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UNE ZONE A RISQUES : LE LITTORAL DE LA CAMARGUE ( DELTA DU RHONE). EVALUATION DU RECUL DES PLAGES ET ANALYSES PREVISIONNELLES Jean Joseph BLANC Observatoire des Sciences de l'Univers Faculté des Sciences de Marseille-Luminy 13288 Marseille Cedex 9 Programme "Analyses des séries à long termt:" Résumé : Recul de certaines portions du littoral de la Basse Carmargue (delta du Rhône) ; situations dangereuses avec risques de submersion et rôle des tempêtes exceptionnelles; effet de tendance long . Evaluations quantitatives par !'observations de profils de références. Validité des cycles relevés . Essais de prévisions à court terme ; vérifications des modèles utilisés ; modèles autorégressifs . Essais de prévisions à long terme (séries de Markov) et difficultés d'interprétation. Avenir du littoral de la Camargue, problème de la remontée du niveau mann. Mots clés : érosion marine, plages, prismes détritiques, Camargue, delta du Rhône, France , analyse des profils littoraux, séries chronologiques, essais d'analyses prévisionnelles . Abstract : Very high erosion rates occur along the Camargue coastal beaches . An analysis has been made of beaches profiles measured during a 30-year period. Severa! methods of examining the data contained in the profiles were used including : temporal smoothing, autocorrelation and spectral analyses, stochastic transition matrix and Markov chain analysis . Simulatiuon models were constructed and run to portray the past trends and to predict future conditions . In this manner, areas of high erosion risk were indentified . Key words : marine erosion, beaches, shore detritic sand bodies, Camargue, Rhône delta, France, shore-profile analysis, chronological sequences, shoreline forecasting analysis . ETAT DU PROBLEME ; METHODES UTILISEES : Le littoral de la Camargue constitue un exemple très démonstratif du recul d'une côte sableuse. Ce dernier semble résulter d'actions combinées où interviennent les facteurs climatiques et météorologiques locaux, les houles incidentes obliques, le déficit des apports sédimentaires aggravé par une surélévation continue du niveau marin ( 1,3 mm/an ; Blanc et Faure, 1992). Les repères installés par la Compagnie des Salins du Midi sur plusieurs profils de référence (fig. 1) permettent une évaluation quantitative des avancées ou reculs de la côte sur une période de près de trente ans, dès 1960. Le "pas" de mesure utilisé est le mois . D'où l'obtention de séries chronologiques à Beauduc, Faraman, ancien sémaphore de Faraman et plages de Paulet (fig. 1).

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UNE ZONE A RISQUES : LE LITTORAL DE LA CAMARGUE ( DELTA DU RHONE). EVALUATION DU RECUL

DES PLAGES ET ANALYSES PREVISIONNELLES

Jean Joseph BLANC Observatoire des Sciences de l'Univers

Faculté des Sciences de Marseille-Luminy 13288 Marseille Cedex 9

Programme "Analyses des séries à long termt:"

Résumé : Recul de certaines portions du littoral de la Basse Carmargue (delta du Rhône) ; situations dangereuses avec risques de submersion et rôle des tempêtes exceptionnelles; effet de tendance long . Evaluations quantitatives par !'observations de profils de références. Validité des cycles relevés . Essais de prévisions à court terme ; vérifications des modèles utilisés ; modèles autorégressifs . Essais de prévisions à long terme (séries de Markov) et difficultés d'interprétation. Avenir du littoral de la Camargue, problème de la remontée du niveau mann.

Mots clés : érosion marine, plages, prismes détritiques, Camargue, delta du Rhône, France , analyse des profils littoraux, séries chronologiques, essais d'analyses prévisionnelles .

Abstract : Very high erosion rates occur along the Camargue coastal beaches . An analysis has been made of beaches profiles measured during a 30-year period. Severa! methods of examining the data contained in the profiles were used including : temporal smoothing, autocorrelation and spectral analyses, stochastic transition matrix and Markov chain analysis . Simulatiuon models were constructed and run to portray the past trends and to predict future conditions . In this manner, areas of high erosion risk were indentified .

Key words : marine erosion, beaches, shore detritic sand bodies, Camargue, Rhône delta, France, shore-profile analysis, chronological sequences, shoreline forecasting analysis .

ETAT DU PROBLEME ; METHODES UTILISEES :

Le littoral de la Camargue constitue un exemple très démonstratif du recul d'une côte sableuse. Ce dernier semble résulter d'actions combinées où interviennent les facteurs climatiques et météorologiques locaux, les houles incidentes obliques, le déficit des apports sédimentaires aggravé par une surélévation continue du niveau marin ( 1,3 mm/an ; Blanc et Faure, 1992).

Les repères installés par la Compagnie des Salins du Midi sur plusieurs profils de référence (fig. 1) permettent une évaluation quantitative des avancées ou reculs de la côte sur une période de près de trente ans, dès 1960. Le "pas" de mesure utilisé est le mois . D'où l'obtention de séries chronologiques à Beauduc, Faraman, ancien sémaphore de Faraman et plages de Paulet (fig. 1).

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figure 1 - situation des plages étudiées .

Si A est la valeur du signal (exemple: taux d'érosion), la serie chronologique A= f (t) montre un effet de tendance (fig. 2) marqué par un gradient - A / - t auquel se superposent des cycles courts , aléatoires ou déterministes .

La suppression de l'effet de tendance long permettra d'isoler la part d'observations relevant de rythmes périodiques (série stationnaire) ou non. Les chroniques montrent des oscillations complexes ; l'effet de tendance se traduit par un recul continu du rivage et la possibilité de destruction, à moyen terme, d'une partie de la Basse-Camargue (Blanc, 1979, 1989).

Cette menace sur le littoral nous a conduit à une surveillance aérienne du trait de côte depuis 1960 (repères IGN et Compagnie des Salins du Midi), accompagnée d'un essai d'analyse prévisionnelle. A plusieurs reprises, les défenses littorales ou la ligne de dunes ont été temporairement rompues, accompagnées d'inondations au niveau des salines et des "enganes" (tempêtes de 1981, 1982, 1984, 1985, ... ). D'où l'intérêt de l'estimation des taux de reculs probables à court et moyen termes.

La démarche a été conduite de 1%0 à 1977 (17 ans). Les observations ont été continuées jusqu'à maintenant. Ce décalage volontaire nous a permis de vérifier la validité des modèles testés en les confrontant avec les données d'observations.

Ces appréciations amènent à l'établissement d'un schéma évolutif pour les quatre sites choisis afin d'orienter des mesures de protection.

De l'Ouest vers l'Est, nous examinerons successivement les profils littoraux de Beauduc, Faraman, Sémaphore de Faraman et plage de Paulet.

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BEAUDUC EST GRAU DE LA DENT :

Les plages de Beauduc correspondent à une zone de transfert vers l'Ouest et de fortes houles obliques dirigées vers la Pointe des Sablons. Il s'agit d'un littoral déficitaire avec un recul de 113 m suivi d'une "recharge" naturelle de 23 men 17 ans (taux moyen d'érosion : 4,8 m/an).

L'érosion est cependant continue (effet de tendance "long") , aggravée par les amaigrissements résultant des tempêtes successives (effet de mémoire) en un secteur très exposé aux vagues déferlantes. Une reprise modérée de l'accrétion constitue une sauvegarde provisoire. On peut se demander ce que signifie réellement cette dernière ... Une protection relative est assurée par le pro-delta sous-marin du lit occidental du Vieux Rhône (Bras de Fer) , abandonné au XVIIIème siècle.

Les déferlements correspondent à un système de trois rides littorales parallèles. A la haute plage et à une ligne de dunes fragiles, fait suite une zone inondable vulnérable (côtes de 0,1 m à 0,2 m). Plus à l'Est (Grau de la Dent), l'érosion montre une activité préoccupante du fait de courants sagittaux multiples et par la présence d'une ride amincie unique . Le cordon dunaire est interrompu de "couloirs de tempêtes" à 0,3 met 0,5 m.

Un lissage polynômial d'ordre 3 montre une tendance cyclique longue, supérieure à 35 ans, vers un état d'accrétion à la suite des phases d'érosion sévères à taux variables, dessinant une séquence oscillante, confirmée par l'analyse des déviations (tests du x 2 et de Kolmogorov­Smirnov).

- le modèle de Holt (lissage linéaire exponentiel, avec ou sans variations saisonnières ; Bensaber et Bleuse-Trillon, 1989) montre un bruit de fond à petits cycles avec variances élevées. Le recul du littoral se ralentit sans cesser avec une ablation de 20 m. En éliminant les variations saisonnières , on relève une accrétion nette en progression régulière ainsi que de petits cycles de 4,5 ans assez conformes à la réalité.

- le modèle exponentiel de Brown (12 pas de prédiction : un an), pour une constante de lissage a= 0,3, correspond à de petits cycles de 2 ans, 2,5 ans et 4,5 ans avec un bilan déficitaire et une tendance à la stabilisation (érosion: recul de 18 m).

- le modèle de Winter (lissages saisonniers, prédictions de séries à fortes fluctuations), pour 12 pas de prédiction, réglage des constantes de lissage: a= 0,1, B =V0,2 et o = 0,2, souligne la persistance du déficit sédimentaire malgré une accrétion de 8 m.

- un :modèle quadratique vérifie un effet de tendance long supérieur à 37 ans et une reprise de l'accrétion assez voisine du modèle de Brown .

L'accrétion récente, pour les données ajustées, correspond à de petits cycles répétés légèrement supérieurs au bruit de fond. La série brute est autocorrélée significativement jusqu'au pas de 16 mois (r passe de 0,88 à 0,55).

- l'utilisation du modèle prédictif ARIMA Box-Jenkins (autorégression sur moyennes mobiles intégrées), pratiquée sur les données brutes dépour vues de facteur de saisonnalité, donne un résultat significatif (93,06 % au-dessus du bruit blanc ; prédiction pour 24 pas= 2 ans). On prévoit une continuation modérée de l'érosion moyenne de la plage (ablation de 18 m) assez voisine des vérifications récentes.

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FARAMAN SUD

Au Sud du nouveau phare de Faraman se situe une zone dangereuse à érosion rapide, la plus menacée du secteur deltaïque, malgré la protection d'une double ride à extension plus réduite vers l'Est.

Les zones inonqables par tempêtes et forts orages se développent lors de la mise en charge des anciens méandres du Bras de Fer. On remarque l'extrème fragilité du cordon littoral constituant la seule défense naturelle. La zone dangereuse de Faraman pose un problème courantologique : jusqu'au pro-delta du Vieux Rhône, le flux moyen transite de l'Ouest vers l'Est. A l'Est de la Pointe à la Mer, on note un déplacement résultant en sens contraire, de l'Est vers l'Ouest. Ce système antagoniste est labile, accompagné par des circuits tourbillonnaires mal connus. Cette zone est en recul depuis trois siècle (Blanc, 1977, 1979).

Les données brutes lissées montrent une tendance séculaire de recul entrecoupée d'accrétions faible ( 10 à 17 m) . Ici, le déséquilibre est maximum.

- le modèle de Brown (lissage exponentiel) confirme une érosion de 7 m/an.

- une décomposition saisonnière (méthode multiplicative ; 12 pas= 1 an) sur les moyennes mobiles centrées confirme une accrétion récente observée (8 m) avec un renversement probable de la tendance longue amenant un répit temporaire. Or, la série est significativement autocorrélée sur 24 pas (2 ans), avec r = 0,86 à 0,53.

- une analyse spectrale sur la série détendantialisée fait apparaître quelques cycles significatifs (test de Kolmogorov-Smimov) à 4,3 ans et 2,3 ans ("Quasi-biennal oscillation" ou Q.B.O).

- le modèle prédictif ARIMA doit être interprété avec réserve (62 % au-dessus du briut blanc). Il confirme cependant l'engraissement prévu et observé de 8 m, mais le bruit de fond important masque une grande partie des signaux à haute fréquence.

SEMAPHORE DE FARAMAN : (fig. 2)

A la limite orientale de la digue de protection (Sémaphore ruiné), on relève une érosion forte, oscillante, entrecoupée d'engraissements temporaires. Le degré de risque demeure élevé en bordure de zones très basses peu défendues. Ici, des tourbillons et rides obliques sont observés ainsi que plusieurs départs de courants sagittaux. Le flux sédimentaire est maintenant dirigé nettement de l'Ouest vers l'Est mais la protection sous-marine du pro-delta du Vieux Rhône demeure atténuée.

La tendance érosive moyenne, suivie de 1960 à 1978 (fig. 2), présente un taux moyen de 2,3 m/an entrecoupé de saccades (ralentissements, voire accrétions) observées jusqu'en 1991. L'analyse des déviations confirme l'influence de "cycles" superposés à fréquences variables. Les lissages montrent un net ralentissement de la tendance et la possibilité d'une phase d'accrétion (5 m), confirmée par le modèle quadratique ( 13 m) et le modèle exponentiel (12 m).

- le modèle de Brown prédit une accrétion à 18 m avec un renversement temporaire de la tendance.

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• - la décomposition saisonnière (multiplicative) sur les données ajustées montre

un cycle à 2,2 ans - 2,3 ans (Q.B.O ?) superposé aux cycles annuels.

- le périodogramme réalisé après élimination de la tendance isole les cycles significatifs suivants : 4,8 ans ; 3,6 ans et 2,3 ans (Q.B.O ?).

· - un bruit blanc trop important- Re nous permet aucune prévision valable malgré plusieurs réglages du modèle ARIMA (Bensaber et Bleuse-Trillon, 1989).

PLAGES DE PAULET :

Depuis 1960 on surveille un amaigrissement du littoral sableux tendant vers un état d'équilibre probable. Qu'en est-il exactement? Doit-on redouter le contournement des défenses de Faraman?

Très exposées aux tempêtes, les plages de Paulet et de Piémansson comportent un système protecteur de double ride. Malgré celà l'érosion du sable dénude des bancs de vases palustres (anciennes roselières) témoignant d'un recul de la côte atténué par la présence du pro­ delta très récent de Piémansson.

Au droit du bras colmaté de Piémansson, devenu un marécage, s'étend une large zone inondable (côtes à 0,2 m, 0,3 m ; 0,4 m) dépourvue de défense naturelle. La digue de Paulet est insuffisante pour entraver la submersion d'une onde de tempête combinée à une élévation du plan d'eau. Plusieurs couloirs de submersion sont observés et fonctionnels lors de tempêtes dites "moyennes".

Malgré des effets moins spectaculaires qu'à Faraman et aux Saintes Maries de la Mer, la zone paraît sérieusement menacée à moyen terme. La dérive ordinaire du flux littoral, orienté de l'Est vers l'Ouest, occasionne un tourbillon anti-horaire au pro-delta. Deux faits soulignent l'urgence de mesures de protection :

1 : présence de plusieurs axes de courants sagittaux. 2 : réduction des rides sous-marines.

Les variations du trait de côte montrent de fortes oscillations avec une tendance discrète vers un état stable de 1965 à 1983. Les pertes hivernales de 1966-1967 avaient été compensées en deux années pour un recul de 35 m. Celles de 1972, accompagnées d'un recul de 60 m, demandèrent six années entrecoupées d'oscillations annuelles très irrégulières. Dès la tempête de 1984, le déficit s'accentue avec un recul de 55 m en deux années. Malgré un "effet de mémoire" accompagnant la résorbtion de l'ablation des tempêtes, la tendance vers une certaine stabilisation du rivage persiste (fig. 3).

On remarquera d'abord l'irrégularité et la variance élevée des petits "cycles" superposés à l'effet de tendance. Un lissage polynômial d'ordre 3 confirme un taux moyen d'érosion de 2,4 m/an. L'accélération récente de ce dernier est-elle une manifestation du bruit de fond ou l'amorçe d'une phase érosive nouvelle?

- un essai du modèle de Brown n'a été vérifié que pour une durée n'excédant pas deux années (recul de 7 m). Même remarque pour un essai avec le modèle de Holt (recul de 6 m). Les prévisions à plus long terme (4 ans et davantage) n'ont point été conf ormes aux faits.

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- le modèle de Win ter, avec lissage saisonnier, réglé à : a = 0, 1 ; B = 0, 1 et a = 0,2 ; paraît conforme sur 4 années. Il met en évidence un bilan défi ci taire s'accroissant lentement avec de petites oscillations : accrétions de 6 m ; 3 m ; reculs de 15 met 17 m ; non contradictoires avec les faits.

- l'analyse de Fourier, après en lèvement de la tendance (lissage polynômial d'ordre 3), montre des cycles significatifs à 6,26 ans ; 3,07 ans ; 1,98-1,96 an ; non encore expliqués. La série demeure autocorrélée (r = 0,85 à 0,46) sur 15 mois.

Les essais du modèle ARIMA sur la série chronologique détendantialisée ont été statistiquement rejetés (tests négatifs, brnit blanc trop important) . Or, les positions de rivages prédites n'ont pas été conformes aux observations sur le terrain, ce qui souligne l'intérêt et les limites des modélisations dans le domaine des prédictions de l'érosion littorale .

ANALYSE DES CHANGEMENTS D'ETAT DES PLAGES : MATRICE DE TRANSITIONS; ANALYSE DE MARKOV ET SIMULATIONS A LONG TERME:

La séquence des "états" des plages, définie pour chaque profil de référence, durant la période des mesures est représentée sous la forme d'un tableau (i lignes et j colonnes). On définit les sept "états" suivants :

Labe:!.

ETF EF E:!n Eq A'~ AF ATF

Type è.'é~at

Erosion très forte forte moyenne

Equilibre relatif Accré~ion faible à ::ncyenne

forte trés forte

Gr~dient mesuré : reculs eu avances en m par mois <pas utilisé)

) = -40 à -15 m -14 à -7 m -ô à -2,5 m

-2,5 < à 2,5 ~

> 2,5 à 7 :::l

> 7 à 15 m

> 15 à >= 30 ::n

Pour chaque profil, on établit une matrice des transitions (ou passages) observés d'un "état" à l'autre en adoptant un pas mensuel. On transforme ensuite ia matrice { M } i,j (i = j) en une matrice des probabilités de transitions { P } i,j où la somme de chaque ligne est égale à 1,0.

Certaines portions de la série chronologique présentent des ébauches de chaînes de Markov, à forte mémoire, notamment après un cycle de fortes tempêtes ou un anticyclone prolongé. Alors, les informations des cellules P i,j sont proches de la diagonale de la matrice (Miall, 1973 ; Carr, 1982).

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Ces !X)rtions sont séparées par des intervalles où les fluctuations sont aléatoires . Le système montre en ces cas un mode dispersé, dé!X)urvu de mémoire, où les probabilités de transitions P i,j ne dévoilent aucune ordonance.

Un logiciel de simulation, !X)Ur chaque profil choisi et pour la période d'observation, calculera les matrices probabilistes corres!X)ndant aux périodes futures jusqu'au moment où l'équilibre théorique littoral est atteint (si tel est le cas) ainsi que la matrice des transitions { P n+ 1 i,j } d'où la situation future des plages pour le profil considéré à ce moment (Swift, 1972 ; Weishar et Word, 1983). Si l'équilibre n'est jamais atteint, cas fréquent, on pourra suivre l'évolution des "états" ETF, ... à ... ATF au cours du temps par la valeur calculée des matrices successives:

{ P 1 i,j } ; { P 2 i,j } ; .... ; { P n+l i,j}

Le système com!X)rte des "états" suivants :

EfF EF Em Eq Am AF ATF

ETF et ATF, situations extrèmes, sont considérées comme des "états absorbants" limitant une chaîne de Markov où les autres "états" EF ... AF demeurent communicants.

"ETATS" ETF EF E:x:: Eq A1n AF ATF lt ?r□bab. SITES

G::-au à.e !a Dent 0,18 0,30 0, 12 0,06 0,08 0,20 0,06 1,0 ---------------------- ------------------------------------------ ---------Fa::-a:r:ian Sud 0, 05 0,22 0,22 0, 11 0, 16 0,18 0,06 1,0 --------------------- ------------------------------------------ ---------Sé::::iapho::-e de Fa::-arnan 0,02 0,18 0,32 0,07 0,25 0, 13 0,03 1,0 --------------------- ------------------------------------------ ---------Paulet,G::.-ande Palun 0,05 0,18 0,22 0,15 0,27 0,11 0,02 1,0

Proba:ilité àes "états" 0,075 0,219 0,217 0,096 0, 192 0,160 0,038 1,0

- à Beauduc Est et au Grau de la Dent, le maintien d'une situation dangereuse est confirmé !X)Ur plusieurs siècles dans la mesure où les conditions initiales du système demeurent inchangées. L'équilibre n'est !X)int atteint lorsque les calculs sont poussés (jusqu'à la période 46 ... ). Mais les !X)Ssibilités d'accrétion augmentent de 16 à 22 % dans le futur, constituant une base favorable à la construction d'ouvrages de protection. D'où la confirmation des modèles de Brown, Winter et ARIMA .

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- à Faraman Sud, les mêmes remarques peuvent être formulées : les dernières tempêtes de 1984, 1985 ne sont point encore totalement compensées. Un effet de mémoire des ablations très fortes peut se manifester sur sept à dix ans. Les très fortes érosions diminueront vers un état d'équilibre théorique prévu à la période 23 (575 ans). Le bruit de fond important et la faible durée de nos observations ne nous permet pas de vérifier une reprise proche de la sédimentation massive.

- au Sémaphore de Faraman, la confortation du rivage se traduit par un certain amortissement des taux d'érosion malgré la lente compensation des tempêtes 1983-1985 . La simulation montre la persistance d'une situation dangereuse et le calcul a été arrêté sans atteindre l'équilibre (au bout de 45 périodes ... ). Le bruit blanc trop important n'a point permis un contrôle par le modèle ARIMA.

- les plages de Grande Palun et du Paulet confirment un déficit en sédiment et la menace d'un contournement des ouvrages de Faraman. La simulation aboutit cependant à un état d'équilibre à long terme (plusieurs siècles). En attendant, on prévoit une diminution des érosions fortes (de 7,5 % à 2,4 %) et une augmentation des accrétions moyennes (de 19,21 % à 30,6v%). Le bilan déficitaire général n'est confirmé que pour de courtes périodes dans le futur ( quelques années ; modèle de Winter).

Pour l'ensemble des profils étudiés, il demeure difficile, sinon impossible, de confronter les simulations à long terme (analyses de Markov) aux prévisions à court terme, issues des observations et masquées par un bruit de fond important (modèles autorégressif s, linéaires, exponentiels).

CONCLUSIONS

Deux ordres de résultats peuvent être dégagés :

I - Sur le plan local : érosion continue.

Le littoral du delta du Rhône (petite Camargue, Est de Beauduc, Faraman, Paulet, Piémansson) est l'objet d'une érosion active liée à une tendance séculaire ou pluridécennale. A cette dernière se superposent des oscillations "érosion-accrétion" de nature déterministe (rythmes) ou aléatoire (tempêtes exceptionnelles). Les variations du trait de côte y sont spectaculaires depuis trois siècles (cartes de Cassini, travaux de Lenthéric) ; elles peuvent amener des situations dangereuses pour les étendues inondables et très basses du delta, les territoires dela Réserve ainsi que les installations des salines (Petite Camargue, Faraman, Paulet, Piémansson).

Les risques de submersion, liés aux ondes incidentes obliques des tempêtes (Est, SE, SSE, OSO) et au déficit en sédiments sableux (actions anthropiques sur le bassin rhôdanien) sont aggravés par une lente remontée du niveau de la mer au taux de 1,3 mm/an (Pirazzoli, 1986, 1989 ; Paskoff, 1987 ; Blanc et Faure, 1992). Les impacts météorologiques (fronts, dépressions) déclanchent des systèmes de courants sigittaux ("rip-currents") très érosifs pour des houles obliques à période supérieure ou égale à 7 s.

Les passages d'une situation à l'autre (transitions) soulignent l'évolution du rivage. Certaines portions de la série chronologique montrent des ébauches de chaînes de Markov à

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forte mémoire, notamment après un cycle de tempêtes ou un anticyclone prolongé . Ces effets peuvent perdurer plusieurs années avant de s'aténuer. Les séquences markoviennes sont séparées par des intervalles où les fluctuations sont aléatoires. Le résultat est un recul continu du rivage, régulier ou non selon les secteurs, conduisant à moyen terme à la destruction d'une partie de la Basse Camargue .

II - Analyses prévisionnelles de l'évolution du trait de côte ; A la recherche d'un modèle efficace :

Après élimination d'un effet de tendance important (gradient d'érosion), les périodogrammes significatifs (test de K '.)lmogorov-Smimov) mettent en évidence der ~ycles annuels (hautes fréquences), à 2,3 ans (peut-être corrélés à la Q.B .O), à 6,0 ans et 6,2 ans, puis 8,24 ans. Les rythmes liés aux taches solaires ("sun spots") n'ont pas été observés .

Les traitements opérés conduisent à un essai d'analyse prévisionnelle afin d'estimer les taux de recul probables à court et moyen terme. La démarche a été conduite sur 17 années (de 1960 à 1977) et volontairement décalée afin de vérifier la validité des modèles testés confrontés avec les données de terrain jusqu'en 1990.

* Le modèle de Brown (lissage exponentiel) permet d'éliminer les valeurs accidentelles. Il prévoit une ablation continue de plusieurs mètres à court terme, - ce qui a été vérifié.

* Le modèle de Holt (lissage linéaire-exponentiel) paraît moins efficace mais amplifie les petits cycles "érosion-accrétion" souvent masqués par une composante aléatoire.

* Le modèle de Winter (lissage saisonnier), autocorrélé significativement sur 16 mois, souligne un effet de mémoire de la série.

* Le modèle prédictif Box-Jenkins ARIMA (autorégression, moyennes mobiles intégrées) appliqué à la série brute est ici caractérisé par un bruit de fond important. Pour une série où l'on prend en compte l'effet de saisonnalité, les résultats peuvent être significatifs avec un seuil de probabilité de 0,63 à 0,74 au-dessus du bruit blanc. D'où l'information d'une continuation de l'érosion à court terme (quelques années), confirmée par l'observation, avec des phases de paliers et de recharges locales (Beauduc, Paulet) :

- pour Beauduc, le modèle de la série détendantialisée est conforme aux données de terrain : érosion ralentie, probabilités d'accrétion à court terme .

- à Faraman, les modèles portant sur les différences saisonnières et non saisonnières, prédisent une érosion active accompagnée d'un régime instable comportant plusieurs oscillations .

- à la plage du Paulet : continuation et ralentissement de l'érosion.

Les prédictions à long terme (plusieurs décennies, un à trois siècles) font appel à une simulation basée sur l'analyse de Markov. L'équilibre du système n'est jamais atteint ou alors au bout d'un nombre de périodes important correspondant à plusieurs siècles . Les résultats prédits ne peuvent être vérifiés, contrairement aux modèles précédents. Cependant, les matrices de "états" probables calculées, pour les toutes premières périodes du système, peuvent donner des indications interessantes quant aux situations futures en considérant, au départ, la permanence des conditions actuelles-:

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- à Beauduc Est, Grau de la Dent : équilibre non atteint et situation dangereuse à long terme _malgré une progression de l'accrétion.

- à Faraman : de fortes érosions continueront en diminuant vers un état d'équilibre lointain .. . Donc, situation dangereuse et secteur à équiper en priorité .. . ou laisser la mer accomplir son oeuvre. Plus à l'Ouest (Sémaphore ancien), l'équilibre n'est pas atteint.

- pour les plages du Paulet, Grande Palun et Pièmansson, la simulation aboutit à un état d'équilibre à long terme, à la suite d'une longue période d'un gradient érosif décroissant accompagné d'une accrétion moyenne en progression .

La montée régulière du niveau de la mer susceptible de modifier ces prévisions dans le sens d'une submersion accélérée . Or, le modèle ARIMA, sur la série brute, avec une prohsibilité de 0,737 montre une remontée linéaire rapide de+ 9,5 cm (référence: zéro= niveau de 1880) à + 23 cm pour les cinquante années à venir . Le modèle de régression linéaire prédit un niveau à + 13 cm en 2013 (Jones, 1990; Pirazzoli, 1989; Blanc et Faure, 1992).

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