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Université Pierre et Marie Curie Année 2006-2007 Unité d’Enseignement LC 202 Atomistique et Liaison Chimique TRAVAUX PRATIQUES: spectroscopie atomique et moléculaire Lab. de Chimie Physique-Matière et Rayonnement 11 rue Pierre et Marie Curie 75231 PARIS cédex 05

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Université Pierre et Marie Curie Année 2006-2007

Unité d’Enseignement LC 202

Atomistique et Liaison Chimique

TRAVAUX PRATIQUES:

spectroscopie atomique et

moléculaire

Lab. de Chimie Physique-Matière et Rayonnement 11 rue Pierre et Marie Curie

75231 PARIS cédex 05

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TP n°3: SPECTROSCOPIE D'ABSORPTION DANS L'ULTRAVIOLET

Applications de la spectroscopie d'absorption UV

à l'étude des molécules organiques

A. Rappels théoriques

1. Introduction

Nous définissons le domaine des spectres ultraviolet-visible par les longueurs

d’ondes comprises entre 100 et 800 nm. (Les longueurs d’ondes indiquées ici

sont exprimées en nanomètre, symbole nm,1 nm = 1 mµ =10-9m = 10 Å)

L'absorption d'un photon correspondant à ce domaine peut provoquer une

augmentation (∆E = hc/λ) de l'énergie de la molécule de l'ordre de 1200 à 150

kJ.mol-1 (290 à 40 kcal.mol-1), conduisant à une modification de l'état

énergétique électronique, vibrationnel et rotationnel de la molécule, ainsi :

hν = (∆E) électronique + (∆E) vibrationnelle + (∆E) rotationnelle

La figure 1 précise l'importance de ces énergies, en prenant kT à température

ordinaire comme élément de référence.

Précisons que le domaine du visible s'étend de 350 à 800 nm, celui de

l'ultraviolet est donc défini par l'intervalle 100 - 350 nm. Pour des raisons

expérimentales, il faut distinguer la zone de l'UV lointain (100 à 200 nm), plus

difficilement accessible, et celle comprise entre 200 et 350 nm, zone explorée par

la plupart des spectromètres (UV correspondant à la transparence du quartz).

Considérons un échantillon gazeux, comportant de petites molécules, pour une

transition électronique, il existe différentes possibilités pour les transitions

vibrationnelles et rotationnelles, il y a donc absorption dans un assez large

domaine de longueurs d’ondes. (Des règles de sélection, dont nous ne parlerons

pas en détail, gouvernent le passage d'un état initial défini par les niveaux

rotationnel, vibrationnel et électronique, à l'état final).

Si le pouvoir de résolution du spectromètre n'est pas suffisant, nous voyons de

larges bandes d'absorption, et, quelquefois dans des conditions favorables, nous

pouvons résoudre la structure fine de vibration, problème que nous

n'examinerons pas ici. Pour les molécules complexes, (considérons celles non

rigides, formées de plus de cinq atomes, ce qui exclut des entités rigides telles

que le benzène), le nombre de transitions possibles est si grand, que le spectre

obtenu correspond à la superposition des raies très voisines et prend l'apparence

d'un spectre de bandes.

Pour les molécules organiques, nous savons que les électrons des liaisons

covalentes simples, telles que C-C et C-H, exigent des énergies assez importantes

pour qu'il y ait une excitation électronique : passage d'un électron d'une orbitale

moléculaire liante σ vers une orbitale moléculaire antiliante σ*. Les

hydrocarbures saturés absorbent seulement des radiations de grande énergie,

habituellement en-dessous de 160 nm (1600 Å), dans l'ultraviolet lointain. Ainsi

pour le méthane, la bande caractéristique est aux environs de 125 nm, pour

l'éthane à 135 nm.

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2. Différents types de transitions électroniques

2.1. Classification des transitions

Si nous représentons les niveaux d'énergie correspondant aux différentes

catégories d'orbitales, il existe des niveaux distincts pour chacune d'entre elles.

Nous distinguerons:

- les orbitales moléculaires liantes de type σ et π

- les orbitales moléculaires non liantes de type n (orbitales grossièrement

assimilables aux orbitales atomiques, ns et np par exemple)

- les orbitales moléculaires antiliantes σ* et π*

Les transitions couramment observées entre deux niveaux, sont regroupées dans

le tableau suivant avec les zones d'observation des bandes d'absorption.

(a) Noter qu'une augmentation de la conjugaison déplace généralement

l'absorption vers les grandes longueurs d’ondes et jusqu'au visible dans certains

cas (voir § 2.3.)

Donc en pratique, comme nous l'avions déjà souligné, nous constatons que les

molécules saturées (hydrocarbures) seront transparentes dans les régions

habituelles d'étude des spectromètres usuels du domaine UV-visible (200 à 800

nm). Par contre, les molécules contenant des groupes insaturés ou des

hétéroatomes: C = C; C = O; N = NO2 ; ... absorberont dans ces régions. Ces

groupes sont appelés chromophores.

2.2. Nomenclature et notation pour les données spectrales

La position des bandes d'absorption dépend de l'environnement des

chromophores étudiés. Une augmentation de la longueur d’onde d'absorption se

nomme effet bathochrome (déplacement vers le rouge). L'inverse,

correspondant à une diminution de la longueur d’ondes, est appelé effet

hypsochrome (déplacement vers le bleu). Ainsi, les donneurs d'électrons tels que

les groupements alkyle, hydroxyle, alkoxyde et amine déplacent l'absorption vers

les grandes longueurs d’ondes (décalage bathochrome). Ces groupements sont

dits auxochromes, car leurs effets renforcent ceux des chromophores. Une

augmentation de l'absorbance (voir § 4) (due à l'augmentation de ε) se nomme

effet hyperchrome. L'effet inverse, en d'autres termes une diminution de

l'absorbance, sera un effet hypochrome.

Transitions Domaines d'absorption Composés et types de liaisons

σ σ* UV lointain

(∼130 nm)

Alcanes : C - C; C - H

π π* UV moyen et proche (180 à 300 nm)

Aromatiques, polyènes(a) : C = C, ...

n π* UV proche (∼ 250 nm) et parfois visible

C = O ; C = S ; N = O ; ...

n σ* UV moyen et UV lointain (∼ 200 nm)

Composés saturés possédant un hétéroatome:

O; S; N; Br; I; ...

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3. Description d'un spectromètre

Les spectromètres du domaine UV-visible fonctionnent sur le même principe que

les spectromètres du domaine infrarouge. Cependant il faut noter quelques

différences dans la réalisation.

Sources: lampe à vapeur de mercure, lampe à tungstène ou lampe à deutérium ou

à hydrogène.

Monochromateur: s'il s'agit d'un prisme, le matériau utilisé doit être transparent

au rayonnement étudié (quartz dans l'UV, LiF dans l'UV lointain ou le visible).

Le monochromateur est généralement placé avant la traversée de l'échantillon par

le rayonnement, afin d'éviter l'échauffement trop important du produit étudié.

Détecteur: plaque photographique ou cellule photoélectrique ou

photomultiplicateur. Il faut retenir qu'un détecteur choisi n'a pas une courbe de

réponse telle qu'il soit utilisable dans tout un domaine : son emploi est limité à

une région.

L'appareil est du type double faisceau et comme nous l'avons souligné, une des

principales différences entre celui-ci et un spectromètre infrarouge, est liée à

l'emplacement de l'échantillon sur le chemin optique. Sur la figure 6, nous avons

représenté les deux sources: l'une émet dans l'ultraviolet (lampe au deutérium :

200 nm à 340 nm), l'autre dans le visible (lampe au tungstène: 320 nm à 800 nm).

Un système automatique permet d'utiliser l'une ou l'autre selon le domaine

exploré. Après traversée dans la fente d'entrée le faisceau pénètre dans le

monochromateur. Le système dispersif est un réseau holographique concave; le

faisceau provenant de la fente de sortie est monochromatique et va être envoyé

alternativement dans le circuit de mesure et dans le circuit de référence, grâce à

un miroir tournant. Après le passage dans les cellules les faisceaux sont dirigés

sur les détecteurs (2 photodiodes au silicium). Le compartiment de mesure est

maintenu à l'abri de la lumière.

4. Conditions générales relatives aux mesures

L'enregistrement des spectres UV-visible s'effectue à partir de solutions très

diluées. Il faut dissoudre dans le solvant choisi, une quantité de produit

convenable (de l'ordre du milligramme pour 100 cm3 de solvant lorsque la masse

molaire du soluté est voisine de 100 à 200). La cellule est construite de telle

façon que le faisceau incident traverse une épaisseur de solution égale à 1 cm.

Une cellule identique, remplie de solvant pur, est placée sur le faisceau de

référence. La plupart des appareils permettent d'enregistrer l'absorbance A ou

densité optique, en fonction de la longueur d’onde λ.

Dans la relation de BEER-LAMBERT l××ε=== cT1

logI

IlogA 0

Io: intensité de la lumière incidente

I: intensité de la lumière transmise

T: transmission

Les grandeurs intervenant couramment sont:

c: concentration en mol. L-1

λ: épaisseur de la cuve en cm

ε: coefficient d'absorption (ou d'extinction) molaire exprimé en L.cm-1.mol-1

(Ces dernières unités ne sont généralement pas mentionnées.)

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Les coefficients d'extinction molaire peuvent varier de 10 à 100000 et ainsi c'est

souvent le diagramme log ε en fonction de λ qui se trouve dans les données de la

bibliographie. Par exemple, pour une bande d'absorption donnée (sommet de la

bande), il est d'usage de préciser: λmax = 466 nm; ε = 122000 (pour cette

longueur d’onde) et parfois σ (nombre d’onde) égal ici à 21500 cm-1.

Le solvant employé doit être transparent dans la région à étudier. D'après ce qui a

été vu, sont utilisables en général dans l'ultraviolet lointain les solvants qui ne

comportent que des liaisons σ. Le plus commun est l'éthanol à 95% (l'emploi de

l'éthanol absolu n'est pas indiqué, parce qu'il est obtenu par distillation avec du

benzène (formation d'un azéotrope), or le benzène, même à l'état de traces, se

trouve être une impureté très absorbante). L'éthanol à 95% n'est pas très coûteux,

bon solvant dans la plupart des cas et transparent à partir de 210 nm jusqu'au

domaine du visible compris. Remarquons, que des structures fines peuvent être

obtenues dans le cyclohexane ou d'autres hydrocarbures qui, moins polaires,

présentent peu d'interactions avec des molécules dissoutes.

Nous retiendrons les zones d'emploi des solvants usuels (les longueurs d’ondes

données en nm sont valables avec une cellule de 1 cm).

Solvant Zones utilisables pour les solvants usuels (λλλλ en nm)

eau 200 - 800

cyclohexane 210 - 800

hexane 200 - 800

méthanol 210 - 800

éthanol 210 - 800

éther 220 - 800

B. Etude de quelques exemples

1. Mise en évidence des différentes transitions. Influence des substituants.

Quelques molécules possèdent, à l'état fondamental, des configurations électroniques

qui peuvent subir différentes modifications, pour aboutir à un état électronique excité

d'énergie élevée. Nous avons vu que le cas se présente par exemple avec des

composés contenant le groupe:

Pour un tel groupe, il y a la possibilité de porter les électrons π vers l'état excité π*,

comme pour une oléfine, pour donner lieu à une transition π π*.

Dans l'autre éventualité, les électrons non liants de l'oxygène peuvent être excités

vers l'état électronique de plus haute énergie π*, et l'absorption serait alors

caractérisée par une transition n π*, où n symbolise un état initial non liant

pour l'électron. Par exemple, pour l'acétone dans l'alcool éthylique, il existe 3

bandes à 150 nm, 190 nm et 270 nm, correspondant respectivement aux transitions

notées habituellement n σ*, π π* et n π*.

La substitution par des radicaux alkyle, hydroxyle ou des halogènes, déplace la

bande n π*. Les effets inductifs et de résonance agissent souvent

simultanément :

°°°

°C O

R

R' R'

R

C O°°°°°°

+ -

C O°°°°

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2. Influence du solvant

La position d'une bande d'absorption qui met en jeu des électrons non liants

(n π* entre autres) est particulièrement sensible à la polarité du solvant

utilisé, ce qui est logique puisque ces électrons sont privilégiés pour subir l'effet

du solvant polaire. Si le groupement en question est plus polaire dans l'état

fondamental que dans l'état excité, les électrons non liants dans l'état fondamental

sont stabilisés (par rapport à l'état excité). Ceci est réalisé, s'il y a formation d'une

liaison par pont hydrogène ou s'il existe une interaction électrostatique avec le

solvant. Par exemple, en présence de solvants hydroxylés, une paire libre

d'électrons du groupe carbonyle peut agir comme un donneur d'électrons vis à vis

de l'atome d'hydrogène du solvant pour former une liaison par pont hydrogène.

La formation de cette liaison abaisse l'énergie de l'orbitale n d'une quantité

approximativement égale à l'énergie de la liaison par pont hydrogène. L'énergie

d'association par liaison par pont hydrogène, devient nulle dans l'état excité, car

un électron quitte l'orbitale non liante et l'électron restant n'est plus suffisant pour

maintenir à lui seul l'association, l'état excité est donc le même dans les deux cas.

Donc le déplacement hypsochrome (en passant de l'hexane à l'alcool) est en

rapport avec l'énergie de la liaison hydrogène qui existait dans l'état fondamental.

3. Etude du phénomène de tautomérie (desmotropie)

Les composés possédant deux groupements carbonyles non conjugués,

présentent, à côté d'une bande d'absorption n π*, un spectre compliqué

par le phénomène de tautomérie cétone-énol.

Exemple: l'acétylacétone

Forme cétonique Forme énolique

CH 3C

O

CH 2C

O

CH 3 CH 3C

O

CHC

OH

CH 3 CH 3C

CH

O

C

O

CH 3

H

Les deux formes, cétonique et énolique, absorbent toutes deux aux alentours de

270 nm (cf. Tableau précédent), mais l'intensité de la bande n π* de la

forme cétonique est beaucoup plus faible que celle de la bande π π* de

l'énol (ε = 100 pour la première, 12000 pour la seconde). L'expérience montre

que c'est le composé donnant la plus grande résonance qui présente la plus

grande valeur de ε. Nous pouvons donc déterminer le degré de transformation par

une simple mesure de l'absorbance. La constante d'équilibre cétone-énol varie

avec la nature du solvant. L'énol (en configuration cis) est stabilisé par une

liaison par pont hydrogène interne. En présence de solvant polaire, cette liaison

est brisée et remplacée par une liaison par pont hydrogène entre le solvant et le

groupe carbonyle, et la concentration d'énol diminue. Donc, plus le solvant est

polaire et protique, plus le pourcentage d'énol est faible. Cette variation peut être

étudiée par spectrométrie UV.

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C. Manipulation

ATTENTION: prendre soin de rincer, soigneusement et plusieurs fois, les cuves

avec de l'acétone (technique) avant chaque mesure. Il est alors indispensable de

les sécher à l'aide d'un jet d'air comprimé en opérant avec le plus grand soin.

- Influence du solvant sur les transitions n → → → → ππππ* de l’acétone

1) Représenter schématiquement la molécule d’acétone.

2) Calculer le volume d’acétone pure à prélever pour préparer 25 mL d’une

solution d’acétone à 5.10-2 mol.L-1 dans les deux solvants fournis: eau distillée et

cyclohexane.

3) Calculer la concentration exacte de la solution d’acétone diluée en tenant

compte du volume d’acétone pure effectivement prélevé.

4) À partir des spectres d’absorption enregistrés sur le domaine 220–320 nm pour

chacune des deux solutions d’acétone diluées:

a) Déterminer la valeur de la longueur d’onde λmax correspondant au maximum

d’absorption.

b) Représenter sur un diagramme énergétique la position des niveaux

électroniques n et π* de l’acétone en fonction du solvant utilisé.

c) Calculer l’écart énergétique ∆E (kJ.mol-1) de ces niveaux électroniques.

d) En déduire la valeur de l’énergie ∆EH (kJ.mol-1) de la liaison hydrogène.

e) Indiquer les valeurs respectives de l’absorbance A.

f) En déduire la valeur du coefficient d’absorption molaire εsol.

g) Conclure en commentant l’effet du solvant sur:

i) la valeur de λmax

ii) la valeur de εsol

Données:

2- Influence du solvant sur l’équilibre des formes cétonique et énolique de

l’acétylacétone

1) Représenter schématiquement les formes cétonique et énolique de la molécule

d’acétylacétone.

2) Calculer les volumes de solution-mère à prélever pour préparer 10 mL de

solution-fille de concentrations respectives regroupées dans le tableau suivant:

Concentration (mol.L-1) Solution-mère Solution-fille

Acétylacétone + eau 1,02.10-2 3.10-4

Acétylacétone + cyclohexane 9,95.10-4 5.10-5

Masse volumique (g.cm-3) Nombre d’Avogadro (mol-1)

ρacétone = 0,79 NA = 6,022.1023

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3) Calculer la concentration exacte de chacune des solutions-filles en tenant

compte du volume de solution-mère effectivement prélevé.

4) À partir des spectres d’absorption mesurés sur le domaine 220–320 nm pour un

échantillon de chacune de ces deux solutions-filles:

a) Déterminer la valeur de la longueur d’onde λmax correspondant au maximum

d’absorption.

b) Indiquer les transitions responsables du maximum d’absorption dans la gamme

de longueurs d’onde [220–320] nm.

c) Indiquer les valeurs respectives de l’absorbance A.

d) En déduire la valeur du coefficient d’absorption molaire εsol. Commenter son

sens de variations.

5) En raisonnant à partir du fait que chacune des solutions-filles est constituée

d’un mélange des formes cétonique et énolique, dont la constante d’équilibre

varie sensiblement en fonction du solvant utilisé:

a) Exprimer le coefficient d’absorption molaire εsol de la solution en fonction du

coefficient d’absorption molaire des formes énolique et cétonique pures.

b) En déduire l’expression du % de forme énolique présente en solution en

fonction de εsol, εénol pur et εcétone pur.

c) Calculer le % de forme énolique présente dans chacune des deux solutions-

filles. Conclure.

Données:

ε ( mol-1.L.cm-1)

Forme énolique εénol pur = 12000

Forme cétonique εcétone pur = 100

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