Un fabuleux bestiaire - Accueil Reseau-Regain · Classement: 2Bm81 Aller au dossier d’origine de...

3
Classement : 2Bm81 Aller au dossier d’origine de ce texte • 09/2014 Réseau-Regain => reseau-regain.net 1/3 Encyclopédie de l’honnête homme L’Apocalypse a beaucoup marqué la pensée médiévale. En grec, ce mot signifie « ré- vélation ». C’est le dernier livre du Nouveau Testament, d’un symbolisme difficile mais très poétique dû à saint Jean l’Evan- géliste qui l’écrivit dans l’île de Pathmos sous le règne de l’empereur Domitien. Il se compose de sept visions révé- lant l’avenir de la religion chré- tienne qui triomphera après l’Antéchrist. Une créature épou- vantable – la Bête de l’Apoca- lypse – y joue un grand rôle avec d’autres monstres et démons. Fantastique ménagerie L’homme du Moyen Age croyait la Bête capable d’anéantir le monde. L’humanité pécheresse ne risquait-elle pas de disparaître dans une effroyable catastrophe ? Les artistes, hantés par cette arrière-pensée, firent jaillir des murs de nos cathé- drales, des animaux incon- nus, menaçants, des dé- mons aux formes hideuses, cornus, griffus, aux queues écailleuses. D’où leur venait cette richesse d’invention dans le monstrueux ? Pas seulement des descriptions de l’Apocalypse mais aussi des vies de saints contées en particulier dans La Légende Dorée, avant 1264, par Jacques de Varazze (francisé en Jacques de Vora- gine), dominicain et arche- vêque de Gênes. A cela se mêlait sans nul doute le sou- venir de mythes païens. De plus, à cette époque, les loups, les lynx et les ours peuplaient encore nos forêts. Les hommes vivaient dans leur voisinage et la connaissance insuffisante de leurs mœurs contribuait à exagérer leurs méfaits. La mer inquiétait autant que la forêt. Les hommes la croyaient peuplée d’êtres gigantesques et mystérieux, qu’ils s’attendaient sans cesse à voir surgir des profondeurs. Souvent, ces animaux extraordinaires mêlent les caractères de plusieurs es- pèces qui existent vraiment. Les hommes croient à leur réalité. De savants bestiaires –recueils d’histoires sur les animaux – exposent leurs mœurs et la manière de les combattre. Voici, sur une façade de la cathédrale de Chartres, un lion ailé couvert d’écailles, ologie culturelle – Grands écrits – références – symboles – Grands auteurs – écologie culturelle – Grands écri Un fabuleux bestiaire L’ibis sacré Illustration : Bernard Gagnon Chimère de Notre-Dame Illustration : Mauricette VIal Andru

Transcript of Un fabuleux bestiaire - Accueil Reseau-Regain · Classement: 2Bm81 Aller au dossier d’origine de...

Classement : 2Bm81 Aller au dossier d’origine de ce texte • 09/2014

Réseau-Regain => reseau-regain.net 1/3

E n c y c l o p é d i e d e l ’ h o n n ê t e h o m m e

L’Apocalypse a beaucoupmarqué la pensée médiévale.En grec, ce mot signifie « ré-vélation ». C’est le dernier livredu Nouveau Testament, d’unsymbolisme difficile mais trèspoétique dû à saint Jean l’Evan-géliste qui l’écrivit dans l’îlede Pathmos sous le règne del’empereur Domitien. Il secompose de sept visions révé-lant l’avenir de la religion chré-tienne qui triomphera aprèsl’Antéchrist. Une créature épou-vantable – la Bête de l’Apoca-lypse – y joue un grand rôle avec d’autresmonstres et démons.

Fantastique ménagerie

L’homme du Moyen Age croyait la Bêtecapable d’anéantir le monde. L’humanitépécheresse ne risquait-ellepas de disparaître dans uneeffroyable catastrophe ? Lesartistes, hantés par cettearrière-pensée, firent jaillirdes murs de nos cathé-drales, des animaux incon-nus, menaçants, des dé-mons aux formes hideuses,cornus, griffus, aux queuesécailleuses.

D’où leur venait cette richesse d’inventiondans le monstrueux  ? Pas seulement des

descriptions de l’Apocalypsemais aussi des vies de saintscontées en particulier dansLa Légende Dorée, avant1264, par Jacques de Varazze(francisé en Jacques de Vora-gine), dominicain et arche-vêque de Gênes. A cela semêlait sans nul doute le sou-venir de mythes païens. Deplus, à cette époque, les loups,les lynx et les ours peuplaientencore nos forêts. Les hommesvivaient dans leur voisinageet la connaissance insuffisante

de leurs mœurs contribuait à exagérer leursméfaits. La mer inquiétait autant que laforêt. Les hommes la croyaient peupléed’êtres gigantesques et mystérieux, qu’ilss’attendaient sans cesse à voir surgir desprofondeurs.

Souvent, ces animauxextraordinaires mêlent lescaractères de plusieurs es-pèces qui existent vraiment.Les hommes croient à leurréalité. De savants bestiaires–recueils d’histoires sur lesanimaux – exposent leursmœurs et la manière de les

combattre.

Voici, sur une façade de la cathédralede Chartres, un lion ailé couvert d’écailles,

ologie culturelle – Grands écrits – références – symboles – Grands auteurs – écologie culturelle – Grands écri

Un fabuleux bestiaire

L’ibis sacréIllustration : Bernard Gagnon

Chimère de Notre-DameIllustration : Mauricette VIal Andru

Classement : 2Bm81 Aller au dossier d’origine de ce texte • 09/2014

Réseau-Regain => reseau-regain.net 2/3

plus loin un cheval ailé à la queue de léo-pard. Ailleurs, on peut voir le phénix ouencore l’ibis sacré qui, dit-on, ne vole nine nage et se nourrit de cadavres. Cetoiseau qui vivait autrefois en Egypte et quis’est réfugié de nos jours dans le sud del’Afrique, représente les païens. A Notre-Dame de Paris, trône la chimère à tête delion, à corps de chèvre, àqueue de serpent. Parfois lestailleurs de pierre la compli-quent en lui donnant deuxou trois bouches vomissantle feu. Ils ont l’idée –et lafoule avec eux – qu’un pou-voir mystérieux est accordéà ces créatures. Ils ont autantpeur des inoffensives sala-mandres qui viennent parfoisse blottir dans les creux hu-mides entre les pierres du chantier que dumonstre hideux qui s’ébauche sous leur ci-seau.

Une combinaisonde l’homme et de la bête

La ménagerie fantas-tique comprend un certainnombre de monstres quisont une combinaison del’homme et de la bête, etceci dans une intentionmorale. On découvre, parexemple, des sirènes, per-sonnifiant la séduction etle plaisir. Le Journal deChristophe Colomb (ou du moins sa copiecar l’original est perdu), apporte une preuvede la croyance aux sirènes. Le mercredi 9

janvier 1493, Christophe Colomb, commesa flotte côtoyait l’île de Saint-Domingue,aperçut « trois sirènes qui s’élevèrent beau-coup au-dessus des eaux mais ne parurentnullement belles à suivre.  » Ces sirènesétaient probablement des lamantins. Oncomprend la déception de l’explorateur !

Du griffon à l’hippogriffe

Le monstre qui attire leplus la curiosité des gens duMoyen Age - et non sansdanger – est l’hippogriffe,demi – cheval et demi - grif-fon.

Mais d’abord, qu’est-cequ’un griffon  ? Il a le corpsd’un lion, la tête et les ailesde l’aigle, des oreilles de che-val et, au lieu de crinière,

une crête de nageoires. Souvent, il estcouvert de plumes. Plus gros que huit lionsréunis, il emporte facilement un cheval dansses serres, déjeune chaque matin d’un mou-ton entier et parcourt les distances à lavitesse du vent.

En Orient, on chassaitle griffon. Avec ses plumes– ou présumées telles –on fabriquait des flèchesinfaillibles. Dans sesgriffes, on taillait descoupes et Charles - Quintbuvait dans une tasse fa-çonnée dans l’une de sesgriffes. Du moins le

croyait-on !

Lorsque ses pieds se transforment enpieds de cheval, le griffon devient l’hippo-

Une sirène, art romanIllustration : Daniel Clauzier

L’Hippogriffe par G.Doré

Classement : 2Bm81 Aller au dossier d’origine de ce texte • 09/2014

Réseau-Regain => reseau-regain.net 3/3

griffe. L’homme trop ambitieux veut domptercette étrange monture : alors, il en revêt peuà peu la forme, recevant ainsi le châtimentde son orgueil.

La salamandre furieuse

Cet Amphibien jaune etnoir, doté d’une queue, n’arien d’extraordinaire. Et pour-tant sa réputation en a long-temps fait un être fabuleux.Lorsqu’on irrite une sala-mandre, de sa peau humidesuinte un venin défensif, lai-teux et amer. Tout prédateur,renard ou chien, qui se saisit d’une sala-mandre, la rejette aussitôt en hurlant tant levenin est caustique. Si l’on pose le malheureuxanimal sur des charbons ardents, sa peau ex-sude le même liquide de défense. D’où lacroyance qui veut que la salamandre éteignele feu et soit elle-même incombustible.

On lui a attribué le feu pour séjour. Onlui a fait vomir la flamme. On lui a supposédes ailes afin qu’elle se meuveà l’aise dans le feu. D’unehumble créature à la vie ca-chée, on a fait un dragon,d’où cette salamandre furieu-se qui figure dans les armesde François Ier.

Merveilleux phénix

Hérodote le décrit ainsi :« Il est grand comme un aigle,son plumage est doré et en-tremêlé de rouge. Il vient tous les cinq centsans, en Egypte, chargé du cadavre de sonpère enveloppé de myrrhe, qu’il enterre dansle temple du soleil. » D’autres auteurs précisent

que sa gorge est entourée d’aigrettes, que soncou brille comme de l’or, que son corps estpourpre et sa queue mêlée d’azur et de rose.Sa longévité serait de 540 ans mais certainsaffirment qu’il vivrait 12954 ans !

D’après saint Clément le Romain, lorsqu’ilest près de mourir, il se confec-tionne, avec de l’encens, dela myrrhe et d’autres aromates,une sorte de linceul dans le-quel il se glisse. En se cor-rompant, son corps produitun ver qui s’en nourrit, grossit,se revêt de plumes. Ainsi lephénix renaît de lui-même, il

est immortel. Pour d’autres auteurs commeHérodote ou Plutarque, il a le pouvoir, aprèss’être consumé sur un bûcher, de renaître deses cendres.

Phenix signifie « palme ». Pour les bota-nistes, le palmier - dattier s’appelle Phenixdactylifera. Or, d’un palmier apparemmentmort, jaillissent des pousses. L’arbre rejettede souche et semble éternel. Etonnante ana-

logie entre un oiseau fabuleuxet un végétal bien réel !

Le Moyen Age fit du phé-nix le symbole de la Résur-rection du Christ et parfois lesymbole de la Nature divinede Jésus, sa nature humaineétant figurée par le pélican. Apartir du IIIème siècle, sous

l’influence d’Origène (martyriséen 253, le plus grand théologien

de l’Eglise grecque), le phénix fut considérécomme un oiseau sacré, preuve du triomphede la vie sur la mort.

Mauricette Vial Andru

La Salamandre, XIVe s.Illustration : Koninklijke Bibliotheck

Le PhénixIllustration : Friedrich Justin Bertuch