'utilisation des gants de soins au cours de la toilette.

absence de gants

une seule paire uniquement pour la toilette intime

une seule paire pour toute la toilette

une paire pour la toilette intime, une paire pour le reste du corps

12/120 (10 %) 50/120 (41,7 %) 54/120 (45 %) 4/120 (3,3 %)

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HYGIÈNES - 2011 - Volume XIX - n° 5 287

évALUAtIoN Des PRAtIqUes D’UtILIsAtIoN Des GANts De soINs AU coURs D’Actes De NURsING

��

Date : ………………………………….………………………… Auditeur : ……………………………………………………………………N° fiche Epi-Info :………………….…….… Service : ………………………………………………..……………………………………………………………………….……………………… Chambre : Particulière Double Fonction de l’agent : AS IDE Autre Temps consacré à l’audit : ………………………………………………………….…………..………………….…………………………………………………………..………………….……………

LÉSIONS CUTANÉES

1- Présence de lésions cutanées sur les mains du soignant : Oui Non

HYGIÈNE DES MAINS

2- Hygiène des mains : - A l’extérieur de la chambre erbmahc al snaD - etca’l tnava etsuJ -

eésilaér noN - eévresbo noN -

3- Produit utilisé pour l’hygiène des mains : - Savon doux - SHA - Savon doux + SHA - Savon antiseptique

SÉQUENCE DU SOIN

4- La toilette est réalisée : Au lit Cabinet de toilette etteliot ed tenibac siup ,til uA Salle de bain

5- Le patient est-il souillé ? Oui Non

6- La séquence de la toilette choisie est conforme : Oui Non Toilette hors zone périnéale Toilette débutée par la zone périnéale

PROTOCOLE D’UTILISATION DES GANTS

7- Attitude de l’agent : Pas de gants qinu elaénirép etteliot al ruop stnag ed eriap enU uement

etteliot al etuot ruop stnag ed eriap enU ép etteliot ertne tnemegnahc( stnag ed seriap xueD rinéale et reste du corps)

8- Pose des gants : Non applicable (NA) erbmahc al ed rueirétxe’l A

erbmahc al snaD nios ud tnemom uA

INTERRUPTIONS DE TÂCHE

9- Interruption de tâche au cours du soin : Oui Non Si Oui, combien : …………………………………… Si Oui, combien avec sortie de chambre : ……………………..…………………

10- Si interruption de tâche, retrait des gants : Oui Non NA

RETRAIT DES GANTS

11- Retrait des gants immédiatement après le soin : Oui Non NA

12- Hygiène des mains immédiatement après le retrait des gants : Oui Non NA si Oui, produit utilisé pour l’hygiène des mains : Savon doux

SHA Savon doux + SHA Savon antiseptique

13- Elimination immédiate des gants : Oui Non NA

14- Filière d’élimination choisie : DAOM DASRI NA

FICHE AUDIT PORT DE GANT La toilette

Unité d’Hygiène

Hospitalière

Pôlemédico

technique

CH de SEDAN

Figure 1 - Fiche de recueil de données pour l’évaluation de la toilette du patient.

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Date : …………………………….………………………… Auditeur : ………………………………………………………………… N° fiche Epi-Info :………………….…….… Service : ………………………………………………..……………………………………………………………………….……………………… Chambre : Particulière Double Fonction de l’agent : AS IDE Autre Temps consacré à l’audit : ………………………………………………………….…………..………………….…………………………………………………………..………………….……………

LÉSIONS CUTANÉES

1- Présence de lésions cutanées sur les mains du soignant : Oui Non

HYGIÈNE DES MAINS

2- Hygiène des mains : - A l’extérieur de la chambre erbmahc al snaD - etca’l tnava etsuJ -

eésilaér noN - eévresbo noN -

3- Produit utilisé pour l’hygiène des mains : - Savon doux - SHA - Savon doux + SHA - Savon antiseptique

SÉQUENCE DU SOIN

4- Le change est réalisé : Au lit Cabinet de toilette liuetuaf uA Salle de bain

5- Le patient est-il souillé ? Oui Non

6- La séquence de change choisie est conforme : Oui Non Changement de la protection avec toilette périnéale

Changement de la protection sans toilette périnéale

PROTOCOLE D’UTILISATION DES GANTS

7- Attitude de l’agent : Pas de gants egnahc el tuot ruop stnag ed eriap enU (change-installation)

al ed egnahc el ruop tnemeuqinu stnag ed eriap enU protection stnag ed seriap xueD (changement entre change et installation)

8- Pose des gants : Non applicable (NA) erbmahc al ed rueirétxe’l A

erbmahc al snaD nios ud tnemom uA

INTERRUPTIONS DE TÂCHE

9- Interruption de tâche au cours du soin : Oui Non Si Oui, combien : …………………………………… Si Oui, combien avec sortie de chambre : ……………………..…………………

10- Si interruption de tâche, retrait des gants : Oui Non NA

RETRAIT DES GANTS

11- Retrait des gants immédiatement après le soin : Oui Non NA

12- Hygiène des mains immédiatement après le retrait des gants : Oui Non NA si Oui, produit utilisé pour l’hygiène des mains : Savon doux

SHA Savon doux + SHA Savon antiseptique

13- Elimination immédiate des gants : Oui Non NA

FICHE AUDIT PORT DE GANT Le change

Unité d’Hygiène

Hospitalière

14- Filière d’élimination choisie : DAOM DASRI NA

CH de SEDAN

Pôlemédico

technique

Figure 2 - Fiche de recueil de données pour l’évaluation du change de la protection du patient.

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référence à l’usage des gants, l’EPP réalisée en 2010 met en évidence une maîtrise très imparfaite des précautions standard. Les points critiques identifiés sont les suivants :• l’hygiène des mains avant réalisation des soins (environ 80 %) est tout juste satisfaisante. De plus, l’occurrence de l’acte d’hygiène est rarement conforme (moins de 10 % de réalisation au plus près du soin). Ces résultats sont décevants au regard des exigences des recomman-dations actuelles en matière de prévention des infections [9].• L’enfilage des gants est trop précoce par rapport au soin. Moins de 50 % de conformités par rapport au référentiel sont constatés.• Le mode d’utilisation des gants est souvent inadapté. Un niveau correct d’application des recommandations de bon usage [9] est retrouvé dans 41,7 % des observa-tions de toilette, et 38,3 % des opérations de change de la protection souillée seulement.• Le retrait des gants au cours des interruptions de tâches n’est pas maîtrisé, avec moins de 50 % de conformité par rapport au référentiel. Au-delà de ce résultat décevant, l’audit que nous avons conduit met en évidence une fré-quence très importante d’interruptions de soins, princi-palement au cours de la toilette (37,5 % des situations observées). La durée moyenne de cet acte technique (20 minutes) mais aussi sa difficulté, une toilette compli-quée pouvant être à l’origine de réapprovisionnements non anticipés en consommables, peuvent expliquer cette constatation. Le mode d’hébergement du patient (chambre individuelle ou double) a pu également avoir une incidence sur le nombre d’interruptions, en raison du risque de sollicitation urgente par le voisin de chambre, mais ce paramètre n’a pas été mesuré au cours de l’audit. La mise en place d’actions correctives visant à améliorer la maîtrise par les professionnels des opportunités de renouvellement des gants apparaît indispensable.• L’élimination des gants est réalisée majoritairement en filière DAOM. Cette situation représente normalement une non-conformité, en raison de l’impact psycho-émo-tionnel en relation avec le gant de soins [10]. Toutefois, des données bibliographiques publiées récemment [1], suggèrent que la filière DAOM est adaptée pour l’élimi-nation des déchets souillés par urines et fèces (en dehors des situations de diarrhées infectieuses), moyennant un conditionnement en sac fermé dans la chambre du patient. Sur ce critère particulier, notre recueil de données est trop imprécis pour émettre une conclusion péremp-toire sur l’état des pratiques. Une évaluation complé-mentaire s’impose. Le recours à la filière des déchets

Retrait des gants

En fin dE soin

Dans 61,1 % (66/108) des toilettes, et 56,7 % (59/104) des changes de la protection, les gants ont été retirés immédiatement après le soin. Dans les autres cas, les gants furent retirés en sortie de chambre.

En cas d’intErruption dEs soins

Quarante-cinq interruptions de tâches ont été constatées lors des audits de toilettes, huit au cours des changes. Dans 42,2 % (19/45) des cas lors des toilettes, et dans 50 % (4/8) des cas au cours des changes de protections, l’interruption de soins a été accompagnée d’un retrait des gants.

Élimination des gantsLa filière des déchets assimilables aux ordures ména-gères (DAOM) a été privilégiée dans 80 % (96/120) des toilettes observées, et 83,3 % (100/120) des changes de protection évalués. Le mode de conditionnement préa-lable au dépôt dans le container DAOM n’a pas été étudié, cette filière d’élimination étant considérée comme non conforme dans le rationnel de l’EPP.

Hygiène des mains après retrait des gantsDix-sept et demi pour cent (21/120) des agents audités dans le cadre d’une toilette, et 25 % (30/120) des agents évalués au cours d’un change de la protection ont réa-lisé un acte d’hygiène des mains immédiatement après le soin.

DiscussionLe bon usage des gants à l’hôpital est un thème récur-rent des formations dispensées par l’unité d’hygiène hos-pitalière depuis plusieurs années. En 2007, un groupe de travail pluridisciplinaire avait créé des posters relatifs à leur utilisation, s’appuyant sur les 100 recommanda-tions pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales [7]. Ces supports avaient été diffusés dans toutes les unités de soins, accompagnés d’une forma-tion dispensée par l’infirmière hygiéniste de l’établisse-ment. Le bon usage des gants fut choisi comme thème de mémoire de notre nouvelle infirmière hygiéniste dans le cadre du diplôme d’université de prévention des infec-tions nosocomiales [8], ce qui nous a permis d’évaluer l’impact des formations que nous avions dispensées. Comme nous l’avions pressenti au travers de l’analyse des résultats d’autres audits dont certains items faisaient

tableau iii - Modalités d'utilisation des gants de soins au cours du change de la protection souillée du patient.

absencede gants

une seule paire pour l'ensemble de l'acte de soins *

une seule paire pour réaliser uniquement le change de la protection

deux paires de gants pour réaliser l'ensemble de l'acte de soins *

16/120 (13,3 %) 56/120 (46,7 %) 46/120 (38,3 %) 2/120 (1,7 %)

* L'ensemble de l'acte de soins comprend la réinstallation du patient.

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ces formations a donc été indispensable. Une première série d’ateliers a été conduite entre septembre 2010 et mars 2011 permettant la formation de 191 agents, toutes catégories professionnelles de personnels paramédicaux confondues.

Amélioration des pratiques autour de la toilette et du change de la protectionNotre objectif est de limiter l’occurrence des interruptions dans les séquences de soins. Afin de mieux appréhender le contexte de la toilette au lit, nous avons diligenté une EPP spécifique s’appuyant sur le protocole d’évaluation de la prévention de la transmission croisée au cours des actes de soins Eval PS-PC 2010 [11] rédigé par un groupe de travail missionné par l’ARLIN de Champagne-Ardenne (Resclin). Les résultats de cette EPP nous ont permis de proposer un plan d’amélioration de la qualité des pra-tiques centré sur la mise en place d’une composition standardisée du chariot de toilette. Cette composition est actuellement en cours d’évaluation dans un service testeur avant sa diffusion dans l’établissement.

ConclusionAlors que l’unité d’hygiène hospitalière travaille depuis plusieurs années sur le bon usage des gants, que ce soit dans le cadre des formations pour les agents nou-vellement recrutés, lors de sessions d’information des équipes soignantes réalisées à la mise en place des précautions complémentaires, ou lors de la préparation hivernale annuelle préalable à l’émergence des agents infectieux responsables de gastro-entérites aiguës, l’EPP que nous avons réalisée en 2010 nous a prouvé que nos messages avaient un impact très insuffisant. Nous avons choisi de modifier l’approche pédagogique de nos forma-tions afin de tenter de briser les idées reçues sur la pro-tection conférée par les gants de soins, et de mieux faire appréhender le risque de transmission croisée en cas de mésusage. Les ateliers interactifs imposent un investis-sement supérieur des professionnels au cours de la ses-sion, et leur permettent d’argumenter sur leurs modes opératoires habituels. Les révisions des pratiques que nous proposons sont donc mieux acceptées. Nous espé-rons ainsi que les recommandations diffusées seront appliquées plus scrupuleusement en pratique quoti-dienne. L’audit préconisé par la circulaire n° 41 du 2 février 2011 [12] offrira la possibilité d’estimer sur la base d’un standard national le niveau d’application des précautions standard dans notre établissement. D’autres évaluations, portant sur des thématiques ciblées, affineront la mesure de l’impact de notre démarche pédagogique. Nous tra-vaillons également à la réduction de l’utilisation des gants de soins aux situations qui les nécessitent vraiment. Un réel travail de proximité est à conduire sur ce sujet, afin, là encore, de faire disparaître des habitudes dépourvues de justification scientifique. Les résultats de cette EPP nous amènent finalement à réfléchir sur le maintien

d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) pour éli-miner systématiquement les gants de soins utilisés pour les soins de nursing peut être discuté en regard du coût très élevé de prise en charge de ce type de déchets, et du risque infectieux très faible relié aux gants de soins éliminés après ces actes techniques. Une démarche de réévaluation des modalités de tri des DASRI dans notre établissement est d’ailleurs programmée.• L’hygiène des mains au retrait des gants est mal réalisée (17,5 % à 30 % de conformité). Ce résultat inquiétant peut s’expliquer par l’impression ressentie par le professionnel que les gants procurent une protection imperméable ren-dant l’hygiène des mains à leur retrait superflue.

Le seul motif de satisfaction est la prévention du risque d’AES chez les agents présentant des lésions cutanées. Les résultats de cette EPP nous ont imposé une remise en question de notre mode de communication sur les précautions standard. En effet, malgré des affichages omniprésents, des formations régulières en sessions magistrales, la tenue annuelle d’une journée sur l’hygiène des mains, les résultats obtenus en pratique courante sont très éloignés de nos espérances. L’observation des pratiques au cours de cette EPP a révélé la méconnais-sance du risque de transmission croisée lié au mésusage des gants de soins. Autre élément important mis en évi-dence au cours de ce travail : le nombre d’interruptions de la séquence de soins. Bien que le champ de l’audit n’ait pas pris en compte l’étude de ce paramètre, l’observa-tion directe a permis de constater que les interruptions étaient en majorité la conséquence d’une anticipation inadaptée du soin, conduisant au besoin de réapprovi-sionnement en matériel pour sa réalisation correcte. Et fréquemment (50 % à 58 % des situations), l’interruption de l’acte technique n’a pas été accompagnée du retrait des gants portés par les soignants. Forts de ces consta-tations, nous avons mis en place un plan d’action dont les axes principaux sont :

Élaboration d’ateliers pratiques de formationNous avons souhaité modifier notre approche pédago-gique relative à la diffusion des recommandations concer-nant les précautions standard. Dorénavant, autour de situations de soins simulées, nous réunissons des petits groupes d’agents (quinze maximum). Nous avons choisi pour débuter cette démarche de mettre en scène les deux thèmes suivants : « la prise en charge d’un patient porteur d’une bactérie multirésistante », et « l’accueil d’une suspicion de tuberculose ». Un atelier sur le sujet « pose et surveillance d’une sonde vésicale » est en pré-paration. Cette méthode de travail favorise l’interaction entre unité d’hygiène hospitalière et personnel soignant. Malheureusement, elle est aussi plus chronophage, et donc plus délicate à mettre en œuvre dans un contexte de tension sur les effectifs. Une concertation avec la direc-tion des soins infirmiers préalable à la mise en œuvre de

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HYGIÈNES - 2011 - Volume XIX - n° 5 291

évALUAtIoN Des PRAtIqUes D’UtILIsAtIoN Des GANts De soINs AU coURs D’Actes De NURsING

4- SocIété françaISe d'hygIène hoSpItalIère (SFHH). Recommanda-tions pour l’hygiène des mains. Hygiènes 2009; 17(3): 145-240.

5- mInIStère de l’emploI et de la SolIdarIté. Circulaire DGS/DH/98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans les établissements de santé.

6- Logiciel Epi-info 6.04d. Center for Disease Control (CDC). Téléchar-gement de la version française à l’adresse : http://www.epiconcept.fr/fr/page/telechargements

7- mInIStère de l’emploI et de la SolIdarIté. 100 recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales. 1999.

8- JeuneSSe K. Le mésusage des gants de soins. Mémoire de diplôme d’université de prévention des infections nosocomiales. Université de Strasbourg – Faculté de médecine 2010.

9- SocIété françaISe d'hygIène hoSpItalIère (SFHH). Surveiller et pré-venir les infections associées aux soins. Hygiènes 2010; 18(4).

10- mInIStère de la Santé et deS SportS. Déchets d’activité de soins, comment les éliminer. 2009.

11- eVal PS-PC 2010 : Evaluation de la prévention de la transmission croisée au cours des actes de soins. Téléchargement à l’adresse : http://www.resclin.fr/Audits_Evaluations.

12- mInIStère du traVaIl de l’emploI et de la Santé. Circulaire DGOS/PF2/2011/41 du 2 février 2011 relative à la stratégie nationale d’au-dit des pratiques en hygiène hospitalière : thème « les précautions standard ».

Conflit potentiel d’intérêts : aucun

dans le temps du respect des recommandations que nous diffusons à destination des personnels soignants. Dans le contexte de dissémination active des EBLSE à portage digestif que nous traversons, il est impératif de trouver rapidement les outils adaptés pour garantir un taux d’application des précautions standard compatible avec la maîtrise de la transmission croisée. Les supports écrits, certes indispensables, ne suffisent pas à garan-tir le respect des bonnes pratiques, et les acquis issus des formations magistrales se diluent rapidement dans la routine quotidienne. Un accompagnement de proximité réalisé par les équipes opérationnelles d’hygiène nous paraît donc incontournable, ce qui implique des moyens en effectifs adaptés à la hauteur des enjeux sanitaires.

Références1- haut conSeIl de la Santé publIque (HCSP), Recommandations relatives aux mesures à mettre en œuvre pour prévenir l’émergence des entérobactéries BLSE et lutter contre leur dissémination. Février 2010.

2- haut conSeIl de la Santé publIque (HCSP), Dépistage du portage digestif des bactéries commensales multirésistantes aux antibio-tiques importées en France à l’occasion du rapatriement de patients en provenance de l’étranger et maîtrise de leur diffusion. Mai 2010.

3- SocIété francaISe d’hygIène hoSpItalIère (SFHH). Prévention de la transmission croisée : précautions complémentaires contact. Consensus formalisé d’experts. Hygiènes 2009; 17(2): 84-138.