Un seul monde 2/2002 · de bœuf et le poisson frais ont atteint des prix inabordables dans la...

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N° 2 JUIN 2002 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION Eine Welt Un solo mondo Un seul monde Depuis dix ans, la Suisse participe aux décisions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international : bilan, contexte et défis Géorgie : la guerre civile et la chute de l’économie ont brisé l’ancienne perle du Caucase Modernisation et protection de la nature sont-elles compatibles ? Controverse sur le développement dans les régions de montagne

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N° 2JUIN 2002LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATION

Eine WeltUn solo mondoUn seul monde

Depuis dix ans, la Suisse participe auxdécisions de la Banque mondiale et du

Fonds monétaire international :bilan, contexte et défis

Géorgie: la guerre civile et la chute de l’économieont brisé l’ancienne perle du Caucase

Modernisation et protection de la nature sont-ellescompatibles? Controverse sur le développement

dans les régions de montagne

SommaireÉditorial 3Périscope 4DDC interne 25Au fait, qu’est-ce que le transfert de technologie ? 25Service 33Impressum 35

Un seul monde est édité par la Direction du développement et de la coopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée auDépartement fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’est cependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinions y sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pasobligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

DOSSIER

DDC

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FORUM

CULTURE

Un seul monde N° 2 / Juin 20022

BRETTON WOODS Dix ans de participation, de critique et de réformeDepuis 1992, la Suisse est membre des institutions deBretton Woods, la Banque mondiale et le Fonds monétaireinternational. Le front qui séparait à l’époque partisans et adversaires de l’adhésion s’est progressivement effrité, mais les défis sont toujours là.

6À chacun sa voie vers le mieux-être La Banque mondiale mise de plus en plus sur une coopé-ration avec la société civile pour l’élaboration de stratégies de lutte contre la pauvreté. La Suisse appuie ces efforts.

12« Un énorme gaspillage de ressources »Entretien avec Eveline L. Herfkens, ministre néerlandaise de la coopération au développement, qui connaît fort bienles institutions de Bretton Woods

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GÉORGIEL’enfant chéri du Caucase a mal tourné La population de la Géorgie subit les conséquences dela guerre civile et du marasme économique. Un portrait

16Tu appelles ton rêve l’avenir L’écrivain géorgien George « Gaga » Nakhutsrishvili philosophe devant un verre de bière

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Tout est dans la réalisation L’opinion du directeur de la DDC Walter Fust sur lesstratégies de lutte contre la pauvreté

21Un peuple assigné à résidence L’aide humanitaire de la Suisse aux réfugiés palestinienstransite par une organisation spécialisée de l’ONU

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Fin du huis clos en Bolivie La DDC soutient l’institution de l’ombudsman, un pilier de la réforme du système judiciaire en Bolivie

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Le choc de l’homme et de la montagnePeut-on concilier protection de la nature et modernisation dans les régions de montagne ?Controverse

26Les deux mondes du mondeL’écrivain mozambicain Mia Couto parle des pauvres, qui font peur à ses enfants

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La montagne fait son cinéma Une série de films, pleins de temps forts, qui racontent la montagne et la vie de ses habitants à travers le monde

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À l’approche du week-end de votation, les crainteset la nervosité étaient devenues palpables, alorsmême qu’une foule de questions restaient ouvertes.En supposant qu’elle adhère, la Suisse pourra-t-ellevéritablement exercer une influence? Ses objectifsseront-ils conciliables avec ceux des autres pays?Ne vaut-il pas mieux investir l’argent de manièrebilatérale plutôt que dans une institution internatio-nale de taille gigantesque? Malgré les similitudes,ces questions ne font pas référence à la votation duprintemps dernier sur l’entrée de la Suisse à l’ONU.Elles datent de 1992, année où le peuple était appe-lé à se prononcer sur l’adhésion aux institutions deBretton Woods. Un projet qu’il a accepté.

Les conséquences de ce vote sont connues. Depuisqu’elle est membre de la Banque mondiale et duFonds monétaire international, la Suisse a pu influerconsidérablement sur les réformes qui s’imposaientau sein de la banque. Les moyens de pression dontelle dispose dépassent largement ceux qui corres-pondraient en réalité à sa part des voix. Partisans etopposants de l’époque déclarent aujourd’hui d’unemême voix que l’adhésion a permis à la Suisse demieux faire valoir les objectifs de sa politique dedéveloppement, qui vise à aider les plus pauvres.Vous en apprendrez davantage en lisant notre dos-sier intitulé «Dix ans de participation, de critique etde réforme».

Il y a dix ans, le vote sur les institutions de BrettonWoods a enclenché une évolution qui fait de laSuisse une nation ouverte sur le monde, capable decollaborer avec les autres, critique mais égalementcapable d’accepter la critique. Une évolution qui adébouché en mars dernier sur l’adhésion à l’ONU.Cet événement nous correspond parfaitement, car ilreflète en grande partie notre travail : il y a longtempsque la coopération au développement et l’aidehumanitaire de la Suisse se caractérisent par leurouverture; il y a longtemps aussi qu’elles collaborentau sein de réseaux mondiaux tout en suivant leurpropre voie. Dans ce sens, nous resterons à l’avant-garde. Nous sommes convaincus que l’adhésion àl’ONU accroîtra encore la crédibilité et l’efficacité denos actions. Il est évident que seule la communautéinternationale, œuvrant de concert, est en mesure derésoudre les grands problèmes de ce monde.

Nous continuerons donc à faire de notre mieux!

Harry SivecChef médias et communication DDC

(De l’allemand)

Nous restons à l’avant-garde

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Editorial

Gigot de chien à Kinshasa (jls) Les Kinois, habitants deKinshasa, sont de plus en plusnombreux à manger du chien.Certains le font par goût,d’autres par nécessité. La viandede bœuf et le poisson frais ontatteint des prix inabordables dans la capitale de la Républiquedémocratique du Congo. Lacrise économique a brisé cer-tains tabous en matière alimen-taire, relève un superviseur del’Institut congolais pour laconservation de la nature. Maiscette «émancipation gastrono-mique» est également due aubrassage des populations qui s’estopéré dans la ville, ajoute-t-il.La consommation de chien estcourante chez certaines ethnies.Parmi sa clientèle, DonatienMwamba, «tueur de chiens etrestaurateur», compte parexemple quelques riches Lubas,originaires du Kasaï, dans lecentre du pays. Ces «patrons»

débarquent de leurs limousines,cigare aux lèvres, «pour faire res-pecter leur rang social et unevieille tradition culinaire luba»,explique-t-il.

Petits Malgaches anonymes(jls) À Madagascar, près de 2millions d’enfants n’existent pasofficiellement, parce que leursparents n’ont pas annoncé leurnaissance. Dans certaines régions,jusqu’à 80 pour cent des enfantsn’ont jamais été déclarés. Si cettetendance se poursuit, en 2015,la moitié des Malgaches n’aurontpas de pièces d’identité, doncaucun droit dans leur proprepays. N’ayant pas les moyens depayer la maternité, les femmesrecourent de plus en plus auxaccoucheuses traditionnelles.Mais ces «matrones» ne délivrentpas d’attestation de naissance, carune fausse croyance prétendqu’elles n’en ont pas le droit.Afin de résoudre ce problème,

le gouvernement prévoit dedonner aux matrones une for-mation sommaire aux questionsd’état civil. En outre, quatre pro-vinces proposent d’enregistrerrétroactivement les naissances. Etle ministère de l’enseignement adécidé d’admettre dans les écolesles élèves sans papiers.

Heureux Makulekes(bf ) Les Makulekes vivent àl’extrême nord de l’Afrique duSud, près de la frontière avec leZimbabwe et le Mozambique.Le régime de l’apartheid les avaitchassés de leurs terres, situées àl’intérieur du parc nationalKruger. En 1998, quand ce ter-rain de 24000 hectares leur a étérestitué, les Makulekes ont déci-dé de l’affecter à l’exploitationtouristique, afin d’engendrer lesrevenus dont ils avaient unurgent besoin. Dépourvue desavoir-faire et de capital, la com-munauté makuleke a lancé unappel d’offres qui s’inscrivaitdans un programme de coopéra-tion entre le gouvernement, lescommunes et le secteur privé.Elle cherchait un investisseurprêt à construire et à exploiterun hôtel. Et elle l’a trouvé. Sesprincipaux critères de sélectionétaient les suivants : l’entrepre-neur devait accepter d’employerexclusivement de la main-d’œuvre locale pour la construc-tion et l’exploitation de l’établis-sement, d’octroyer à la popula-tion locale un pourcentage fixede son chiffre d’affaires et d’assu-rer le caractère écologique du projet.Actuellement, seizeMakulekes étudient la protectionde la nature, l’hôtellerie et lagestion d’entreprise pour être enmesure d’assumer le fonctionne-ment de l’hôtel.

Une Amérique latine plussociale(bf ) Cyclones, séismes, guerresciviles et crises économiquesn’ont pas empêché les dépenses

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sociales de progresser en Amé-rique latine: elles ont augmentéde près de 50 pour cent au coursdes dix dernières années, indiqueune étude de la Commissionéconomique des Nations Uniespour l’Amérique latine et lesCaraïbes. Cela prouve, seloncette commission, qu’une bonne

partie des pays latino-américainsont fait des efforts pour mieuxrépartir la prospérité. Mais lahausse n’est pas de mêmeampleur dans toutes les régions.Les dépenses sociales ont doubléen Colombie, au Guatemala, auPérou, au Paraguay et enRépublique dominicaine, tandis

qu’elles n’ont augmenté enmoyenne que de 2 à 4 pour centpar année en Argentine, au Brésilet au Costa Rica. Ce sont sur-tout les domaines de l’éducationet de la santé qui ont bénéficiéde ces mesures sociales.L’Amérique latine reste pourtantla région du monde où la répar-tition des richesses est la plusinéquitable. Elle compte plus de210 millions de pauvres (44 pourcent de la population), dont 90millions vivent même au-dessousdu seuil de pauvreté.

Illuminés par le gharat(bf) Les dix États himalayens del’Inde comptent ensemble plusd’un demi-million de moulinsà eau.Traditionnellement, cesgharats servent à écosser et àmoudre. Mais ils auraient aussi lepotentiel de produire du courantélectrique d’environ 10000mégawatts, moyennant certainesadaptations. Comme le gouver-nement n’a toujours pas reconnu

aux propriétaires de gharats lestatut de fournisseurs officielsd’électricité, et que beaucoupd’entre eux n’ont pas suffisam-ment d’argent pour effectuer lestransformations nécessaires, lesmoulins produisent – illégale-ment – tout au plus 210 méga-watts. Récemment, l’Uttaranchal,le plus petit État de l’Inde, adécidé d’homologuer les mou-lins hydrauliques comme pro-ducteurs d’électricité. Grâce à cepremier programme de produc-tion décentralisée d’électricité,les 70000 exploitants de moulinsque compte cet État ont désor-mais la possibilité d’obtenir descrédits bancaires pour modifierleurs installations. Environ 3000villages, jusqu’à présent dépour-vus d’électricité, s’en trouverontlittéralement illuminés.

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Les hommes de paille

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Bretton Woods

Dix ans après l’adhésion de la Suisse aux institutions deBretton Woods – Banque mondiale et Fonds monétaire inter-national – le bilan est positif, de l’avis des experts. Le front quiséparait alors partisans et adversaires de l’adhésion s’est pro-gressivement effrité. Aujourd’hui, tous admettent que la parti-cipation à une institution est la seule manière de faire changerles choses. Néanmoins, les critiques à l’égard de la Banquemondiale et du FMI demeurent vives. De Maria Roselli.

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Le 17 mai 1992, le peuple suisse était appelé à se prononcer sur l’adhésion aux institutions deBretton Woods. Près de 56 pour cent des votantsont alors rejeté le référendum de quelques œuvresd’entraide et ouvert la voie à l’entrée de la Suisseà la Banque mondiale et au Fonds monétaire inter-national (FMI).Les opposants craignaient que la Suisse ne disposepas de suffisamment de voix pour exercer uneinfluence significative sur le cours des réformes quis’imposaient alors à la Banque mondiale. Mais cesarguments n’ont pas convaincu les votants. Dèslors, plus rien ne s’opposait à ce que la Suisse dis-pose de son propre groupe de vote au sein de laBanque mondiale et du FMI, comme le souhaitaitle conseiller fédéral Otto Stich. Ces groupes ontété constitués d’abord avec les jeunes républiquesd’Asie centrale. Jean-Daniel Gerber est devenu lepremier directeur exécutif suisse à la Banque mon-diale et Daniel Kaeser son homologue au FMI.Aujourd’hui, la Suisse ne représente plus seule-ment le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménis-tan, l’Ouzbékistan et l’Azerbaïdjan, mais égale-ment la Pologne et la Yougoslavie.

Ne pas rester à l’écart Dix ans après l’adhésion, le front qui séparait àl’époque les partisans et les opposants n’est prati-quement plus perceptible. Peter Bosshard, ancienresponsable de la Déclaration de Berne, est de ceuxqui soutenaient alors le référendum.Avec le recul,il s’avoue aujourd’hui satisfait du résultat des vota-tions. À son avis, le référendum a néanmoins étéutile, car il a permis de montrer à la population lecôté sombre des institutions financières internatio-nales. Et il a contraint le Conseil fédéral à plaideren faveur de réformes positives, notamment en cequi concerne les programmes rigoureux d’ajuste-ment structurel et le financement très controverséde projets gigantesques dans le domaine de l’éner-gie. Selon Peter Bosshard, il est désormais évidentque la participation de la Suisse a fourni aux orga-nisations non gouvernementales (ONG) de bien

meilleures possibilités d’exercer une influence.C’est précisément sous l’angle de l’influence po-tentielle de la Suisse que Susanne Schmidtchen aanalysé les relations entre Berne et les institutionsde Bretton Woods. Cette économiste du NADEL(cours de l’EPFZ qui prépare au diplôme postgra-de pour les pays en développement) arrive à uneconclusion analogue: lors des votes formels, laSuisse bénéficie parfois d’une puissance qui dépas-se nettement sa part de droits de vote. Cette partest de 1,66 pour cent à la Banque mondiale et 1,61pour cent au FMI. Par ailleurs, l’apport de la Suissea d’autant plus de poids que la plupart des déci-sions au sein des deux institutions se prennent parconsensus entre les 24 directeurs exécutifs et nonpar vote.Selon Susanne Schmidtchen, l’adhésion s’est no-tamment révélée utile pour faire valoir les objec-tifs de la politique suisse de développement, quiplace les plus pauvres au centre de ses préoccupa-tions. En outre, le fait de défendre au sein de songroupe de vote les intérêts des pays en transitiond’Asie centrale oblige la Suisse à maintenir unecertaine cohérence entre ses mandats auprès desinstitutions de Bretton Woods et sa politique dedéveloppement.

La Banque mondiale en mutation Au cours des vingt dernières années, la Banquemondiale a réalisé des réformes marquantes, dontmême ses détracteurs relèvent le mérite. Si en1980 la banque allouait encore 21 pour cent de sescrédits à des projets dans le secteur de l’énergie,cette part n’est plus que de 5 pour cent aujour-d’hui. En revanche, les crédits destinés à la santé, àl’alimentation, à la formation et à la sécurité socia-le ont été multipliés par cinq pendant le même lapsde temps.La publication du rapport de Willi Wapenhans, en1994, a marqué une étape importante dans le pro-cessus de réforme. Cet ancien vice-président de laBanque mondiale octroyait une bien mauvaisenote à l’institution en matière d’efficacité du déve-

Liens

Fonds monétaire interna-tionalwww.imf.org

Banque mondialewww.banquemondiale.org

Initiative en faveur desPPTE (pays pauvres trèsendettés)www.worldbank.org/hipc

Cadres stratégiques delutte contre la pauvretéwww.worldbank.org/poverty/french/strategies/index.htm

Les institutions du groupede la Banque mondiale(BIRD, AID, SFI, AMGI,CIRDI)www.banquemondiale.org/apropos/organisation/index.htm

Répartition des voix ausein du groupe de laBanque mondialewww.banquemondiale.org/apropos/organisation/administrateurs.htm

50 Years Is Enough(association faîtière desopposants américains auFMI et à la Banque mon-diale)www.50years.org

Barrage des Trois-Gorges, en Chine, 2001

loppement. Les problèmes sociaux, le rôle de lafemme et des enfants, mais aussi la durabilité dudéveloppement, jouent un rôle tout au plus acces-soire dans l’attribution des crédits, constatait-il.Ce rapport a été accueilli de manière très contro-versée, mais il a eu le mérite de susciter la réfle-xion. «Des thèmes jusqu’alors négligés ont soudainacquis une importance cruciale. On s’est parexemple préoccupé davantage du caractère durabledes investissements et des fameux facteurs socio-économiques», se souvient Walter Hofer, chef de lasection Bretton Woods à la DDC. Cependant, il afallu attendre 1998 pour qu’une mutation s’opère.L’idée s’est alors imposée comme une évidenceque le mandat principal de la Banque mondialeconsiste à combattre la pauvreté, ajoute-t-il.Aujourd’hui, la Banque mondiale ne se considèreplus seulement comme une institution financière,mais aussi comme une banque du savoir, qui réunitles connaissances acquises dans le cadre de lacoopération internationale et les met à dispositiondes autres acteurs. Dans ce sens, elle est en train dedevenir un centre de compétence en matière dedéveloppement et le lieu privilégié du dialogueinternational sur le développement.

Glasnost à WashingtonLes résultats les plus visibles de ces changementssont un souci de transparence et une participation

accrue de la société civile.Ainsi, toutes les décisionsimportantes des institutions de Bretton Woods sontdiffusées sur Internet. Une grande partie de lapopulation peut donc les consulter, moyennant unordinateur et un raccordement à ce réseau. Nom-bre de documents opérationnels, naguère taxés deconfidentiels, sont également disponibles en ligne,y compris les stratégies d’aide-pays (SAP), sur les-quelles se base l’octroi de crédits par le FMI et laBanque mondiale. Cette dernière est même parve-nue depuis quelques années à établir un dialoguesoutenu avec les ONG, notamment avec de grandsorganismes établis au niveau international, commeOxfam et le WWF.

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La Banque mondiale a suspendu en 1992 le financement du barrage de Sardar Sarovar, en Inde

Récolte de millet au Sénégal

Perspectives suisses«L’expérience acquisedepuis 1992 a montré queles bénéfices de l’intégra-tion multilatérale se mesu-rent moins en donnéesquantifiables qu’en termesimmatériels : profil du payssur le plan international,échanges d’expériences,transfert de technologie et accès à l’information.Pour la Suisse, l’expérien-ce que représentent larecherche de solutionsmultilatérales et la partici-pation aux décisions revêtpar ailleurs une importan-ce cruciale. Cet engage-ment multilatéral a mani-festement favorisé l’ouver-ture de la Suisse sur lemonde et sensibilisé sapopulation aux problèmesinternationaux.»Tiré de «Die Beziehungder Schweiz zu BrettonWoods-Institutionen»(relations de la Suisseavec les institutions deBretton Woods). Rapportde synthèse publié dansle cadre du Programmenational de recherche 42;Susanne Schmidtchen,NADEL, EPFZ

Par le passé, les stratégies d’aide par pays étaient enfait rédigées par les fonctionnaires de la Banquemondiale, puis présentées aux ministres concernésqui les signaient. Aujourd’hui, on estime au con-traire que le développement d’une stratégie est unprocessus participatif qui doit permettre de renfor-cer la responsabilité du gouvernement et la démo-cratisation des institutions. Au Secrétariat d’État àl’économie (seco), Martin Rohner, chef de la sec-tion Institutions financières multilatérales, relèveque l’introduction des Cadres stratégiques de luttecontre la pauvreté (CSLP) a transformé la coopé-ration au développement. Aujourd’hui, c’est lepays concerné qui fixe dans le CSLP ses proprespriorités en matière de développement; il intègreautant que possible la société civile dans cettedémarche. Le cadre ainsi défini servira ensuite debase à la SAP de la Banque mondiale pour ce pays.

La Suisse pionnière du désendettement Et la Suisse dans tout cela? Existe-t-il des exemplesde l’influence qu’elle a pu exercer sur la réorien-tation des institutions de Bretton Woods? «Biensûr, dans le domaine de la dette notamment»,

déclare Martin Rohner avec conviction. «Au dé-but des années 90, la Suisse a joué un rôle de pion-nière avec ses accords bilatéraux de désendette-ment. Son action a largement fait progresser ledébat au sein de la Banque mondiale.» Par ailleurs,la Conférence internationale sur l’endettement,organisée par la Suisse en 1994, a lancé pour lapremière fois un appel en faveur du désendette-ment des pays en développement, qui incluait lesdettes multilatérales. Les fonds de désendettementmultilatéral mis sur pied par la Suisse et les Pays-Bas ont servi de modèles à l’initiative en faveur despays pauvres très endettés (PPTE) et plus tard auxCSLP. La Suisse a ensuite lancé avec trois autres

pays un programme destiné à promouvoir la parti-cipation des pays en développement à l’initiativePPTE et à renforcer leur gestion interne de ladette (voir Un seul monde 1/2001).Malgré les réformes, la critique demeure vive. En1994, à l’occasion du 50e anniversaire des institu-tions de Bretton Woods, leurs opposants améri-cains se sont regroupés au sein d’une associationfaîtière, qui porte le nom éloquent de «50 Years IsEnough» (50 ans, ça suffit). Cette fédération réunitplus de 200 organisations américaines et collaboreavec 185 ONG dans 65 autres pays. Son objectifn’est pas de démanteler les institutions financières,mais de leur faire subir une réforme en profon-deur.En Suisse non plus, la Banque mondiale n’échap-pe pas à la critique. Bruno Gurtner, de la Commu-nauté de travail des œuvres d’entraide, estimequ’elle manque toujours de transparence, d’espritparticipatif et de pluralisme. Certaines décisionssont toujours gardées secrètes, déplore-t-il. Pouraccroître la transparence, il serait utile de publier lecalendrier du Conseil des administrateurs ainsi queson programme de travail.

Mais la réforme la plus importante, aux yeux deBruno Gurtner, concerne la répartition des voix. Ilfaut promouvoir une telle réforme par tous lesmoyens, afin que les pays les plus pauvres obtien-nent enfin davantage de poids dans la prise dedécision. Des efforts ont déjà été entrepris au FMI.Sur cette question, la Suisse se trouve en porte-à-faux: le changement souhaité remet en cause lacohérence entre les intérêts de sa politique finan-cière et les objectifs de sa politique de développe-ment. En effet, pour accorder plus de droits devote aux pays en développement, il faudra inévita-blement modifier le rapport qui existe entre la partdu capital et le nombre de voix. Concrètement,

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Bretton Woods

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Rizière au Népal Culture de légumes en Tanzanie

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cela déboucherait sur une réduction des voix dontdispose la Suisse.

D’importantes décisions en vuePour Christine Eberlein, de la Déclaration deBerne, il reste beaucoup à faire pour réformer lesinstitutions de Bretton Woods. La Banque mondia-le devrait en particulier se montrer encore plusréservée et plus scrupuleuse à l’égard des grandsprojets d’infrastructure. Le financement du barragede Bujagali, en Ouganda, est le dernier exemple endate d’une politique équivoque, relève MmeEberlein. «Nous sommes très déçus de constaterque la Banque mondiale n’a pas pris au sérieux lesrecommandations de la Commission mondiale desbarrages et qu’elle finance un autre barrage géantcontroversé. Cet ouvrage représente un risquefinancier élevé pour l’Ouganda, il pourrait relan-cer la spirale de la dette dans ce pays.» La banquea certes consulté les ONG, qui ont pu faire valoirleurs arguments au plus haut niveau. Il n’en restepas moins qu’elle a choisi de soutenir ce projet. Etcela avec l’accord du directeur exécutif suisse, pré-cise Christine Eberlein.Sur les 6 milliards d’êtres humains qui peuplent laplanète, 2,8 milliards, soit près de la moitié, viventavec moins de 2 dollars par jour et 1,2 milliardd’entre eux doivent se contenter de moins d’undollar. Si la Banque mondiale entend s’attaquer

sérieusement à la pauvreté, elle sera amenée àprendre des décisions importantes sur des thèmesqui sont loin de faire l’unanimité. Par exemple, labanque doit-elle se satisfaire de la croissance éco-nomique d’un pays ou insister sur la répartition decette croissance? Devra-t-elle à l’avenir se concen-trer davantage sur sa mission principale, à savoir lalutte contre la pauvreté? Et dans ce cas, quelleplace réserver au développement du secteur privé?Toutes ces questions seront examinées ces pro-chaines années. C’est au cours d’un long processusque les institutions de Bretton Woods s’efforcerontde trouver un consensus. Comme elle l’a fait cesdix dernières années, la Suisse participera active-ment à la recherche de ce consensus. ■

(De l’allemand)

Fabrique textile en Érythrée

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Bretton Woods

la prévention de crises. À cet effet, le FMI utiliseses moyens financiers pour octroyer des crédits àdurée limitée aux États membres qui ont des pro-blèmes de balance des paiements.Le FMI et la Banque mondiale comptent 183 Étatsmembres. Au 30 juin 2001, la BIRD et l’AID avaientaccordé des prêts et des crédits qui se montaientau total à 487 milliards de dollars.La Banque mondiale compte 10500 collaborateursà travers le monde, dont 8000 à Washington. Quantau FMI, il emploie 2500 personnes, originaires de133 pays.

Part des voix de quelques États membres du FMIÉtats-Unis 17,16%Allemagne 6,02%France 4,97%Italie 3,27%Canada 2,95%Chine 2,95%Russie 2,76%Suisse 1,61%Australie 1,51%Argentine 0,99%Autriche 0,88%Azerbaïdjan 0,09%Burkina Faso 0,05%

Bretton Woods, juillet 1944 Une conférence monétaire et financière internatio-nale s’est réunie du 1er au 22 juillet 1944 dans le butde réorganiser le système monétaire international,démantelé par la guerre. Les pays participant àcette rencontre, qui se tenait à Bretton Woods,dans l’État américain du New Hampshire, ont scel-lé la création du Fonds monétaire international (FMI)et de la Banque internationale pour la reconstruc-tion et le développement (BIRD). Outre la BIRD, legroupe de la Banque mondiale comprend aujour-d’hui l’Association internationale de développement(AID), la Société financière internationale (SFI),l’Agence multilatérale de garantie des investisse-ments (AMGI) et le Centre international pour le rè-glement des différends relatifs aux investissements(CIRDI). La Banque mondiale a commencé ses acti-vités en 1946 et le FMI en 1947. Les institutions deBretton Woods ont leur siège à Washington.

Activités de l’une et de l’autreLes activités de la Banque mondiale comprennentessentiellement l’octroi de crédits, la coopérationtechnique et des conseils institutionnels dans lecadre de programmes visant à réduire la pauvretéet à améliorer les conditions de vie dans les pays endéveloppement.Le FMI doit promouvoir la coopération internationa-le dans le secteur financier et contribuer à la stabili-sation du système financier international ainsi qu’à

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(mr) Les habitants de la Rua Miguel Gomes, àPorto Alegre (Brésil), savent ce que signifie la parti-cipation démocratique. Il y a dix ans, ils vivaientdans des baraques en bois, sans eau, sans électricité,sans égouts. Aujourd’hui, la favela a fait place à desrangées de maisons familiales, simples mais pimpan-tes. La route a même été goudronnée et elle est enexcellent état. «Auparavant, par temps de pluie, ons’enfonçait dans la boue jusqu’aux chevilles», sesouvient José, un habitant. Il fait visiter les lieux àun groupe de délégués venus du monde entier pourassister au Forum social mondial de janvier 2002. Illeur explique comment les habitants sont parvenusà obtenir des logements plus convenables.Si cette ancienne favela a pu se transformer en quar-tier d’habitation, c’est grâce au budget participatifde Porto Alegre.Chaque année, la population prenddirectement part aux décisions concernant l’attri-bution d’une partie du budget municipal. Elle élitdes délégués, qui présentent ensuite des projetsconcrets. «Les habitants des quartiers sont les mieuxplacés pour dire ce qui leur manque, s’il est plus

urgent de réparer la route ou d’ouvrir une crèche»,poursuit José. Ce dernier est convaincu que le bud-get participatif améliore les conditions de vie desgens. Et il n’est pas le seul de cet avis. Pour laBanque mondiale, Porto Alegre illustre de manièreexemplaire l’influence que la société civile peutexercer sur les décisions des autorités.

Coopération avec l’AzerbaïdjanDepuis la fin des années 90, la Banque mondialeprivilégie une coopération accrue avec la sociétécivile, qui doit notamment avoir une influencedirecte sur l’élaboration des Cadres stratégiques delutte contre la pauvreté (CSLP). Ces textes sontformulés conjointement par les autorités locales, lesreprésentants de la société civile – syndicats, grou-pements de femmes, ONG – les experts des paysdonateurs et d’autres institutions. Auparavant, lesCSLP étaient rédigés par la Banque mondiale.Aujourd’hui, c’est le pays concerné qui fixe ses pro-pres priorités en matière de développement. Lesdocuments sont ensuite soumis pour vérificationaux institutions de Bretton Woods. Celles-ci s’eninspirent pour concevoir leurs stratégies d’aide parpays. Elles exigent un CSLP de tous les pays quisouhaitent bénéficier de crédits à des conditionsprivilégiées ou de mesures de désendettement dansle cadre de l’initiative en faveur des PPTE.

Les institutions internationales misent de plus en plus sur la coopération avec la société civile. C’est notamment le cas de la Banque mondiale, qui s’efforce d’associer les représen-tants d’organisations non gouvernementales (ONG), de syndi-cats et de groupements de femmes à l’élaboration de sesstratégies de lutte contre la pauvreté. La Suisse appuie cesefforts.

À chacun sa voie vers le mieux-être

Un monde d’inégalitésSur les 6 milliards d’êtreshumains qui peuplent laplanète, 2,8 milliards viventavec moins de 2 dollarspar jour et 1,2 milliardd’entre eux – dont 44 pourcent habitent en Asie duSud – doivent se contenterde moins d’un dollar parjour. Dans les pays pau-vres, un enfant sur cinqrisque de ne pas atteindreson cinquième anniversaire.Enfin, si moins de 5 pourcent des enfants de moinsde cinq ans souffrent demalnutrition dans les paysriches, ce taux s’élève à50 pour cent dans lespays pauvres.Extrait du «Rapport sur ledéveloppement dans lemonde 2000/2001»,Banque mondiale

Brésil : de la favela…

…à des logements plus convenables

Un seul monde N° 2 / Juin 2002 13

Ces dernières années, de plus en plus de pays endéveloppement se sont attelés à la définition d’unCadre stratégique de lutte contre la pauvreté.L’Azerbaïdjan compte parmi eux. Désireuse desoutenir la jeune république dans cette entreprise,la Suisse a créé un fonds fiduciaire (trust fund) auprèsde la Banque mondiale, qui doit servir à l’élabora-tion du CSLP azerbaïdjanais. Quinze groupes dif-férents, répartis par secteurs, travaillent simultané-ment sur ce projet. La Suisse a mis des spécialistes àdisposition de cinq groupes. «Nous serons actifsdans les secteurs où se situent nos points forts»,déclare Hanspeter Wyss, de la section BrettonWoods à la DDC. Ces domaines que la Suisse con-naît bien, ce sont le secteur bancaire, la sécuritésociale, la décentralisation, le suivi de la lutte contrela pauvreté et le problème des personnes déplacées.

Qui doit payer les rentes?Le juriste bernois Werner Nussbaum, spécialiste dela sécurité sociale, a déjà travaillé sur la réforme dusystème de prévoyance sociale dans différents paysen transition. «En matière de sécurité sociale, sur-tout lorsqu’il s’agit de la prévoyance vieillesse etsurvivants, il n’est pas possible de prendre un mo-dèle qui a fait ses preuves dans un pays et de letransposer tel quel dans un autre pays», avertit cet

expert. L’Azerbaïdjan ne va donc pas introduire dujour au lendemain le système suisse de prévoyancesociale. Il devra trouver sa propre voie pour passerde la formule actuelle, financée exclusivement parl’État, à un système constitué de plusieurs piliers,dans lequel l’État, les entreprises et les individus separtagent les charges.Diversifier le financement est vital, car les modèlesde prévoyance qui reposent sur un seul pilier sonttrop fragiles. En fin de compte, les États comme les

entreprises peuvent se trouver en cessation de paie-ment. «Qui doit alors payer les rentes?», demandeWerner Nussbaum. Selon les experts de la Banquemondiale, le système de prévoyance à trois piliers,tel qu’il existe en Suisse, pourrait inspirer les réfor-mes de l’assurance-vieillesse dans d’autres pays.Onze ans après l’accession à l’indépendance, la vieen Azerbaïdjan est plus difficile qu’à l’époquesoviétique. Environ 68 pour cent de la populationvit en-dessous du seuil de pauvreté fixé par laBanque mondiale. L’avenir des Azerbaïdjanaisdépendra de l’émergence d’une société civile forte,dont le concours est indispensable pour la formula-tion de la stratégie de lutte contre la pauvreté. ■

(De l’allemand)

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Azerbaïdjan: trouver sa propre voie…

…vers un système de prévoyance sociale

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Un seul monde: Dans le domaine du déve-loppement et de son financement, les insti-tutions de Bretton Woods jouent un rôlecrucial, quoique controversé. Quelles sont, àvos yeux, leurs forces et leurs faiblesses?

Eveline Herfkens: Les institutions de BrettonWoods possèdent une foule de connaissances etune grande expérience en matière de réduction dela pauvreté. L’aide qu’elles apportent, par exemple,à l’élaboration de Cadres stratégiques de luttecontre la pauvreté (CSLP) constitue un dévelop-pement important. Le fait que les pays à bas reve-nus définissent leurs propres stratégies, et planifientainsi leur avenir, revêt à mon avis une extrêmeimportance. Jusqu’ici, huit pays – Bolivie, BurkinaFaso, Honduras, Mauritanie, Mozambique, Nica-ragua,Tanzanie et Ouganda – ont déjà établi leurCSLP et une douzaine d’autres se sont mis à latâche. Cela ne signifie pas pour autant que ce pro-cessus fonctionne à la perfection. Il reste à pro-

mouvoir encore la participation, l’appropriation(ownership) et les compétences. Nous devrons fairede gros efforts pour développer à temps des ana-lyses garantissant que les stratégies choisies serventeffectivement à réduire la pauvreté. Les progrèsréalisés ces dernières années par les institutions deBretton Woods incitent à l’optimisme, mais il restebeaucoup à faire, notamment pour que les déclara-tions d’intention se traduisent par des actes. Jetrouve en outre que la Banque mondiale devrait seconcentrer sur son mandat principal et non paschercher à obtenir d’autres missions. Cela ne con-duit qu’à des chevauchements entre les activitésdes différentes organisations.

Quelles sont les réformes qui s’imposentencore?Il ne sera possible d’atteindre les objectifs de lalutte contre la pauvreté que si l’approche est cohé-rente, tant sur le plan international que sur le plannational. Or le manque de coordination entre les

La ministre de la coopération au développement des Pays-Bas, Eveline L. Herfkens, connaît fort bien les institutions deBretton Woods. Elle souligne le rôle qui leur incombe dans lefinancement futur du développement. Elle met aussi le doigtsur quelques points sensibles de la coopération au dévelop-pement. Interview réalisée par Gabriela Neuhaus.

«Un énorme gaspillage de ressources»

Eveline L. Herfkens estdepuis 1998 ministre dudéveloppement et de lacoopération des Pays-Bas. Originaire de LaHaye, elle a étudié le droitet l’économie à l’Universitéde Leyde. Depuis qu’elle aterminé ses études, elle aoccupé divers postes, tou-jours dans le domaine dela coopération au dévelop-pement. Entre 1976 et1981, elle a travaillé auministère des affairesétrangères. De 1986 à1989, cette diplomate aété membre de la com-mission économique duConseil de l’Europe et àce titre co-organisatrice dela campagne Nord-Sud.De 1990 à 1996, c’est-à-dire au moment de l’adhé-sion de la Suisse aux insti-tutions de Bretton Woods,Mme Herfkens était direc-trice exécutive à la Banquemondiale.

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différentes organisations engendre un énorme gas-pillage de ressources. Nous devons donc admettreque la cohérence politique commence chez nous,dans les pays riches, et au sein des organisationsinternationales. Il arrive trop souvent que des dé-partements entravent mutuellement leurs efforts.Par ailleurs, il serait bon d’harmoniser les procé-dures des donateurs : les pays en développementdoivent consacrer beaucoup trop de temps et decapacités pour satisfaire aux conditions spécifiquesdes différents donateurs. Des progrès ont certes étéaccomplis, mais un sondage mené auprès des am-bassades néerlandaises a montré que la Banquemondiale notamment devrait faire beaucoup plusdans ce domaine.

Les institutions de Bretton Woods sont fré-quemment exhortées à faire preuve de plusde démocratie et de transparence. Que pen-sez-vous de cette exigence?

Il est important de renforcer la voix des payspauvres, donc des petits actionnaires. On devraitdistinguer leur rôle d’emprunteur et leur rôled’actionnaire. Leur voix d’actionnaire, en particu-lier celle des pays africains, devrait être plus effica-ce et respectée en tant que telle par la direction etles représentants des donateurs. Le système desgroupes de vote est un progrès en soi, puisqu’il

permet à chacun des 183 pays membres d’êtrereprésenté par une personne élue. La légitimitédémocratique des institutions de Bretton Woodsdépend toutefois de l’honnêteté avec laquelle lesdirecteurs exécutifs défendent les différents intérêtsdes membres de leur groupe de vote.

En rejoignant les institutions de BrettonWoods il y a dix ans, la Suisse a constituéson propre groupe de vote, qui comprend enmajorité de jeunes pays en développement.D’aucuns pensent que cette situation aconduit la Suisse à mener une politique pluscohérente et plus favorable au développe-ment au sein de la Banque mondiale. Est-cele cas?Le fait de représenter un groupe de vote mixtepermet aux pays donateurs de mieux comprendreles préoccupations des pays emprunteurs, donc desurmonter les controverses qui peuvent surgir auConseil des administrateurs entre donateurs etbénéficiaires. Le groupe de vote de la Suisse est un bon exemple de ce genre de coopération.D’ailleurs, la Suisse ne se contente pas de repré-senter les pays emprunteurs au Conseil des admi-nistrateurs. Elle met aussi une aide financière ettechnique à la disposition des membres de songroupe au FMI. Je l’en félicite.

Comment voyez-vous le rôle futur de laSuisse au sein des institutions de BrettonWoods?La Suisse est un membre très apprécié au sein de lacommunauté internationale et je l’encourage vive-ment à poursuivre son bon travail. Les pays del’Union européenne se sont engagés à faire passerle budget de leur coopération au développement à0,7 pour cent des dépenses nationales. Je voudraisinviter le gouvernement suisse à suivre cetexemple et à fixer un calendrier pour la réalisationde cet objectif. ■

(De l’anglais)

Bretton Woods

Barcelone 2002Réunis en mars dernier à Barcelone, les quinze pays membres de l’Unioneuropéenne (UE) sonttombés d’accord pourconsacrer à partir de 2006au moins 0,39% de leurproduit national brut auxpays les plus pauvres dela planète. L’objectif de 0,7%, que l’UE avait for-mulé il y a quelquesannées sans fixer de délai, n’a pour l’instant été atteint que par leDanemark (1,06%), les Pays-Bas (0,81%), la Suède (0,81%) et leLuxembourg (0,7%). La moyenne de l’UE sesitue à 0,33%, soit pres-que autant que l’effort dela Suisse (0,34%).

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que nous soyons en sécurité», raconte Gugula Jeladze. Elle sou-pire : «Soukhoumi était un paradis à l’époque. Maintenant, il nereste que des ruines.»

Guerre civile aux conséquences désastreusesQuelque 300000 personnes, en Géorgie, connaissent un destinanalogue à celui des Jeladze. Elles ont été déplacées dans leurpropre pays, victimes de la guerre civile des années 1992 et1993. Des troupes géorgiennes ont pénétré en Abkhazie aumois d’août 1992, sous prétexte de protéger contre des attaquesde brigands la ligne ferroviaire qui relie la Russie à Tbilissi enpassant par Soukhoumi. Enfreignant un accord, des unitésabkhazes ont alors tiré sur les Géorgiens. En réaction, l’arméegéorgienne a mis à sac la ville de Soukhoumi. Durant la guerrecivile qui en est résultée, des unités russes et des francs-tireurs

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À la périphérie de Tbilissi, capitale de la Géorgie, l’hôtel Ushbaest complètement délabré. Sa cage d’escalier sans éclairage sentl’urine, des taches d’humidité se dessinent sur le crépi nu desparois, les tapisseries du premier étage sont en lambeaux et destrous béants apparaissent dans le parquet. Malgré cet état misé-rable, les 88 chambres de l’auberge sont désespérément bondées.On loge jusqu’à six personnes dans une même pièce.Les occupants de l’hôtel Ushba sont des clients permanents. Laplupart d’entre eux y vivent depuis près de dix ans. C’est le casde Gugula Jeladze, une femme de 73 ans, et de son fils Ramaz,âgé de 43 ans, originaires de Soukhoumi, capitale de l’Abkhazie.Ils ont été obligés en 1992 de fuir leur patrie, qui était alors unerépublique autonome au sein de la Géorgie. «Nous noussommes cachés pendants des jours dans la forêt. Des balles sif-flaient tout autour de nous. Puis nous avons couru jusqu’à ce

Dans l’ex-Union soviétique, la Géorgie avait la réputation d’être une terre oùcoulent le lait et le miel. Aujourd’hui, ses habitants subissent les conséquen-ces de la guerre civile et du marasme économique. Un nouvel essor pourraitvenir du futur oléoduc qui doit relier Bakou à la mer Noire. De BernhardMatuschak*.

L’enfant chéri du Caucasea mal tournéH

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tchétchènes sont intervenus aux côtés de l’Ab-khazie.Cette guerre s’est achevée par la défaite de laGéorgie. Elle a fait plus de 8000 morts et provo-qué l’exode de 250000 Géorgiens d’Abkhazie.Depuis lors, la frontière est contrôlée par destroupes russes. Une mission de paix de l’ONU estprésente sur le terrain. Cependant, la zone fronta-lière est toujours le théâtre de fréquentes escar-mouches. Un hélicoptère d’observateurs militairesde l’ONU a été abattu en octobre dernier ; unSuisse y a perdu la vie. Le statut de cette répu-blique qui aspire à l’indépendance est aujourd’huiencore incertain. La Géorgie la considère toujourscomme faisant partie de son territoire. Autrefoisparadis de vacances, l’Abkhazie est politiquementisolée et économiquement aux abois.Ce sont les personnes déplacées qui souffrent leplus de cette situation. Dix ans après avoir fui leurpatrie, elles sont toujours logées à Tbilissi dansdes abris provisoires – le plus souvent des hôtelsou des hôpitaux. L’État leur octroie chaque moisune aide sociale qui se monte à 13 laris (un peuplus de 10 francs). «La moitié de cette somme sertà payer l’électricité et l’eau. C’est ridicule, car lecourant est continuellement coupé et nous n’avonsde l’eau qu’à certaines heures», s’indigne RamazJeladze.L’hiver est rude non seulement pour les réfugiés,

mais pour tous les habitants. Les coupures d’élec-tricité durent souvent de quatre à cinq heures. Lesconduites d’eau gèlent. Les chauffages à distance,qui datent de l’époque soviétique, ne cessent detomber en panne. De toute manière à l’étroit, lafamille moyenne se regroupe alors dans une seulepièce de son logement et se réchauffe avec unfourneau à charbon de bois. Quand le combustiblevient à manquer, on brûle tout ce qui peut l’être :mobilier, parquet, clôtures ou arbres fruitiers.

Files d’attente aux points d’eauSi l’effondrement de l’Union soviétique a permis àla Géorgie d’accéder à l’indépendance, il lui a aussifait perdre son marché d’exportation et sa positionprivilégiée. Déjà à l’époque des tsars, cet éden cau-casien était l’enfant chéri de la nation. C’est ici quela noblesse avait ses résidences d’été.Après la révo-lution bolchevique, celles-ci ont été accaparéespar la nouvelle nomenklatura. Le vin de Kakhétiefaisait oublier leur chère vodka aux maîtres duKremlin. L’argent affluait dans ce grenier de l’em-pire soviétique, de surcroît riche en ressourcesminières. Aciéries, usines automobiles et autrescomplexes industriels y ont été construits à la hâte.Ces vastes installations sont immobilisées depuislongtemps. À travers tout le pays, des vestiges debéton et d’acier témoignent de ce qui fut « le para-dis des travailleurs».

Autrefois florissante, l’industrie du tourisme estégalement à l’agonie. Située au cœur du PetitCaucase, à 150 km à l’ouest de Tbilissi, la petiteville de Borjomi illustre ce déclin. Jusqu’en 1990,elle était « la» station climatique et thermale del’Union soviétique. Staline lui-même venait régu-lièrement se détendre au palais Likani, ancienpavillon de chasse du tsar Alexandre II.Toute cettegloire appartient désormais au passé.De l’eau thermale sulfureuse jaillit du sol à proxi-mité du palais Likani.Vendue depuis 1896 pour sesvertus curatives, l’eau de Borjomi était devenue undes plus célèbres produits d’exportation de laGéorgie. Aujourd’hui, on continue de la vendre,dans des bouteilles agrémentées d’un motif enrelief qui représente un cerf. Mais cela ne suffitplus pour approvisionner la population en eaupotable. Rares sont les maisons raccordées auréseau d’eau courante. C’est pourquoi de longuesqueues se forment dès le matin aux points d’eaupublics.

Espoirs placés dans l’oléoducLa situation est particulièrement mauvaise dansune cité satellite située aux abords de Borjomi.Un seul robinet alimente en eau potable troisimmeubles où vivent 150 personnes. Pendant quedes seaux se remplissent du précieux liquide, lesconversations portent en général sur l’état de cesblocs de dix étages construits vers la fin des années80. Les intempéries ont gravement endommagé lesfaçades, la maçonnerie est si désagrégée qu’ellelaisse apparaître ses armatures métalliques. Oncroirait presque que ces bâtisses en éléments préfa-briqués ont déjà servi de cibles militaires. Avec

Un seul monde N° 2 / Juin 200218

L’objet de tous lesjoursLe toneLa galette de pain est auxGéorgiens ce que la ba-guette est aux Français.Les boulangeries industri-elles pourraient couvrir lesbesoins de toute la répu-blique. Pourtant, la popu-lation continue un peu par-tout de cuire son painselon la méthode tradi-tionnelle. Presque chaquevillage est équipé d’untone. Ce récipient en terrecuite, semblable à un ton-neau, mesure environ unmètre de diamètre, sesparois sont épaisses et ilest partiellement enterré.Sur le fond de ce four, onfait brûler des bûches debois, afin d’en chaufferl’intérieur. Quand latempérature voulue estatteinte, on écrase desboules de pâte contre laface interne des parois.Pour ce faire, la boulangè-re – c’est un métier fémi-nin en Géorgie – doit plon-ger le haut du corps dansle tone. De l’extérieur, on al’impression qu’elle vabasculer dans ce tuyau.Le pain prend un arômedifférent selon le bois quiest utilisé pour chauffer lefour.

une bonne dose de sarcasme, les habitants ont bap-tisé leur cité «Viêt-nam». Mais Nana Aleksianinin’est pas d’humeur à rire : «Le chauffage est fichuet le toit a des fuites. Ces bâtiments ont été cons-truits pour l’Afrique, où il ne pleut jamais, où il nefait pas froid.»Juste avant Borjomi, une clôture en grillage métal-lique entoure les décombres de bâtiments circu-laires en béton. La station d’épuration de Borjomis’effrite inexorablement… Cette aberration, cons-truite dans les années 80, n’a jamais pu être mise enservice, car elle était totalement surdimensionnée.C’est aujourd’hui de l’or noir que l’on attend lesalut économique. Un oléoduc doit relier leschamps pétrolifères d’Azerbaïdjan, via la Géorgie,à la ville portuaire de Poti, sur la mer Noire, où lepétrole sera chargé à bord de bateaux. Un accord aété signé en 1999 entre les deux républiques cau-casiennes. À Poti, d’immenses panneaux annon-cent ce projet gigantesque dont les Géorgiensespèrent un avenir plus souriant. ■

(De l’allemand)

* Le biologiste Bernhard Matuschak exerce une activitéde journaliste indépendant au bureau de presse Seegrund,à Kreuzlingen

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Occupé par près de 300personnes, l’ancien hôtelUshba, à Tbilissi, est plein à craquer

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(bf) Depuis la chute du Mur de Berlin et l’éclate-ment de l’Union soviétique, divers mouvementsautonomistes (Abkhazie, Ossétie du Sud) ontentraîné un morcellement de la Géorgie et de vio-lents conflits dont la population subit aujourd’huiencore les répercussions. Le Caucase du Sud estd’ailleurs une des régions du monde qui compte leplus de personnes déplacées. À cela s’ajoute le pas-sage difficile de l’économie planifiée à l’économiede marché. Si l’engagement suisse en Géorgie asurtout pris au départ la forme d’une aide huma-nitaire, les projets actuels de la DDC et du secos’inscrivent dans un programme de développe-ment régional incluant l’Arménie, l’Azerbaïdjan etla Géorgie. La DDC y consacre un budget annuelde 9 millions de francs, géré par le bureau de coor-dination qui a été ouvert en 1998 à Tbilissi.Voiciles grands axes de ce programme régional :

Bonne gestion des affaires publiques : Touteune série de projets visent à promouvoir la sociétécivile, ainsi que la transparence et l’efficacité del’administration. Ils comprennent par exemple un

soutien à des cours pour journalistes ou la forma-tion de diplomates.

Utilisation durable des ressources naturelles :Une aide est fournie à des institutions écologiqueslocales et nationales, pour qu’elles puissent ré-soudre des problèmes et identifier les potentiels enmatière de ressources naturelles. Les projets vontde l’utilisation durable de plantes médicinales jus-qu’à la mise en place d’un réseau caucasien d’or-ganisations non gouvernementales (ONG), en pas-sant par le développement des zones de montagne.

Secteur humanitaire : Des contributions aux pro-grammes d’organisations internationales (CICR,HCR, etc.) permettent de secourir les réfugiés, lespersonnes déplacées et les plus démunis. On cons-truit des logements, des écoles ainsi que des centresd’accueil et de soins afin d’aider les rapatriés, d’in-tégrer les réfugiés et d’encourager la reconstruc-tion. Une ligne d’action est consacrée aux mesuresà prendre en cas de séisme.

Faits et chiffres

NomRépublique de Géorgie

CapitaleTbilissi (1,45 million d’habitants)

Superficie69665 km2

Monnaiedepuis 1995: lari

Population5,4 millions d’habitants,dont :Géorgiens: 70% (en sché-matisant, car la Géorgieest une mosaïque com-prenant une vingtaine derégions historiques etautant de peuples)Arméniens: 8%Russes: 6%Azerbaïdjanais : 6%Ossètes: 3%Abkhazes: 1,7%

LanguesGéorgien, mingrélien,russe (peu apprécié, maismaîtrisé par la plupart desGéorgiens)

ReligionsChristianisme (la Géorgieest le plus oriental despays qui ont fait du chris-tianisme leur religiond’État), islam (environ11%)

Principales exportationsVin, produits alimentaires(agrumes, thé, raisin)

La Géorgie et la Suisse: contribuer à la stabilisation du Caucase du Sud

Géorgie

Repères historiques66 av. J.-C. Pompée conquiert la Géorgie.

3e s. Les Sassanides chassent les Romains duCaucase.

7e s. Les Arabes s’emparent de Tbilissi.

11e s. La Géorgie devient un empire chrétien.

13e-18e s. Tbilissi est assaillie et pillée à plusieurs reprises par les Mongols.

1801 Le tsar Alexandre 1er fait de la Géorgie un protectorat russe.

1918 La Géorgie proclame son indépendance.

1921 Elle est intégrée à l’URSS.

1922 En avril, Staline devient secrétaire généraldu Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS). De son vrai nom IossifVissarionovitch Djougachvili, il est le fils d’un cordonnier de Gori, en Géorgie.

1988 Des dissidents font une grève de la faim pour obtenir l’indépendance de la Géorgie.

1989 L’opposition organise de grandes manifes-tations. La foule se heurte à des unités spéciales du ministère de l’intérieur.

1990 La Géorgie accède à l’indépendance après l’effondrement de l’Union soviétique.

1991 Lors des premières élections libres, le dis-sident Zviad Gamsakhourdia accède à la présidence de la Géorgie. Le soutien qu’ilapporte aux putschistes du mois d’août à Moscou l’isole politiquement dans son propre pays. Il ordonne à sa garde de tirer sur des manifestants et impose la censure dans tout le pays. Des combats éclatent et le président Gamsakhourdia est chassé.

1992 Le gouvernement intérimaire comprend Edouard Chevardnadze, ancien ministre soviétique des affaires étrangères. Le con-flit avec l’Abkhazie s’envenime et tourne à la guerre civile. Chevardnadze est élu président en octobre. Il met fin à cette guerre.

1993 L’ex-président Gamsakhourdia envahit avec des unités armées la province natale de Chevardnadze; il est fait prisonnier pardes troupes fidèles au gouvernement.

1995 Edouard Chevardnadze est à nouveau élu président.

2001 Des combats éclatent à la frontière entre l’Abkhazie et la Géorgie. L’Abkhazie décrète la mobilisation générale. Une raz-zia lancée contre la chaîne de télévision Rustavi-2, critique à l’égard du gouverne-ment, déclenche une crise gouvernemen-tale. Chevardnadze dissout le cabinet.

TbilissiGéorgie

Russie

Turquie

Mer Noire

MerCaspienne

AzerbaïdjanArménie

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Tu es assis dans un café.On appelle ça un café,maisen fait, c’est la rue.Tu bois un verre de bière, par-ce qu’il fait chaud. La bière, par contre, est froide.Tu te confesses à ton verre.Tu penses au passé. Unverre de bière qui contient tout le passé…

Tu commences par l’enfance.La première fois quetu es tombé amoureux, c’était au jardin d’enfants.Tu voulais l’épouser. Tout petit déjà, tu étais trèséloigné de la réalité. Puis tu as grandi, tu es tom-bé amoureux d’une autre. La première, la deuxiè-me, la troisième… Toujours très sérieusement.Elleste considéraient comme un poète – et aussi com-me un romantique moderne. Mais tu leur as par-lé de sport, de la pluie et du beau temps. Quel liencela peut-il avoir avec la poésie, les rimes, le ryth-me, la forme, les symboles ? Le sport et le tempsqu’il fait sont de meilleurs sujets de conversation.Alors, quelqu’un t’a surnommé « la gazette », quel-qu’un qui avait le sens de l’humour. Il est rarequ’une fille ait le sens de l’humour. Mais qu’est-ce que… les filles viennent faire là-dedans ? Tupenses à une jupe et tu crois que cela te rappellele passé.

Tu te remémores l’école.Tu recevais la note 2, par-fois même 3. Géométrie… Les trois côtés du tri-angle sont égaux à tes notes. Sinus, cosinus, forcesde friction,un poème de Maïakovski sur Lénine…C’était une époque étrange, où il fallait en mêmetemps tout savoir et tout ignorer. Étudiant, tu t’esfamiliarisé avec Gabriel García Márquez ; tu assongé que tu étais solitaire depuis cent ans et quetu avais perdu des guerres.Tu as cru cela jusqu’aumoment où tu es devenu vraiment adulte.

Tu as pris de l’âge, tu es devenu un homme et quelhomme! Qui boit de la bière en pleine rue et n’en

a même pas honte.Tu ne te caches pas. Qu’arrive-t-il maintenant ? En ce moment présent ? Unefemme passe en jupe courte ou en pantalons ser-rés, elle passe comme la vie, ou bien…? Tubouillonnes d’idées ! Tu la suis des yeux, mais sansarrière-pensées, simplement par habitude. Il ne tereste plus que cinq laris en poche.Tu es content.Il ne t’en faut pas davantage, tu n’as jamais aiméles grosses affaires (les petites non plus, d’ailleurs).Tu écris de la prose, en qualifiant cela de petit ro-man. Un genre littéraire que personne ne connaît.Toi non plus.Tu ne sais même pas quand tu aurasterminé.Un jour ou l’autre,peut-être.Depuis toutpetit, tu as été très éloigné de la réalité. Quoid’autre ? Tu es célibataire, fumeur et… ton verreest déjà presque vide.

Tu veux partir à l’étranger. Peu importe où etpourquoi, peu importe que tu voyages en bateauou sur la terre ferme.Tu laisseras carte et bousso-le à la maison, tu iras là où personne ne te connaît.Personne ne te saluera,ne prendra de tes nouvelles.Tu pourras flâner tout seul. Parce que tu as enviede changer quelque chose. Cette réalité commen-ce à être un peu barbante.Alors, tu appelles ton rêvel’avenir.Tout petit déjà…

«Vous avez déjà fini ? Un lari », sourit la femme.

«Remettez-moi la même chose ! » Bien entendu,tu ne t’arrêtes jamais à un verre de bière. ■

(Du géorgien)

George «Gaga»Nakhutsrishvili, 31 ans,est un historien diplôméde l’Université de Tbilissi,capitale de la Géorgie. Ilécrit de la poésie depuisson enfance. Il a publié en1996 un premier volumede poèmes intitulé StrangeTravelers, puis en 2000Simplicity, un deuxièmerecueil de poèmes et desketches. Il consacre sesloisirs aux voyages et ausport.

Tu appelles ton rêve l’avenir

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Un seul monde N° 2 / Juin 2002 21

Réduire de moitié la pauvreté dans le monde d’ici2015.Tel est l’objectif que s’est fixé la communau-té internationale en septembre 2000, lors de l’as-semblée générale de l’ONU qui avait été désignée«assemblée du millénaire». Un objectif certesambitieux, mais réalisable. Pour qu’un processusdynamique se mette en place, il est indispensableque les gouvernements des pays en développementconcernés et des pays donateurs manifestent uneferme volonté politique. Reste à définir des straté-gies pour atteindre cet objectif.

Tôt ou tard, les pays en développement devront sedoter d’une stratégie nationale de lutte contre lapauvreté. Nombre de gouvernements se sont déjàattelés à la tâche. La Banque mondiale et le Fondsmonétaire international ont mis au point un ins-trument, le Cadre stratégique de lutte contre la pau-vreté (CSLP), et appuient divers pays dans l’éla-boration de tels programmes. Toutefois, les CSLPdoivent nécessairement être conçus et décidés, nonpas à Washington, mais par les gouvernementsnationaux, dans le cadre de processus démocra-tiques et participatifs. D’autre part, il ne suffit pasque des cabinets gouvernementaux concoctent cesstratégies dans leurs bureaux, en y associant lesreprésentants de la société civile pour se confor-mer aux vœux de la Banque mondiale. Non, il fautlaisser suffisamment de temps aux gouvernements,exiger que les parlements puissent examiner cesprogrammes de manière approfondie et en parta-ger la paternité. Même l’opposition politique despays en développement doit se sentir corespon-sable et impliquée dans ce processus. Les pauvresdoivent faire entendre leur voix, par l’intermédiai-re des élus siégeant au parlement et au gouverne-ment.

Les stratégies nationales de lutte contre la pauvre-té constituent un cadre contraignant, non seule-ment pour les pays concernés, mais égalementpour les acteurs bilatéraux et multilatéraux de lacoopération au développement. Les donateursdoivent donc réorienter leur aide et faire en sorteque la création de capacités institutionnelles ethumaines soit au centre de leur coopération tech-nique. Il est essentiel que les programmes, lesapproches et l’utilisation des moyens soient trans-parents. Ainsi, de nouveaux partenariats pourrontse conclure, sur une base égalitaire, en vue deréduire la pauvreté. Les principes de la bonne ges-tion des affaires publiques s’appliquent aussi auxdonateurs. À cet égard, il faut souligner l’impor-tance des efforts entrepris par le Comité d’aide audéveloppement de l’OCDE, en vue d’harmoniserles procédures et les normes d’évaluation.

Adopter des stratégies ne suffit pas. Il s’agit ensui-te de les mettre en œuvre. La communauté inter-nationale s’est fixé des objectifs mesurables. Lesdifférentes étapes menant à leur réalisation doiventdonc être également mesurables. La réduction dela pauvreté ne peut pas être abordée uniquementau niveau d’objectifs ou de stratégies. Elle doitdevenir un thème permanent dans les agendaspolitiques des pays en développement et dans lesbilans établis par tous les partenaires concernés. ■

Walter FustDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

Stratégies de lutte contre la pauvreté

Tout est dans la réalisation

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Aide supplémentaireLa DDC a débloqué le 3 avril dernier une aidesupplémentaire d’un millionde francs en faveur deshabitants des territoirespalestiniens. Elle a ainsiréagi à la nouvelle vaguede violences qui a grave-ment détérioré la situationdéjà très difficile auProche-Orient. L’argent aété versé à l’UNRWA, prin-cipal partenaire de l’Aidehumanitaire de la Confé-dération dans la région. La Suisse figure parmi lesdouze donateurs les plusimportants de l’agenceonusienne. En un demi-siècle d’existence, celle-cia bénéficié de contribu-tions suisses totalisant plusde 100 millions de dollars.La contribution addi-tionnelle d’un million defrancs porte à 12,8 millionsl’engagement de l’aidehumanitaire suisse dans lecontexte palestinien pourl’année en cours.

(jls) La deuxième Intifada, qui a éclaté en sep-tembre 2000, a plongé la Cisjordanie et la bandede Gaza dans un profond marasme socio-écono-mique. Le blocus des villes et des villages, imposépar l’armée israélienne, empêche les habitantsd’aller travailler durant de longues périodes. «Lecumul de plusieurs mois sans salaires a eu desconséquences terribles. À Gaza, environ 65 pourcent des familles vivent aujourd’hui au-dessous duseuil de pauvreté», constate Jean François Golay,chargé de programme à la DDC. Le bouclage desterritoires a également paralysé le système d’édu-cation, du fait que les élèves et les enseignants nepeuvent plus se rendre à leur collège. L’accès auxsoins médicaux est gravement compromis : sou-vent, les malades ou les blessés n’ont pas la possi-bilité de recevoir des soins adéquats, en raison desbarrages routiers.

Début avril 2002, le conflit s’est brutalementintensifié, avec l’isolement de Yasser Arafat et laréoccupation des principales villes de Cisjordanieainsi que des camps de réfugiés. Les nouvelles res-trictions imposées par les forces israéliennes ontrendu les besoins d’assistance et de protectionencore plus aigus.

Appels d’urgenceLes réfugiés, qui représentent 30 pour cent de lapopulation en Cisjordanie et 70 pour cent à Gaza,sont le groupe de population le plus vulnérableface à la dégradation des conditions de vie.L’Office de secours et de travaux des NationsUnies pour les réfugiés de Palestine dans leProche-Orient (UNRWA) ne peut pas comptersur son budget ordinaire – 310 millions de dollarsen 2001 – pour couvrir les besoins générés par la

L’escalade de la violence, au début d’avril dernier, a provoquéune nouvelle détérioration de la situation humanitaire dans lesterritoires palestiniens. Les habitants de Cisjordanie et deGaza sont plus que jamais tributaires de l’aide internationale.Par le biais de l’UNRWA, agence spécialisée des NationsUnies, la Suisse apporte son soutien aux réfugiés, le groupede population le plus vulnérable.

Un peuple assigné à résidence

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seconde moitié des années 90, des problèmes deconfiance et de communication sont survenusentre l’UNRWA, les donateurs et les pays d’ac-cueil des réfugiés. À l’initiative de la Suisse et del’UNRWA, tous les partenaires se sont rencontrésen 1998 à Montreux afin d’améliorer les méca-nismes de concertation.Lors de cette conférence, la Suisse a pris l’engage-ment de renforcer la qualité des services fournispar l’agence, en particulier dans le domaine social.L’an dernier, elle a en outre financé l’ouvertured’un bureau de liaison à Genève, qui doit faciliterles contacts de l’UNRWA avec les autres organi-sations internationales et avec les pays donateurs.Elle appuie également la mise en place parl’UNRWA d’une stratégie de communicationplus efficace. Enfin, la DDC a financé en 2001trois sondages auprès de la population des terri-toires. Ils portaient sur les effets de la crise et laperception de l’aide internationale par les bénéfi-ciaires.Une partie de l’aide humanitaire suisse aux réfu-giés passe par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et par des organisations non gou-vernementales. La Suisse soutient également leDépartement palestinien responsable pour lesaffaires des réfugiés. Et elle a financé une étude del’Organisation internationale pour les migrations(OIM), qui doit permettre aux autorités palesti-niennes de faire face à une possible immigrationsur leur territoire, dans l’optique d’un retour de lapaix. «Même si, pour le moment, il est impossiblede prédire quand le problème des réfugiés trouve-ra une solution juste et globale, nous aidons déjànos partenaires sur place à préparer l’avenir », noteM. Golay. ■

L’article ci-dessus se réfère à la situation prévalant jus-qu’à mi-avril, date du bouclage de ce numéro.

Quatre générations de réfugiésL’UNRWA a été créée en1949 par l’Assembléegénérale des NationsUnies, afin de prêter assistance aux quelque 800000 Palestiniens chassés de chez eux parle premier conflit israélo-arabe. Conçue comme unorgane temporaire, elledevait fonctionner jusqu’àl’entrée en vigueur de larésolution 194 de l’ONU,votée en décembre 1948.Ce texte stipulait le droitau retour des réfugiés etprévoyait une compensa-tion pour ceux qui choisi-raient de ne pas rentrer en Palestine. En l’absenced’une solution politique, lemandat de l’UNRWA a étérenouvelé tous les troisans. Entre temps, ce sontquatre générations deréfugiés, soit plus de 3,8millions de personnes, quisont placées sous sonmandat. L’agence a undouble siège, à Amman età Gaza. Elle emploie plus de 22000 personnes.

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crise. Depuis le début de la deuxième Intifada, il alancé quatre appels d’urgence à la communautéinternationale.Grâce aux fonds supplémentaires ainsi réunis,l’UNRWA a pu distribuer une aide alimentaire oufinancière aux familles les plus touchées, lancer unprogramme de création d’emplois et organiser desactivités parascolaires afin de remédier à la ferme-ture de certaines écoles. Il a également pu ravi-tailler ses cliniques en médicaments, personnelet équipements supplémentaires. Ces centres desoins sont fortement sollicités par l’afflux massif deblessés et par le fait que de nombreux Palestiniensne peuvent plus recourir aux services de santéprivés.

Écoles, cliniques et aide socialeComme les autres bailleurs de fonds, la DDC arépondu aux appels d’urgence. En 2001, cet effortsupplémentaire a porté à 14 millions de francs sonaide aux réfugiés palestiniens. La plus grande par-tie de l’aide suisse alimente le budget général del’UNRWA. Elle finance par ce biais la fourniturede services de base aux 3,8 millions de réfugiéspalestiniens éparpillés entre la Cisjordanie, Gaza, laSyrie, la Jordanie et le Liban. Un tiers d’entre euxvivent dans 59 camps de réfugiés. L’UNRWA gère650 écoles et huit centres de formation profes-sionnelle. Les soins médicaux et dentaires sontassurés par un réseau de 122 cliniques et dispen-saires. L’agence offre également une aide socialeaux réfugiés dans le besoin.

Améliorer les servicesLa DDC se préoccupe également de renforcer lefonctionnement de cette agence, qui a commencéses activités en 1950. «L’UNRWA souffre de pro-blèmes structurels dus au fait qu’elle n’aurait pasdû vieillir ainsi. Elle a été conçue pour fournir dessecours d’urgence», explique M. Golay. Dans la

Un seul monde N° 2 / Juin 200224

(jls) Le retour à la démocratie, en 1982, n’avait pasremédié aux graves carences de la justice, qui res-tait inaccessible aux populations défavorisées.Faute de pouvoir s’offrir les services d’un avocat,les prévenus passaient des mois ou des années enprison sans jugement. Il a fallu attendre 1996 pourque le gouvernement se décide à moderniser et àdécentraliser le système judiciaire. «La Suisse aimmédiatement soutenu les différents volets decette réforme, qui devait faciliter l’accès à la jus-tice, garantir le respect des droits de l’homme et établir l’État de droit», souligne Giancarlo dePicciotto, chargé de programme à la DDC.

Dans tous les départementsLe Défenseur du Peuple, institué en 1998, est l’undes piliers de la réforme judiciaire. Interface entrel’administration et les citoyens, il dépend exclusi-vement du Parlement, auquel il fait rapportannuellement. Sa tâche est de veiller au respect desdroits des citoyens et de s’assurer que les activitésdu secteur public soient conformes à la constitu-tion. Depuis sa création, cette institution est diri-gée par une ancienne journaliste,Ana María Cam-

pero. Saisie d’une plainte, la Defensora del Pueblotente d’abord de résoudre le litige à l’amiable. Si laconciliation échoue, elle porte l’affaire devant lajustice pénale et assure alors le rôle d’accusatrice.La fonction d’ombudsman a rapidement acquisune légitimité morale en Bolivie. Des antennes ontété ouvertes dans les neuf départements et des uni-tés mobiles de défense sillonnent les zones ruralespour y recueillir les plaintes. Durant les trois pre-mières années d’activité, les services de MmeCampero ont traité environ 14000 plaintes.En 2001, un plan stratégique quinquennal a étéélaboré afin de consolider l’institution. Sa mise enœuvre nécessite 22 millions de dollars. La moitiéde la somme est versée par un groupe de huitbailleurs de fonds internationaux, dont la DDC,qui mettent leurs contributions en commun. Cesressources sont ensuite gérées par l’ombudsman.«Il s’agit d’un mode de financement qui favorisel’appropriation du projet par les bénéficiaires»,précise M. de Picciotto. ■

Élitiste, lente et corrompue, la justice bolivienne avait depuislongtemps perdu toute crédibilité. Plusieurs mesures de ré-forme lui ont rendu la confiance de la population. C’est ainsiqu’un poste d’ombudsman a été créé, afin de faire respecterles droits des citoyens face aux abus de l’État. La DDC parti-cipe au financement de cette institution.

Entre les cocaleros et legouvernementUn grand nombre deplaintes traitées par leDéfenseur du Peuple (DP)proviennent des petits pro-ducteurs de coca, planteutilisée pour la fabricationde la cocaïne. L’armée etla police anti-drogue sontchargées d’arracher lesplantations considéréescomme illicites, notam-ment dans la plaine tropi-cale du Chapare. Au coursde ces opérations, les droits constitutionnels despaysans sont fréquem-ment bafoués. Viols, vio-lences physiques, racketset homicides ont étédénoncés aux services du DP. Et quand les coca-leros, réduits à la misère,marchent sur la capitaleou bloquent les routespour protester contre l’éra-dication de leurs cultures,c’est encore le DP qui sertde médiateur entre les for-ces de l’ordre et les mani-festants.

Fin du huis clos en Bolivie

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Vivre la solidarité(ahj) La journée annuelle de ladivision Aide humanitaire etCorps suisse d’aide humanitaire(CSA) de la DDC, organisée àMontreux le 8 mars, a été mar-quée par deux événements : laprésentation de la Stratégie 2005de l’Aide humanitaire et la pre-mière projection d’un filmvidéo. La stratégie et le film por-tent le même titre en forme dedevise, Vivre la solidarité.Tousdeux expliquent ce que sont l’aide d’urgence, la prévention, ladéfense de la cause des victimeset la reconstruction. Ils montrentque la Suisse accomplit cestâches rapidement, efficacement,avec précision et de manièrecoordonnée. Ce qui compte,dans un contexte de conflits, decrises et de catastrophes, c’est depréserver des vies humaines etd’apaiser les souffrances. Dans saStratégie 2005, l’Aide humanitai-re prévoit de redoubler sesefforts en matière de coopéra-tion humanitaire multilatérale au

cours des prochaines années. Ellecompte aussi renforcer le domai-ne de l’advocacy, c’est-à-dire lareprésentation des intérêts etbesoins des victimes.La Stratégie 2005 et la vidéo «Vivre la solidarité» peuvent êtreobtenues auprès de la DDC:Centre de distribution, case postale,3000 Berne 23;fax 031 324 13 48,e-mail: [email protected]

Travail et passion(bf) Deux collaborateurs de lasection Politique de dévelope-ment de la DDC ont accédé il ya peu à des postes passionnants.Daniel Maselli, ancien respon-sable du secteur de la recherche,travaille depuis avril denier auCentre pour le développementet l’environnement (CDE) del’Univer-sité de Berne. La DDClui a accordé un congé jusqu’en2005 pour lui permettre decoordonner les travaux sur lesressources naturelles et sur l’écologie au sein du Pôle de

recherche national Nord-Sud.M. Maselli se concentrera surl’Asie centrale. Ce biologiste,titulaire d’un doctorat en géo-graphie, peut ainsi mener desrecherches dans son domaine deprédilection, les régions de mon-tagne, tout en ayant «un contactplus direct avec le travail sur leterrain».Jusqu’à fin mai, Paolo Janke étaitresponsable des relations de laDDC avec le Comité d’aide audéveloppement de l’Organisationde coopération et de développe-ment économiques (OCDE).Depuis début juin, ce philosophede formation est secrétaire de lacommission de politique exté-rieure du Conseil national et duConseil des États. Sa tâcheconsiste à faciliter le travail théo-rique et pratique de la commis-sion. L’expérience que PaoloJanke a acquise à la DDCcontribuera à mieux ancrer lacoopération internationale dansla politique suisse, tant intérieurequ’extérieure.

Visiteurs actifs(bf) Depuis fin février, les visi-teurs qui se rendent au siège dela DDC, à Berne, peuvent amé-nager le hall d’entrée à leurguise. En arrivant à la Freiburg-strasse 130, dans le quartier deAusserholligen, ils découvrentune installation interactive àquatre canaux. En appuyant surla touche «écran», ils peuventfaire défiler une multituded’images, qui se concentrentpour former une compositionoriginale.Ainsi, des réseauxd’images se créent, ouvrant denouvelles fenêtres sur le monde.Intitulée «Zones», cette installa-tion a été conçue par JürgNeuenschwander, le réalisateurde Rencontres sur la voie lactée, uneœuvre cofinancée par la DDC,qui a reçu en 2001 le prix ber-nois du film.

DDC interne

(bf) On définit en général le transfert de technologie commeune opération consistant à transmettre des connaissances et desprocessus concernant la technologie et la gestion d’entreprise.Dans les années 60, lorsque ce terme a commencé d’être utilisépar la coopération au développement, il désignait le transfert àsens unique de technologies du Nord «riche» vers le Sud «pauvre». Depuis, sa signification et son interprétation ont lar-gement évolué. On sait désormais que le transfert de technolo-gie va bien au-delà du simple déplacement de connaissancestechniques vers le Sud. On le considère davantage comme ledéveloppement commun de technologies. Par ailleurs, il estapparu de plus en plus clairement que la réussite d’un transfertrepose sur l’adaptation aux conditions locales. Le terme de « technologie» ne désigne pas uniquement un procédé techniqueparticulier. Il englobe aussi le contexte social, les conditions devie, les valeurs et les normes fondamentales. Comme le montrele débat autour de la technologie biologique ou génétique, cetteproblématique porte également sur l’accueil que la société estsusceptible de réserver à de nouveaux procédés. Aujourd’hui, letransfert de technologie se fait dans toutes les directions – duSud vers le Sud, de l’Est vers l’Ouest ou du Sud vers le Nord –et il relève davantage de l’accès au savoir. Or cet aspect revêt une

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importance cruciale, car l’accès au savoir joue un rôle décisifpour les pays du Sud et de l’Est, que l’exode et le «pompage»des cerveaux privent d’une somme énorme de connaissances.Les personnes les mieux formées de ces pays sont en effet atti-rées vers le Nord, de sorte que le savoir et les capacités viennentà manquer là où on en a le plus besoin. Les pays industrialisésfont preuve en l’occurrence d’une incohérence flagrante.

Au fait, qu’est-ce que le transfert de technologie?

Exploitation minière ou parc naturel? Barrages hydroélec-triques ou vallées sauvages? L’Année internationale de lamontagne préconise un développement durable pour cesécosystèmes très vulnérables aux influences extérieures.Concrètement, cela conduit à se poser la question suivante:peut-on concilier protection de la nature et modernisation?De Gabriela Neuhaus.

Un seul monde N° 2 / Juin 200226

C’est en 1914 qu’a été créé en Suisse le premierparc national d’Europe centrale. On compte au-jourd’hui 14 parcs alpins, où la nature jouit d’uneprotection absolue. Ses 162 km2 placent le Parcnational suisse à l’avant-dernier rang pour la su-perficie. Depuis des années, on s’efforce de l’agran-dir, car il est trop petit pour garantir une préser-vation optimale de la biodiversité. Mais en Basse-Engadine, ce projet rencontre une certaine résis-tance: les habitants s’opposent à de nouvellesréglementations qui porteraient atteinte à la viequotidienne et aux activités économiques de leurrégion. «Il n’y a aucune raison de faire une diffé-rence entre l’homo alpinus et l’homo planis. Lesmontagnards ne se laissent pas mettre sous tutelle»,fait observer Daniel Wachter, chef de la sectionDéveloppement durable et Convention alpine àl’Office fédéral du développement territorial. Desconflits surgissent partout où la protection de lanature est en contradiction avec les besoins écono-miques et sociaux de la population locale.

Controverses sur les espaces à protégerDes organisations comme la Commission interna-tionale pour la protection des Alpes (CIPRA) oul’Union internationale pour la conservation de lanature (UICN) encouragent la délimitation d’es-paces protégés dans lesquels la vie sauvage et lanature peuvent prospérer sans être entravées parl’intervention humaine. Théoriquement tout aumoins, de tels parcs semblent être le meilleurmoyen de sauvegarder durablement les ressourcesde la nature. L’exemple du Népal montre cepen-dant que ce n’est pas forcément le cas. Cet Étathimalayen est le champion absolu des parcs natio-naux. Les zones protégées occupent près de 30pour cent de la superficie. Une bonne partie nepeut pratiquement plus être exploitée. Mais cesdispositions draconiennes ont fréquemment con-duit à des violations de la loi et à des actes de cor-

ruption. Elles ont favorisé un développement quin’a rien de durable.

«Une protection absolue est presque irréalisable. Ilfaut lui associer des droits d’exploitation accordésà la population locale», constate Karl Schuler, res-ponsable du programme agroforestier de la DDCau Népal. M. Schuler gère un programme de forêtscommunautaires dont le succès est remarquable.L’État transfère les droits d’exploitation à la popu-lation locale, qui avait traditionnellement accès àces espaces. Il fixe une condition: les communau-tés villageoises doivent exploiter leur forêt collec-tivement et durablement, selon un plan établipréalablement. En plus du bois de feu et du four-rage pour les animaux, la forêt fournit des fibres,des champignons et des matières premières pour lafabrication d’huiles ou de médicaments vendus sur

Le choc de l’homme et de la montagne

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Influer, encourager,aider L’Union internationale pourla conservation de la natu-re (UICN) s’est donné lamission suivante : influersur les sociétés du mondeentier, les encourager etles aider à conserver l’inté-grité et la diversité de lanature, et veiller à ce quetoute utilisation des res-sources naturelles soitéquitable et écologique-ment durable. www.iucn.org/2000/about/content/index.html

Erreurs nuisibles«Dans l’arc alpin, le savoir-faire menant à une actionadaptée à l’espace naturela perduré plus longtempsqu’ailleurs. D’un autrecôté, en raison des condi-tions naturelles particuliè-res, les erreurs d’exploita-tion se répercutent plusrapidement et de façonplus nuisible. II est doncnécessaire d’abandonnertoute forme d’actionincompatible avec l’écolo-gie et de s’abstenir àtemps et de manièreconséquente.»Mario F. Broggi : Quatrethèses pour agir et s’abs-tenir dans les Alpes. In «1er Rapport sur l’état desAlpes», publié par laCommission internationalepour la protection desAlpes (CIPRA), Berne1998.

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le marché.Au total, quelque 11000 collectifs d’ex-ploitation forestière – un quart des familles népa-laises – participent aujourd’hui à ce programme.Dix ans après le démarrage, le bilan s’avère extrê-mement positif : «Au début, entre 70 et 90 pourcent des forêts qui couvrent les collines étaientanéanties ou dans un état misérable ; elles se sonten grande partie régénérées. En revanche, la situa-tion a empiré dans les zones sous protection res-trictive», explique Karl Schuler. C’est pourquoicertaines formes d’exploitation sont maintenantadmises dans les parcs nationaux du Népal. Deplus, l’État a créé des «zones de transition», danslesquelles la population reçoit des compensationsdestinées à des programmes de développementlocaux. Ces prestations sont financées par la rede-vance d’entrée dans le parc.

Exploiter durablement les ressourcesLa protection de la nature ne doit pas s’opposeraux intérêts de la population, souligne égalementAndreas Weissen, du WWF Suisse : «Il est possibleet souhaitable d’exploiter les ressources des régionsde montagne. L’homme contribue lui aussi à ladiversité des espèces.Ainsi, dans les Alpes, un quartdes plantes se développent en lien avec des activi-tés humaines.» Mais la priorité doit être donnée aurespect de ce milieu vulnérable et de sa dynamiqueparticulière. À cet égard, M. Weissen cite commeexemples à ne pas suivre le Valais et le Tyrol du Sud,où 90 pour cent des eaux font l’objet d’uneexploitation économique, où les surcapacités tou-ristiques ont détruit l’équilibre et dégradé le pay-sage, où l’agriculture n’est plus intégrée aux cyclesrégionaux.

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«En Suisse, nous sommes aujourd’hui en train deréparer la nature. Les cours d’eau sont revitalisés,équipés d’échelles à poissons… Tout cela coûtecher», fait observer M.Weissen. Pour améliorer lesconditions de vie des populations de montagnedans les pays en développement, il préconise depetites installations décentralisées : pas de grandsbarrages ou de vastes zones minières qui portentatteinte à l’espace vital et obligent à déplacer despopulations, mais des unités de production desti-nées à couvrir les besoins de la région.Christine Eberlein, de la Déclaration de Berne,défend une position analogue: les grands projets,comme le barrage controversé d’Ilisu en Turquie,profitent non pas à la population locale, mais auxinvestisseurs étrangers et aux zones industriellessituées en plaine. Pour Hans Hurni, codirecteur duCentre pour le développement et l’environnement(CDE), la modernisation et le développement nesont possibles dans les régions de montagne que sil’on autorise des zones d’exploitation intensive:«Une petite usine hydroélectrique dont la produc-tion se limite à satisfaire la demande locale necontribue en rien au développement économiquede la région. Si l’on veut promouvoir le dévelop-pement, il faut aussi envisager des projets plusimportants, mais cela suppose un certain impactsur la nature.» Là aussi, on peut évoquer l’exempledu Népal. «Une exploitation prudente du poten-tiel hydraulique pourrait s’avérer précieuse pour cepays montagneux, dépourvu de ressources mi-nières et doté d’une topographie ingrate. Cela luipermettrait de promouvoir sa propre industrie et

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d’exporter de l’électricité vers l’Inde», affirme KarlSchuler.

Le dilemme subsisteÉcologistes et experts du développement s’accor-dent sur une condition: il faut que tout projetd’infrastructure et de développement serve lesintérêts de la population et que celle-ci en profiteréellement. «Chaque projet nécessite une étudeapprofondie de son impact sur l’environnement etune analyse de sa durabilité. Il est indispensabled’examiner aussi bien ses aspects écologiques etsociaux que son potentiel économique», souligneDaniel Wachter. Cela requiert des dispositionslégales et des réglementations. Mais celles-ci nerésolvent jamais le dilemme fondamental : «Il s’agittoujours de peser des intérêts contradictoires, parexemple l’environnement contre des kilowatt-heures. Si l’on considère d’un côté les avantageséconomiques et sociaux, de l’autre les dommagesécologiques, cela revient à comparer des pommesavec des poires», résume M.Wachter. «L’essentiel,c’est que toutes les décisions liées à cette confron-tation homme-nature soient prises de façon trans-parente, aussi démocratiquement que possible eten consultant la population concernée.» ■

(De l’allemand)

Aucune partie n’est perdante«Une action durable n’estpossible que si les objec-tifs sociaux, écologiqueset économiques sontatteints en même temps.Lors de la réalisation d’unprojet, il est donc néces-saire de prendre en comp-te les trois objectifs. Lesintérêts en jeu étant diver-gents, il est nécessaire defaire des compromis. Celane signifie pas que ce quiavantage une partie se faitau détriment d’une autre.II faut au contraire s’atta-cher à la recherche desolutions créatives per-mettant d’approcher lerésultat optimal pour tou-tes les parties engagées.» Ulf Tödter : Exploitationdurable dans les Alpes –qu’en est-il de l’avenir ? In «1er Rapport sur l’étatdes Alpes», publié par laCommission internationalepour la protection desAlpes (CIPRA), Berne1998.

Érythrée

Un seul monde N° 2 / Juin 2002 29

Le monde d’aujourd’hui est divi-sé: d’un côté, les nations dévelop-pées, de l’autre les nations endéveloppement. Cette distinctioncrée l’illusion que nous compre-nons la réalité, alors que celle-cidépasse de loin notre entende-ment. Le langage «politiquementcorrect» nous a épargné le nomtrop définitif de «pays sous-déve-loppés». Par euphémisme, on nousa qualifiés de «pays en développe-ment», alors que nous étions réel-lement «en sous-développement».Aujourd’hui, quelques-uns de cespays ne sont plus sous-dévelop-pés, mais ce ne sont même plusdes nations. Ils se sont suicidés entant que pays, ils ont plongé dansun océan de guerre et de déca-dence. Le développement estdevenu un territoire, une géogra-phie, une culture.

Les pauvres des nations pauvresont perdu leur identité. Ils nevivent plus dans le tiers monde.Ils n’ont tout simplement plus demonde. Quand j’étais enfant, ilétait facile de se mobiliser affecti-vement contre la pauvreté. Unpauvre, c’était un être privé debiens matériels, mais plein d’hu-manité. Quelqu’un qui se com-portait bien, dans les limites del’éducation qu’il avait reçue. Com-me les autres membres de mafamille, je ressentais de la peinepour les pauvres.Aujourd’hui,mes enfants en ont peur. La pau-vreté a pris les traits d’un monstre.Elle a engendré des individus quinon seulement sont privés de bien-être, mais également dépour-vus humanité. La pauvreté estdevenue une sorte de maladiecontagieuse qu’il s’agit d’éviter.

À la veille de l’indépendance,nous pensions encore êtrecapables de renverser cette malé-diction. Nous avions l’illusiond’entreprendre un voyage vers laprospérité, persuadés que la routeserait courte. Nous étions loind’imaginer qu’il serait si pénibled’appartenir au tiers monde.Nous ne savions pas combiennotre propre héritage historiqueserait lourd à porter. L’histoire estla génétique de ces êtres que sontles nations.

Au début des années 80, j’airendu visite à un ami à Maputo,un des rares à posséder un télévi-seur. Nous avons regardé undocumentaire sur des enfantsmourant de faim. En voyant cesimages, une des personnes pré-sentes s’est exclamée: «Quellehorreur, là-bas, en Éthiopie!»Puis soudain, l’un des enfantsinterviewés a parlé en portugais.Et les images ont montré un vil-lage de la province de Tete, auMozambique! Ce n’était pas lesautres qui mouraient, mais nospropres enfants. C’était nous quiperdions notre avenir. Ce scénariode l’horreur s’était glissé à l’inté-rieur de nos frontières de manièretellement furtive que nous étionsincapables de nous y reconnaître.Nous n’étions pas en train d’ob-server l’apocalypse, nous lavivions.

À cette époque, une guerre civilevenait d’éclater. Elle a duré plusde quinze ans. Et ce ne fut pasune de ces guerres lointaines.Non, elle se déroulait sous nosyeux, offerte à notre tristesse et ànotre désespoir. Mais les conflits

armés ont aussi leurs fonctions.Le chaos qu’ils provoquent estune occasion unique de balayer lesystème des privilèges. C’est cequi s’est produit au Mozambiqueet dans d’autres pays du conti-nent. Les Africains doivent sur-monter ces enfers avant de forgerleurs propres points de vue sur leschemins à emprunter. La meilleu-re des choses qui puisse nousarriver est que ce processus sedéroule sans interventions exté-rieures. Même si celles-ci se veu-lent humanitaires et normalisa-trices.

Les Africains ont rêvé de l’indé-pendance. Mais tant que nousn’aurons pas produit des systèmesde pensée originaux, aptes àconcevoir nos propres formes dedéveloppement, nous rêveronsavec la tête des autres. L’Europecontinue de visiter l’Afrique,comme on va en pèlerinage,cherchant quelque chose qu’ellecroit y avoir laissé. Et l’Afriquecontinue de regarder versl’Europe avec un opportunismedéresponsabilisant. Nous sommescertes indépendants, mais pasémancipés.

Il reste à créer des formes dedéveloppement qui se structurentà partir de la culture. Celaimplique que nous inventionsnotre propre bateau et que nouspartions vers un autre destin. Undestin qui serait plus proche denous et de cette chose très simple:le sentiment d’être heureux col-lectivement.

(Du portugais)

Les deux mondes du monde

Carte blanche

Mia Couto est né en 1955 àBeira, deuxième ville duMozambique. Fils d’immigrantsportugais, il dit de son enfance: «Chez nous à la maison, c’était lePortugal et l’Europe; dans la rue,c’était l’Afrique.» Il s’est pas-sionné pour la lutte de libération.Après l’indépendance acquise en1975, il est devenu directeur del’agence de presse nationale, puisrédacteur en chef de l’hebdoma-daire Tempo. Depuis ses étudesde biologie, au milieu des années80, il s’engage en faveur de laprotection de l’environnement etd’une agriculture biologique. MiaCouto vit à Maputo et compteparmi les écrivains les plus impor-tants non seulement du Mozam-bique, mais de toute l’Afriquelusophone.

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L a m o n t a g n ef a i t s o n c i n é m a

La fondation trigon-film s’emploie depuis quatorze ans à promouvoir le ciné-ma du Sud. Sur mandat de la DDC, elle a maintenant mis sur pied un pro-gramme de films qui montre diverses facettes de la vie en montagne à traversle monde. Cette série est présentée par Walter Ruggle, directeur de trigon-film.

Fil rouge du programme, lemonde de la montagne y estabordé moins comme lethéâtre d’exploits accomplispar les alpinistes que commeun espace de vie pour despopulations de tous les con-tinents. La palette des genresva de la parodie de films pa-triotiques au drame alpestre,mais le sujet principal reste lavie de tous les jours sur fondde montagne. Ce quotidienest parfois méditatif, parfoisexposé aux bouleversementspolitiques de notre temps. Lespectateur peut se perdredans la beauté des paysages,mais il se retrouve en étantprojeté dans des questionsexistentielles. À travers tousces films, nous voyons ce quirapproche les montagnardsde la planète : le foisonne-ment de légendes, unelumière particulière, uneosmose entre l’être humainet la nature ambiante, la fra-gilité de l’individu dans l’im-mensité qui l’entoure, l’aspi-

ration à la paix et à une har-monie supérieure.Quand le cinéma se fait letémoin de régions reculées, ildevient une fenêtre large-ment ouverte par laquelle leregard se porte sur l’extraor-dinaire multiplicité dumonde.Avec Le fils adoptif,nous suivons l’adolescenceinsouciante d’un jeunehomme sur les hauteursimmenses du Kirghizistan.Djomeh nous fait vivre laxénophobie dont est victimeun réfugié afghan, engagécomme auxiliaire dans uneferme en Iran. Dans Le pri-sonnier du Caucase, nous voicienlevés avec deux soldatsrusses dans la région duCaucase. Ce qui intéresse icile cinéaste russe SergueïBodrov, ce n’est pas l’actionguerrière en tant que telle. Ils’interroge sur les raisons quipoussent les hommes à abat-tre d’autres hommes, justeparce que ceux-ci appartien-nent à une autre nation, à

une autre ethnie, à une autrereligion. Bodrov montre avecpoésie qu’à partir du mo-ment où les peuples se rap-prochent, ils ont plus depeine à faire la guerre. Ilsréalisent alors que derrièrechaque ennemi supposé secache un être humain avecles mêmes soucis et diffi-cultés, les mêmes joies etbesoins, le même désir d’amour.

Archaïque et poétiqueIl arrive que des réalisateursde cinéma touchent presqueimperceptiblement à l’essen-ce même de la vie. Ceci estvrai pour Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti versl’Orient ?, un chef-d’œuvreméditatif tourné dans desmontagnes perdues de Coréedu Sud, et pour La route dusel, consacré aux Tibétainsqui parcourent 400 kilomè-tres à pied en trois mois pouraller chercher de l’or blanc.Dans ce film sur les caravanes

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du sel, on saisit que l’existen-ce a quelque chose d’archaï-que et qu’une poésie émanede la vie quotidienne. C’estégalement au Tibet que sesitue la magnifique histoireintitulée Le voleur de chevaux,qui parle du nomade Norbuet de sa famille, de la vie desbergers qui peuplent leshauts plateaux.Dans son film Un matin cou-leur de sang, la Chinoise LiShaohong montre à quelpoint les montagnes les pluséloignées peuvent être pro-ches. Elle a adapté et trans-posé dans le contexte chinoisle roman Chronique d’unemort annoncée, du prix Nobellatino-américain GabrielGarcía Márquez. Son filmmontre comment les chosessuivent leur propre dynami-que dans la société ferméed’un village de montagne, oùles habitants savent tout, maisn’entreprennent rien.C’est au Japon que ShoheiImamura a tourné son film

pour l’autonomie d’un peu-ple qui doit rester apatrideparce qu’il est dispersé entreplusieurs pays.

L’amour de l’altitudeEn Suisse également, la mon-tagne a été un protagonistefréquent de la création ciné-matographique. L’âme sœurest une histoire mythique ethors du temps, par laquelleFredi Murer raconte la vieconfinée d’une famille demontagnards en Suisse cen-trale. L’espace est encore plusexigu sur le sommet oùMarkus Imhoof a situé sondrame intitulé La montagne.De son côté, Erich Langjahrvoue une attention affectu-euse aux paysans des Préalpesdans Ballade sur l’alpage. Lesquelques exemples européensde la série proposée par tri-gon-film suffisent à démon-trer à quel point cette thé-matique peut être vaste. DansLa demoiselle sauvage, l’héroï-ne, qui a vécu une expérien-

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primé, La ballade de Nara-yama, dans lequel les vieuxd’un village se rendent sur lamontagne voisine pourmourir.Alors que ce filmtendre suscite une réflexionsur la vie, le Bolivien JorgeSanjinés expose dans La na-tion clandestine la situationsociale des Indiens aymarasdans les Andes. Les commu-nautés indigènes ont dû seplier aux lois, à la religion età l’exploitation économiqueque leur imposaient les con-quérants espagnols, mais ellesont su traverser les sièclesgrâce à la vitalité de leurpropre culture. Profondémenttouchant, le film arménienUn chant pour Beko nousplonge dans la vie quotidien-ne au Kurdistan turc. Enrevanche, La légende de l’amour porte son regard sur les hauteurs solitaires duKurdistan iranien, avec unehistoire d’amour constam-ment confrontée à la légendedu grand amour et à la lutte tr

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ce douloureuse, se terre dansun coin perdu au-dessus d’unlac artificiel valaisan.L’Autrichien Niki List semoque dans Helden in Tirol( jeu de mots sur une localitésignifiant également «héros»)des films alpestres des années60, qui racontaient jusqu’àl’absurde des amours villa-geoises dans un cadre sublime.Avec Barnabo des montagnes,l’Italien Mario Brenta acomposé une ode aux Dolomites. L’homme est enaccord parfait avec la nature.Il y a bien longtemps que lamontagne est utilisée commelieu de tournage, comme lemontre sur un mode hilarantle film muet Der Rächer vonDavos (le vengeur de Davos),

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réalisé en 1924. Ce mélodra-me alpestre donne une idéede ce qu’était le tourismehivernal et le développementd’une station comme Davosil y a 80 ans. Pour les gens dela plaine, les paysages demontagne ont toujours dequoi séduire, par leur beautébien sûr, mais aussi parce quece sont des lieux de vacan-ces, de détente ou de mou-vement, parce qu’ils invitentà la découverte. L’Engadinecompte sans doute parmi lesplus photogéniques de toutesces vallées et l’on peut admi-rer, dans Engadina deChristian Schocher, la splen-deur du monde animal etvégétal qui l’habite.La même région a servi decadre à une productionaméricaine, Cinq jours ce prin-temps-là, dans laquelle le réa-lisateur Fred Zinnemann,d’origine autrichienne, rendhommage à ses Alpes bien-aimées. Ce film, tourné dansle massif de la Bernina et leRoseggtal, nous montre toutde même quelques scènes devarappe. Dans le rôle de l’al-piniste et de l’amant, c’estSean Connery que l’on voitévoluer sur des paroisrocheuses et des glaciers. Lesmontagnes ont toujours étédes zones d’évasion, des refu-ges où l’on échappe aux sou-cis de la vie quotidienne dansles vallées. Et cela reste vraisous n’importe quelle latitu-de, dans tous les recoins decette planète montagneuse. ■

(De l’allemand)

20 films et leurs montagnes

Arménie Un chant pour Beko, de Nizamettin Ariçmont Ararat

Bolivie La nation clandestine, de Jorge SanjinésAndes

Chine Un matin couleur de sang,de Li Shaohongmontagnes du Nord de la Chine

Iran Djomeh, de Hassan Yektapanah zone frontalière Iran-Afghanistan

Italie Barnabo des montagnes,de Mario BrentaDolomites

Japon La ballade de Narayama,de Shohei Imamuramont Narayama

Kirghizistan Le fils adoptif, de Aktan Abdikalikovhauts plateaux d’Asie centrale

Kurdistan La légende de l’amour,de Farhad Mehranfarmontagnes du Kurdistan iranien

Autriche Helden in Tirol, de Niki List Tyrol

Russie Le prisonnier du Caucase,de Sergueï BodrovCaucase

Corée du Sud Pourquoi Bodhi-Dharma est-il parti vers l’Orient?, de Bae Yong-kyun montagnes de Corée

Tibet Le voleur de chevaux, de Tian ZhuangzhuangTibet

Tibet La route du sel, de Ulrike KochTibet

États-Unis Cinq jours ce printemps-là, de Fred Zinnemannmassif de la Bernina

SuisseDer Rächer von Davos, de Heinrich Brandt DavosL’âme sœur, de Fredi M. MurerSuisse centraleLa montagne, de Markus ImhoofSäntis/PilateBallade sur l’alpage, de Erich LangjahrPréalpes/AlpsteinEngadina, de Christian SchocherEngadineLa demoiselle sauvage, de Léa PoolValais

Trigon et la DDCTrigon-film, fondation à but nonlucratif, s’est donné pour missiond’ouvrir l’écran de cinéma sur desmondes que nous connaissonsmal, c’est-à-dire sur l’Afrique,l’Asie et l’Amérique latine. Sesfonds sont directement consacrésà l’achat, à la distribution et à l’ac-compagnement publicitaire deproductions originales en pro-venance de ces régions. La DDCaccorde à la fondation une sub-vention annuelle destinée à la dis-tribution, afin d’assurer que cesfilms soient diffusés dans les cinémas.

Démarrage en juinLe cycle de 20 films produits dansdiverses régions montagneusesde la planète circulera dans toutela Suisse à partir de juin 2002.Des renseignements, de mêmeque la brochure du programme etcertains films, peuvent êtreobtenus auprès de trigon-film:case postale, 5430 Wettingen 1,tél. 056 430 12 30, [email protected], www.trigon-film.org

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Bons baisers du bout dumonde(bf ) Chameaux sur fond depyramides, voiles couleur rouilledes jonques chinoises et bellesIndiennes en sari : il y a long-temps que tout cela existe, maisentre 1896 et 1930, la plupartdes globe-trotters épris d’exotis-me n’avaient pas d’appareilphoto dans leurs bagages. C’estpar cartes postales qu’ils trans-mettaient images et récits à leursproches restés au pays. L’expo-sition «Gruss aus der Ferne»(salutations venues de loin) pré-sente environ 300 cartes postalesd’Asie, d’Afrique, d’Océanie etd’Amérique latine. Elles ont étémises à disposition par le Muséed’ethnographie de l’Universitéde Zurich et le Musée de lacommunication, à Berne. Cespetits trophées témoignent dedéparts téméraires vers des payslointains, de voyages palpitantschez les chasseurs de crocodiles,de beautés nues, de chevauchéesà travers le désert et de cheminsde fer en construction dans descontrées sauvages.«Gruss aus der Ferne», jusqu’au 5mars 2003, Musée de la communi-cation, Berne. Heures d’ouverture :du mardi au dimanche, de 10 à 17heures

Études africaines à Bâle(bf ) L’Université de Bâle a créérécemment un Centre d’études

africaines, point de rencontreunique en Suisse pour tout cequi intéresse ce continent. Il estconçu comme un centre decompétence en la matière etmettra en place un coursd’études africaines. Ce program-me permettra de réunir desscientifiques et des institutionsqui se consacrent à la rechercheet à l’enseignement dans desdomaines touchant à l’Afrique.Les disciplines actuellementimpliquées appartiennent auxfacultés de philosophie et d’his-toire, de théologie et des sciencesnaturelles. Parmi les institutionsuniversitaires et extra-universi-taires qui participent au centre,on trouve l’Institut tropical suisse, la Mission 21 et les Bibliographies bâloises surl’Afrique.Centre d’études africaines de Bâle.Coordinatrice : Lilo Roost Vischer,tél. 061 267 27 42,e-mail: [email protected]

Management social( jls) L’Institut universitaired’études du développement(IUED), à Genève, organise du23 au 27 septembre 2002 unesession de formation continue enmanagement social. Les cadresd’organisations privées etpubliques engagées dans l’actionsociale ou la coopération audéveloppement pourront s’yfamiliariser avec les principauxoutils et méthodes de manage-ment utilisés dans ce domaine:planification par objectifs, cadrelogique, types d’évaluation, défi-nition des prestations, etc.Délai d’inscription: 30 juin.Renseignements et inscriptions:IUED, Sylviane WerrenKanyarwunga (tél. 022 906 59 86,fax 022 906 59 94, e-mail:[email protected]) ou sur le site www.iued.unige.ch

Ceux d’en bas(er) Son, salsa, merengue, cum-bia, mariachi, reggae, ska, jazz,

hip hop, rock et funk s’entremê-lent dans cet étonnant punk tropical du groupe Los deAbajo, fondé en 1992. Dans leur deuxième CD, CybertronicChilango Power, les huit membresdu groupe célèbrent ce cocktailde styles venu d’en bas (abajo),de la sous-culture chaotique dela mégalopole Mexico. Se consi-dérant comme les «enfants dumariage forcé de Coyolxauqui(déesse aztèque de la lune et del’univers) avec Jésus», ils zappententre des harmonies latino et desattaques techno. De jolies guir-landes à l’accordéon alternentavec des salves de percussions, leschœurs de voix revendicatricesavec les pulsations des vents, tan-dis que les accords de guitare semarient avec des envolées aupiano. Dans cette effervescencesonore qui déborde d’une joiede vivre quasi carnavalesque, ondistingue clairement les messagespolitiques du groupe.Los de Abajo : «CybertronicChilango Power» (Luaka Bop / EMI)

Vol de choucas surl’Oberland(gnt) Le mot tächa désigne unchoucas dans le dialecte des val-lées de Lauterbrunnen et deGrindelwald. C’est aussi le nomd’un groupe de la région. Desrythmes sautillants et des mélo-dies plus pesantes forment uncontraste qui reflète bienl’Oberland bernois, la patrie deces musiciens. Le groupe Tächaassocie ses chansons à de splen-dides photos prises dans larégion de la Jungfrau. Cette pro-duction multimédia sur DVDpermet d’établir un dialogueintense en images intérieures etextérieures.Tächa, Digital Video Disc (DVD).Distribution / commande:szeneCH.ch, Kammistr. 11,3800 Interlaken,e-mail : [email protected],Fr. 39.- (plus frais d’envoi).

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Suivez le guide!(gnt) À l’occasion de l’Annéeinternationale de la montagne,le producteur londonien World-music Network lance simultané-ment trois Rough Guides. Cesremarquables compilations pro-posent une sélection desmeilleures chansons et des plusimportants musiciens d’unerégion donnée (accompagnéed’un guide touristique enanglais). Cette série met en évi-dence la richesse culturelle desAlpes, de l’Himalaya et desAppalaches. Un disque sur lamusique des Andes était déjàparu auparavant.Various Artists : «The Rough Guideto the Music of the Alps» et VariousArtists : «The Rough Guide to the Music of the Himalayas»(Worldmusic Network),www.worldmusic.net

Rencontres avec les enfantsd’ailleurs (dg) Le DVD Les enfants dumonde – le monde des enfants con-tient huit films sur la vie quoti-dienne des enfants en Afrique,en Asie et en Amérique latine.Cet outil pédagogique multimé-dia fournit également des infor-mations de base, des leçons déjàpréparées, des suggestions pra-tiques pour les enseignants et desfeuilles d’exercice à imprimer.Les films abordent différentssujets : rôles sociaux des genres,enfants de la rue, ville/cam-pagne, amitié, situations deconflit. Ce DVD convient parti-culièrement pour les degrésmoyens et supérieurs. Les his-

toires de jeunes du même âgedans d’autres parties du mondepeuvent être utilisées dans desbranches telles que la géogra-phie, la religion, la biologie, l’his-toire, l’économie ou les languesétrangères. Grâce à ses multiplesfacettes, cette thématique s’insèreparticulièrement bien dans unenseignement pluridisciplinaire.La réalisation du DVD a reçu unappui financier de la DDC, quiapporte ainsi une contribution àla promotion de l’éducationglobale.«Les enfants du monde – le mondedes enfants», DVD-vidéo et DVD-Rom, français / allemand, avecmatériel pédagogique. Informations :Films pour un seul monde, tél. 031398 20 88, www.filmeeinewelt.ch.Distribution / vente : Éducation etDéveloppement, tél. 021 612 00 81,[email protected]

Du nouveau sur le réseau(bf ) Depuis le début de l’année,le réseau culturel pour l’Afrique,l’Asie et l’Amérique latine enSuisse – www.coordinarte.ch – a changé de présentation et enrichi son contenu. L’agendades manifestations sur la mu-sique, la danse, le théâtre et lesbeaux-arts est toujours très étof-fé. Le service de réservationspour des spectacles en provenan-ce d’autres continents a été com-plété par la possibilité d’écouterdes échantillons musicaux auformat mp3. Les internautespeuvent désormais consulter unrépertoire des institutions encou-rageant l’art et la culture du Sud.Ils y trouveront des adresses, desliens utiles, des références biblio-graphiques et des conseils pourprésenter des demandes de sou-tien. Ce répertoire a été réaliséen collaboration avec la Fonda-tion suisse pour la culture ProHelvetia et la DDC.Autres nou-veautés, le site propose une paged’actualités cinématographiqueset une galerie Internet d’artistesplasticiens. Créé il y a deux ans

par le centre de documentationCulture et Développement, leprojet www.coordinarte.ch estdevenu le principal site Internetpour l’art et la culture du Sud enSuisse.www.coordinarte.ch

Mythes himalayens(gnt) Le Toit du Monde nourritune abondante culture et sa litté-rature est très variée. Une pre-mière anthologie a été publiéesous le titre Himalaya – Menschenund Mythen (Himalaya – des genset des mythes ; en allemand seu-lement). L’Himalaya est le séjourdes dieux, les montagnes sontdes échelles sur lesquelles onpeut grimper vers le ciel.Au-delà de toute nostalgie, les contesde ces pays évoquent la forced’attraction des sommets et lavie dans ces régions perdues. Cevolume contient des textes de 21 auteurs originaires du Népal,du Bhoutan, du Tibet, de Chineet de l’Inde. Leurs honorairesont été payés par la DDC.Alice Grünfelder : «Himalaya –Menschen und Mythen»,Unionsverlag, Zurich. Un autre livred’Alice Grünfelder, à lire pendant (etaprès) l’Année de la montagne : «Anden Lederriemen geknotete Seele.Erzähler aus Tibet», Unionsverlag

Crevasses, pentes et abîmes(bf ) Africaniste, journaliste,expert en développement, théo-logien, agronome, grand voya-geur et auteur,Al Imfeld (67 ans)

a beaucoup voyagé et son hori-zon est vaste. Pourtant, il a sugarder le sens de la proximité.Dans son dernier ouvrage, Bergewachsen nicht in den Himmel son-dern in die Tiefe (les montagnesne montent pas vers le ciel maisdescendent dans les profondeurs;en allemand seulement), ilraconte des récits de l’arrière-pays lucernois, plus précisémentde la région où il a grandi :le Napf, une des montagnesd’Europe les plus chargées d’his-toire. Ce livre contient des his-toires merveilleuses de crevasses,de pentes ombreuses, d’abîmes,de prés odorants, de forêtssombres. Il parle surtout deshabitants qui travaillent, quiprient et dont l’existence,comme la mort, est malgré toutplacée sous le signe de la famineou d’autres catastrophes.Al Imfeld : «Berge wachsen nicht inden Himmel sondern in die Tiefe»,Verlag Im Waldgut, Frauenfeld

Histoires d’une vie(bf ) Arthur Bill a dirigé pendantun quart de siècle le villaged’enfants Pestalozzi, à Trogen.Il a été le premier délégué duConseil fédéral pour l’aide en cas de catastrophe, avant de semettre au service des NationsUnies, en tant que représentantspécial du Département fédéraldes affaires étrangères.ArthurBill reste par ailleurs un observa-teur attentif et un conteur doué,comme le montre son livreHelfer unterwegs (secouristes enroute; en allemand seulement).Il y raconte les « souvenirs d’uninstituteur de campagne, d’undirecteur de village d’enfants etd’un sauveteur lors de catas-trophes». Parfois tristes ou bou-leversantes, ses histoires impré-gnées d’humour et toujours pas-sionnantes explorent les moyensde résoudre des problèmes enévitant la violence.Arthur Bill : «Helfer unterwegs»,Stämpfli Verlag, Berne

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Service

Islam – islamismeLa Suisse et le monde, revuepubliée par le Départementfédéral des affaires étrangères(DFAE), présente des thèmesactuels de la politique extérieurede la Suisse. Elle paraît quatre foispar an, en trois langues (français,allemand et italien).« Islam – islamisme » est le thèmedu dossier du numéro 3/2002,qui propose divers éclairages.La dernière édition, publiée enavril, est consacrée à la sécuritéinternationale dont l’importancecapitale s’est encore accrue aprèsles attentats terroristes du 11septembre.Il est possible de souscrire gratuite-ment un abonnement à l’adresse suivante : La Suisse et le monde, c/oSchaer Thun AG, Industriestr. 12,3661 Uetendorf; ou par e-mail:[email protected]

Réformer l’aide à l’Afrique( jls) Même si des progrès ont étéréalisés, l’Afrique subsaharienneest aujourd’hui plus pauvre qu’ily a vingt ans. Pour contribuerplus efficacement au développe-ment de ces pays, il est indispen-sable de prendre en compte leurculture, leur histoire ainsi queleur organisation sociale et poli-tique. Sous le titre Partenaires enAfrique : quelle coopération pour queldéveloppement ?, le numéro 5 des « Écrits sur le développement dela DDC » donne la parole à unetrentaine d’experts africains,européens et américains. Cetouvrage montre que la coopéra-tion au développement impliqueun dialogue entre deux parte-

Impressum« Un seul monde » paraît quatre fois parannée, en français, en allemand et en italien.

Editeur:Direction du développement et de lacoopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction:Harry Sivec (responsable) Catherine Vuffray (vuc) Barbara Affolter (abb)Joachim Ahrens (ahj) Fabrice Fretz (fzf)

Maud Gerber (gee) Sarah Grosjean (gjs) Barbara Hofmann (hba) Beat Felber (bf)

Collaboration rédactionnelle:Beat Felber (bf–production)Gabriela Neuhaus (gn) Maria Roselli (mr)Jane-Lise Schneeberger (jls) Ernst Rieben (er)

Graphisme: Laurent Cocchi, Lausanne

Photolithographie: City Comp SA, Morges

Impression: Vogt-Schild / Habegger AG,Soleure

Reproduction:Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que larédaction ait donné son accord. L’envoi d’unexemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements:Le magazine peut être obtenu gratuitementauprès de : DDC, Section médias etcommunication, 3003 Berne,Tél. 031 322 44 12Fax 031 324 13 48E-mail : [email protected]

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Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 55000

Couverture : Witold Krassowski / Network /Lookat

Internet: www.ddc.admin.ch

naires. Jusqu’à présent, elle aplutôt ressemblé à un monologuedes pays du Nord qui prodiguentconseils et modèles.« Partenaires en Afrique : quellecoopération pour quel développe-ment ? » existe aussi en allemand,italien et anglais. Il peut être obtenugratuitement auprès de la DDC,tél. 031 322 44 12,e-mail : [email protected] ou au moyen du coupon de commandeinséré dans « Un seul monde ».

Crise de confiance( jls) L’État postcolonial africainest en crise. Il a perdu laconfiance des populations enquête de sécurité sociale, maté-rielle, psychologique et spirituel-le. Son incapacité à prévoir,impulser, prélever, distribuer etcontrôler est particulièrementfrappante au niveau local. Ellelaisse le champ libre à d’autresmodes d’organisation, informelset multiples, constate RaogoAntoine Sawadogo, président dela Commission nationale dedécentralisation au Burkina Faso.L’État doit être refondé, réinven-té de l’intérieur, à partir del’échelon local. Dans son livre,L’État africain face à la décentralisa-

tion, M. Sawadogo propose que la décentralisation soit l’instru-ment privilégié de cette refonda-tion. La collectivité localedemeure, selon lui, la sphèresociale déterminante dans laconstruction d’une nouvellecitoyenneté.Raogo Antoine Sawadogo : « L’Étatafricain face à la décentralisation »,Éditions Karthala, Paris, 2001

Conflits au masculin et auféminin( jls) Les conflits armés entraî-nent un profond bouleversementde la vie sociale. Hommes,femmes, enfants et vieillards doi-vent assumer de nouveaux rôleset responsabilités. Cependant, ceschangements ne se réduisent pasà une simple dichotomie : d’uncôté, les hommes acteurs enarmes, de l’autre, les femmesvictimes passives de la violence.Le colloque « Hommes armés,femmes aguerries », qui s’est tenuen janvier 2001 à Genève, a per-mis d’analyser les effets de laguerre sur les rapports de genre.Quatorze intervenantes ont par-ticipé à ce colloque internationalorganisé par l’Institut universitai-re d’études du développement

(IUED). Leurs contributions ontété réunies dans un ouvrage quiest disponible gratuitement.Fenneke Reysoo : « Hommes armés,femmes aguerries – Rapports degenre en situations de conflit armé ».Commandes : IUED, service despublications, tél. 022 906 59 50,fax 022 906 59 53,e-mail : [email protected]

Au sud de Genève

( jls) En 2000, les collectivitéspubliques genevoises ont consa-cré 7,7 millions de francs à l’aideaux pays en développement. Unebrochure éditée par la Fédérationgenevoise de coopération (FGC)établit l’inventaire des contribu-tions versées par les 45 com-munes du canton et par l’État deGenève. Elle détaille leurs enga-gements financiers en 2000 etreflète l’évolution des créditspour les cinq dernières années.« Genève fait un remarquableeffort en matière de solidarité »,souligne dans son éditorial Jean-Pierre Gontard, président de laFGC. En octobre 2001, le Grandconseil a voté une loi fixant à 0,7 pour cent la part desdépenses que le canton attribue à la solidarité internationale.Avant lui, la Ville de Genève etune dizaine d’autres communess’étaient fixé des objectifs simi-laires.«Solidarité Genève Sud - Participa-tion des collectivités publiquesgenevoises à la solidaritéinternationale en 2000». Fédérationgenevoise de coopération, tél. 022738 04 88, fax 022 738 59 59,e-mail : [email protected]

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Dans le prochain numéro:

Les Andes – une région de montagne,théâtre de nombreux conflits, qui lutte pourson développement et son intégration aumonde. Le contexte, des pistes de solutionet l’engagement de la Suisse.

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