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Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un effet sur la motivation au changement des personnes en cours de sentence? Par Perrine Madern École de criminologie Faculté des Arts et des Sciences Rapport de stage présenté à la Faculté des Arts et des Sciences en vue de l'obtention du grade de Maîtrise (M.Sc.) en criminologie 12 mai 2014 © Perrine Madern, 2014

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Université de Montréal

La désirabilité sociale a-t-elle un effet sur la motivation au changement des

personnes en cours de sentence?

Par

Perrine Madern

École de criminologie

Faculté des Arts et des Sciences

Rapport de stage présenté à la Faculté des Arts et des Sciences

en vue de l'obtention du grade de Maîtrise (M.Sc.) en criminologie

12 mai 2014

© Perrine Madern, 2014

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RÉSUMÉ

Très peu de chercheurs ont porté attention aux liens possibles entre la motivation au changement et la désirabilité sociale. Cependant, dans un système de contrôle comme la probation, où la personne détenue peut avoir le sentiment que son sort dépend de l’intervenant qui la suit, la motivation au changement pourrait être influencée par le désir de bien paraître aux yeux de cet intervenant. Afin d’examiner la présence ou non d’indices de désirabilité sociale dans un contexte de probation, un stage à la Direction des services professionnels correctionnels de Joliette a été réalisé. Au cours de ce stage, des entretiens auprès de quatre participants ont été effectués et deux questionnaires, l’University of Rhode Island Change Assessment Scale et l’échelle de désirabilité sociale de Strahan et Gerbasi (1972) leur ont été administrées. Ces participants purgeaient une sentence dans la communauté. L’analyse du matériel recueilli a permis de noter la présence de liens entre la désirabilité sociale et la motivation au changement chez deux des quatre participants à l’étude. À cet égard, l’évaluation de ces deux aspects pourrait contribuer à aider les agents de probation à identifier les dimensions à travailler pour soutenir la motivation au changement de leurs clients et pour mieux identifier les personnes les plus susceptibles de profiter de l’aide offerte. Mots-clés : Motivation au changement, Désirabilité sociale.

ABSTRACT

Few studies have examined the relationship between motivation for change and social desirability. In certain social control situations such as probation, individuals’ motivation for change might be influenced by a wish to please the probation officer. Hence motivation for change might be influenced by social desirability. An internship completed at the Direction des services professionnels correctionnels of Joliette allowed the author to examine the presence, or absence, of social desirability in the context of probation. During the course of the internship interviews were completed with four participants in the programme who were also administered two questionnaires, the University of Rhode Island Change Assessment Scale, and Strahan and Gerbasi’s (1972) social desirability scale. Analysis showed a relationship between social desirability and motivation for change in two participants of the four participants of the study. Evaluation of these aspects might help probation officers identify the dimensions to work on in order to support motivation for change in clients and to better identify those who might benefit the most of the help offered. Key-words: Motivation for change, social desirability. !

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!REMERCIEMENTS

Mes collègues et amies de maîtrise seront d’accord pour dire que ce passage obligé qu’est

la rédaction du rapport de stage n’a pas été une des étapes les plus plaisantes de notre

maîtrise. C’est pourquoi j’aimerais prendre le temps de remercier toutes les personnes

qui, de près ou de loin, ont été là pour moi durant cette étape. D’abord, un grand merci à

ma directrice, Dianne Casoni, sans qui ce projet aurait été impossible. Elle m’a guidé non

seulement dans la mise en forme et dans la rédaction du rapport, mais elle a aussi été là

pour me soutenir et m’encourager à chaque nouvelle étape. Merci aussi à Isabelle, ma

superviseure de stage, avec qui j’ai de nombreux points communs et qui me comprend si

bien. Merci d’avoir cru en moi, en mes compétences, merci de m’avoir donné le goût de

continuer dans ce métier et merci pour toutes les discussions fort intéressantes que nous

avons eues si souvent dans ton bureau. Merci à mon conjoint, Michaël, de m’avoir enduré

durant ces derniers mois. Merci d’être toujours là pour moi, merci d’aller me chercher des

Kinder Surprises et des McCroquettes à n’importe quelle heure, juste pour essayer de me

remonter le moral. Merci d’être qui tu es. Je sais que je n’y serais jamais arrivé sans toi.

Merci à ma mère, qui m’a écouté me plaindre au téléphone de nombreuses fois. Merci à

Marika, la plus merveilleuse des sœurs que l’on puisse avoir. Et pour finir, merci à mon

fils, Liam, qui m’a donné le courage de continuer toutes les fois où j’ai voulu

abandonner. Je ne peux m’empêcher de sourire quand tu es là, tu mets chaque jour plein

de bonheur dans ma vie et tu me pousses à donner le meilleur de moi-même, quel que soit

le défi à relever.

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TABLE DES MATIERES !!RÉSUMÉS…………………………………………….…….……………….i REMERCIEMENTS……………………………………………...……...….ii INTRODUCTION ........................................................................................ 1!CHAPITRE 1!RECENSION DES ECRITS ........................................................................ 4!1.1!DÉFINITION!DES!TERMES!.........................................................................................................................!5!1.1.1.#La#motivation#au#changement#...........................................................................................................#5!1.1.2#La#désirabilité#sociale#..............................................................................................................................#6!

1.2.!MOTIVATION!AU!CHANGEMENT!...........................................................................................................!7!1.2.1.#Études#sur#le#rôle#de#la#motivation#au#changement#.................................................................#7!Les#six#étapes#du#changement#selon#Prochaska,#Norcross#et#DiClemente#...................................#9!Les#facteurs#qui#influencent#la#motivation#au#changement#............................................................#11!

1.2.2.!ÉTUDES!SUR!LE!ROLE!DE!LA!MOTIVATION!AU!CHANGEMENT!CHEZ!DES!PERSONNES!SOUS!CONTRAINTES!JUDICIAIRE!.....................................................................................................................................!13!La#motivation#des#personnes#toxicomanes#judiciarisées#..................................................................#14!La#motivation#au#changement#des#personnes#incarcérées#..............................................................#16!Conjoints#violents#et#motivation#..................................................................................................................#19!

1.3.!DÉSIRABILITÉ!SOCIALE!..........................................................................................................................!21!1.3.1.#Études#sur#la#désirabilité#sociale#.....................................................................................................#21!Autoduperie#et#hétéroduperie#......................................................................................................................#22!Désirabilité#sociale#et#personnalité#............................................................................................................#23!L’effet#du#contexte#..............................................................................................................................................#24!1.3.2.#La#désirabilité#sociale#chez#les#personnes#contrevenantes#..................................................#25!La#désirabilité#sociale#chez#les#personnes#en#suivi#probatoire#.......................................................#26!Désirabilité#sociale#et#motivation#au#changement#..............................................................................#26!

1.4.!CONCLUSION!...............................................................................................................................................!28!1.5.!PRÉSENTATION!DES!OBJECTIFS!........................................................................................................!28!

CHAPITRE 2!METHODOLOGIE .................................................................................... 30!2.1.!DESCRIPTION!DU!MILIEU!......................................................................................................................!31!2.2.!MÉTHODOLOGIE!........................................................................................................................................!33!2.2.1.#Participants#..............................................................................................................................................#33!2.2.2.#Procédure#..................................................................................................................................................#34!2.2.3.#Entretiens#..................................................................................................................................................#36!2.2.4.#Description#des#outils#...........................................................................................................................#37!Échelle#de#désirabilité#sociale#.......................................................................................................................#37!Échelle#de#motivation#au#changement#......................................................................................................#38!2.2.5.#Mode#d’analyse#........................................................................................................................................#39!Les#deux#échelles#.................................................................................................................................................#39!Les#entrevues#........................................................................................................................................................#40#

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CHAPITRE 3!ANALYSE DES DONNEES ...................................................................... 42!3.1.!PRÉSENTATION!DES!RÉSULTATS!......................................................................................................!43!3.1.1.#Données#provenant#de#l’échelle#URICA#.........................................................................................#43!3.1.2.#Données#provenant#de#l’échelle#de#désirabilité#sociale#..........................................................#44!3.1.3.#Entretiens#..................................................................................................................................................#45!Description#des#thèmes#....................................................................................................................................#45!

3.2.!TRIANGULATION!DES!SOURCES!.........................................................................................................!52!3.2.1.#Participant#A#............................................................................................................................................#53!3.2.2.#Participant#B#............................................................................................................................................#55!3.2.3.#Participant#C#............................................................................................................................................#57!3.2.4.#Participant#D#............................................................................................................................................#58!

CHAPITRE 4!CONCLUSION ........................................................................................... 60!ANNEXE A ................................................................................................. 65!ANNEXE B .................................................................................................. 68!ANNEXE C ................................................................................................. 71!REFERENCES ........................................................................................... 75!

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1!

INTRODUCTION! Dans le cadre de nos observations du milieu de la probation et des nos rencontres avec des

agents de probation au Québec, nous avons constaté que la motivation au changement des

personnes sous leur charge constitue une préoccupation centrale de ces intervenants. En effet,

les agents de probation sont amenés à travailler avec des personnes qui, très souvent,

éprouvent beaucoup de difficulté à modifier les comportements problématiques qui sont

associés à leurs délits (Vandevelde, Palmans, Broekaert et coll., 2006). Bien que le travail des

intervenants consiste essentiellement en l’évaluation des risques de récidive des personnes en

sursis, en libération conditionnelle ou en probation, il leur incombe aussi d’assurer leur suivi.

C’est cet aspect de leur mandat qui exige des agents de probation des notions et des

compétences certes de gestion et de contrôle des comportements des personnes à leur charge,

mais aussi de relation d’aide. Afin de remplir ce rôle, la motivation au changement des

individus sous leur charge est d’une grande importance. Or il arrive régulièrement qu’il se

trouve des personnes, parmi cette clientèle, dont la motivation au changement paraît faible,

voire nulle, selon les agents de probation qu’il nous a été donné de rencontrer. Bien que leur

mandat ne les appelle pas à évaluer la motivation de leurs clients de manière précise, les

agents de probation doivent néanmoins en tenir compte, et, au besoin, les aider à développer

une certaine motivation au changement.

Les écrits sur la motivation rendent compte de la difficulté qu’il y a à travailler avec des

personnes peu motivées et de celle tout aussi grande qui consiste à encourager le

développement de la motivation (Harvey, 2011 ; Lecavalier, Marcil-Denault, Denis et coll.,

2004). Ces écrits permettent de retracer un point tournant dans la compréhension du processus

motivationnel à partir des travaux de Prochaska, Norcross et DiClemente (1994) qui, les

premiers, ont conçu un mode d’approche du processus de motivation qui soit généralisable à

divers contextes dont au contexte correctionnel. Leur conceptualisation de la motivation au

changement, comme un processus personnel et fluctuant a apporté de nombreux changements

dans l’intervention qui dorénavant cherche à tenir compte du contexte de chacun et de son

niveau de motivation au changement.

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2!

Mais est-ce que la motivation au changement pourrait être influencée par le désir d’être bien

vu par son intervenant dans un système de contrôle social, comme la probation, où le client

peut craindre que son sort dépend plus de l’intervenant que de lui-même ? Afin d’isoler une

telle réalité, le concept psychologique de désirabilité sociale a été choisi afin de tenter de

cerner la présence, le cas échéant, de phénomènes semblables dans l’étude de la motivation au

changement dans le contexte de la probation.

Le concept de désirabilité sociale a d’abord été conçu comme un biais affectant l’évaluation de

la personnalité lors de la passation de questionnaires auto-administrés (Edwards, 1957). À ce

titre, elle a longtemps été évaluée dans les recherches de façon secondaire dans le but d’en

contrôler la présence. Bien que Tatman et Schouten (2008) voient l’évaluation de la

désirabilité sociale comme une façon d’identifier les clients qui seraient tentés de déformer la

vérité afin d’obtenir des privilèges de la part des agents de probation, l’intérêt pour cette

notion dans le cadre de cette étude se centre davantage sur ses liens avec la motivation au

changement.

Afin d’approfondir nos connaissances sur la motivation au changement de personnes

effectuant une sentence dans la communauté et d’étudier les effets de la désirabilité sociale sur

celle-ci, un stage au sein de la Direction des services professionnels correctionnels (DSPC) de

Lanaudière à Joliette a été effectué. Pendant six mois, la stagiaire a été formée comme agente

de probation dont les tâches principales consistaient à évaluer les personnes purgeant une

sentence provinciale et à assurer leur suivi au sein de la communauté. C’est au cours de ce

stage que nous avons pu réaliser des entretiens plus approfondis auprès de quatre clients de la

DSPC à qui nous avons aussi administré deux questionnaires afin de mieux comprendre les

liens entre motivation au changement et désirabilité sociale.

Ce rapport de stage a pour principal objectif de mieux comprendre les liens pouvant exister

entre la désirabilité sociale et la motivation au changement chez les hommes en probation. Le

premier chapitre portera sur une recension des écrits en lien avec la motivation au changement

et la désirabilité sociale à la suite de laquelle les objectifs de l’étude seront décrits. Le

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3!

deuxième chapitre fera état de la méthodologie. La description du milieu dans lequel le stage a

été effectué et dans lequel les participants ont été recrutés y sera présentée ainsi que la

méthodologie de l’étude effectuée. Le troisième chapitre présentera d’abord les résultats

obtenus aux deux échelles puis lors des entrevues enfin, une analyse produite grâce à la

triangulation des sources de données sera présentée. Le quatrième et dernier chapitre

présentera la conclusion du rapport, soit les constats principaux dégagés de l’étude ainsi que

les observations effectuées concernant les liens entre la désirabilité sociale et la motivation au

changement chez les participants à l’étude.

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4!

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CHAPITRE!1!!

RECENSION!DES!ÉCRITS!

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5!

CHAPITRE 1

RECENSION DES ECRITS

1.1!DÉFINITION!DES!TERMES!!Avant d’entamer cette étude, il est important de bien comprendre et s’entendre sur les termes

employés tout au long du rapport. Pour ce faire, cette section sera consacrée à la définition des

deux principaux thèmes à l’étude, à savoir la motivation au changement et la désirabilité

sociale.

1.1.1.!La!motivation!au!changement!

Tout d’abord, d’après le dictionnaire Le Petit Larousse, la motivation se définit comme «Un

facteur conscient ou inconscient qui incite l’individu à agir de telle ou telle façon» (1993 :

676). Cependant, la motivation est un processus nettement plus complexe. En effet, depuis le

19e siècle, plusieurs auteurs ont tenté de définir la motivation, mais ce n’est que depuis la

deuxième moitié du XXe siècle que les études sur le sujet se sont multipliées (Lecavalier,

Marcil-Denault, Denis et coll., 2004).

De nombreux auteurs, dont Deci et Ryan (1985), soulignent l’importance de distinguer la

motivation intrinsèque de la motivation extrinsèque. La motivation intrinsèque est affectée par

des facteurs propres à l’individu et «est associée à des comportements ou conséquences

positives» (Lecavalier et coll., 2004 :18) tandis que la motivation extrinsèque résulte de

pressions externes à l’individu (Magrinelli et Brochu, 2009).

La motivation est donc un concept complexe, mais important et nécessaire à l’initiation, à

l’engagement et à la persistance d’une personne dans une action ou un comportement. Dans

leur étude, Tétrault, Brochu, Cournoyer et coll., (2006), relèvent deux composantes à la

motivation, soit la motivation au changement et la motivation au traitement. Étant donné que

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6!

la motivation au traitement ne constitue pas l’objet de ce travail, seule la définition de la

motivation au changement sera abordée dans la présente section. Selon Miller et Rollnick

(1991), la motivation au changement se définit comme l’engagement et le maintien de

l’engagement de la personne dans un processus. Plus précisément, la motivation au

changement réfère aux facteurs internes ou externes qui amènent l’individu à entreprendre les

efforts nécessaires à la modification d’un certain comportement ou de certaines habitudes de

vie.

Dans le cadre de cette étude, la motivation au changement est définie comme le désir de

modifier les comportements ayant mené à l’arrestation, quels que soient ces comportements. Il

ne s’agit pas ici de mesurer la motivation à changer un comportement particulier, comme ne

plus consommer de l’alcool ou des drogues, mais bien le fait d’entreprendre les efforts

nécessaires à la modification d’habitudes de vie délinquantes. Nous cherchons à savoir si le

participant est motivé à ne plus contrevenir aux lois en vigueur.

1.1.2!La!désirabilité!sociale!

Les recherches sur la désirabilité sociale sont nées aux alentours des années 1950 à l’occasion

de nombreuses études sur la validité et la structure du M.M.P.I (Minnesota Multiphasic

Personality Inventory), un outil psychométrique de mesure de la personnalité (Lemaire, 1965).

La désirabilité sociale a d’abord été définie comme une forme de biais pouvant apparaître

lorsque des personnes sont amenées «à répondre à des questionnaires portant sur leurs

perceptions et lorsqu’elles anticipent la signification de la mesure» (Frenette, 1999 :9).

Cependant, au fil des années, plusieurs autres définitions ont été proposées afin de mieux

comprendre ce phénomène complexe qu’est la désirabilité sociale.

Pour plusieurs, la désirabilité sociale intervient lorsqu’une personne, amenée à répondre à un

questionnaire ou en situation d’entrevue ou d’évaluation, désire présenter une image favorable

d’elle même (Tournois, Mesnil et Kop, 2000 ; Frenette, 1999 ; Hathaway et Kinley, 1986 ;

Roth, Snyder et Pace, 1986 ; McCrae et Costa, 1983 ; Lemaire, 1965 ; Crowne et Marlowe,

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!!

7!

1960 ; Gough, 1952). Dans de tels contextes, les personnes auront généralement tendance à

déformer, de façon intentionnelle ou non, les réponses en minimisant leurs défauts et en

accentuant leurs qualités. Dans ces cas, la désirabilité sociale serait définie comme la tendance

à répondre par l’affirmative aux énoncés ou aux traits valorisés par la société. Pour Crowne et

Marlowe (1960), la désirabilité sociale fait référence à un besoin d’approbation sociale.

Dans le cadre de la présente étude, la désirabilité sociale est définie comme étant une tendance

à donner une image de soi-mêmes plus socialement acceptable à travers ses réponses. Ainsi,

un score élevé à une échelle de désirabilité sociale traduirait un désir de l’individu à se

présenter de façon socialement favorable tandis qu’un score peu élevé signifierait «une

représentation plus honnête de soi-même» (Dufour, 1997 :35).

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1.2.!MOTIVATION!AU!CHANGEMENT!

Cette partie est divisée en deux sections. La première est consacrée à la présentation d’un des

principaux concepts relatifs au processus de changement ainsi qu’à l’examen des facteurs

influençant la motivation. La deuxième, examine diverses études ayant abordé le thème de la

motivation au changement chez les personnes sous contraintes judiciaires.

1.2.1.!Études!sur!le!rôle!de!la!motivation!au!changement!

Lorsqu’il est question de motivation au changement, il est impossible de passer à côté du

modèle transthéorique conçu et développé par Prochaska et ses collègues. En effet, «certains

auteurs le considèrent aujourd’hui comme un modèle universel du changement intentionnel de

comportement.» (Rondeau, Lindsay, Brochu et Brodeur, 2006 :3). Le modèle transthéorique

de Prochaska, Norcross et DiClemente «vise à intégrer dans un tout cohérent les contributions

des grands courants de pensée en psychologie et à expliquer comment les gens changent avec

ou sans aide professionnelle» (Rondeau et coll., 2006 :3). La théorisation de Prochaska,

Norcross et DiClemente (1994) sera présentée dans la présente section.

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8!

Quatre principaux concepts permettent d’expliquer le processus de changement découlant des

recherches de Prochaska et ses collègues. Il s’agit des stades de changement, des stratégies de

changement, de la balance décisionnelle et du sentiment d’efficacité. Parmi ces quatre

concepts développés par Prochaska et ses collègues, le plus connu et le plus cité dans la

littérature est celui des stades de changement, c’est pourquoi il sera abordé dans la présente

section (Rondeau et coll., 2006).

Suite à une recherche menée auprès de plusieurs milliers de personnes ayant effectué des

changements, ces auteurs (Prochaska, Norcross et DiClemente, 1994) en ont conclu que le

changement se faisait par l’intermédiaire de différentes étapes. Selon Prochaska et ses

collègues, le processus de changement est non linéaire, évolue dans le temps, nécessite

plusieurs déséquilibres (inconfort, malaise, doute…) et implique une remise en question

accrue de la part des personnes qui souhaitent l’entreprendre (Lecavalier, Marcil-Denault,

Denis et coll., 2004). Effectivement, devoir changer est un processus exigeant qui suppose que

la situation dans laquelle on se trouve n’est pas adéquate. Le déni, le manque d’énergie ou

l’incapacité à percevoir les bénéfices reliés au changement peuvent ainsi créer une résistance

au changement.

Les six étapes du changement identifiées par Prochaska et ses collègues «forment une

séquence obligatoire, mais non linéaire» (Lecavalier et coll., 2004). En d’autres termes, pour

qu’un changement soit entièrement effectué, toutes les étapes doivent avoir été complétées

cependant, il est très courant que les individus en processus de changement aient plus de

difficultés à franchir certaines étapes plutôt que d’autres ou qu’ils régressent à une étape

inférieure au cours de leur cheminement. Chaque personne entreprend le changement de façon

différente et la durée du processus varie aussi d’un individu à l’autre dépendamment des

capacités d’adaptation ainsi que des contraintes environnementales de chacun (Harvey, 2011).

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9!

Les!six!étapes!du!changement!selon!Prochaska,!Norcross!et!DiClemente!

A)#Étape#préalable#à#l’envisagement#(«#precontemplation1#»).##À cette étape, les personnes entreprennent une demande d’aide à cause des pressions

extérieures, de leur entourage ou de la Cour par exemple, étant donné qu’elles ne se rendent

pas compte des conséquences néfastes dues à leur comportement et qu’elles ne sont que très

peu disposées au changement, selon Prochaska, Norcross et DiClemente (1994). Les répliques

fréquemment entendues à ce stade sont les suivantes : «Je consulte pour faire plaisir à ma

conjointe ; Je n’ai pas de problème, les gens voient des drames où il n’y en a pas» (Lecavalier

et coll., 2004 :30). En effet, ces personnes nient le problème et ne s’investissent que très peu

dans le processus, c’est pourquoi le nombre d’abandons est fréquent à cette étape. Certains

peuvent apporter de petits changements, mais retrouvent leur comportement habituel dès que

les pressions extérieures cessent (Rondeau et coll., 2006 ; Lecavalier et coll., 2004).

B)#Envisagement#(«#contemplation#»)##À cette étape, Prochaska, Norcross et DiClemente (1994) décrivent que la personne reconnaît

qu’elle a un problème, que sa souffrance est plus apparente, qu’elle ressent plus le besoin de

parler et de comprendre les implications d’un potentiel changement. Cependant, elle demeure

très ambivalente entre ses inquiétudes face au problème et les raisons de ne pas changer de

comportement. À l’étape d’envisagement, la personne est plus réceptive, mais n’est pas encore

prête à passer à l’action. «J’aimerais changer, mais ce n’est pas évident.» (Rondeau et coll.,

2006 ; Tétrault et coll., 2006 ; Lacavalier et coll., 2004 :33).

C)#La#préparation

Prochaska et ses collègues (1994) précisent qu’à l’étape de la préparation, la personne ne

ressent presque plus d’ambivalence face au changement. Elle a beaucoup appris sur son passé

et a plus confiance en elle, elle est prête à prendre des engagements et peut déjà commencer à

poser des gestes concrets. «Je pense que je peux y arriver ; Je ne peux plus continuer ainsi, il

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1!La!traduction!française!des!termes!anglais!«!precomtemplation!»!et!«!contemplation!»!pose!des!difficultés!en!français,!une!traduction!littérale!peu!élégante!en!est!proposée!en!titre!puis!les!mots!anglais,!puisqu’ils!sont!bien!connus!seront!utilisés,!entre!guillemets,!dans!le!reste!du!rapport.!

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10!

est temps de faire quelque chose.» (Lecavalier et coll., 2004 :37). La préparation est souvent

anticipée par un événement marquant comme une séparation, une arrestation, le décès d’un

proche, etc., qui va inciter la personne à prendre une décision et renforcer sa prise de

conscience, sa remise en question (Rondeau et coll., 2006 ; Lecavalier et coll., 2004).

D)#L’action#L’étape de l’action est le premier pas vers un changement concret notent Prochaska, Norcross

et Di Clemente (1994). À cette étape du changement, les individus n’ont plus recours à leurs

comportements problématiques et adoptent de nouveaux comportements plus satisfaisants. Les

personnes s’activent à modifier leurs attitudes, leurs cognitions et leurs croyances ainsi que

leurs expériences et leur environnement. À cette étape, les changements effectués sont

observables, tant par l’individu lui-même que par son entourage, ce qui apporte un certain

niveau de satisfaction, de gratification et donc, entretient la confiance en soi et le sentiment

d’efficacité de la personne à poursuivre la résolution de son problème. «Je m’aperçois que je

change, je suis plus positif ; je trouve que ça va mieux autour de moi, les gens sont plus

attentifs à moi.» (Lecavalier et coll., 2004 :43).

E)#Le#maintien##Prochaska et ses collaborateurs (1994) précisent qu’à cette étape, la personne a modifié ses

comportements néfastes et continue à mettre en pratique ses acquis afin de maintenir un style

de vie adéquat et d’éviter les rechutes possibles. Cette étape peut être relativement longue,

plusieurs années dans certains cas, mais s’avère aussi être une source claire de satisfaction et

de responsabilisation. La personne doit donc demeurer active afin d’assurer la continuité du

processus et de maintenir de saines habitudes de vie (Harvey, 2011 ; Rondeau et coll., 2006).

F)#L’intégration##Le dernier stade «constitue le but ultime du processus de changement et suppose le maintien

du nouveau comportement d’une façon relativement stable dans le temps.» (Lecavalier et coll.,

2004 :47). Prochaska, Norcross et Di Clemente (1994) expliquent que la personne qui a

intégré le changement a acquis une nouvelle image d’elle-même, elle se définit autrement et a

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11!

une plus grande estime d’elle-même. Les changements effectués au cours de ce long processus

lui ont permis d’atteindre un nouveau style de vie, plus sain ainsi qu’une meilleure forme

psychologique. Toutefois, il n’y a pas de certitudes que la personne rechute ou effectue un

retour en arrière dans le processus de changement (Lecavalier et coll., 2004).

Les!facteurs!qui!influencent!la!motivation!au!changement!!

Selon ces auteurs, il existe deux principaux facteurs pouvant influencer la motivation au

changement (Norcross, Prochaska et Di Clemente, 1994). Il s’agit des facteurs externes et des

facteurs internes. Ceux-ci sont intimement reliés à d’autres facteurs importants dans la

motivation au changement tel que les facteurs de risque et de protection qui augmentent ou

diminuent les probabilités qu’un individu s’engage dans un comportement déviant ainsi que

l’autodétermination qui est supportée par le sentiment de compétence et d’autonomie de la

personne.

Les facteurs internes sont des éléments propres à la personne qui sont fortement influencés par

le sentiment de compétence et d’autonomie. Il s’agit entre autres de l’estime de soi, de la

confiance en soi, du niveau de responsabilité et de maîtrise de soi et de la reconnaissance du

problème. Plusieurs auteurs sont d’avis que ces facteurs ont une influence considérable sur la

motivation au changement c'est pourquoi ils se sont attardés, dans leurs recherches, à la

définition de la motivation intrinsèque (Magrineli et Brochu, 2009; Lafortune, 2007 ;

Lecavalier et coll., 2004).

Selon Magrinelli et Brochu (2009), la motivation interne est affectée par plusieurs facteurs

inhérents à la personne, c’est à dire des facteurs cognitifs, physiques ou encore émotionnels

tels que le stress, l’insatisfaction de son mode de vie ou le désir de devenir une meilleure

personne. Lafortune (2007) et Lecavalier et ses collaborateurs (2004), sont d’avis que la

motivation intrinsèque pousse l’individu à entreprendre une action, un comportement, perçu

comme intéressant ou agréable en soi et dont les conséquences qui en résultent vont être

positives. Selon ces derniers, une action créative, plaisante, stimulante ou encore productive va

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!!

12!

inciter l’individu qui l’entreprend à la poursuivre et à la répéter. Lecavalier et ses collègues

(2004), soulignent aussi à ce propos que : «ce n’est pas la tâche elle-même qui est motivante,

mais la valeur motivationnelle que l’individu lui confère. Il n’y a de motivation intrinsèque

que pour les activités qui ont un intérêt intimement personnel pour un individu donné» (2004 :

12).

Les facteurs externes représentent les éléments de l’entourage et de l’environnement de la

personne pouvant influencer sa motivation au changement (Lafortune, 2007). Les actions ou

comportements motivés par des facteurs extrinsèques conduisent à agir pour un but extérieur,

ils ne sont pas accomplis pour la satisfaction que procure la tâche elle-même. En d’autres

termes, «l’action est accomplie pour sa valeur instrumentale et non parce qu’elle est

nécessairement intéressante» (Lecavalier et coll., 2004 :13).

Selon Magrinelli et Brochu (2009), la motivation extrinsèque résulte de pressions extérieures à

la personne telles que les pressions légales ou les contraintes judiciaires, les contraintes reliées

à un emploi, l’entourage et l’environnement familial ou encore les pressions sociales ou

financières. Il semblerait que la plupart des personnes qui entreprennent un traitement le

fassent sous la pression d’une tierce personne. À ce propos, Polcin et Weisner (1999), dans

leur étude menée auprès de 927 individus en début de traitement pour la dépendance à

l’alcool, se sont intéressés aux diverses sources de pression subies par ces derniers avant

d’entreprendre leur traitement. La majorité des participants ont révélé avoir reçu un ultimatum

par plus d’une personne et 40% des individus s’étaient vus imposer un ultimatum par au moins

une personne. Dans la plupart des cas, la source d’ultimatum était la famille.

Après avoir présenté de façon succincte certaines études concernant la motivation au

changement sur les personnes en général, il serait important de s’attarder plus spécifiquement

au rôle de la motivation au changement chez la population à l’étude à savoir, les personnes

sous contrainte judiciaire. La section suivante traitera des différents enjeux rencontrés en ce

qui a trait à la motivation au changement tout au long du processus judiciaire.

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!!

13!

1.2.2.!Études!sur!le!rôle!de!la!motivation!au!changement!chez!des!personnes!sous!contraintes!judiciaire!

La motivation au changement peut être influencée par divers éléments, notamment pour les

personnes sous contrainte judiciaire. La prochaine section portera sur cette population, en

examinant les études en lien avec le système carcéral et judiciaire.

Les personnes référées aux agents de probation par la Cour ont des mesures à respecter et dans

la majorité des cas, des traitements à entreprendre, par exemple, thérapie, travail

communautaire ou compensatoire, suivi auprès d’un agent. La motivation de chaque

contrevenant peut grandement varier en fonction des facteurs (internes ou externes) qui les

poussent à s’engager dans un traitement. C'est pourquoi il est important de distinguer les

différents types de traitements auxquels les contrevenants peuvent être confrontés. Ils sont aux

nombres de trois soit : le traitement volontaire, le traitement sous contraintes et le traitement

obligatoire. Dans le premier cas, la personne entreprend les démarches d’elle-même, il s’agit

de son initiative propre. Par exemple, un homme qui serait ébranlé par son comportement

agressif et les gestes commis envers son épouse et qui déciderait d’entreprendre librement une

thérapie sur la gestion de la colère. Le traitement sous contrainte «est considéré comme la

contrepartie du traitement volontaire.» (Magrinelli et coll., 2009 :148). En d’autres termes,

dans le cas du traitement sous contrainte, la démarche est fortement suggérée au contrevenant

par une tierce personne (le juge ou l’agent de probation par exemple). C'est-à-dire que le

traitement n’est pas imposé, on donne un choix à la personne, cependant un refus de se

conformer impliquera des conséquences importantes pour celle-ci. Par exemple, un juge peut

offrir à une personne d’entreprendre une thérapie fermée afin de régler son problème de

toxicomanie comme alternative à l’incarcération. Néanmoins, si cette personne refuse de se

faire traiter, elle sera incarcérée. Pour finir, dans le cas du traitement obligatoire, la personne

se voit imposer un traitement par décision d’un juge. Sa participation est obligatoire et forcée

(Mugford et Weekes, 2006).

La majorité des études portant sur la motivation au changement ont été effectuées auprès de

personnes ayant des problèmes de dépendance à l’alcool ou aux drogues. En ce sens, la

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!!

14!

prochaine section traitera de la motivation au changement des personnes toxicomanes

judiciarisées.

La!motivation!des!personnes!toxicomanes!judiciarisées!

Dans leur étude, Magrinelli et coll. (2009) ont tenté de vérifier à l’aide d’une recension des

écrits anglophones et francophones publiés entre 1998 et 2009, l’état des connaissances

actuelles sur la motivation des personnes toxicomanes référées par le système de justice à

différents programmes de traitement. Seuls les articles dont l’implication du système de justice

dans le contexte de traitement était évidente ont été retenus. Il s’agissait des traitements durant

l’incarcération ou la probation et des traitements des centres d’aide spécialisés pour les

personnes référées par le système de justice. Ces auteurs ont constaté que les études à ce sujet

sont contradictoires. En effet, certains auteurs affirment que l’engagement et la motivation des

personnes sous contrainte judiciaire sont faibles (Brochu, Cournoyer, Tremblay et coll., 2006;

Vandevelde, Palmans, Broekaert et coll., 2006 ; Shearer, Myers et Ogan, 2005 ; Marshal et

Hser, 2002 ; Schneeberger et Brochu, 2000; Farabee, Prendergast et Anglin, 1998). D’autres,

au contraire, soutiennent que pour la plupart des personnes judiciarisées, la pression légale

n’engendre pas nécessairement un manque de motivation (Gregoire et Burke, 2004 ; Orlando,

Chan et Morral, 2003 ; Young et Belenko, 2002 ; Marlowe, Merikle, Kirb et coll., 2001).

Plus précisément selon les premiers auteurs, il semblerait que les individus dirigés par le

tribunal ne seraient pas prêts à reconnaître leur problème, souhaiteraient moins d’aide et

auraient une motivation interne plus faible que les personnes non contrevenantes. Ces

individus référés par le système de justice seraient reconnus pour leur résistance face aux

interventions, leur manque de motivation ou encore leur faible reconnaissance de leurs

problèmes. Comparativement avec les individus qui n’ont pas de démêlés avec la justice, ceux

référés par la Cour souhaiteraient moins d’aide dans leur traitement pour la toxicomanie

(Brochu, Cournoyer, Tremblay et coll., 2006; Vandevelde, Palmans, Broekaert et coll., 2006 ;

Shearer, Myers et Ogan, 2005 ; Marshal et Hser, 2002 ; Schneeberger et Brochu, 2000;

Farabee, Prendergast et Anglin, 1998). Les autres auteurs affirment, au contraire, que la

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!!

15!

majorité des délinquants reconnaissent avoir besoin d’aide et auraient entrepris d’eux-mêmes

des démarches thérapeutiques s’ils en avaient eu l’occasion (Gregoire et Burke, 2004 ;

Orlando, Chan et Morral, 2003 ; Young et Belenko, 2002 ; Marlowe, Merikle, Kirby et coll.,

2001). Pour ces auteurs, les pressions externes influenceraient positivement la motivation des

personnes contrevenantes et les encourageraient à entreprendre un traitement. À ce propos, ils

ajoutent que «la probabilité de persévérer en traitement pour une période de six mois et plus

était presque trois fois plus élevée pour les clients dirigés par des ressources plus

contraignantes» (Magrinelli et coll., 2009 :163). Dans leur étude, Orlando et coll. (2003) ont

interviewé 291 jeunes en probation ayant été référés par le système de justice à des traitements

pour la toxicomanie. Parmi ces jeunes délinquants, plus de 50 % ont reconnu avoir besoin

d’interventions pour les aider dans la résolution de leurs problèmes, plus spécifiquement, dans

leurs problèmes relatifs à la toxicomanie et aux conflits familiaux.

Dans leur étude effectuée auprès de 157 hommes judiciarisés (inculpés, en probation, en

libération conditionnelle ou en maison de transition) Tétrault et ses collaborateurs (2006), ont

aussi constatés que la motivation au changement des participants était relativement élevée. En

effet, la majorité des hommes, soit 72,19% se trouvaient à l’étape de l’action. Néanmoins, les

auteurs mettent un bémol en posant l’hypothèse que la situation judiciaire des hommes a pu

affecter la validité des réponses, surtout pour les individus en libération conditionnelle. Or,

Brochu et ses collaborateurs (2006) apportent une nuance en démontrant que l’effet de la

perception de menace du système judiciaire n’est observé qu’avant le prononcé de la sentence,

en d’autres termes, qu’auprès des personnes prévenues. De plus, d’autres facteurs tels que

l’âge, le niveau de scolarité, l’usage de drogues dures, etc., peuvent aussi influer le degré

d’engagement des personnes judiciarisées en traitement.

Malgré les conclusions divergentes quant à la motivation au traitement des personnes

toxicomanes judiciarisées, les études s’entendent pour dire que la majorité des personnes qui

entreprennent un traitement pour la toxicomanie le font en fonction d’une source de

motivation externe, comme le système judiciaire, et que c’est la motivation interne qui joue un

rôle déterminant dans le processus de changement des personnes judiciarisées. En effet, la

motivation interne serait le principal prédicteur de l’engagement et de la poursuite du

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!!

16!

traitement chez une clientèle judiciarisée. Magrinelli et ses collaborateurs (2009) affirment que

«la coercition fonctionnerait comme une source de motivation externe pour inciter un individu

à entamer un traitement, mais le développement de la motivation interne serait fondamental

pour le changement de comportement.» (2009: 168).

Finalement, même si les études ne sont pas unanimes concernant la motivation au changement

des personnes toxicomanes judiciarisées, il est important de rappeler que les contrevenants ne

forment pas un groupe homogène et donc que le degré de motivation peut grandement varier

d’un individu à l’autre compte tenu des mesures légales qui leur sont attribuées, de

l’environnement dans lequel ils évoluent ou encore de leur vécu. De plus, le fait que la Cour

ait instauré une condition légale dans le but d’inciter la personne à entreprendre un traitement

ne signifie pas nécessairement que toutes les personnes judiciarisées en traitement aient été

contraintes par la Cour ou qu’elles n’auraient pas entrepris d’elles-mêmes un traitement si de

telles conditions n’avaient pas été exercées. Finalement, la pression légale exercée par la Cour

relative au traitement peut aussi constituer, pour la personne contrevenante, un élément

déclencheur, une possibilité de traitement qu’elle n’aurait pu envisager sans l’intervention du

système de justice.

La!motivation!au!changement!des!personnes!incarcérées!

Récemment, Harvey (2011) a réalisé une analyse qualitative basée sur l’étude en profondeur

de quatre cas dans le but de vérifier l’influence du risque perçu sur la motivation au

changement des personnes incarcérées. L’auteur identifie plusieurs facteurs pouvant influencer

la motivation au changement chez une telle population. Tout d’abord, tout comme le

démontrent les résultats des études mentionnées précédemment, il semblerait que tant les

facteurs internes que les facteurs externes aient une influence sur la motivation au changement

des personnes incarcérées.

Les personnes interviewées dans le cadre de l’étude entreprenaient une tâche non pas parce

que la simple réalisation de celle-ci leur procure satisfaction, mais bien parce qu’il existe en

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!!

17!

arrière de cela une motivation extrinsèque; c’est aussi le cas des personnes en centre de

détention. Ces dernières accomplissent des tâches, participent à des ateliers et des programmes

correctionnels dans le but d’obtenir des permissions ou une libération conditionnelle. Leur

motivation résulte donc de facteurs externes et est essentiellement utilitaire. Néanmoins, les

facteurs externes tels que la famille ou le fait d’obtenir une permission influencent de façon

significative et sincère la motivation au changement des personnes incarcérées (Harvey,

2011). Dans leur étude, Magrinelli et ses collaborateurs (2009) ont constaté que la contrainte

judiciaire jouait un rôle important dans la rétention des personnes en traitement pour la

toxicomanie. À ce propos, ces auteurs notent que les détenus qui avaient participé à un

programme d’intervention en dépendance au cours de leur séjour carcéral présentaient des

taux d’arrestation nettement inférieurs durant les trois ans suivant leur libération

comparativement aux contrevenants qui n’avaient pas complété le programme. Plusieurs

chercheurs ont, en effet, noté que l’implication des individus dans le système judiciaire était

associée à une motivation au changement plus importante (Perron et Bright, 2008 ; Gregoire et

Burke, 2007 ; Burke et Gregoire, 2004 ; Young et Belenko, 2002). Les pressions légales,

comme un ordre judiciaire, faciliteraient l’engagement des contrevenants dans divers

programmes d’aide et augmenteraient la persévérance en traitement.

Il existe aussi chez les individus incarcérés certains facteurs internes qui agissent sur leur

motivation au changement tel que la prise de conscience et les remords éprouvés par rapport

au délit commis. Dans ces cas, les activités sont entreprises pour le plaisir, pour les sentiments

positifs qu’elles procurent à la personne.

Un autre point important relevé dans l’étude d’Harvey (2011) concerne l’effet dissuasif de la

prison. Selon l’auteur, pour les participants à son étude, le fait de subir de la peur et des

angoisses en détention influencerait de façon positive la motivation au changement des

individus incarcérés. Ainsi, les personnes ayant une mauvaise expérience en prison et qui ne

veulent plus jamais y retourner passeraient d’un niveau de motivation à l’autre de façon

nettement plus rapide que ceux qui ne craignent pas la prison.

Page 23: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

18!

Enfin, Harvey (2011) et Magrinelli et coll. (2009) relèvent que les perceptions des détenus ont

une importance considérable sur leur motivation au changement et leurs comportements. En

effet, certaines personnes peuvent avoir des perceptions erronées sur le risque qu’elle

représente, sur les conséquences de leurs actes ou même sur le système judiciaire. Ces

perceptions peuvent grandement influencer le comportement ainsi que le degré

d’investissement des individus dans un processus de changement. Par exemple, une personne

qui n’aurait aucune confiance dans le système judiciaire pourrait ne pas comprendre le besoin

de modifier ses comportements et serait, par conséquent, nettement moins motivée au

changement qu’un individu en accord avec les décisions de ses intervenants.

En ce sens, d’après Marginelli et coll. (2009) plusieurs études ayant porté sur la motivation

«suggèrent que la perception des clients quant à la gravité de leurs problèmes et la

reconnaissance de leur besoin de traitement sont associées à la rétention et à l’engagement

dans le traitement ainsi qu’aux résultats qui en découlent» (2009 :166). Ils poursuivent en

mentionnant que les détenus qui sont conscients de leur problématique et des conséquences

préjudiciables qui en découlent et qui veulent bénéficier d’une aide sont plus enclins à

s’engager dans les traitements offerts en détention et sont en mesure de percevoir les bénéfices

que ces traitements peuvent leur procurer. Harvey (2011) illustre ce propos à l’aide de

l’exemple d’un des participants à son étude. En début d’incarcération, ce dernier expliquait

que les comportements violents qu’il adoptait envers sa conjointe étaient acceptables et

habituels dans son milieu et qu’il n’était donc pas prêt à les changer. Cependant, lorsque celui-

ci a pris conscience de la gravité de ses gestes, il a fait preuve d’ouverture durant les

rencontres et sa motivation a nettement augmenté. La façon dont les détenus perçoivent le

risque qu’ils représentent semble donc influencer de manière positive ou négative leur

motivation au changement.

Selon Magrinelli et coll. (2009), les perceptions des clients par rapport à leur intervenant, au

personnel et aux programmes offerts influenceraient aussi leur motivation. À ce propos, ils

citent une étude de Sia, Dansereau et Czuchry (2000) dans laquelle les chercheurs précisent

que les personnes en suivi probatoire, qui évaluaient leur agent et la qualité de leurs rencontres

de façon positive, démontraient des niveaux de motivation interne plus élevés que les autres

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!!

19!

clients. Dans le même sens, Harvey (2011) explique qu’un des détenus, conscient de son

problème de violence et déterminé à changer, a perdu toute motivation au changement lorsque

sa libération conditionnelle a été refusée. La perte de confiance envers le système de justice

ainsi que son équipe d’intervenants a eu pour conséquence une diminution importante de sa

motivation.

!

Conjoints!violents!et!motivation!

L’étude de Rondeau et ses collaborateurs (2006) effectuée auprès de 554 conjoints violents

divisés en deux groupes, l’un constitués de 252 hommes intégrés dans un groupe d’aide à la

gestion de comportements violents et l’autre composé de 302 conjoints ayant effectués une

demande de services, mais n’étant pas encore intégrés à un groupe d’entraide, a permis de

mettre en évidence plusieurs aspects pertinents en lien avec la présente recherche. Tout

d’abord, les auteurs ont constaté que seulement 20% des conjoints violents en traitement

avaient décidé de changer et étaient prêts à poser les actions nécessaires à ce changement.

Effectivement, la majorité des hommes ne reconnaissaient pas leur problématique et se

trouvaient à des stades de changement peu avancés, soit 40% au stade de

« precontemplantion » et 40% au stade de « contemplation ». Une compilation des données de

plusieurs études antérieures confirme qu’une minorité de conjoints violents en traitement

atteignent le stade d’action (Levesque, 2005; Murphy et Alexander, 2005; Eckhardt, Babcock

et Homack, 2004; Scott, 2004; Scott et Wolfe, 2003; Mitchell, 2003; Levesque, Gelles et

Velicier, 2000). Aussi, Rondeau et coll. (2006) constatent qu’une importante partie de

l’échantillon avait entrepris des démarches d’aide suite à des recommandations extérieures.

Par exemple, la participation au programme avait été exigée par la Cour pour un tiers des

participants en traitement et plus de 32% des hommes ayant fait une demande pour intégrer un

groupe d’entraide avaient une cause pendante au moment de la passation des questionnaires.

En ce sens, les hommes qui avaient entrepris eux même les démarches afin d’obtenir un

service d’aide appartenaient à des stades de changement plus avancés que les hommes qui

avaient été contraints à participer aux programmes par une autorité externe.

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!!

20!

Premièrement, concernant les hommes au stade de « precontemplation », les résultats de cette

même étude révèlent qu’ils ont tendance à nier ou à minimiser leurs comportements violents

bien plus que ceux des autres stades de changement. Ils sont plus réticents et moins engagés.

Par ailleurs, la majorité consulte suite à des pressions exercées par le système de justice. En

effet, «Environ 60% des hommes classés dans ces profils ont été directement contraints de

participer aux programmes ou l’ont fait alors qu’ils étaient en attente d’une décision de la

Cour relativement à une accusation criminelle.» (Rondeau et coll., 2006 :53). De plus, les

conjoints appartenant au profil de « precontemplation » ont tendance à nier et à minimiser

leurs comportements. Ils rapportent une histoire de violence plus récente au sein de leur

couple et ont plus tendance à rejeter la faute sur leur partenaire. Ils ne perçoivent que très peu

les bénéfices à changer leur comportement et rapportent peu de tentations de recourir à des

gestes violents envers leur conjointe.

Les hommes appartenant au stade de « contemplation » sont moins enclins à se

déresponsabiliser de leurs gestes de violence en portant le blâme sur leur partenaire. Ils

rapportent aussi plus de tentations de recourir à la violence que les hommes des autres profils

et considèrent davantage les bénéfices que le changement pourrait leur apporter. Ils

démontrent cependant un haut niveau d’ambivalence (Rondeau et coll., 2006; Prochaska et

Norcross, 1999).

Bien que les hommes du profil d’action soient plus engagés dans le processus de changement

que les hommes appartenant aux autres profils, ils ne constituent pas un groupe homogène. En

effet, alors que certains rapportent moins de tentations de passage à l’acte et affirment ne pas

craindre la rechute, les autres, plus engagés dans la modification de leur comportement

violent, reconnaissent davantage leur problème et admettent craindre une rechute.

Finalement, une comparaison entre les résultats obtenus à l’échelle de motivation au

changement et ceux obtenus à l’échelle de désirabilité sociale révèle que ce sont les

« précontemplateurs » qui obtiennent les scores les plus élevés à l’échelle de désirabilité

sociale (Rondeau et coll., 2006). Ces derniers sont donc plus enclins à donner des réponses

biaisées concernant leurs comportements agressifs et leur motivation, ce qui met en évidence

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!!

21!

un besoin plus important d’obtenir l’approbation des autres. Les conjoints au stade d’action

sont ici aussi divisés en deux groupes. Alors que ceux prétendant ne pas craindre la rechute

obtiennent des scores élevés à l’échelle de désirabilité sociale, ceux qui ont plus de crainte de

rechuter obtiennent des scores plus faibles. Enfin, les individus au stade de

« contemplation » obtiennent des scores très faibles à cette même échelle. En effet, ces

derniers ont plus tendance à répondre avec franchise aux questionnaires. Ils ne semblent pas

nier leur problème de violence et reconnaissent qu’ils pourraient avoir à nouveau recours à la

violence au sein de leur couple (Rondeau et coll., 2006).

1.3.!DÉSIRABILITÉ!SOCIALE!

Comme mentionnée plus haut, la désirabilité sociale est considérée comme un biais pouvant

affecter la validité des réponses dans le cadre d’évaluations. Elle reflète la tendance qu’ont les

participants à déformer les représentations et les descriptions d’eux-mêmes afin d’en donner

une image positive. La présente partie sera divisée en deux sections. La première traitera de la

désirabilité sociale chez les personnes en général tandis que la deuxième abordera le sujet de

la désirabilité sociale chez les personnes contrevenantes.

1.3.1.!Études!sur!la!désirabilité!sociale!

La désirabilité sociale est envisagée sous l’angle de deux mécanismes, soit l’autoduperie et

l’hétéroduperie (Paulhus, 1984 et 1986), ce qui sera traité dans la première partie de cette

section. La deuxième partie sera consacrée aux différents facteurs de personnalité affectés par

la désirabilité sociale tandis que la troisième section rendra compte de l’effet du contexte sur

la désirabilité sociale.

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22!

Autoduperie!et!hétéroduperie!

L’autoduperie et l’hétéroduperie étant deux concepts utiles pour comprendre le phénomène de

la désirabilité sociale, il est important de les définir. Tout d’abord, l’autoduperie, expression

traduite de l’anglais « Self-Deception », peut se traduire par illusion de soi, auto-illusion ou

méconnaissance de soi (Juhel et Rouxel, 2005 ; Cournoyer et Sabourin, 1991). Elle consiste en

une évaluation positive de soi, non consciente ou automatique. Cela revient à se tromper soi-

même (Congard, Antoine, Ivanchak et coll., 2012). En effet, la personne donne une

description d’elle-même en laquelle elle croit sincèrement et qui est en lien direct avec les

valeurs et les conventions sociales établies. De ce fait, «elle participe à la préservation et à

l’amplification d’une image positive de soi» (Juhel et coll., 2012 :60). Pour Cournoyer et ses

collaborateurs (1991), l’autoduperie reflète le refus de reconnaître les pensées néfastes au plan

psychologique et donc, permet de protéger les individus des représentations et croyances

défavorables ou anxiogènes qu’ils ont d’eux-mêmes. Il s’agit donc d’un mécanisme qui agit de

manière positive, par l’attribution de qualités vues comme attendues par la société et de

manière négative, par le déni ou le refus de reconnaître comme siennes des qualités qui ne le

seraient pas.

L’hétéroduperie aussi appelée «gestion des impressions» (Juhel et coll., 2005), contrôle social

de l’image de soi ou aveuglement d’autrui (Cournoyer et coll., 1991) est la traduction

française de l’expression « Impression Management » et correspond au désir de plaire aux

autres. Plus précisément, l’hétéroduperie renvoie à la tendance qu’ont les personnes à vouloir

montrer une image de soi positive à autrui en adoptant une attitude stratégique dans leur

présentation d’elles-mêmes (Cournoyer et coll., 1991). C’est une stratégie délibérée visant à

tromper volontairement, consciemment autrui (Congard et coll., 2012 ; Juhel et coll., 2005).

Finalement, tandis que l’autoduperie reflète une stratégie défensive, non consciente en lien

avec le conformisme social, l’hétéroduperie est plutôt associée à une stratégie offensive,

délibérée agissant comme un faire-valoir (Congard et coll., 2012).

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!!

23!

Désirabilité!sociale!et!personnalité!

Plusieurs auteurs affirment que la désirabilité sociale affecterait grandement les mesures

d’auto-évaluation de plusieurs caractéristiques reliées au stress telles que l’anxiété, la

dépression et les tendances suicidaires (Cournoyer et coll., 1991 ; Kimble et Posnick, 1967 ;

Edwards, 1957). Linden, Paulhus et Dobson (1986) affirment que la désirabilité sociale est

l’un des principaux biais des questionnaires d’auto-évaluation de la détresse psychologique. À

ce propos, Dwight et Donovan (2002) ont démontré qu’un sujet sur deux admettait avoir déjà

falsifié les réponses lors d’un questionnaire de personnalité. En ce sens, Linden et coll. (1986)

cités dans Cournoyer et Sabourin (1991) «ont démontré que la désirabilité sociale explique

entre 16 et 30% de la variance des scores obtenus à diverses mesures d’auto-évaluation de la

détresse psychologique» (1991 :43). En effet, selon ces derniers, plus les participants

obtiennent des scores élevés de désirabilité sociale, moins ils révèlent de symptômes

psychologiques à l’inverse des participants qui obtiennent des scores moins élevés à cette

même échelle de désirabilité sociale. Plus précisément, Congard et ses collaborateurs (2012)

ont tenté d’identifier les facteurs de personnalité affectés par le phénomène de la désirabilité

sociale auprès d’un échantillon de 180 personnes. Pour se faire, ces auteurs ont regroupé 70

items tels que l’organisation, la persévérance, l’anxiété, la colère, la dépression, l’impulsivité,

le leadership, etc., en cinq facteurs de personnalité à savoir : la stabilité émotionnelle,

l’extraversion, l’ouverture, l’agréabilité et la conscience. Ils ont constaté que 67 des 70 items

pris en compte étaient affectés par la désirabilité sociale. Leurs résultats démontrent que les

facteurs de personnalité les plus touchés par la désirabilité sociale sont la conscience, la

stabilité émotionnelle et l’extraversion. Les deux autres facteurs (ouverture et agréabilité) étant

moins affectés par ce phénomène.

Il semblerait que la détresse psychologique soit affectée autant par l’autoduperie que par

l’hétéroduperie. Cependant, l’étude de Congard et coll. (2012) révèle que l’autoduperie et

l’hétéroduperie n’influencent pas les mêmes facteurs de personnalité. Selon ces derniers,

l’autoduperie serait liée à la stabilité émotionnelle, à l’agréabilité et à l’extraversion tandis que

l’hétéroduperie serait liée au caractère consciencieux, à la stabilité émotionnelle, à

l’agréabilité, mais non à l’extraversion. Suite à leur étude dont le but était de vérifier la

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!!

24!

relation entre la désirabilité sociale et la satisfaction de 280 clients en traitement

psychologique, Cournoyer et coll. (1991) ont établi que tout comme lors des recherches

antérieures (Linden et coll., 1986), les questionnaires de détresse psychologique subissaient à

la fois l’influence de l’autoduperie et de l’hétéroduperie. Ils expliquent que :

«Plus les individus ont tendance à fausser les informations sur eux-mêmes (autoduperie), moins ils relatent la présence de symptômes de détresse psychologique. De même, la tendance des clients à adopter une attitude stratégique dans leur présentation d’eux-mêmes (hétéroduperie) entraîne une diminution du degré de détresse psychologique rapporté par ces derniers». (Cournoyer et Sabourin, 1991 :47).

Cependant, ils soulignent que l’autoduperie affecte davantage la détresse psychologique que

l’hétéroduperie. Pour finir, ces derniers relèvent que le sexe des participants n’a pas

d’influence sur la relation existant entre détresse psychologique et désirabilité sociale.

L’effet!du!contexte!

Les résultats de plusieurs études ont démontré que la désirabilité sociale était très influencée

par la situation dans laquelle l’individu est évalué (Congard et coll., 2012 ; Juhel et coll.,

2005 ; Paulhus, Bruce et Trapnell, 1995; Paulhus, 1984). Afin d’étudier ces résultats, Juhel et

ses collaborateurs (2005) ont effectué une étude auprès de 1026 participants dans le but

d’évaluer l’effet du contexte de passation sur les réponses de désirabilité sociale. Pour ce faire,

ils ont divisé leur échantillon en deux groupes auxquels ils ont administré un questionnaire

informatisé de désirabilité sociale afin d’enregistrer le temps de réponse à chacune des

questions. Le premier groupe avait pour consigne d’effectuer un bilan de compétences tandis

que le deuxième se trouvait en situation de recrutement. Les résultats ont démontré que

lorsque l’importance de l’enjeu perçu était grande pour les individus (situation de

recrutement), les réponses de désirabilité sociale augmentaient et le temps de réponse entre

chaque question diminuait et était moins variable. Les auteurs expliquent ce phénomène par le

fait que, dans de telles situations (recrutement, entretien d’embauche), les individus

Page 30: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

25!

«socialement adaptés» n’effectuent pas de contrôle sur les réponses socialement désirables, ils

ne font que répondre machinalement. Au contraire, les personnes, dont la situation

d’évaluation à un enjeu moindre (bilan de connaissance) réfléchissent plus, prennent le temps

de se questionner et apportent des réponses plus sincères. Par conséquent, les temps de

réponse sont plus longs et plus variables d’un individu à l’autre dans de telles situations.

Congard et ses collaborateurs (2012) ont effectué une étude similaire. Ils ont divisé leur

échantillon en deux groupes : l’un devait répondre à un questionnaire en situation standard (en

savoir plus sur son profil de personnalité) et l’autre en situation normative (recrutement). Ils

en viennent aux mêmes conclusions que les auteurs précédant à savoir que les personnes ayant

répondu à un inventaire de personnalité en situation de recrutement présentaient un profil

nettement plus cohérent que leur profil initial et donc, avaient falsifié les réponses au

questionnaire afin d’être mieux perçus.

Enfin, concernant l’autoduperie et l’hétéroduperie, il semblerait que lors de la passation de

questionnaire d’auto-évaluation, seule l’hétéroduperie soit affectée par l’effet du contexte.

Selon plusieurs auteurs, l’autoduperie ne serait pas soumise à l’influence de la situation (Juhel

et coll., 2005 ; Paulhus et coll., 1995 ; Paulhus, 1984).

1.3.2.!La!désirabilité!sociale!chez!les!personnes!contrevenantes!

Cette partie traitera du rôle de la désirabilité sociale chez les personnes sous contrainte

judiciaire. Plus précisément, la première section sera consacrée à une étude qui traite de la

désirabilité sociale chez les personnes en suivi probatoire et en libération conditionnelle. La

deuxième section présentera une étude mettant en lien désirabilité sociale et motivation au

changement.

Page 31: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

26!

La!désirabilité!sociale!chez!les!personnes!en!suivi!probatoire!

Dans leur étude, Tatman et Schouten (2008) avaient pour objectif de mesurer la désirabilité

sociale chez des clients en probation et en libération conditionnelle afin de donner de

l’information aux agents de probation et de libération conditionnelle sur la représentation de

soi (« self-perception and presentation ») de ces contrevenants. Pour ce faire, ils ont administré

l’échelle de désirabilité sociale de Marlowe-Crowne (1960) auprès d’un échantillon de 877

hommes. Cinq cent soixante-dix étaient en libération conditionnelle et 307 en probation. Il est

important de mentionner que les auteurs indiquent que la consistance interne de l’échelle de

désirabilité sociale de Marlowe-Crowne (1960) est bonne lorsque celle-ci est utilisée avec un

échantillon de clients en probation et en libération conditionnelle. Tatman et Schouten (2008)

suggèrent qu’un score élevé à l’échelle de désirabilité sociale devrait constituer une mise en

garde pour l’agent de probation ou l’agent de libération conditionnelle. Selon ces auteurs, un

score élevé à l’échelle révèle que la personne contrevenante a surévalué ses qualités et

présente du déni face aux comportements qui ne sont pas socialement approuvés.

Une autre constatation faite par ces auteurs est que les clients évalués avant la sentence

obtiennent des scores similaires aux clients évalués après la sentence. Selon eux, faire passer

l’échelle de désirabilité sociale aux clients permettrait donc de minimiser l’effet de désirabilité

sociale. En effet, Tatman et Schouten (2008) ont remarqué que lorsque l’échelle de désirabilité

sociale n’était pas administrée aux clients en attente de sentence, ces derniers avaient tendance

à nier leurs comportements déviants et à surestimer leurs qualités afin d’obtenir les faveurs de

l’évaluateur et ainsi espérer un rapport présentenciel plus favorable. L’échelle de désirabilité

sociale serait donc une composante utile à l’évaluation des contrevenants, particulièrement

avant leur sentence.

Désirabilité!sociale!et!motivation!au!changement!

Très peu de chercheurs se sont intéressés aux effets de la désirabilité sociale sur la motivation

au changement. Dans son étude, Zemore (2012), tente de vérifier si la désirabilité sociale peut

être responsable de l’écart entre les résultats obtenus à l’URICA (University of Rhode Island

Page 32: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

27!

Change Assessment Scale) et la persévérance en traitement. « The current study examines

whether socially desirable responding might be responsible for attenuating between existing

stage of change scales and treatment retention, focusing on the URICA » (2012: 1). En

d’autres termes, l’un des objectifs de l’étude était de vérifier les effets de la désirabilité sociale

sur les résultats obtenus à l’échelle de mesure des stades de changement la plus souvent

utilisée, l’URICA. Les questionnaires de désirabilité sociale et de motivation au changement

ont été administrés à 200 personnes fréquentant des programmes d’aide dans le traitement de

la toxicomanie. Les résultats de l’étude démontrent que les participants ayant obtenu un score

de désirabilité sociale élevé étaient plus enclins à répondre «fortement en accord» aux énoncés

relatifs à l’étape de la « precontemplation » et «fortement en désaccord» aux énoncés

décrivant les étapes de « contemplation », d’action et de maintien. Les résultats obtenus

indiquent donc que les individus désireux de se présenter de façon socialement favorable

étaient principalement en accord avec les énoncés de l’échelle de motivation au changement

suggérant qu’ils n’ont aucun problème nécessitant une attention particulière, tels que «Ce n’est

pas moi qui ai un problème, ça n’a pas de sens pour moi d’être ici» ou «J’ai des soucis

comme tout le monde, pourquoi perdre du temps à y penser» et en désaccord avec les énoncés

suggérant la présence d’un problème ou un besoin d’aide, par exemple, «Parfois mon

problème est difficile, mais je travaille dessus» ou «J’ai commencé à travailler sur mes

problèmes, mais j’aimerais avoir de l’aide». Par contre, une corrélation de « Pearson r’s » de

p>0.001 entre les scores pondérés obtenus à l’URICA et les scores obtenus à l’échelle de

désirabilité sociale démontre une association négative très forte entre la désirabilité sociale et

le score total obtenu à l’URICA. En d’autres termes, cela indique que d’après les données de

la recherche de Zemore (2012), les scores pondérés de l’URICA ne sont pas influencés par la

désirabilité sociale. La désirabilité sociale semble jouer un rôle seulement sur les réponses aux

différents énoncés de l’URICA. L’auteur ajoute que les individus enclins à donner une image

d’eux même socialement acceptable peuvent être réticents à admettre qu’ils ont un important

problème et qu’ils ont besoin d’aide pour le régler, et ce, même lorsque les questionnaires sont

administrés de façon anonyme, lors de recherches effectuées par ordinateur

« computerized survey » (Zemore, 2012). Ceci semble faire référence au phénomène

d’autoduperie mentionné plus haut. Les participants à l’étude se trompent eux-mêmes, ils

Page 33: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

28!

donnent une description erronée en refusant de reconnaître comme leurs des problèmes qui ne

rentrent pas dans les conventions sociales établies.

1.4.!CONCLUSION!!À ce jour, il n’existe que très peu de recherches sur la désirabilité sociale en lien à une

population judiciarisée. La désirabilité sociale est utilisée dans les études de façon secondaire,

afin de mesurer un biais, et non comme variable indépendante. De plus, dans leur étude,

plusieurs auteurs ont fait mention des lacunes existant dans la recherche au sujet des liens

pouvant exister entre la désirabilité sociale et la motivation au changement (Zemore, 2012;

Magrinelli et coll., 2009; Tétrault et coll., 2006). À ce propos, Tétrault et coll. (2006)

concluent leur étude en mentionnant ceci :

«Nous pourrions donc croire qu’en raison de la situation judiciaire des usagers, un phénomène de désirabilité sociale a pu prendre sa place faisant en sorte de surévaluer la motivation de l’échantillon. Toutefois, nos données ne permettant pas pour le moment de prouver la présence d’un phénomène de désirabilité sociale, il s’avère que cette piste pourrait constituer une avenue intéressante pour une recherche future» (2006 :15).

Ainsi, en regard de ces informations, des objectifs ont été établis afin de mieux comprendre le

lien entre motivation au changement et désirabilité sociale et possiblement instruire les futures

recherches.

1.5.!PRÉSENTATION!DES!OBJECTIFS!

L’objectif principal consiste à mieux comprendre les liens entre désirabilité sociale et

motivation au changement chez des personnes en cours de sentence.

Les trois objectifs spécifiques suivants ont été établis :

1. Étudier la motivation au changement des participants en cours de sentence ;

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!!

29!

2. Cerner la présence, le cas échéant, de désirabilité sociale chez ces mêmes participants ;

3. Explorer les liens entre la désirabilité sociale et la motivation au changement à la

lumière des entretiens avec les participants.

!

!

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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!!

30!

!!!!!!!!!!!!!!!!!

CHAPITRE!2!!

MÉTHODOLOGIE!

!

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!!

31!

CHAPITRE 2

MÉTHODOLOGIE

!

2.1.!DESCRIPTION!DU!MILIEU!!Le stage de maîtrise s’est déroulé au sein de la Direction des services professionnels

correctionnels de Lanaudière à Joliette. Les DSPC sont des organismes appartenant à la grande

famille des Services correctionnels et sont régis par le Ministère de la Sécurité publique du

Québec. Au Canada, concernant le droit correctionnel, les responsabilités sont partagées entre

les provinces et le fédéral, le Parlement fédéral conservant «l’autorité législative exclusive sur

le droit criminel», c'est-à-dire le pouvoir de créer une loi criminelle, d’établir une sentence et

de décider de la peine qui en découle (Sécurité publique, 2010). Au Québec, ce sont les

Services correctionnels qui sont responsables des personnes prévenues, c'est-à-dire les

personnes incarcérées temporairement en attendant le prononcé de leur sentence. Suite au

procès, les personnes condamnées pour une infraction fédérale peuvent purger leur peine soit

au sein d’un pénitencier, si leur peine d’incarcération est de deux ans ou plus, soit dans un

établissement de détention provincial si leur peine d’emprisonnement ne dépasse pas les deux

ans moins un jour. De manière générale, les Services correctionnels ont un double mandat,

celui d’assurer la garde des personnes contrevenantes afin de protéger la société et celui de

favoriser la réinsertion sociale de ces derniers.

Plus précisément, la Direction des services professionnels correctionnels de Lanaudière est

une unité des Services correctionnels du Ministère de la Sécurité publique du Québec. Cet

organisme «assure l’administration des peines à purger dans la communauté [et est]

responsable des activités touchant l’éclairage à la Cour, l’élaboration des plans d’intervention

correctionnels, l’évaluation et le suivi des personnes contrevenantes qui font l’objet de

mesures sentencielles et correctionnelles dans la communauté.» (Giroux, 2011).

Avant d’entreprendre une description plus approfondie du travail des agents de probation de la

DSPC de Lanaudière, il est important de s’attarder à la signification des différents types de

sentences retrouvées dans ce milieu. Tout d’abord, le sursis est une peine d’emprisonnement

Page 37: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

32!

qui est purgée au sein de la communauté et non en détention. Elle est accordée aux personnes

contrevenantes qui ne représentent pas de danger pour la société et vise à la fois la punition et

la réinsertion sociale. La probation est une peine non carcérale permettant aux délinquants de

purger leur peine au sein de la société. Cette sentence a pour principal objectif la réinsertion

sociale des contrevenants. Enfin, la libération conditionnelle est un processus de remise en

liberté progressif permettant à certains détenus de terminer la peine d’incarcération au sein de

la société. Cependant, pour être admissibles à une libération conditionnelle, les détenus

doivent avoir été condamnés à une incarcération d’au moins six mois et doivent avoir

complété le tiers de leur peine (Giroux, 2011).

Le mandat qui est attribué aux agents de probations comprend trois principales tâches. La

première est l’évaluation en vue de la rédaction d’un rapport présentenciel pour les

contrevenants en attente d’un procès. Le rapport présentenciel est un éclairage à la Cour

demandé par le juge afin d’obtenir plus d’informations sur le contrevenant ou sur les

circonstances entourant l’acte délictueux. Le travail de production du rapport présentenciel est

encadré par divers articles du Code criminel, notamment les articles 720 à 723 qui concernent

les règles générales sur le contenu du rapport, les éléments de preuves et la déclaration de la

victime (Sécurité publique, 2010). Ce rapport informe le tribunal entre autres sur la situation

personnelle et sociale de la personne accusée, sur ses antécédents criminels, les circonstances

entourant l’acte délictueux, son risque de récidive ainsi que son potentiel de réinsertion sociale

afin de permettre au juge de rendre la sentence la plus appropriée. La deuxième tâche des

agents de probation consiste en une évaluation approfondie de la personne détenue afin de

déterminer les besoins, les ressources appropriées pour les délinquants en probation, en sursis

ou en libération conditionnelle et finalement, la troisième tâche est d’effectuer les rencontres

de suivi établies en fonction du niveau de risque de cette même clientèle.

Pour ce faire, les agents de probation sont amenés à effectuer plusieurs types d’entrevues

ayant chacune un but précis. À savoir, les rencontres d’évaluation du risque et des besoins qui

consistent en une évaluation approfondie des délinquants à l’aide du LS/CMI, les entrevues de

rapport présentenciel, les rencontres dans le but de présenter au client le plan d’intervention

correctionnel (PIC) sur lequel une entente est parvenue et les rencontres de suivi. De plus, des

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!!

33!

rencontres avec les agents de relation communautaire, qui sont chargés du suivi des clients

ayant une sentence de plus de six mois, ont lieu tous les deux mois environ. Ce sont des

rencontres qui permettent de faire le suivi des dossiers (faire le point sur le plan d’intervention

et s’assurer que les clients respectent les conditions légales préalablement établies par le juge),

étant donné que l’agent de probation conserve le mandat légal des dossiers de libération

conditionnelle et de probation.

2.2.!MÉTHODOLOGIE!

La méthodologie utilisée pour cette étude est qualitative, toutefois deux échelles ont été

utilisées pour mesurer la désirabilité sociale et la motivation au changement des personnes à

l’étude. Cette section sur la méthodologie de l’étude est divisée en plusieurs sous-sections. La

première explique la façon dont les participants ont été recrutés et elle décrit brièvement ces

derniers. La partie suivante présente le processus d’entrevue utilisé ainsi que les deux échelles

qui ont été administrées aux participants. Finalement, la dernière sous-section est consacrée à

l’explication du mode d’analyse utilisé.

2.2.1.!Participants!

La première étape de la recherche consistait à trouver des personnes susceptibles de participer

à l’étude. Pour ce faire, les agents de probation de la DSPC de Joliette ont été sollicités afin

d’identifier dans leurs dossiers les personnes contrevenantes qui répondaient aux critères

recherchés à savoir, des clients en cours de sentence qui reconnaissaient leur délit et qui

étaient capables de parler ouvertement de leur expérience dans le système judiciaire et

carcéral. Il était aussi nécessaire que chaque participant possède les habiletés cognitives de

lecture leur permettant de comprendre les questions des deux échelles utilisées. Il était aussi

nécessaire que ces participants ne fassent pas partie des clients vus ou susceptibles d’être vus

par l’auteur de ce rapport. Une fois les clients potentiels identifiés, ils ont été contactés et la

participation à l’étude leur a été proposée. Les individus qui ont consenti à participer ont

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!!

34!

ensuite été rencontrés de façon individuelle afin de procéder aux entrevues ainsi qu’à la

passation des échelles. Un formulaire de consentement a été préalablement présenté aux

participants.

Quatre hommes ont participé à l’étude. Ils étaient âgés entre 22 et 43 ans et purgeaient leur

sentence au sein de la communauté. Le participant A avait une probation de deux ans, dont un

an avec suivi, suite à des accusations de voies de fait et de bris de conditions. Le participant B

avait un sursis de dix-huit mois, suite à une accusation de fraude. Le participant C s’est vu

octroyer une libération conditionnelle après six mois de prison et séjournait en maison de

transition, le CRC de Joliette, depuis dix mois lors des rencontres avec la stagiaire. Il a été

condamné pour possession de stupéfiants dans le but de trafic. Finalement, le participant D

séjournait dans une maison de transition, le CRC de Joliette. Suite à des accusations de

possession de cannabis, il a reçu une sentence de quinze mois de prison et était en libération

conditionnelle au moment des entretiens.

Le niveau de scolarité des participants s’échelonne du primaire au collégial. Au moment des

entrevues, deux des participants étaient prestataires de l’aide sociale, un était au chômage et un

avait un emploi depuis quelques mois. Tous les participants étaient célibataires, mais deux

d’entre eux avaient des enfants. Tous les participants en étaient à leur première sentence et

n’avaient pas d’antécédents judiciaires. Deux des quatre participants ont admis avoir ou avoir

déjà eu des problèmes d’alcool ou de drogue.

2.2.2.!Procédure!

La procédure choisie a consisté d’abord à administrer les deux échelles puis à procéder à

l’entretien, en deux séances. La passation des deux échelles a été faite dès la première

rencontre avec chaque participant, de manière à ce qu’aucun indice ne soit donné quant aux

visées de ces deux outils. Étant donné que la séance de « testing » ne dure pas plus de 30

minutes, le premier entretien a débuté lors de la première rencontre, dès que les deux échelles

ont été complétées. Les participants ont été vus soit au bureau de probation, la DSPC de

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!!

35!

Joliette, soit à la maison de transition, le CRC de Joliette, dans le cadre du stage d’intervention

de la stagiaire. Toutefois, ces participants ne faisaient pas partie des personnes suivies par

celle-ci dans le cadre de ses fonctions.

Deux échelles ont été utilisées. La version abrégée de l’échelle de désirabilité sociale de

Marlowe-Crowne (Strahan et Gerbasi, 1972) a été administrée la première. Puis, l’URICA,

University of Rhode Island Change Assessment Scale (McConnaughy, DiClemente, Prochaska

et coll., 1989), qui vise à évaluer la motivation au changement des participants à l’étude, a été

passée en suivant. Une description plus détaillée de ces deux tests sera présentée dans les

sections suivantes. Chaque questionnaire prend entre 5 et 15 minutes à passer, il s’agit de deux

questionnaires auto-administrés qui comprennent entre 20 et 33 questions et ne requièrent

qu’un minimum de connaissances académiques, puisqu’ils ont été conçus pour un large

éventail de participants.

La première séance d’entretien a servi à aborder le parcours judiciaire et carcéral du

contrevenant. La deuxième rencontre qui a eu lieu deux semaines plus tard a servi à

poursuivre, à approfondir et à clarifier les propos du participant. Chaque séance a duré environ

une heure et demie. Les participants ont donc été vu, au total, un minimum de trois heures

chacun. Pour les deux participants en suivi probatoire et en sursis, les rencontres ont été

effectuées à la DSPC de Joliette, dans le bureau de la stagiaire. Les participants en libération

conditionnelle ont été rencontrés dans leur milieu de vie, c’est-à-dire le CRC de Joliette. Un

bureau a été mis à la disposition de la stagiaire.

L’approche méthodologique du «récit de vie» a été privilégiée dans cette étude. Les entretiens

semi-directifs, nécessitant peu d’interventions de la part de l’interviewer, ont permis aux

participants de relater leur histoire à leur façon, dans l’ordre désiré. Cela a aussi donné accès à

la façon dont chaque sujet perçoit ses comportements délictuels, ses parcours judiciaire et

carcéral ainsi que sa façon de se voir et de voir sa vie dans un sens plus large. Certaines

questions, telles que les questions de départ et les questions de relance permettant

d’approfondir certains sujets ont été préalablement définies par la stagiaire. Cependant, le

contenu apporté spontanément par les personnes interviewées constitue le matériel le plus

Page 41: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

36!

important des entrevues effectuées. À l’aide de ce type d’entrevues, les participants ont donc

pu apporter des éléments de leur vécu et raconter leurs expériences de manière libre. Cela

constitue une forme d’information qu’il n’aurait pas été possible d’obtenir seulement à l’aide

de réponses à des questionnaires.

Le contenu du récit des personnes interviewées a été pris en note manuscrite au fur et à mesure

de leur énonciation. Cette méthode a été choisie étant donné que c’était la méthode préconisée

dans le milieu de stage et que les participants y étaient habitués. Ces notes ont été retranscrites

immédiatement pour être complétées puis lues attentivement. La lecture du contenu de la

première séance a permis de soulever des questionnements et d’identifier, en discussion avec

la directrice académique, des thèmes à approfondir lors de la deuxième rencontre avec chaque

participant.

2.2.3.!Entretiens!

Les entretiens ont permis de mieux connaître les représentations des participants sur

l’ensemble de leur processus carcéral et de réhabilitation de manière à mieux pouvoir

interpréter les résultats aux deux échelles utilisées. Les thématiques principales concernent le

point de vue des participants sur leur arrivée dans le système de justice et le système carcéral,

les expériences vécues, ainsi que les représentations d’eux-mêmes tout au long de leur

parcours. Les entretiens ont été menés selon une méthodologie de récits d’expérience et ont

duré environ 90 minutes chacun. Au total, chaque participant a été vu deux fois.

Plus précisément, une fois que les participants ont consenti à participer à la recherche et ont

signé un formulaire de consentement libre et éclairé, ils ont été invités de la manière suivante à

commencer le premier entretien: «Pouvez-vous me parler de votre expérience dans le système

de justice et dans le système correctionnel ? On peut commencer à partir de votre sentence et

continuer jusqu’à aujourd’hui». Après s’être assuré que cette consigne générale était comprise,

la question d’entrée était : « Pouvez-vous me décrire le chemin qui vous a conduit jusqu’ici (à

préciser, le cas échéant, le bureau de probation ou le CRC) ». Cette entrée en matière a été

Page 42: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

37!

suivie de questions de relance, au besoin, qui visaient à inviter les participants à développer, à

élaborer, ou à clarifier les propos qu’ils venaient tout juste d’émettre. Comme il s’agissait de

recueillir un récit de vie, les questions de relance étaient limitées lors du premier entretien de

manière à recueillir une première version de leur récit de vie concernant leur parcours, puis

lors de la deuxième rencontre, le premier récit a été complété grâce à des questions de relance

qui prenaient des formes de type : «Pouvez-vous m’en dire plus au sujet de … » ; «la dernière

fois, on a parlé de, pouvez-vous m’en dire plus ?» ; «Pouvez-vous me donner un exemple ? ».

Les consignes qui guident les entretiens semi-directifs d’approche phénoménologique ont été

respectées dans le but de réussir à recueillir des récits d’expériences pouvant produire des

données valables pour l’analyse.

2.2.4.!Description!des!outils!

Échelle!de!désirabilité!sociale!

L’échelle de désirabilité sociale de Marlowe-Crowne (1960) est un questionnaire auto-

administré permettant d’évaluer ou de contrôler une certaine forme de biais, la désirabilité

sociale. Il est important de rappeler que la désirabilité sociale est la «tendance à vouloir

répondre en fonction de comportements socialement valorisés dans une auto-évaluation.»

(Dufour, 1997 : 34). Cet outil, dont les qualités psychométriques ont été largement établies, est

composé de 33 énoncés de type vrai ou faux qui décrivent des comportements fortement

probables, mais socialement inacceptables et des comportements culturellement approuvés,

mais faiblement probables (Tremblay, Lachance et Richer, 2006). Plusieurs versions abrégées

ont été créées ; pour les besoins de la présente recherche, la traduction de la version abrégée

de Strahan et Gerbasi (1972) comportant 20 items sera utilisée. Concernant la fidélité, cette

version abrégée obtient un coefficient alpha de Cronbach variant entre 0,73 et 0,87 avec une

médiane de 0,78. En ce qui a trait à la validité, les corrélations obtenues varient entre 0,80 et

0,90 comparativement à la version originale de Marlowe-Crowne, ce qui signifie une forte

corrélation (Reynolds, 1982). L’échantillon qui a permis de déterminer le choix des items de la

version finale de l’échelle était composé de 760 femmes et de 556 hommes (Tremblay et coll.,

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!!

38!

2006). Le score moyen pour ces individus se situait entre neuf et dix sur vingt (Rondau et

coll., 2006).

Dans cette version abrégée de l’échelle, 10 items mesurent les comportements fréquents, mais

pas approuvés socialement et 10 items mesurent les comportements socialement approuvés,

mais peu probables. Un comportement socialement approuvé et peu probable est par exemple,

«Jamais il ne m’est venu à l’esprit de laisser quelqu’un d’autre être puni pour une faute que

j’aurai commise». Un comportement fréquent, mais qui n’est pas socialement approuvé est

«J’ai parfois eu envie de me révolter contre les figures d’autorité, même si je savais qu’elles

avaient raison », par exemple.

!Finalement, un score peu élevé à l’échelle indique une représentation relativement honnête de

soi-même tandis qu’un score élevé signifie un désir important de se présenter sous un jour

socialement désirable (Dufour, 1997).

Échelle!de!motivation!au!changement!

L’URICA, le University of Rhode Island Change Assessment Scale (McConnaughy,

DiClemente, Prochaska et coll., 1989) permet de mesurer les étapes de changement des

participants définis selon le modèle transthéorique de Prochaska, Norcross et DiClemente

(Juneau, 2006). Il s’agit d’une échelle composée d’un questionnaire de 32 énoncés permettant

de couvrir quatre sous-échelles qui renvoient aux étapes de changement de Prochaska,

Norcross et DiClemente, soit l’étape de la « precontemplation », de la « contemplation », de

l’action et du maintien. Il est important d’ajouter que le stade de préparation présenté plus haut

n’est pas mesuré par l’URICA. D’après plusieurs auteurs, le University of Rhode Island

Change Assessment Scale (URICA) permet d’obtenir des résultats satisfaisants pour les quatre

étapes de changement mentionnés ci-dessus et possède de bonnes qualités psychométriques

(McConnaughy et coll., 1989 ; DiClemente et Hugues, 1990 et Prochaska et DiClemente,

1992). Des études de validation ont été menées auprès de plusieurs échantillons différents,

dont un groupe de fumeurs, une population en clinique externe et un groupe de participants

inscrits dans un programme de traitement externe pour alcoolisme afin de valider le

Page 44: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

39!

questionnaire. Les résultats obtenus auprès des trois groupes se sont avérés similaires et ont

reproduit : «essentiellement les quatre composantes initiales» soit l’étape de la

« precontemplation », l’étape de la « contemplation », l’étape de l’action et celle du maintien

(Juneau, 2006 : 80). Les coefficients alpha de Cronbach obtenus lors de ces études sur les

qualités psychométriques de l’URICA variaient entre 0,70 et 0,82 (McConnaughy et coll.,

1989 ; DiClemente et Hugues, 1990 et Prochaska et DiClemente, 1992).

Chaque sous-échelle est mesurée à l’aide de huit questions précises, cotées sur une échelle de

Likert en cinq points allant de fortement en accord à fortement en désaccord. En d’autres

termes, les participants doivent indiquer leur accord ou leur désaccord pour chaque item

présenté. Un item faisant référence à l’étape de « precontemplation » peut être formulé comme

suit : «Je préfèrerais m’accommoder de mes défauts plutôt que d’essayer de les changer»,

tandis qu’un item qui fait référence à l’étape de l’action est : «N’importe qui peut parler de

changer ; moi je fais vraiment quelque chose à ce sujet».

2.2.5.!Mode!d’analyse!

Les!deux!échelles!!Concernant la version abrégée de l’échelle de désirabilité sociale de Marlow-Crowne, il suffit

de calculer le score total en accordant un point lorsque le participant répond «vrai» et aucun

point lorsqu’il répond «faux» aux questions 1, 2, 8, 9, 11, 12, 15, 16, 17 et 20. La correction

est inversée pour les dix autres questions, c’est-à-dire qu’il faut accorder un point lorsque le

participant a répondu «faux» et aucun point lorsqu’il a répondu «vrai». En d’autres termes, un

point est attribué à chaque fois que le répondant endosse une réponse socialement désirable.

Les scores à cette échelle peuvent varier de 0 à 20. Chez les populations d’étudiants auprès

desquelles l’instrument a été validé, le score moyen se situe entre neuf et dix sur vingt (écart-

type entre 3,9 et 4,3) (Strahan et Gerbasi, 1972). Pour les besoins de l’étude, un score peu

élevé à l’échelle indique une représentation relativement honnête de soi-même tandis qu’un

score élevé signifie un désir important de se présenter sous un jour socialement désirable

(Dufour, 1997).

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!!

40!

Dans le cas de l’URICA, University of Rhode Island Change Assessment Scale, la cotation

consiste à déterminer l’étape de changement de chaque participant à l’étude. Chaque sous-

échelle est mesurée à l’aide de huit questions exclusives à chacune des étapes de changement

établies par Prochaska, Norcross et DiClemente (1994). Le score est calculé de façon

cumulative et il varie de huit à quarante pour chacune des sous-échelles. Concernant le calcul

des scores pondérés, il n’existe pas, à ce jour, de consensus. La méthode proposée par

DiClemente, Schlundt et Gemmell (2004) a été choisie pour les besoins de la présente étude.

Pour ce faire, il faut dans un premier temps additionner les items de chaque sous-échelle et

diviser par sept le score de chaque sous-échelle afin d’obtenir une moyenne. Ensuite, il s’agit

d’additionner les moyennes des sous-échelles de « contemplation », d’action et de maintien et

d’y soustraire la moyenne de la sous-échelle « precontemplation ». Les participants qui

obtiennent un score de 8 et moins sont classés à l’étape de la « precontemplation », ceux qui

obtiennent un score entre 8 et 11 sont classés à l’étape de la « contemplation », ceux qui ont

entre 12 et 14 sont considérés comme étant à l’étape de l’action et ceux qui obtiennent un

score de plus de 14 se retrouvent à l’étape du maintien (DiClemente, Schlundt et Gemmell,

2004).

Il est à noter que le score obtenu à chaque sous-échelle représente des attitudes et des

comportements faisant référence aux étapes du changement et non un état de changement

précis (DiClemente, Schlundt et Gemmell, 2004). Il faut donc interpréter les résultats obtenus

avec vigilance.

Les!entrevues!!Suite à la première entrevue, le matériel recueilli était lu et brièvement analysé dans le but

d’identifier certains thèmes à clarifier ou à approfondir et de créer différentes questions de

relance afin d’encourager le sujet à s’exprimer davantage sur les thèmes ciblés. Les questions

de relance étaient formulées ainsi : «L’autre jour, vous avez parlé de… pouvez-vous m’en dire

plus ?» de façon à ne pas influencer les réponses des participants.

Page 46: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

41!

A)#Analyse#verticale L’analyse verticale a été effectuée à partir de la retranscription du contenu des deux entretiens.

À travers la lecture de chaque entrevue, des thèmes dominants ont été identifiés. Cette

méthode a permis d’établir des catégories d’analyse et d’identifier des citations clés. En

d’autres termes, lorsque des thèmes similaires, retrouvés chez tous les participants, étaient

dégagés, ils étaient rassemblés dans une même catégorie. Des citations tirées du discourt de

chaque participant étaient ainsi insérées dans chacune des catégories afin d’en démontrer la

pertinence. Cependant, l’analyse du contenu des entretiens ne se limitait pas à ces thèmes

prioritairement définis et de nouveaux aspects, particuliers à chaque témoignage, pouvaient

être ajoutés au fur et à mesure de l’analyse du matériel. En effet, l’analyse du contenu du récit

de certaines personnes interviewées pouvait mettre en lumière des thèmes qui étaient passés

inaperçus lors de la lecture du récit de certains autres participants. Cette méthode d’analyse

permettait donc de s’adapter au récit de chacun des participants et de demeurer fidèle à son

contenu.

#

B)#Analyse#du#contenu#Pour chacune des catégories préalablement établies, une analyse a été effectuée afin de

résumer et de clarifier le contenu du récit des personnes interviewées. Plus particulièrement,

cette analyse appelée analyse thématique du contenu «cherche à identifier de quoi parle un

document par le repérage, le comptage et la comparaison des thèmes, des idées directrices, et

des thèmes pivots.» (Van der Maren, 1996 : 414).

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!!

42!

CHAPITRE!3!!

ANALYSE!DES!DONNÉES!

Page 48: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

43!

CHAPITRE 3

ANALYSE DES DONNÉES

Ce chapitre présente les données provenant de trois sources, soit les entretiens, l’échelle de

motivation au changement, l’University of Rhode Island Change Assessment Scale

(McConnaughy, DiClemente, Prochaska et coll., 1989) et l’échelle de désirabilité sociale

(Strahan et Gerbasi, 1972). Les résultats aux deux échelles utilisées, soit celle de

McConnaughy, DiClemente, Prochaska et coll., 1989, l’URICA, qui mesure la motivation au

changement ainsi que la version abrégée de l’échelle de désirabilité sociale de Marlowe-

Crowne (Strahan et Gerbasi, 1972) seront d’abord décrits. Les constats dégagés de l’analyse

des entretiens seront ensuite présentés. Puis, la dernière section de ce chapitre présentera une

analyse intégrative des données issues des trois sources.

3.1.!PRÉSENTATION!DES!RÉSULTATS!

3.1.1.!Données!provenant!de!l’échelle!URICA!!Le tableau 1 présente les scores bruts et pondérés obtenus à l’University of Rhode Island

Change Assessment Scale (McConnaughy, DiClemente, Prochaska et coll., 1989), soit le test

qui vise à évaluer la motivation au changement selon le modèle de Prochaska, Norcross et

Diclemente (1994).

La lecture du tableau 1 permet de constater que les quatre participants obtiennent des scores

pondérés semblables à l’URICA. Plus précisément, le participant A a obtenu un score de 8,7,

ce qui le situe à l’étape où il «envisage» le changement (« contemplation »). Pour ce qui est du

participant B, son score se situe à 10,5, soit également à une étape où il «envisage»

(« contemplation ») qu’il aurait à changer de comportement. Le participant C a obtenu un

score de 7,9, ce qui le situe à une étape antérieure, soit à l’étape «préalable à l’envisagement»

(« precontemplation »). Finalement, le score du participant D se situe à 9,5, soit à une étape où

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!!

44!

il «envisage» le changement. Il se situe ainsi, comme les deux premiers participants, à une

étape ou il envisage le changement, mais sans s’engager dans des actions pour le réaliser.

Tableau 1 : Résultats obtenus à l’University of Rhode Island Change Assessment Scale.

Participants A B C D

Étapes Scores bruts

‘Precontemplation’ 20 12 24 17

‘Contemplation’ 36 36 28 36

Action 29 39 31 37

Maintien 25 21 26 21

Scores pondérés 8,7 10,5 7,9 9,5

3.1.2.!Données!provenant!de!l’échelle!de!désirabilité!sociale!

Les résultats obtenus par les participants à l’échelle de désirabilité sociale (Strahan et Gerbasi,

1972) se situent tous près ou au-dessus de la moyenne. Plus précisément, le score du

participant A qui est de dix indique qu’il a répondu au questionnaire de façon relativement

honnête et non pas en fonction de ce qu’il pense qui est attendu de lui. Le participant B a

obtenu un score de 13, ce qui indique la présence d’une tendance très manifeste à se présenter

sous un jour favorable puisque les scores plus hauts que dix sont ainsi interprétés. Il a donc

clairement eu tendance à répondre aux questions en fonction de ce qu’il estime qui est attendu

de lui. Pour ce qui en est du participant C, il a obtenu un score de 11 à cette échelle, comme

les scores plus hauts que dix sont considérés comme reflétant une tendance à répondre en

fonction de ce que la personne croit qui est attendu d’elle, il est estimé que le participant C

montre cette tendance. Le participant D a obtenu un score de 14 à l’échelle, ce qui indique un

désir de bien paraître aux yeux de l’intervieweuse.

Page 50: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

45!

3.1.3.!Entretiens!

Plusieurs constats se dégagent de l’analyse des entretiens. Sept thèmes ont émergé des

analyses verticales et horizontales de ces entretiens. Ces thèmes ont été désignés ainsi : une

motivation externe, une motivation interne, la peur de la prison et son effet dissuasif, la honte

et les regrets face au délit, la prise de conscience, ne pas être comme «les autres» et enfin, la

solitude et la privation de liberté. Ils seront décrits sommairement puis illustrés d’un extrait

qui sera discuté par la suite. Enfin, une discussion de l’ensemble des analyses sera présentée

en fin de chapitre.

Description!des!thèmes!

A)#Une#motivation#externe!L’analyse des entretiens a permis de dégager la présence d’une motivation externe, soit une

tendance à chercher hors de soi la motivation nécessaire pour réussir sa réinsertion sociale. Ce

constat se retrouve dans les entretiens des quatre hommes ayant participé à l’étude. L’exemple

de monsieur B illustre très bien ce phénomène.

«C’est ma fille […] mes amis, mes parents, mon frère… C’est certain qu’ils ont vécu une grosse déception et ils m’ont toujours soutenu, alors la motivation est là aussi. Je [ne] veux pas les décevoir. Je veux qu’ils voient que j’ai compris, que j’ai appris de mes erreurs. […] C’est sur que c’est le fun de réussir et que les autres l’apprécient». Participant B

Chez cet homme, il est clair que la motivation provient principalement du désir de ne pas

décevoir famille et amis. Il se sent redevable face aux personnes qui l’ont soutenu durant son

processus judiciaire et pénal et il veut leur prouver qu’il a changé. La présence d’une

motivation externe se retrouve aussi dans le discours du participant A, mais il s’agit ici d’une

motivation liée aux pressions légales.

Page 51: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

46!

«Comme là avec ma probation, je sais que j’ai pas de deuxième chance. Je sais que si je me fais arrêter je vais finir mon temps en prison, donc j’y pense beaucoup, ça m’influence, c’est pas nécessairement mal». Participant A

Il est en effet question dans cet extrait d’une motivation en lien avec les pressions exercées par

le système de justice. Le contrevenant a peur d’être incarcéré et entreprend donc les efforts

nécessaires afin de finir sa sentence de probation. L’un des participants veut terminer sa

probation afin d’éviter des sanctions pénales, tandis que l’autre le fait pour obtenir

l’approbation de ses proches. Dans les deux cas, les actions sont posées pour les récompenses

qui en découlent et non pas parce qu’elles sont nécessairement intéressantes.

B)#Une#motivation#interne!Le désir de devenir une personne meilleure et l’insatisfaction envers son style de vie sont

souvent évoqués lorsque l’on parle de motivation interne. L’analyse des entretiens a permis de

dégager la présence d’une motivation plus personnelle, soit une motivation interne chez deux

des participants à l’étude. Dans le cas du premier, monsieur B, elle s’illustre de la façon

suivante :

«La motivation est pas juste reliée à ce que les autres vont penser. Je veux finir le cours pour moi, comme si je m’étais promis à moi qu’il fallait que je réussisse. La motivation personnelle peut résider en ça, dans le sens que tu [ne] veux pas décevoir les gens autour de toi, mais tu [ne] veux pas te décevoir toi non plus. Je sais pas, je veux réussir». Participant B

Dans cette citation, le participant exprime son désir de réussir une démarche, pour lui-même,

et en discutant, il fait le lien avec la présence en lui d’une motivation externe qui constitue

aussi une source motivationnelle pour lui. Il a découvert une activité dans laquelle il peut

s’investir et qu’il trouve intéressante parce qu’elle le stimule, et cela, non pas pour se

conformer aux recommandations de son ordonnance ou de son plan d’intervention, mais pour

sa satisfaction personnelle. Dans le cas de l’autre participant, monsieur D, la présence d’une

motivation interne est principalement affectée par des facteurs physiques : «Ça fait depuis le

10 juillet que j’ai pas pris une goutte d’alcool, mon diabète va bien, j’ai une relation saine,

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!!

47!

alors c’est tout ça ma motivation». Pour cet homme, sa motivation est associée à la

reconnaissance des problèmes causés par sa consommation d’alcool et son style de vie

délinquant. L’adoption d’un mode de vie plus sain lui permet de ressentir des bienfaits qu’il ne

connaissait pas auparavant, mais qu’il est capable d’apprécier. S’il désire maintenir ces acquis,

c’est non pas seulement pour le mieux être que cela lui procure, mais aussi pour la valorisation

personnelle que ces résultats concrets lui apportent.

C)#La#peur#de#la#prison#et#son#effet#dissuasif!Le risque de subir une peine d’emprisonnement en cas de violation de la loi exerce un effet

dissuasif pour bien des gens. L’analyse des entretiens a permis de dégager un thème désigné

comme la peur de la prison et l’effet dissuasif que cela peut avoir sur les individus. Ce

phénomène s’est manifesté chez les quatre participants à l’étude. Plus particulièrement,

monsieur D exprime de façon très claire son désir de ne pas retourner en prison :

«J’ai payé pour mon crime et je repars avec une expérience plate, mais ô combien constructive. Quand t’es allé en prison, après, l’appât du gain y paraît un peu moins tentant, parce que tu sais c’que ça va donner. Quand tu t’es pas fait prendre encore tu te dis : au pire je vais aller en prison, mais asteure que j’y suis allé c’est plus tentant pentoute. J’veux plus y retourner. Ça à marcher pour moi, ça a eu l’effet escompté». Participant D

Dans cet extrait, monsieur D illustre très clairement le fait que les coûts de l’incarcération ont

été supérieurs aux bénéfices de ses activités illégales ce qui fait référence à la définition de

l’effet dissuasif de la sanction. En d’autres termes, l’expérience négative du séjour en prison a

permis à cet homme de réaliser que son mode de vie délinquant n’en valait pas la peine.

La peur de la prison peut constituer un élément dissuasif à la commission d’un acte délictuel.

Cette peur de l’incarcération a été évoquée notamment dans l’entretien avec monsieur A. Cet

homme n’a jamais été en prison, mais il s’imagine cet endroit comme un milieu de vie très

dur, dans lequel il n’a pas sa place.

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!!

48!

«Je me sentais pas à ma place de mettre fait arrêter, je me sentais pas d’aller en prison. J’étais pas assez fort mentalement, physiquement oui, mais pas mentalement. Il [ne] faut pas que tu montres tes faiblesses sinon les gens peuvent s’en servir contre toi, le physique sert à rien en prison. C’est pas du monde comme en dehors, ya du monde en prison qui vont se servir de ton impuissance». Participant A

Cette citation met de l’avant la peur de «l’image de la prison» que s’est créée monsieur A.

Cette peur a pour effet de dissuader monsieur A d’enfreindre les conditions imposées par le

juge sur son ordonnance de probation et par conséquent de commettre un délit. L’effet

dissuasif de l’incarcération est présent à la fois chez les contrevenants en libération

conditionnelle, et ayant déjà eu une sentence de prison, et chez les contrevenants en sursis ou

en probation.

D)#La#honte#et#les#regrets#face#au#délit!L’analyse des entretiens a permis de dégager la présence d’un sentiment de honte ou de regret

associé au délit. Alors que chez les uns, il s’agit clairement de honte, chez d’autres, les

émotions décrites semblent plus proches des regrets, de la culpabilité. Comme une certaine

retenue dans l’expression de ces émotions a marqué les entretiens, il a semblé plus juste de

grouper ensemble ces deux thèmes. Dans un effort de les différencier tout de même quelque

peu, il peut être dit que la honte concerne davantage les affronts à la dignité ou la fierté d’une

personne alors que les regrets concernent davantage le jugement négatif exercé à l’encontre de

soi-même, et rejoint en ce sens, le sentiment de culpabilité. Ces sentiments sont présents chez

plusieurs participants, chez monsieur D, la honte semble le hanter particulièrement :

«C’est pas gratifiant de dire qu’on a fait de la prison […] moi j’adore les enfants, le monde te regarde pis tu vois les parents tirer leur enfant par la main en voulant dire : c’est un criminel. Ça te fait réfléchir. Dans mon cas, ça m’a fait réfléchir en tout cas. J’ai honte». Participant D

Ici la honte réside dans le fait d’avoir fait de la prison, ce qui veut dire d’être un criminel. La

personne éprouve de la honte face au regard de l’autre, s’imaginant son jugement

catégoriquement négatif à son égard. La crainte d’être étiqueté et marginalisé comme ex-

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!!

49!

prisonnier, comme criminel est grande chez lui. Le participant B parle aussi de honte, mais il

s’agit dans son cas de la honte reliée à ses agissements : «La honte réside dans le fait que par

manque de maturité je suis passé à côté d’affaires qui auraient pu se régler de façon plus

normale». Dans ce cas, le participant semble attribuer son délit à son manque de maturité,

comme s’il s’agissait là d’une manière de se sentir moins honteux et peut-être aussi moins

coupable ?

Les participants expriment aussi des regrets. Les regrets sont éprouvés face au geste posé pour

certains et sont associés au fait de s’être fait arrêté pour d’autres.

«Au début je me sentais mal, je réalisais pas que c’était de la violence que j’avais commis, je me sens encore mal, j’en ai des remords. Si je pouvais retourner en arrière, je les affronterais pas, je m’en irais, c’est une meilleure solution, fuir le problème et de pas régler par moi-même». Participant A

Dans cet extrait, monsieur A exprime son regret d’avoir commis un geste de violence en se

battant avec d’autres personnes. Il invoque son ignorance de ce en quoi peut consister la

violence comme pour s’en excuser, mais cela ne diminue en rien la présence de remords. La

fantaisie d’effacer son geste rend compte de son sentiment d’impuissance à régler autrement

les difficultés rencontrées. Dans le cas de monsieur C, par contre, les regrets sont éprouvés

envers le fait de s’être fait prendre : «Ya pas personne qui va dire : Yeah je me suis fait

pogner. Faque oui tu regrettes. Si quelqu’un te dit qu’il regrette pas, c’est que c’est un esti de

menteur». Les regrets dont il est question ici ne semblent pas de la même nature que ceux

exprimés plus haut par monsieur A. Monsieur C, au contraire, semble regretter sa présence en

détention plutôt que les gestes qui l’y ont conduit. Si cet extrait a néanmoins été conservé dans

cette thématique c’est en raison de la confusion qui s’en dégage et qui fait parti du discours de

bon nombre de détenus.

E)#Prise#de#conscience!L’analyse des entretiens a permis d’observer la présence d’une thématique associée à la prise

de conscience qui se comprend comme le fait de réaliser quelque chose, de se rendre compte

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!!

50!

ou de prendre en compte un aspect ou une dimension de la réalité ou des relations jusque-là

ignorée ou inconnue. Souvent, un événement marquant de la vie de la personne est associé à la

prise de conscience. Dans le cas des participants, des évènements associés au processus

judiciaire et pénal peuvent constituer cet élément déclencheur de cette prise de conscience, par

exemple l’arrestation ou l’expérience carcérale. L’analyse du matériel d’entretien a permis de

dégager chez trois des participants la présence d’une prise de conscience associée de diverses

manières. Par exemple, un des participants, monsieur D, souligne l’effet qu’a eu son

incarcération sur sa relation avec ses enfants.

«Tu repenses aux affaires à pourquoi t’as embarqué là-dedans et tu dis que ça en valait pas la peine. Ta liberté vaut bien plus que ça. En y réfléchissant, j’ai vu que les moments les plus heureux de ma vie c’est quand j’avais moins d’argent. Là je vois ma fille, mon fils et mon petit-fils, c’est bien plus beau. J’peux pas demander ben ben mieux que ça». Participant D

Pour monsieur D, la prise de conscience prend la forme d’une réflexion sur la vie en général

et, en particulier, sur les liens familiaux. C’est aussi le cas de monsieur C qui explique ceci :

«Avant d’aller en prison ou en maison de transition, je réalisais pas. En prison et même ici, tu réalises plein de choses. Ça m’a rapproché de mon père, j’ai une bonne job, on va se consacrer là-dessus. Tu réalises que la vie que tu menais c’était pas normal, c’est pas ça la vraie vie». Participant C

Pour d’autres, l’emphase est mise sur la gravité des gestes délictuels commis. Par exemple,

dans le cas de monsieur B, il explique qu’avant son arrestation il ne prenait pas en compte

l’effet sur autrui des gestes qu’il commettait: «Mais d’un autre côté j’étais content que ce soit

arrivé parce que je suis pas certain que j’aurai compris par moi-même l’étendue de ce que je

faisais. J’avais pas cette maturité». Monsieur B décrit davantage un état d’insouciance, voire

d’inconscience des effets de ses actes, comme s’il ne s’était jamais interrogé sur les

conséquences que ceux-ci pouvaient avoir sur les autres, la société et lui-même. Pour lui, les

processus judiciaire et carcéral semblent avoir servi de révélateurs de dimensions qu’il ignorait

totalement auparavant. Dans les trois cas, l’arrestation, la sentence et l’expérience carcérale

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!!

51!

ont eu un effet déterminant sur leur prise de conscience quant aux effets de leurs gestes ou de

leur mode de vie.

F)#Ne#pas#être#comme#«les#autres»!L’analyse des entretiens permet d’observer dans le discours des quatre participants à l’étude

une thématique semblable à travers laquelle ils cherchent à se distinguer des autres détenus en

laissant entendre qu’ils ne sont pas comme les autres. En expliquant ceci, ils décriront par

exemple comment ils ressemblent peu aux autres détenus qu’ils perçoivent comme cruels et

peu intelligents. Monsieur C en parle ainsi :

«En prison là, au provincial, c’est rempli à 80% de monde cave qui font rien de bien de leur vie. Ils sont tous millionnaires pis quand c’est le temps de la cantine y’en a pas un qui est capable de payer […] le monde sont tellement retardés. Vivre avec eux autres là, ça m’énarve». Participant C

Cette citation permet de comprendre de quelle manière monsieur C s’exclut du groupe de

détenus. Il se perçoit comme étant plus intelligent, voire plus important que ceux-ci, ce qui

explique pourquoi il dit ne pas aimer les fréquenter. Trois des quatre participants se sont aussi

plaints de la sévérité excessive de leur sentence et de l’injustice du système judiciaire. En

comparant leur délit et leur sentence avec ceux des autres, ils se trouvent à justifier le statut

spécial qu’ils s’attribuent, soit de «ne pas être comme les autres», ce qui à leurs yeux les

distingue du groupe. Ce faisant, ils montrent la gravité relative qu’ils accordent à leur délit, lui

accordant une gravité moindre que celle des autres détenus.

G)#Solitude#et#privation#de#liberté!L’analyse des entretiens a permis d’observer la présence d’une thématique concernant la

solitude éprouvée durant la sentence et la difficulté à gérer la privation de liberté chez trois des

quatre participants. La solitude est décrite comme étant ressentie en particulier en raison de

l’isolement et de l’éloignement des personnes proches, soit la famille et les amis. Le fait de

perdre quasiment tout contact avec le monde extérieur a été une expérience très difficile pour

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!!

52!

monsieur B qui se décrit comme étant de nature très sociable. Il parle ainsi de la solitude qu’il

éprouve depuis le début de son sursis :

«Le côté d’être tout seul, c’est dur. De pas pouvoir sortir comme je le veux, de pas pouvoir sortir le soir, ou juste rencontrer quelqu’un, pouvoir socialiser, prendre un verre et parler. La solitude c’est ça qui est le plus difficile. Depuis que la sentence est sortie, tout a arrêté d’un coup. […] Après les fêtes j’avais besoin de parler. Passer Noël tout seul… la solitude, c’est vraiment le pire». Participant B

Dans cet extrait, monsieur B décrit la solitude comme le fait d’être seul, mais aussi comme le

fait de ne pas pouvoir parler à quelqu’un d’autre. Il fait aussi allusion à la privation de liberté

en référence au fait de ne pas pouvoir sortir quand il le souhaite, les deux aspects semblent

peser très lourd dans son expérience de l’incarcération. Les deux participants ayant connu

l’incarcération en ont parlé de cette manière. Par exemple, Monsieur D explique que : «C’est

la liberté le pire j’pense, la privation de liberté, être encabané entre quatre murs, se faire dire

quand manger […] moi je suis quelqu’un qui aime défendre son point de vue, mais en prison

tu peux pas». Ainsi, pour ce participant, la privation de liberté en prison fait référence non

seulement au fait de ne pas pouvoir circuler librement et sortir à l’extérieur de l’institution,

mais aussi à l’imposition d’une routine, mais peut être surtout à la limitation de sa liberté de

parole. La privation de liberté a ainsi été vécue très difficilement pour ces deux participants

qui ont purgé une partie de leur sentence en prison.

3.2.!TRIANGULATION!DES!SOURCES!

Un processus de triangulation des sources de données a été utilisé afin de tirer le plus

d’informations possible des résultats obtenus des trois sources de données analysées. Bien

qu’il serait difficile, vu le petit nombre de participants, de tirer des conclusions générales sur

les liens entre la désirabilité sociale et la motivation au changement, il est néanmoins possible

de donner un sens aux données colligées pour chaque participant. En ce sens, l’intégration des

analyses effectuées pour chacune des trois sources de matériel pour chaque participant

permettra de dégager un certain nombre d’observations qualitatives utiles pour mieux

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!!

53!

comprendre le lien entre motivation au changement et désirabilité sociale. Ces observations

pourront possiblement instruire de prochaines recherches.

La triangulation des résultats d’analyse apparaît comme une étape importante dans l’analyse

de nos résultats. D’une part, parce que cette triangulation permet d’apporter une certaine

validation des constants, mais aussi, d’autre part, puisqu’il s’agit de la seule manière

d’interpréter les résultats obtenus à l’échelle de désirabilité sociale en regard de celle qui

mesure la motivation au changement. Par exemple, un score élevé à l’échelle de désirabilité

sociale pourrait permettre de mieux comprendre la présence chez le même participant d’un

score élevé de motivation au changement, scores qui à première vue semblent s’exclure.

Toutefois, en prenant en compte les constats de l’entretien, notamment en ce qui a trait à la

nature externe de la motivation au changement, par exemple, alors ces résultats, en apparence

contradictoire, se comprendraient mieux. Ainsi, l’analyse qualitative détaillée et rigoureuse

des réponses à chacune des questions des deux échelles telles que mises en rapport avec le

matériel des entretiens permettra une interprétation plus juste des liens entre la motivation au

changement et la désirabilité sociale pour chacun des participants à cette étude.

3.2.1.!Participant!A!

Pour le participant A, les résultats obtenus aux deux échelles, celle de motivation au

changement et celle de désirabilité sociale, ont permis de déterminer qu’il se trouve à l’étape

de la « contemplation », c’est-à-dire à l’étape où il envisage le changement et qu’il ne cherche

pas à obtenir l’approbation de l’intervieweuse puisqu’il n’a pas répondu de façon à chercher à

plaire à cette dernière. Peu de réponses à cette échelle semblent utiles pour mieux comprendre

le lien entre motivation et désirabilité sociale chez lui. L’analyse des entrevues a permis

d’identifier plusieurs thèmes dans le contenu du discours de ce participant. Monsieur A décrit

sa motivation au changement comme quelque chose d’extérieur à lui. Il explique ne pas être

motivé à changer pour lui-même, mais uniquement dans le but de satisfaire aux exigences

figurant sur son ordonnance de probation et dans son plan d’intervention correctionnel. Il

avoue que s’il n’avait pas de probation, il ne serait pas motivé. Cette description donne

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!!

54!

l’impression qu’il en est à une étape antérieure du processus de changement en ce qui

concerne sa motivation, cependant, plusieurs autres aspects de son discours réfèrent au

changement qui, selon l’URICA, est désigné comme l’étape de la « contemplation ». Par

exemple, le fait que monsieur ne veuille pas aller en prison et qu’il ait très peur de

l’incarcération semble le motiver à s’investir dans son suivi probatoire. Il perçoit, en ce sens,

sa sentence de probation comme une alternative à la prison, une deuxième chance que lui a

octroyée le juge. Ensuite, les regrets et la culpabilité ressentis après la commission de son

geste démontrent que ce participant reconnaît la gravité de son geste. Il ne nie pas son

problème de violence et est conscient de son impulsivité. Ce type de prise de conscience du

problème est une étape essentielle dans le processus de changement et dans la motivation au

changement (Lecavalier, Marcil-Denault, Denis et coll., 2004). Cependant, monsieur A

minimise sa responsabilité en rejetant une part du blâme sur la victime et en la dénigrant. Il est

possible d’envisager que lorsque monsieur assumera entièrement son geste et ne le minimisera

plus, il pourra amorcer une autre étape du processus de changement. À ce propos, Rondeau et

ses collaborateurs (2006) citent deux études qui ont démontré que les hommes plus avancés

dans un processus de changement sont moins portés à blâmer la victime pour la violence

commise à son encontre. Ainsi, les hommes qui se situent à une étape plus avancée du

processus de changement sont plus enclins à assumer la responsabilité de leur geste que ceux

qui se situent aux premières étapes du changement, comme se situe monsieur A.

Pour l’instant, monsieur A demeure ambivalent face au changement. D’une part, il est

conscient de son problème de violence et d’autre part, il ne perçoit pas encore les bénéfices

que le changement peut lui apporter. En effet, il considère la violence comme quelque chose

qui fait partie de lui et comme son principal moyen de défense. «À chaque fois que j’ai utilisé

la violence, j’ai réussi à vaincre le problème», il perçoit le retour à la violence toutefois

comme problématique : «Je sais que je n’ai pas de bonnes pensées, résoudre mes problèmes

par la violence». Toutefois, il ne se sent pas prêt à y renoncer puisqu’il attribue à l’usage de la

force un pouvoir qui lui est utile : «mais à chaque fois que je l’ai utilisé, ça a été en ma

faveur». Ces propos confirment cependant une certaine ambivalence quant au changement,

l’une des caractéristiques principales d’un individu qui se situe à l’étape de la

« contemplation ».

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!!

55!

En conclusion, au regard des trois sources de données analysées, la désirabilité sociale ne

semble pas affecter la motivation au changement de monsieur A. Certains éléments présents

dans son discours semblent témoigner de son honnêteté et de sa sincérité. Effectivement, il ne

cache pas à l’intervieweuse son manque de motivation interne et ne nie pas son problème de

violence. De plus, monsieur a eu tendance à répondre en accord avec les énoncés décrivant

l’étape de « contemplation » et son score total à l’URICA le place aussi à cette étape.

!

3.2.2.!Participant!B!

Selon l’échelle de motivation au changement (URICA), le participant B se trouve à l’étape de

la « contemplation ». À l’échelle de désirabilité sociale, monsieur B a toutefois obtenu un

score élevé, ayant répondu tant à cette échelle qu’aux questions de l’intervieweuse en fonction

de ce qu’il semblait penser qui était attendu de lui. Une analyse plus approfondie de ses

entretiens est donc essentielle afin de mieux comprendre le lien entre désirabilité sociale et

motivation au changement chez lui.

Les thèmes les plus récurrents dans le discours de ce participant sont la solitude et la honte. Le

sentiment de honte est éprouvé vis-à-vis du délit et du mode de vie délictuel. Monsieur B a

beaucoup de mal à accepter son délit et la situation dans laquelle il se trouve actuellement. Il

vit difficilement les conditions de son sursis et les conséquences que cela entraîne sur sa vie

sociale et ses relations familiales. Le fait de vivre de la solitude et de ressentir une grande

honte semble concorder avec la désirabilité sociale élevée observée chez lui ainsi qu’avec un

besoin de valorisation qui se dégage de l’analyse des entretiens.

Concernant la motivation au changement, monsieur B est motivé par des facteurs externes,

comme le fait de ne pas vouloir décevoir ses proches, mais aussi par des facteurs internes. En

effet, ce participant a entrepris des actions qui semblent personnelles et visent à l’amélioration

de sa situation actuelle. Par exemple, monsieur s’est inscrit à un cours par rapport auquel seul

l’intérêt personnel semble le motiver. Il ne cherche pas à satisfaire les exigences de quiconque,

il le fait seulement pour lui, pour son plaisir d’apprendre. Un autre élément semble témoigner

Page 61: Université de Montréal La désirabilité sociale a-t-elle un ...

!!

56!

du fait que monsieur B serait prêt à amorcer un processus de changement. Suite à son

arrestation, il a pris conscience d’un certain nombre de distorsions qui semblent avoir été

déterminantes dans son inadaptation, comme l’idée que l’homme doit subvenir seul aux

besoins de sa famille. Il avoue qu’il pensait qu’il aurait été inapproprié de parler de ses

problèmes financiers, et inconcevable de chercher une aide extérieure pour mieux y faire face.

Monsieur B est dorénavant plus conscient du caractère socialement et moralement

inacceptable de la fraude qu’il a commise et comprend mieux que bien d’autres solutions

auraient pu être envisagées. Il admet avoir agi de façon irréfléchie et immature et il regrette

son délit. Rappelons que la prise de conscience est l’une des caractéristiques les plus

importantes des personnes en processus de motivation au changement et que cela situe

l’individu à l’étape de la « contemplation » (Harvey, 2011). Monsieur occupe un nouvel

emploi dont il se dit satisfait et explique être dorénavant ouvert avec ses proches au sujet de

ses finances personnelles et familiales.

Bien que monsieur B puisse paraître se situer à l’étape de l’action, étant donné qu’il laisse

entendre qu’il regrette son délit et qu’il a entrepris les actions nécessaires pour ne pas revivre

un tel délit, il est important de rappeler que, d’après l’échelle de motivation au changement

URICA, il n’a pas encore atteint l’étape de l’action. À cet effet, un élément relevé dans le

discours de ce dernier vient appuyer ce résultat à l’URICA. Il s’agit du fait que monsieur B

n’assume pas entièrement la responsabilité de la fraude. En effet, il minimise sa responsabilité

propre en invoquant paradoxalement la responsabilité de son patron de mieux le surveiller et

celle du comptable de déceler sa fraude plus rapidement. Probablement que lorsque monsieur

B assumera pleinement sa part de responsabilité, il pourra mieux s’engager dans un processus

de changement et passer à l’étape de l’action.

Finalement, dans le cas du participant B, la désirabilité sociale semble jouer un rôle sur sa

motivation au changement. En effet, même si le score total obtenu à l’URICA le place à

l’étape de la « contemplation », il a eu tendance à répondre «fortement en accord» aux

énoncés de ce questionnaire décrivant l’étape de l’action. Comme le score de ce participant est

élevé à l’échelle de désirabilité sociale, ce qui tend à montrer une tentative de sa part de

répondre ce qu’il pense qui est attendu de lui, on peut proposer que sa façon de répondre à

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!!

57!

l’URICA dénote la même tendance, soit celle de répondre ce qu’il croit que les autres veulent

observer. Toutefois, bien que nous sommes tentés de voir sa tendance à se conformer aux

attentes d’autrui, identifiée dans l’échelle de désirabilité sociale, se refléter dans certaines

réponses à l’échelle de motivation au changement, comme dans certains propos en entrevues,

il n’en demeure pas moins qu’un désir de changement qui est personnel, quoique ténu, puisse

être présent en lui.

3.2.3.!Participant!C!

Ce participant obtient un score élevé à l’échelle de désirabilité sociale et se place à l’étape la

moins avancée du processus de changement selon l’URICA. L’étude de Rondeau et ses

collaborateurs (2006), révèle que les hommes à l’étape de la « precontemplation » obtiennent

des scores élevés à l’échelle de désirabilité sociale et sont donc plus susceptibles de donner

des réponses biaisées. Les données tirées de l’analyse des entretiens vont dans le même sens

que les résultats obtenus aux deux questionnaires. Les données des entretiens suggèrent que ce

participant se perçoit comme étant plus intelligent et meilleur que les autres délinquants. Il se

sent différent des autres détenus qu’il méprise et transpose cette façon de se distinguer des

autres à la maison de transition où il demeurait au moment des entrevues.

De plus, il est fier de raconter qu’un article sur lui est paru dans le journal suite à son

arrestation. Monsieur C n’éprouve pas de remords envers son délit, il regrette seulement le fait

de s’être fait prendre. Il mentionne avoir appris de ses erreurs et avoir réalisé «plein

d’affaires», mais n’est pas capable d’élaborer lesquelles. Ces éléments semblent indiquer que

ce jeune homme n’est pas encore conscient de qui il est et est peu disposé à changer. Il avoue

d’ailleurs être désireux de retrouver le mode de vie festif et luxueux qu’il entretenait avant son

arrestation. Quelques données recueillies en cours d’entretien montrent toutefois une certaine

motivation à changer. Elles ont été désignées comme la peur de prison et son effet dissuasif.

Finalement, l’analyse des trois sources de données tend à montrer que monsieur C se définit

par ce qui est extérieur à lui et semble peu investir son monde intérieur. Il est visiblement peu

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!!

58!

motivé à entreprendre un processus de changement selon les données des entretiens au cours

desquels il s’est montré peu désireux de se connaître et d’interroger son parcours et ses choix.

Le discours que tient monsieur C lors des entretiens n’est arrimé à aucune action, et reste de

l’ordre de la fantaisie. En prétendant avoir déjà changé, mais sans pouvoir en donner

d’exemples concrets, monsieur C se réfugie dans une fuite vers l’avant. Ceci est tout à fait en

accord avec le score élevé du questionnaire sur la désirabilité sociale. En effet, le haut score à

l’échelle de désirabilité sociale rend compte de sa tentative de démontrer qu’il rencontre les

attentes normatives qu’il croie être celles de l’intervieweuse – qui est aussi une représentante

du Service correctionnel -, mais aussi cela exprime ses propres attentes à son sujet. Tout se

passe comme si monsieur C était au point où il connaissait le discours, connaissait les résultats

attendus et souhaités, mais n’était pas encore du tout rendu à l’étape d’imaginer un

changement potentiel.

3.2.4.!Participant!D!

D’après l’échelle de motivation au changement (URICA), monsieur D se situe à l’étape de la «

contemplation », soit à l’étape où il envisage un changement. Son résultat très élevé à l’échelle

de désirabilité sociale montre le besoin chez lui d’obtenir l’approbation d’autrui et de répondre

de façon socialement attendue aux questions qui lui sont posées, plutôt que d’y répondre selon

ce qui serait juste pour lui (Rondeau et coll., 2006).

Deux éléments issus de l’analyse des entretiens de monsieur D semblent utiles pour mieux

comprendre ses résultats à l’échelle de désirabilité sociale. D’abord, il éprouve beaucoup de

honte face à son délit. Il ne supporte pas le regard des autres qu’il juge désapprobateur et a le

sentiment d’avoir déçu ses enfants. Puis, sa motivation à changer est principalement reliée à

des facteurs externes, comme un désir de ne pas décevoir ses proches. Il veut être présent pour

sa famille et leur prouver qu’il est capable de changer. La privation de liberté a aussi été vécue

très difficilement au cours de sa sentence, ce qui le motive à changer son comportement

puisqu’il ne veut en aucun cas retourner en prison. Sa motivation semble ainsi principalement

externe. De plus, le fort sentiment de honte éprouvé par monsieur D le rend particulièrement

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!!

59!

sensible aux commentaires, positifs comme négatifs, venant des autres. En d’autres termes, ce

que les autres pensent de lui est très important et le motive à entreprendre un changement.

Suite à son arrestation, monsieur D a pris conscience que son mode de vie délinquant ne lui

permettait pas de répondre à ce qu’il voulait vivre. Sa consommation excessive d’alcool et son

rythme de vie festif avaient aussi eu de graves répercussions sur sa santé. Le fait de prendre

conscience de cela a conduit à une modification du type de motivation qu’il avait eu jusque là,

et a donné lieu à une motivation interne. Il a de plus déjà entrepris plusieurs démarches afin

d’acquérir une meilleure santé et un mode de vie plus sain. En effet, monsieur ne consomme

plus d’alcool, il consulte un médecin pour ses problèmes de santé et a commencé à faire de

l’activité physique régulièrement. Ces modifications dans son comportement peuvent le placer

à l’étape de l’action, ce qui correspond à ses réponses au questionnaire sur le changement

(URICA) en faveur des énoncés décrivant l’étape de l’action. Toutefois, le score total à

l’URICA révèle que monsieur D se situe à l’étape de la « contemplation » (même si ses

réponses aux questionnaires sont en accord avec les items décrivant l’étape de l’action). Chez

monsieur D, la désirabilité sociale semble donc jouer un rôle dans ses réponses aux deux

échelles. Il entreprend en ce sens des actions pour son bien-être personnel, mais peut-être aussi

surtout pour changer l’image que les autres ont de lui.

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!!

60!

CHAPITRE!4!!

CONCLUSION!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

CHAPITRE!4!!

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61!

CONCLUSION!!!L’objectif principal de l’étude était de mieux comprendre les liens entre la désirabilité sociale

et la motivation au changement chez des personnes purgeant leur sentence au sein de la

communauté. Tel que le suggèrent les écrits scientifiques recensés, la mesure de la désirabilité

sociale serait une composante importante dans l’évaluation des contrevenants puisqu’elle

permettrait de minimiser ce biais et d’appuyer le jugement des intervenants chargés de

l’évaluation de ces personnes (Tatman et Schouten, 2008). Les chercheurs ayant travaillé sur

la motivation au changement soulignent, quant à eux, l’importance de tenir compte du niveau

de motivation dans le but d’intervenir de façon plus adéquate et plus efficace auprès de cette

clientèle (Lecavalier et coll., 2004).

Suite à l’administration de la version abrégée de l’échelle de désirabilité sociale de Strahan et

Gerbasi (1972) et de l’échelle de motivation au changement (URICA) ainsi que d’entretiens

semi-directifs auprès de quatre personnes en suivi probatoire à la DSPC de Joliette, une

analyse qualitative de ces trois sources de données a permis d’identifier un certain nombre de

constats pour chacun des participants sur les liens entre la motivation au changement et la

désirabilité sociale. Bien qu’il soit difficile, vu le petit nombre de participants, de tirer des

conclusions générales, des constats généraux seront néanmoins proposés.

D’abord, les constats dégagés à la suite de l’analyse par triangulation des sources ont permis

de montrer que les participants de la présente étude ayant obtenu un score élevé à l’échelle de

désirabilité sociale reconnaissent néanmoins leur problème et se disent motivés à changer ou

avoir déjà changé. Ceci ne correspond pas aux résultats obtenus par Zemore (2012) qui

montraient plutôt que les individus qui obtiennent des scores élevés à l’échelle de désirabilité

sociale indiquent qu’ils n’ont aucun problème et qu’un changement n’est pas nécessaire. Ces

résultats contraires peuvent s’expliquer par le contexte différent dans lequel les participants

des deux études se trouvent. En effet, probablement que le contexte de probation, dans lequel

il est attendu des contrevenants qu’ils entreprennent les démarches nécessaires pour adopter un

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!!

62!

mode de vie prosocial et ainsi satisfaire aux conditions de leur ordonnance, influence nos

résultats.

Ensuite, les trois participants ayant obtenu des scores élevés à l’échelle de désirabilité sociale

ont été plus souvent en accord avec les énoncés de l’URICA qui décrivent le changement et

ont tenu un discours lors des entretiens qui laissait entendre à l’intervieweuse qu’ils avaient

entrepris un processus de changement, ou qu’ils avaient déjà effectué plusieurs changements.

Au contraire, le participant ayant obtenu un score plus faible à l’échelle de désirabilité sociale

a tenu un discours sincère et a répondu en accord avec les énoncés de l’URICA décrivant

l’étape de la contemplation. Ce constat permet d’affirmer que la désirabilité sociale influence

le discours et les réponses au questionnaire sur le changement, mais pas les scores pondérés de

l’échelle URICA. Ce résultat est semblable à celui obtenu par Zemore (2012).

Dans l’étude de Rondeau et coll. (2006), les hommes qui se situent à l’étape de la

« precontemplation » sont ceux qui consultent les programmes d’aide sous l’effet des

pressions exercées par le système judiciaire. Il est possible de faire un parallèle avec le

participant C de la présente étude qui se situe à l’étape de la « precontemplation ». En effet,

cet homme a intégré le discours des Services correctionnels et connaît les objectifs attendus

pour sa réinsertion sociale, mais n’imagine pas le moindre changement dans son mode de vie

festif et luxueux. Toutes les actions, comme les heures de bénévolat effectuées, sont

entreprises uniquement dans le but de pouvoir quitter la maison de transition.

Finalement, Harvey (2011) relève que pour les participants à son étude, le fait de subir de la

peur ou des angoisses lors de l’incarcération influençait de façon positive leur motivation au

changement. Cela s’est aussi observé dans la présente étude. En effet, la peur de la prison s’est

manifestée chez les quatre participants à l’étude. Ce phénomène était présent non seulement

dans le discours des contrevenants en libération conditionnelle, ayant déjà eu une sentence de

prison, mais aussi chez les contrevenants en sursis et en probation, n’ayant jamais été

incarcérés.

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!!

63!

Concernant l’objectif plus précis de la recherche, même s’il est impossible de faire des

généralisations avec quatre cas dans une étude qualitative, nous pouvons tout de même

proposer que la désirabilité sociale joue un rôle dans la motivation au changement chez deux

des quatre participants à l’étude, soit le participant B et le participant D. Plus précisément, le

participant B éprouve un fort sentiment de honte vis-à-vis du délit commis et du mode de vie

délictuel. La désirabilité sociale est liée à ces deux éléments et augmente la motivation au

changement de monsieur B. Il veut plaire aux personnes de son entourage, à ses amis, sa

famille et ses collègues de travail ce qui le motive à adopter un mode de vie prosocial et à

poser les actions qui s’y rattachent. Il ne veut pas être perçu comme un délinquant, mais

comme quelqu’un d’honnête. Ainsi, il est possible de penser que si le fait de plaire aux autres

n’était pas si important pour lui, sa motivation au changement serait moins grande. Cependant,

la désirabilité sociale semble influencer seulement la motivation externe de cet homme. Il

cherche à plaire aux autres avant tout, avant même de se plaire à lui-même. Le participant D,

quant à lui, éprouve un sentiment de honte envers le délit commis et envers le regard des

autres qu’il juge désapprobateur, mais surtout, il éprouve un fort sentiment d’avoir déçu ses

enfants. Chez cet homme, contrairement au participant B, le fait de décevoir est plus important

que le fait de plaire. Il regrette le tort que le délit et la sentence ont causé à ses enfants. Or, le

regret est une émotion plus profonde, plus authentique. La désirabilité sociale, qui est en partie

liée au sentiment de honte et de déception vis-à-vis de ses enfants, influence de façon positive

sa motivation au changement.

Dans le cas des deux autres participants, le participant A et le participant C, la désirabilité

sociale n’a pas d’influence sur leur motivation au changement. Pour le participant C, la

désirabilité sociale influence seulement son discours et ses réponses aux questionnaires.

Monsieur C n’est pas prêt à envisager un changement potentiel ainsi, dans son cas la

désirabilité sociale n’engendre aucune modification concrète dans son comportement. Pour

finir, concernant le participant A, nous n’avions pas noté la présence de désirabilité sociale,

tant dans son discours que dans ses réponses aux questionnaires. Sa motivation au changement

est influencée uniquement par des facteurs externes comme le fait de vouloir éviter

l’incarcération.

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64!

L’échelle de désirabilité sociale utilisée dans cette étude ne permet pas de distinguer les deux

dimensions de désirabilité sociale soit l’autoduperie, qui décrit le désir de maintenir une image

positive de soi-même, et l’hétéroduperie, qui décrit la volonté de faire bonne impression

auprès des autres. La distinction entre ces deux dimensions devrait être étudiée davantage dans

le cadre de travaux futurs.

Finalement, la désirabilité sociale ayant un effet positif sur la motivation au changement de

deux des quatre participants à l’étude, il serait important d’étudier davantage les liens entre ces

deux aspects. Après avoir expérimenté à titre de stagiaire pendant plusieurs mois le travail

d’agent de probation, nous sommes d’avis que l’évaluation de ces deux aspects, la désirabilité

sociale et la motivation au changement pourrait contribuer à aider les agents de probation dans

leur travail. En effet, les études futures à ce sujet pourraient se concentrer sur le

développement d’échelles de désirabilité sociale mieux adaptées à l’univers carcéral puisqu’il

s’agit, selon nous d’une dimension importante de la motivation au changement. Cela

permettrait aux intervenants des Services correctionnels de mieux identifier les dimensions à

travailler pour soutenir la motivation au changement de leurs clients et d’identifier plus

facilement les personnes les plus à même de bénéficier des programmes d’aide offerts. Bien

entendu, une telle échelle pourrait aussi être déviée de son but de soutien au travail de relation

d’aide et être utilisé pour mesurer l’honnêteté ou la sincérité des personnes, ce qui serait très

mal comprendre la difficulté intrinsèque de changer.

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ANNEXE!A!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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FORMULAIRE DE CONSENTEMENT !

!Titre de la recherche : Étude des aspects subjectifs de l’expérience des personnes en cours de sentence. Chercheur : Perrine Madern, étudiante, Maîtrise en criminologie, Université de Montréal. Directeur de recherche : Dianne Casoni, Ph.D., École de criminologie, Université de Montréal. RENSEIGNEMENT AUX PARTICIPANTS

1. Objectif de la recherche Cette étude s’intéresse aux aspects subjectifs de l’expérience des personnes en cours de sentence afin de mieux comprendre ce qu’ils vivent.

2. Participation à la recherche

Votre participation consistera dans un premier temps à répondre à deux courts questionnaires en lien avec votre cheminement personnel au sein du système judiciaire et ensuite, à participer à une entrevue qui portera sur votre expérience personnelle et vos impressions par rapport au système carcéral et judiciaire.

3. Confidentialité

Votre nom n’apparaîtra sur aucun document de recherche. Seule l’étudiante le connaitra, il sera remplacé par un code sur tous les questionnaires et les notes d’entrevues qui seront traitées de façon confidentielle ; seules les personnes responsables de la recherche y auront accès. Aucune information permettant votre identification ne sera utilisée dans les produits de la recherche. Aucune information provenant de la participation à cette recherche ne sera communiquée aux intervenants concernés par votre suivi judiciaire ou carcéral.

4. Avantages et inconvénients

En participant à cette recherche, vous pourrez contribuer à l’avancement des connaissances sur l’expérience des personnes ayant affaire avec le système carcéral et judiciaire. Il n’y a pas de risques particuliers à participer à ce projet. Il est possible cependant que certaines questions puissent raviver des souvenirs désagréables.

5. Droit de retrait La participation à cette recherche est volontaire. Vous êtes libre de répondre ou non aux questions qui vous seront posées et de vous retirer à tout moment sans préjudice et sans justification nécessaire. Seul un avis verbal est suffisant pour vous retirer de la recherche.

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67!

CONSENTEMENT Je (nom et prénom)_____________________________________ déclare avoir pris connaissance des informations ci-dessus, avoir obtenu les réponses à mes questions et avoir compris les objectifs du projet, les avantages et inconvénients ainsi que les aspects liés à la confidentialité. Je consens à prendre part à cette recherche de mon plein gré et je sais que je peux me retirer en tout temps sans avoir à justifier ma décision. Nom :____________________________ Prénom :__________________________ Signature :____________________________ Date :______________________ Toute plainte relative à votre participation à cette recherche peut être adressée à l’ombudsman de l’Université de Montréal au numéro de téléphone (514) 343-2100 ou à l’adresse courriel [email protected] (l’ombudsman accepte les appels à frais virés). !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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ANNEXE!B!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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!ÉCHELLE DE DÉSIRABILITÉ SOCIALE

Strahan et Gerbasi (1972)

Instructions: Veuillez répondre par vrai ou faux. Indiquez le chiffre correspondant à votre réponse sur la feuille-réponse. 1 = Vrai 0 = Faux

1. Je n'hésite jamais à faire un effort pour aider une personne en difficulté.

2. Je n'ai jamais profondément détesté qui que ce soit.

3. Il m'arrive de me sentir irrité de ne pas avoir obtenu ce que je voulais. 4. Il m'est arrivé à quelques reprises d'abandonner quelque chose par manque de

confiance en moi-même.

5. J'ai parfois eu envie de me révolter contre les figures d'autorité, même si je savais qu'elles avaient raison.

6. Je me souviens d'avoir fait semblant d'être malade pour me tirer d'affaire.

7. Il m'est arrivé de profiter de quelqu'un.

8. Lorsque je commets une erreur, je ne refuse jamais de l'admettre.

9. J'essaie toujours de mettre en pratique les idées que je défends.

10. J'essaie parfois de me venger, plutôt que de pardonner et d'oublier.

11. Lorsque je ne connais pas une chose, je n'ai aucune difficulté à l'admettre.

12. Je suis toujours poli, même avec les personnes désagréables.

13. Il m’est arrivé d’insister pour que l’on fasse les choses à ma façon.

14. Il m’est parfois arrivé d’avoir envie de casser des choses.

15. Jamais il ne me viendrait à l’esprit de laisser quelqu’un d’autre être puni pour une

faute que j’aurai commise.

16. Je ne m’offusque jamais lorsqu’on me fait remarquer qu’un service en attire un autre.

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70!

17. Je ne suis jamais contrarié lorsque les gens expriment des idées très différentes des miennes.

18. Il m’est arrivé de ressentir une certaine jalousie devant la chance des autres.

19. Je me sens parfois irrité par les gens qui me demandent des services.

20. Je n’ai jamais dit volontairement quoi que ce soit qui puisse blesser quelqu’un.

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ANNEXE!C!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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!ÉCHELLE DE MOTIVATION AU CHANGEMENT

University of Rhode Island Change Assement Scale (McConnaughy, DiClemente, Prochaska et Velicer, 1989)

Voici un ensemble d'énoncés portant sur la façon dont vous percevez les problèmes qui vous ont amené à la DSPC. Lisez attentivement toutes les questions et répondez en indiquant le chiffre correspondant à votre situation. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Utilisez l'échelle ci-dessous: Fortement en

désaccord Moyennement en désaccord

Neutre ou indécis

Moyennement en accord

Fortement en accord

1 2 3 4 5 1. D'après moi, je n'ai aucun problème qui 1 2 3 4 5 nécessite un changement 2. Je pense que je suis prêt(e) à faire quelque 1 2 3 4 5 chose pour m'améliorer 3. Je fais quelque chose au sujet des problèmes 1 2 3 4 5 qui me dérangeaient 4. Ça vaudrait la peine de travailler sur mon 1 2 3 4 5 problème 5. Ce n'est pas moi qui ai un problème; ça n'a 1 2 3 4 5 pas de sens pour moi d'être ici 6. Ça m'inquiète de savoir que le problème 1 2 3 4 5 que j'avais réglé pourrait revenir, alors je viens ici pour chercher de l'aide 7. Je travaille enfin sur mon problème 1 2 3 4 5 8. J'ai pensé à changer quelque chose à 1 2 3 4 5 propos de moi-même 9. J'ai réussi à travailler sur mon problème, 1 2 3 4 5 mais je ne suis pas certain de pouvoir mettre les efforts par moi-même

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73!

10. Parfois, mon problème est difficile mais 1 2 3 4 5 je travaille dessus 11. C'est plutôt une perte de temps pour moi 1 2 3 4 5 d'être ici car le problème n'a rien à voir avec moi 12. J'espère qu'ici on m'aidera à mieux me 1 2 3 4 5 comprendre 13. Je suppose que j'ai des défauts mais il n'y 1 2 3 4 5 a rien que j'ai vraiment besoin de changer 14. Je travaille vraiment fort pour changer 1 2 3 4 5 15. J'ai un problème et je pense vraiment que 1 2 3 4 5 j'ai besoin de changer 16. Je n'ai pas persévéré aussi bien que je 1 2 3 4 5 l'avais espéré dans les changements que j'ai fait, alors je suis ici pour éviter que mon problème revienne 17. Même si je ne réussis pas toujours à changer 1 2 3 4 5 avec succès, au moins je travaille sur mon problème 18. Je pensais qu'une fois que j'aurais réglé mon 1 2 3 4 5 problème j'en serais débarrassé, mais parfois il m'arrive encore de me retrouver pris avec le même problème 19. J'aimerais avoir plus d'idées sur la façon 1 2 3 4 5 de régler mon problème 20. J'ai commencé à travailler sur mes 1 2 3 4 5 problèmes, mais j'aimerais avoir de l'aide 21. Peut-être qu'ici on va pouvoir m'aider 1 2 3 4 5 22. J'aurais besoin d'un coup de main en ce 1 2 3 4 5 moment pour m'aider à maintenir les changements que j'ai déjà faits

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74!

23. J'ai peut-être une part de responsabilités 1 2 3 4 5 dans le problème, mais je ne le pense pas vraiment. 24. J'espère que quelqu'un ici va pouvoir me 1 2 3 4 5 donner de bons conseils 25. N'importe qui peut parler de changer; moi 1 2 3 4 5 je fais vraiment quelque chose à ce sujet 26. C'est ennuyant ces discussions à propos de 1 2 3 4 5 psychologie. Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas juste oublier leurs problèmes 27. Je suis ici pour éviter que mon problème 1 2 3 4 5 ne revienne 28. C'est frustrant, j'ai l'impression que mon 1 2 3 4 5 problème pourrait revenir même si je croyais l'avoir réglé 29. J'ai des soucis comme tout le monde. 1 2 3 4 5 Pourquoi perdre du temps à y penser? 30. Je travaille activement sur mon problème 1 2 3 4 5 31. Je préfèrerais m'accommoder de mes défauts 1 2 3 4 5 plutôt que d'essayer de les changer 32. Après tout ce que j'ai fait pour essayer de 1 2 3 4 5 changer mon problème, ça revient encore m'obséder.

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RÉFÉRENCES!!

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