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Un seul monde N o 4 / DÉCEMBRE 2012 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION www.ddc.admin.ch La meilleure santé possible Un droit de l’homme pour riches et pauvres Tchad: qui profite de la manne pétrolière ? La ruée sur les terres agricoles du Sud

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Un seul mondeNo4 / DÉCEMBRE 2012LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATIONwww.ddc.admin.ch

La meilleuresanté possibleUn droit de l’homme

pour riches et pauvres

Tchad : qui profite de la manne pétrolière?

La ruée sur les terresagricoles du Sud

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Un seul monde est édité par la Direction du développement et de la coopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’est cependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinions y sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pas obligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

Un seul monde No 4 / Décembre 20122

3 Éditorial4 Périscope26 DDC interne33 Service35 Coup de cœur avec Cosey35 Impressum

D D C

F O R U M

SANTÉ6 Riches et pauvres restent inégaux face à la maladie

La santé est un droit de l’homme. Pourtant, plus d’un milliard de personnesn’ont pas accès à des soins appropriés.

11 Bénévoles au service des villageoisDans le domaine de la santé, la DDC mise sur l’amélioration des soins debase. Exemple d’un projet couronné de succès au Kirghizistan.

15 Courir d’un projet à l’autre pour se soigner Entretien avec Ilona Kickbusch, spécialiste de la politique globale de santé

17 Faits et chiffres

18 La malédiction du pétrole L’exportation de pétrole rapporte au Tchad des milliards de dollars. Qu’est-ce que cela a changé pour les 11,5 millions d’habitants?

21 Une journée sur le terrain avec… Didier Douziech, directeur du bureau de la coopération suisse à N’Djaména

22 Un rêve d’équilibre entre homme et femmeAchta Bougaye parle de la position de la femme dans la société tchadienne

23 Des chiens de garde pas très mordants En Tanzanie, un programme de formation et de mentorat contribueà l’émergence d’un journalisme de qualité

24 Désenclaver les montagnards Dans les montagnes du Laos, la DDC soutient une ethnie défavorisée

27 La ruée sur les terres fertiles Les surfaces agricoles des pays en développement se négocient à l’échelle internationale.Cependant, l’accaparement des terres compromet sérieusement la sécurité alimentaire.

30 Une obsession étouffanteCarte blanche : la Népalaise Rubeena Mahato est révoltée contre songouvernement, incapable de livrer des engrais aux paysans

31 Lueur d’espoir dans les salles obscuresEntretien avec le réalisateur malien Cheick Oumar Sissoko, également ancien ministre de la culture de son pays

H O R I Z O N S

C U L T U R E

D O S S I E R

Sommaire

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Éditorial

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Le lien entre migration et aide au développement faitactuellement l’objet de vives discussions – au Parle-ment, dans les médias, mais aussi aux tables des ca-fés. Diverses thèses, en partie contradictoires, sont as-sénées comme autant de vérités. Cela va de celle quiconsidère l’aide comme la panacée universelle jusqu’àl’idée que la coopération au développement pousse da-vantage de gens à émigrer.

C’est une bonne chose que ce débat ait lieu. Mais ilporte sur une réalité qui échappe aux explications etaux solutions simples. On parle étonnamment peu cheznous des transformations et des raisons qui poussentles gens à émigrer. Outre la pauvreté endémique quifrappe certains pays, il faut prendre en compte levieillissement de notre société : la Suisse restera à l’ave-nir tributaire d’une main-d’œuvre immigrée.

N’oublions pas que la migration constitue aussi un fac-teur de développement pour les pays pauvres. Les re-venus envoyés à leur famille par les travailleurs expa-triés représentent trois à cinq fois le volume total del’aide publique au développement. Cet argent profiteaux classes sociales démunies du pays d’origine. C’estle sésame qui leur ouvre les portes de l’école et de la formation professionnelle, ou qui leur donne accès à des prestations médicales. La diaspora contribue àbien des égards – notamment sous forme d’investisse-ments – au développement local.

Ne perdons pas de vue non plus l’objectif premier de lacoopération au développement, qui consiste à com-battre la pauvreté sur place. L’amélioration des condi-tions de vie dans le pays d’origine réduit certes la né-cessité de s’exiler. Mais il est vrai aussi que la coopé-ration ne peut pas empêcher ce phénomène. Ce n’estpas un levier capable de réguler les flux migratoires.

Nous attendons des pays partenaires de la coopérationsuisse qu’ils se montrent disposés à discuter des pro-blèmes posés par la migration. Toutefois, le Conseil fé-déral et le Parlement se rendent bien compte qu’il fauttendre à des solutions globales et durables, plutôt qued’appliquer rigoureusement le principe de conditionna-lité – c’est-à-dire de lier la coopération à la reprise desdemandeurs d’asile déboutés. Petit donateur, la Suissen’a guère les moyens d’exercer des pressions poli-tiques. En outre, la suspension de son aide frapperaitles populations pauvres, auxquelles nous souhaitonsprécisément offrir des perspectives d’avenir.

La protection des réfugiés et des personnes déplacéesdans les régions en crise, ainsi que leur réintégration,constituent depuis longtemps des tâches importantesde l’aide humanitaire suisse. Un réfugié sur six seule-ment vit en Europe. Protéger ces populations sur placeest un acte de solidarité à l’égard des plus vulnérables.Les réfugiés recherchent la sécurité, de quoi se nourriret un logement. À défaut de trouver cela chez eux oudans le pays voisin, ils émigrent plus loin – souvent aupéril de leur vie. La Suisse entend renforcer dans desrégions choisies son engagement pour la protectiondes réfugiés et dans le domaine de l’aide au retour.

Martin DahindenDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

Migration : pas d’explications ni de solutions simples

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Périscopemarquer que le pays était inca-pable de surveiller ses eaux ter-ritoriales, où un nombre crois-sant de bateaux asiatiquespêchent en toute illégalité.

Ces vers qui empêchentd’apprendre(bf ) Selon l’Organisation mon-diale de la santé (OMS), les troistypes de parasites intestinaux lesplus répandus – l’ascaride, le tri-chocéphale et les ankylostomes– infestent environ 1,5 milliardde personnes. Dans les pays endéveloppement, ce sont les prin-cipaux agents pathogènes. Ilssont transmis par les œufs pré-sents dans les excréments hu-mains qui contaminent les solsdans les régions où les moyensd’assainissement sont insuffi-sants. Ces infections, appelées«géohelminthiases », touchent lescommunautés les plus défavori-sées. Elles provoquent notam-ment de la diarrhée, des dou-leurs abdominales et un état defaiblesse générale. Les enfants atteints présentent des troublesphysiques, nutritionnels et co-gnitifs. Des tests ont montré queleurs aptitudes intellectuellessont d’autant plus diminuéesque les vers sont nombreux dansleur intestin. En 2001, l’OMS alancé une initiative visant à dif-fuser des mesures de lutte contrece fléau. Jusqu’à présent, seulstrois pays en développement – Burkina Faso, Cambodge etLaos – ont atteint l’objectif fixé,à savoir le déparasitage annueld’au moins 75% des enfants enâge scolaire.www.who.int/fr, chercher « géohelminthiases »

Du tam-tam à Internet (bf ) Il est loin le temps où despeuples indigènes communi-quaient leurs revendications po-litiques par le tam-tam et les signaux de fumée. En Amériquelatine notamment, ces commu-nautés exploitent aujourd’hui

L’Afrique les pieds dans l’eau (gn) Dans le nord de la Namibie, des hydrogéologues ontdécouvert que le sous-sol de la savane recèle, à 280mètres de profondeur, plus de 5 milliards de m3 d’eau. Ces réserves pourraient remédier à la situation précaire de la région : les 800 000 habitants sont approvisionnés eneau potable par un lac artificiel qui se trouve dans l’Angola voisin. Il conviendra toutefois de gérer de manière durablel’eau accumulée au cours des millénaires, pour pouvoir enbénéficier longtemps. Le cas de l’aquifère namibien n’estpas isolé. Des scientifiques britanniques ont publié auprintemps dernier des cartes répertoriant les réserves sup-posées d’eau dans le sous-sol africain. Le volume total estestimé à 660 000 km3, ce qui représente plus de cent foisla quantité annuelle de pluie. Sur le continent, où plus de300 millions de personnes n’ont pas accès à de l’eau po-table, les immenses stocks souterrains pourraient atténuerles effets du changement climatique. Les chercheurs souli-gnent cependant les difficultés inhérentes à l’exploitationde ces sources. www.bgs.ac.uk/GWResilience

Prospérité et démocratievont de pair(bf ) Plus le revenu par habitantd’un pays est élevé, plus sesstructures sont démocratiques.Une étude récente publiée parune équipe d’économistes del’Université de Bayreuth vientde confirmer cette corrélationqui faisait depuis longtempsl’objet de controverses dans lesmilieux scientifiques. Les cher-cheurs allemands ont comparéles données de 150 pays des cinqcontinents, en examinant leurévolution depuis 1950 jusqu’àaujourd’hui. La preuve scienti-fique est désormais établie : de

hauts revenus favorisent la dé-mocratie, tandis que des salairesmédiocres lui portent préjudice.Les auteurs tirent également deleur étude des projections surl’avenir, notamment celui despays en développement ouémergents. « Il sera intéressant devoir si la Chine peut maintenirdurablement son système autori-taire de parti unique au cas où le niveau de vie de sa populationcontinue de progresser », noteBenedikt Heid, un des auteursde l’étude. «Si nos calculs sontjustes, la Chine pourrait bien àterme se diriger vers un régimepolitique plus démocratique. »

www.uni-bayreuth.de, chercher« Income and Democracy »

Stop au pillage des poissonsafricains( jls) Les pays ouest-africains s’inquiètent du pillage de leursressources halieutiques par lesbateaux européens et asiatiques.Au Sénégal, où presque toutesles espèces de poissons sont vic-times de surpêche, le gouverne-ment a suspendu en avril der-nier une trentaine d’autorisa-tions accordées à des chalutiersétrangers. La Mauritanie a re-nouvelé fin juillet son accord depêche avec l’Union européenne(UE), après quinze mois d’âpresnégociations : elle autorise les bateaux européens à prélever300 000 tonnes de poisson paran dans ses eaux territoriales,mais exige en contrepartie queles captures soient débarquéesdans le port de Nouadhibou,afin d’en faciliter le contrôle. Enfévrier, la Guinée-Bissau a éga-lement conclu un nouvel accordavec l’UE. Les pêcheurs français,portugais et espagnols pourrontprélever du poisson – notam-ment du thon –, des poulpes etdes crevettes. En contrepartie,l’UE versera 9,2 millions d’eurospar an (contre 7,5 millions dansla convention précédente). LaGuinée-Bissau souhaitait unecompensation plus importante,mais les Européens ont fait re-

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toutes les possibilités des médiasélectroniques. Elles publient desnewsletters, organisent des vidéo-conférences, diffusent des clipstrès professionnels sur YouTubeet sont présentes sur les réseauxsociaux. Qu’il s’agisse d’évoquerles droits humains au Chili, lesautoroutes traversant des parcsnationaux en Bolivie ou la pros-pection controversée de pétroleen Équateur, les autochtonesutilisent les technologies mo-dernes pour faire entendre leurvoix et travailler en réseau. Ilsreçoivent le soutien d’agencesinternationales de communica-tion qui veulent ainsi soignerleur propre image. L’opinion publique est en effet très sensibleà cette problématique : des orga-nisations telles que SurvivalInternational, qui défendent les

droits des peuples indigènes, bénéficient d’une couverturemédiatique dont d’autres nepeuvent que rêver.

Le savoir des Héréros sur tablette(gn) Dans le désert du Kalahari,en Namibie, les anciens accom-pagnaient jadis leurs récits dedessins tracés dans le sable quandils transmettaient les secrets de la culture héréro. Aujourd’hui,leurs doigts effleurent un écrantactile : tandis que les jeunes sontpartis vers la capitale pour suivreune formation ou trouver dutravail, les parents confient leursavoir traditionnel à une tabletteélectronique. Ainsi, les enfantspourront rattraper les leçonsmanquées à leur retour, quel-ques années plus tard, quand ils

reprendront une existence traditionnelle semi-nomade. Des chercheurs de l’Universitéd’Aalborg (Danemark) et de l’École polytechnique deNamibie ont développé une visualisation en 3D du village

d’Erindiroukambe. En collabo-ration avec les anciens, ils ontégalement mis au point une application qui imite la manièredont on dessinait autrefois dansle sable. Les villageois introdui-sent dans la tablette des séquen-ces vidéo et des dessins qui dé-crivent la vie locale. On y trouvepar exemple des informationssur l’abattage de chèvres, les pro-priétés des herbes médicinales,les soins à prodiguer aux ani-maux ou la manière de s’orien-ter dans le désert selon la posi-tion du soleil. «La race humainedeviendrait plus terne si nousperdions ce type de savoir », estime Kasper Rodil del’Université d’Aalborg. www.indiknowtech.org

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DOSSIER

Riches et pauvres restentinégaux face à la maladiePlus d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accèsaux soins de base. Les raisons en sont multiples. L’une d’ellesest l’insuffisance des structures sanitaires dans les pays endéveloppement. En outre, le fossé se creuse entre la coûteu-se médecine de pointe et les possibilités financières des plusdémunis. Afin que le droit à la santé devienne une réalité aus-si pour les populations pauvres, de nouvelles approches s’im-posent. De Gabriela Neuhaus.

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Santé

Il y a longtemps que nous mesurons le degré de développement d’un pays à l’aune d’indicateurs sa-nitaires. Nous calculons par exemple l’espérance devie moyenne, les taux de natalité et de mortalité, lescas de malaria ou les décès dus au sida et à la sous-alimentation. Les statistiques sur la prévalence de ladémence, du suicide et de l’épuisement profession-nel permettent de tirer d’autres conclusions enco-re sur l’état d’une société. Ces données renseignentaussi sur son avenir potentiel, car santé et bien-êtresont indispensables à l’évolution des gens et descommunautés.Bien que les rapports de cause à effet entre l’état desanté et les conditions de vie aient largement étéprouvés, la promotion de la santé est rarement prio-ritaire dans les politiques sociales. L’Organisationmondiale de la santé (OMS) s’est certes donné pour

tâche «d’amener tous les peuples du monde au ni-veau de santé le plus élevé possible». Elle a fixé cetobjectif dans sa Constitution, adoptée en 1946. Ce-pendant, 66 ans après, plus d’un milliard de per-sonnes n’ont toujours pas accès à des soins dispen-sés par des professionnels. C’est surtout le cas dansles pays pauvres du Sud, où nombre de régions etde villages sont dépourvus d’établissements adéquatset où les habitants n’ont souvent pas les moyens depayer le trajet jusqu’à l’hôpital le plus proche.Même dans les pays émergents et industrialisés, l’ac-cès aux soins ne va pas de soi. Aux États-Unis, unepersonne démunie n’est souvent pas en mesure des’offrir une visite chez le médecin. La loi sur la san-té du président Obama, qui prévoit une assurance-maladie de base pour tous, demeure controversée.Avec l’explosion des coûts de la santé, les autres paysoccidentaux risquent aussi de voir s’instaurer un sys-tème de soins à deux vitesses. Enfin, les crises éco-nomiques en Europe du Sud prouvent que la san-té est un bien fragile et qu’il faut peu de chose pourdétériorer l’état de santé d’une population.

Progrès médicauxSi la situation apparaît peu reluisante à l’échellemondiale, on a tout de même enregistré de nom-breux progrès, voire de véritables percées, dans cer-tains domaines. C’est le cas par exemple des cam-pagnes de vaccination lancées par l’OMS, qui ontabouti à l’éradication de la variole en 1980 et net-tement endigué d’autres maladies, telles la polio-myélite et la tuberculose. Relevons aussi les succèsremportés dans la prévention et le traitement dusida. La mise à disposition de médicaments abor-dables dans les pays pauvres a constitué une étapeimportante à cet égard.Sauver des vies humaines est la raison d’être de l’ai-de humanitaire. Celle-ci s’est considérablementprofessionnalisée ces dernières années. Lors de ca-tastrophes, des équipes spécialisées arrivent sur pla-ce en quelques heures, au besoin avec des équipe-ments hospitaliers complets ou un laboratoired’analyse de l’eau. Après le séisme en Haïti, parexemple, les secouristes ont pu sauver de nom-breuses vies et soigner les blessés.Organisations non gouvernementales et fondationscontribuent largement à améliorer les soins médi-caux dans les pays en développement. Les engage-ments dans le domaine de la santé sont les plus pri-sés, car ils permettent de faire quelque chose di-rectement pour les populations. En outre, les projetsdotés d’un objectif clairement défini, comme la

Les campagnes mondiales de vaccination sont l’un desgrands succès enregistrés dans le secteur de la santé –comme ici à Madagascar.

Condition fondamentalede la paix«La santé est un état decomplet bien-être physi-que, mental et social, et neconsiste pas seulement enune absence de maladieou d’infirmité. La posses-sion du meilleur état desanté qu’il est capabled’atteindre constitue l’undes droits fondamentauxde tout être humain, quel-les que soient sa race, sareligion, ses opinions poli-tiques, sa condition éco-nomique ou sociale. Lasanté de tous les peuplesest une condition fonda-mentale de la paix dumonde et de la sécurité ;elle dépend de la coopéra-tion la plus étroite des indi-vidus et des États. »Extrait de la Constitutionde l’OMS (1946)

Le droit à la santé «Toute personne a droit àun niveau de vie suffisantpour assurer sa santé, sonbien-être et ceux de sa fa-mille, notamment pour l’ali-mentation, l’habillement, lelogement, les soins médi-caux ainsi que pour lesservices sociaux nécessai-res ; elle a droit à la sécu-rité en cas de chômage,de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesseou dans les autres cas de perte de ses moyens desubsistance par suite decirconstances indépendan-tes de sa volonté. »Déclaration universelle desdroits de l’homme de 1948(article 25)

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L’aide humanitaire arrive sur place en quelques heures, au besoin avec des équipements hospitaliers complets. Ce fut lecas notamment à Haïti après le séisme de 2010.

diminution de la mortalité infantile ou la luttecontre la malaria, donnent des résultats immédia-tement visibles et mesurables.Le revers de la médaille, c’est qu’en se concentrantsur des problèmes médicaux spécifiques, l’aide in-ternationale perd de vue le contexte général. Ellelutte contre des maladies et guérit des gens pour lesrenvoyer ensuite à une vie qui ne peut que les rendremalades à nouveau.

L’importance du cadre généralL’Europe est pourtant bien placée pour connaîtrele problème: les grands patrons de l’industrie ontinvesti très tôt dans l’hygiène et l’alimentation, afind’améliorer la santé de leurs ouvriers et d’accroîtreainsi la productivité de leurs entreprises. Par la sui-te, l’État a pris le relais et s’est engagé dans diffé-rents domaines en faveur de la santé de la popula-tion. Il a ainsi mis en place des réseaux d’adductiond’eau et des systèmes d’évacuation des déchets. Il aaussi pris des mesures d’ordre social en interdisantle travail des enfants et en créant des systèmes édu-catifs publics. Pendant une bonne partie du 20e

siècle, on a continué de considérer la promotion dela santé comme une tâche sociale qui devait créerles conditions indispensables au développement etau progrès.Fondées sur les progrès scientifiques, les nouvellesconquêtes de la médecine (par exemple la vaccina-tion, le dépistage précoce de certaines maladies etle traitement médicamenteux de la dépression) ont

ensuite contribué à cantonner de plus en plus la san-té dans le domaine des sciences. L’essor d’une mé-decine coûteuse et de l’industrie pharmaceutiquea alors fait exploser les coûts. L’évolution récente,dans le domaine de la médecine personnalisée, nefera que renforcer cette tendance.

Les pauvres vivent moins longtempsMême les technologies médicales les plus sophisti-quées ne changent rien au fait qu’il n’est possiblede vivre sainement que dans un environnement sain.La Conférence internationale sur les soins de santéprimaires, réunie à Alma-Ata (Kazakhstan) en 1978,soulignait, dans sa déclaration finale, la nécessitéd’agir : «L’accession au niveau de santé le plus éle-vé possible est un objectif social extrêmement im-portant qui intéresse le monde entier et suppose laparticipation de nombreux secteurs socioécono-miques autres que celui de la santé. » Huit ans plustard, la Charte d’Ottawa, adoptée par les États mem-bres de l’OMS, réorientait les efforts : au lieu de viser uniquement à prévenir la maladie, il importeà nouveau de promouvoir davantage la santé.Deux chercheurs anglais, Richard Wilkinson etMichael Marmot, ont d’ailleurs démontré l’impor-tance primordiale des conditions socioéconomiquespour la santé de tout individu: «Les personnes si-tuées au bas de l’échelle sociale sont au moins deuxfois plus exposées au risque de maladie grave ou dedécès prématuré que celles qui se trouvent près dusommet de l’échelle», constatent-ils dans une étu-

Un réseau mondialFondée en 1948, l’OMSest une institution spécia-lisée de l’ONU. Elle a sonsiège à Genève, où les re-présentants de ses 194États membres se retrou-vent chaque année pourdélibérer et décider des affaires financières etopérationnelles. Voici sesprincipales activités : coor-donner, à l’échelle mon-diale, les efforts nationauxet internationaux de luttecontre les maladies trans-missibles (sida, paludisme,grippe, etc.) ; définir desnormes en matière de trai-tement et de prévention ;lancer et coordonner desmesures de prévention (parexemple des vaccinations) ;mener des campagnesd’information sur le taba-gisme ou le surpoids.L’OMS publie en outre ré-gulièrement des donnéeset des analyses sur diversaspects de la santé.www.who.org

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de parue en 2003. Ces effets ne se limitent pas auxpauvres. Les inégalités de santé d’origine sociale sontobservées dans l’ensemble de la société. Même dansla classe moyenne, les cadres ont de meilleurs atoutsen matière de santé que les employés de bureau sub-alternes.

Non à la dictature des brevetsAutrement dit, l’écart entre riches et pauvres se reflète dans l’état de santé des êtres humains. Ceconstat s’applique non seulement au sein d’unemême société, mais aussi au niveau mondial. Au-jourd’hui, de plus en plus de voix plaident pour uneégalité en matière de santé et une meilleure priseen compte des besoins des pays pauvres. Des Étatsémergents, comme l’Inde et la Thaïlande, jouent àcet égard un rôle important. Ils n’acceptent plus latoute-puissance de l’Occident dans le domaine

Double charge pour lespays en développementLe diabète, le cancer, lestroubles cardiovasculaireset les affections respira-toires représentent des défis de taille pour les sys-tèmes de santé à l’échellemondiale. Dans les paysen développement, cesmaladies non transmis-sibles (MNT) s’ajoutent aux«problèmes sanitairesclassiques » causés par lafaim et le manque d’eaupotable et d’hygiène, ainsiqu’aux maladies infec-tieuses. Déjà mis à rudecontribution, les systèmesde santé font ainsi face àune double charge de tra-vail. C’est pourquoi l’OMSaccorde une grande prio-rité à la lutte contre lesMNT qui résultent souventd’une alimentation dés-équilibrée et d’un mode de vie malsain. Elle concen-tre également ses effortssur la réalisation desObjectifs du Millénaire pour le développement qui visent à améliorer leschances de survie desmères et des jeunes en-fants, ainsi que sur l’éradi-cation de la poliomyélite.

pharmaceutique. Ils opposent par exemple une ré-sistance farouche à la politique des brevets appliquéepar les multinationales. Ces pratiques accroissentnon seulement le prix des médicaments et donc lescoûts de la santé, mais entravent également l’essord’une industrie pharmaceutique concurrente dansles pays émergents.Dans le cadre de la coopération Sud-Sud, des paystels que le Brésil ne soutiennent plus une aide fon-dée sur des projets médicaux et préfèrent promou-voir un modèle de soins primaires qui a fait sespreuves au niveau national. Dans leurs efforts pourgarantir le bien-être de leur population, le Bhou-tan, l’Équateur, la Bolivie et d’autres États ne s’entiennent de loin pas aux indicateurs habituellementutilisés en matière de santé, mais se sont donné unmandat plus large. Ils ont inscrit dans leurs Consti-tutions que l’objectif est de créer les conditions quipermettent aux citoyens de «bien vivre».

Approche globale de la santéCes changements dans les efforts mondiaux desti-nés à promouvoir la santé ne sont pas restés sans effets. Lancé en 2010, le processus de réforme del’OMS devrait conduire à l’adoption d’une défini-tion plus globale de la santé. Celle-ci apparaît déjàdans la proposition de l’Union européenne pour unnouveau programme «Santé en faveur de la crois-sance». Elle sous-tend également l’action d’agencesde développement comme la DDC. Une redéfinition s’impose d’autant plus que les dé-fis actuels exigent davantage de mesures qui dépas-

La fourniture de médicaments s’est nettement amélioréedans les pays en développement et émergents, comme auMozambique et en Inde.

Santé

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Dans le cadre de la coopération Sud-Sud, des pays émergents, comme le Brésil, appliquent avec succès leur propre modèle de soins primaires.

sent le cadre strictement médical. Ils englobent eneffet aussi les désavantages sociaux, les conditions detravail délétères, la pollution de l’air, divers typesd’irradiation, sans oublier les répercussions du chan-gement climatique. Celles-ci incluent la pénuried’eau, la désertification ou la destruction de lacouche d’ozone qui protège la planète contre lesrayonnements ultraviolets. La multiplication, àl’échelle mondiale, de maladies non transmissibles,comme le cancer, les troubles cardiovasculaires et lediabète, appelle par ailleurs de nouvelles stratégiesen matière de financement et de prévention.

Priorité à la santéLe débat sur le meilleur niveau possible de santé etde bien-être continue de susciter conflits et contro-verses. C’est que la réalisation de cet objectif meten jeu des intérêts économiques puissants. Ceux dusecteur pharmaceutique bien sûr, mais aussi ceuxde l’industrie alimentaire et du tabac.Les avis divergent toujours sur la question de savoirsi la santé relève de la responsabilité individuelle età partir de quand elle doit être perçue comme unbien public. L’OMS a donné un signal importanten adoptant en 2004 la Convention-cadre pour lalutte antitabac. Ce texte affirme que le tabagismereprésente un risque pour la santé publique et doitêtre combattu à l’échelle mondiale. Pour ce qui estdu surpoids et des maladies chroniques qu’il en-

gendre, tel le diabète, ce sont New York et le Da-nemark qui ont lancé le mouvement : la métropo-le nord-américaine prélève désormais un impôt surles boissons sucrées, tandis que le Danemark est, de-puis 2009, le premier pays du monde à taxer lesgraisses. Bien ciblées, ces taxes incitatives devraientréduire le prix de produits sains et les mettre ainsià la portée des petits budgets. Elles pourraientcontribuer à améliorer l’état de santé de la popula-tion et à diminuer les coûts dans le domaine de lasanté. D’autres mesures préventives devraient être envisa-gées en priorité pour promouvoir la santé au ni-veau mondial. Ce sont par exemple l’interdictiondes substances chimiques particulièrement nociveset l’abandon de l’énergie nucléaire. À partir dequand le risque sanitaire est-il suffisamment élevépour justifier l’intervention des États ou des orga-nisations internationales ? Ce n’est pas seulementune question de bon sens. L’importance que l’onaccorde à la santé en tant que droit de l’homme,face à d’autres facteurs, relève en fin de compte deconsidérations politiques. ■

(De l’allemand)

Intérêts antagonistesLa Suisse dispose depuis2006 d’une politique exté-rieure en matière de santé.Elle y a défini vingt objec-tifs, qui vont de son rôle ausein de l’OMS à son enga-gement en faveur de l’aidehumanitaire, en passantpar la défense des intérêtsde l’industrie pharmaceu-tique. La Suisse est un ac-teur de premier plan dansle domaine de la santé.Elle le doit d’une part à l’industrie pharmaceutiqueet à la recherche, d’autrepart au fait qu’elle abrite lesiège d’organisations inter-nationales telles que l’OMSet la Fédération internatio-nale des sociétés de laCroix-Rouge et duCroissant-Rouge. Aux cô-tés de la DDC et manda-tées par elles, une séried’organisations non gou-vernementales de renom-mée mondiale s’attachentà promouvoir la santé dansles pays en développe-ment et en transition.Leurs activités, axées surles besoins des plus dé-munis, s’opposent souventdirectement aux intérêtséconomiques de l’industriepharmaceutique.www.ofsp.admin.ch,«Thèmes», «Affaires inter-nationales », «Politique extérieure en matière desanté »

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Bénévoles au service des villageoisLa santé est l’une des conditions essentielles du développe-ment. C’est pourquoi la DDC mise beaucoup, dans ce domai-ne, sur l’amélioration des soins de base. Lorsque ses pro-grammes sont efficaces, ils peuvent produire des effets quidépassent de loin l’objectif initial. Les comités de santé villa-geois, au Kirghizistan, en sont un exemple : leur succès ne se limite pas au seul secteur de la santé.

Ce paysan kirghize est venu faire contrôler sa pression sanguine auprès du comité local de santé.

(gn) Qu’ils soient menuisiers, institutrices ou fem-mes au foyer, des milliers de Kirghizes s’activent bénévolement dans les villages pour améliorer lasanté et le bien-être de leurs concitoyens. Œuvranten partenariat avec du personnel soignant profes-sionnel, les membres des comités de santé locauxjouent un rôle crucial dans les régions rurales : ilscernent les besoins des gens, font des visites à do-

micile, organisent des séances d’information, lan-cent des projets de cultures potagères ou mènentdes campagnes contre l’alcoolisme.Dix ans après la création du premier comité dansle cadre du projet Action communautaire pour lasanté (CAH), ces organismes bénévoles ont déjàlargement contribué à promouvoir la santé des po-pulations rurales. Ils proposent par exemple des

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Santé

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contrôles réguliers de la pression sanguine ou veil-lent à ce que des conduites d’eau délabrées soientremises en état. La distribution de tests destinés àcontrôler la qualité du sel leur a valu un franc succèset suscité un vif intérêt au niveau international. Depuis que les commerçants et même leurs clientsdisposent d’un moyen simple pour vérifier si le selcontient effectivement les ingrédients mentionnéssur l’emballage, on ne trouve pratiquement plus desel non iodé dans les magasins kirghizes. Consé-quence : la prévalence du goitre, encore élevée dansles années 90, a fortement reculé. De l’avis de To-bias Schüth, qui a conçu et mis sur pied le projetCAH sur mandat de la Croix-Rouge suisse (CRS),la principale réussite enregistrée jusqu’ici résidedans le changement d’attitude de la population :«Les gens ont compris que ce n’est pas le ministè-re de la santé qui est responsable de leur bien-être,mais eux-mêmes. »

Investir dans l’infrastructureLe programme destiné à réformer le système desanté kirghize prévoyait de mettre en place des soinsde santé primaires. Dans la phase initiale, le gou-vernement a toutefois accordé la priorité à l’indis-pensable rénovation des hôpitaux. Au cours de lapremière année de son intervention, la DDC, quia contribué depuis 1999 à la réforme de la santédans l’oblast (région) de Narin, s’est donc concen-trée sur la réhabilitation et la restructuration des

hôpitaux. Cette mesure avait pour but de réduireleurs coûts de fonctionnement.Chargée de la mise en œuvre du projet, la CRS arapidement manifesté sa volonté de promouvoiraussi la santé dans les villages. Au ministère kirghi-ze de la santé, cette exigence a d’abord éveillé lescepticisme. Ce n’est que lorsque la DDC a garantique la réhabilitation des structures hospitalièresprogresserait selon le plan convenu que TobiasSchüth et son équipe ont été autorisés à travaillerégalement dans les villages. «En respectant la vo-lonté gouvernementale de poursuivre la rénova-tion des hôpitaux, la DDC a gagné la confiance despartenaires kirghizes et ouvert de nombreusesportes au nouveau projet », affirme M. Schüth.

Activités axées sur les besoinsLe projet visant les campagnes a misé sur une ap-proche innovante : persuadés qu’il n’est possibled’améliorer la santé de la population qu’avec leconcours des personnes directement concernées,les responsables ont invité les villageois à faire partde leurs préoccupations aux médecins locaux et aupersonnel soignant. «Les médecins et les infirmiè-res vivent certes dans les villages, mais c’est la pre-mière fois qu’ils allaient sur le terrain pour de-mander aux gens leur avis, au lieu de simplementleur prodiguer des conseils », explique Tobias Schüth. Ce dialogue à un niveau tout à fait différentfut essentiel pour la suite. Au terme des discus-

Dans les régions rurales, la population villageoise prend en main sa propre santé : désinfection de matériel pour lutter contre la brucellose (en haut à gauche), contrôle du sel ou discussion pour fixer les priorités.

Difficile transition au KirghizistanJusqu’au début des an-nées 90, la couverture mé-dicale au Kirghizistan étaitefficace, gratuite et acces-sible à tous. Après la chutede l’Union soviétique, lesressources ont fait défautpour préserver ce sys-tème. Dans le mêmetemps, la pauvreté crois-sante ainsi que le délabre-ment des infrastructuresd’adduction d’eau et degestion des déchets ontdétérioré la santé de la population. Malgré sesmoyens limités, le gouver-nement s’est engagé réso-lument dans la mise enplace d’un nouveau sys-tème de santé : avec l’appui de l’OMS, de laBanque mondiale et del’agence de développe-ment américaine (Usaid), il a lancé en 1996 un ré-seau de médecins de fa-mille, qui fonctionne au-jourd’hui très bien. Deplus, la réforme du sys-tème de santé semble enbonne voie. Le manqueaigu de médecins se faittoutefois durement sentir,surtout dans les régionsrurales. Beaucoup émigrentà l’étranger où ils gagnentbien mieux leur vie.

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sions, les habitants ont remercié les médecins de lesavoir écoutés. Les professionnels de la santé se sontdits impressionnés par l’étendue des connaissancesde la population sur ce thème.D’après Tobias Schüth, la réussite du projet a reposé sur le respect que médecins, personnel soignant et collaborateurs du projet ont témoignéaux villageois : «Nous les avions préparés à ces rencontres en organisant des cours intensifs sur lecomportement non dominateur. Il arrive souventen effet qu’un partenariat ne fonctionne pas, parce que l’on n’investit pas dans ce genre de ré-flexions. C’est pourtant tout aussi nécessaire qued’acquérir des connaissances sur l’anémie ou lapression sanguine. »

Ouverture et souplesseD’une part, les rencontres dans les villages ont sus-cité la formation de comités de santé. D’autre part,elles ont permis de réunir des informations de pre-mière main sur les problèmes médicaux les pluspressants dans les zones rurales. À partir de là, lesresponsables du projet ont prévu une vaste paletted’activités en collaboration avec les intervenants.Ils ont pu le faire parce que la DDC a renoncé àfixer un cadre budgétaire strict et leur a laissé unegrande autonomie : «Nous voulions mettre aupoint un modèle de promotion de la santé en ré-gion rurale. À cet effet, nous avions besoin d’ar-gent pour les rencontres et les cours. Nous ne

savions rien de plus », se souvient Tobias Schüth.Selon lui, c’est la souplesse du donateur qui a per-mis d’élaborer un modèle bien adapté au contex-te kirghize.Les activités conçues dans le cadre du projet CAHse fondent sur une interprétation large de la pro-motion de la santé. Comme cela avait déjà été lecas pour les hôpitaux, on a beaucoup investi dansl’infrastructure des villages : nombre de dispen-saires et de bains publics de l’ère soviétique ont étérénovés ; des conduites d’eau ont été remises enétat. «On ne peut pas faire la leçon aux gens et leurrecommander de boire de l’eau potable lorsque lescanalisations sont délabrées. Il faut commencer parréhabiliter le réseau d’eau », souligne M. Schüth.

Du projet pilote au programmeLes rencontres organisées avec les villageois ont révélé que l’anémie constituait le principal pro-blème de santé. Dans le cadre d’une étude, le pro-jet CAH a donc testé l’efficacité d’un mélange demicronutriments appelé Sprinkles. Il s’agit d’unepoudre contenant du fer, des vitamines, du zinc etde l’acide folique, que l’on ajoute aux aliments pourenfants. Grâce à cette nouvelle méthode, le reculde l’anémie a atteint jusqu’à 40% dans les régionspilotes. Encouragé par ce succès, le Kirghizistan aété le premier pays du monde à lancer en 2011 unprogramme national de distribution de sachets deSprinkles.

Un comité de santé villageois discute de la procédure à suivre.

Lienswww.cah.kgwww.ddc.admin.ch/asie-centrale

Santé

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Mais c’est tout le projet CAH qui est une réussi-te : le scepticisme initial du ministère de la santé s’estvite envolé. D’autres villages sont venus s’ajouteraux quinze premiers. Depuis 2005, les comités desanté font partie intégrante du programme officielde réforme, qui veut développer l’infrastructure sanitaire dans les campagnes. Aux côtés de la DDC,d’autres donateurs se sont engagés entre-temps àcofinancer l’extension du programme à l’ensembledu pays.Le ministère kirghize de la santé met pour sa partdes moyens financiers et du personnel à la dispo-sition des provinces, afin de soutenir les comités de

santé. Ceux-ci ne se contentent plus de participeraux projets du CAH. Nombre d’entre eux ont lan-cé leurs propres initiatives et coopèrent désormaisavec différents partenaires, dont les autorités locales.«Les gens ont appris à se faire entendre, à traiteravec les autorités et à trouver des ressources »,constate Tobias Schüth. «La démocratie s’instaureainsi à partir de la base. Notre projet de promo-tion de la santé y a contribué presque involontai-rement. » ■

(De l’allemand)

La santé, un thème mondial

(gn) Ces dernières années, la DDC n’a cessé demultiplier ses activités dans le domaine de lasanté, tout en se concentrant sur trois prioritésthématiques : - renforcer les systèmes de santé aux niveaux local et national ; - améliorer la santé des mères et des jeunes en-fants, de même que la santé sexuelle et repro-ductive ; - lutter contre les principales maladies infectieu-ses et non transmissibles. La DDC soutient des projets et des programmesayant trait à la santé dans le cadre de sa coopé-ration bilatérale avec les pays de l’Est, ainsiqu’en Afrique australe et orientale. En reliant cesactivités à son engagement sur le plan multilaté-ral, elle parvient à exploiter au mieux les syner-gies potentielles. À l’avenir, la Suisse s’investira davantage en fa-veur de la santé, tant dans ses programmes parpays que sur la scène politique mondiale. Vu lenombre et le poids des acteurs intervenant dansce domaine, c’est là un projet ambitieux. «Nousallons nous concentrer sur des thèmes où nouspensons pouvoir faire bouger les choses, grâceà l’expérience tirée de la coopération bilatérale et multilatérale, et grâce à nos partenariats stra-tégiques », prévoit Gerhard Siegfried, respon-sable du thème de la santé à la DDC. Il s’agit parexemple d’accroître l’intérêt porté sur le planmondial à la lutte contre les maladies tropicalesnégligées ou au financement de la santé. La DDCentend également renforcer les liens avec les activités menées dans les domaines de l’eau etde l’alimentation – où la santé joue un rôle cen-

tral – et explorer des formes novatrices de colla-boration avec l’aide humanitaire.www.ddc.admin.ch, «Thèmes», «Santé»

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Courir d’un projet à l’autre pour se soigner

La santé pour tous ! Alors que nous devions l’atteindre en l’an2000, cet objectif reste un beau rêve. La politologue et socio-logue allemande Ilona Kickbusch, spécialiste de la santé, évo-que ce qui est allé de travers, mais explique aussi pourquoi ellegarde bon espoir. Entretien avec Gabriela Neuhaus.

Un seul monde : Pourquoi la politique de lasanté est-elle un thème mondial ? Les dif-férences régionales et le fossé entre pays ri-ches et pauvres ne sont-ils pas trop grandspour tenir dans une seule politique?Ilona Kickbusch: Certes, les écarts sont grands.Cependant, nous vivons dans un monde globalisé,si bien que divers problèmes de santé peuvent êtreramenés à un dénominateur commun. Il existe ain-si des liens notoires entre la faim qui sévit dans denombreux pays en développement et les dérives del’industrie alimentaire, qui conduisent chez nousau surpoids. Ces interactions sont massives et necessent de s’intensifier. Il faut donc intervenir à plu-sieurs niveaux. Même des actions locales, voire in-dividuelles, peuvent s’avérer efficaces. Un de mescollègues dit toujours que l’un des actes politiquesque nous accomplissons au quotidien, dans leNord, consiste à choisir notre alimentation. Si nouscontinuons à manger autant de viande, les paysansafricains en subiront les conséquences. Si nouscontinuons à subventionner notre agriculture, ledésert ne manquera pas d’engloutir des terres ara-bles dans les pays en développement.

Lorsque des gens cherchent de la nourriture dans les dépotoirs (ici au Nicaragua), leur santé en est directement affectée.

Quels sont, à votre avis, les problèmes mon-diaux les plus aigus en matière de santé?L’environnement, l’alimentation et la répartitiondes richesses. Mais il y a bien sûr aussi les problè-mes de santé eux-mêmes : la résistance croissanteaux antibiotiques ou les maladies non transmissi-bles et chroniques telles que le cancer et le diabè-te. Ce sont là des défis qui exigent des interven-tions à l’échelon national, mais qui touchent aux intérêts de l’industrie orientée vers le cadre multi-national. Des actions s’imposent donc aussi au niveau mondial. L’un des grands débats qui nousattendent devra répondre à deux questions : com-ment définissons-nous la santé en tant que bien public mondial et comment pouvons-nous la fi-nancer pour garantir que chacun y ait accès ?

Il devient toujours plus difficile de financerla santé, chez nous certes mais surtout dansles pays pauvres, où même les soins de basene sont pas toujours garantis. Commentremédier à cette situation?Les problèmes d’argent comportent toujours deuxaspects. Si l’on considère la répartition des fonds

Ilona Kickbusch estune spécialiste de lapolitique globale desanté, en particulier de la promotion de lasanté. Née à Munichen 1948, elle a étudiéles sciences politiqueset la sociologie à l’Université deConstance. Ensuite,elle a occupé pendantprès de vingt ans di-verses fonctions ausein de l’OMS et parti-cipé à la rédaction dela Charte d’Ottawapour la promotion dela santé. Outre ses ac-tivités de professeureinvitée et de conseil-lère d’institutions na-tionales et internatio-nales, Ilona Kickbuschdirige depuis 2008 leProgramme de santéglobale à l’Institut dehautes études interna-tionales et du dévelop-pement à Genève.www.ilonakickbusch.comwww.graduateinsti-tute.ch, «Recherche»,«Centres et program-mes», «Global HealthProgramme»

Santé

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Lafforgue

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Un texte fondateur La Charte d’Ottawa a étéadoptée en 1986 lors de lapremière Conférence inter-nationale de l’OMS pour lapromotion de la santé, réu-nie dans la capitale cana-dienne. Elle affirme que « labonne santé est une res-source majeure pour ledéveloppement social,économique et individuelet une importante dimen-sion de la qualité de vie ».Parmi les principales ac-tions destinées à promou-voir la santé pour tous, lacharte cite notamment« l’élaboration de politiquespour la santé », ainsi que lamise en place d’un sys-tème de soins qui ne secontente pas d’offrir des«services cliniques et cura-tifs ». Elle met aussi l’ac-cent sur la promotion del’égalité des chances dansle domaine de la santé,afin de permettre à tout in-dividu de réaliser au mieuxson potentiel de santé.www.euro.who.int, cher-cher «Charte d’Ottawa»

disponibles dans les pays très pauvres, on constateque ces derniers n’accordent pas toujours unegrande priorité à la santé. Par ailleurs, nombred’entre eux comptent sur les organismes de déve-loppement, donc sur l’étranger, pour financer l’es-sentiel du budget qu’ils consacrent à ce secteur. Or,l’aide internationale alimente plutôt des program-mes spécifiques que la création de systèmes natio-naux de santé. Ainsi, certains donateurs œuvrent àaméliorer la santé des mères et des enfants, d’au-tres luttent contre la malaria et le sida, au lieu derassembler tous ces fonds pour mettre en place unsystème de soins de santé primaires. Lorsque leurfamille doit faire face à plusieurs problèmes desanté, les personnes défavorisées doivent donccourir d’un projet à l’autre.

Pourquoi peine-t-on autant à promouvoirdirectement des systèmes de santé?Du fait que nous disposions de méthodes per-mettant de sauver des vies, nous avons négligé lamise sur pied de systèmes de santé globaux, qui au-raient pourtant sauvé beaucoup plus de vies à longterme. Les programmes médicaux sont trompeurs,car ils sont très proches des gens et leurs succès sontmesurables. Je peux compter le nombre d’enfantsque j’ai vaccinés ou les pilules contre le sida quej’ai distribuées. Il m’est difficile d’en faire autantlorsque j’investis dans un système de santé. De plus,ces vingt dernières années, des institutions finan-cières telles que la Banque mondiale et le Fondsmonétaire international ont encouragé la privati-sation du secteur de la santé. Ce mouvement asonné le glas de systèmes nationaux mis sur piedpar les anciennes colonies après leur indépendan-ce. De même, les systèmes performants qui exis-

taient au sein de l’ex-Union soviétique ont été sim-plement détruits. Dans tous ces pays – et même sil’on fait abstraction du sida pour nombre d’Étatsafricains –, l’espérance de vie en bonne santé estaujourd’hui inférieure à ce qu’elle était dans lesannées 60.

Est-il en fait possible de respecter le droit del’homme à la santé?Si nous voulons respecter ce droit, nous devons éla-borer un système mondial, tant pour les soins quepour la prévention. Sa mise en pratique passe enpriorité par l’eau et l’hygiène. Viennent ensuite lavaccination contre les principales maladies infan-tiles, l’application de la Convention-cadre pour lalutte antitabac et une meilleure alimentation. Là,nous savons ce qu’il faut faire. Dans le secteur desmédicaments, en revanche, nous devrons trouver denouvelles solutions. Les entreprises pharmaceu-tiques sont parfaitement conscientes que leur mo-dèle industriel ne survivra pas longtemps. Lorsqueles brevets ne généreront plus de profits substan-tiels, nous assisterons peut-être à une révolution si-milaire à celle qui a frappé le monde du disque.Reste à connaître son impact sur l’évolution desmédicaments. On pourrait envisager de créer descentres de recherche, à l’instar des instituts inter-nationaux dans le secteur agricole. La Suisse oul’Union européenne, par exemple, pourraientmettre à la disposition des maladies négligées unepartie des fonds importants qu’elles consacrent à larecherche. ■

(De l’allemand)

Pendant longtemps, on ne demandait pas aux systèmes de santé d’amener les médicaments le plus près possible despopulations – comme dans ce centre de distribution au Somaliland.

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Faits et chiffresLa santé est un droit de l’homme1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’atoute personne de jouir du meilleur état de santé physique etmentale qu’elle soit capable d’atteindre. 2. Les mesures que les États parties au présent Pacte prendronten vue de garantir le plein exercice de ce droit devront compren-dre les mesures nécessaires pour assurer : (a) la diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant ;(b) l’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ;(c) la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contreces maladies ;(d) la création de conditions propres à assurer à tous des servicesmédicaux et une aide médicale en cas de maladie.Charte internationale des droits de l’homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), article 12

LiensOrganisation mondiale de la santé :www.who.int

Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme : www.theglobalfund.org

Réseau Medicus Mundi Suisse : nombreuses informations et prises de position sur les thèmes actuels de la politique de santéet liens vers les 45 organisations membres du réseau : www.medicusmundi.ch

Activités de la DDC dans le domaine de la santé :www.ddc.admin.ch, «Thèmes», «Santé»

Réseau santé de la DDC (en anglais) :www.sdc-health.ch

Chiffres clésEn 2009, l’espérance de vie moyenne de la population mondialese situait à 68 ans. En Suisse, pays qui figure parmi les premiersdu classement, elle atteint 82 ans, alors qu’elle est inférieure à50 ans dans des États comme l’Afghanistan ou le Tchad.

En 2010, la part des dépenses de santé a représenté enmoyenne 10,4% du revenu par habitant dans le monde.

En 2008, quelque 36 millions de personnes sont mortes dessuites de maladies non transmissibles. Cela correspond à 63%de tous les décès.

Au total, 23% des cas de maladie sont à mettre sur le comptedes conditions de vie. Le manque d’accès à l’eau potable et àl’assainissement tue 2 millions de personnes chaque année.

Densité de médecins dans quelques paysNombre de médecins pour 1000 habitants (2007-2009)

Mozambique 0,03Burkina Faso 0,06 Afghanistan 0,21Inde 0,65Pakistan 0,81Chine 1,41Brésil 1,76Japon 2,14Kirghizistan 2,30États-Unis 2,42Suisse 4,07(source : statistique de l’OMS)

Le nombre de médecins par habitant n’est que l’un des indica-teurs utilisés pour mesurer l’offre en soins de santé d’un paysdonné. Par ailleurs, la couverture médicale est nettementmeilleure dans les régions urbaines qu’à la campagne, et celaquel que soit le pays.

Citation«La mortalité prématurée, la morbidité évitable et la malnutri-tion sont toutes des manifestations de la pauvreté. Je penseque la privation de la santé est l’aspect central du problèmede la pauvreté. »Amartya Sen, lauréat du prix Nobel d’économie en 1998

Santé

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HORIZONS

Maïkeri, un petit village dans le sud-ouest duTchad. Dans la touffeur de la mi-journée, desfemmes et des enfants font la sieste et boivent duthé sucré devant une maison au toit de chaume, àl’ombre de palmiers et de karités. On entend çà etlà mugir une vache, grogner un cochon et bêlerdes chèvres. Ce tableau serait idyllique sans la pré-sence d’une haute cheminée dont la flamme brû-le du gaz naturel, d’une ligne à haute tension por-tée par des pylônes argentés, de réservoirs clôturés

et de bâtiments appartenant à la société pétrolièreEsso.Les habitants de Maïkeri vivent l’industrie pétro-lière comme l’invasion d’une puissance étrangère.Auparavant, il n’y avait ici que des fermes, de la savane et des cultures. Des pistes menaient auxchamps, où les paysans plantaient ce qu’il leur fal-lait pour mener une vie modeste. «C’est le passé »,déplore Auguste Djinodji, le doyen du village, âgéde 95 ans. «Nous sommes pauvres. Mais autrefois,

La malédiction du pétroleCoups d’État et rébellions jalonnent l’histoire du Tchad depuisson indépendance en 1960. Une instabilité nourrie par ses deuxvoisins, la Libye et le Soudan, mais surtout par la France, l’an-cienne puissance coloniale. Ce pays sahélien a maintenant re-trouvé la paix. L’exportation de pétrole procure au gouverne-ment des recettes qui se chiffrent en milliards de dollars. Est-ce la promesse d’un avenir meilleur pour les 11,5 millions deTchadiens? De Ruedi Küng*.

À Maïkeri, les installations de prospection pétrolière (en arrière-fond) bloquent les pistes rurales qui mènent aux champs.

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Tchad

Tchad

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Centrafrique

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Niger

Algérie

Libye

Égypte

Cameroun

nous avions au moins des champs à cultiver. Avecle pétrole, nous n’avons plus de terres. »

Quelques rares emplois Près de cinquante puits ont été forés sur le terri-toire du village. Tous sont entourés d’un grandcercle de terre battue rouge et reliés par des voiesd’accès. Ces installations et bien d’autres ont for-tement réduit les surfaces cultivables ; elles empê-chent les villageois d’utiliser les pistes rurales et lesobligent à faire de grands détours pour rejoindreles quelques lopins de terre encore exploitables. En

Le Tchad en bref

CapitaleN’Djaména(1 million d’habitants)

Superficie1,28 million de km2

Population11,5 millions

Langues Officielles : français, arabe Environ 130 langues indigènes : sara, baguirmi,tuburi, moudang, etc.

Âge moyen15 ans

Espérance de vie49,6 ans

ReligionsMusulmans : 60% Chrétiens : 30% Animistes : 10%

ScolarisationDeux tiers de la populationne sait ni lire ni écrire (tauxd’analphabétisme le plusélevé d’Afrique)

Nord-SudAu Nord vivent en majoritédes éleveurs arabo-musulmans, au Sud despetits paysans chrétiens

Économie80% de la population ac-tive travaille dans l’agricul-ture, mais ne parvient pas à couvrir les besoinsalimentaires du pays. Degraves sécheresses provo-quent régulièrement descrises d’approvisionnement.

Produits d’exportationCoton, bétail, gomme ara-bique et pétrole

outre, les habitants se plaignent d’être chicanés parles employés des sociétés de surveillance. Après desvols non élucidés sur le terrain de l’entreprise pé-trolière, que l’on a imputés aux villageois, le gou-verneur a décrété un couvre-feu. Depuis lors, lesagents de sécurité sont devenus encore plus durs,dit Auguste Djinodji. « Ils nous interdisent de quit-ter Maïkeri. Même en cas de maladie grave, ils nenous laissent pas aller jusqu’au dispensaire le plusproche, qui se trouve dans un autre village. »Il est devenu impossible de vivre comme avant. Essoa bien versé des indemnités aux paysans dépossé-dés de leurs terres. Mais beaucoup d’entre eux, dé-passés par une somme dont ils n’avaient pas l’ha-bitude, ont simplement dilapidé cet argent. Il n’ya que peu d’emplois, en raison notamment dumanque de formation scolaire. Plus de soixante gar-çons et filles se pressent dans la paillote venteusequi sert de salle de classe, mais l’instituteur EliséDjikoldingam ne dispose que d’un livre par bran-che pour tous ces élèves. L’école a reçu d’Esso l’équivalent de 920 francssuisses d’indemnités pour le forage d’un puits dansla cour de l’ancien bâtiment. Des fonctionnaires ontdétourné 195 francs. Le reste a servi à payer des sa-laires en souffrance, des tableaux et de la craie. Le

doyen du village constate amèrement : «Après avoirperdu nos champs, nous avons placé nos espoirsdans le pétrole. En vain. »

Argent gaspillé, promesses en l’airVillage enclavé au milieu d’installations d’extrac-tion, Maïkeri est très lourdement affecté par l’in-dustrie pétrolière. Mais ce n’est pas un cas isolé :entre Doba et Moundou, quantité de localitésconnaissent une situation identique ou analogue ;cette zone, l’une des plus pauvres du Tchad, comp-te plus de 800 sites de forage. La présence de gise-

Plus de soixante élèves se pressent dans la paillote qui sert de salle de classe.

ments de pétrole dans la région de Doba est connuedepuis les années 70. Leur exploitation exige ce-pendant des capitaux importants. Pour limiter leursrisques, des investisseurs américains et malaisiensont sollicité une participation de la Banque mon-diale. Celle-ci a accepté, car elle voulait se profilerdans la lutte contre la pauvreté et faire du Tchadun exemple d’exploitation socialement respon-sable des ressources.Le projet de pétrole tchadien a été scellé en 1999.Il prévoyait la réalisation d’un oléoduc de plus de1000 kilomètres à travers le Cameroun jusqu’auGolfe de Guinée et des investissements totalisant3,7 milliards de dollars. Le gouvernement, de soncôté, a promis de consacrer une partie de la man-ne pétrolière à l’éducation, à la santé, aux infra-structures, à l’environnement, aux ressources en eauet au développement rural, en particulier dans lazone d’extraction de Doba. Il s’est aussi engagé àconstituer un fonds pour les générations futures età rendre compte publiquement de l’affectation desrecettes pétrolières.Il ne reste pas grand-chose de ces promesses. La loicorrespondante a été abrogée. Certes, la volonté dedévelopper cette région grâce à l’argent du pétro-le existe toujours : on a construit un hôpital, un ly-

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Hervé Vince

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Malgré les juteuses recettes provenant de l’extraction dupétrole, la pauvreté est toujours aussi grande.

cée et un stade de football. Mais rien de tout celan’est utilisé, s’indigne Mgr Michele Russo, évêquede Doba. La ville ne dispose pas d’une équipe defootball, le lycée n’a pas trouvé d’enseignants et iln’y a ni médecins ni personnel soignant pour fai-re fonctionner l’hôpital. On ne saurait donc parlerd’exploitation socialement responsable du pétrole.D’ailleurs, la Banque mondiale s’est elle aussi reti-rée du projet.

Des pétrodollars pour la troupeSi le président tchadien Idriss Déby a rompu sonengagement à l’égard de la Banque mondiale, c’estque son régime était de plus en plus menacé. Il avaitbesoin d’argent pour acheter des armes et la loyau-té de ses troupes. Lorsque les rebelles ont pénétrédans la capitale N’Djaména en 2008, il n’a pu semaintenir au pouvoir que grâce aux soldats fran-çais de l’opération Épervier, stationnés au Tchad.Les rebelles, eux, devaient leur force de frappe ausoutien du président soudanais Omar el-Bachir. En1990, ce dernier avait aidé Idriss Déby à renverserle dictateur Hissène Habré. Mais l’éclatement dela guerre civile au Darfour les avait ensuite divisés :Déby soutenait les insurgés soudanais du Darfouret el-Bachir les rebelles tchadiens. Les deux prési-dents se sont réconciliés en 2010. Ils entretiennentdepuis lors «d’excellentes relations», affirme Mous-sa Dago, secrétaire général au ministère des affairesétrangères. Le Tchad a retrouvé la paix. En 2011,Idriss Déby a vaincu l’opposition politique dans lesurnes pour la quatrième fois. Il a depuis longtempsfait modifier la Constitution qui limitait à deux lenombre de mandats présidentiels. En outre, desagents sans scrupules du gouvernement et du par-ti veillent à étouffer les voix critiques.

Désertification menaçanteLe pétrole représente les deux tiers du budgettchadien. Esso a versé plus de 6 milliards de dollarsdans les caisses de l’État depuis le début de l’ex-traction en 2003, selon son directeur Scott Miller.Entre-temps, d’autres gisements ont été découverts.Le président Déby en a attribué l’exploitation –sans fixer d’obligations sociales – à la compagniepétrolière nationale chinoise CNPC. Cette der-nière a construit une raffinerie à N’Djaména, miseen service en 2011, et un oléoduc qui la relie à lazone d’extraction, près de Bongor. Le pétrole a fait passer le produit intérieur brut duTchad de 200 à plus de 900 dollars par habitant.De coûteuses limousines et des 4x4 climatisés cir-culent sur les avenues asphaltées de la capitale. Lelong de ces routes, de nombreux bâtiments (des mi-nistères, des bureaux, un hôpital, des écoles, des hô-tels et des logements) ont été construits ou réno-

vés ces dernières années. Pourtant, la pauvreté res-te considérable. Dans le classement de l’ONU se-lon l’indice de développement humain, le Tchadoccupe la 183e place sur 187 pays. Le dénuementest manifeste non seulement dans les zones rurales,mais aussi à la périphérie de la capitale. Beaucoupde gens venus de la campagne vivent dans desimples maisons en briques dépourvues d’eau et d’électricité. La nuit, ces quartiers sont plongésdans l’obscurité.Pendant ce temps, le président Déby réitère ses pro-messes à la population : sécurité alimentaire, accèsaux soins, salubrité de l’habitat, eau potable eténergie, bonne gouvernance, transparence et uni-té nationale. Il promet également de soutenir l’agri-culture et l’élevage, très négligés à cause du pétro-le. La production de coton, par exemple, a dimi-nué de quatre cinquièmes ces dix dernières années,indique Jean-Claude Brou, représentant de laBanque mondiale. L’agriculture et l’élevage ont be-soin d’une aide durable, car le changement clima-tique et le processus de désertification menacentl’existence même des populations.La sécheresse, qui sévit depuis 2010, met en évi-dence cette précarité. Elle a décimé le cheptel na-tional et amputé la production céréalière de plusd’un tiers. Le chemin du Tchad vers un avenirmeilleur est encore long. ■

*Ruedi Küng a été correspondant en Afrique de la radioalémanique DRS pendant douze ans. Ce spécialiste ducontinent noir gère aujourd’hui le site InfoAfrica.ch.

(De l’allemand)

La deuxième vie desfûts de pétrole Avec ses 120000 barilsde pétrole par jour enmoyenne, le Tchad fait fi-gure de petit producteur à l’échelle du continent.Le Nigeria, par exemple,en produit vingt fois plus.Cependant, l’or noir aprocuré au gouvernementtchadien plus de 6 mil-liards de dollars (70% desrecettes publiques) depuis2003. Ces 120000 barils(unité de mesure) rempli-raient 86000 fûts de pé-trole, comme ceux quel’on voit partout dans lepays. Sur le marché auxmétaux de Moursal, àN’Djaména, les piles devieux tonneaux formentde véritables murailles.Des forgerons découpent,martèlent et soudent cetteferraille pour en tirer tousles ustensiles possibles :poêles, pots, woks,coffres, brouettes, pelles,pioches, houes, etc. Lesfûts usagés servent aussitrès souvent de réservoirsd’eau. Dans le désert del’Ennedi et du Tibesti, lesnomades les utilisent pourstabiliser les puits.

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Heureusement que l’aéroport de N’Djaména, si-tué à deux minutes de ma maison, n’a rien d’unhub comme ceux de Londres ou Paris. Le trafic estsi faible que le bruit des avions ne me dérange pas.En revanche, une base militaire française jouxtel’aéroport et les Mirage décollent tous les matins à7 heures dans un vacarme épouvantable. Impossiblede faire la grasse matinée. Le week-end, c’est en-nuyeux.

Les jours de semaine, je me lève de toute façon à6 heures. Je suis l’un des premiers à arriver au bu-reau, aux environs de 7h15. Ma première tâcheconsiste à lire le courrier et à signer divers docu-ments tels que contrats, chèques, virements ban-caires, etc.

Ce matin, mes collègues et moi faisons le point surles projets en cours. Cette importante séance heb-domadaire réunit les six chargés de programme etles cinq membres de la direction. Chacun exposel’évolution des projets dont il s’occupe et fournitdes informations utiles à l’ensemble de l’équipe.Aujourd’hui, je suis obligé de partir avant la fin dela discussion, pour filer à une réunion des dona-

teurs qui commence à 10 heures dans les bureauxde la Banque africaine de développement.

Les donateurs se retrouvent en effet une fois parmois pour coordonner leurs activités. Ce proces-sus, lancé au printemps 2011, donne déjà des ré-sultats. Chacun de nous sait exactement qui faitquoi et dans quelle région. Nous avons aussi créédes sous-groupes thématiques pour améliorer la co-ordination dans les différents secteurs. Toutefois, legouvernement tchadien a encore du mal à s’asseoir« sur le siège du conducteur ». Il doit formuler desstratégies claires afin que l’aide puisse s’aligner surles priorités nationales.

De retour au bureau, je mange un fruit en vitesseet relis une demande de crédit qui doit être expé-diée rapidement à Berne. À 15 heures, j’ai rendez-vous chez le ministre de l’agriculture. Nous évo-

Un seul monde No 4 / Décembre 2012 21

Tchad

Une journée sur le terrain avec... Didier Douziech, directeur du bureau de la coopération suisse à N’Djaména

DDC

Trois instruments de coopération Le Tchad est un pays prio-ritaire de l’aide bilatéralesuisse, qui y déploie desactivités depuis 1965 déjà.Actuellement, la DDC réa-lise une douzaine de pro-jets de développementdans les trois grandeszones agroclimatiques dupays : le Sahara au nord, le Sahel au centre et les ré-gions tropicales au sud.Elle travaille dans les do-maines de la santé, del’éducation et de l’écono-mie rurale. La DDC fournitégalement une aide huma-nitaire aux réfugiés. Plus de 250000 personnes, ve-nues du Darfour, vivent eneffet le long de la frontièreavec le Soudan et environ75000 Centrafricains onttrouvé refuge au sud duTchad, fuyant des affronte-ments armés dans leurpays. D’autre part, la divi-sion Sécurité humaine duDFAE met en œuvre unprogramme de préventiondes conflits et de promo-tion de la paix. www.ddc.admin.ch/tchadwww.swiss-cooperation.admin.ch/tchad

quons ensemble un accord bilatéral pour la miseen œuvre d’un programme de la DDC sur la ges-tion des eaux de ruissellement dans la région sa-hélienne de l’Ennedi.

Les projets de la DDC sont répartis dans l’ensemblede ce vaste pays. Vu les distances à parcourir, il m’estimpossible de les visiter tous régulièrement. Ce sontles chargés de programmes et mes deux adjoints quien assurent le suivi. Eux sont plus directement liésaux opérations, tandis que mon rôle est plutôt ce-lui d’un manager. En plus des affaires courantes,nous sommes tous occupés cette année par l’éla-boration d’une nouvelle stratégie de coopérationpour la période 2013-2016. La DDC a l’intentionde concentrer ses activités sur le plan thématiqueet géographique.

Le plus souvent, je quitte le bureau vers 18 heures.Parfois, mes collègues ou moi devons participer àdes cocktails diplomatiques ou à des réceptions of-ficielles, vu que la Suisse n’a pas d’ambassade auTchad. Ce soir, j’ai de la chance : pas de mondani-tés au programme. Arrivé chez moi, je m’installeun moment au jardin pour observer la riche avi-faune locale. Sans être un grand connaisseur, j’aiidentifié une douzaine d’espèces d’oiseaux diffé-rentes. Ma femme et moi passons la soirée à la mai-son. Il existe quelques bons restaurants à N’Dja-ména, mais nous mangeons rarement en ville. ■

(Propos recueillis par Jane-Lise Schneeberger)

«Le gouvernementtchadien doit formuler des

stratégies claires. »

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Un seul monde No 4 / Décembre 201222

Tchad

Mon père Bougaye Nourène appartenait à la Gar-de nationale et nomade du Tchad. Il tenait ferme-ment à la réussite de ses cinq filles et de ses six gar-çons. Il nous a tous inscrits à l’école malgré les com-mentaires de ses proches qui le luidéconseillaient, craignant notammentque les filles ne deviennent des femmesmal éduquées.

Dans le cadre des activités sportives del’école, la course était ma discipline fa-vorite. Du fait de mes performances sur100 et 200 mètres, j’ai été confiée à unentraîneur qui m’a préparée en vue descompétitions nationales et internatio-nales. J’ai remporté de nombreusesépreuves et gagné des médailles, no-tamment lors des Jeux d’Afrique cen-trale, au Gabon en 1976.

Cependant, ma vocation sportive a étémal perçue dans mon milieu. On nepouvait pas admettre qu’une fille selivre à des activités de ce genre. Aprèsavoir résisté pendant quelques années,mon père a dû céder à la pression so-ciale et s’est vu contraint de me don-ner en mariage à 14 ans. Il a cependantexigé que je poursuive ma scolaritéune fois mariée. Telle est la loi de notresociété : une jeune fille n’a pas le droitde choisir son futur époux. De ce mariage sont nésdeux filles et un garçon, qui sont grands aujour-

Un rêve d’équilibre entre homme et femmed’hui. Après quelques années de vie conjugale,mon mari est décédé.

À l’époque où Hissène Habré était au pouvoir, j’aimilité au sein du parti unique, l’Unionnationale pour l’indépendance et larévolution (Unir). Mère au foyer, jevoulais prouver la capacité d’une fem-me à agir. J’ai occupé les postes de dé-léguée régionale de l’animation poli-tique et de secrétaire générale del’Ofunir, l’organisation des femmes au sein du parti. Malheureusement,j’ai fini par aller en prison, victimed’hommes jaloux de ma position.

Lorsque j’ai cessé de faire de la poli-tique, j’ai repris des études dans le do-maine de la santé. Puis la maladie m’aobligée à les interrompre. Une foisguérie, j’ai travaillé quelque tempscomme bénévole à l’hôpital d’Ati,avant de réorienter ma carrière vers unemploi d’agent technique en agricul-ture. En janvier 1995, la coopérationsuisse m’a recrutée en tant qu’anima-trice et formatrice de femmes dans leBatha. Là encore, j’ai pu prouver macapacité de réaliser des choses autantque les hommes. Ce projet s’est rapi-dement développé. Grâce à lui, les

femmes du Batha sont désormais plus respectées parles hommes et peuvent donner leur avis sur lesgrandes décisions familiales ou communautaires.

À cette époque, une autre décision très importan-te a marqué un tournant dans ma vie : mon deuxiè-me mariage. J’avais été nommée coordinatrice dece projet de la DDC dans le Batha, mais il n’étaitpas envisageable dans notre société qu’une céliba-taire se tienne devant d’autres femmes pour les for-mer. Personne ne m’aurait prise au sérieux. C’estainsi que j’ai commencé à fouiner, à prospecter, afinde dénicher l’homme qu’il me fallait pour réalisermon rêve d’un équilibre réel au sein du couple. Etcomme Dieu aime les bonnes choses, il a placé surmon chemin l’homme que je cherchais depuisquelques années. Oui, il était vraiment celui qu’ilme fallait. Aujourd’hui, c’est lui ma force, mondouble. Nous pratiquons et vivons le développe-ment équilibré entre homme et femme sous toutesses formes. Beaucoup d’hommes qui le prenaientpour un fou se sont mis à l’imiter au sein de leurfamille. ■

Achta Bougaye est une

Tchadienne de religion mu-

sulmane et membre de

l’ethnie bidio. Elle est née

en 1964 à Abéché, ville si-

tuée à quelque 800 km de

la capitale N’Djaména.

Aujourd’hui, elle vit à Ati,

dans la région du Batha,

où toute la famille s’était

installée quand le père

d’Achta a pris sa retraite.

Cette mère de trois en-

fants, veuve et remariée,

travaille pour la DDC. Elle

coordonne un projet de

formation des femmes.

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MCT

Un seul monde No 4 / Décembre 2012 23

DDC

pour une amélioration de la législation et défendles journalistes mis en cause pour leurs reportagesou soumis à des pressions diverses. La DDC ali-mente également le Fonds tanzanien pour les mé-dias (TMF), créé en 2006. Celui-ci octroie des sub-sides à des journalistes pour leur permettre de fai-re des recherches approfondies ou de couvrir lasituation dans les zones rurales. Il propose des for-mations et un programme de mentorat. Le TMFrécompense aussi des reportages de qualité. Soncredo : «Les médias doivent jouer le rôle de chiensde garde de la société. » Juliane Ineichen, de la section Afrique orientale etaustrale à la DDC, partage cet avis tout en souli-gnant que le journalisme de qualité dépasse large-ment la fonction de censeur : « Il nous paraît im-portant de ne pas se limiter à une critique systé-matique du gouvernement, mais de pratiquer unjournalisme global et diversifié qui reflète l’en-semble des opinions politiques et toutes les facet-tes de la société civile. » Un bon travail d’enquêtepeut avoir des effets positifs directs sur la popula-tion, comme le démontre l’exemple du lait en poudre. Le TMF a cofinancé une partie des re-cherches qui ont révélé ce scandale. ■

(De l’allemand)

Des chiens de garde pas très mordantsQuatrième pouvoir, les médias exercent une influence consi-dérable sur l’opinion publique, dans la mesure où ils tiennent àl’œil la politique, la justice et l’économie. En Tanzanie, la DDCcofinance le Conseil de la presse et le Fonds pour les médias.Celui-ci soutient l’émergence d’un journalisme de qualité, no-tamment par l’octroi d’aides financières et par un programmede formation.

La Déclaration de ZanzibarEn mai 2010, des journalis-tes de dix pays d’Afriqueorientale et australe – dontla Tanzanie – se sont réu-nis à Zanzibar pour célé-brer la Journée mondiale de la liberté de la presse.Dans une déclaration commune, ils ont soulignél’importance que revêt la liberté d’opinion et d’infor-mation pour le développe-ment économique et dé-mocratique d’un État. Ilsont exhorté leurs gouver-nements à créer de meil-leures bases légales pourgarantir la liberté de lapresse, à faciliter la forma-tion de l’opinion et à proté-ger les journalistes contrela répression.www.mct.or.tz/mediacoun-cil, «Media Freedom»,«World Press FreedomDay»www.tmf.or.tz

(mw) En 2010, la station de radio Kili FM, situéedans la région du Kilimandjaro, a invité plusieurspoliticiens dans son studio, pour que les auditeurspuissent les interroger sur leurs promesses électo-rales. Certains ont fait si pâle figure qu’ils n’ont pasété réélus. De son côté, la radio locale SengeremaFM, à Mwanza, dans le nord, a révélé l’état catas-trophique d’une école primaire, obligeant son di-recteur à démissionner. Et lorsque des journalistesont découvert en 2009 que des nourrissons tom-baient malades après avoir consommé du lait enpoudre, les autorités ont immédiatement réagi etretiré du marché des produits falsifiés. La Tanzanie connaît quelques exemples de jour-nalisme indépendant et d’investigation, mais ils res-tent l’exception. La presse manque de moyens fi-nanciers, de formation professionnelle et de liber-té. Elle est en outre très exposée à la corruption :les journalistes parlent ouvertement de « l’enve-loppe brune » qui atterrit parfois sur leur table detravail.

Deux organismes, un objectifDepuis cinq ans, la DDC soutient le journalismedans ce pays d’Afrique orientale, en menant des ac-tions ciblées. Ainsi, elle fait partie des bailleurs defonds du Conseil national de la presse qui se bat

Le Conseil tanzanien de la presse réclame une amélioration des lois.

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Un seul monde No 4 / Décembre 201224

(mw) Dans l’ethnie prai, les hommes qui se ma-rient vont habiter dans la maison de leur épouse.Les filles héritent de la terre. Et les clans d’une cer-taine importance sont en général dirigés par desfemmes. En dépit de ces structures matriarcales, ilest difficile, dans la région de Saysathan, de faire par-ticiper des femmes à un projet de développement.C’est d’une part une question d’éducation : seules28% des filles sont scolarisées jusqu’en cinquièmeannée, alors que cette proportion atteint 41% chezles garçons. Par ailleurs, les femmes se tiennent àl’écart des projets qui dépassent le contexte fami-lial. Dès qu’il s’agit de routes, de puits ou d’inter-ventions de nature économique comme la créationd’une champignonnière, c’est l’affaire des hommes.«Ce genre de constellations constitue pour nousun défi passionnant mais difficile, car nous tenonsà inclure également des femmes dans nos efforts dedéveloppement », explique Liliane Ortega, respon-sable du secteur Agriculture et sécurité alimentai-

Désenclaver les montagnards Alors même que son économie progresse rapidement, le Laosreste un des pays les plus pauvres de la planète. Sa croissanceprofite essentiellement aux habitants de la plaine. Les ethniesdéfavorisées, qui vivent pour la plupart dans les montagnes, n’enont que des miettes. Un projet de la DDC soutient 19 villagesprai dans le district de Saysathan.

re au bureau de coopération de la DDC à Vientia-ne.Par rapport à d’autres activités de la DDC au Laos,le projet de réduction de la pauvreté dans les ré-gions montagneuses éloignées, qui vise à soutenirl’ethnie prai, est plutôt modeste et circonscrit lo-calement. « Je pense cependant que ce type d’en-gagement aux côtés des populations complète uti-lement notre travail institutionnel au Laos. Nousnous concentrons par exemple sur le système ju-ridique et sur la participation de la population lo-cale. Nous encourageons la production alimentai-re ainsi que l’accès au marché pour de petites etmoyennes entreprises. » Liliane Ortega estime qu’ilfaut toujours soigner les deux aspects, c’est-à-direpromouvoir les changements systémiques qui fe-ront avancer un pays dans sa globalité et s’engagerdirectement auprès des groupes sociaux les plus dé-munis. «Ces projets sont essentiels pour nous. Ilsnous apportent aussi de précieux enseignements. »

Bombes et munitionsnon exploséesPendant le conflit du Viêt-nam, le Laos est resténeutre. C’est pourquoi les États-Unis ne lui ontjamais officiellementdéclaré la guerre. Il faitpourtant partie des paysles plus bombardés dumonde. Afin d’écraser lesforces communistes sta-tionnées au Laos et auNord-Viêt-nam, les avionsaméricains ont mitraillé cepays entre 1966 et 1973,y déversant l’équivalentde 2,5 tonnes d’explosifpar habitant. Les muni-tions non explosées res-tent aujourd’hui encoreun danger considérable,surtout dans l’est, prèsde la frontière avec leViêt-nam. L’ethnie prai vit dans le nord-ouest du Laos, non loin de laThaïlande.

En quelques années, le taux de vaccination est passé de 30 à plus de 60% au sein de l’ethnie prai.

DDC

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25Un seul monde No 4 / Décembre 2012

La DDC au LaosDans la région du Mékong,la DDC concentre son action sur quatre pays voisins : Laos, Viêt-nam,Cambodge et Myanmar.Elle travaille dans les do-maines suivants : bonnegouvernance, développe-ment économique – avecun accent sur la formationprofessionnelle –, agri-culture et sécurité alimen-taire. Son projet de recher-che consacré à la créationde nouvelles variétés de riza été une grande réussite.Il a permis au Laos d’assu-rer son propre approvision-nement en riz. Ce succèsse limite toutefois jusqu’àprésent aux régions deplaine.www.ddc.admin.ch/mekongwww.swiss-cooperation.admin.ch/mekong

La croissance ne profite pas à tousTout en restant l’un des pays les plus pauvres dumonde, le Laos a enregistré au cours des dix der-nières années une croissance économique remar-quable, qui a atteint en moyenne 7 à 8%. Mais il ladoit essentiellement à l’exploitation de matièrespremières, dont les populations rurales – en parti-culier les minorités ethniques qui vivent en altitu-de – ne profitent guère.On compte dans ce pays une cinquantaine d’eth-nies, divisées en plusieurs centaines de sous-

groupes. Les quelque 16000 Prai sont les descen-dants d’une ethnie déjà présente dans la région duMékong il y a un millénaire, avant l’arrivée des ThaïLao actuellement majoritaires. Ils vivent aujour-d’hui dans les montagnes du nord-ouest du pays.Leurs villages, très pauvres, n’étaient jusqu’à ré-cemment atteignables qu’à pied.Le projet de la DDC, mis en œuvre par l’organi-sation Care International, a démarré en 2003 etcomporte plusieurs volets : des routes ont étéconstruites pour permettre aux Prai d’entretenirdes relations commerciales avec la plaine – ils vonty vendre notamment du thé ou de l’herbe à balaiséchée. L’approvisionnement en eau potable est unthème prioritaire. Dans quelques villages, on a pucapter des sources et construire des puits. Cela asimplifié la vie quotidienne des femmes, qui étaientobligées auparavant de parcourir de longues dis-tances pour se procurer de l’eau. La santé de la po-pulation s’est aussi améliorée : les maladies liées àla consommation d’eau insalubre ont nettement diminué. Par ailleurs, les villageois ont appris à installer, aux endroits où le terrain n’est pas trop enpente, des roues hydrauliques rudimentaires desti-nées à l’irrigation des rizières. Ils ont pu ainsi aug-menter leurs récoltes.

Les paysans apprennent à vacciner leurs bêtes et à construire des roues hydrauliques pour irriguer les rizières.

Hommes et animaux en meilleure santé«Un des plus grands succès du projet est le taux devaccination accru du bétail », souligne Liliane Or-tega. «Nous avons montré aux paysans commentvacciner chèvres, poules et vaches. Ils font aujour-d’hui ce travail pour leur propre compte et en re-tirent un revenu complémentaire. En même temps,la sécurité alimentaire s’en est trouvée sensiblementaméliorée dans toute la région. » Le taux de vacci-nation a également progressé au sein de la popu-lation, passant de 30 à plus de 60%, grâce à la nou-

velle clinique mobile qui fait halte trois fois par an-née dans les villages bénéficiaires du projet.Le soutien apporté par la DDC s’achèvera à fin2015. Cependant, Care International restera surplace. Elle s’efforcera de pérenniser les acquis, no-tamment l’approvisionnement en eau et les cli-niques mobiles, en les plaçant sous la responsabili-té des autorités locales. Care travaille en outre à unprojet de réseau spécial pour les familles les pluspauvres de la région. Pour diverses raisons, celles-ci ne pouvaient pas participer aux activités de pro-duction – élevage de poules ou de chèvres, cultu-re de champignons – qui procurent un petit reve-nu à plus de soixante ménages. Après évaluation dela dernière phase du projet, quelques familles à re-venu moyen – entre 125 et 325 dollars par année– ont été d’accord de former un nouveau groupeet de partager les gains d’un élevage collectif dechèvres avec les plus défavorisés. ■

(De l’allemand)

DDC (2

)

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Matilde Gattoni/la

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DDC interneDes communes démuniesface à l’exode (mqs) Les troubles liés auPrintemps arabe ont incitéquantité de jeunes Nord-Africains à quitter leur patrie,un exode qui laisse des videstrès perceptibles dans les villeset les villages. Ces mouve-ments migratoires ont des ré-percussions sur la taille et lastructure démographique deslocalités concernées, maisaussi sur le marché de l’emploiet les besoins en services pu-blics. Les administrations mu-nicipales s’efforcent des’adapter à ces changements.Toutefois, elles sont souventseules pour y faire face. Ellesaspirent à des contacts avecd’autres communes ou avecdes organisations de la sociétécivile. Un projet soutenu par leprogramme global Migration etdéveloppement de la DDC viseà renforcer les communes surle plan social et économique,en veillant à ce que les initia-tives publiques et privées sedéroulent de manière coordon-née. Il accompagne au moinsdix interventions menées dansdes villes et des villages duMaroc, de Tunisie et d’Égypte.Outre la formation ciblée desautorités, le projet comprend lacréation d’un réseau d’admi-nistrations et d’organisationsnon gouvernementales afin defavoriser l’échange de connais-sances.Durée du projet : 2012 – 2015Volume: 2,1 millions CHF

Apprendre en nomadisant(bm) En Afrique de l’Ouest etdu centre, l’élevage joue unrôle économique essentiel. Lepastoralisme est le principalmode d’exploitation : ilconcerne jusqu’à 90% ducheptel bovin. Les éleveurs

nomades pratiquent la trans-humance transfrontalière avecleurs troupeaux et une partiede leur famille. Ces popula-tions demeurent ainsi à l’écartdes systèmes éducatifs exis-tants, car il est difficile deconcilier la mobilité avec la fré-quentation d’une école séden-taire. De plus, les contenus enseignés ne répondent pastoujours à leurs besoins et àleurs valeurs. C’est pourquoi la DDC a lancé un programmerégional qui permettra à desmilliers d’enfants, de jeunes et d’adultes d’acquérir lesconnaissances et les compé-tences indispensables à leurdéveloppement. Elle soutientl’élaboration d’offres d’éduca-tion et de formation adaptéesau contexte et aux besoins descommunautés pastorales quiévoluent dans les zones trans-frontalières du Burkina Faso,du Mali, du Niger, du Bénin etdu Tchad.Durée du projet : 2012–2017 Volume: 9,5 millions CHF

Sécurité routière en Pologne(mpe) La Pologne détient letriste record des morts sur laroute en Europe, un fléau dûprincipalement à l’irresponsa-bilité des usagers. En tant quemembre de l’Union euro-péenne (UE), elle se doit pour-tant d’appliquer les normes occidentales en matière de sé-curité routière. La Suisse, quiaffiche de bons résultats en lamatière, peut faire profiter cepays de son expérience. Dansle cadre de sa contribution à

l’élargissement de l’UE, elleréalise un projet consacré à laprévention des accidents de la route en Pologne. Un ambi-tieux programme d’échangeset de formation a été mis surpied en collaboration avecl’Institut suisse de police àNeuchâtel. Quelque 620 res-ponsables polonais de la sécu-rité routière suivront ces cours.En plus, la Suisse financerades radars et d’autres équipe-ments d’observation de la cir-culation, divers aménagementsroutiers comme des passagespour piétons, ainsi que descampagnes nationales de sen-sibilisation.Durée du projet : 2012–2014Volume: 4 millions CHF

Soutien au Parlement serbe(mpe) Avec l’appui de la DDC,le Programme des NationsUnies pour le développement(PNUD) renforce les capacitésdu Parlement serbe, afin de lui permettre d’atteindre lesnormes européennes en ma-tière de transparence et d’effi-cacité. Ce projet contient plu-sieurs aspects résolumentnovateurs dans le contexteserbe, comme la décentralisa-tion de certaines activités duParlement, une supervisiondes dépenses sur Internet etl’établissement de relations detravail avec cinq assembléeslégislatives locales. Le PNUDcollabore avec le Parlementserbe depuis plusieurs années.Il a déjà soutenu l’élaborationde plusieurs textes de lois.Quant à la DDC, elle poursuitainsi sa contribution à la dé-mocratisation du pays, com-mencée il y a une dizaine d’an-nées avec l’appui accordé à laConférence permanente desvilles et municipalités de Serbie.Elle s’appuie sur l’expérience

acquise en Macédoine, où ellesoutient le Parlement depuisde nombreuses années. Durée du projet : 2012 – 2015Volume: 1 million CHF

Gestion des crises alimentaires au Niger(ung) Cette année, l’insécuritéalimentaire frappe à nouveau 6 millions de personnes auNiger, soit plus du tiers de lapopulation. Face à la récur-rence de ce phénomène, legouvernement a mis en placeun Dispositif national de pré-vention et gestion des crisesalimentaires. Ce mécanismedoit renforcer les capacités du

pays à évaluer la situation et à prendre rapidement des me-sures concrètes, comme ladistribution gratuite de cé-réales et de semences, un ap-pui aux banques céréalières,etc. Le dispositif est une ins-tance nationale d’alerte recon-nue tant par les autorités pu-bliques que par la sociétécivile. La DDC s’est engagée à le soutenir financièrementdurant plusieurs années, afind’assurer la sécurité alimen-taire des populations ainsi quele fonctionnement et la coordi-nation des entités chargées del’alerte précoce. Elle entendégalement consolider les ac-quis des actions de dévelop-pement, lesquels sont souventrelégués au second plan enpériode de crise. Durée du projet : 2012 – fin2014Volume: 6,7 millions CHF

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FORUM

La course aux terres arables s’accélère à l’échelle pla-nétaire: depuis 2000, des investisseurs étrangers – pu-blics et privés – ont acheté ou loué pour de longuespériodes quelque 83 millions d’hectares, principa-lement en Afrique orientale et en Asie du Sud-Est.Cela représente 1,7% de la surface agricole mon-diale. Ces chiffres ont été publiés fin avril sur le siteInternet de la Matrice des transactions foncières, uneplate-forme qui recense les acquisitions transnatio-nales de terres agricoles. Cette banque de donnéesen ligne est portée notamment par le Centre pourle développement et l’environnement (CDE) del’Université de Berne et la Coalition internationa-le pour l’accès à la terre (ILC), une alliance mon-diale d’organisations intergouvernementales et de lasociété civile, qui bénéficie d’un important soutiende la DDC.

Nombreuses transactions en coulisseLa Matrice des transactions foncières est constam-

ment vérifiée et mise à jour sur la base des infor-mations recueillies. Il s’est avéré par exemple qu’unepartie des contrats enregistrés initialement n’avaientpas abouti ou avaient été annulés. Par ailleurs, seulesles transactions portant sur plus de 200 hectares ysont répertoriées. En outre, certaines acquisitions nesont pas publiées, si bien qu’il est impossible deconnaître l’ampleur exacte du phénomène. «Mal-gré ces imprécisions, la Matrice constitue un bonmoyen de mettre en lumière l’ampleur et la dyna-mique du commerce mondial de terres agricoles»,explique Alexandre Ghélew, collaborateur du Pro-gramme global Sécurité alimentaire de la DDC. Lerapport d’analyse basé sur cette banque de donnéessouligne en outre que les terres achetées se situentsouvent dans des zones à forte densité de popula-tion et que près de la moitié d’entre elles sont déjàexploitées à des fins agricoles : en d’autres termes,les investisseurs étrangers font concurrence aux pe-tits paysans locaux.

La ruée sur les terres fertilesLes terres agricoles des pays en développement sont deve-nues une richesse très convoitée qui se négocie à l’échelle internationale. Les principaux investisseurs viennent de paysémergents comme la Chine, l’Arabie saoudite ou l’Inde, maisaussi du Nord. Cependant, l’accaparement des terres compro-met sérieusement la sécurité alimentaire. De Mirella Wepf.

Loida Nakachwa, de Mubende en Ouganda, a été chassée de sa terre, même si un document officiel en langue localeprouve que celle-ci appartient bien à sa famille.

Guichets fonciers au BurundiEn Afrique subsaharienne,les populations sont engrande majorité rurales,mais peu de pays ont unepolitique foncière digne dece nom. En l’absence decadastres et de registresfonciers, des millions depaysans ne possèdent au-cun titre de propriété surles terres qu’ils cultivent.Selon le principe de doma-nialité, hérité de l’ère colo-niale, les terrains non enregistrés officiellementappartiennent à l’État.Expropriations et expul-sions sont dès lors très fa-ciles. Au Burundi, la DDCsoutient la mise en placede «guichets fonciers »dans les communes. Cesbureaux locaux peuventétablir des titres de pro-priété rapidement et à peude frais. Au début, ils l’ontfait de manière officieuse.En juin 2011, ce modèled’administration décentrali-sée a été institutionnalisédans le cadre du nouveaudroit foncier burundais. Les2400 titres établis depuis2010 ont été reconnus offi-ciellement.

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L’analyse des 1217 transactions signalées depuis 2000révèle une certaine polarisation géographique: 70%des terres acquises ou exploitées par des investisseursinternationaux se concentrent sur onze pays, situéspour la plupart en Afrique orientale et en Asie duSud-Est. Les principaux investisseurs viennent depays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Bré-sil. Les États du Golfe jouent également un rôle im-portant. Ils sont suivis par l’Amérique du Nord etles pays européens. Selon Markus Giger, collabora-teur du CDE et coauteur du rapport d’analyse, desentreprises suisses participent aussi à ce type de transactions.

Garantir la production alimentaireL’une des questions clés est de savoir comment l’ac-caparement de terres se répercute sur la sécurité ali-mentaire des populations locales. «De tels investis-sements peuvent apporter de l’argent frais dans unerégion, susciter le développement d’infrastructuresutiles et agir positivement sur l’évolution sociale»,reconnaît Alexandre Ghélew. Néanmoins, note-t-il,le scepticisme reste de mise. Des voix critiques fontremarquer que les petits paysans dépourvus de titres

de propriété sont chassés de leurs terres au profit demonocultures et que l’irrigation de vastes superfi-cies épuise les ressources en eau, ce qui provoquel’asséchement des lopins de terre cultivés par la po-pulation locale.Il convient par conséquent d’imposer un cadre pro-pice aux effets potentiellement utiles de l’accapare-ment des terres. La DDC s’y emploie en travaillantà différents niveaux: elle agit d’une part localement,par le biais de ses bureaux de coopération dans lespays concernés et d’autre part sur le plan interna-tional avec son Programme global Sécurité alimen-taire. Elle a ainsi contribué de manière déterminan-te à l’élaboration des Directives volontaires pour unegouvernance responsable des régimes fonciers ap-plicables aux terres, aux pêches et aux forêts, qui ontété adoptées en mai dernier à Rome par le Comi-té de la sécurité alimentaire mondiale. La DDC aégalement exercé une fonction de consultant pourl’établissement d’une charte des investisseurs dans ledomaine agricole. Ce document complète depuisseptembre 2011 les Principes des Nations Uniespour l’investissement responsable (PRI), soutenusactuellement par huit institutions financières inter-nationales – dont plusieurs caisses de retraite – ba-sées aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, au Dane-mark, en Suède et aux États-Unis. Les Directives vo-lontaires ont été préparées sous la conduite de laDivision Sécurité humaine du Département fédé-ral des affaires étrangères. En complément, la DDC accompagne actuelle-ment un groupe de fonds d’investissement qui élaborent un instrument de contrôle des investisse-ments dans les terres agricoles. «Ce mécanisme ser-vira en fin de compte à l’application et au suivi desPRI dans le domaine foncier», explique Manfred

Un film récompenséLe film documentairePlanète à vendre, réalisépar le Français AlexisMarant, aborde le phéno-mène devenu mondial dubradage des terres agri-coles dans les pays en développement. Des inter-views d’investisseurs et de responsables gouver-nementaux dans diverspays du Nord et du Sudmettent en lumière unesorte de grand Monopoly,dont les conséquencessont parfois dramatiques. «Planète à vendre » estdistribué par le ServiceFilms pour un seul monde ;www.filmeeinewelt.ch

L’accaparement de terres pour les transformer en mono-cultures (ci-dessus, l’Ouganda) recèle un important po-tentiel de conflit, notamment parce que leur irrigationépuise les ressources en eau (à gauche, la Tanzanie).

Souvent, les transactions ne tiennent pas compte de la po-pulation locale – comme ici dans l’État indien de l’Orissa.

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Kaufmann, collaborateur du Programme global Sécurité alimentaire.

Pour plus de transparenceLa DDC soutient également l’Observatoire foncier,qu’elle considère comme essentiel pour le dévelop-pement durable du commerce de terres agricoles.Coordonné par l’ILC et le CDE, ce projet vise à dé-velopper dans cinq pays pilotes des méthodes per-mettant de concilier transactions foncières et sécu-rité alimentaire. «Nous allons mettre en place, d’icil’été 2013, des plates-formes nationales interactivespour le Laos, le Cambodge, la Tanzanie, Madagascaret le Pérou», annonce Markus Giger. Il s’agit de pro-mouvoir la transparence dans ces pays : toutes les informations concernant les transactions et leurcontexte seront accessibles aux représentants des as-sociations de petits paysans, aux organisations nongouvernementales (ONG) ou aux autorités locales.«La société civile pourra de cette manière interve-nir à bon escient. Dans certains cas, le gouvernementnational sera plus au fait de ce qui se passe locale-ment.» M. Giger pense que l’on pourra ainsi mieuxévaluer les conséquences écologiques et socialesd’un transfert de propriété, ou déceler plus facile-ment si celui-ci risque d’affecter des petits paysansde la région.Parallèlement à la mise en place de ces plates-formes,l’ILC et le CDE lancent dans les cinq pays des pro-cessus de dialogue sous forme d’ateliers. Il s’agit non

seulement de fournir davantage d’informations surles transactions foncières, mais également de dé-fendre les catégories sociales vulnérables et d’amé-liorer la gouvernance nationale.

Mise en œuvre des Directives volontairesLe travail relatif à l’accaparement des terres se pour-suit en vue d’étoffer la Matrice des transactions fon-cières, tandis que la DDC a lancé un projet qui faitsuite aux Directives volontaires. «Celles-ci ne ser-vent pas à grand-chose si elles ne sont pas appli-quées», remarque Alexandre Ghélew. Les directivescomprennent plus de 170 recommandations concrè-tes, sous forme de bonnes pratiques, qui devraientêtre adoptées par les États, les organisations interna-tionales, les ONG et les investisseurs privés. Cela in-clut aussi bien les bases légales que le contrôle de lamise en œuvre, les droits fonciers individuels et col-lectifs – ceux des femmes en particulier – ou la pri-se en compte des peuples indigènes. En juillet der-nier, la DDC a alloué 3 millions de francs à l’Orga-nisation des Nations Unies pour l’alimentation etl’agriculture (FAO): cette contribution doit accélé-rer l’application des Directives volontaires, notam-ment en assurant leur diffusion, en élaborant des ins-truments de mise en œuvre, tels que des programmesde formation en ligne, et en renforçant les capacitéslocales et nationales. ■

(De l’allemand)

Dans l’État indien du Maharashtra et ailleurs, lorsque d’immenses surfaces arables se vendent, ce sont généralement les petits paysans qui en font les frais.

Cambodge : 400000hectares vendusLe Cambodge ne figurepas parmi les vingt paysles plus touchés par l’ac-caparement des terres,tels qu’ils sont recensésdans la Matrice des trans-actions foncières. Cepen-dant, il suscite un intérêtconsidérable chez les in-vestisseurs internationaux.Depuis 2000, soixantetransactions foncières yont été enregistrées. Ellesportent sur un total de400000 hectares, unchiffre élevé pour un paysde cette taille. Cela ex-plique que de nombreusesONG cambodgiennes sou-haitent participer au projetd’Observatoire foncier àtitre de pays pilote.

LiensMatrice des transactionsfoncières : www.landportal.info/landmatrix

Directives volontaires pourune gouvernance respon-sable des régimes fonciersapplicables aux terres, auxpêches et aux forêts :www.fao.org/nr/tenure/voluntary-guidelines

Centre pour le développe-ment et l’environnementde l’Université de Berne :www.cde.unibe.ch

Coalition internationalepour l’accès à la terre :www.landcoalition.org

Principes des NationsUnies pour l’investisse-ment responsable :www.unpri.org/commo-dities

DDC – Rapport sur l’effi-cacité dans le domaineagricole 2010 ; page sur lagouvernance foncière : www.ddc.admin.ch

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Carte blanche

Rubeena Mahato est corres-pondante et chroniqueuse auNepali Times, le principal heb-domadaire népalais en anglais.Elle s’intéresse en particulier audéveloppement, à la politique, à l’énergie et aux technologiesde l’information. Attachée à unjournalisme qui propose dessolutions concrètes, RubeenaMahato a écrit de nombreux articles sur le développementancré dans les communautésde base. Elle s’intéresse beau-coup à la gouvernance et auxpolitiques publiques. À la fin dela guerre, qui a duré dix ans, lajournaliste a sillonné son paysafin de rendre compte de l’es-poir retrouvé et du travail de reconstruction.

La fin de la guerre au Népal, il ya cinq ans, a fait les gros titres dela presse internationale. Les re-belles sont sortis de la junglepour participer à la vie politiqueet nous avons élu notre premièreAssemblée constituante. Pourbeaucoup de gens, cet apaise-ment signifiait non seulementl’arrêt des violences, mais égale-ment l’occasion de prendre unnouveau départ et de relancer ledéveloppement.

Contrairement aux espoirs de lapopulation, développement etgouvernance sont restés les pa-rents pauvres de la vie publique.Les partis et leurs leaders passentleur temps à des manœuvres po-liticiennes et à des jeux de pou-voir. Les gouvernements succes-sifs n’ont pas su maîtriser lagrave crise de l’énergie et dupétrole, ni juguler l’exode massifvers les pays du Golfe, dû auchômage qui sévit au Népal.L’économie va très mal et desinvestisseurs se retirent. De sur-croît, la production agricole vasubir un sérieux coup d’arrêtl’an prochain du fait que le gou-vernement n’a pas été capabled’assurer les importations néces-saires d’engrais en provenancede l’Inde.

Une obsession étouffanteEn fait, la crise des engraismontre comment un gouverne-ment désinvolte et inefficacepeut mettre en danger l’exis-tence de millions de gens. Lespaysans népalais perdront cetteannée leur investissement et leurprécieuse récolte parce qu’ilsn’ont pas reçu à temps les fertili-sants nécessaires. Des foules decultivateurs désespérés ont affluévers la capitale, Katmandou,pour sommer le gouvernementd’agir au plus vite, alors que la période de plantation du riz touchait à sa fin. Beaucoupd’entre eux ont fait la queuetoute une journée devant les dépôts officiels, mais ils sont re-venus chez eux les mains vides.

Selon les estimations officielles,du riz a été planté sur seulement62% des surfaces dans lesmoyennes collines, 54% dans leshautes collines et 44% dans leTeraï. Cela n’augure rien de bonpour un pays dont l’agriculturereprésente plus du tiers du PIBet fait vivre les trois quarts de lapopulation.

Le gouvernement peut être occupé par des tâches qu’il jugeplus importantes, comme la paix ou la rédaction de la

Constitution. Cependant, enétant incapable de faire unechose aussi simple et normaleque de livrer des engrais auxpaysans au moment de la planta-tion, il fait preuve d’une négli-gence criminelle. Cette crisen’est qu’un exemple parmid’autres. La transition est deve-nue un prétexte pour diriger lepays comme une république ba-nanière. Quand des agriculteursont demandé à des officiels quiétait responsable de la pénurie,ces derniers ont répondu qu’ilsn’en savaient rien.

On observe une négligence ana-logue dans d’autres domainesclés. Le Népal a failli figurer surla liste noire du Groupe d’actionfinancière parce qu’il n’avait pas adhéré dans les délais auxnormes internationales de luttecontre le blanchiment d’argent.La crise énergétique, qui devraitêtre la priorité absolue, a pres-que disparu des débats depuisque les coupures d’électricitéont été ramenées de 18 à 6heures par jour en raison de lamousson. Notre obsession de lapolitique, assortie d’une totaleindifférence aux autres problèmesqui affectent le pays, est devenueétouffante.

Le marasme du monde politiquene devrait pas excuser les mau-vaises performances dansd’autres domaines. Nous de-vrions cesser de prétendre quetout s’arrangera lorsqu’on serasorti de ce gâchis. Il faut essayerde trouver des solutions à la foispolitiques et économiques pourle pays, puis créer des conditionspour qu’elles se renforcent mu-tuellement. Nous devrionsmettre en place des institutionsdémocratiques solides qui conti-nuent de fonctionner dans les si-tuations de vide politique, inves-tir de manière intelligente dansla santé, l’éducation et l’agricul-ture, et créer un système centrésur la transparence et le devoirde rendre des comptes. ■

(De l’anglais)

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CULTURE

Lueur d’espoir dans les salles obscuresLe cinéma ouest-africain nage en plein marasme. L’aide du Nord s’est tarie, laproduction décline et les salles ferment les unes après les autres. Pourtant, leréalisateur malien Cheick Oumar Sissoko reste optimiste : il est convaincu que,moyennant un coup de pouce initial, la technologie numérique peut sauver leseptième art et ses grands écrans. Entretien avec Jane-Lise Schneeberger.

Un seul monde : Vous avez étéministre de la culture pen-dant cinq ans et présidez unparti au Mali. Avez-voustoujours mené des activitéspolitiques en parallèle àvotre carrière de cinéaste ?Cheick Oumar Sissoko: Oui,c’est d’ailleurs la politique quim’a amené au cinéma. À Paris,dans les années 70, je militaisdans les mouvements d’étudiantsafricains. Nous nous battionscontre les atteintes aux droits del’homme dans nos pays. AuMali, une dictature féroceempêchait toute liberté d’ex-pression. Or, il était très impor-tant pour moi de pouvoir conti-

nuer sur le terrain ma lutte pourun idéal de justice. Seul lecinéma m’offrait la possibilité dem’exprimer, de communiqueravec les gens et d’éveiller lesconsciences, surtout dans unpays où la majorité de la popu-lation est analphabète. Les ima-ges sont un outil très puissant,d’autant plus quand elles sontaccompagnées de dialogues enlangue locale. C’est pourquoi j’aitourné quatre de mes cinq longsmétrages en bambara.

Dans quelle fonction avez-vous le mieux réussi à fairepasser vos idées : en tant queministre ou cinéaste ?

En tant que cinéaste, sans aucundoute. Un véritable dialogues’est établi avec le public. Onm’a beaucoup interpellé au sujetde mes films. Dans leur luttecontre l’excision et les mariagesforcés, les organisations de fem-mes ont projeté Finzan, qui dé-nonce ces coutumes. Mon pre-mier long métrage, Nyamanton,mettait le doigt sur l’obligationfaite aux enfants d’amener leurbanc à l’école. Il a été utilisépour défendre le droit à l’éduca-tion. Aujourd’hui, les parents nedoivent plus acheter un banc,mais les taxes et les fournituresscolaires restent une lourdecharge financière pour eux. Les

pays africains n’ont toujours pascompris que l’éducation est es-sentielle. Ils devraient se saignerpour la rendre gratuite.

Quel succès rencontrent vosfilms en Afrique?De manière générale, les filmstournés sur place sont très ap-préciés. Les spectateurs sont friands d’histoires africaines.Malheureusement, la fermetureprogressive des salles de cinémanous a privés de notre public.Ce drame résulte des program-mes d’ajustement structurel, im-posés par le FMI et la Banquemondiale : il fallait tout privati-ser. Les gouvernements africains

Cheick Oumar Sissoko est né à San (Mali) en 1945.Il a fait ses études à Paris : après avoir obtenu un di-plôme d’histoire et de sociologie africaine, il a suivides cours de cinéma à l’École nationale supérieureLouis-Lumière. De retour au pays, il a d’abord tra-vaillé pour le Centre national de la production ciné-matographique avant de devenir cinéaste indépen-dant. À ce jour, il a réalisé une vingtaine dedocumentaires ainsi que cinq longs métrages de fiction : Nyamanton, la leçon des ordures (1986),Finzan (1989), Guimba, un tyran, une époque (1995),La Genèse (1999) et Bàttu (2000). Ses films ont reçude nombreux prix internationaux. Cheick OumarSissoko mène également une carrière politique auMali. De 2002 à 2007, il a été ministre de la culture.En outre, il préside Solidarité africaine pour la démo-cratie et l’indépendance (Sadi), un parti qu’il a fondéen 1996.

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ont dû se défaire des salles.Certaines ont été rachetées pardes Églises qui en ont fait deslieux de culte, d’autres ont été transformées en bazars.Aujourd’hui, il ne reste que trois salles professionnelles auMali. Dans d’autres pays, ellesont complètement disparu.Quelques espaces de diffusionartisanaux ont toujours existédans les quartiers, mais ils sontmal équipés et délabrés.

Le cinéma d’Afrique francophone subsahariennea connu un rayonnement international dans les années80 et 90. Depuis, sa visibilitéa nettement diminué.Comment s’explique cet essoufflement ?À l’époque, chaque pays de lasous-région sortait entre un ettrois longs métrages par an. Laréalisation de ces films, tournéssur pellicule en celluloïd, coûtaittrès cher, mais nous pouvions

compter sur les bailleurs defonds européens. Entre-temps,cette aide s’est rétrécie commeune peau de chagrin. Il est de-venu pratiquement impossiblede trouver de l’argent au Nordpour produire un film, que cesoit auprès des gouvernementsou des chaînes de télévision.Quant aux États africains, ilsn’ont jamais fait grand-chosepour promouvoir le cinéma.Faute de moyens, nous ne pro-duisons donc presque plus defilms au format classique. Par chance, la crise a coïncidéavec l’avènement du numérique.Cette technologie, facile à utili-ser, permet de réaliser des films àun coût relativement bas, ce quinous rend moins tributaires desfinancements extérieurs. Tous lespays africains ont maintenantopté pour le numérique. LeNigeria, qui fut l’un despionniers, a même développéune industrie cinématographi-que florissante. Avec un marché

intérieur de 150 millions d’habi-tants, sa production peut s’auto-financer. Certes, la qualité desfilms n’a pas toujours été au rendez-vous, mais elle s’est nettement améliorée.

Au Burkina Faso, des profes-sionnels ont créé un méca-nisme qui assure la produc-tion régulière de filmsnumériques ainsi que leurdiffusion. Une aide automa-tique est accordée à ceuxqui rencontrent le plus desuccès en salles. Que pensez-vous de cette initiative, quiest soutenue par la DDC? Ce projet me séduit, en particu-lier parce qu’il associe la pro-duction à la diffusion : chaquefilm produit est diffusé, ce quiest loin d’être évident à l’heureactuelle. On tient un décomptedes entrées encaissées. Lorsqu’unfilm franchit un certain palier,son producteur reçoit automa-tiquement une subvention qu’il

réinvestit dans le tournage d’unautre film. Ce système devraitpermettre de produire dix longsmétrages par an. Les exploitantsde salles sont assurés de recevoirrégulièrement des films burki-nabè et donc de voir affluer lesspectateurs. Ce projet entraîneracertainement la réouverture de salles de cinéma. Il contri-buera aussi au développementde l’économie locale en créantdes emplois. Dans un premiertemps, 75% du financement sera assuré par des donateurs extérieurs. Au bout de cinq ans, le système devrait fonctionnerde manière autonome, grâce auxrecettes de la billetterie. Si cemodèle fait ses preuves auBurkina, d’autres pays de la région vont s’en inspirer. ■

1 Bamako (2006) d’Abderrahmane Sissako, Mauritanie

2 Ndeysaan – Le prix du pardon (2002) de Mansour Sora Wade, Sénégal

3 Un homme qui crie (2010) de Mahamat Saleh Haroun, Tchad

4 Yeelen (1987) de Souleymane Cissé, Mali

5 Yaaba (1989) d’Idrissa Ouedraogo, Burkina Faso

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Service

Formation

Expositions

Tanger, porte vers l’Europe (bf ) Depuis plus d’une décen-nie, la photographe franco-marocaine Yto Barrada, 41 ans,se concentre sur les réalités so-ciales et politiques de l’Afriquedu Nord. Son œuvre exploresurtout la vie de Tanger, où ellea passé son enfance après êtrenée à Paris. Située sur le détroitde Gibraltar, qui sépare l’Afriquede l’Europe, cette ville maro-caine incarne parfaitement leschangements historiques qui ont

marqué récemment les pays dela région. La dernière expositiond’Yto Barrada, présentée auMusée de la photographie deWinterthour, s’intitule Riffs. Ce terme évoque à la fois unefigure rythmique, le massif mon-tagneux du Rif dans le nord duMaroc, qui fut le théâtre de plu-sieurs soulèvements anticolo-niaux, et le Cinéma Rif qui abrite la cinémathèque deTanger, dirigée par l’artiste.Outre des photographies, l’exposition présente égalementdes vidéos et des sculptures. «Yto Barrada –Riffs », du 1er dé-cembre 2012 au 17 février 2013au Fotomuseum de Winterthour

Le printemps arabe s’expose à Berne(bluel) Une exposition consa-crée aux révoltes d’Afrique duNord et du Proche-Orient se

tiendra à partir du 26 janvierprochain dans les locaux duKäfigturm à Berne. Elle est or-ganisée par le Forum politiquede la Confédération. Les visi-teurs pourront se faire une idéecomplète du déroulement descontestations populaires qui ontdébuté au printemps 2011 et dela situation actuelle dans les dif-férents pays concernés. Ils dé-couvriront également le rôlejoué par les médias sociaux(Facebook, Twitter, YouTube,etc.) et pourront entrer encontact avec certains acteurs lo-caux par le biais de ces moyensde communication. L’expositionprésentera également l’engage-ment de la Suisse sur place ainsique les répercussions de ces événements sur notre pays.Plusieurs conférences et débatsseront organisés dans le cadred’un passionnant programmeannexe. Des experts s’y expri-meront sur les causes et lesconséquences des révoltes arabes.«Les révoltes arabes », Forum politique de la Confédération,Käfigturm, Berne, dès le 26 janvier2013 ; www.kaefigturm.ch

Les cours du NadelVoici les cours proposés parl’EPFZ durant le semestre duprintemps 2013 dans le cadre desétudes postgrades sur les pays endéveloppement (Nadel) :- Planification et suivi de projets(18-22.2)- Gestion financière et rentabilitéde projets de développement(25.2-1.3 ; pour élèves avancés :27.2-1.3)- Développement de capacitésdans la coopération internatio-nale : de l’apprentissage indivi-duel à celui des organisations (6-8.3 et 5.4)- Évaluation de projets (19-22.3)- Migration : un défi pour la coopération au développement(26-28.3)- Élaboration de politiques dansla coopération internationale : le

Histoires du futur(bf ) L’eau est sans nul doute la plus vitale des denrées. Mais elledevient de plus en plus rare. L’exposition Wasser – Geschichtender Zukunft (Eau – Histoires du futur) illustre de manière vivante etludique la problématique de l’eau à l’échelle mondiale, de mêmeque la vitesse à laquelle évoluent les perspectives en la matière.Quatre volets évoquent le rôle de l’eau dans l’alimentation, l’agriculture, la vie quotidienne et dans le monde en général. Unepompe à pédales, qui alimente une colonne d’eau, illustre l’effortà fournir lorsqu’il faut la puiser soi-même. Une autre installation,formée d’une pompe manuelle et d’une fontaine en cascade,évoque la consommation moyenne d’eau d’un ménage suisse.L’exposition présente aussi des systèmes novateurs d’irrigationau goutte-à-goutte ou par aspersion. «Wasser – Geschichten der Zukunft », jusqu’au 24 février 2013 à la Maison tropicale de Wolhusen (LU)

rôle de la société civile (9-12.4)- Problèmes stratégiques actuelsde la coopération au développe-ment (17-19.4)- Développement rural – Défis,stratégies et approches (23-26.4)- Microfinancement et micro-assurance (22-24.5)Informations et inscriptions : EPFZ, Nadel, tél. 044 632 42 40,www.nadel.ethz.ch

Diplôme en développement( jls) L’Institut de hautes étudesinternationales et du développe-ment, à Genève, propose unExecutive Master en politiqueset pratiques du développement(DPP). Soutenue par la DDC,cette formation multilingue(français, anglais, espagnol) de sixmois est réalisée en collaborationavec quatre institutions parte-naires au Mali, au Ghana, auPérou et au Viêt-nam. Elles’adresse aux professionnels oc-cupant des postes clés dans desorganisations de développementpubliques ou privées. Le pro-gramme DPP vise à consoliderleurs capacités d’analyse et degestion. Il comprend trois mo-dules : cinq semaines de cours àBamako, Accra, Lima ou Hanoi,quatre mois d’étude appliquée etde cours à distance sur le lieu detravail et trois semaines de déve-loppement des compétences àGenève. La prochaine sessionaura lieu de juillet 2013 à janvier2014. Les candidatures peuventêtre déposées jusqu’au 1er mars2013. Cette formation est égale-ment ouverte aux Suisses quitravaillent dans la coopérationinternationale, qu’ils soient baséssur le terrain ou au siège de leurorganisation.http://graduateinstitute.ch/dpp,[email protected]

Une vie au ralentiEn avril 2006, environ 13000personnes de l’ethnie dajo fuientla région du Darfour, au Soudan,pour se réfugier dans la plaine

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Blues touareg pour les réfugiés du désert(er) Au cœur de l’Afrique occi-dentale se joue une tragédie hu-maine. Latent depuis plus d’undemi-siècle, le conflit pour l’in-dépendance des nomades toua-regs, dans le sud du Sahara, aéclaté après le putsch militaire de mars dernier au Mali. Les isla-mistes radicaux, qui agissent dansle sillage de cette rébellion, n’ontfait qu’aggraver la situation.Selon l’ONU, plus de 300000personnes ont déjà fui le nord du Mali pour se réfugier dans lespays voisins, relativement sûrs.Tout en attirant l’attention del’opinion publique mondiale surle sort de ces populations, un ex-cellent album vise à collecter desfonds pour deux organisationsfrançaises qui viennent en aideaux réfugiés du Mali. Douzegroupes de blues touareg – ori-ginaires du Mali, du Niger etd’Algérie – ont participé béné-volement à cette compilation.Parmi eux figure Tinariwen, uneformation malienne qui a reçucette année le prix Musique dumonde aux Grammy Awards. Le plus souvent inédits, les mor-ceaux de l’album recréent la ma-gie du désert.Divers artistes : «Songs For DesertRefugees » (Glitterhouse Records/Indigo)

L’engagement de la Suissedans le monde(mls) Dans le cadre de sa poli-tique étrangère, la Suisse s’en-gage en faveur de la paix, du res-pect des droits de l’homme ainsi

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Musique

ou rap palestinien. Les voix sefont tantôt caressantes tantôt in-sistantes. Les notes s’enroulentparfois en mélodies hypnotiques,adoptent ensuite un rythme en-traînant et se perdent dans deséclats anarchiques. Parmi les in-terprètes, on retrouve quelquesvedettes de la scène musicaleorientale, notamment la chan-teuse anglo-égyptienne NatachaAtlas ou le groupe iranienNiyaz, porté par la voix sublimed’Azam Ali. D’autres artistes sontmoins connus en Suisse, commele groupe israélien Yemen Blueset la formation turque BabaZula.Divers artistes : «Moyen-Orient –Paléo Festival Nyon – Village duMonde 2012» (Paléo FestivalNyon/Disques Office)

Pour la beauté du geste(er) Le timbre sublime et incom-parable de sa voix pleine a cap-tivé des milliers de fans dans sonpays. Zélia Duncan, 48 ans,compte parmi les stars de la mu-sique populaire brésilienne(connue sous l’acronyme MPB).Née dans les années 60 d’un mé-tissage de styles régionaux et in-ternationaux, la MPB a évoluédans différentes directions. Elleest très appréciée par tous lesgroupes de la population, jeuneset moins jeunes. Lorsque ZéliaDuncan entonne la chanson-titrede son dernier album, une adap-tation charmante de la chansonAs-tu déjà aimé? du Français AlexBeaupain, une légèreté roman-tique s’installe, assortie d’unsoupçon de nostalgie. Tous leséléments sont réunis pour nouspousser à fredonner avec la chan-teuse: accords délicats à la guitare,accordéon mélodieux, douceurde la basse et rythmes d’ungroupe subtil et passionné. Auxinstruments, on retrouve quelquesmusiciens brésiliens de renom.Zélia Duncan : «Pelo sabor do gesto– Em Cena» (JBJ & Viceversa/Musicora)

de Gouroukoun, située à l’est duTchad. Tous sont des rescapés du conflit sévissant au Darfour.Coupés du reste du monde, ilsconstruisent un camp dans cettezone sahélienne, s’y enferment ets’y inventent une survie. Dans ledocumentaire Au loin des villages,réalisé par le Suisse OlivierZuchuat, ces réfugiés parlent deleur vie, des enfants dessinent desbatailles, des petites filles fredon-nent des chansons martiales. Un film de guerre, sans aucuneimage de guerre. Le cinéaste s’estenfermé à son tour dans cetteprison à ciel ouvert et il a gagnépetit à petit la confiance desDajos. Des images patientes etcalmes racontent l’interminabletemps de l’attente : une vie au ra-lenti qui s’égrène, comme sus-pendue dans le dénuement. Cefilm stimulant convient égale-ment pour lancer un débat ouillustrer une leçon.Olivier Zuchuat : «Au loin des vil-lages », paru en DVD chez TrigonFilm ; version originale en dajo, sous-titrée en français, allemand, anglais et italien. Il propose en bonus uneinterview du sultan de la région duDar Sila. Commandes et informa-tions : www.trigon-film.org ou 056 430 12 30

Cacao bio du Ghana(dg) Le commerce du cacao esten pleine expansion au Ghana.Yayra Glover, double nationalsuisse et ghanéen, caresse uneidée visionnaire : promouvoir laproduction bio afin d’aider lescultivateurs à être plus indépen-dants et à améliorer leurs condi-tions de vie. Le film documen-taire Doux-amer, d’AngelaSpörri, suit Yayra dans la réalisa-tion de ce projet qui implique de

gros sacrifices personnels. Malgréles difficultés à trouver un finan-cement et les obstacles que luiréservent les autorités gha-néennes, il s’accroche à son idéeet parvient finalement à livrerson premier lot de fèves de cacaoà un fabricant suisse de chocolat.Le film montre le potentiel et lesécueils du projet. Prenant le casdu cacao, une «denrée coloniale »classique, il explore les méca-nismes du commerce mondial etles exigences imposées à une petite entreprise. Cette histoirepositive montre de multiples ma-nières qu’il est possible de pro-gresser vers un monde plus juste,au prix de beaucoup d’idéalismeet de ténacité.Angela Spörri : «Doux-amer»,Suisse 2012. Informations : Service Films pour un seul monde, www.filmeeinewelt.ch

Le Paléo sur un tapis volant(er) Grâce à l’aide initiale de laDDC, le Paléo Festival de Nyonpropose depuis 2003 des mu-siques d’ailleurs dans le cadre de son Village du monde. Pourl’édition 2012, il a mis le cap surle Moyen-Orient. Un album dequinze titres soigneusement sé-lectionnés regroupe les artistesqui ont participé à ce « festivaldans le festival ». La compilationillustre un monde musical quibalance entre tradition et mo-dernité, entre ville et campagne :harmonies de l’oud, sons électro-niques de la caisse claire et de lagrosse caisse, rock indépendantlibanais, musique de mariage sy-rienne, groove juif de Boukhara

Films et DVD

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Mag

hen-Cau

vin

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ImpressumUn seul monde paraît quatre fois par année,en français, en allemand et en italien.

Éditeur :Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Martin Dahinden (responsable) Catherine Vuffray (coordination globale) Marie-Noëlle Bossel, Marc-André Bünzli, BeatFelber, Sabina Mächler, André Marty, PierreMaurer

Rédaction :Beat Felber (bf–production)

Gabriela Neuhaus (gn), Jane-LiseSchneeberger (jls), Mirella Wepf (mw), ErnstRieben (er), Luca Beti (version italienne)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho et impression :Vogt-Schild Druck AG, Derendingen

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que la rédaction ait donné son accord. L’envoi d’un exemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements et changements d’adresse :Le magazine peut être obtenu gratuitement(en Suisse seulement) auprès de :

DFAE, Service de l’information, Palais fédéral Ouest, 3003 Berne,Courriel : [email protected]él. 031 322 44 12Fax 031 324 90 47www.ddc.admin.ch

860215346

Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 54200

Couverture : centre de santé dans la provincede Cabo Delgado, au Mozambique ; FernandoMoleres/laif

ISSN 1661-1675

Livres et brochures

que de la protection des per-sonnes déplacées et des réfugiés.Une nouvelle brochure expliqueen quoi consiste cet engage-ment, qui sert également les intérêts nationaux. Le DFAE yprésente les priorités de la Suisse, les défis auxquels elle estconfrontée et les résultats qu’elleparvient à obtenir. Cette publi-cation raconte aussi le vécu despersonnes qui jouent un rôle demédiation dans les conflits, quiparticipent à des missions d’ob-servation électorale et qui œu-vrent en faveur de la paix et durespect des droits de l’homme.«Pour la paix, les droits de l’hommeet la sécurité », brochure disponible enfrançais, allemand, italien et anglais.Une version pdf peut être téléchargéesur le site www.dfae.admin.ch,«Documentation», «Publications».Commandes : [email protected] ou tél. 031 322 31 53

La Suisse et le colonialisme(gn) La Suisse n’a jamais été unepuissance coloniale, du moins pasdirectement. Toutefois, le colo-nialisme a eu des répercussionssur la société suisse, sur sa ma-nière de penser et même sur lacoopération au développement.Ces effets ont perduré jusqu’àaujourd’hui. C’est ce que montrele livre Postkoloniale Schweiz –Formen und Folgen eines Kolonia-lismus ohne Kolonien (La Suissepostcoloniale – Formes et consé-quences d’un colonialisme sanscolonies), rédigé sous la direction

de trois historiennes alémani-ques. La variété des sujets traitésest grande et leur actualité stupé-fiante. Ainsi, Patricia Purtschertrelève la présence de préjugés ra-cistes dans les livres pour enfantsmettant en scène Globi, person-nage bien connu en Suisse alé-manique. Dans sa contribution,Konrad J. Kuhn traite de l’évolu-tion néocoloniale des maisonssuisses de négoce. Devenues desmultinationales, celles-ci tirentprofit aujourd’hui du fossé quisépare les pays industrialisés et lesanciennes colonies. De son côté,Francesca Falk met en évidencele rapport entre la politique derenvoi appliquée aux requérantsd’asile nigérians et les intérêtséconomiques des sociétés suissesactives au Nigeria.Patricia Purtschert, Barbara Lüthi,Francesca Falk (éd.) : «PostkolonialeSchweiz – Formen und Folgen einesKolonialismus ohne Kolonien» ; éditions Transcript, Bielefeld, 2012

Les grandes étapes de l’aide suisse(bf ) Le rôle de la coopération audéveloppement est perçu aujour-d’hui sous un jour beaucoupplus critique que ce n’était le casdans les années 50 ou 60. Le socio-anthropologue DanieleWaldburger, l’historien LukasZürcher et Urs Scheidegger, an-cien directeur de l’Office fédéraldes réfugiés, en ont retracé lesgrandes étapes, de 1945 jusqu’àun passé récent. Leur livre Im

Dienst der Menscheit (Au servicede l’humanité) présente dans unordre chronologique les princi-paux événements qui ont ja-lonné les trois grands domainesde l’aide suisse, à savoir la coopé-ration au développement, l’aidehumanitaire et la coopérationavec l’Est. Il les replace dans leurcontexte international. Cet ou-vrage en allemand est richementillustré et complété par de nom-breux graphiques. Il s’adresse àun large public. Même les non-spécialistes pourront se familiari-ser sans peine avec un domaineactuel de la politique suisse etinternationale, qui a été contro-versé depuis ses débuts. Daniele Waldburger, Lukas Zürcheret Urs Scheidegger : « Im Dienst derMenschheit – Meilensteine derSchweizer Entwicklungszusammen-arbeit seit 1945», Haupt Verlag,Berne, 2012

Coup de cœur

Une beauté éphémère

Le Vaudois Cosey, auteur de BD,voyage beaucoup – principale-ment en Asie – pour se documen-ter sur les pays où il situe les aven-tures de son personnage féticheJonathan.

En parcourant le sud de l’Inde, jesuis toujours émerveillé par lesrangoli, dessins tracés à même lesol devant le seuil ou dans la courdes maisons. Cet art ancestral estencore bien vivant dans les zonesrurales. Il est pratiqué exclusive-ment par les femmes. En se ser-vant de farine de riz et de poudrescolorées, ces dernières marquentd’abord des points qui constituentla trame de fond. Puis elles les re-lient par des traits et remplissentde couleurs les espaces ainsi déli-mités. Cela donne de splendidesfresques aux formes géométri-ques. Il en existe une multitude devariantes, mais les plus simplessont les plus belles à mes yeux.Les rangoli, qui ont pour fonctionde protéger la maison et ses habi-tants, sont des œuvres éphémè-res : le passage de piétons dis-traits, de chiens ou de véhiculesles altère rapidement. Chaque ma-tin, les femmes balaient le dessinde la veille et en créent un nou-veau. Elles accomplissent ce rituelavec amour et sans se prendre ausérieux. Un peu comme on arroseses fleurs.

(Propos recueillis par Jane-LiseSchneeberger)

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«Lorsque les brevets ne généreront plusde profits substantiels, nous assisteronspeut-être à une révolution similaire àcelle qui a frappé le monde du disque.»Ilona Kickbusch, page 16

«Après avoir perdu nos champs, nousavons placé nos espoirs dans le pétrole.En vain. » Auguste Djinodji, page 19

«Grâce à ce projet, les femmes du Batha sont plus respectées par leshommes et peuvent donner leur avissur les grandes décisions familiales oucommunautaires. »Achta Bougaye, page 22