Tumeur trichilemmale proliférante de la région ischio-rectale

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Annales de pathologie (2011) 31, 316—319 CAS ANATOMOCLINIQUE Tumeur trichilemmale proliférante de la région ischio-rectale Proliferating trichilemmal tumor of the ischiorectal fossa Zineb Makhlouf a,,e , Olivier Verola b , Agnès Senejoux c , Antoine Duval d , Benoît Terris e , André Balaton a , Vincent Molinie a a Service d’anatomie pathologique, hôpital Saint-Joseph,185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France b Service d’anatomie pathologique, hôpital Saint-Louis, 1, rue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France c Service de proctologie, hôpital Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France d Service d’imagerie, hôpital Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, France e Service d’anatomie pathologie, hôpital Cochin, université Paris-Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France Accepté pour publication le 8 mai 2011 Disponible sur Internet le 7 juillet 2011 MOTS CLÉS Kyste trichilemmal ; Tumeur trichilemmale proliférante ; Région ischio-rectale Résumé La tumeur trichilemmale proliférante (TTP) est une tumeur rare, d’évolution lente, prolongée, le plus souvent bénigne, pouvant cependant présenter un potentiel évolutif péjora- tif. La TTP survient le plus souvent chez les femmes âgées, au niveau du cuir chevelu ; d’autres localisations ont été observées. Nous rapportons un cas de TTP, particulier par sa localisation dans la région ischio-rectale, qui aurait pu faire porter le diagnostic de carcinome épidermoïde. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Trichilemmal cyst; Proliferating trichilemmal tumor; Ischiorectal fossa Summary Proliferating trichilemmal tumor (PTT) is rare and follows a protracted course, almost always benign. Nevertheless an adverse outcome may occur. Usually PTT presents as an indolent mass in the scalp of elderly women. We report a case of PTT localized in the ischiorectal fossa, which might have been diagnosed as an epidermoid carcinoma. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Z. Makhlouf). 0242-6498/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2011.05.011

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Zineb Makhloufa,∗,e, Olivier Verolab,Agnès Senejouxc, Antoine Duvald, Benoît Terrise,André Balatona, Vincent Moliniea

a Service d’anatomie pathologique, hôpital Saint-Joseph,185, rue Raymond-Losserand,75674 Paris cedex 14, Franceb Service d’anatomie pathologique, hôpital Saint-Louis, 1, rue Claude-Vellefaux,

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Accepté pour publication le 8 mDisponible sur Internet le 7 juille

MOTS CLÉSKyste trichilemmal ;Tumeurtrichilemmaleproliférante ;Région ischio-rectale

Résumé La tumeur trichilemmprolongée, le plus souvent bénigtif. La TTP survient le plus souvelocalisations ont été observées.dans la région ischio-rectale, qui© 2011 Elsevier Masson SAS. Tou

KEYWORDSTrichilemmal cyst;Proliferatingtrichilemmal tumor;Ischiorectal fossa

Summary Proliferating trichilalmost always benign. Neverthelindolent mass in the scalp of eldefossa, which might have been di© 2011 Elsevier Masson SAS. All

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (Z. Makhlouf).

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, hôpital Cochin, université Paris-Descartes, 27, rue duParis cedex 14, France

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ale proliférante (TTP) est une tumeur rare, d’évolution lente,ne, pouvant cependant présenter un potentiel évolutif péjora-nt chez les femmes âgées, au niveau du cuir chevelu ; d’autresNous rapportons un cas de TTP, particulier par sa localisationaurait pu faire porter le diagnostic de carcinome épidermoïde.

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emmal tumor (PTT) is rare and follows a protracted course,ess an adverse outcome may occur. Usually PTT presents as anrly women. We report a case of PTT localized in the ischiorectalagnosed as an epidermoid carcinoma.rights reserved.

réservés.

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Tumeur trichilemmale proliferante de la région ischio-recta

Introduction

La tumeur trichilemmale proliférante (TTP) est une tumeurannexielle qui prend naissance à partir de la portion isth-mique du follicule pileux. Peu fréquente, d’évolution lente,cette lésion est décrite pour la première fois par WilsonJones en 1966 [1] sous le terme de kyste épidermoïde proli-férant, dénommée également sous d’autres vocables [2,3] :kyste trichilemmal proliférant, pilomatricome malin, trichi-lemmome kératinisant, trichochlamydocarcinome, tumeurpilaire proliférante. La TTP survient préférentiellement auniveau du cuir chevelu des femmes âgées, plus rarement auniveau du front, de la paupière [4], du cou [5], des régionsthoracique et abdominale, de l’aine, de la fesse [6] et de

la vulve [7]. Le plus souvent bénigne, la TTP peut récidiverlocalement, et plus rarement présenter un potentiel évo-lutif péjoratif. Nous présentons un cas de TTP inhabituellede par sa localisation dans la région ischio-rectale, pouvantfaire porter le diagnostic de carcinome épidermoïde.

Observation

La patiente, âgée de 50 ans, présente une masse tumo-rale de siège ischio-rectal gauche, non douloureuse, nonulcérée, évoluant depuis plusieurs années. Une premièreexérèse a été effectuée au Maghreb, il y a dix ans, en raisond’une gêne locale, sans diagnostic histologique connu. Unerécidive tumorale récente s’est traduite par une symptoma-tologie identique à la précédente mais sans aucune notiond’évolutivité rapide.

L’IRM révèle une tumeur bilobée à composante kystiqueet tissulaire développée aux dépens de la fosse ischio-analegauche (Fig. 1).

Une exérèse élargie est effectuée avec des suites opéra-toires simples.

Macroscopiquement, la pièce d’exérèse tumorale mesure8 × 6 × 4 cm, revêtue d’un lambeau cutané de 5 × 4 cm, sansulcération. La tranche de section révèle une tumeur de

Figure 1. Tumeur bilobée à composante kystique et tissulaire(IRM).Bilobed cystic and tissular component tumor (MRI).

Figure 2. Tumeur trichilemmale proliférante : aspect macrosco-pique avec secteurs kystiques et solides.Proliferating trichilemmal tumor: macroscopic well limited tumorwith cystic and firm areas.

6 × 4 × 3 cm, pleine, blanchâtre, de consistance ferme, bienlimitée, en partie kystique. Cette tumeur est à distance deslimites de résection chirurgicale (Fig. 2).

Microscopiquement, il s’agit d’une prolifération tumo-rale plurinodulaire en partie kystique et en partie solide.La composante kystique est de type trichilemmal, avecdes cavités contenant des amas résiduels de kératine detype trichilemmal, bordée d’une paroi malpighienne sanscouche granuleuse. La partie solide est constituée de lobulesbien circonscrits (soulignés par une membrane basale PASpositive), présentant une architecture malpighienne orga-

noïde ou des enroulements concentriques centrés de petitskystes cornés à kératine trichilemmale ou de cellules dyské-ratosiques. Il n’existe qu’une discrète anisocaryose et lesmitoses sont rares. Quelques cellules malpighiennes pré-sentent un cytoplasme clarifié. Le stroma est abondant etinflammatoire, directement au contact des amas de kéra-tine. Il existe une réaction macrophagique et quelquesfoyers de calcification (Fig. 3a, b, c).

La bonne limitation tumorale, le caractère proliférantde la formation kystique trichilemmale ainsi que l’absenced’anomalies cytonucléaires et la rareté des mitoses fontretenir le diagnostic de tumeur trichilemmale proliférantebénigne.

Discussion

La TTP est une tumeur paraissant se développer à partirdes cellules de la gaine folliculaire externe ou le plus sou-vent à partir d’un kyste trichilemmal, après de multiplestraumatismes et/ou d’inflammations itératives [3].

Cette tumeur, d’évolution lente et prolongée, siège leplus souvent au niveau du cuir chevelu (90 % des cas) ;plus rarement, d’autres localisations ont été rapportées(face, tronc, pubis, vulve, membres. . .). Elle peut être

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igure 3. Tumeur trichilemmale proliférante : a : aspect micro-copique de la tumeur multilobulée partiellement kystique (× 10) ;: zone de jonction de la partie lobulée et kystique de la tumeur

× 20) ; c : plage de keratose trichilemmale (× 40)

roliferating trichilemmal tumor: a: microscopic appearance oflurilobular and cystic tumor (× 10); b: junction area of lobulatednd cystic parts of tumor (× 20); c: field of trichilemmal keratosis× 40).

olumineuse (de 1 à 25 cm). Un épisode de progressionapide doit faire craindre une rare mais possible transfor-ation maligne [8].Sur le plan histologique, la TTP est une tumeur bien

imitée associant en proportions variables une composanteystique et une composante solide. La composante kys-ique montre des kystes trichilemmaux avec parfois desbauches d’enroulement au sein de la bordure épithéliale.a composante solide est constituée de lobules de tailleariable comportant en périphérie des cellules basaloïdest des acanthocytes de grande taille au centre, rarementvec un cytoplasme clair. Il peut exister quelques cellulesomifiées. La plupart des cellules tumorales ne montrentas d’anisocaryose et les mitoses sont peu nombreuses0 à 4 × 10 champs de 40). Assez souvent, cependant, ilxiste quelques zones avec des atypies cytonucléaires modé-ées, souvent plus mitotiques. Les lobules tumoraux sonternés d’une membrane basale PAS positive.

Ces structures épithéliales siègent au sein d’un tissubreux abondant, plus ou moins riche en fibroblastes et

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Z. Makhlouf et al.

ontenant assez souvent des granulomes macrophagiquesésorptifs au contact d’amas de kératine trichilemmale.

Les TTP malignes vont présenter le plus souvent destypies sévères avec anisocaryose marquée, nombreusesitoses, certaines anormales, cellules dyskératosiques,lages de nécrose, stroma desmoplastique et caractère infil-rant en périphérie. Il s’y associe souvent une composanteénigne [9—12].

Le diagnostic différentiel de la TTP, lorsqu’elle comprendes zones atypiques et un caractère infiltrant, peut être dif-cile avec une TTP maligne ou un carcinome épidermoïde.

L’étude immuno-histochimique est une aide au diagnostice la malignité de TTP, et dans le diagnostic différentiel avece carcinome épidermoïde en particulier :

le marqueur Proliferating cell nucear antigen permetde distinguer une TTP bénigne d’une TTP focalementmaligne ou franchement maligne. Seules, les cellulesbasales sont positives dans le kyste trichilemmal et laTTP bénigne, massivement positives dans les zones infil-trantes, malignes [2] ;le CD34, marqueur de différentiation pilaire, est fai-blement positif dans la TTP maligne, négatif dans lecarcinome épidermoïde infiltrant [2] ;AE13 et AE14, anticorps monoclonaux dirigés contre lakératine pilaire sont positifs dans les TTP et négatifs dansle carcinome épidermoïde [2,11].

Mais l’aspect histologique n’est pas toujours prédictif de’évolution [12] aussi un démembrement des TTP en troisroupes a été proposé par Ye [11] :

groupe 1, lésion bénigne sans récidive, bien limitée, avecatypies légères, sans mitose atypique, nécrose ou enva-hissement vasculaire et périnerveux ;groupe 2, lésion maligne de bas grade, qui peut récidi-ver, présente de plus une limitation irrégulière et uneinfiltration tumorale focale ;groupe 3, tumeur maligne de haut grade, récidi-vante, manifestement infiltrante, avec un polymorphismenucléaire, des mitoses atypiques, une nécrose tumorale etune possible invasion vasculaire et péri-nerveuse.

Les tumeurs du groupe 3 des TTP peuvent être confon-

ues avec un carcinome épidermoïde. La présence d’uneératinisation trichilemmale, l’absence de rapport avec’épiderme, l’absence de lésion préépithéliomateuse ou dealadie de Bowen associée permettent d’écarter le diag-

ostic de carcinome épidermoïde [3,11].Sur le plan thérapeutique, l’exérèse chirurgicale est

imple dans la forme bénigne. Il est habituellement recom-andé qu’elle soit large dans les formes malignes avec

ne marge de 1 cm. La radiothérapie et la chimiothérapieeraient recommandées pour les formes malignes et méta-tasiantes [2,11,12].

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

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