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F i c h e r e s s o u r c e UNE ABBAYE SEIGNEUR ENTRE SPIRITUALITÉ ET FÉODALITÉ Nieul livre ses secrets A l’instar d’une seigneurie, la mouvance* et la mense* d’une abbaye induisent une étroite imbrication des cadres féodaux et ecclésiastiques. Souvent d’ailleurs, les abbés sont issus de l’aristocratie. En devenant seigneur, l’abbaye, perd son autonomie, abandonne l’autarcie et acquiert des droits et des devoirs. Cependant ce nouveau statut la place dans une relation de pouvoir et de dépendance, de suzeraineté et de vassalité. L’abbaye de Nieul, les contours L’abbaye de Nieul seigneur de La Motte En l’absence d’actes médiévaux, les contours de la mouvance* et la juridiction* exactes de l’abbaye sont difficiles à préciser. Pourtant, au XIIIe siècle, le prieuré de Saint-Cyr-des-Gâts obtient très tôt de droits de hautes justices concédés par les seigneurs de Vouvant (1279). En 1440, l’abbaye détient des droits de pêche des anguilles liés au moulin de Rochetillac, à Denant. Alors que la féodalité prend fin, au XVI e siècle, l’abbaye de Nieul détient plusieurs seigneuries réparties sur un vaste territoire. Possessionnée à Sérigné, Pouillé, Vouvant et Saint-Hilaire-des-Loges où forte de 3 seigneuries (Pugelasme, du Quairaux, de La Doigt), la mouvance de l’abbaye s’étend aussi sur Coulon, La Celette et en Charente-Maritime. Son étendue dépasse largement Nieul. Du coup, les abbés sont à la fois religieux et seigneurs. Ce nouveau statut impose des relations de suzeraineté* et de vassalité*. Le cadre féodal s’imbrique et interfère dans le cadre ecclésiastique. La pêche en rivière, la pêche au filet (ici pêche à la lamproie) – Tacuinum Sanitatis – XV e siècle Wikimedia commons 1 d’une future seigneurie (XIII e -XIV e siècles) ... au XVIe siècle E N S E I G N A N T S

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Fiche ressource

UNE ABBAYE SEIGNEURENTRE SPIRITUALITÉ ET FÉODALITÉ

Nieul livre ses secrets

A l’instar d’une seigneurie, la mouvance* et la mense* d’une abbaye induisent une étroite imbrication des cadres féodaux et ecclésiastiques. Souvent d’ailleurs, les abbés sont issus de l’aristocratie. En devenant seigneur, l’abbaye, perd son autonomie, abandonne l’autarcie et acquiert des droits et des devoirs. Cependant ce nouveau statut la place dans une relation de pouvoir et de dépendance, de suzeraineté et de vassalité.

L’abbaye de Nieul, les contours

L’abbaye de Nieul seigneur de La Motte

En l’absence d’actes médiévaux, les contours de la mouvance* et la juridiction* exactes de l’abbaye sont difficiles à préciser. Pourtant, au XIIIe siècle, le prieuré de Saint-Cyr-des-Gâts obtient très tôt de droits de hautes justices concédés par les seigneurs de Vouvant (1279). En 1440, l’abbaye détient des droits de pêche des anguilles liés au moulin de Rochetillac, à Denant.

Alors que la féodalité prend fin, au XVIe siècle, l’abbaye de Nieul détient plusieurs seigneuries réparties sur un vaste territoire. Possessionnée à Sérigné, Pouillé, Vouvant et Saint-Hilaire-des-Loges où forte de 3 seigneuries (Pugelasme, du Quairaux, de La Doigt), la mouvance de l’abbaye s’étend aussi sur Coulon, La Celette et en Charente-Maritime. Son étendue dépasse largement Nieul.Du coup, les abbés sont à la fois religieux et seigneurs. Ce nouveau statut impose des relations de suzeraineté* et de vassalité*. Le cadre féodal s’imbrique et interfère dans le cadre ecclésiastique.

La pêche en rivière, la pêche au filet (ici pêche à la lamproie) – Tacuinum Sanitatis – XVe siècle

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d’une future seigneurie (XIIIe-XIVe siècles)

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ENSEIGNANTS

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Carte de Cassini - Possessions de l’abbaye de Nieul au XVIe siècle – L’abbaye est largement possessionnée dans un rayon de 20 à 25 kilomètres autour de l’emplacement de la seigneurie de La Motte – Cette aire lui permet, comme seigneur,

de dominer son territoire - Conseil général de la Vendée SDCJ – 2014

En 1519, après consentement du chapitre, l’abbaye acquiert des seigneurs de Volvire, propriétaires depuis 1356, la seigneurie de La Motte. La même année, l’abbé Toussaint, premier abbé-seigneur, dresse une longue liste d’hommages*. Dans la mouvance de la seigneurie de La Motte, les seigneurs de Saint-Pompain, Denant, de Saint-Mesmin et du Vignaud déclarent sur papier à l’abbé, toutes leurs possessions dans le bourg de Nieul. Ce document est un aveu*.

Cliché - Archives départementales de Maine-et-Loire - G 143 f. 111 - Aveu rendu à Gabriel Bouvery, évêque d'Angers

(enluminure avec les armes de l'évêque). - 1549.

Légende Seigneuries dépendantes de l’abbaye de Nieul Siège de la seigneurie de Nieul

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Carte - Le temporel de l’abbaye de Nieul en 1519 - SDCJ/Conseil général de la Vendée

Des droits … et des devoirsAu XVIe siècle, le nouveau statut seigneurial de l’abbaye lui permet de lever le cens* et le champart*. Ces redevances constituent le loyer de la terre. En acquittant ces deux impôts, le paysan peut vivre sur la terre du seigneur. Le cens est un impôt fixe tandis que le champart varie selon la récolte.Ce prélèvement permet à l’abbaye de faire curer les fossés, empierrer les chemins….En outre, l’abbaye perçoit d’autres impôts : la mainmorte* et le formariage*. Fort du statut de seigneur, l’abbaye (autrement dit le chapitre et l’abbé) détient des droits banaux* attachés à leur seigneurie. Les prérogatives du domaine de La Motte, s’exercent à Nieul. Les habitants de Nieul doivent faire cuire leur pain dans le four de la seigneurie de La Motte. Elle reçoit aussi des hommages de seigneurs pour des terres dépendantes du fief* de l’abbaye. En 1598, un seigneur de Sauvairé déclare ses possessions dans la seigneurie puisque l’abbaye en est propriétaire. Il présente son aveu à Pierre Constant abbé et prieur de Nieul.

L’abbaye reçoit ainsi les aveux, mais doit aussi déclarer ses possessions à des seigneurs plus importants. Sa mouvance en effet s’imbrique dans des seigneuries plus importantes relevant de puissantes familles. Déjà en 1504, l’abbé de Nieul déclare ses possessions à l’évêque-abbé de Maillezais, seigneur de Benet. En 1597, l’abbé rend hommage à son suzerain pour la seigneurie de Sauvéré.De 1519 à 1694, l’abbaye de Nieul déclare ses possessions pour la seigneurie de La Motte au seigneur de Vouvant. Si en 1519, l’abbé déclare l’aveu à la duchesse de Longueville, en 1647, Pierre Brisson, abbé de Nieul énonce les possessions de l’abbaye au duc d’Orléans.

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Cliché - Archives départementales de Maine-et-Loire - G 143 f. 111 - Aveu rendu à Gabriel Bouvery, évêque d'Angers

(enluminure avec les armes de l'évêque). - 1549.

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Fiche ressource

LA COMMUNAUTÉ,PIVOT DU RAYONNEMENT CULTUREL ET SPIRITUEL DE L’ABBAYE

Nieul livre ses secrets

Colonne vertébrale et centre nerveux de l’abbaye, la communauté réunie en chapitre, délègue son pouvoir à l’abbé représentant et défenseur de ses intérêts. La crosse et le sceau attestent de son rôle. Au Moyen-âge, abbés, prieurs représentent l’autorité temporelle et spirituelle de l’abbaye sur l’ensemble de sa mouvance*.

Le chapitre, pivot communautaire

La cohésion de la communauté se renforce à mesure que le domaine de l’abbaye s’accroit. La même entente soude les chanoines dans son en-tretien et son exploitation. L’abbé doit également avoir la permission du chapitre pour toute décision concernant un bien dans la mouvance* de l’abbaye. Du XIVe au début du XVIe siècle, à chaque vacance d’un abbé de l’abbaye de Nieul, un nouvel abbé est nommé sans qu’une élection en chapitre ait lieu.

Crosse de l'abbé de Nieul - XIIIe siècle - Musée du Moyen-âge - Hôtel de Cluny

Moulage du sceau en forme d’amande de l’abbaye de Nieul - Première moitié

du XIIIe siècle - ArchivesNationales.

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L’exercice du bon droit de l’abbaye Le frère aumônier est chargé de percevoir la dîme* versée à l’abbaye, comme l’atteste un acte de 1419. Il « prend la dixme des bleds liés ». Aucun document ne précise le mode de perception.

De même, si les intérêts de la communauté sont en danger, le chapitre désigne un membre chargé de cette fonction. En 1183, l’abbaye de Nieul entre en conflit avec l’abbaye du Ronceray d’Angers à propos d’une terre située à Machecoul dans le diocèse de Nantes. Les deux abbayes prétendent la détenir à l’issue d’un don du seigneur.Chacune des deux abbayes choisit ses défenseurs. L’évêque de Nantes confirme la donation de la terre aux religieuses d’Angers contre 3 setiers de seigle. A défaut de payement, la « terre passera au pouvoir des chanoines et reviendra à l’église de Nieul de plein droit avec toutes ses appartenances. »

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ENSEIGNANTS

Le rayonnement territorial de l’abbayede Nieul à la fin du XVIIe siècleChaque prieuré* est desservi par des chanoines envoyés par l’abbaye-mère. Les chanoines sont placés sous l’autorité d’un prieur. L’abbé de Nieul envoie encore au XIVe siècle des chanoines dans chacun des prieurés dépendants de l’abbaye-mère. Ils sont ainsi le relais de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel de l’abbaye malgré l’éloignement. 3 à 4 chanoines constituent le noyau minimal d’un prieuré. Comme Nieul dispose de 11 prieurés, le pape impose un choix de 33 chanoines. Finalement, le nombre de chanoines dépendant de l’abbaye avoisine les 200.

Carte - Le temporel de l’abbaye de Nieul en 1319SD

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Le rayonnement territorial de

A la fin du XVIIe siècle, l’abbaye de Nieul essentiellement possessionnée dans le sud-est de la Vendée, compte 72 prieurés et 3 cures réparties dans les diocèses* de Poitiers, La Rochelle, Luçon, Saintes et Nantes.

l’abbaye de Nieul aux XVIe-XVIIe siècles

Légende :

prieuré

église

perception de la dîme

four banal

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Prieuré de Beaulieu (chanoines réguliers de Saint Augustin) dans le diocèse de Rouen (Seine-Mari-time) fondé en 1200 – Estampe de Louis Boudan

– 1696 – BNF

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Prieuré Saint-Martin près de Chaumont (Loir-et-Cher) – XVIIIe siècle – BNF

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Fiche ressource

LE CHOIX DES ABBÉSLA VOIX DE LA COMMUNAUTÉ ?

Nieul livre ses secrets

Jusqu’au XIIIe siècle, la papauté a plein pouvoir sur « la fille ainée de l’Eglise », la France. Au XVe siècle, Charles VII, promulgue la Pragmatique Sanction. Le roi restitue aux chapitres le droit d’élection de l’abbé. Cependant, la négociation du Concordat de Bologne par le chancelier Duprat (1463-1535), ratifié par le pape le 18 août 1516, augmente la puissance du roi. Désormais, ce dernier détient le pouvoir spirituel, le pape possède le temporel. 6 archevêchés, 83 évêchés et une centaine d’abbayes tombent dans les mains du roi. Il peut à loisir attribuer les revenus et les charges à des personnages de haut rang. C’est le principe de la commende* et du cumul des charges.

Le choix des abbés du XIIe au XVe siècle

Le choix des abbés aux XVIe et XVIIe siècles

A l’élection des abbés, l’évêque confirme le choix des chanoines. Cependant, le pape se réserve aussi le droit de les nommer. Un simple chanoine peut très bien être nommé sans avoir été préalablement élu. Finalement jusqu’au début du XVIe siècle, les abbés sont originaires de l’abbaye ou de ses prieurés*. La première mention de l’abbé de Nieul date de 1130. De cette date jusqu’en 1715, une trentaine d’abbés se sont succédés à la tête de l’abbaye.

Au XVIe siècle, l’abbaye relève d’une puissante famille poitevine : les DU PLESSIS, parente de Armand-Jean du Plessis, évêque de Luçon, puis cardinal de Richelieu. Des années 1580 aux années 1590, deux du Plessis s’y succèdent considérant l’abbaye comme bien familial. L’un, Jacques du Plessis, proche du roi Henri II, cumule deux charges d’abbé. Abbé de La Chapelle aux Palanches, il est aussi abbé de Nieul avant de devenir évêque de Luçon (1584-1592). Les du Plessis considèrent l’évêché de Luçon, au même titre que l’abbaye comme bien familial transmis à un frère ou à neveu. De 1582 à 1593, l’abbaye de Nieul échoit donc à René du Plessis, frère de Jacques, premier évêque de Luçon. Son frère aîné ne cumule pas une charge abbatiale et une charge d’évêque. Blason de la famille du Plessis de

Richelieu au XVIe siècle dont deux membres furent abbés de Nieul

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Blason de la famille Phélypeaux de La Vrillière au XVIIe siècle dont trois

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re Puis dans la seconde moitié du XVIIe, l’abbaye passe aux mains d’une puissante famille ministérielle : LES PHELYPPEAUX DE LA VRILLIERE. Cette famille fournit trois abbés qui se succèdent de 1661 à 1721. Deux frères se succèdent à la tête de l’abbaye de façon à conserver le bénéfice et surtout les revenus dans la famille, puis un neveu de 1695 à 1721.

Ce principe de commende, de propriété d’une charge ecclésiastique lucrative se généralise aux XVIe-XVIIIe siècles. D’abord, des familles seigneuriales, installées localement en obtiennent la charge. Puis ce sont des familles seigneuriales déconnectées du territoire qui en obtiennent la possession, recherchant seulement les revenus dont elles peuvent tirer parti.

ENSEIGNANTS

Fiche ressource

LE TEMPORELDES DONATIONS AUX DÉRIVES

Nieul livre ses secrets

Aux IXe-XIe siècles, les seigneurs abandonnent des terres aux abbayes. Ces donations de parcelles souvent à défricher et à valoriser constituent le domaine de l’abbaye. Cette mense territoriale est assortie de revenus composant le temporel*.

Celui-ci peut-être affaibli à cause de guerres. Le texte suivant mentionne le terme temporel. D’ailleurs, le rayonnement de l’abbaye et son temporel sont indissociables. Un rayonnement faible induit un temporel faible. L’abbaye s’appauvrit.

Les donations sources des revenus de l’abbayeLes premières donations* des XIe-XIIIe siècles sont faites à l’ensemble de la communauté. De 1207 à 1217, les seigneurs de Volvire, de Mauléon (sénéchal du Poitou) et de Marans donnent les marais de Chaillé, du Langon, de Vouillé et de Mouzeuil aux abbayes de Nieul et de Maillezais. En 1217, associées aux abbayes de Saint-Maixent, l’Absie et Saint-Michel-en-L’Herm, ces deux abbayes ouvriront un canal dans le marais : le canal des 5 abbés.

Au XIIIe et au XIVe siècle, d’autres donations augmentent les revenus des chanoines. A chaque fois ces donations sont assorties de droits. Ainsi, en 1279, Valence de Lusignan, dame de Vouvant confirme la donation d’anciens droits de garennes à lapins et lièvres au prieuré de Saint-Cyr-des-Gâts, dépendant de l’abbaye de Nieul. En 1364, Jeanne de Bouillé donne une terre avec 3 livres de rente contre 3 messes annuelles dans l’église de Bouillé. En 1390, l’abbaye acquiert un droit de pacage * dans les marais pour ses animaux à Benet.

Importantes aux XIe-XVe siècles, les donations cessent aux XVIe-XVIIe siècles.

Cliché – Archives départementales des Deux-Sèvres H 1 – Abbaye de l’Absie – Mandement de Pierre de Brézé, seigneur de La Varaine et de Brechestet, sénéchal de Poitou, sur lettre du roi (Charles VII) de 1439, portant exemption en faveur de l’abbaye de l’Absie de leur part de 40 livres dans la contribution imposée par le secrétaire du roi. Cette exemption est motivée car l’abbaye a été trois fois prise et pillée. Ses domaines sont diminués par les guerres et la mortalité. Le clocher est tombé avec la moitié de l’église. Ses revenus ne lui

permettent pas de le restaurer.Exemple d’un texte précisant le nom « temporel » d’une autre abbaye poitevine – Etat du temporel de l’abbaye de l’Absie après la

guerre de Cent Ans – Le temporel – 1439-1442.

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Dessin - L’abbaye de Nieul au XIIe siècle - (reconstitution libre)

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« …que lad. abbaie [de l’Absie] et les possessions… »

«…pour le fait en occasion des guerres et mortalités… »

«… en main le temporel… »

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La protection royale et la protection papale

Le temporel de l’abbaye de Nieul

Du XIIe au XIVe siècle, l’abbaye bénéficie de soutiens royaux. En 1141, Louis VII prend l’abbaye de Nieul « sous sa tutelle et sa protection ». Celle-ci est assortie d’exemption fiscale et de protection armée en cas d’attaque.La dynastie des VALOIS renouvelle la protection. Philippe VI la renouvelle en 1330, puis Jean II Le Bon, à son tour en 1356.

Cette assistance en pleine guerre de Cent Ans (1337-1457), où le Poitou est ravagé depuis la défaite de Poitiers (1356) et par les chevauchées du Prince Noir (Edouard de Galles), préserve quelque peu l’abbaye. Mais sa mense*, les récoltes qui en découlent sont affaiblies. Ces revenus également. La libération de Poitiers par le connétable* DU GUESCLIN en 1372 donne une accalmie au Poitou. Le pape, installé en Avignon, accorde alors sa protection à l’abbaye et permet à l’abbé de cumuler des revenus avec ceux de l’abbaye.

Attesté vers 910, le moulin de La Roche, plus ancien que l’abbaye de Nieul, entre dans sa mouvance entre 1280 et 1320. L’abbaye en reste propriétaire jusqu’en 1440. A cette date, elle fait construire le moulin de Bosson, plus proche de l’abbaye. Elle détient également le moulin de Rochetillac, situé sur la paroisse de Denant dans sa mouvance. A la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, l’abbaye détient le moulin à vent de Grissay à Saint-Michel-Le-Cloucq.

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aux XIe-XVe siècles

L’abbaye de Nieul au XIIe siècle - Restitution

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Moulin à vent – Le Petit Gentilly XIXe siècle

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En l’absence des sources médiévales, l’estimation du temporel et des revenus associés, est difficile. La majorité des revenus sont sous forme de dîmes. Elles peuvent être de diverses natures : alimentaires, personnelles, animales…. A la perception, les dîmes sont rassemblées dans une grange, dite la grange aux dîmes.L’abbaye de Nieul perçoit des « dixmes d’agneaux » de son prieuré de Coulonges. En 1419, l’abbaye obtient « la dixme des bleds […] le terrage de bleds […] enfin la censive sur plusieurs maisons et domaines aud[it] lieu de Nieuil ».

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Exemple de dîme du XIIIe siècle - Acte de vente de dîme à Einsiedeln par Rodolphe de Wädenswil. Il donne à l’abbé Anselm, abbé de 1234 à 1266] d’Einsiedeln la dîme du vin à Meilen (Suisse), qu’il tenait en fief de l’abbaye, contre un paiement de 63 marcs

d’argent. Einsiedeln, Klosterarchiv Einsiedeln, Urkunde Nr. 118 (KAE, P.H.2)

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Grange aux dîmes dans le Poitou - Base Mérimée

Elle dispose également d’un patrimoine foncier. Il s’agit de la mense* dont le produit forme le revenu de la communauté. L’abbaye dispose aussi de tenures* sous forme de francs alleux* ou de fiefs. Accordées par le seigneur aux paysans, ces terres sont soumises à des droits seigneuriaux. Ils y effectuent des corvées. En devenant seigneur, l’abbaye touche aussi un cens*. Cette redevance foncière est due par les paysans à l’abbaye-seigneur détentrice de titres sur la terre où la maison a été construite.

Le début des dérives : le XVe siècleAux XVe-XVIIe siècles, les chanoines de l’abbaye tirent les revenus de l’abbaye sur les donations du Moyen-âge. Ils doivent bien gérer le patrimoine foncier de l’abbaye pour espérer tirer des revenus suffisants. Mais là encore, les revenus de l’abbaye sont inconnus.En 1461-1462, le pape autorise l’abbé à profiter du revenu de deux prieurés vacants afin de restaurer les bâtiments de l’abbaye. En 1462, il accorde à l’abbé, le droit de se prélever un sorte d’indemnité sur les revenus de l’abbaye. En 1470, un clerc du diocèse de Paris obtient une pension de 50 florins d’or1 sur les revenus de l’abbaye.Pire, en 1465, un chanoine de Nieul de 19 ans obtient une dispense d’âge pour posséder des bénéfices à la disposition de l’abbaye de Nieul 2.

1 Monnaie frappée à Florence. Cependant à partir du XVe siècle, le florin est également frappé dans d’autres états. Philippe Le Bon, duc de Bourgogne par une ordonnance en 1454, permet sa frappe à Valenciennes.2 Archives secrètes du Vatican RL. 604 fol. 20 Cité par le fichier Delhommeau, archives de l’évêché de Luçon.

Ces attributions de revenus affaiblissent la mense de l’abbaye, déjà entamée par les destructions de la guerre de Cent Ans. La mense diminue, les revenus également.Cette situation commencée à la fin du XVe siècle empire avec la commende aux XVIe-XVIIe siècles. L’idéal de pauvreté des XIe-XIIIe siècles disparait face aux abus des abbés. Cette situation encourage le trafic des biens et celui des bénéfices. L’enrichissement individuel des chanoines prévaut à partir de la fin du XVe siècle.

Abbé commendataire – Exemple d’un parcours similaire aux Phélypeaux de La Vrillière, la famille angevine Arnauld – Abbé Henri Charles Arnauld de Pomponne abbé commendataire de l’abbaye royale Saint Médard (Soissons) et de l’abbaye de Saint

Maixent (1669-1756)

La commende et le cumul des charges

Après avoir atteint les bénéfices, la commende atteint les offices abbatiaux. La propagation de ce système génère une baisse radicale des revenus de l’abbaye. L’éloignement et l’éparpillement des possessions de l’abbaye deviennent une faiblesse. Le patrimoine et les revenus des chanoines sont atteints. Contraints de se protéger, ils cumulent alors charges et bénéfices. En 1557, Amorry Légier est à la fois aumônier et prieur de Bouillé. En 1579, puis en 1583, Michel Goynault, sous religieux de l’abbaye est également prieur du prieuré des Deffens à Saint-Cyr-des-Gâts. Il cumule ainsi deux charges.

En 1598, dans un acte notarié Pierre Constant prieur de Nieul se déclare abbé commendataire*.

aux XVIe-XVIIe siècles

La signature de Pierre Constant abbé de commendataire de Nieul en 1597

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Pierre Constant, abbé commendataire de Nieul

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Les abbés et les prieurs se réservent le titre, les revenus et les honneurs de la charge sans les assumer ni résider dans le lieu. En 1619, l’abbé de Nieul ne tient pas « le lieu » pour lequel il a été nommé. Etant absent, « il ne peut y avoir pour l’heure aucune assemblée en leur chapitre ».

La ferme du temporel: la baisse du pouvoir,

Les revenus du temporel de l’abbaye de Nieul

L’abbaye afferme*, n’ayant plus les revenus suffisants pour entretenir par elle-même ses propriétés. Les abbés perçoivent indirectement les revenus de son temporel. De 1552 à 1623, l’abbé afferme les revenus du temporel pour 5 ans. Ces fermes* aux particuliers portent sur des prieurés, le four à ban* de La Motte, les métairies* du château de La Court et de Saint-Pompain. Les prieurs de Saint-Cyr-des-Gâts et de Coulon afferment également leurs prieurés. La ferme de ces revenus porte sur les dîmes des blés, des chanvres et d’agneaux de Montreuil-sur-mer, de Nieul. En 1620, les revenus des dîmes de Coulonges rapportent 6500 livres à l’abbé pour l’année 1619.En 1728, le moulin à eau de Nieul est construit sur les anciennes propriétés de l’abbaye.

En 1601, la mense de l’abbaye ne vaut que 4 à 5000 livres. A la suite des guerres de Religion l’abbaye partiellement détruite est appauvrie. D’ailleurs, en 1617, le grand vicaire du diocèse de Maillezais constate que « l’église est toute bien voustée [et] couverte ayant deux clochers tous deux depuis peu reffaits a neuf mais le c[h]oeur de lad[ite] eg[lis]e [est] tout ruyné et descouvert. »

En 1664, l’abbaye ne vaut plus que 4000 livres. Or, cette même année, l’abbé Victor Phélyppeaux de La Vrillière tire 10 000 livres de revenus du patrimoine. Et les 6 chanoines se partagent 4000 livres restantes des propriétés communautaires, soit moins de 1000 livres pour chacun. Les prieurés rapportent à eux seuls 250 à 1000 livres.A titre de comparaison, la construction du château de Versailles de 1661 à 1715, coûte près de 82 millions de livres.

de l’image et des revenus de l’abbaye

au XVIIe siècle

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Fiche ressource

LEXIQUE

Nieul livre ses secrets

Abbé commendataireL’ecclésiastique (abbé ou prieur) perçoit personnellement les revenus et peut exercer une juridiction mais il ne peut exercer aucune autorité sur la discipline intérieure des moines. AveuDéclaration écrite constatant l’engagement du vassal envers son seigneur à cause du fief qu’il a reçu.

CensRedevance fixe payée par le propriétaire d’une terre au seigneur détenteur du fief.

DîmeImpôt. Fraction variable de la récolte prélevée par l’Église.

Ferme1-Convention par laquelle un propriétaire abandonne à quelqu’un pour une durée donnée, la jouissance d’un domaine agricole contre une redevance en argent ou en nature (affermer, affermage, bail à ferme). 2-Convention par laquelle le propriétaire d’un droit en abandonne à quelqu’un la jouissance pour une durée donnée en contrepartie d’un prix fixé. Système de perception des impôts indirects dans lequel le fermier (= fonctionnaire) traite à forfait pour une somme déterminée à remettre d’avance au roi, se réservant pour salaire la différence entre cette somme et les sommes effectivement perçues (ferme des gabelles).

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ChampartRedevance indexée sur la qualité de la récolte. Plus celle-ci sera bonne, plus l’impôt sera élevé.

DiocèseCirconscription ecclésiastique administrée sous la responsabilité d’un évêque ou d’archevêque.

CommendeAdministration temporaire d’un bénéfice ecclésiastique. Concession d’un bénéfice à un ecclésiastique séculier ou à un laïc.

Donation Contrat par lequel un seigneur se dépouille irrévocablement d’une terre en faveur d’une abbaye qui l’accepte.

ConnétableGrand officier de la Couronne, chef des armées.

Droits banaux, banalitésObligation pour les gens d’une seigneurie de se servir du four, du pressoir et du moulin banal contre une redevance due au seigneur. Celui-ci se charge de la construction, de l’entretien et de la restauration de ces biens nécessaires au travail des paysans. Droit de pacageDroit lié à un terrain où le bétail peut paître.

Le FiefDomaine concédé par le seigneur à son vassal en contrepartie de certains services

FormariageImpôt exigible par le seigneur lors d’un mariage à l’extérieur de sa seigneurie.

ENSEIGNANTS

HommageActe par lequel le vassal se déclare l’homme de son seigneur, en lui promettant une fidélité et un dévouement absolus.

JuridictionÉtendue d’un pouvoir où s’exercent les droits de haute et basse justices d’un seigneur.

MainmorteImpôt exigible par le seigneur lors d’un héritage.

PrieuréMonastère dépendant d’une abbaye et dirigé par un(e) prieur(e).

SuzerainetéSeigneur au-dessus de l’autre ; son vassal dans un territoire donné.

TemporelDu domaine des choses matérielles par opposition au spirituel.

VassalitéDépendance d’une personne par rapport à un son suzerain.

TenureMode de concession d’une terre, autre sens, la terre elle-même concédée par un seigneur.

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F

HJ

M

PSTV

Four à banRelève de la circonscription du seigneur. Les habitants d’une seigneurie sont tenus d’utiliser fours et moulins banaux mis à leur disposition par le seigneur. En contrepartie, ils versent une redevance au seigneur.Franc-alleuTerre affranchie de toute obligation ou redevance.

Justice seigneuriale (droits de haute et basse justice)Elle permet d’arbitrer les conflits entre les paysans, et entre ceux-ci et le seigneur. Mais en ce cas, le seigneur doit se pourvoir devant une autre justice que la sienne. La justice seigneuriale se subdivise en trois degrés :- La haute-justice : le seigneur peut juger toutes les affaires, prononcer toutes les peines (dont la peine capitale. Cependant, celle-ci n’est exécutable qu’après confirmation des juges royaux. - La moyenne justice : le seigneur juge les rixes, les vols et les injures. Son rôle au civil est important en cas de successions.- La basse justice : le seigneur juge les affaires en matière de droits qui lui sont dus (cens, rentes, héritages sur son domaine). Il intervient aussi sur les délits et amendes de faibles valeurs (dégâts d’animaux, injures). La possession d’une prison et de sergents lui permet d’enfermer les délinquants. Si la seigneurie est grande, moyenne et basse justice sont jugées par des agents du seigneur. A partir du XVIe siècle, la centralisation de l’État diminue l’exercice des droits de moyenne et basse justices des seigneurs.

MenseDomaine féodal constituant une unité d’exploitation auquel sont assortis des revenus. MétairieDomaine agricole. Son mode d’exploitation est fondé sur la location du domaine à un agriculteur. En contrepartie, il partage les récoltes avec le propriétaire. MouvanceDépendance d’un fief par rapport à un autre.