UNE ETUDE DES EFFETS DE L’ACTIONNARIAT …20Caramelli... · mais surtout à Béatrice Gaillard de...

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UNIVERSITE MONTPELLIER II SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC THESE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE MONTPELLIER II Discipline : SCIENCES DE GESTION Ecole Doctorale : ECONOMIE ET GESTION Soutenue publiquement le 18/12/2006, par Marco CARAMELLI JURY Charles Henri D’ARCIMOLES, Professeur, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Rapporteur Susan C. SCHNEIDER, Professeur, HEC Genève, Rapporteur Nathalie COMMEIRAS, Maître de Conférence HDR, Université Montpellier II, Directeur de Thèse Alain BRIOLE, Professeur, Université Montpellier II, Co-Directeur de Thèse Christophe FOURNIER, Professeur, Université Montpellier II, Examinateur Caroline LABREGERE, Responsable Actionnariat Salarié, Schneider Electric SA, Examinateur UNE ETUDE DES EFFETS DE L’ACTIONNARIAT SALARIE DANS LE CONTEXTE DE L’ENTREPRISE MULTINATIONALE : UNE APPROCHE ATTITUDINALE INTERCULTURELLE

Transcript of UNE ETUDE DES EFFETS DE L’ACTIONNARIAT …20Caramelli... · mais surtout à Béatrice Gaillard de...

  • UNIVERSITE MONTPELLIER II SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC

    THESE

    Pour obtenir le grade de

    DOCTEUR DE LUNIVERSITE MONTPELLIER II

    Discipline : SCIENCES DE GESTION

    Ecole Doctorale : ECONOMIE ET GESTION

    Soutenue publiquement le 18/12/2006, par

    Marco CARAMELLI

    JURY

    Charles Henri DARCIMOLES, Professeur, Universit Paris 1 Panthon-Sorbonne, Rapporteur Susan C. SCHNEIDER, Professeur, HEC Genve, Rapporteur Nathalie COMMEIRAS, Matre de Confrence HDR, Universit Montpellier II, Directeur de Thse Alain BRIOLE, Professeur, Universit Montpellier II, Co-Directeur de Thse Christophe FOURNIER, Professeur, Universit Montpellier II, Examinateur Caroline LABREGERE, Responsable Actionnariat Salari, Schneider Electric SA, Examinateur

    UNE ETUDE DES EFFETS DE LACTIONNARIAT SALARIE DANS LE

    CONTEXTE DE LENTREPRISE MULTINATIONALE : UNE APPROCHE

    ATTITUDINALE INTERCULTURELLE

  • LUniversit nentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises

    dans cette thse. Ces opinions doivent tre considres comme propres leur auteur.

  • A la Mmoire de mes Grand-Mres, Luisa et Angelina

    A ma Mre

    A Chantal

  • Remerciements,

    Je tiens en premier lieu remercier mes directeurs de thse, Nathalie Commeiras et le

    Professeur Alain Briole, pour mavoir soutenu et encourag dans tous les moments difficiles,

    et pour mavoir fait bnficier de leur exprience. Je les remercie galement de mavoir laiss

    beaucoup de libert dans mes diffrents choix, mme lorsquils ne les partageaient pas

    totalement, et de mavoir fait ainsi preuve dune grande confiance.

    Je souhaite galement remercier Madame le Professeur Schneider et Monsieur le Professeur

    DArcimoles, de lhonneur quils mont fait davoir accept dtre les rapporteurs de ce

    travail.

    Jexprime galement toute ma gratitude Caroline Labregre et au Professeur Christophe

    Fournier, pour avoir accept dvaluer cette thse.

    Bien videmment, je tiens remercier tous ceux sans laide desquels la partie empirique de

    ma thse naurait jamais pu tre celle quelle est. Je pense notamment Marc Mathieu, de la

    FEAS, Jean-Claude Mothi, Vincent Dutfoy et Nelly Voyeux de la FAS, Jacques

    Guichenduc de Socit Gnrale Asset Management, Monique Deshraud de lAFTAS,

    mais surtout Batrice Gaillard de Lafarge, Caroline Labregre de Schneider Electric et

    Isabelle Coquelle-Ricq du Groupe Crdit Agricole.

    Un grand merci au Professeur Van de Vijver, qui a accept de rpondre mes innombrables

    questions sur linvariance de mesure, aux Professeurs Jean-Claude Usunier, Barbara Byrne,

    Robert Vandenberg, Lynn Van Dyne, et tous ceux qui nont pas hsit rpondre mes

    sollicitations.

    Je tiens galement remercier tous ceux qui ont accept dvaluer les items de mes chelles

    de mesure. Je pense notamment Corey Rosen, Harri Triandis, Panu Kalmi ou Ali Abbas.

    La phase de traduction des questionnaires a t un point particulirement difficile et long de

    ce travail. Ceci naurait pas t possible sans laide de nombreuses personnes. Un grand merci

    donc Roberta, Davide, Alberto, Nuria, Yael, Vanessa, Sandra, Loly, Paul, Albert, Valrie et

    tous ceux qui ont particip ce travail de traduction.

  • Durant les annes de ma thse, jai t accueilli chaleureusement dans diverses institutions. Je

    souhaitais ici faire part de mon amiti et de ma gratitude toutes les personnes qui ont rendu

    ces sjours agrables et enrichissants.

    Je souhaite remercier en particulier Magali, Laetitia et Ccile de Dell S.A., Sbastien, Lionel,

    Nicole, Sophie, Bruno et Laurence du Dpartement GEA de lIUT de Montpellier, Yamina,

    Claudine, Christine et toute lquipe administrative de lIAE de Montpellier, et en particulier

    Eric Stphany, Charles Louis Oriou et Emmanuel Houz de lIAE de Montpellier pour leur

    soutien et le grand respect quils ont eu mon gard. Merci galement tous les enseignants,

    assistants de recherche et personnels administratifs du Groupe Sup de Co Montpellier. Je suis

    tout particulirement reconnaissant Dominique, Corinne et Hlne qui mont permis de

    bnficier de conditions de travail optimales.

    Je remercie galement Tom Smither pour son accueil chaleureux lors de mon sjour UNC

    Chapel Hill, et le Dr.Annette Cox pour son accueil la Manchester School of Management, sa

    bienveillance mon gard et pour son amiti.

    Un grand merci bien videmment toute lquipe du CREGO. Je commencerai par M. le

    Directeur Bernard Fallery, qui a su transmettre sa culture des relations humaines tout le

    laboratoire et qui ma permis de bnficier dun environnement de travail particulirement

    agrable. Merci Maryse et Monika qui ont partag mes joies et mes peines pendant ces

    annes.

    Un grand merci ceux qui mont aid en relisant des extraits de ma thse et notamment

    Gilles, Ketty, Anglique, Isabelle, Fanny, Eve et Hugues.

    Merci galement Benjamin, Benot, Nicolas, Alexandre, Tanawut, Natasha, Carole,

    Caroline, Batrice et Yann pour avoir fait du CREGO un lieu de travail performant et

    agrable

    Un grand merci enfin mes amis et collgues du collectif EORN, Nicolas, Xavier et Eric.

  • SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE...1

    PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT

    SALARIE DANS LE CONTEXTE DE LA GRANDE MULTINATIONALE.16

    CHAPITRE 1. ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES: REVUE DE LA

    LITTERATURE ET PROPOSITION DUN MODELE THEORIQUE. .......................................................................... 17

    SECTION 1. LACTIONNARIAT DES SALARIES : DEFINITION, ETAT DES PRATIQUES ET EFFETS

    ORGANISATIONNELS. .......................................................................................................................................................... 17

    SECTION 2. VERS UN MODELE DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE : UNE

    INTEGRATION DE LA LITTERATURE........ 58

    CHAPITRE 2. LADAPTATION DU MODELE DE RECHERCHE AU CONTEXTE DU GRAND

    GROUPE MULTINATIONAL : UNE ETUDE EXPLORATOIRE AUPRES DE PROFESSIONNELS DE

    LAS ET DACTIONNAIRES SALARIES. ....................................................................................................................... 140

    SECTION 1. LA DEMARCHE DE RECHERCHE ............................................................................................................... 140

    SECTION 2. RESULTATS DE LETUDE............................................................................................................................. 153

    SECTION 3. LES APPORTS DE LETUDE QUALITATIVE A LA CONSTRUCTION DES HYPOTHESES DE

    RECHERCHE...................................... 251

    PARTIE II : INSTRUMENTS DE MESURE, TESTS DU MODELE DES EFFETS ATTITUDINAUX DE

    LACTIONNARIAT SALARIE ET EFFETS MODERATEURS DES VARIABLES CULTURELLES267

    CHAPITRE 3. CONSTRUCTION ET VALIDATION DES INSTRUMENTS DE MESURE...................................... 268

    SECTION 1. LA CONSTRUCTION DES ECHELLES......................................................................................................... 274

    SECTION 2. LA VALIDATION DES INSTRUMENTS DE MESURE................................................................................ 336

    CHAPITRE 4. ACTIONNARIAT SALARIE, ATTITUDES ET VALEURS CULTURELLES : TESTS

    DES HYPOTHESES DE RECHERCHE............................................................................................................................ 426

    SECTION 1. TESTS EMPIRIQUES DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE..................... 430

    SECTION 2. ACTIONNARIAT SALARIE ET ATTITUDES AU TRAVAIL : TESTS EMPIRIQUES DES EFFETS

    MODERATEURS DES VALEURS CULTURELLES........................................................................................................... 475

    SECTION 3. DISCUSSION DESRESULTATS..................................................................................................................... 495

    REFERENCES BIBIOGRAPHIQUES.....526

    LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES............................................................................................................................. 551

    TABLE DES MATIERES..556

    ANNEXES...560

  • INTRODUCTION GENERALE

    1

    INTRODUCTION GENERALE

  • INTRODUCTION GENERALE

    2

    Que ce soit en philosophie, en conomie, en politique ou dans les sciences, on retrouve

    des dogmes et des penses dogmatiques dans tous les domaines de lactivit humaine.

    Selon le Petit Larousse Illustr, un dogme est 1- Un point fondamental et considr comme

    incontestable dune doctrine religieuse ou philosophique. 2- Une croyance, opinion ou

    principe donns comme intangibles et imposs comme vrit indiscutable.

    Il semblerait que lHomme ait un besoin inn de catgoriser (Sales-Wuillemin, 2006) pour

    simplifier et apprhender ainsi la complexit du monde.

    La combinaison de penses dogmatiques et de catgorisations finit par aboutir au processus

    de dnigrement.

    On retrouve le triptyque dogme-catgorisation bipolaire-dnigrement dans de nombreux

    exemples bien connus. En politique, par exemple, on est forcment de droite ou de

    gauche . Le fait de tenir un propos assimilable lun des deux camps conduit instantanment

    y tre catgoris et tre dnigr par lautre camp.

    Nous avons vu galement le cas de la guerre en Irak qui a cre aux Etats-Unis le dogme selon

    lequel tre contre la guerre en Irak signifiait ne pas tre patriote.

    La recherche acadmique nchappe pas malheureusement, ce phnomne, avec lternelle

    opposition entre recherche qualitative et quantitative ou entre constructivisme et positivisme.

    Nous avons toujours trouv que ces catgorisations riges en dogmes, faisaient preuve dun

    manque de pertinence qui conduisait bien souvent un dfaut defficacit.

    Le clivage gauche-droite en politique en est un exemple frappant : comment peut-on

    raliser des actions efficaces au niveau global, si celles-ci sont conues au dpart pour ne

    satisfaire que les intrts de certains (les lectorats de chacun) ?

    De mme, nest-il pas davantage pertinent de considrer les approches qualitative et

    quantitative comme diffrentes tapes dun mme processus plutt que de les opposer ?

    Comment est-ce possible que des individus, hommes politiques ou chercheurs, qui ont des

    comptences intellectuelles de haut niveau, soient victimes du phnomne et continuent

    se satisfaire de ces clivages fallacieux, mythiques ou idologiques (Martinet, 1990, p.9) ?

    Christian Morel expliquerait certainement cela par la coexistance intime entre un bricolage

    cognitif et une comptence de type scientifique chez les mmes individus , selon laquelle

    les processus de raisonnement enfantin perceptifs et intuitifs ne disparatraient pas chez

    ladulte. Ils ne seffaceraient quaprs avoir t inhibs pour laisser intervenir la comptence

    analytique et dductive de type scientifique. Mais cette inhibition ninterviendrait pas

    systmatiquement (). La comptence de type scientifique serait alors suspendue, laissant le

  • INTRODUCTION GENERALE

    3

    champ libre lmergence ou la rsurgence des processus enfantins supposs rvolus.

    (Morel, 2002, pp.167-168).

    Pour certains psychologues, le besoin dappartenance un groupe serait fondamental

    lquilibre psychologique des individus (Dubois, 2005, pp.54-55). De mme, lappropriation

    dune ide ou dun concept abstrait, ou lappartenance un courant dogmatique, permettraient

    lhomme de satisfaire des besoins fondamentaux tels que la construction de son identit

    ainsi que le besoin de possder un territoire ou un espace (Pierce, Kostova, & Dirks, 2001,

    p.300).

    Le besoin de se rattacher un dogme, de catgoriser les individus comme tant dans ou hors

    du dogme, et de dnigrer ces derniers, coexisterait donc avec la pense analytique et logique

    apprise.

    Selon Morel (2002, p.187), les individus mobiliseraient leurs connaissances analytiques ou

    des bricolages cognitifs selon le contexte. Ainsi, le chercheur qui sexprime dans le contexte

    dune production scientifique, mobiliserait les connaissances apprises lors de sa formation et

    reconnatrait par exemple la complmentarit des approches qualitative et quantitative.

    Cependant, sorti du contexte de travail, le bricolage cognitif prendrait le dessus, et il aurait

    tendance catgoriser systmatiquement les individus comme chercheurs constructivistes ou

    positivistes et finirait immanquablement par rabaisser ceux qui ne sont pas dans la catgorie il

    se positionne lui-mme.

    Le travail de recherche que nous allons prsenter trouve certainement sa source dans ces

    rflexions qui ne se basent pas sur une tude systmatique des questions abordes, mais qui

    sont des simples ractions lobservation de lenvironnement.

    Nous avons toujours essay dviter le pige du catgoriser pour dnigrer et avons t

    souvent sduit par la pense divergente, quitte nous faire parfois l avocat du diable .

    Nous avons donc vu le fait que des salaris puissent tre galement actionnaires, comme un

    pav dans la mare de la sacro-sainte opposition entre capital et travail (Etner, 2000; Wolff,

    1989).

    Comment les syndicats allaient-ils ragir ce contresens apparent ? Les salaris allaient-ils

    devenir schizophrnes en esprant tre licencis pour que la valeur de leurs actions

    augmente ? Comment les dirigeants allaient-ils grer une ressource humaine constitue de

    stockholders ?

    Cest principalement pour ces raisons que nous avons t amen travailler sur lactionnariat

    des salaris dans le cadre de notre mmoire de DEA.

  • INTRODUCTION GENERALE

    4

    Concernant lapproche interculturelle, elle trouve sa source dans deux lments : le premier

    est li notre histoire personnelle, alors que le deuxime rsulte de rencontres avec des

    professionnels de lactionnariat salari.

    Nous sommes nous-mmes, en tant quimmigr italien, imprgn des cultures italienne et

    franaise la fois. Il arrive souvent que les recherches interculturelles soient entreprises par

    des individus ayant un profil multiculturel (Van de Vijver & Leung, 1997, p.29). De plus,

    nous avons toujours eu ce got pour la dcouverte de nouvelles cultures, ce qui nous a conduit

    frquenter diffrentes communauts et raliser des sjours aux Etats-Unis ainsi quau

    Royaume-Uni dans le cadre de notre doctorat.

    Un deuxime lment la source de ce choix, concerne des changes eus avec deux

    consultants spcialiss dans lactionnariat salari (AS dans la suite) au dbut de notre

    recherche. Nous souhaitions avoir leur avis sur le type de connaissance dont ils avaient besoin

    dans lexercice de leur travail. Les deux nous ont rpondu que les approches internationale et

    interculturelle taient certainement celles pour lesquelles ils manquaient le plus de savoir.

    Ceci nous a donc conduit tudier lactionnariat des salaris dans une optique interculturelle.

    Lors de notre revue de littrature sur lactionnariat salari, nous nous sommes tout dabord

    intress aux travaux conomiques et financiers, qui tendent montrer que lAS aurait des

    effets positifs sur la performance des entreprises, value partir de divers indicateurs

    (Arcimoles (d') & Trbucq, 2003; Bradley, Estrin, & Taylor, 1990; Jones & Pliskin, 1988;

    Kruse & Blasi, 1997). En ce qui concerne les mcanismes suggrs, la plupart des auteurs

    rattachent leffet de lAS sur la performance un changement dans les attitudes et les

    comportements des salaris au travail (Ben-Ner & Jones, 1995; Kruse, 1996; Welbourne &

    Cyr, 1999).

    Ceci nous a alors conduit tudier la littrature psycho-sociologique, qui sest penche plus

    particulirement sur les effets attitudinaux de lAS. Depuis larticle fondateur de Klein

    (1987), trois modles sont gnralement utiliss pour expliquer les processus par lesquels

    lAS peut agir sur les attitudes des salaris. Le Modle de Satisfaction Intrinsque ,

    suggre que la proprit mme dactions de la part des salaris est la variable cl qui explique

    limpact psychologique de lAS. Le Modle de Satisfaction Extrinsque , suggre que

    lAS a un effet attitudinal positif sil est financirement intressant. Enfin, le Modle de

    Satisfaction Instrumentale , estime que ce sont les droits linformation et la dcision lis

    lAS qui expliquent le mieux ses effets attitudinaux (Klein, 1987, pp.320-321).

  • INTRODUCTION GENERALE

    5

    Les tests de ces trois modles ont fait lobjet de diffrents types de recherches, qui se

    distinguent par la manire de conceptualiser la proprit mme dactions (comparaisons

    actionnaires / non actionnaires au sein de la mme entreprise, niveau dactionnariat individuel

    ou collectif), la valeur financire de lAS pour les salaris (variation du cours de laction,

    montant des contributions de lentreprise), ou les droits linformation et la prise de

    dcision (participation perue, disposition du droit de vote).

    Dans lensemble, trois conclusions principales ont merg des trois dcennies de recherche

    ralises dans le courant psycho-sociologique. Tout dabord, lAS en soi, ne semble pas

    conduire des changements attitudinaux majeurs. Ensuite, les effets positifs ventuels de

    cette pratique de management, sont lis sa capacit gnrer des droits participer la

    dcision et des gains financiers pour les salaris (Pendleton, 2001, p.158). Enfin, le troisime

    rsultat concerne le concept de sentiment de proprit psychologique . Pierce et ses

    collgues notamment, (Pierce et al., 2001; Pierce, Kostova, & Dirks, 2003; Pierce, Rubenfeld,

    & Morgan, 1991; Van Dyne & Pierce, 2004) estiment que lAS a des effets attitudinaux

    positifs condition que les salaris dveloppent un sentiment de proprit vis--vis de

    lentreprise travers l actionnariat (Pendleton, 2001, p.159).

    Lune des limites de ces travaux est certainement leur manque de fondements thoriques. Il

    sagit en effet pour la plupart, de recherches essentiellement empiriques dpourvues

    dexplications conceptuelles des phnomnes tudis (Pierce et al., 1991, p.122).

    De plus, la grande majorit des tudes ont t ralises dans le contexte dentreprises de taille

    limite (Kruse & Blasi, 1997). Or, en France, la pratique de lAS est surtout dveloppe dans

    les grandes entreprises et ce pour diffrentes raisons (Dondi, 1994, p.59). Tout dabord, lAS

    dans les socits non cotes, souffre des problmes dvaluation et de liquidit des actions

    (Maillard, 1993, p.61; Pendleton, Poutsma, van Ommeren, & Brewster, 2001, p.51). De plus,

    les cots de la mise en place de plans dAS sont importants, ce qui dcourage bon nombre de

    petites entreprises. Enfin, le dveloppement de lAS en France est d en grande partie aux

    privatisations des grandes entreprises dEtat dans les annes 1986-1988 (Saint Gobain,

    Socit Gnrale), 1993-1997 (Elf, Renault), 1997-2000 (France Tlcom, EADS) et

    en 2005 avec la privatisation dElectricit de France. La Loi du 6 aot 1986, prvoit en effet

    que 10% du capital vendu par lEtat doit tre propos en priorit aux salaris, et ceux-ci ont

    gnralement rpondu massivement ces offres (FAS, 2006, p.34).

    Se pose alors la question de savoir dans quelle mesure les principes dvelopps dans la

    littrature Anglo-Saxonne auprs dentreprises de petite taille, sappliquent galement aux

    grands groupes multinationaux. Les contextes sont en effet diffrents sur plusieurs points.

  • INTRODUCTION GENERALE

    6

    La littrature empirique sur lAS se rfre souvent des entreprises majoritairement dtenues

    par les salaris. Dans les grands groupes franais en revanche, les salaris ne dtiennent

    souvent que quelques pourcents du capital (FAS, 2006, p.45). Une autre diffrence importante

    et qui relve davantage du modle extrinsque, concerne la capacit des salaris influencer

    individuellement la performance organisationnelle. Selon la thorie des attentes de Lawler

    (1971, p.108), un lment de rmunration li la performance ne peut motiver les salaris,

    que sil existe un lien entre performance individuelle et performance organisationnelle. Or, si

    cette condition est envisageable dans une petite organisation, elle ne lest pas dans un grand

    groupe.

    Face au dveloppement de lAS dans les grandes entreprises franaises, il semble important

    den tudier les effets attitudinaux dans ce contexte particulier.

    La littrature existante est galement essentiellement Anglo-Saxonne. La plupart des auteurs

    sont originaires des Etats-Unis, du Canada Anglophone, du Royaume-Uni et de Nouvelle-

    Zlande. Or, les recherches en management interculturel montrent que les effets attitudinaux

    des pratiques de management dpendent en partie des valeurs culturelles des salaris

    (Hofstede, 1983a, p.75; Robert, Probst, Martocchio, Drasgow, & Lawler, 2000, p.643).

    Etant donn que les grands groupes franais ouvrent depuis plusieurs annes leurs plans dAS

    lensemble de leurs filiales trangres, se pose galement la question de la pertinence des

    rsultats dune littrature Anglo-Saxonne transpose dans des environnements culturels

    diffrents. Les salaris donnent-ils la mme importance la proprit ? Comment ragissent-

    ils des gains financiers alatoires ? Ont-ils les mmes attentes et ont-ils une attitude positive

    vis--vis de la participation la dcision ?

    A notre connaissance, la seule recherche avoir tudi lAS dans une approche interculturelle

    a t ralise par Schuler et Rogovsky en 1998. Les auteurs ont tudi la relation entre la

    culture et la tendance des entreprises mettre en place certaines pratiques de gestion des

    ressources humaines dont lAS. Cependant, notre connaissance, limpact des valeurs

    culturelles sur les ractions motionnelles des salaris vis--vis de lAS, na pas t tudi.

    Il serait donc important de comprendre la nature des effets attitudinaux de lAS : sont ils

    universels ou culturellement contingents ?

    Lobjectif de ce travail, sera donc dtudier les effets attitudinaux de lactionnariat salari

    dans le contexte des grands groupes multinationaux franais, et dans une optique

    interculturelle. Plus particulirement, il sagira de rpondre aux questions suivantes. LAS a-t-

    il des effets attitudinaux positifs dans le contexte des grands groupes ? Si oui, par quels

  • INTRODUCTION GENERALE

    7

    processus ? La culture des salaris est-elle de nature modrer ces effets ? Si oui, quelles sont

    les caractristiques culturelles spcifiques qui jouent un rle modrateur dans les effets

    attitudinaux de lAS ?

    Afin de rpondre ces interrogations, nous nous sommes positionn dans lcole psycho-

    sociologique de lactionnariat salari et avons ainsi mobilis essentiellement des concepts

    issus de la psychologie sociale. Ceci impliquait que notre recherche soit ralise au niveau

    individuel du salari. Dans notre approche interculturelle, nous nous sommes ainsi inscrit

    dans le courant psychologique, dont les principaux reprsentants sont Geert Hofstede, Harry

    Triandis, ou Shalom Schwartz.

    En ce qui concerne lapproche mthodologique, nous avons essay autant que possible, de ne

    pas tomber dans le clivage fallacieux entre recherche qualitative et quantitative, en

    ralisant dabord une tude qualitative exploratoire, suivie dune tude quantitative

    confirmatoire.

    Nous pensons en effet quil est bien plus pertinent de considrer les deux approches comme

    tant complmentaires plutt que de les opposer.

    La partie exploratoire de ce travail nous a permis de nous imprgner du contexte que nous

    souhaitions tudier et de comprendre quelles taient les problmatiques pertinentes. Ceci nous

    a conduit dvelopper des instruments de mesure adapts ce contexte, et interprter et

    discuter les rsultats en ayant lesprit les proccupations des acteurs. De mme, la partie

    quantitative de ce travail nous a permis daller au-del des simples impressions tires des

    entretiens.

    En discutant avec des actionnaires salaris, il nous avait par exemple sembl que ceux-ci

    percevaient linvestissement en actions de leur entreprise comme tant moins risqu par

    rapport lacquisition de titres dautres socits, car ils pensaient bien la connatre et avaient

    confiance en leur entreprise. Ltude quantitative a rfut cette ide en montrant que dans

    lensemble, les salaris voyaient lAS comme un investissement risqu.

    Ces exemples montrent bien le gain de pertinence obtenu en considrant les approches

    qualitatives et quantitatives comme des tapes essentielles et complmentaires du processus

    de recherche.

    Aprs avoir prsent plus en dtail le positionnement conceptuel adopt et la mthodologie de

    recherche suivie, nous voquerons les intrts de ce travail.

  • INTRODUCTION GENERALE

    8

    Le Positionnement Conceptuel de la Recherche.

    Ce travail, sinscrit dans le courant de recherche sur les effets attitudinaux de lactionnariat

    salari qui comprend des psychologues sociaux comme Katherine Klein, ou des chercheurs en

    gestion des ressources humaines et comportement organisationnel comme Aaron Buchko ou

    Andrew Pendleton.

    Lune des particularits de ces travaux, est de se situer au niveau individuel du salari et

    dtudier ses ractions attitudinales et comportementales la mise en place dun plan dAS

    dans leur entreprise. Une autre spcificit, consiste voir lAS comme un construit

    multidimensionnel (Long, 1980, p.728; Pierce et al., 1991, p.124), la pratique de lAS

    comprenant en effet une multitude de systmes trs diffrents en termes de fonctionnement et

    de droits octroys aux salaris.

    Ainsi, partir du travail fondateur de Klein (1987), les effets attitudinaux de lAS ont t

    tudis travers la proprit, la valeur financire et la participation la prise de dcision.

    Alexandre-Bailly et ses collgues, dfinissent lattitude comme un tat mental prdisposant

    agir dune certaine manire face un objet social particulier. Il sagit dune construction

    hypothtique, labore pour rendre compte dune structure relativement stable chez

    lindividu, relevant de sa personnalit et de son identit. (Alexandre-Bailly, Bourgeois,

    Grure, Raulet-Croset, & Roland-Levy, 2006, p.9). En dautres termes, il sagit dune

    disposition interne durable qui sous-tend les rponses favorables ou dfavorables de l'individu

    un objet ou une classe d'objets.

    Les principales variables attitudinales tudies dans ce travail seront la satisfaction au travail,

    la motivation au travail, et limplication organisationnelle affective. Il sagit en effet des trois

    variables les plus tudies dans le contexte de lAS, mais galement dans la recherche en

    gestion des ressources humaines (Currivan, 1999, p.497; Mowday, 1998, p.387).

    Suivant le constat dun manque de fondements thoriques dans la littrature psycho-

    sociologique sur lAS, nous avons tudi les raisons pour lesquelles la proprit, les gains

    financiers et la participation la dcision pourraient influer respectivement sur la satisfaction,

    la motivation et limplication affective des salaris.

    En ce qui concerne la proprit, nous avons mobilis la littrature sur le sentiment de

    proprit psychologique (psychological ownership) de Pierce et ses collgues (Pierce et al.,

    2001, 2003; Pierce et al., 1991; Van Dyne & Pierce, 2004) ainsi que les travaux sur l effet

    de la simple proprit (mere ownership effect) (Beggan, 1992; Beggan & Brown, 1994;

    Hoorens, Nuttin, Herman, & Pavakanun, 1990; Nuttin, 1985, 1987). Ils expliquent les

  • INTRODUCTION GENERALE

    9

    processus par lesquels la proprit (ou le sentiment de proprit) dun objet entrane des

    attitudes positives vis--vis de celui-ci.

    En ce qui concerne linformation et la participation, nous avons mobilis les thories

    classiques de lcole amricaine des relations humaines selon laquelle le fait de donner aux

    salaris un pouvoir de dcision dans lentreprise est peru comme quelque chose de positif et

    induit des attitudes positives des salaris vis--vis de leur travail et de leur entreprise (J. A.

    Alutto & Acito, 1974, p.160; Bernoux, 1985, p.68; Hofstede, 1980, p.56; Mitchell, 1973,

    p.673-674).

    Enfin, afin dexpliquer le modle extrinsque de Klein (1987), nous avons considr que lAS

    pouvait galement constituer un lment de rmunration pour les salaris. Nous avons donc

    mobilis des travaux sur les effets attitudinaux de la rmunration comme les thories

    fondatrices de Lawler (1971) ou les travaux de Roussel en France (Roussel, 1994, 1996,

    2000).

    Une deuxime approche a t de partir des dterminants des trois variables attitudinales

    tudies et de voir dans quelle mesure le construit de lAS tait de nature influer sur la

    motivation, la satisfaction et limplication affective des salaris.

    Pour cela, nous avons mobilis tout dabord la thorie des besoins de Maslow (1943; 1954),

    qui suggre quune pratique de management peut avoir un effet positif sur la satisfaction des

    salaris au travail si elle rpond certains de leurs besoins.

    Nous nous sommes galement bas sur les thories de la justice organisationnelle (Greenberg,

    1987, 1990; Konovsky, 2000), pour montrer que lAS avait le potentiel dagir sur la

    satisfaction des salaris sil leur permettait de percevoir une distribution plus juste de la

    cration de valeur de leur entreprise.

    Quant la thorie des attentes (Lawler III, 1971; Vroom, 1964), elle nous a permis

    didentifier les conditions pour que lAS ait le potentiel de motiver les salaris.

    Enfin, nous avons constat quil nexistait pas rellement de thories explicatives des

    dterminants de limplication affective. Nous nous sommes tout de mme bas sur les travaux

    de Meyer, Allen et leurs collgues (Meyer & Allen, 1991, 1997; Meyer & Herscovitch, 2001;

    Meyer, Paunonen, Gellatly, Goffin, & Jackson, 1989; Meyer, Stanley, Herscovitch, &

    Topolnytsky, 2002), pour suggrer les processus par lesquels lAS pouvait affecter

    positivement limplication affective des salaris.

    Selon les prceptes de la recherche en management interculturel cependant, les thories

    dveloppes dans un contexte culturel spcifique ne conservent pas forcment leur validit

    dans des contextes culturels diffrents (Hofstede, 1980, p.62). Cest ce qui a t appel

  • INTRODUCTION GENERALE

    10

    lhypothse de divergence (Adler, 1983a, p.226; Bond & Smith, 1996, p.223; Hofstede,

    1983a, p.75; Ofori-Dankwa & Ricks, 2000, p.174).

    En nous basant sur le paradigme pour la recherche confirmatoire interculturelle de Lytle et ses

    collgues (Lytle, Brett, Barsness, Tinsley, & Janssens, 1995, pp.177,193), nous avons

    identifi des dimensions culturelles pouvant modrer les effets attitudinaux de lAS. Pour

    cela, nous avons adopt lapproche psychologique de la culture qui la conceptualise comme

    un ensemble intgr et organis de croyances, valeurs, normes, attitudes et comportements

    (Baligh, 1994, p.16; Groeschl & Doherty, 2000, p.14; Hofstede, 1994b, pp.23-24;

    Trompenaars & Hampden-Turner, 1997, p.21). Selon cette approche, les valeurs sont

    llment cl de la culture. Des croyances fondamentales poussent les individus se faire une

    certaine ide du bien et du mal, du juste et du faux, du bon et du mauvais. Ces valeurs

    dterminent les attitudes des individus vis--vis dune situation donne, et dans la mesure o

    elles sont partages par la majorit des membres dun groupe donn, elles finissent par donner

    lieu des normes. Valeurs et normes dterminent alors les comportements des individus.

    Il a t important de bien distinguer les niveaux danalyse individuel et global pour viter

    lerreur cologique ecological fallacy (Adler, 1984, p.58; Hofstede, 2001, p.16), qui

    consiste confondre les caractristiques culturelles des groupes et celles des individus. Dans

    notre travail, les valeurs culturelles ont t tudies au niveau individuel, c'est--dire quelles

    ont t mesures pour chaque individu. Dans linterprtation des rsultats cependant, nous

    avons considr que lagrgation des valeurs individuelles dterminait les caractristiques

    culturelles de groupe (Bond & Smith, 1996, p.210; Hofstede & McCrae, 2004, p.76;

    Trompenaars & Hampden-Turner, 1997, p.24). En termes managriaux, les groupes les plus

    intressants sont certainement lorganisation et la nation. Cest pourquoi, la recherche

    interculturelle a surtout tudi la culture organisationnelle et la culture nationale. Dans notre

    travail, nous aurions souhait intgrer lanalyse nationale car il sagit du niveau danalyse le

    plus pertinent du point de vue de lentreprise multinationale. Malheureusement, notre collecte

    de donnes nous a contraint nous limiter au niveau individuel.

    Mthodologie et Champs de Recherche.

    Dans cette recherche, nous avons souhait intgrer les paradigmes interprtativiste et

    positiviste. En effet, nous considrons quil est aussi important, dans le processus de cration

    des connaissances, de comprendre le sens que les acteurs donnent la ralit, que dessayer

    de voir dans quelle mesure ce sens suit des lois plus ou moins rgulires (Thitart & et al,

  • INTRODUCTION GENERALE

    11

    1999, p.23). La science tant un processus cumulatif, nous avons commenc par tudier ltat

    des connaissances sur lactionnariat des salaris et le management interculturel.

    Des entretiens semi-directifs raliss auprs de diffrents acteurs du monde de lAS, nous ont

    permis dtudier le sens que ceux-ci donnaient cette pratique de management.

    Ces deux premires tapes nous ont conduit mettre des hypothses sur lexistence de lois

    reprsentes par des relations de cause effet entre les lments du construit de lAS, les

    valeurs culturelles et les attitudes des salaris. Ces hypothses ont t testes par

    ladministration dun questionnaire auprs dun chantillon de salaris de grands groupes

    franais. Les diffrents rsultats ont t finalement soumis aux acteurs prcits pour en

    rcolter les ractions.

    Le champ de recherche tudi est celui des grands groupes franais, et plus particulirement

    de ceux appartenant au CAC 40. Cet indice boursier regroupe les quarante entreprises les plus

    reprsentatives de la bourse de Paris. Elles se distinguent des autres sur un certain nombre de

    points. Tout dabord, ce sont les entreprises franaises les plus importantes en termes de

    nombre de salaris employs et de capitalisation boursire. En consquence, le travail de

    chaque salari, lexception de quelques cadres dirigeants, a un effet insignifiant sur lactivit

    densemble de lentreprise. Il sagit ensuite dentreprises multinationales, prsentes dans un

    grand nombre de pays, et dont une part importante des salaris travaillent dans des filiales

    situes dans des pays autres que celui du sige social. Cest donc dans ce type de socits que

    la prise en compte de la culture nationale trouve sont intrt maximum.

    Selon certains analystes en outre, ce type dentreprises tend faire dimportants bnfices, car

    elles ont la possibilit de bnficier pleinement de la mondialisation de lconomie. Depuis

    2003, les actions des entreprises du CAC 40 ont ainsi vu leur valeur augmenter de prs de

    50% (Bordu, 2006, p.115). Il sagit galement des socits qui sont le plus soumises aux

    exigences de rentabilit et de cration de valeur pour lactionnaire. Cette situation est

    particulirement intressante pour ltude de lAS. En effet, elle permet potentiellement

    lactionnariat de reprsenter une source financire importante, que ce soit travers les primes

    de participation aux bnfices, les dividendes ou lvolution du cours de laction. De plus, la

    limitation de laugmentation des salaris couple de la ralisation dimportants bnfices,

    reprsentent un environnement propice au dveloppement de sentiments dinjustice chez les

    salaris, dautant plus que ce type dentreprise est gnralement trs mdiatis.

  • INTRODUCTION GENERALE

    12

    Les Principaux Intrts de la Recherche.

    Les Intrts Thoriques.

    Nous avions remarqu prcdemment que la littrature psychosociologique sur lAS souffrait

    de lacunes thoriques. Dans ce travail, nous proposons tout dabord une grille thorique

    explicative des processus par lesquels lAS peut agir sur la motivation, la satisfaction et

    limplication affective des salaris. Nos suggestions pourront permettre des recherches

    futures de disposer de bases conceptuelles plus solides.

    Ltude qualitative propose, permet en outre au lecteur de visualiser avec prcision les

    enjeux et les pratiques dAS dans les grands groupes franais. Elle apporte galement un

    certain nombre dexplications du lien entre AS et performance des entreprises, en suggrant

    lexistence dune relation de type circulaire.

    Dans notre Chapitre 3, nous prsentons le dveloppement dun certain nombre dchelles de

    mesure conues en plusieurs langues : franais, italien, espagnol, anglais britannique et

    anglais amricain. Les instruments lis aux variables culturelles pourront tre utiles de

    futures recherches interculturelles ncessitant des mesures conues dans les langues prcites

    et comportant un nombre ditems limit.

    En ce qui concerne les chelles de mesures des concepts lis lAS, certaines sont

    spcialement adaptes au contexte des grands groupes multinationaux, alors que dautres,

    comme les chelles dimplication philosophique des salaris vis--vis de lAS et de la

    propension des salaris investir en actions de leur entreprise, navaient pas ou peu t

    tudies prcdemment notre connaissance. Ces instruments pourront galement tre utilises

    pour les travaux futurs sur le sujet.

    En termes de rsultats substantiels, notre travail montre que lAS peut avoir des effets

    attitudinaux positifs mme dans le contexte des grandes multinationales.

    En outre, il sagit de lune des rares tudes qui corrobore le modle intrinsque de Klein

    (1987). Enfin, ce travail confirme limportance de certaines dimensions culturelles comme la

    distance hirarchique, la masculinit, lindividualisme ou laversion lincertitude dans les

    effets attitudinaux de lAS et reprsente ainsi lune des rares contributions interculturelles de

    la littrature sur lAS.

  • INTRODUCTION GENERALE

    13

    Les Intrts Mthodologiques.

    Les intrts mthodologiques de ce travail concernent lensemble des lments du processus

    danalyse de linvariance interculturelle. Celui-ci concerne linvariance/quivalence

    intergroupes des mesures utilises ainsi, que des rsultats substantiels obtenus (J. A.

    Harkness, Mohler, & Van de Vijver, 2003, pp.14-15). Linvariance de mesure est le degr

    auquel un instrument administr diffrents groupes ou dans diffrents pays mesure la mme

    chose (Van de Vijver, 2003a, p.215) alors que linvariance substantielle, concerne le degr

    auquel un phnomne donn est identique entre groupes (Van de Vijver & Leung, 1997,

    p.113).

    Dans le Chapitre 3, nous proposons une mthode de dveloppement dchelles de mesures qui

    permet de maximiser linvariance de mesure des instruments. Nous avons pour cela intgr la

    littrature psychomtrique classique lie au paradigme de Churchill (1979), et les prceptes

    spcifiques de la recherche interculturelle.

    Nous prsentons galement en dtail la manire de tester les divers niveaux dinvariance de

    mesure par lutilisation de lanalyse factorielle confirmatoire multigroupes sous Amos 4

    (Arbuckle, 1994). En ce qui concerne linvariance substantielle, la recherche interculturelle

    sintresse gnralement aux diffrences de moyennes et aux diffrences de relations entre

    construits. Cest ce que Lytle et ses collgues appellent respectivement des hypothses de

    type I et de type II (Lytle et al., 1995, p.203). Les techniques les plus utilises pour analyser

    les diffrences de moyennes sont les tests t et les analyses de variance (Van de Vijver &

    Leung, 1997, p.113). Dans le Chapitre 4, nous dcrirons une technique peu utilise pour

    comparer les moyennes qui est lanalyse dinvariance de moyennes latentes par les modles

    dquations structurelles (Arbuckle, 2005, p.385; B. M. Byrne, 2001, p.226). Enfin, nous

    verrons comment tester des hypothses de type II au moyen danalyses dinvariance de

    structures causales (B. M. Byrne, 2001, p.247). Cette mthode sera galement utilise pour

    tester notre modle structurel global sur un chantillon indpendant, ce qui est rarement

    ralis dans les recherches en Gestion des Ressources Humaines.

    Les Intrts Managriaux.

    Ce travail de recherche apportera un certain nombre dlments de rflexion, tant aux

    consultants quaux responsables de lactionnariat salaris des grands groupes franais et

    internationaux.

  • INTRODUCTION GENERALE

    14

    Tout dabord, il montre que lAS peut effectivement avoir des effets positifs sur la

    satisfaction, la motivation, le sentiment dappartenance et la fidlisation des salaris, mme

    dans une grande multinationale. Au-del de ce rsultat global, certains facteurs cls de succs

    leur seront prsents. Nous leur conseillerons par exemple de se fixer comme objectif que

    chaque salari devienne propritaire dun nombre important dactions sils souhaitent agir sur

    limplication des salaris. Nous leur suggrerons galement de prvoir une offre peu risque

    si leur objectif est dobtenir un maximum de souscriptions.

    Nous verrons dans la suite de ce travail que dans lensemble, les responsables dentreprises

    connaissent mal leurs salaris, et surtout les salaris lambda qui travaillent loin du sige

    social. Notre tude qualitative leur donnera ainsi la possibilit de rencontrer un chantillon

    de ces salaris et de dcouvrir certaines de leurs perceptions et de leurs croyances. Nous

    verrons galement que certains professionnels peroivent limportance de la culture dans les

    ractions des salaris vis--vis de lAS, mais quil leur manque une grille danalyse leur

    permettant dapprhender efficacement la question. Notre travail leur donnera peut-tre une

    vision plus claire des enjeux culturels et les poussera accorder une attention majeure

    ladaptation internationale de leur offre et la communication lie aux plans dactionnariat.

    La Structuration du Travail.

    Ce travail de recherche sera prsent en deux parties. Lobjectif de la premire sera de

    dvelopper un modle thorique explicatif des effets attitudinaux de lAS, ainsi que des

    hypothses deffets modrateurs des variables culturelles. Dans une deuxime partie, nous

    prsenterons les instruments de mesure et les tests des hypothses de recherche.

    La premire partie se composera de deux chapitres. Le premier concernera la littrature sur

    lactionnariat salari et abordera limportance de lapproche interculturelle.

    Nous commencerons par dfinir le concept dAS, nous verrons ensuite ltat des pratiques

    dans un certain nombre de pays, et terminerons par ses effets prsums sur la performance des

    entreprises (Section 1). Nous entamerons ensuite la construction du modle partir de la

    littrature sur la relation entre AS et attitudes des salaris, que nous justifierons en mobilisant

    un certain nombre de thories. Nous finirons par voquer limportance de lanalyse

    interculturelle (Section 2).

    Le deuxime chapitre aura comme objectif dadapter le modle thorique tir de la littrature,

    au contexte spcifique des grands groupes franais. Pour cela, des entretiens ont t raliss

    auprs de diffrents acteurs du monde de lAS. Nous verrons tout dabord la dmarche de

  • INTRODUCTION GENERALE

    15

    recherche suivie (Section 1). Nous aborderons ensuite les rsultats de ltude, qui suggrent

    une relation circulaire entre AS et performance avec des lments explicatifs des deux sens de

    la causalit (Section 2). Enfin, nous prciserons les apports spcifiques de ltude qualitative

    llaboration du modle de recherche (Section 3).

    La deuxime partie de ce travail se composera galement de deux chapitres. Dans le premier,

    nous prsenterons le dveloppement de certains instruments de mesure (Section 1) ainsi que

    la validation de lensemble des chelles utilises (Section 2).

    Le chapitre 2 sera enfin consacr au test des hypothses de recherche et leur discussion.

    Nous y aborderons successivement les tests dun modle thorique des effets attitudinaux de

    lactionnariat salaris (Section 1), les effets modrateurs des variables culturelles (Section 2)

    et la discussion de lensemble des rsultats obtenus (Section 3).

    Une conclusion gnrale rappellera les objectifs de ce travail et la dmarche de recherche

    suivie, avant den prsenter les principaux rsultats et leurs apports thoriques,

    mthodologiques et managriaux. Les limites du travail seront alors voques et nous

    terminerons sur la proposition de voies de recherche futures.

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    16

    Partie I : Vers une Modlisation des Effets

    Attitudinaux de lActionnariat Salari dans le

    Contexte de la Grande Multinationale.

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    17

    Lobjectif de cette premire partie est de proposer un modle explicatif des processus par

    lesquels lAS peut agir sur les attitudes des salaris au travail dans une approche

    interculturelle. Le premier Chapitre se basera sur divers corpus thoriques pour fixer les bases

    de la construction du modle. Dans un deuxime Chapitre, nous tudierons le contexte de

    lAS dans les grands groupes franais laide dune enqute exploratoire par entretiens semi-

    directifs. Ceci nous permettra d affiner les propositions issues du Chapitre 1 et dtablir

    des hypothses de recherche.

    Chapitre 1. Actionnariat Salari, Culture et Attitudes: Revue de la Littrature et Proposition dun Modle Thorique.

    Dans ce premier chapitre, nous commencerons par dfinir et prsenter la pratique de lAS.

    Nous aborderons ensuite la littrature conomique et financire qui suggre que lAS peut

    avoir des effets positifs sur la performance des organisations. Lune des principales

    explications de cette relation, est que lAS influerait sur les attitudes et comportements des

    salaris au travail. Nous verrons alors la littrature psycho-sociologique qui montre que divers

    lments du construit de lAS peuvent influer sur diverses variables attitudinales et

    comportementales. Nous verrons enfin que les valeurs culturelles peuvent avoir un rle

    modrateur sur les ractions motionnelles des salaris vis--vis de lAS.

    Section 1. LActionnariat des Salaris : Dfinition, Etat des Pratiques et Effets

    Organisationnels.

    Le thme de la participation financire suscite un intrt croissant en Europe et dans la plupart

    des pays dvelopps depuis les annes 80, tant auprs des conomistes et des gestionnaires,

    quauprs des media et des pouvoirs publics. Ce phnomne a reflt en partie la faible sant

    conomique des pays dvelopps dans les annes 80, avec notamment une augmentation du

    chmage. Ceci a stimul lintrt des acteurs pour des formes alternatives de rmunration

    davantage lies la performance des entreprises. Ces pratiques comprennent notamment des

    systmes dintressement la performance, de participation aux bnfices ainsi que

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    18

    lactionnariat salari. Paralllement, linquitude concernant la comptitivit des entreprises a

    galement dvelopp lintrt pour diverses formes de participation des salaris la prise de

    dcision comme les cercles de qualit pour le niveau local et les administrateurs salaris pour

    le niveau corporate (Jones & Pliskin, 1988, p.1).

    Les pionniers en termes de participation financire ont t les Etats-Unis. En Europe, la

    Commission Europenne a encourag son dveloppement partir des annes 90 sous

    lappellation Pepper qui signifie Promotion de la Participation des Salaris aux

    Bnfices et aux Rsultats de lEntreprise . LAS est un pratique particulirement

    intressante car elle rompt avec le clivage classique entre propritaires et salaris et parce

    quelle peut englober la participation au capital, aux rsultats et la prise de dcision de

    lentreprise.

    Lobjet de cette partie est dabord de dfinir lactionnariat des salaris. Pour cela, nous

    verrons dabord quil sagit dun pratique spcifique au sein dun ensemble regroup sous les

    appellations de participation financire et de participation la prise de dcision . Nous

    verrons ensuite que le concept dAS englobe des ralits trs htrognes. Comme nous nous

    intressons en particulier lAS dans les groupes multinationaux, il tait galement important

    de se pencher sur les pratiques dAS au niveau international. Nous nous sommes limits six

    pays dont la France, lItalie, lEspagne, la Belgique, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Il est

    en effet important de comprendre les difficults auxquelles sont confrontes les

    multinationales dans la mise en place de lAS pour lensemble de leurs salaris, et de

    comprendre que les diffrentes filiales ne mettent pas forcment en place le mme type

    doffre dAS.

    Lorsque nous aurons dfini lAS, nous pourrons nous pencher sur ltude de ses effets sur la

    performance. Nous partirons dabord dun point de vue large, en voyant les prvisions des

    thories conomiques sur la relation entre AS et performance des entreprises, ainsi que les

    rsultats dune importante littrature empirique. Nous verrons alors que lune des principales

    raisons qui explique leffet de lAS sur la performance, concerne sont effet sur les attitudes et

    les comportements des salaris au travail (Ros, 2001, p.79; Rosen, Klein, & Young, 1986,

    p.46,62). Nous passerons alors dune littrature plutt conomique et financire, une

    littrature psycho-sociologique qui sintresse aux effets attitudinaux de lAS. Cest partir

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    19

    de celle-ci que nous proposerons une thorie middle range1 des effets attitudinaux de lAS

    qui fera lobjet dune analyse interculturelle.

    1. LActionnariat Salari : Dfinition et Dveloppement International dune Pratique de Management.

    Afin de dfinir le concept dAS, nous allons voir (1) sa place au sein des concepts plus

    globaux de participation financire et de participation la prise de dcision , (2) les

    paramtres variables de la pratique (3) les dveloppements, cadres lgaux et pratiques dAS

    dans divers pays et (4) les raisons qui poussent les entreprises mettre en place des plans

    dAS.

    1.1. Actionnariat Salari et Autres Formes de Participation des Salaris. Au sens gnral du terme, la participation des salaris implique le partage dun ou plusieurs

    aspects des droits de proprit avec les salaris (Protin & Robinson, 2003, p.5). Lorsque ces

    derniers sont actionnaires de leur entreprise, ils ont en thorie un droit de proprit lgal.

    Celui-ci se constitue gnralement de divers lments. La proprit implique dabord le droit

    dutiliser lobjet de la proprit : les juristes parlent d usus . Ce droit est gnralement

    limit. Le niveau auquel un droit de proprit est rellement dtenu dpend dailleurs de la

    mesure laquelle les dcisions des propritaires concernant lutilisation de lobjet dominent le

    processus de dcision qui gouverne lutilisation relle de lobjet en question (Alchian &

    Demsetz, 1973, p.17). En parallle de lusus, la proprit confre le droit de bnficier des

    fruits et des produits de lobjet, il sagit du fructus , ainsi que le droit de cder le bien que

    lon appelle l abusus . Le droit de proprit sur un objet donn peut galement tre

    partag par plusieurs co-propritaires. Le processus de prise de dcision concernant lobjet

    peut alors se baser sur le vote des co-propritaires et se dcider la majorit (Alchian &

    Demsetz, 1973, p.18). La participation des salaris sous la forme de lAS devrait donc

    impliquer pour une entreprise de partager avec ses salaris, dans la limit des titres confrs,

    le droit de revendre la socit, de bnficier des profits raliss et de participer la prise de

    dcision. Selon les types dAS, ces droits sont confrs dans des mesures diffrentes.

    1 Une thorie middle range identifie un ensemble de phnomnes, leurs relations rciproques, et les bases

    thoriques de celles-ci (Lytle et al., 1995).

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    20

    On retrouve donc des pratiques de participation aux seuls bnfices, des pratiques de

    participation la prise de dcision et enfin lAS, qui peut regrouper la participation au capital,

    aux rsultats et aux dcisions.

    La Participation aux Bnfices.

    La Participation aux Bnfices au sens strict implique le partage des profits entre ceux qui

    fournissent le capital et ceux qui fournissent le travail, en donnant aux salaris, en plus de

    leurs salaires fixes, une partie variable de revenu directement lie aux bnfices ou une autre

    mesure des rsultats de lentreprise. Il sagit dun rgime collectif qui sapplique

    gnralement tous les salaris ou un grand nombre dentre eux.

    On distingue la participation aux bnfices dlivre en espces et la participation aux

    bnfices diffre. La diffrence entre ces deux systmes est importante car dans le premier

    cas, il sagit dune rtribution effectue immdiatement en espces, alors que dans le second

    cas il sagit dune compensation diffre dans le cadre de laquelle la prime est place la

    plupart du temps dans un fonds dinvestissement et le salari ne peut pas disposer des sommes

    immdiatement. Dans la plupart des pays, les salaris bnficient davantages fiscaux en

    contrepartie de cette priode de blocage. Les systmes de participation diffre doivent tre

    approuvs par les autorits fiscales lorsque ces abattements fiscaux sont prvus, que ce soit

    pour les salaris, les employeurs ou les deux. On les appelle alors rgimes agres cest

    dire que ce sont des systmes dont les pays rglementent divers paramtres comme

    lligibilit, les taux de contribution, lacquisition des droits, les investissements et la

    distribution. Lautre diffrence importante entre les deux systmes, est que le premier est li

    la performance passe de lentreprise, alors que dans le second cas, la performance future

    entre galement en jeu. Nous verrons que cette diffrence peut avoir des consquences

    managriales importantes, notamment en termes dimplication et de fidlisation des salaris.

    La Participation la Prise de Dcision.

    Diverses typologies des systmes de participation la dcision ont t proposes partir de

    critres de distinction ou partir des types de pratiques en jeu. Au niveau des critres

    distinctifs, Bernstein a voqu trois dimensions dont le degr de contrle dont les salaris

    disposent sur une dcision donne, les questions sur lesquelles peut tre exerc ce contrle et

    le niveau organisationnel concern (Bernstein, 1976, p.492). Concernant la premire

    dimension, lauteur suggre un continuum dans le degr de contrle que les salaris peuvent

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    21

    exercer, avec un extrme qui concerne la mise en place dune simple bote ides , jusqu

    la possibilit pour les salaris davoir des reprsentants au conseil dadministration de

    lentreprise (Bernstein, 1976, p.495). Lauteur illustre la deuxime et troisime dimensions

    par un continuum de pratiques participatives qui vont de dcisions concernant les conditions

    de travail et les rgles de scurit, en passant par des dcisions lies la sphre de travail du

    salari, des dcisions concernant lallocation des bnfices ou des dcisions stratgiques, qui

    affectent lentreprise dans son ensemble (Bernstein, 1976, p.493). Dachler et Wilpert,

    distinguent galement diverses dimensions autour desquelles les pratiques de participation

    peuvent varier, et qui se recoupent dans une certaine mesure avec les dimensions de

    Bernstein. La premire dimension distingue la participation formelle de linformelle. Les

    pratiques de participation formelle sont celles qui sont dcides de manire explicite ou qui

    sont obligatoires, alors que les pratiques informelles mergent par consensus entre les

    membres dune organisation (Dachler & Wilpert, 1978, p.10). La deuxime dimension

    distingue la participation directe et indirecte. Les salaris peuvent tre impliqus directement

    et personnellement dans la prise de dcisions, mais ce droit peut galement tre exerc

    indirectement par lintermdiaire de reprsentants Une troisime dimension concerne laccs

    participation. Les auteurs parlent ici de lexistence dun continuum concernant le degr

    dinfluence que les salaris peuvent avoir sur les dcisions. Dun ct on peut imaginer des

    dcisions pour lesquelles les salaris ont le dernier mot, et de lautre des situations o ces

    derniers peuvent simplement faire des suggestions. Une quatrime dimension que lon

    retrouve galement chez Bernstein, distingue le contenu, limportance et la complexit des

    dcisions. La dernire dimension enfin, concerne la largeur de la base qui dtient les droits

    la participation. Ce droit peut en effet concerner lensemble des salaris ou des groupes

    particuliers (Dachler & Wilpert, 1978, pp. 10-18).

    LActionnariat Salari.

    LAS peut tre considr comme une forme indirecte dintressement des salaris aux

    rsultats de lentreprise. Cette participation se ralise en effet travers les dividendes et

    lapprciation du cours de laction. Les salaris peuvent faire lacquisition de titres de leur

    entreprise par trois moyens : en les achetant directement, en exerant des options dachats

    dactions ou par des transferts raliss par des socits dinvestissement, les clbres ESOPs

    Anglo-Saxons, qui achtent des titres de lentreprise et qui les crditent priodiquement sur

    les comptes titres des salaris. Ces socits peuvent emprunter de largent pour faire de telles

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    22

    acquisitions. Les types de plans dAS existants sont trs lis aux lgislations locales. Nous

    verrons dans la suite de ce travail quels sont les systmes utiliss dans les principaux pays.

    Il existe de nombreuses diffrences pratiques entre la simple participation aux bnfices et

    lAS. Nous pouvons citer par exemple le fait que la participation concerne la performance

    passe alors que lAS offre des droits sur la performance future. Le niveau de risque peut

    galement tre considr comme diffrent. En effet, lorsque les primes de participation aux

    bnfices sont verses, leur valeur na pas vocation voluer comme cest le cas pour les

    actions. Enfin, la participation financire est davantage considre comme un lment du

    package de la rmunration, tant dans lesprit des salaris que dans les ngociations avec les

    partenaires sociaux (Pendleton et al., 2001, pp.9-11). Rappelons enfin une diffrence

    fondamentale qui concerne la proprit du capital. LAS rend les salaris co-propritaires de

    lentreprise, et leur permet dexercer, dans une mesure que nous aurons loccasion danalyser

    dans la suite, un pouvoir de dcision au sein de lentreprise.

    Ayant situ lAS au sein des diverses pratiques dites de participation, nous allons maintenant

    rentrer dans le dtail. Dans le point suivant, nous verrons quil existe un ensemble de

    pratiques trs diffrentes les unes des autres et qui tombent sous lappellation dAS.

    1.2. LActionnariat Salari : une Appellation Unique pour des Pratiques trs Diffrentes.

    Il nexiste pas de dfinition unique de lAS bien quil sagisse dans tous les cas de salaris qui

    sont propritaires dactions de leur entreprise. LAS nest pas un concept simple et

    unidimensionnel. Il existe en effet une large varit de manires par lesquelles les salaris

    peuvent tre actionnaires de leur entreprise, avec par exemple des socits dont le capital est

    dtenu 100% par 25% des salaris ou dautres dont 100% des salaris dtiennent 25% du

    capital (Kruse & Blasi, 1997, p.114). On distingue gnralement deux grands types dAS : les

    coopratives de travailleurs et les entreprises capitalistes qui disposent dun plan dAS. Dans

    les coopratives, la proprit de lentreprise est dtenue collectivement par les membres et le

    pouvoir de dcision final est exerc par ces derniers sur une base dmocratique dune voix par

    personne. Tous les employs ne sont pas forcment membres de la cooprative. Enfin, les

    coopratives sont la plupart du temps des PME : Mondragn au Pays Basque Espagnol, est

    lune des rares coopratives multinationales. Le cas qui nous intresse le plus est celui des

    entreprises capitalistes classiques qui mettent en place un plan dAS, et dont gouvernance

    reste soumise la rgle dune voix pour une action dtenue.

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    23

    Selon le National Center for Employee Ownership (NCEO) aux Etats-Unis, lAS est un

    plan dans lequel la majeure partie des salaris dune entreprise possdent des actions de

    leur entreprise, mme sils ne peuvent pas exercer le droit de vote attach aux actions et

    mme sils ne peuvent pas les revendre avant leur dpart de lentreprise. (Rosen et al.,

    1986, pp. 13-14). La Fdration Franaise des Associations dActionnaires Salaris

    (FAS), dfinit pour sa part lactionnaire salari comme un actionnaire qui a acquis des

    actions de lentreprise qui lemploie, lors doprations doffres dactions rserves tous les

    salaris de cette entreprise ; il possde ces actions soit directement, soit indirectement par

    lintermdiaire dun FCPE ou dune SICAV dactionnariat salari. (FAS, 2006, p. 43). Ces

    deux dfinitions de lAS et de lactionnaire salari sont trs marques par les contextes

    respectifs, mais montrent tout de mme que lAS est un concept large qui regroupe des

    ralits trs diffrentes. En termes managriaux, les diffrences peuvent tre galement trs

    importantes.

    Plusieurs paramtres peuvent varier entre les divers systmes dAS, et les diverses lgislations

    prvues selon les pays peuvent rendre les conditions pratiques trs diffrentes.

    Les principales variables sont les suivantes :

    Lacquisition des titres. Les actions peuvent tre acquises par les salaris au cours du march

    ou, comme cest le cas le plus souvent, un cours dcot. La source dargent peut tre le

    capital des salaris, des primes dintressement la performance ou de participation aux

    bnfices, des abondements de lentreprise et/ou un emprunt comme cest le cas pour le

    ESOP.

    Le caractre direct ou indirect de la proprit. Il existe une diffrence importante entre ce

    que lon appelle lactionnariat direct, dans lequel le salari est directement propritaire des

    actions de son entreprise, et lactionnariat indirect, dans lequel cest une autre entit (l ESOP

    ou le FCPE en France) qui est propritaire des titres pour le compte des salaris. Cette

    distinction peut avoir des implications importantes, notamment au niveau de lexercice du

    droit de vote.

    La Liquidit et la Stabilit des Actions. Il existe divers rgimes concernant la possibilit de

    revendre les actions : celles que lon peut revendre facilement sont plus liquides mais il peut

    en rsulter une instabilit de lAS. Au niveau international, on a pu observer des formes

    instables dAS aux Etats-Unis ou parmi les entreprises privatises dans lUnion Europenne,

    et des formes stables dAS avec par exemple, les coopratives de travailleurs en Espagne.

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    24

    La Part de Salaris qui sont Actionnaires. Il peut en effet y avoir des cas extrmes, avec dun

    ct des entreprises dans lesquelles tous les salaris sont actionnaires et dautres o seuls les

    dirigeants ou lencadrement suprieur possdent des actions.

    La Part de Capital dtenue par les Salaris. Il sagit galement dun paramtre fondamental.

    Il est clair que le cas de lentreprise dtenue 100% ou majoritairement par ses salaris est

    totalement diffrent de lentreprise multinationale qui a mis en place un plan dAS et dont

    quelques pourcent seulement du capital sont dtenus par les salaris.

    Diverses typologies de lAS ont t proposes dans la littrature. Ben-Ner et Jones, par

    exemple, proposent une taxinomie base sur deux dimensions : les droits des salaris sur les

    bnfices dune part et sur la prise de dcision dautre part (Ben-Ner & Jones, 1995, p.534).

    Seize types dentreprises ressortent alors de la matrice, avec aux deux extrmes lentreprise

    conventionnelle dans laquelle les salaris nont aucun droit de proprit, et les coopratives de

    travailleurs dans lesquelles les salaris ont des droits au contrle dominants et des droits

    majoritaires aux bnfices.

    Toscano, a pour sa part isol trois principaux types dAS : Lactionnariat direct, dans lequel

    les salaris dtiennent personnellement et individuellement des actions de leur entreprise qui

    au demeurant, ont une structure trs semblable celle des entreprises traditionnelles, les

    ESOPs, dans lesquels les salaris dtiennent indirectement des actions de leur entreprise et ne

    les acquirent pas personnellement, et les Coopratives de Travailleurs dans lesquelles le fait

    dtre membre est fortement li la proprit de capital, et les salaris exercent un contrle

    dmocratique sur lentreprise (Toscano, 1983, p.584).

    Il est important de comprendre que lAS est un concept qui embrasse des ralits trs

    diffrentes positionnes sur un continuum qui va de la cooprative de travailleurs,

    lentreprise capitaliste classique dans laquelle une catgorie des salaris dtient une part

    infime de capital. Il est alors vident que les implications de ces diffrentes formes dAS

    seront trs diffrentes.

    Les entreprises multinationales qui souhaitent tendre leur offre dAS lensemble de leurs

    filiales trangres se trouvent confrontes un important challenge. Les divers pays dans

    lesquels elles oprent peuvent en effet avoir des traditions et des lgislations diffrentes en

    termes dAS. Nous allons illustrer rapidement ces diffrences dans six pays industrialiss.

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    25

    1.3. LActionnariat Salari dans le Monde. Etant donn le positionnement international de notre tude, il est important danalyser la

    manire dont lAS est n et sest dvelopp dans les principaux pays industrialiss et les

    diffrentes formes quil a pu prendre. Cette tape est fondamentale pour notre volont de

    dvelopper un protocole de recherche qui puisse sappliquer des salaris travaillant dans

    divers pays. Conformment aux langues choisies pour notre tude quantitative, nous ne nous

    intresserons quaux cas des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de lItalie, de la

    Belgique et de lEspagne. Le cas de la France sera tudi plus en dtail.

    1.3.1. LActionnariat Salari en France.

    Les entreprises franaises ont dvelopp une grande varit de formes de participation des

    salaris dont divers mcanismes dAS. Cette diversit est le rsultat dun long processus

    historique qui reflte une tradition chez les gouvernements franais de soutien des

    mcanismes de participation. Il sagit en effet dun thme qui a toujours t trs consensuel

    entre gouvernements de gauche et de droite, mme si les principales mesures ont souvent t

    dveloppes par ces derniers. Limpulsion de cette tradition fut dailleurs donne par le

    Gnral de Gaulle, qui parlait dune troisime voie entre capitalisme et socialisme. Il en

    avait expos les fondements lors dune confrence de presse le 16 mai 1967 : Ds lors que

    les gens se mettent ensemble pour une uvre conomique commune, () il sagit que tous

    forment ensemble une socit, une socit o tous aient intrt son rendement et son bon

    fonctionnement, et un intrt direct. Cela implique que soit attribue, de par la loi, chacun

    une part de ce que laffaire gagne et de ce quelle investit en elle-mme grce ses gains.

    Cela implique aussi que tous soient informs dune manire suffisante de la marche de

    lentreprise et puissent, par des reprsentants quils auront tous nomms librement,

    participer la socit et ses conseils pour y faire valoir leurs intrts, leurs points de vue et

    leurs propositions.

    Ces principes ont t suivis dun ensemble de mesures lgislatives favorables la

    participation financire des salaris, et que les gouvernements successifs nont cess

    damliorer et de renforcer. LAS est ainsi en pleine expansion en France, le nombre

    dactionnaires salaris aurait tripl depuis 1998, passant de 700 000 plus de 2,3 millions

    aujourdhui (FAS, 2006, p.148).

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    26

    LEvolution du Cadre Juridique Franais.

    Lordonnance du 7 janvier 1959 a institu un rgime facultatif dintressement des salaris

    accompagn dexonrations fiscales pour lemployeur. Ce dispositif a t ensuite complt

    par les deux ordonnances du 17 aot 1967, lune relative la participation des salaris aux

    fruits de lexpansion, cest--dire lassociation des salaris au dveloppement de lentreprise

    par la distribution diffre dune partie des rsultats, lautre encourageant la mise en place de

    plans dpargne dentreprise sous forme de SICAV ou de fonds communs de placement afin

    dencourager lpargne individuelle. Le mcanisme des options de souscriptions dactions,

    inspir des stocks options plans amricains, a t introduit par la loi du 31 dcembre 1970.

    Il permettait des salaris, en pratique essentiellement des cadres, de souscrire ou dacheter

    des actions de la socit qui les emploie dans des conditions avantageuses. Lassouplissement

    ultrieur du rgime de ces options et laccroissement de leur attrait fiscal a conduit leur

    spectaculaire dveloppement alors quelles navaient rencontr lorigine quun succs

    modr. La loi n 73-1322 du 27 dcembre 1973 a eu pour objet de proposer aux salaris

    lachat, des conditions avantageuses, des actions de leur socit, en bourse ou bien

    loccasion dune augmentation de capital qui leur serait rserve. Selon ce rgime, la

    libration des actions peut soprer par des prlvements gaux et rguliers sur les salaires de

    ceux qui les ont souscrits, la socit pouvant complter ces versements par un abondement.

    Ce dispositif, plus simple que celui des options de souscription dactions, na rencontr quun

    succs modeste. Bien quassorti de conditions fiscales favorables, il na pas en effet t jug

    suffisamment incitatif. La loi du 24 octobre 1980, tirant les leons du texte prcdent, avait

    organis titre exceptionnel, dans les socits en situation financire saine, la possibilit

    dune distribution gratuite dactions aux salaris. Des actions de la socit pouvaient leur tre

    attribues sans que ceux-ci aient manifester particulirement leur intention de sassocier et

    ce dans la limite de 3 % du capital social. Moins de 350 socits, essentiellement des socits

    cotes, ont saisi cette opportunit. La possibilit de distribution gratuite dactions sest arrte

    le 31 dcembre 1982. En revanche, les premires privatisations qui se sont droules de 1986

    1988 ont constitu une tape essentielle dans lassociation de chacun aux fruits de

    lconomie, en rpondant une vritable attente des Franais, concrtise dans la multiplicit

    des petits porteurs. Lactionnariat populaire est depuis devenu une composante de notre

    conomie sur laquelle aucun Gouvernement nest jamais revenu. Les privatisations, que ce

    soit les oprations initiales dcoulant des les lois du 2 juillet et du 6 aot 1986 ou bien celles

    qui se sont droules depuis, ont fait la preuve de la volont que pouvaient avoir les salaris

    dune entreprise dtre associs au capital social de celle-ci, cest--dire de devenir parties

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    27

    prenantes de leurs efforts. Les salaris des entreprises privatises ont en effet massivement

    rpondu loffre qui leur rservait 10 % des titres mis sur le march en leur offrant un rabais

    de 20 % (Loi du 6 aot 1986). Lordonnance n 86-1134 du 21 octobre 1986 relative

    lintressement et la participation des salaris aux rsultats des entreprises et lactionnariat

    des salaris, qui a refondu lensemble des dispositifs de participation financire, a constitu

    laboutissement de ces initiatives. Ont notamment t renforcs les avantages du plan

    dpargne dentreprise, conu comme le support privilgi de lutilisation des fonds issus de

    la participation et donc de lpargne salariale. Elle sest accompagne dune deuxime

    ordonnance n 88-1135 du 21 octobre 1986 ouvrant la facult dlire des reprsentants des

    salaris au conseil dadministration ou au conseil de surveillance. Une nouvelle tape a t

    marque par la loi du 25 juillet 1994 relative lamlioration de la participation des salaris

    dans lentreprise qui avait t prcd dun rapport de mission labor par M.

    Jacques Godfrain. Lobjectif du renforcement de la participation y a t traduit par des

    mesures tendant mieux assurer la prsence des salaris dans les organes de gestion en crant

    un lien spcifique, en faveur des actionnaires salaris, entre participation au capital et

    participation la gestion. Les salaris actionnaires, ds lors quils runissent plus de 5 % du

    capital, ont la possibilit de voir pose lassemble gnrale des actionnaires la question de

    la modification des statuts afin dassurer leur reprsentation dans les organes de gestions.

    Paralllement, les interventions lgislatives pour inciter les salaris participer au capital de

    leur socit se sont multiplies. Lanne 1994 a galement t celle de la cration du Conseil

    Suprieur de la Participation (CSP), qui tmoigne de limportance de la question pour le

    gouvernement. Les principales missions du CSP sont de veiller au respect dans les entreprises

    franaises de la mise en place des systmes de participation financire et la gestion pour les

    salaris, de coordonner toutes les initiatives menant leur extension et de rdiger chaque

    anne un rapport destin au Premier Ministre et au Parlement afin de les informer des

    questions lies la participation. La loi du 4 mai 2004 a restreint les possibilits de mise en

    place des PEE unilatralement par lemployeur. Elle stipule en effet que lorsque lentreprise

    comporte au moins un dlgu syndical ou est dote dun Comit dEntreprise, le PEE doit

    tre ngoci avec le personnel. Si au terme de la ngociation, aucun accord na t conclu, il

    est tabli un procs verbal de dsaccord dans lequel sont consigns en leur dernier tat, les

    propositions respectives des parties et les mesures que lemployeur entend appliquer

    unilatralement . La loi Breton du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de

    l'conomie" a autoris le dblocage exceptionnel de la participation verse en 2005, au titre du

    dernier exercice clos. Dans le prolongement du rapport de mission Une ambition : la

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    28

    participation pour tous du 29 septembre 2005 tabli par les dputs Franois Cornut-

    Gentille et Jacques Godfrain, le Conseil Suprieur de la Participation est appel examiner un

    avant projet de loi pour le dveloppement de la participation et de l'actionnariat salari,

    prpar par le ministre Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohsion Sociale et du

    Logement, Grard Larcher, ministre dlgu l'emploi, au travail et l'insertion

    professionnelle des jeunes et Thierry Breton, ministre de l'Economie, des Finances et de

    l'Industrie. Lenjeu consiste permettre tous les salaris, en particulier ceux des socits non

    cotes ou de petite taille, daccder une forme ou une autre de participation, au travers de

    principes novateurs. Parmi les principales mesures prsentes, il a t question de faciliter

    laccs facilit au capital et une meilleure association aux rsultats de l'entreprise, dtendre le

    primtre de lintressement aux projets dentreprise , ou encore dencourager la reprise

    dentreprises par les salaris.

    Un dernier projet de loi pour le dveloppement de la participation et de lactionnariat

    salari , a t prsent lAssemble Nationale le 21 juin 2006 par Messieurs Jean Louis

    Borloo et Thierry Breton, et a t adopt par lAssemble nationale, le 11 octobre 2006. Il ne

    prvoit pas de grands changements mais plutt des amnagements et des amliorations des

    textes passs. La seule nouveaut nous a sembl tre la cration dun dividende du travail

    que les entreprises seront encourages, par des incitations fiscales, distribuer leurs salaris

    sous la forme dactions gratuites ou de supplments de participation ou dintressement. Les

    actions gratuites seront dduites de la base imposable des entreprises la condition quelles

    soient distribues lensemble du personnel. Ces actions pourront tre verses sur un plan

    dpargne entreprise (PEE). La participation des salaris la gestion de lentreprise devrait

    galement tre renforce. Cependant, larticle 15 du projet de loi, se contente de stipuler que

    les salaris dune socit cote, en bourse pourront en effet disposer de reprsentants au

    conseil dadministration ds lors quils possderont plus de 3% du capital , ce qui tait dj

    le cas auparavant. Larticle 20 enfin, prvoit de faciliter pour les entreprises franaises

    lattribution dactions gratuites dans le cadre de plans mondiaux en permettant lassemble

    gnrale des actionnaires de supprimer ou de rduire, le cas chant, le dlai minimum de

    conservation des actions (deux ans) condition de porter celui dacquisition quatre ans (au

    lieu de deux) au minimum.

    Dans lensemble, nous avons pu constater que le lgislateur franais a t particulirement

    actif concernant lAS avec un souci permanent de facilitation de laccs lAS tant pour les

    salaris et les entreprises. Il semble cependant que la question de la participation des salaris

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    29

    la gouvernance des entreprises reste un sujet sur lequel il ne souhaite pas intervenir de

    manire importante.

    Les Formes dActionnariat Salari en France.

    LAS en France, est le plus souvent gr dans le cadre de Plans dEpargne Salariale (PES),

    qui sont des systmes collectifs dpargne proposs par les entreprises et qui permettent tous

    les salaris de se constituer une pargne investie en valeurs mobilires, dans un cadre fiscal

    favorable. La cration de ces plans nest pas obligatoire et se ralise linitiative des chefs

    dentreprise avec ngociation avec les partenaires sociaux. Il existe 3 types de PES : Les

    Plans dEpargne dEntreprise (PEE) et les Plans dEpargne Groupe (PEG), les Plans

    dEpargne Interentreprises (PEI) et les Plans dEpargne Retraite Collectifs (PERCO). LAS

    est gr le plus souvent au sein dun PEE ou dun PEG. Le PEG est un type de plan semblable

    au PEE, mais qui sadresse aux salaris de toutes les socits qui appartiennent un mme

    groupe consolid. LAS peut tre direct ou indirect et le PEE peut recevoir divers types de

    versements : certains peuvent tre rguliers, dautres sont plutt exceptionnels, cest ce quon

    appelle les oprations dActionnariat Salari.

    AS Direct vs. AS Indirect.

    Dans lactionnariat direct, le salari dtient des actions de son entreprise dans un compte

    nominatif au sein du PEE, alors que dans sa forme indirecte, le salari possde des parts de

    FCPE. Ces fonds peuvent tre diversifis, ils relvent alors de lArticle L214-39 et sont

    composs moins de 10 % dactions de la mme entreprise pour les FCPE diversifis

    proprement parler, et entre 10 et 33% dactions de lentreprise mettrice pour les FCPE

    dactionnariat salari diversifis. Les FCPE dActionnariat Salari, relvent quant eux de

    lArticle L214-40, et sont composs plus dun tiers dactions de lentreprise mettrice. Ce

    sont les salaris qui choisissent le ou les fonds dans lesquelles ils souhaitent investir. Le

    fonctionnement de ces fonds est dfini par un rglement qui en fixe les modalits, les

    orientations de la politique de placement et les responsabilits du grant et du dpositaire.

    Pour contrler le bon fonctionnement du fonds, la loi a prvu la cration dun Conseil de

    Surveillance (CS). Celui-ci est charg de contrler la gestion du fonds par le grant qui est

    une banque commerciale. Il peut prendre toutes les dcisions quil estime ncessaires pour

    protger les droits des salaris, pouvant mme aller jusqu changer la socit de gestion.

    Cest enfin le CS qui porte les voix des dtenteurs de parts lors des votes en Assemble

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    30

    Gnrale. Il est possible nanmoins dans certains cas, de laisser le droit de vote aux porteurs

    de parts. On retrouve cette option chez Sanofi-Aventis par exemple, mais il est assez rare.

    La composition des CS est paritaire : il sagit pour moiti de salaris reprsentant les porteurs

    de parts et tant eux-mmes dtenteurs de parts, et pour moiti de reprsentants de

    lentreprise. Le Prsident du CS doit par contre tre choisi parmi les reprsentants des

    salaris. Il existe deux principaux moyens pour dsigner les membres des CS. Ils peuvent tout

    dabord tre lus par les porteurs de parts raison dune voix pour chaque part dtenue mais

    dans certains cas, les membres peuvent tre dsigns directement par les syndicats ou les

    Comits dEntreprise pour la partie salaris et par la direction pour ses reprsentants. La

    forme indirecte de lAS peut galement prendre la forme de SICAV dActionnariat Salari,

    mais ce cas est largement moins courant que les FCPE. Nous nallons donc pas nous y

    attarder davantage.

    Outre les sources rgulires de lAS, il existe des cas ponctuels dans lesquels des actions de

    lentreprise sont offertes aux salaris des conditions prfrentielles.

    Il sagit des oprations de privatisation et des oprations dActionnariat Salari.

    Les Sources Rgulires de lAS.

    Les premiers types de versements dans le PEE sont rguliers en ce quils peuvent tre raliss

    chaque anne sans quune dcision de lentreprise doive tre prise. Ces versements peuvent

    avoir diffrentes sources.

    Les versements volontaires des salaris. Les Plans dEpargne Salariale peuvent donner la

    possibilit aux salaris deffectuer des versements volontaires en franchise dimpt sur les

    plus-values. En revanche, ces versements ne bnficient pas de dduction ou de rduction

    dimpt. Le montant annuel des sommes verses (versements volontaires + Intressement)

    lensemble des Plans dEpargne Salariale ne peut excder le quart de la rmunration annuelle

    brute de lexercice de rfrence.

    Les primes dintressement. LIntressement est un systme facultatif de participation

    financire des salaris la performance, qui a t institu en 1959. Un Accord

    dIntressement doit au pralable tre conclu entre lentreprise et ses salaris. Il a une dure

    de trois ans et prcise notamment les objectifs et les modalits de calcul des primes. Prs de

    trois millions de salaris en France bnficient de ce systme. Les primes sont verses chaque

    anne si les objectifs choisis sont raliss. En gnral, lintressement est un systme qui

    sadresse lensemble des salaris mais il est possible dexiger un minimum danciennet qui

  • PARTIE I : VERS UNE MODELISATION DES EFFETS ATTITUDINAUX DE LACTIONNARIAT SALARIE CHAPITRE 1 : ACTIONNARIAT SALARIE, CULTURE ET ATTITUDES

    31

    ne peut toutefois dpasser les trois mois. Les primes dintressement sont normalement

    soumises limpt sur le revenu, sauf si les salaris dcident de les verser sur un PEE ; les

    sommes sont alors indisponibles pendant cinq ans. Ceci explique pourquoi la plupart des

    entreprises mettent en place en mme temps un accord dintressement et un PEE.

    Les Primes de Participation. La Participation des Salaris aux rsultats de lentreprise est

    obligatoire en France pour toute entreprise de plus de 50 salaris ayant ralis un bnfice au

    cours de l'anne prcdente. Les primes de participation varient en fonction des rsultats

    annuels de lentreprise. Le montant global de la fraction des bnfices rpartir est appel

    Rserve Spciale de Participation (RSP). Une rgle