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Tous droits réservés © Les Éditions Cap-aux-Diamants inc., 2002 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 13 nov. 2020 21:17 Cap-aux-Diamants La revue d'histoire du Québec Une architecture marquée par le classicisme et la modernité Marc Grignon et Richard Beaudry L’Université Laval : phare du fait français d’Amérique Numéro 72, hiver 2003 URI : https://id.erudit.org/iderudit/7427ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Éditions Cap-aux-Diamants inc. ISSN 0829-7983 (imprimé) 1923-0923 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Grignon, M. & Beaudry, R. (2003). Une architecture marquée par le classicisme et la modernité. Cap-aux-Diamants, (72), 32–38.

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Tous droits réservés © Les Éditions Cap-aux-Diamants inc., 2002 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

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Document généré le 13 nov. 2020 21:17

Cap-aux-DiamantsLa revue d'histoire du Québec

Une architecture marquée par le classicisme et la modernitéMarc Grignon et Richard Beaudry

L’Université Laval : phare du fait français d’AmériqueNuméro 72, hiver 2003

URI : https://id.erudit.org/iderudit/7427ac

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Éditeur(s)Les Éditions Cap-aux-Diamants inc.

ISSN0829-7983 (imprimé)1923-0923 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleGrignon, M. & Beaudry, R. (2003). Une architecture marquée par le classicismeet la modernité. Cap-aux-Diamants, (72), 32–38.

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UNE ARCHITECTURE MARQUÉE PAR LE CLASSICISME ET LA MODERNITÉ

^M 1 1 1 1 ^ v

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Bâtiment principal, rue de l'Université; Charles

Baillairgé, 1855-1856. L'édifice avait à l'origine un toit-terrasse entouré d'une

balustrade. La nouvelle toiture a été dessinée par Joseph-Ferdinand Peachy

en 1875. Photo Paul Laliberté. (Division

des archives. Université Laval, U519/92/2, nég. 91-617, #19).

PAR MARC G R I G N O N ET R I C H A R D B E A U D R Y

l'Université Laval, la création d'un nou­vel ensemble architectural - avec toutes ses implications pratiques, techniques et symbo­liques - est une question qui s'est posée deux fois : au milieu du XIXe siècle, lors de son installation dans le Vieux-Québec et au mi­lieu du XXe siècle, lors de la création d'un nouveau campus à Sainte-Foy. En outre , dans les deux cas, des problèmes compara­bles de croissance et d 'adaptation ont émergé avec le développement de l'institu­tion, de sorte qu'il y a un parallèle instructif à établir entre ces deux périodes. D'une part, l'Université Laval a suscité la création d'en­sembles architecturaux qui ont exprimé avec force ses idéaux concernant la place de l'en­seignement supérieur au Québec. D'autre par t , lorsque les besoins concrets de nou­veaux espaces se sont posés, cette image symbolique a nécessairement dû être prise en compte et, si le campus développé dans les années 1950-1960 apportait une réponse tout à fait de son temps aux difficultés du

premier ensemble, il faut maintenant nous demander quelles va leurs guideront les transformations à venir.

L E Q U A R T I E R L A T I N

L'organisation des premiers bâtiments de l'Université Laval sur un terrain bordant le Séminaire de Québec suit un schéma linéaire qui tisse un rapport étroit avec le quartier voisin. Les premiers bâtiments de la rue de l'Université sont l'École de médecine (1854), le pensionnat (1855) et le bâtiment principal (1855-1856). L'École de médecine, des archi­tectes Browne et Lecourt, adopte le vocabu­laire néoclassique courant à l'époque. C'est une des dernières œuvres de cette association d'architectes dont le premier est décédé en 1855. Les deux autres bâtiments ont été con­çus par Charles Baillairgé (1826-1906), qui avait déjà réalisé quelques œuvres importan­tes à Québec à cette date.

Faculté de droit, rue Sainte-Famille; Joseph-Siméon Bergeron, 1930-1931. L'élévation est conçue de manière à prolonger le bâtiment des classes du Séminaire (1921), du même architecte. Elle ouvre la rue de l'Université par une grande arcade surmontée du nom de l'institution. Photo Marc Grignon. (Archives des auteurs).

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Le bâtiment principal marque un point tour­nant dans la carrière de Baillairgé, non seu­lement par l 'importance de la commande, mais aussi parce que c'est son premier bâti­ment soutenu par des colonnes de fonte à l'intérieur.' Au point de vue du style, l'archi­tecte emprunte un décor néogrec qui mise sur la rectitude archéologique davantage que sur les canons académiques. Ce vocabulaire s'ob­serve particulièrement dans le portail d'en­trée : tailloirs sans moulures, chapiteaux à échine nue, colonnes sans base, cannelures à arêtes vives. Tout cela donne à l'ordonnance un caractère puissant, presque sévère, qui contraste avec le dorique de conception aca­démique toujours en vogue à l'époque.

Une autre caractéristique originale du bâti­ment était son toit plat avec terrasse offrant une vue unique de la ville et du paysage en­vironnant. Le toit plat, entièrement consis­tant avec l'esthétique néoclassique qui favori­sait les élévations terminées par des balustrades derrière lesquelles les toitures restent dissimulées, révèle aussi l'intérêt de Baillairgé pour le paysage de Québec.2

Par comparaison au bâtiment principal, le pensionnat de 1855 est plutôt modeste. Ceci s'explique par le fait que le projet initial a été considérablement réduit et que le pensionnat devait rester sobre en vertu d'un vieux prin­cipe de hiérarchie visuelle hérité du classi­cisme : la bienséance. Cependant, les deux bâtiments comprennent les mêmes innova­tions techniques, dont un système de chauf­fage central ainsi qu'un système de ventila­tion développés par Baillairgé.

La transformation de ce premier groupe de bâtiments est amorcée rapidement. En 1875, l'architecte Joseph-Ferdinand Peachy ajoute un étage au bâtiment principal en le recou­vrant d'un grand toit mansardé. Il s'agissait en partie de résoudre les difficultés causées par le toit plat, dont les fuites d'eau s'étaient manifestées dès l 'année suivant la fin de la construction, mais la solution apportée change considérablement l'apparence du bâ­timent original et vise à lui donner un carac­tère «français». Peachy complète le tout avec une fausse façade à l'extrémité est du bâti­ment, témoignant encore une fois d'une atti­tude très différente de celle de Baillairgé face au volume architectural : il veut créer un ob­jet qui attire les regards, associant l'univer­sité à ces tours et ces clochers qui ponctuent la silhouette de la ville.

Les agrandissements subséquents, datant du début XX siècle, sont généralement conçus de manière à prolonger les façades existantes en longueur ou en hauteur. Ce procédé favo­

rise la cohérence stylistique et fait appel à la capacité de l'architecte à recomposer les faça­des en équilibrant les anciennes et les nou­velles ouvertures. C'est ce que fait Joseph-Siméon Bergeron en agrandissant l'École de médecine en 1922-1923 et en dessinant la Faculté de droit dans la rue Sainte-Famille en 1930. Dans le premier cas, l 'architecte condamne l'entrée originale et recompose les façades à partir d'un nouvel élément central faisant office de charnière et, dans le deuxième cas, il établit une continuité par­tielle avec le bâtiment des classes du Sémi­naire, qu'il avait lui-même dessiné quelques années auparavant.

L'ÉCLATEMENT

L'université connaît au début du XX' siècle ses premiers vrais problèmes d'espace et cer­taines écoles, comme celle de musique, doi­vent être logées dans des édifices existants du Quartier latin. C'est la période d'éclate­ment et un second foyer doit être établi hors

L'École de chimie, boulevard de l'Entente; Joseph-Siméon Bergeron, 1924. La façade reprend une formule classi­que basée sur les principes enseignés dans les écoles des beaux-arts. Photo Marc Grignon. (Archives des auteurs).

Pavillon Abitibi-Price; René Blanchet, 1950. La structure de béton armé garde une image classique par le revêtement extérieur en pierre et l'organisation symétrique des masses. Photo Roger Gourdeau. (Division des archives, Université Laval, U519/92/2, BU-N-041, #180).

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Pavillon Monseigneur-Alexandre-Vachon. boule­

vard de l'Entente; J.-S. Bergeron et Lucien

Mainguy, 1949. L'originalité de ce bâtiment par rapport

à l'École de chimie est attribuable à l'association

de Bergeron à Mainguy. Photo Marc Grignon.

(Archives des auteurs).

Pavillon Palassis-Prince; Lucien Mainguy, 1952.

Le volume monumental du hall d'entrée, placé dans une composition

asymétrique, vient assurer son équilibre visuel. Photo Roger Gourdeau. (Division

des archives, Université Laval, U519/92/2,

BU-N-041, #1180).

du Vieux-Québec, sur la terrasse Dandurand à Sainte-Foy. L'École de chimie est construite à cet endroit en 1924 selon les plans de J.-S. Bergeron. Le bâtiment suit une composition bien classique, avec un avant-corps central ponctué de pilastres monumentaux surmon­tés d'un fronton triangulaire, un soubasse­ment venant asseoir visuellement la composi­tion et une corniche ceinturant le tout dans la partie supérieure. On y constate la longé­vité des codes classiques dont Bergeron avait hérité à l'École polytechnique de Montréal, une institution qui dispensait une formation inspirée de celle de l'École des beaux-arts de Paris. De 1939 à 1941, on construit l'École des mines dans un style classique moins bien maîtrisé et, en 1949, le pavillon Mon-seigneur-Alexandre-Vachon pour loger une cafétéria et une salle de réception.3 Ce der­nier bâtiment, conçu par les architectes J.-S. Bergeron et Lucien Mainguy, se démarque de ceux qui le précèdent par sa modernité. Il emprunte en effet un vocabulaire dérivé de l'Art déco et comprend des détails modernes comme ces grandes fenêtres verticales signa­lant la position des escaliers en façade.

L E N O U V E A U C A M P U S

La terrasse Dandurand se révèle rapidement insuffisante pour absorber tous les déborde­ments envisagés. C'est au milieu des années 1940 que se forme l'idée de rassembler l'uni­versité sur un grand campus et qu'un terrain de Sainte-Foy est acquis à cette fin. L'univer­sité confie à l 'architecte-urbaniste Edouard Fiset la responsabilité d'élaborer le plan d'ensemble dès 1946. Celui-ci propose alors un plan inspiré des schémas «beaux-arts» de la plupart des nouveaux campus américains : grands axes croisés à angles droits, surfaces gazonnées, vues terminées par les édifices importants, bât iments hiérarchisés de ma­nière à appuyer la composition d'ensemble. Ce plan sera modifié considérablement au fur et à mesure de l'érection des pavillons, mais on y retrouve, entre autres , l'origine des grands axes qui organisent le campus ainsi que le réseau de tunnels qui loge le câblage électrique et les conduits provenant de la centrale d'énergie.

En 1950, le pavillon Abitibi-Price (l'École d'arpentage et de génie forestier) est le pre­mier bâtiment complété. L'édifice conçu par René Blanchet, un diplômé de l'École des beaux-ar t s de Québec, adopte un classi­cisme sobre empreint d'une certaine moder­nité par son dépouillement et son accent sur la volumétrie. On conserve la composi­tion symétrique, le portail à colonnes mo­numentales , le soubassement bien démar­qué et la grande corniche au sommet de chaque volume.

Le pavillon Palassis-Prince (École de com­merce), terminé en 1952 selon les plans de Lucien Mainguy, continue cette tendance à la simplification des formes classiques. Mais ici le bâtiment se divise en masses inégales dis­posées de part et d'autre d'un volume plus imposant contenant le hall d 'entrée et un port ique à colonnes monumentales . Cette composition, asymétr ique mais balancée, témoigne d'une volonté architecturale que son architecte explique ainsi : «Il fallait que la Faculté de commerce réponde aux caracté­ristiques et aux tendances du commerce actuel».4 Dans une entrevue datant de cette période, Mainguy évoque clairement les principes fonctionnalistes du modernisme : «L'architecte ne conçoit pas une bâtisse sous la seule direction de la fantaisie; le pro­gramme que des besoins ont déterminé le guide».0

En 1957, l 'université se dote de deux bâti­ments indispensables : le pavillon H.-Biermans-L.-Moraud (pavillon des résidences) et une cafétéria (l'ancien pavillon Pollack), conçus

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tous deux par Edouard Fiset et son agence Fiset et Deschamps en 1956 en réponse à la volonté de loger 330 étudiants. Ces deux bâti­ments marquent l'acceptation d'un moder­nisme sobre mais raffiné, que l'on constate à l'asymétrie prononcée des plans, la dispari­tion des soubassements, les revêtements de briques, les grandes parois en verre ouvrant les espaces communs et l'attention constante portée aux détails architectu­raux. Soulignons ici la disparition des co­lonnades, des corps de moulures complexes et de tout aut re détail hérité du classi­cisme.

Le bâtiment le plus imposant de ces premiè­res années est sans contredit le pavillon Louis-Jacques-Casault (Grand Séminaire), conçu en 1948 par l'architecte montréalais Ernest Cormier, mais complété seulement en 1959. Son importance tient d'une part, à ses formes stylisées évoquant de manière abs­traite la tradition chrétienne et, d'autre part, à sa place prépondérante dans le plan d'en­semble, à l'extrémité est de l'axe transversal, qui se développe d'est en ouest.

Restent les bâtiments voués à l'enseignement et à la recherche, ceux qui constituent la rai­son d'être de l'université. Les facultés emmé­nagent sur le nouveau campus au fur et à mesure que les nouveaux bât iments sont construits. À l'extrémité ouest de l'axe trans­versal, Lucien Mainguy conçoit le pavillon Ferdinand-Vandry (Faculté de médecine), qui ouvre en 1957. La grande façade de ce bâti­ment possède un mur-rideau dont les modu­les sont regroupés par quatre entre les mon­tan t s principaux, mais elle conserve aussi l'esprit des compositions classiques : entrée centrale, symétrie appuyée par les projec­tions des amphithéâtres et celles des entrées secondaires, encadrement du mur-rideau par des «marges» au revêtement de pierre taillée. L'intérieur du bât iment est généralement bien conservé, avec son hall d'entrée, ses vitrines et ses boiseries dans les corridors, certains amphithéâtres, le lettrage servant à l'identification des locaux et plusieurs élé­ments de mobilier originaux, le tout entière­ment dessiné par l'architecte et ses collabora­teurs. C'est une œuvre dont il est important de signaler ici la cohérence et la qualité.

Les pavillons Alexandre-Pouliot et Adrien-Vachon (Faculté des sciences), aussi conçus par Mainguy, viennent s'ajouter en 1962. En­core une fois, Mainguy répond directement à l'organisation générale du campus tout en af­firmant un caractère résolument moderniste. Les deux pavillons structurent l'axe visuel terminé par le pavillon Vandry en lui fournis­sant des façades latérales qui se répondent.

Les pavillons Pouliot et Vachon, cependant, n'ont pas de façade au sens classique du terme; l'ensemble se développe plutôt comme un jeu de volumes dont les faces sont traitées avec des matériaux distincts. Les ailes bor­dant un côté de l'axe longitudinal — qui se dé­veloppe du nord au sud - forment un grand mur-rideau ponctué «d'événements», comme les ruptures verticales correspondant aux en­trées secondaires et les volumes cubiques marquant la rencontre de l'axe transversal. C'est au tant le choix subtil des couleurs et des matériaux que le souci d 'humanisme dans l'articulation des espaces extérieurs et intérieurs - mentionnons par exemple les grands corridors latéraux illuminés par une succession de petites cours dans l'aile des classes, montée sur pilotis, du pavillon Vachon - qui donnent leur caractère à ces deux bâtiments.

Pavillon Louis-Jacques-Casault; Ernest Cormier, 1959. Pavillon des sciences de l'éducation; Tessier, Bissonnette et Corriveau, 1967. Pavillon Félix-Antoine-Savard; Bissonnette et Michaud, 1971-72. Une image classique du campus selon l'axe transversal en regardant vers l'est. Photo Renée Méthot. (Division des archives. Université Laval, U519/92/2, nég. 87-36-1).

Pavillon Ferdinand-Vandry; Lucien Mainguy, 1957. La façade offre une composition parfaitement symétrique qui répond à l'organisation axiale du campus. Photo M. Grignon.

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Pavillon Alexandre-Vachon, Lucien Mainguy, 1962.

Le long de l'axe transversal, le pavillon Vachon propose

un jeu de volumes répon­dant à celui du pavillon

Pouliot. Photo Marc Grignon. (Archives

des auteurs).

Pavillon Charles-De Koninck (à gauche);

Fiset et Deschamps, 1964; pavillon Jean-Charles-

Bonenfant (à droite); St-Gelais, Tremblay, Tremblay

et Labbé, 1968. Les deux pavillons soulignent les

axes du campus sans créer de symétrie rigide. Photo

Jean Horvath. (Division des archives, Université Laval, U519/92/2, nég. 1284, #9a)

L'attention que Mainguy porte à la terminai­son ouest de l'axe transversal du campus l'a aussi amené à considérer des éléments com­plémentaires : un hôpital universitaire se dé­veloppant à l'arrière du pavillon Vandry dans le même axe, une passerelle soutenue par un grand arc en béton pour relier les deux pa­villons des sciences. S'ils sont restés lettre morte parce qu'ils ne faisaient pas partie des priorités de l'époque, il serait souhaitable que les développements à venir - à la Faculté de médecine, par exemple — prennent en compte les principes sous-jacents à ces projets de Mainguy. Mieux que tout autre groupe de bâ­timents du campus, les pavillons Vandry, Pouliot et Vachon symbolisent en effet la mo­dernité d'une grande université vouée aux idéaux qui ont conduit à la Révolution tran­quille. En effet, ces trois bâtiments partici­pent de manière brillante à définir, dès la fin des années 1950, une «architecture de la Ré­volution tranquille»,*' globalement moderniste dans son esthétique, mais conservant une sensibilité classique ou «beaux-arts» dans son

échelle, dans la clarté de ses plans et dans l'agencement de ses matériaux.

Du côté des lettres et des sciences humaines, le pavillon Charles-De Koninck se présente comme l'une des œuvres les mieux réussies d'Edouard Fiset sur le campus. D'abord, sa relation multidirectionnelle à l'espace exté­rieur s'intègre parfaitement au plan d'ensem­ble. En outre, ses élévations rythmées et la variété des ouvertures permettent une lec­ture cohérente du bât iment depuis l'exté­rieur. Malheureusement, des transformations relevant de ce qu'il faut nommer de la pollu­tion architecturale pour leur manque de sen­sibilité envers l'architecture existante — les cubicules, les kiosques, les guichets automa­tiques, etc. — viennent appauvrir l'intérieur. Les qualités originales de ce bâtiment restent cependant visibles à plusieurs endroits, comme dans les divers escaliers, les amphi­théâtres et le hall Émile-Nelligan.

Dans la même lignée archi tec tura le que le pavillon De Koninck, le pavillon Paul-Comptois est composé de quatre ailes reliées par des tours de circulation verticales autour d'un jardin central. Le pavillon Comptois fut rapidement construit entre 1965 et 1966. Mais au-delà de l'économie de temps et d'ar­gent que la préfabrication a permise à l'épo­que, l'agréable allure qui résulte de ses mo­dules de béton a été soulignée par la critique spécialisée : «L'édifice est équilibré, sobre et élégant. Pas d'artifices mais des lignes sim­ples qui plaisent à l'œil».7

Les résidences ont aussi connu, au fil des an­nées, un développement fulgurant. D'abord le pavillon Ernest-Lemieux, de 1959, témoigne d'un modernisme cherchant à s'harmoniser avec son environnement par ses matériaux, son plan incurvé et ses proportions. Les pa­villons Alphonse-Marie-Parent et Agathe-Lacerte ont été conçus à la suite d'un double concours lancé aux architectes du Québec en 1963. L'architecte André Robitaille a rem­porté la première place pour le pavillon Pa­rent avec une série de tours d'habitation de neuf étages reliées entre elles au rez-de-chaussée par des passages vitrés, des cours intérieures et des aires communes généreu­ses. Le pavillon Lacerte (1965), conçu par Mainguy, Jarnuszkiewicz et Boutin, est formé de quatre ailes rassemblées autour d'une cour intérieure ouverte : un parti nette­ment moins radical que celui de Robitaille. L'extérieur se compose de modules préfabri­qués de couleur crème formant une série d'arcades à chaque niveau, alors que les ca­ges d'escalier et les entrées se démarquent par leur revêtement de minces briques rou­ges dites «briques romaines».

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Une nouvelle série de construction vient con­solider l'organisation du campus dans les an­nées 1970 tout en pourvoyant aux nouveaux besoins : le pavillon Jean-Charles-Bonenfant (Bibliothèque générale), en 1968, répond au volume du pavillon De Koninck en plus de s'intégrer aux espaces extérieurs grâce à un habile jeu de terrasses sous les parties en porte-à-faux. Le pavillon d'Éducation physi­que et des sports (PEPS), dont une première phase est complétée en 1971, est articulé de manière à ce que les volumes s'adaptent à la dénivellation du terrain dans la partie nord du campus. Les tours de l 'avenue des Sciences humaines, construites en 1968 et 1972, sont disposées de par t et d'autre de l'axe t ransversal pour participer à l'effet d'ensemble.

Les années récentes sont marquées par une nouvelle vague de constructions implantées de manière parfois heureuse, parfois moins, dans les parties ouvertes du campus. Les pa­villons J.-A.-De-Sève et La Laurentienne, des architectes Gagnon, Guy, Leclerc et Ross (1990) forment un ensemble dont les masses extérieures retournent à une échelle modeste par comparaison à leurs voisins. Le classi­cisme postmoderne de ses formes, particuliè­rement lourd à l'intérieur, suit une tendance des années 1980 qui, aux yeux de plusieurs critiques d'aujourd'hui, vieillit assez mal. Les

Pavillon J.-A.-De Sève; Gagnon, Guy, Letellier, Ross, architectes, 1990. Vue de l'atrium couvert d'une verrière. Les élévations latérales, avec des pilastres monumentaux à imitation de marbre, suivent une tendance populaire dans les années 1980. Photo Marc Grignon.

pavillons Alphonse-Desjardins et Maurice-Pollack proposent, quant à eux, une relecture monumentale du modernisme. La grande fa­çade de la rue de l 'Université affiche une frontalité et une monumentalité dont le ca­ractère peut convenir aux fonctions logées derrière, mais l'ensemble du projet donne à cette partie du campus un ton bien différent de celui associé aux bâtiments de Fiset ad­jacents. L'atrium et la «rue intérieure» four­nissent, quant à eux, des espaces de circula­tion à la fois généreux et animés tout en établissant une division interne entre les deux pavillons. Le pavillon Charles-Eugène-Marchand propose lui aussi une relecture du modernisme inspirée des tendances inter­nationales contemporaines par son volume partiellement éclaté et ses grandes poutres prolongées à l'extérieur. Son implantation à proximité du pavillon Vandry suggère une manière pertinente d'augmenter la densité du campus, car elle ne nuit en rien à son voi­sin et contribue à valoriser les espaces exté­rieurs devant sa façade.

CONCLUSION : L'AVENIR RESTE À DÉFINIR

Avec les nouveaux besoins auxquels l'Univer­sité Laval commence à faire face depuis une dizaine d'années, on peut se demander ce qu'il adviendra de ses bâtiments des années 1950 et 1960. La disparition de l'ancien pa­villon Pollack n'est pas de bon augure et les transformations qui, dans plusieurs pa­villons, appauvrissent les qualités spatiales et architecturales portent à l'inquiétude. Sur le plan international, les architectes et les maîtres d'ouvrage sensibles à l'histoire de l'architecture sont actuellement en train de

Pavillon Ernest-Lemieux; Fiset et Deschamps, 1962. Le volume au premier plan, conçu pour accueillir une bibliothèque, se distingue du volume principal par sa forme particulière, son revêtement de brique émaillée rouge et le motif répétitif de ses fenêtres. Photo Marc Grignon. (Archives des auteurs).

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Pavillon Charles-Eugène-Marchand; St-Gelais,

Tremblay, Bélanger et Beauchemin, 1995. Le bâtiment, implanté à proximité du pavillon

Vandry, présente un volume aux formes sculpturales et

abstraites. Photo Marc Grignon. (Archives des

auteurs).

redécouvrir cette période importante du mou­vement moderne. Un peu partout en Europe et Amérique, les bâtiments des années 1950 et 1960 font aujourd'hui l'objet d'un entretien bienveillant et, lorsque nécessaire, de restau­rations méticuleuses. Dans cette perspective, la qualité du vocabulaire architectural de plusieurs pavillons de l'Université Laval mé­rite d'être mieux préservée.

pose donc la question du traitement qui sera réservé aux bâtiments encore sous la respon­sabilité de l'université. La question est im­portante puisque, comme c'est souvent le cas sur les campus universitaires en Amérique du Nord, le mouvement moderne s'est ex­primé avec beaucoup d'éloquence à l'Univer­sité Laval. La tendance architecturale la plus intéressante que l'université pourrait em­prunter dans les années futures serait donc, à nos yeux, celle de la conservation du patri­moine moderne. Il n'y a aucun doute que le campus de Sainte-Foy possède les qualités et la cohérence suffisantes pour qu'une action en ce sens soit remarquée non seulement dans la région de Québec, mais aussi à tra­vers le Québec et le Canada. •

Marc Grignon est professeur d'histoire de l'architecture au Département d'histoire à l'Université Laval.

Richard Beaudry est étudiant à la maîtrise en histoire de l'art à l'Université Laval.

Pavillon Alphonse-Marie-Parent; André Robitaille, 1963. Les tours d'habita­

tion sont reliées par un grand rez-de-chaussée

comprenant les aires communes. Photo Marc

Grignon. (Archives des auteurs).

En tant que maître d'ouvrage d'importance majeure, l'Université Laval a permis l'expres­sion de tendances architecturales qui témoi­gnent de manière éloquente des différentes phases de son développement. Avec quelques bâtiments particulièrement réussis - comme le bâtiment principal de Baillairgé dans le Quartier latin et les pavillons de Fiset et de Mainguy sur le campus - son architecture té­moigne plus largement du rôle qu'elle a joué dans l'histoire du Québec. Aujourd'hui se

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Pour en savoir plus : 1. Voir Christina Cameron. Charles Baillairgé. Architect & Engineer. Montréal et Kingston, McGill-Queens University Press, 1989, p. 62. 2. La terrasse Dufferin (1875), conçue par Charles Baillairgé, marque l'aboutissement d'une transformation du rapport visuel au paysage urbain dont le toit-terrasse de l'Université Laval fait partie. Voir ibid. p. 61; et Marc Grignon, «Comment s'est faite l'image d'une ville : Québec du XVIIe au XIX' siècle», dans Ville imaginaire. Ville identitaire. Echos de Québec (Lucie K. Morisset et al., dir.), Québec, Nota Bene, 1999, p. 99-117. 3. Ces trois bâtiments font aujourd'hui partie du Collège François-Xavier-Garneau. 4. Cité par Olivier Chambre, «Faculté de commerce de Laval», Architecture, Bâtiment, Construction, n° 80 (décembre 1952), p. 17. 5. Yves Mercier. «Monsieur Lucien Mainguy» (entrevue). Hermès, n" 2 (hiver 1951-1952), p. 68-69. 6. Voir Luc Noppen et Lucie Morisset, Québec de roc et de pierres, Québec, Éditions MultiMondes, 1998, p. 124-125. 7. «Pourquoi on a utilisé la préfabrication dans la construction de la Faculté d'agricul­ture à Québec», Bâtiment, vol. 41, n" 1 (janvier 1966), p. 24.

38 CAP-AUX-DIAMANTS, N° 72, HIVER 2003