UNE PRODUCTION HEIDEGGÉRIENNE«Na House» par l’architecte Sou Foujimoto

Goudal Andréa 2016

Analysedelamaison«NaHouse»enrelationaveclesénoncésdeHeideggerconcernantlelienparl’architecturedel’hommeetsonenvironnement.

Danssaconférencenommée«Bâtir,Habiter,Penser»prononcéaumoisd’aout

1951danslavilledeDarmstadtenAllemagne,MartinHeidegger,philosopheallemand,énonce et qualifie ce qu’il convient d’être nécessaire à l’architecture pour qu’ellepermettre à l’homme «d’être au monde» et de se réaliser en acceptant le monde. Ilévoquelanécessitépourl’architecturedeconsidérerlesiteetderéaliserleQuadriparti,autrementditdetisserlesliensentrelemortel,laterre,lecieletlesdivins.Ilconvientaujourd’hui d’interroger les énoncés de Heidegger en cherchant, par l’analyse etl’explication de projet d’architecture contemporain, à comprendre comment lesarchitecturesparviennentàréaliserl’articulationdudedansetdudehors.Pourcefaireet révéler les signes qui perdurent dans l’architecture; les projets médiatisés etprésentantdesécrituresditesnonconventionnellesdeviennent intéressantsdans leurpotentiel à pouvoir exprimer des qualités spatiales et «trajectives» (Berque A,Écoumène,2000)avecleursenvironnements.L’habitat conçu par l’architecte japonais Sou Foujimoto, appelé «Na House» reprendcette figure singulière. Située dans un quartier animé de la ville de Tokyo, lamaisoninterpelle et questionne fortement quant à ces usages et la manière dont l’architectecrée une relation forte entre le dedans et le dehors. Au-delà d’un simple enjeud’architecture, cette relation est l’élément structurant et perceptible de cetteconstruction.Mais exprimer cette relation, suffit-elle à la réaliser?Pour ce faire,nousétudieronslesélémentsmatérielsetimmatérielsmisenœuvreparl’architecte,afindelesmettreenrelationaveclesénoncésd’Heidegger. Le quartier de Suginami au Japon est unquartier ancien constitué demaisonsbassesetmassives.Aujourd’huicequartierrevêtuneidentiténouvelle,devenueunlieuoùilfaitbonêtrelesusagesontconsidérablementévolué.Lelieus’estdynamiséetlaviesocialeyestdevenueintense.La«NaHouse»constructionrésolumentcontemporainepeutàpremièrevueparaîtredécontextualiséetenruptureaveccetenvironnementfaitdebâtiancienenbéton.Maislorsquel’onyréfléchit,onestendroitdesedemandersicette identité ne tient pas plus de l’usage que font les habitants de ce quartier plutôtqu’aucaractèredesontbâtidéfraichi.Àcetitre,la«NaHouse»tissedesliensfortsaveccetenvironnement,maisnesesoustraitpasauxcodesdesconstructionsalentour.D’unehauteur conventionnelle de trois étages, lamaison adopte à l’image de l’ensemble duquartierl’occupationtotaledesapetiteparcellerectangulaire,toutesautressimilitudess’arrêtant là. Sou Foujimoto a en effet voulu réaliser un véritable «événementarchitectural» pour ce faire il décide de pousser à leurs extrêmes les codes de laconstruction.Cettemaisondevientdèslorsunvéritableprojetoniriqueconçupouruncouple japonais, elle est composée de plusieurs boites «transparentes» s’empilant etsoutenueparunearmatureenacier.Cette transparenceestà la foiscequi luiconfèreson identité et ce qui génère sa singularité d’usage. En effet, les passants peuventlittéralementlireautraversdesmurscequefontleshabitantsdelamaison.Certainsyverront un problème d’intimité, il n’en est rien dans la culture japonaise. Pour lesJaponais, la transparence est une manière de s’ouvrir au monde, d’accepter et d’êtreaccepté par lemonde, car l’on se présente tel que l’on est, il faut y voir une sincéritécomparable à la transparence de l’esprit. Lorsque Heidegger parle de rassembler lesdivins,ilévoqueainsilefaitdecomprendrecequeNorberg-Schulzappellele«géniedulieu»oulescaractéristiquesquifontexisterunlieuentantquelieuetquiledifférenciedetoutautrelieu.Danslecasprésent, l’architecturedoitaccepterlelieuetc’estparlaconformationavecsescodesquel’architecteréalisecetteacceptation.Latransparenceestainsilamanièrequ’ilemploiepourpermettreàl’hommedeselieraveccelieuetàl’architecture d’accueillir le lieu en son centre. Aspect renforcé par la sensation delégèretéquidérobeàl’architecturetouteenviedes’imposeraucontexte.

Unelégèretéquel’architectesoulignedanslastructureetlacompositionmêmedesonarchitecture.Ainsi,seulslesdifférentspaliers,quicaractérisentlesniveauxetlesusages, sont soulignés. Sou Foujimoto utilise la métaphore de l’arbre ou les paliersdéfinissentlesbranchesetlastructureletroncélancédecetobjetnatureletsymboliquedanslaculturejaponaise.L’arbreestlamanièredecréerlerapportausol,évoquantlalégèreté, la souplesseet la stabilité,une représentationquiagit enexcellencedansunpays où la fréquence et la violence des séismes sont sans précédent avec toute autrerégionhabitéedumonde.L’architecte«dompte»ainsiàsamanièrecemilieuetpermetàl’hommed’accepteretd’êtreacceptédanscelieu.Cerapportausolneselimitepasàcetterelationtectonique,lamanièredontlespalierssontorganisésnelaisseapparaîtreaucunesimilitudeaveclesconstructionsditestraditionnelles.Eneffet,chaqueétageesticisignifiéparuneélévationdeseulementquelquesmarches,decefaitlesoloriginelsedéveloppedepuislerez-de-chausséejusqu’audernierniveaudansunecontinuitédoucemarquée par le déploiement spatial d’une multitude d’usages. Il se crée ainsi un«développement occupé» du sol. Le rez-de-chaussée est à ce titre laissé brut,l’architecteutilise lerevêtementexistantet luiaccordeuneimportance identiquesicen’est supérieure au reste du projet. Sou Foujimoto tisse ainsi un lien physique etsymbolique avec la terre, utilisé comme support, comme continuité, commearchitecture.

Onauracomprisquelaprésentehabitationspatialiselesusagesetleurconfèredesqualitéspropresquecesoitentermedelumière,devues,desurfaceouencoredematérialité. Cette spatialisation permet à l’homme de vivre une véritable expériencequotidienne,originalitédontl’architectedétientlaspécialitédanscesprojets.Cars’ilestun enjeu déterminant pour cet architecte c’est bien l’homme. Pourquoi faire de ladécomposition d’usages, l’élément prédominant d’une architecture si ce n’est pour lamettre en relation avec l’homme? Ainsi l’architecte adopta une approcheanthropologiqueenétudiantlesaspectsphysiquesetculturelsdescommanditaires.Lesdimensions des différentes boites résultent de ces études. De cette manière les 21plateformes,toutessituésurdeshauteursdifférentesinvitentàl’appropriationd’unouplusieursmembresdelafamille.Cesontautantdepetitsespacesdanslesquelsonpeutseprojeter,s’installeretseréaliser.Enfinalité,architectureetusagéssemêlentdetellesortequelesescalierspeuventdevenirdeschaises,lespaliersdestables,lemobilierdesseuils le tout qualifié par la transparence de l’enveloppe ou les limites visuellesdisparaissent.Àtelpointquelatransparencedelademeurecréeuneatmosphèreoùlepiétonextérieurseprojetteauseinmêmeduprojetetl’habitantsevoittelunoccupantdesespacesextérieursdecequartierenmouvance.Leshommessontainsirassemblésdanscettearchitecturepermettantl’introspectionassuméeafinqu’ilspuissentprendrepleinementconsciencedeleurêtreaumonde.

Cetêtre-là,présencequotidienneetpuissantequeviventleshabitantsdela«NaHouse»est le résultat créeparcettearchitecturequipuise sa forcedans les relationsquelleentretientavecl’extérieur.L’élévationdespaliers,véritableascensionspirituellemène au dernier niveau qui n’est rien d’autre que la toituremême de l’habitation. Anouveau et communément maintenant les habitudes se bousculent, l’ensembled’espacessuspendusetouvertsfontquetantôtlesoldevientplafondettantôtleplafonddevientsol.Audernierétage,àl’extérieurdelamaison,leseulplafondrestantestleciel.Lecielquioccupedemanièreomniprésentel’espacedelamaisonparlerefletqu’ilcréesur le vitrage de l’enveloppe, nous enveloppe ici de sont tout physique et immatériel.L’homme seprojette ainsi dansun étage supérieur ou le ciel deviendra sol duquel oncontemplelemondepoursevoirenlui.SouFoujimoton’arrêtepaslàsarelationavecleciel, lorsque l’on parle de ciel on parle également de climat, là encore l’architecte nedérogepasàsesprincipesetutilisecequecertainsnomesdescontraintesclimatiquescommeréelatoutdeconception.Àcetitre,leventtrèsprésentdanscetterégionpermetgrâce aux nombreuses ouvertures de ventiler cettemaison de verre, la pluie ruissellesur la constructionet ses vitrespour l’envelopper.Et SouFoujimotodedire lorsd’un

entretient«J’aivouluquecettemaisonquiaupremierabordparaissesortied’unautremondeetd’uneautreculturepuisse lorsquel’ons’y intéresse,révélerqu’elleparticiped’un lien fort avec son quartier. Qu’elle utilise les variations climatiques pour sestructurer et procurer à ses habitants des expériences sensibles hors normes afin derecréer le lien entre les hommes et la planète.» Véritable paraphrase contemporaineheideggérienne, nous sommes en droit de nous demander si celui-ci ne l’aurait pasaccompagnédans l’établissementde ceprojet, telquepeut l’écrireouvertementPeterZumthorlorsqu’ilparledelaconceptiondestermesdeVals.Cette architecture onirique, unique et identitaire révèle des qualités étonnantes.L’édifice qui expose toute la vie d’une famille est une véritable synthèse entre«excentricité»et«facilités».Danscetteconstructionoùlapositionducorpsdéfinitlesespaces, la relation entre intérieur et extérieure est un principe structurant d’unegéométrie infinie. Une dualité s’opère alors, la maison peut être considérée commecomposéed’unemultitudedepiècesouàl’inverse,n’êtrequ’uneseulepièce.C’estavanttoute une réflexion sur le mode d’habiter, une manière de sortir des stéréotypes etd’apporterdunouveau,durêvedansunenvironnementsouventvidedesens.Onpeutainsidirequela«NaHouse»,àsamanière,rassembleauprèsd’ellelaterre,leciel,lesdivinsetlesmortels.Ellepermetàl’hommederésorberlesentimentd’étrangetéensefamiliarisant avec son contexte environnant, un habitat qui devient un pont entre lesujetetlemonde.

CréditphotographiqueIwanBaanSource(www.Iwan.com)

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