Tunisie : Politique urbaine nationale

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Tunisie : Politique urbaine nationale Note sur le développement économique local et la politique urbaine Hafedh Zaafrane 20 mars 2021 L’objet de la présente note est de contribuer au diagnostic de la Politique urbaine nationale (PUN) dans le domaine de l’analyse des défis et problèmes majeurs des villes tunisiennes en termes de développement économique et social inclusif. La note présente le contexte économique et social, analyse les paramètres du développement économique local avant de conclure sur l’état de l’inclusion et les capacités des acteurs majeurs du développement économique local (DEL). 1. Le contexte socio-économique En 2020, la population tunisienne est estimée à environ 11,8 millions d’habitants. Près de 46% de la population est âgée de moins de 30 ans et près de 70% vit en milieu urbain. La Tunisie a accompli sa transition démographique matérialisée par le faible niveau des trois taux : taux de natalité de 19,4 pour mille habitants, taux de mortalité de 5,5 pour mille habitants et taux d’accroissement naturel de 1,1%. Les projections démographiques à l’horizon 2030 montrent une certaine mutation de la pyramide des âges de la population tunisienne avec une accentuation de la pression sur la demande d’éducation accompagnée par desserrement de la demande sur le marché de l’emploi. En effet, par rapport à une population globale qui augmentera de 7,9% (en passant de 11,8 millions à 12,8 millions), la population âgée de 10 à 20 ans augmentera de près de 22% et celle âgée de 20 à 30 ans baissera de l’ordre de 7%. Graphique 1 : Tunisie : Pyramide des âges 2018 et 2030 Source : Auteur, d’après World Population Prospects 2019

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Note sur le développement économique local et la politique urbaine

Hafedh Zaafrane 20 mars 2021

L’objet de la présente note est de contribuer au diagnostic de la Politique urbaine nationale (PUN) dans le domaine de l’analyse des défis et problèmes majeurs des villes tunisiennes en termes de développement économique et social inclusif.

La note présente le contexte économique et social, analyse les paramètres du développement économique local avant de conclure sur l’état de l’inclusion et les capacités des acteurs majeurs du développement économique local (DEL).

1. Le contexte socio-économique

En 2020, la population tunisienne est estimée à environ 11,8 millions d’habitants. Près de 46% de la population est âgée de moins de 30 ans et près de 70% vit en milieu urbain. La Tunisie a accompli sa transition démographique matérialisée par le faible niveau des trois taux : taux de natalité de 19,4 pour mille habitants, taux de mortalité de 5,5 pour mille habitants et taux d’accroissement naturel de 1,1%.

Les projections démographiques à l’horizon 2030 montrent une certaine mutation de la pyramide des âges de la population tunisienne avec une accentuation de la pression sur la demande d’éducation accompagnée par desserrement de la demande sur le marché de l’emploi. En effet, par rapport à une population globale qui augmentera de 7,9% (en passant de 11,8 millions à 12,8 millions), la population âgée de 10 à 20 ans augmentera de près de 22% et celle âgée de 20 à 30 ans baissera de l’ordre de 7%.

Graphique 1 : Tunisie : Pyramide des âges 2018 et 2030

Source : Auteur, d’après World Population Prospects 2019

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La Tunisie est un pays d’urbanisation ancienne et sa dynamique urbaine est originale. La périurbanisation entamée dans les années 1970, et qui se poursuit aujourd’hui malgré l’émergence de politiques de l’habitat plus favorable à la densification, n’est pas le corollaire d’une explosion démographique ou d’un exode rural massif. En Tunisie, cette forme d’urbanisation est le fruit de politiques publiques volontaristes (grandes opérations programmées) et du développement de l’habitat spontané comme palliatif à l’absence de logements accessibles pour les populations les plus modestes.

L’évolution de l’urbanisme en Tunisie a connu une dynamique plus soutenue que celle de la région ou du reste du monde. En effet partant d’un niveau d’urbanisme comparable à la moyenne mondiale (environ 30%) au début des années 1950, le taux d’urbanisme en Tunisie a atteint près de 70% en 2020 contre 56,2% au niveau mondial ou 52,5% pour la région de l’Afrique du Nord. Il est prévu que cette dynamique se poursuive durant les prochaines décennies : le taux d’urbanisme en Tunisie dépassera le seuil de 80% à l’horizon 2050. Le graphique suivant illustre cette évolution :

Graphique 2 : Évolution et projection du taux d’urbanisme, Tunisie, Afrique du Nord et Monde

Source : Auteur, d’après World Urbanization Prospects: The 2018 Revision

Le contexte économique en Tunisie est marqué par une contraction de la croissance économique durant la dernière décennie qui a atteint une moyenne de 0,8% durant la décennie 2011-2020 contre 4,5% durant la décennie précédente. Cela s’est traduit par une fragilisation de la cohésion sociale consécutive à la baisse des revenus par tête : le PIB par habitant (exprimé en USD) a baissé de plus de 22% entre 2011 et 2020 en passant de 4 265 USD à 3 323 USD alors qu’il avait augmenté de près de 84% entre 2001 et 2010 en passant de 2 253 USD à 4 142 USD en 2010.

La pandémie de la Covid-19 a durement frappé la Tunisie et a entraîné un ralentissement économique sans précédent. Le PIB réel s’est contracté de 8,2% en 2020, soit le plus important ralentissement économique depuis l’indépendance du pays. Le taux de chômage a dépassé 16% affectant plus gravement les femmes et les jeunes et alimentant le mécontentement social. Le déficit budgétaire et la dette publique ont fortement augmenté en 2020. Le déficit budgétaire a atteint 11,5% du PIB et la dette publique a atteint près de 87% du PIB. Il est prévu qu’elle dépassera le seuil de 100% en 2024.

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Graphique 3 : Évolution de la croissance du PIB et du PIB par habitant (2001-2020)

Source : Auteur, d’après les données de la Banque mondiale et du FMI

La pauvreté a reculé ces dernières années : le taux de pauvreté est passé de plus de 23% en 2005 à 15,2% en 2015 et le taux de la pauvreté extrême est passé de 7,4% à 2,9% durant la même période. Le recul de la pauvreté a concerné aussi bien le milieu urbain que le milieu rural. On ne dispose pas de données plus récentes concernant la pauvreté (l’enquête de consommation auprès des ménages est en cours de réalisation), toutefois, les estimations réalisées montrent une aggravation de la pauvreté suite à la crise sanitaire. La pauvreté passerait de 14% de la population d’avant Covid à 21% en 20201. La majeure partie de l’impact étant ressentie par les ménages les plus pauvres, concentrés dans les régions du centre-ouest et du sud-est de la Tunisie en ciblant plus les femmes n’ayant pas accès aux soins de santé et employées dans le secteur informel.

Graphique 4 : Évolution du taux de pauvreté (2005,

2010 et 2015)

Source : d’après les données de l’INS

Graphique 5 : Évolution du taux de la pauvreté

extrême (2005, 2010 et 2015)

Source : d’après les données de l’INS

1 Kokas, Deeksha; Lopez-Acevedo, Gladys; El Lahga, Abdel Rahman & Mendiratta, Vibhuti. “Impacts of COVID-19 on

household welfare in Tunisia”. 2020

14,8%

38,8%

23,1%

12,6%

36,0%

20,5%

10,1%

26,0%

15,2%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

Milieu urbain Milieu rural Tunisie

2005

2010

2015

3,0%

15,5%

7,4%

2,1%

13,6%

6,0%

1,2%

6,6%

2,9%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

40%

Milieu urbain Milieu rural Tunisie

2005

2010

2015

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2. Le DEL inclusif

Le développement économique local (DEL) se réfère à une stratégie de développement économique basée sur un territoire, dont la maîtrise d’ouvrage et la gestion sont locales. Le DEL vise à relancer l’économie locale, à faciliter la création d’emplois et des richesses et à améliorer la gouvernance et la performance municipale. Il constitue un élément fondamental des politiques de développement urbain visant à réduire la pauvreté et à améliorer les conditions de vie et du bien-être de la population.

Le développement ne peut être inclusif que si toutes les catégories de population – quels que soient leur sexe, leur origine ethnique, leur âge ou leur statut social – contribuent à créer des opportunités, partagent les bénéfices du développement et participent à la prise des décisions.

En Tunisie, le développement économique est un fait central. L’État central a toujours été l’instigateur et l’acteur du développement économique de manière directe durant les années 1960 et de manière indirecte depuis les années 1970. Le désengagement enregistré ces dernières années est dicté beaucoup plus par une certaine démission suite à la perte des moyens que d’un choix résonné de stratégie de développement.

Durant ces dernières années, on assite à une évolution paradoxale de l’économie tunisienne. La montée du secteur informel constitue désormais le moteur essentiel de la croissance économique. Les premières évaluations du poids de l’informel ont été réalisées par l’INS en 2019. Elles montrent que 45% des emplois sont redevables au secteur informel qui emploi 1,599 million de personnes pour une population active employée totale de 3,566 millions. Les hommes sont plus attirés par les emplois informels. En effet, la proportion des hommes employés dans l’informel est de 49,5% contre 31,9% pour les femmes. Les emplois informels sont plus localisés dans le secteur agricole (taux d’emplois informels de 85,6%), le bâtiment et les travaux publics (69,2%) et le commerce (64,7%).

Graphique 6 : Taux d’emplois informel par secteur d’activité (2019)

Source : d’après les données de l’INS

Hormis la conjoncture particulière de la crise sanitaire, les données montraient une amélioration de la répartition des revenus en dépit de la crise économique prévalente. En effet, la répartition est de moins en moins inégalitaire comme le montre la baisse de l’indice de Gini qui passa de plus de 40 en 2000 à 35,8 en 2010 avant d’atteindre 32,8 en 2015. De même la part des revenus détenus par le quintile le plus riche a baissé de plus de 31% en 2000 à 25,6% en 2015. Les deux graphiques suivants illustrent ces évolutions :

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Graphique 7 : Indice de Gini

(1985-2015)

Source : d’après les données de l’INS

Graphique 8 : Part des revenus détenus par les

10% les plus riches (1985-2015)

Source : d’après les données de l’INS

Cela s’explique manifestement par un effet de redistribution qui s’est opéré. La crise a profité à une nouvelle catégorie sociale jadis écartée du partage des fruits de la croissance. La montée du secteur informel en est la conséquence et la cause de cette évolution. Toutefois, il faut signaler que la prospérité de l’informel se développe dans l’anarchie et requiert un manque d’autorité voire un manque d’État. Cette dialectique a généré une dislocation de l’autorité publique et une grave crise politique et sociale qui persiste depuis plusieurs années. Ainsi, les conditions objectives de l’économie tunisienne , de plus en plus basée sur la dynamique de l’informel, combat l’autorité de l’État et milite pour sa destruction.

Ainsi, le paradoxe constaté ces dernières années consistait en une crise économique qui a abouti à une plus grande inclusion sinon à une moindre exclusion. L’effet de redistribution consécutif à une certaine restructuration de l’économie tunisienne de plus en plus tributaires des activités informelles explique cet effet à court terme. Toutefois, les conditions de prospérité de l’informel qui fragilise les structures de l’État ne manqueront pas de déstabiliser et de détruire à terme les leviers traditionnels du développement économique en Tunisie et induira manifestement une aggravation de l’exclusion économique et sociale.

Figure 1 : Crise et paradoxe : le temps court et le temps long

43,4

40,241,7 40,8

37,735,8

32,8

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

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3. Le DEL et le déficit d’acteur

Le développement de l’économie locale nécessite la réunion de plusieurs conditions articulées autour d’une vision intégrant : i) le développement de l’attractivité des territoires et la pleine exploitation de leurs potentialités, ii) l’amélioration de l’environnement propice au développement des activités économiques dans le territoire à travers l’amélioration des infrastructures urbaines et des équipements et services publics d’appui à l’économie, iii) l’amélioration de la disponibilité et des qualifications du capital humain et de l’employabilité des jeunes, iv) la consolidation de la cohésion sociale.

Le DEL repose impérativement sur une dimension territoriale laquelle dimension requiert nécessairement un acteur territorialisé. La ville est l’acteur par excellence du DEL. La notion de ville demeure vague en Tunisie. Elle est souvent et fatalement assimilée à la municipalité ou la commune. Cet acteur, appelé à jouer le premier rôle dans le DEL, présente des fragilités extrêmes tant sur le plan matériel et financier que sur le plan de prérogatives et de performances.

Les moyens financiers dont disposent les collectivités locales tunisiennes apparaissent largement insuffisantes en regard de leurs attributions. Le rôle de développement accompli par les communes s’analyse à travers leur investissement structuré au sein des Plans d’investissement communaux (PIC). Les données montrent que l’investissement communal représente moins de 1% de l’investissement total du pays et moins de 2,5% de l’investissement public qui continue d’être programmé et exécuté selon une logique sectorielle verticale à partir du niveau central de l’administration impliquant les services déconcentrés pour les services sociaux tels que l’éducation ou la santé et les agences et les sociétés publiques pour les services relatifs aux infrastructures de base tels que l’eau, l’électricité, le transport, l’assainissement, l’aménagement foncier, etc.

La régression de la dimension de développement de l’action municipale peut être illustrée par l’évolution des différents PIC réalisés : à partir de début des années 1990, les enveloppes allouées aux PIC ont régressé en termes réels en passant de 512 M TND (prix 1990) pour le second PIC (1992-1996) à 259 M TND (prix 1990) pour le cinquième PIC (2007-2011). L’augmentation enregistrée pour le PIC de 2017-2021 est potentielle car il s’agit d’une programmation et il convient d’analyser les réalisations effectives à la fin de 2021. Le graphique suivant présente l’évolution des enveloppes des différents PIC en nominal et à prix constants :

Graphique 9 : Évolution des enveloppes des PIC en nominal et à prix constants (2005-2019)

Source : Auteur d’après les données du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de l'économie, des finances et de

l'appui à l'investissement

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Le graphique suivant illustre l’évolution des dépenses communales depuis 2005. Il montre une certaine stagnation des dépenses en termes réels (427 M TND en 2005 ; 428 M TND en 2011 et 529 M TND en 2018). L’augmentation programmée en 2019 reste à être confirmée en termes de réalisations :

Graphique 10 : Évolution des dépenses communales (2005-2019)

Source : Auteur d’après les données du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de l'économie, des finances et de

l'appui à l'investissement

Ainsi la dimension économique des communes tunisiennes est extrêmement modeste. Leur poids économique est limité à moins de 1% du PIB, soit moins de 3% du budget de l’État. Ce poids n’a pas augmenté durant les 15 dernières années comme le montre le graphique suivant :

Graphique 11 : Évolution des ratios du poids des finances locales par rapport au PIB et au Budget de l’État

Source : Auteur, d’après les données du Ministère de l'économie, des finances et de l'appui à l'investissement

Les comparaisons internationales permettent d’illustrer d’avantage la modestie des moyens financiers des communes en Tunisie. Il convient toutefois de nuancer cette analyse dans la mesure où, dans ces différents pays, y compris au Maroc, les compétences des communes sont bien plus étendues qu’en Tunisie.

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Graphique 12 : Poids des finances locales par rapport au PIB et au Budget de l’État : comparaison

internationale

Source : Sources nationales, Banque mondiale

Le poids des finances locales représente au Maroc 15% du Budget de l’État (5% du PIB), 20% en Turquie (6,4% du PIB) et en moyenne 42,6% (27,5% du PIB) dans les pays de l’Union européenne. Par ailleurs, la pression fiscale locale (recettes fiscales locales/PIB) est de 0,4% en Tunisie. La moyenne des pays de l’Union européenne se situe à environ 7%. La recette fiscale locale en Tunisie est de l’ordre de 45 TND/habitant par an à comparer avec celle de l’Union européenne qui est de l’ordre de 3 000 EUR, soit 220 fois plus élevée. Cela représente environ 12% du PIB/habitant en l’Union européenne contre 0,5% en Tunisie.

Bien évidemment, avec des ressources financières aussi modestes, les communes tunisiennes peinent à répondre à leurs missions actuelles, même si celles-ci restent très limitées en pratique. Le tableau suivant donne une illustration des domaines d’intervention des communes tunisiennes comparés à ceux des communes européennes :

Tableau 1 : Domaines d’intervention des communes tunisiennes et européennes

Éducation Action sociale Gestion des

hôpitaux Eau et

Électricité Déchets Voirie Transports

Développement

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

Finlande

France

Grèce

Irlande

Italie

Luxembourg

Pays-Bas

Portugal

Suède

Tunisie

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4. Conclusion : ville et PUN

La ville est l’autorité urbaine par excellence, elle doit en obtenir le statut et l’exercer pleinement. Catalyseur et vecteur de la démocratie locale, la ville peut jouer aussi un rôle majeur dans le développement inclusif et dans la lutte contre la pauvreté. Pour y parvenir, trois préalables sont nécessaires :

❑ Réforme institutionnelle libérant la ville de la tutelle et élargissant ses prérogatives dans le domaine social et économique ;

❑ Renforcement de sa légitimité opérationnelle ;

❑ Renforcement de ses capacités.

La Tunisie a un besoin urgent d’une politique de développement régional et aussi d’une politique régionale de développement courageuses, solidaires, inclusives et ambitieuses et capables de modifier les rapports régionaux en profondeur. Sans cela, toute décentralisation aboutira simplement à confier aux pauvres la responsabilité de gérer leur misère

La PUN peut jouer le rôle de catalyseur et vecteur de la décentralisation axée sur un développement économique et social inclusif. Deux préalables fondamentaux sont nécessaires : i) Rétablir l’autorité de l’État ; ii) Concéder l’autorité retrouvée et aussi les moyens d’exercice de cette autorité ou de ces prérogatives.

Les analyses effectuées à ce stade du processus de la PUN montrent impérativement que la PUN doit être contextualisée en intégrant pleinement l’ampleur de la crise actuelle en passe de s’enraciner et de se structuraliser. La PUN de la décennie 2020 serait une PUN de crise définissant les priorités et assurant les articulations requises entre les différentes dimensions économiques, politiques et le sociales.

La PUN de la décennie 2020 devrait se focaliser sur le (r)établissement des fondamentaux avec une impérieuse nécessité d’intégrer la donne du contexte de crise. Les domaines d’analyse prioritaires demeurent : i) les mécanismes institutionnels : Décentralisation/déconcentration ; ii) la mise en place et le renforcement des acteurs ; iii) le renforcement des outils de gestion et de planification : PDR, PDL contextualisés ; iv) la sauvegarde et la préservation des fonctions actuelles et traditionnelles avant de penser à l’élargissement.

En matière de développement économique, les priorités de la PUN en période de crise viseraient les aspects suivants : i) assurer la disponibilité des services de base ; ii) améliorer les conditions d’exercice des activités et l’environnement des affaires ; iii) opérationnaliser des instruments existants : Partenariat public-privé et l’Économie sociale et solidaire ; iv) définir des nouvelles notions et de nouveaux instruments comme le concept de Quartiers prioritaires et la notion de Zones franches urbaines.

Finalement la PUN mérite d’être institutionnalisée. L’exemple français mérite d’être analysé. En effet, la loi de 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine défini la politique de la ville, met en place un Observatoire national de la politique de la ville, arrête le nouveau programme national de renouvellement urbain et précise les instruments de la gouvernance de la politique de la ville dont les contrats de ville et le conseil citoyen.