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L’AGRICULTEUR PROVENÇAL - Vendredi 25 août 2017 7 Les déchets verts, une chance pour les sols Les déchets verts constituent dans la région un vrai gisement qu’Éric Navarro valorise en amendements au travers de multiples initiatives. VALORISATION Déstockage de compost au lycée d’Aix-Valabre. Ces matières sont issues des végétaux transformés sur la plateforme Valsud de Fuveau. La station qui gère notamment les déchets de la CPA est impliquée dans le réseau des agriculteurs composteurs d’Éric Navarro comme de nombreuses autres stations en région Paca. ED Des matières végétales non compostées apportées en surface sur un essai maïs conduit au Lycée agricole d’Aix-Valabre. ED ED L’action sur le sol du compost de déchets verts est visible assez rapidement. En quelques semaines, ce mulch de surface redonne déjà vie à la terre ED L a reconquête des sols est depuis le projet agro-écologique lancé en 2013, au cœur de toutes les attentions du monde agricole. Les ac- teurs de la recherche, du développe- ment et de l’enseignement se sont de nouveau réappropriés un sujet trop longtemps délaissé. Pour certains, la question de la récupération et de la ré- habilitation des sols agricoles dégra- dés n’est pas une préoccupation nou- velle. C’est l’activité quotidienne d’Éric Navarro depuis “presque” toujours. Ingénieur agronome et conseiller agri- cole pour le Ceta Terroir de Crau no- tamment, il a longtemps travaillé avec les agriculteurs sur “la recherche de so- lutions alternatives à la désinfection chi- mique et visant à réintroduire de la vie dans les sols.” Sa réflexion s’est portée sur les déchets verts et leur transformation en amen- dements qui permettent au sol de se renforcer, de protéger les cultures et de réduire la consommation en eau. Son travail sur le traitement des dé- chets végétaux et les composts l’a conduit à fonder le mouvement asso- ciatif Vert Carbone. En parallèle, il est aussi devenu consultant pour de grands groupes et leurs plateformes de gestion des déchets. Une ressource à portée de main La région Paca génère un volume de déchets verts considérable, autour de 500 000 tonnes chaque année. L’interdiction de brûlage dans les com- munes et les villes a engendré des situa- tions de saturation sur certaines plate- formes en matières végétales”, expli- que-t-il. Un constat qui l’a conduit à imaginer et développer dans la région le compostage de proximité”. Ce “nou- veau métier” répond à la fois aux be- soins des industriels et à celui des agri- culteurs. Cette matière première pro- duite par les particuliers et les collecti- vités est une solution idéale pour les sols de la région. “Les sols provençaux sont globalement en mauvaise santé, très pauvres en matières organiques et les agriculteurs ont besoin de solutions efficaces pour redonner de la vie à leurs terres et limiter l’impact du réchauffe- ment climatique”, explique Éric Navar- ro. “Absorber les excédents” Un véritable réseau s’est développé au- tour des plateformes avec lesquelles Éric Navarro travaillait déjà. Son activi- té consiste à “absorber les excédents en temps réel et à alimenter les agriculteurs en engrais naturels”. Plus de 200 exploi- tations se fournissent aujourd’hui en amendements issus des déchets verts de la région. “Le réseau fonctionne très bien”, ajoute Éric Navarro, “d’autant que le service et la matière produite sont gra- tuits.” Pour structurer cette véritable économie circulaire sur le territoire, l’in- génieur agronome a pu compter sur le soutien de la centrale biomasse de Gar- danne. “Nous avons travaillé sur le pro- cess de gestion des déchets des collectivi- tés et sur la valorisation des matières fines issues de leur activité”, précise-t-il. Le process est autorisé par l’administra- tion française, tout comme les matières affinées issues du broyage des déchets végétaux sont inscrites au catalogue Écocert. D’autres travaux ont été possibles, tou- jours sous l’impulsion de la centrale biomasse de Gardanne sur la question de la valorisation des déchets verts. No- tamment des expérimentations visant à démontrer l’intérêt du recyclage de ces matières sur lequel ont travaillé plu- sieurs partenaires : le Lycée agricole d’Aix-Valabre, le laboratoire Protee de l’Université de Toulon, le laboratoire de l’environnement de l’université d’Aix- Marseille et la Chambre d’agriculture 13. Essais agronomiques et sur la consommation d’eau Comme le souligne le spécialiste, “il était également indispensable de valider notre méthode de compost à la ferme et de vérifier l’impact de ces matières végé- tales sur les cultures régionales.” Une collaboration s’est formalisée l’année dernière avec le Lycée agricole d’Aix- Valabre pour mettre en place des es- sais agronomiques en viticulture et cette année sur culture de maïs, des études comparables à l’utilisation du BRF en agriculture. Pour Michel Neviere, enseignant en agronomie et chargé d’expérimenta- tions au lycée Aix Valabre, les travaux d’Éric sont intéressants à plus d’un ti- tre. “D’un point de vue pédagogique nous étions dans la dynamique “produi- re autrement” et nous cherchions aussi pour les parcelles de l’exploitation du ly- cée de la matière organique la moins couteuse possible.” L’exploitation du lycée est en agricultu- re raisonnée, et caractéristique des ex- ploitations de la région, il n’y a pas d’élevage. Les teneurs en matières or- ganiques des sols sont relativement ré- duites. “L’objectif de l’essai sur maïs est de mesurer les effets agronomiques de ces apports d’amendements sur les ren- dements des cultures, sur l’état des sols et sur la consommation en eau de la cultu- re”, détaille Michel Neviere Le protocole d’essai comporte un té- moin classique sans apport de ma- tières organiques ou déchets verts, une parcelle sur laquelle 10 t/ha de compost ont été apportées avant se- mis, une bande sur laquelle 5 tonnes de compost ont été apportées avant semis et une bande sur laquelle des matières végétales non compostées ont été apportées en surface (4 cm d’épaisseur) après le semis. C’est à prio- ri cette dernière parcelle qui devrait permettre d’économiser l’eau. Pour jus- tement suivre l’humidité du sol des sondes Watermark ont été installées avec un enregistrement automatique pour comparer les modalités. La phase de relevés se poursuit actuellement. Les irrigations seront réduites d’envi- ron 30 % sur la parcelle qui bénéficie d’apports de matières végétales non compostées pour vérifier si le couvert peut diminuer l’évaporation et per- mettre à la plante de mieux résister à la sécheresse. Visuellement, les modalités sont identiques et la récolte permettra de mesurer, sur les rendements et ses composantes, l’influence des différents apports. Pour Éric Navarro, les projets autour de la sauvegarde des terres agricoles se multiplient. Il n’a pas oublié que le sol était bien vivant et il dépense aujour- d’hui toute son énergie en faveur du recyclage des déchets verts dans les villes. Il espère contribuer à faire chan- ger les pratiques agricoles. Dans cet objectif, le lycée d’Aix-Valabre et sa vi- trine pédagogique pourraient jouer, dans la région, un rôle de tout premier plan. E.D. RÉGION Des déchets verts aux MVA Quand il s’est lancé dans la valorisation des déchets verts, tout n’a pas été facile. “C’était notamment très compliqué d’obtenir un produit affiné issu du broyage des matières ligneuses pour être utilisé comme compost”, indique Éric Navarro. Mais de- puis, la bonne formule a été trouvée avec les industriels qui l’accompagnent pour gérer plusieurs dizaines de milliers de tonnes de compost de qualité dans toute la région Paca. Une fois broyés, triés et affinés, ce ne sont en effet plus des déchets verts, mais des Matières végétales affinées (MVA) inscrites sous cette dénomination au catalogue Écocert. C’est aussi un produit bio qui peut être stocké sur un terrain jusqu’à 1 000 t sans installation particulière (Installation classée pour la protection de l’environnement) à condition de respecter le règlement sanitaire départemental. E.D. Figure incontournable du “déchet vert” sur la région Paca et de leur valorisation en agriculture, Éric Navarro (à gauche) travaille aussi sur la modélisation d’un système d'analyse du sol qui permet une approche plus facile pour les agriculteurs. Michel Neviere est enseignant en agronomie et chargé d’expérimentations au lycée Aix-Valabre.

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L’AG R I C U LT E U R P R O V E N Ç A L - Vendredi 25 août 2017 7

Les déchets verts, une chance pour les solsLes déchets verts constituent dans la région un vrai gisement qu’Éric Navarro valoriseen amendements au travers de multiples initiatives.

VALORISATION

Déstockage de compost au lycée d’Aix-Valabre. Ces matières sont issues des végétaux transformés sur la plateforme Valsud de Fuveau. La station qui gère notamment les déchets de la CPA est impliquée dans le réseau des agriculteurs composteurs d’Éric Navarro comme de nombreuses autresstations en région Paca.

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Des matières végétales non compostées apportées en surface sur un essaimaïs conduit au Lycée agricole d’Aix-Valabre.

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L’action sur le sol du compost de déchets verts est visible assez rapidement.En quelques semaines, ce mulch de surface redonne déjà vie à la terre

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L a reconquête des sols est depuisle projet agro-écologique lancéen 2013, au cœur de toutes les

attentions du monde agricole. Les ac-teurs de la recherche, du développe-ment et de l’enseignement se sont denouveau réappropriés un sujet troplongtemps délaissé. Pour certains, laquestion de la récupération et de la ré-habilitation des sols agricoles dégra-dés n’est pas une préoccupation nou-velle. C’est l’activité quotidienne d’ÉricNavarro depuis “presque” toujours.Ingénieur agronome et conseiller agri-cole pour le Ceta Terroir de Crau no-tamment, il a longtemps travaillé avecles agriculteurs sur “la recherche de so-lutions alternatives à la désinfection chi-mique et visant à réintroduire de la viedans les sols.”Sa réflexion s’est portée sur les déchetsverts et leur transformation en amen-dements qui permettent au sol de serenforcer, de protéger les cultures etde réduire la consommation en eau.Son travail sur le traitement des dé-chets végétaux et les composts l’aconduit à fonder le mouvement asso-ciatif Vert Carbone. En parallèle, il estaussi devenu consultant pour degrands groupes et leurs plateformesde gestion des déchets.

Une ressource à portée de mainLa région Paca génère un volume dedéchets verts considérable, autour de500 000 tonnes chaque année.“L’interdiction de brûlage dans les com-munes et les villes a engendré des situa-tions de saturation sur certaines plate-formes en matières végétales”, expli-que-t-il. Un constat qui l’a conduit à“imaginer et développer dans la régionle compostage de proximité”. Ce “nou-veau métier” répond à la fois aux be-soins des industriels et à celui des agri-culteurs. Cette matière première pro-duite par les particuliers et les collecti-vités est une solution idéale pour lessols de la région. “Les sols provençauxsont globalement en mauvaise santé,

très pauvres en matières organiques etles agriculteurs ont besoin de solutionsefficaces pour redonner de la vie à leursterres et limiter l’impact du réchauffe-ment climatique”, explique Éric Navar-ro.

“Absorber les excédents”Un véritable réseau s’est développé au-tour des plateformes avec lesquellesÉric Navarro travaillait déjà. Son activi-té consiste à “absorber les excédents entemps réel et à alimenter les agriculteursen engrais naturels”. Plus de 200 exploi-tations se fournissent aujourd’hui enamendements issus des déchets vertsde la région. “Le réseau fonctionne trèsbien”, ajoute Éric Navarro, “d’autant quele service et la matière produite sont gra-tuits.” Pour structurer cette véritableéconomie circulaire sur le territoire, l’in-génieur agronome a pu compter sur lesoutien de la centrale biomasse de Gar-danne. “Nous avons travaillé sur le pro-cess de gestion des déchets des collectivi-tés et sur la valorisation des matièresfines issues de leur activité”, précise-t-il.Le process est autorisé par l’administra-tion française, tout comme les matièresaffinées issues du broyage des déchetsvégétaux sont inscrites au catalogueÉcocert.D’autres travaux ont été possibles, tou-jours sous l’impulsion de la centralebiomasse de Gardanne sur la questionde la valorisation des déchets verts. No-tamment des expérimentations visantà démontrer l’intérêt du recyclage deces matières sur lequel ont travaillé plu-sieurs partenaires : le Lycée agricoled’Aix-Valabre, le laboratoire Protee del’Université de Toulon, le laboratoire del’environnement de l’université d’Aix-Marseille et la Chambre d’agriculture13.

Essais agronomiques et surla consommation d’eauComme le souligne le spécialiste, “ilétait également indispensable de validernotre méthode de compost à la ferme etde vérifier l’impact de ces matières végé-

tales sur les cultures régionales.” Unecollaboration s’est formalisée l’annéedernière avec le Lycée agricole d’Aix-Valabre pour mettre en place des es-sais agronomiques en viticulture etcette année sur culture de maïs, desétudes comparables à l’utilisation duBRF en agriculture.Pour Michel Neviere, enseignant enagronomie et chargé d’expérimenta-tions au lycée Aix Valabre, les travauxd’Éric sont intéressants à plus d’un ti -tre. “D’un point de vue pédagogiquenous étions dans la dynamique “produi-re autrement” et nous cherchions aussipour les parcelles de l’exploitation du ly-cée de la matière organique la moinscouteuse possible.”L’exploitation du lycée est en agricultu-re raisonnée, et caractéristique des ex-ploitations de la région, il n’y a pasd’élevage. Les teneurs en matières or-ganiques des sols sont relativement ré-duites. “L’objectif de l’essai sur maïs estde mesurer les effets agronomiques deces apports d’amendements sur les ren-dements des cultures, sur l’état des sols etsur la consommation en eau de la cultu-re”, détaille Michel NeviereLe protocole d’essai comporte un té-moin classique sans apport de ma-tières organiques ou déchets verts,une parcelle sur laquelle 10 t/ha decompost ont été apportées avant se-mis, une bande sur laquelle 5 tonnesde compost ont été apportées avant

semis et une bande sur laquelle desmatières végétales non compostéesont été apportées en surface (4 cmd’épaisseur) après le semis. C’est à prio-ri cette dernière parcelle qui devraitpermettre d’économiser l’eau. Pour jus-tement suivre l’humidité du sol dessondes Watermark ont été installéesavec un enregistrement automatiquepour comparer les modalités. La phasede relevés se poursuit actuellement.Les irrigations seront réduites d’envi-ron 30 % sur la parcelle qui bénéficied’apports de matières végétales noncompostées pour vérifier si le couvertpeut diminuer l’évaporation et per-mettre à la plante de mieux résister à lasécheresse. Visuellement, les modalitéssont identiques et la récolte permettrade mesurer, sur les rendements et sescomposantes, l’influence des différentsapports.Pour Éric Navarro, les projets autour dela sauvegarde des terres agricoles semultiplient. Il n’a pas oublié que le solétait bien vivant et il dépense aujour-d’hui toute son énergie en faveur durecyclage des déchets verts dans lesvilles. Il espère contribuer à faire chan-ger les pratiques agricoles. Dans cetobjectif, le lycée d’Aix-Valabre et sa vi-trine pédagogique pourraient jouer,dans la région, un rôle de tout premierplan. ■

E.D.

RÉGION

Des déchets verts aux MVA

Quand il s’est lancé dans la valorisation des déchets verts, tout n’a pas été facile.“C’était notamment très compliqué d’obtenir un produit affiné issu du broyage desmatières ligneuses pour être utilisé comme compost”, indique Éric Navarro. Mais de-puis, la bonne formule a été trouvée avec les industriels qui l’accompagnent pourgérer plusieurs dizaines de milliers de tonnes de compost de qualité dans toute larégion Paca. Une fois broyés, triés et affinés, ce ne sont en effet plus des déchetsverts, mais des Matières végétales affinées (MVA) inscrites sous cette dénominationau catalogue Écocert. C’est aussi un produit bio qui peut être stocké sur un terrainjusqu’à 1 000 t sans installation particulière (Installation classée pour la protectionde l’environnement) à condition de respecter le règlement sanitaire départemental.

E.D.

Figure incontournable du “déchet vert” sur la région Paca et de leurvalorisation en agriculture, Éric Navarro (à gauche) travaille aussi sur lamodélisation d’un système d'analyse du sol qui permet une approche plusfacile pour les agriculteurs. Michel Neviere est enseignant en agronomie etchargé d’expérimentations au lycée Aix-Valabre.