Étude de cas sur la microfinance à Madagascar : promotion ... · Madagascar est un pays habité...

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Avancer la finance africaine au XXI e siècle Séminaire de haut niveau organisé par l’Institut du FMI en collaboration avec l’Institut multilatéral d’Afrique Tunis, Tunisie, du 4 au 5 mars 2008 Séance II : Développer les institutions financières et les marchés financiers Étude de cas sur la microfinance à Madagascar : promotion d’un secteur viable Emma Andrianasolo Commission de Supervision Bancaire et Financière, Madagascar Les opinions exprimées dans ce document sont uniquement celles des auteurs. Le fait qu’elles soient reprises directement ou par hyperliens sur le site Internet du FMI n’implique en aucun cas que le FMI, le Conseil d’Administration du FMI ou la direction du FMI les approuvent ou les partagent.

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Avancer la finance africaine au XXIe siècle Séminaire de haut niveau organisé par l’Institut du FMI

en collaboration avec l’Institut multilatéral d’Afrique Tunis, Tunisie, du 4 au 5 mars 2008

Séance II : Développer les institutions financières et les marchés financiers

Étude de cas sur la microfinance à Madagascar : promotion d’un secteur viable

Emma Andrianasolo Commission de Supervision Bancaire et Financière, Madagascar

Les opinions exprimées dans ce document sont uniquement celles des auteurs. Le fait qu’elles soient reprises directement ou par hyperliens sur le site Internet du FMI n’implique en aucun cas que le FMI, le Conseil d’Administration du FMI ou la direction du FMI les approuvent ou les partagent.

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Finance Africaine au 21ème siècle

Tunis 4-5 mars 2008

La microfinance à Madagascar : promotion d’un secteur viable

par

Emma ANDRIANASOLO, Directeur de la Microfinance,

Commission de Supervision Bancaire et Financière Madagascar

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SOMMAIRE Historique …………………………………………………………………………………….2

1. La stratégie du gouvernement pour soutenir la microfinance..................................... 3

1.1. L’engagement du gouvernement et l’appui des partenaires financiers .............. 3

1.1.1. La mise en œuvre de projets d’envergure pour le développement de la

microfinance....................................................................................................... 3

1.1.2. La stratégie nationale de la microfinance.......................................................... 3

1.1.3. Le programme de formation et de sensibilisation .............................................. 4

1.1.4. Les autres mesures ............................................................................................. 4

1.2. Une réglementation appropriée favorisant le développement du secteur........... 5

1.2.1. Trois niveaux d’IMF selon leurs risques............................................................ 5

1.2.2. Des conditions différenciées selon les niveaux .................................................. 5

1.3. Une supervision adoptée aux risques des IMF................................................... 6

2. La situation récente du secteur ....................................................................................... 9

2.1. L’expansion et la pénétration de la microfinance .............................................. 9

2.2. Les organismes actifs en microfinance ............................................................ 10

2.2.1. Les IMF mutualistes ......................................................................................... 10

2.2.2. Les IMF non mutualistes .................................................................................. 11

2.2.3. Les établissements de crédit spécialisés dans la microfinance........................ 11

2.2.4. Les banques classiques..................................................................................... 11

2.3. Les activités...................................................................................................... 12

2.3.1. Les opérations autorisées pour la microfinance .............................................. 12

2.3.2. Les réalisations ................................................................................................ 13

2.4. La situation financière ...................................................................................... 14

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3. L’avenir de la microfinance malagasy ......................................................................... 15

3.1. Les difficultés à surmonter ............................................................................... 15

3.1.1. Les difficultés d’origine interne ....................................................................... 15

Les problèmes de gouvernance ........................................................................ 15

Les crises de croissance ................................................................................... 15

3.1.2. Les facteurs exogènes ....................................................................................... 16

Le dilemme entre vocation sociale et pérennité ............................................... 16

La quasi inexistence de concurrence ............................................................... 16

3.2. La recherche de dispositif plus efficace ........................................................................ 17

3.2.1 La prévention des risques de surendettement .................................................. 17

3.2.2 La constitution d’une base de données sur les indicateurs de gestion............. 17

3.2.3 Les autres balises réglementaires .................................................................... 17

3.2.4 Les réflexions sur l’utilisation des progrès technologiques............................. 17

Conclusion ……………………………………………………………………………...……18

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Quelques indicateurs sur Madagascar

2006 2007 Surface : 587 041 km² Population en million d’habitants : 17,7 18,2 Croissance démographique : 2,9% 2,9% Croissance annuelle du PIB : 5,0% 6,3% Population vivant en dessous du seuil de la pauvreté : 67,5% ND Taux d’inflation : 10,8% 8,2% Taux de change USD/Ariary : 2142,3 1873,8 Taux de change EUR /Ariary : 2686,7 2563,2 Nombres d’établissements de crédit agréés : 23 25 -dont banques 7 8 -dont établissements financiers 7 8 -dont Institutions de microfinance 9 9

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PROJET Historique Madagascar est un pays habité par 18,2 millions de malagasy formés en majorité de ruraux qui résident dans des zones souvent d’accès difficile et dont la principale source de revenu est l’agriculture, l’élevage ou la pêche. Les exploitations agricoles souffrent énormément de financement et la production s’en fait sentir. Les priorités des gouvernements qui se sont succédés ont de ce fait porté sur la recherche de solutions tendant à l’accroissement de la production du secteur primaire par le biais, notamment, de leur financement. Les actions se sont concentrées sur l’offre de petits crédits à travers des organismes privés et gouvernementaux. Dans certains cas, l’appui du gouvernement a même consisté en prise en charge directe des besoins financiers ou en apport sous forme de subventions. Vers la fin des années 1980, avec la libéralisation du secteur financier, un projet pilote de promotion de petits services financiers privés a été mis en œuvre. Le programme consistait à faciliter la mise à la disposition des ruraux de services financiers à travers l’incitation à l’épargne et le crédit rural. A cet effet, des systèmes de microfinancement ont été implantés par des promoteurs étrangers, en même temps assistants techniques, qui se sont vus répartir des régions du pays. Le fonctionnement du système a été inspiré par une pratique courante dans les relations au sein des villages à savoir l’esprit d’entraide et la coopération mutuelle. Les organisations mises en place bénéficiaient généralement de subventions d’équipement et d’exploitation. Après une dizaine d’années d’exercice, les résultats ont été jugés concluants. L’intérêt de la population pour les services de microfinance s’est amplifié et les caisses se sont multipliées. En 1995, la loi régissant les activités bancaires a été adoptée. Elle définit les opérations bancaires et consacre la commission bancaire comme seule autorité de surveillance des établissements de crédit. Par ailleurs, il s’est avéré que l’institutionnalisation des organismes offrant des services de microfinance issus pour la plupart du projet pilote, était devenue indispensable pour asseoir leur crédibilité. C’est ainsi qu’une loi portant sur les activités des institutions financières mutualistes fut publiée en 1996. Des organisations mutualistes, opérant en tant que projet, ont demandé et obtenu leur agrément de la Commission Bancaire dès 1999 en régularisation de leur situation vis-à-vis de la loi. Depuis, neuf réseaux mutualistes ont été agréés. Par contre, les non mutualistes avaient deux alternatives, soit celle de se ranger par rapport à l’une des formes d’établissements de crédit prévues par la loi bancaire, formes dont aucune ne prévoyait pourtant pas spécialement l’activité de microfinance, soit celle d’attendre l’adoption d’une réglementation propre des institutions non mutualistes tout en étant opérationnelles. Vers le début des années 2000, ayant adhéré aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, et conformément au Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté, Madagascar a décidé de faire de la microfinance l’instrument privilégié de réduction de moitié sa population pauvre en 2015. Cette politique, qui se proposait d’étendre l’implantation des institutions de microfinance pour couvrir tout le pays, a été confirmée en 2007 par le MAP (Plan d’action pour Madagascar) couvrant la période 2007-2012. Le MAP dispose parmi ses différents engagements que les ménages pauvres et à bas revenus auront l’opportunité d’accéder à des crédits à des conditions avantageuses leur permettant d’ entreprendre des activités génératrices de revenu et qu’une vaste gamme de produits financiers sera fournie à une large proportion de la population.

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1. La stratégie du gouvernement pour soutenir la microfinance Le gouvernement s’est engagé à affranchir les démunis de leur situation de pauvreté par le biais de l’accès aux services financiers dans le cadre d’une politique axée sur trois grandes orientations, à savoir :

- la poursuite de la mise en œuvre de projets de grande envergure appuyés par des bailleurs institutionnels visant la promotion des IMF,

- la définition d’un cadre réglementaire favorable au bon fonctionnement des IMF,

- la mise en place d’une autorité de supervision des IMF adaptée leurs risques et en même temps, apte à accompagner le développement des institutions.

1.1. L’engagement du gouvernement et l’appui des partenaires financiers

1.1.1. La mise en œuvre de projets d’envergure pour le développement de la microfinance

Continuant sur la ligne de conduite qu’il s’est tracée depuis des dizaines d’années, Madagascar a mis en œuvre, à partir de 1999, un programme pluriannuel de microfinancement avec comme objectif l’amélioration des revenus et du niveau de vie de la population pauvre en fournissant un environnement favorable au développement du secteur de la microfinance. Environ 117 000 ménages étaient alors ciblés, soit pour une moyenne de 5 personnes par ménage, quelques 585 000 habitants. L’exécution du projet a été confiée à un organisme privé à but non lucratif dont la mission principale consistait, en la création de caisses de microfinance autonomes et pérennes offrant des services financiers durables à la population pauvre et devant se passer d’appui extérieur à terme. Cet organisme devait, en outre, appuyer le développement des compétences dans la promotion du secteur. Le second volet du projet, dont la Banque Centrale, par l’intermédiaire de la Commission de Supervision Bancaire et Financière (CSBF), est l’agence d’exécution, visait la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire incitatif, approprié à la microfinance, ainsi que le renforcement des capacités des inspecteurs pour un meilleur contrôle des IMF. D’autres projets non moins importants financés dans le cadre de relations bilatérales ou multilatérales ont été mis en œuvre. Quelques uns d’entre eux couvrent, en plus du secteur financier, d’autres domaines relatifs à la création d’IMF, au refinancement de lignes de crédit auprès des banques, aux appuis technique des responsables d’IMF et de la CSBF.

1.1.2. La stratégie nationale de la microfinance

Les années 2000 ont vu les efforts du gouvernement s’affermir davantage pour permettre à la microfinance d’accomplir la mission d’offrir des services financiers à la population déshéritée. En 2004, la Stratégie nationale de la microfinance (SNMF) a été définie. La SNMF se propose notamment de « rassembler les acteurs autour d’actions aptes à renforcer le

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secteur et à le développer. Son objectif est de disposer d’un secteur de la microfinance professionnel, viable et pérenne, intégré au secteur financier, diversifié et innovant, assurant une couverture satisfaisante de la demande du territoire et opérant dans un cadre légal, réglementaire, fiscal et institutionnel adapté et favorable ». Elle précise le rôle des différents intervenants, les activités à entreprendre et le budget y afférent. Pour l’atteinte de cet objectif, la Coordination nationale de la microfinance (CNMF) a été instituée au Ministère des Finances. Elle s’est vu confiée la mission d’assurer la coordination de la politique générale du gouvernement en matière de microfinance, la promotion du secteur et le suivi des activités de ses intervenants. Au sein de la CNMF, est constitué un comité de pilotage qui est une plateforme d’observations et de débats pour améliorer les conditions de développement de la microfinance. Les représentants des institutions de microfinance (IMF), à travers leurs associations professionnelles, le ministère chargé de l’agriculture et de l’élevage, le ministère chargé des finances, les bailleurs de fonds et la CSBF constituent les membres du comité de pilotage.

1.1.3. Le programme de formation et de sensibilisation

Le constat de l’insuffisance des capacités des dirigeants et aussi des techniciens, souvent non préparés à la gestion d’une IMF, situation qui génère de fréquentes crises de gouvernance ou un taux élevé de rotation, a amené le gouvernement à lancer un vaste programme de formation à l’intention de tous les acteurs de la microfinance avec l’appui de plusieurs partenaires financiers étrangers. Le programme couvre plusieurs domaines et s’étale sur une longue période. Il est constitué de différents composants selon la catégorie du bénéficiaire de la formation ciblée.

- A l’intention des réseaux, elles vont des modules théoriques de quelques jours pour les techniciens aux formations pratiques permanentes auprès des institutions pour imprégner les dirigeants sociaux et exécutifs ou les gestionnaires des connaissances nécessaires à l’accomplissement de leur mission ; - En faveur de la population, ce sont plutôt des séances d’information-formation et aussi de vulgarisation afin de la sensibiliser à l’utilité des services financiers et l’éduquer à la gestion de l’épargne et du crédit. Plus particulièrement, la culture de crédit a été inculquée à la population qui, pour avoir eu l’habitude de bénéficier de subventions non remboursables, ne se préoccupait pas jusqu’alors d’honorer les échéances ; - Par ailleurs, le renforcement des capacités de la CSBF, nécessaire pour la réalisation de contrôle efficace spécifique aux établissements de microfinance, s’est avéré indispensable. En effet, le contrôle d’IMF est un exercice relativement récent par rapport à celui des banques classiques auquel les inspecteurs ont été habitués ; - A l’endroit des autorités locales et aux personnes susceptibles d’être intéressées par la création d’IMF, des programmes de vulgarisation ont été réalisés par voie de clips publicitaires, émissions radiophoniques ou télévisées ainsi que des films.

1.1.4. Les autres mesures Ces différentes actions s’accompagnent d’autres mesures concourant au développement du secteur, telles que les réformes foncières tendant à mettre à la disposition des paysans des

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certificats fonciers, documents nécessaires à l’appui de leur dossier de crédit ou à la sécurisation de leur exploitation, des incitations fiscales pour les IMF.

1.2. Une réglementation appropriée favorisant le développement du secteur En collaboration avec tous les intervenants et les différents acteurs, le gouvernement a défini un cadre légal et règlementaire souple dont l’objectif primordial est de permettre le développement harmonieux du secteur.

1.2.1. Trois niveaux d’IMF selon leurs risques

La loi sur les activités de microfinance a été adoptée en 2005. Il s’agit de la première loi régissant ce type d’activités et qui s’applique aussi bien aux IMF mutualistes que non mutualistes. Elle cherche à permettre à toutes les initiatives de microfinance, y compris les petites, de s’institutionnaliser et de fonctionner dans un cadre sécurisant. En effet, pour le législateur malagasy, l’offre de services de microfinance est une activité bancaire, et les IMF, au même titre que les banques, sont des établissements de crédit. L’exercice d’activités bancaires est conditionné à l’obtention de l’autorisation préalable de la CSBF, la seule autorité de contrôle qui est, en outre, chargée de surveiller le bon fonctionnement des établissements de crédit et, le cas échéant, de les sanctionner. La loi prévoit trois niveaux d’IMF. Selon son degré de développement, les risques auxquels elle s’expose du fait de ses opérations bancaires et de son mode de fonctionnement, l’IMF est classée dans l’un des trois niveaux prévus. Les textes d’application précisent, entre autres, les formes juridiques, le capital minimum et les opérations autorisées. A chaque niveau correspond une forme de contrôle de la CSBF -Aux IMF de niveau 1 qui sont considérées comme à risques mineurs, étant donné la taille réduite de leurs opérations, une « licence » est accordée et l’intervention de la CSBF se limite à s’assurer de l’existence d’une structure légère de gouvernance et de la régularité des opérations bancaires. -Les IMF 2 et IMF 3 doivent obtenir l’ « agrément » de la CSBF préalablement à l’exercice de l’activité et sont soumises à la supervision de celle-ci. Les IMF classées dans ces deux niveaux se distinguent par la taille respective de leurs opérations ainsi que par la structure de leur gouvernance et le degré de professionnalisme de leur gouvernant.

1.2.2. Des conditions différenciées selon les niveaux La forme juridique est adaptée aux caractéristiques de l’institution La forme de société commerciale est exigée des IMF non mutualistes lorsqu’ elles collectent des dépôts du public. Les autres peuvent prendre la forme d’association. Pour les mutualistes, les caisses de base gardent la forme coopérative quelque soit leur niveau d’appartenance,

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dans la mesure où elles ne sont autorisées à recevoir que les épargnes de leurs membres. Par contre, les structures de regroupement peuvent se constituer en sociétés. Un capital minimum progressif selon le niveau de classification Un capital minimum progressif selon le niveau de classification est requis pour l’exercice de l’activité à partir du moment où l’IMF prend la forme de sociétés. La valeur du capital éxigé est au moins conforme au droit commun. IL devient plus important quand l’ IMF se livre à la collecte de dépôts du public. La composition du portefeuille La composition du portefeuille est soumise à des conditions permettant aux IFM de remplir leur mission sociale tout en leur facilitant l’atteinte de leur viabilité. Il est exigé des IMF 2 et 3 de réserver trente pour cent de leur portefeuille pour des petits crédits au bénéfice des défavorisés, mais en compensation, il leur est permis de dépasser le plafond de crédit autorisé pour leur niveau, à concurrence de dix pour cent de leur portefeuille. L’objectif est de couvrir leurs charges et contribuer à l’atteinte de leur viabilité.

1.3. Une supervision adoptée aux risques des IMF Dans la réalisation de sa mission de protection des petits épargnants et de l’intégrité du système financier à lui assignée par la loi, la CSBF s’est engagée particulièrement à contribuer à fournir aux IMF un mécanisme de supervision souple facilitant leur développement tout en étant sécurisant. Elle a créé en son sein une unité chargée spécialement de suivre l’évolution du secteur qui s’assure notamment de la mise en place des balises nécessaires au bon fonctionnement des IMF. Par rapport à son rôle en matière de surveillance des autres établissements de crédit qui sont plus professionnels, la relation CSBF-IMF est assez spécifique du fait des particularités du secteur. Dans cette optique, la CSBF intervient dans trois domaines précis, à savoir la définition du cadre juridique, l’accompagnement des réseaux dans le cadre de leur supervision, et la participation à la Stratégie nationale de la microfinance. Ainsi : elle est très active dans la définition des textes constituant le cadre juridique applicable aux institutions de microfinance Elle a été la cheville ouvrière dans l’élaboration de la loi et de ses décrets d’application. Elle propose au gouvernement les règles qu’elles jugent indispensables pour la bonne santé des IMF, elle donne son avis sur les projets de textes qui ont trait à la microfinance en plus des instructions d’application de la loi dont elle a la seule compétence. Soucieuse d’obtenir un dispositif réglementaire adapté aux spécificités du contexte du pays et qui contribue à l’expansion du secteur, elle adopte une démarche participative en associant tous les acteurs aux différentes étapes des travaux de préparation. elle accompagne les organismes de microfinance à travers : -les échanges et les relations qu’elle entretient avec les responsables d’IMF lors des instructions des demandes d’agrément, en vue d’améliorer la qualité de ces dossiers et de

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réunir les meilleures conditions exigées pour la viabilité des IMF. L’expérience a montré qu’un grand nombre des demandes soumises présentent initialement des incohérences. Le Secrétariat Général de la CSBF est, en conséquence, souvent obligé de tenir de longues séances de travail avec les promoteurs avant qu’ils ne parviennent à constituer un dossier cohérent pouvant être soumis à la décision des membres de la Commission. -- les formations et les éclaircissements que les IMF lui réclament durant les contrôles sur place et régulièrement à distance lors du contrôle permanent. L’exercice de cette activité est mis à profit pour apporter les précisions ou les explications demandées par les dirigeants pour une bonne gestion de leurs institutions. Ainsi, outre la surveillance des IMF proprement dite, une certaine forme d’assistance pour une meilleure conduite des affaires est attendue de l’autorité de tutelle. Cette activité appréciée particulièrement par les mutualistes, nécessite une plus grande disponibilité des inspecteurs en dépit de l’insuffisance de leur effectif. elle est membre du comité de pilotage de la CNMF La participation au comité de pilotage procure à la CSBF l’occasion de s’informer et d’apporter sa contribution pour étudier et analyser les défis auxquels le secteur est confronté. La CSBF est surtout sollicitée pour tous les travaux et les décisions ayant trait à la bonne santé des institutions et du secteur en général. A titre d’exemple, font souvent l’objet de discussions au niveau du comité de pilotage, la recherche de solutions devant résoudre les menaces de désaffiliation d’une IMF qui compromettent l’avenir du réseau, les mesures à prendre pour pallier à certaines faiblesses de la gouvernance, la protection des IMF face à des tentatives d’emprise d’origine externe réduisant les opportunités d’appropriation du réseau par les membres.

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2. La situation récente du secteur

2.1. L’expansion et la pénétration de la microfinance L’évolution de la microfinance a été remarquable. A l’heure actuelle, elle est présente dans la plupart des régions du pays mais avec une couverture inégale, les zones urbaines et les agglomérations ayant une plus forte densité. Depuis 1996, année de publication de la loi sur les institutions financières mutualistes, neuf réseaux d’IMF mutualistes ont obtenu l’agrément de la CSBF. Ces réseaux regroupent 447 caisses et guichets. Elles desservent le pays et sont implantées dans les zones urbaines mais surtout dans les zones rurales enclavées. L’évolution du nombre de caisses a été considérable jusqu’au début des années 2000, période où, ayant prévu des signes précurseurs de défaillance, la CSBF a été amenée à recommander la limitation de l’expansion géographique des caisses pour plutôt se préoccuper de la consolidation des acquis. Grâce aux efforts d’animation, les membres des caisses se sont de plus en plus étoffées : elles rassemblent au total 342 910 adhérents, soit en moyenne 767 adhérents chacune contre seulement 113 dix années plus tôt. Comparé au secteur des banques qui compte seulement 8 établissements avec 139 guichets, l’attrait de la microfinance mutualiste est remarquable. En effet, un guichet de microfinance est actuellement aux services de 37 000 habitants contre, pour les banques, un guichet pour trois fois plus de personnes. Evolution des caisses et des membres des IMF mutualistes :

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Nombres de caisses 155 204 248 271 336 363 337 370 386 399 421 447

Var en% - 31,6% 21,6% 9,3% 24,0% 8,0% -7,2% 9,8% 4,3% 3,4% 5,5% 6,2%

Nombres de membres 17 590 28 294 47 472 60 775 92 946 116 977 135 305 179 399 198 912 232 347 294 173 342 910

Var en% - 60,9% 67,8% 28,0% 52,9% 25,9% 15,7% 32,6% 10,9% 16,8% 26,6% 16,6%

Effectif moyen par caisse 113 138 191 224 276 322 407 485 515 582 698 767

Var en% - 22,1% 38,4% 17,3% 23,2% 16,7% 26,4% 19,2% 6,2% 13,0% 19,9% 9,9%

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50 000

100 000

150 000

200 000

250 000

300 000

350 000

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1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007année

Nbre

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600

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Nbre

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Nombres de membres Nombres de caisses

Effectif moyen par caisse

Les statistiques sont moins disponibles pour les non mutualistes qui, pour le moment, ne sont pas toutes réglementées, la loi sur la microfinance n’ayant pas encore reçu d’application de leur part. Les IMF non mutualistes se sont aussi répandues mais à un rythme moins soutenu que les mutualistes, du fait notamment de l’absence de cadre juridique adapté à leurs activités, ce qui a sans doute réduit l’intérêt des investisseurs. Elles ont coexisté avec les mutualistes dans les grandes villes mais n’ont effectivement commencé à étendre leurs zones d’implantation que ces dernières années. Pour la fin 2007, une dizaine d’établissements sont dénombrés parmi lesquels trois réseaux plus importants servant de très petits crédits à des particuliers et à des micro-entrepreneurs. Ces établissements sont opérationnels dans quelques régions. Pour les autres, malgré leur relative multiplicité, leurs activités bancaires sont encore assez limitées comparativement à l’ensemble de leurs prestations de services non financiers.

2.2. Les organismes actifs en microfinance Le secteur de la microfinance continue à gagner de plus en plus du terrain. Il concerne non seulement les IMF mutualistes et non mutualistes mais il commence également à intéresser les banques et les autres types d’établissements de crédit qui l’ont auparavant dédaigné. Cependant, ce sont encore les IMF qui servent le plus la population défavorisée.

2.2.1. Les IMF mutualistes Les IMF mutualistes sont animées par l’esprit d’entraide et de coopération. Leurs excédents d’exploitation ne sont pas distribués mais renforcent le capital ou financent les ristournes. Les actionnaires sont constitués par les membres qui, lors des délibérations, sont régis par le principe « un homme, une voix » quelque soit le nombre de parts sociales dont ils sont détenteurs.

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Les membres des organes d’administration sont des élus par les adhérents en assemblée générale et assurent bénévolement leur mission. La gestion de l’institution est confiée à un exécutif souvent, jusqu’à récemment, ancien assistant technique auprès du réseau. Leurs honoraires sont financés par des subventions de bailleurs de fonds étrangers. Des techniciens locaux aident l’exécutif en tant qu’animateurs, inspecteurs ou développeurs. Comparés à leurs responsabilités, leurs salaires peu motivants sont sources de fréquentes rotations. Les IMF mutualistes sont en général organisées en réseaux de forme pyramidale. Au sommet se trouve la structure faîtière à laquelle sont rattachées les caisses de base. Les grandes décisions en matière d’orientations politiques sont prises au niveau faîtier. Le conseil d’administration est composé des élus issus des caisses de base. Certaines d’entre elles sont représentées dans les villages par des guichets ou des points de vente.

2.2.2. Les IMF non mutualistes Les IMF non mutualistes peuvent être classées en deux groupes qui se distinguent par leurs objectifs :

--d’une part, celles qui, formées en association, s’assignent une mission d’ordre social et distribuent des petits crédits en fonction des fonds dont elles sont dotées. Certains réseaux comportent de nombreux guichets couvrant plusieurs régions du pays. En plus des activités bancaires, cette catégorie d’institutions dispense des formations à l’intention de la frange de la population la plus défavorisée en vue de les aider à la création de micro-entreprises individuelles ;

--d’autre part, celles, constituées en sociétés commerciales, qui opèrent généralement avec un but lucratif sur la base de capital assez conséquent. Ces dernières sont gérées d’une manière plus professionnelle. La valeur des crédits individuels qu’elles distribuent est plus élevée que pour les IMF à vocation sociale ; il en est de même du volume de leur portefeuille. Avec l’adoption de la loi sur la microfinance, cette catégorie est désormais autorisée à collecter des dépôts.

2.2.3. Les établissements de crédit spécialisés dans la microfinance. L’adoption en 2005 d’une loi unique sur les activités de microfinance qui régit à la fois toutes les catégories d’institutions, qu’elles soient mutualistes ou non mutualistes, a ouvert la porte aux investisseurs étrangers. Ainsi, dès la fin de 2006, trois établissements de crédit qui se spécialisent dans la microfinance, ont obtenu leur agrément. Ce sont des établissements fortement capitalisés et visant un but lucratif. Installés dans la capitale et dans quelques grandes villes, ils deviennent des concurrents que les IMF déjà installées ont à affronter malgré l’inégalité des moyens et la divergence des objectifs.

2.2.4. Les banques classiques. Les établissements de crédit qui ont jusqu’alors réservé leurs opérations aux mieux nantis, se sont désormais tournées vers la clientèle plus pauvre en éliminant le seuil minimum

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d’épargne, en offrant directement des petits crédits, en accordant des lignes de financement aux IMF ou en participant à leur capital.

2.3. Les activités

2.3.1. Les opérations autorisées pour la microfinance Dans un souci d’efficacité et en attendant que les IMF fassent leur preuve, les services financiers qu’elles sont autorisées à offrir sont limités à l’octroi de crédits auquel s’ajoute la collecte de dépôts de leurs membres ou clients. La gestion de chèques ou la réalisation d’opérations libellées en devises étrangères ne leur sont pas permises. Toutefois, sous réserve de la disposition d’un capital assez conséquent et de la constitution en société commerciale, la loi sur la microfinance habilite les IMF non mutualistes à collecter des dépôts du public pour contribuer à la monétarisation de l’épargne et accroître leurs ressources. Ces services sont, dans la plupart des cas, accompagnés de formations. Les crédits octroyés financent en général les activités génératrices de revenus, les greniers communs villageois pour stocker les produits en attendant des cours plus avantageux, la location vente mutualiste qui est une sorte de crédit-bail pour les équipements ou les animaux de trait, certaines activités commerciales, et aussi des évènements sociaux tels les mariages, les rentrées scolaires ou les transferts de corps de la résidence principale vers le village natal. Le remboursement se fait sur une courte durée, quelques mois, pour les crédits sociaux, sinon, il peut parfois s’échelonner sur un plus long terme supérieur, à trois ans. Les coûts semblent parfois prohibitifs, plus de 4 pour cent par mois pour les mutualistes, mais cela ne découragent pas pour autant les membres qui jusqu’alors n’avaient d’autres recours qu’auprès des usuriers dont les taux exigés atteignent parfois annuellement 250 pour cent. Les non mutualistes, de leur côté, imposent des taux d’intérêt (2 à 2 ,5 pour cent par mois) à peine inférieurs à ceux appliqués par les banques. Les dépôts collectés concernent en majorité des comptes à vue non rémunérés, quoique ces dernières années aient vu se développer la collecte de dépôts de moyen et long termes quelquefois rémunérés. La constitution de dépôts forcés proportionnels est souvent nécessaire pour l’obtention de crédits. Jusqu’à l’adoption de la loi sur la microfinance, seules les IMF mutualistes étaient autorisées à collecter des dépôts volontaires. Certains réseaux d’ IMF dispensent, en outre, soit des séances de formation ou d’ateliers à leurs membres ou clients et même à des tiers, soit des modules de remise à niveau pour leurs techniciens. Les divers thèmes qui y sont développés visent l’amélioration du niveau de vie de la population par l’intermédiaire du recours aux besoins financiers. Ces thèmes sensibilisent non seulement sur les bienfaits qu’offrent l’utilisation des crédits ou la sécurisation de l’épargne par leur monétarisation, mais aussi sur la gestion des ressources des ménages, la gestion de petits projets agricoles ou d’élevage, ou l’utilisation de nouveaux produits financiers. Pour certains établissements qui concentrent plus particulièrement leurs efforts aux formations, les activités bancaires sont à titre expérimental.

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2.3.2. Les réalisations

Pour la période de 1996-2007, suite aux efforts d’animations et de vulgarisations, l’expansion de la collecte de dépôts a été très marquée, l’encours a connu une forte progression enregistrant un accroissement exponentiel. Il en a été de même de l’évolution des crédits quoique à un rythme moins fort. Evolution des encours de dépôts et de crédits des IMF mutualistes :

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

(en millions d'ariary)

Encours de dépots 184 542 1 068 3 361 7 416 11 150 10 372 18 992 21 803 25 510 31 317 42 243

Var en % - 194,6% 97,0% 214,7% 120,6% 50,4% -7,0% 83,1% 14,8% 17,0% 22,8% 34,9%

Encours de crédits 975 1 090 2 304 5 364 7 562 9 260 11 212 19 519 25 382 36 236 41 772 62 373

Var en % - 11,8% 111,4% 132,8% 41,0% 22,5% 21,1% 74,1% 30,0% 42,8% 15,3% 49,3%

Evolution des encours de dépôts et de crédits des IMFs mutualistes

0

10 000

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40 000

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1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007année

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Encours de dépots Encours de crédits

A fin 2007, l’encours des crédits distribués par les IMF mutualistes est passé de 62,4 milliards ariary (soit 33,3 millions USD) contre 41,8 milliards (soit 19,5 millions USD) un an auparavant marquant une nette progression annuelle de 49 pour cent. Au total, 82 307 emprunteurs ayant eu droit à 114 341 crédits ont été dénombrés contre 72 335 crédits pour 60 447 emprunteurs un an auparavant, soit une hausse respective de 36 pour cent l’effectif des emprunteurs et de 58 pour cent pour le nombre des crédits. Une multiplication du nombre de crédits par individu est constatée (1,38 contre 1,19) reflétant l’intérêt croissant des membres à l’utilisation des crédits. Le nombre de comptes de dépôts recensés est passé de 258 612 à 311 786 de 2006 à 2007, soit un accroissement de plus de 20 pour cent. L’encours de fin d’année s’est accru de 34,8 pour cent.

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Pour les non mutualistes, même si, en valeur absolue, le volume des octrois de crédits par les trois principaux réseaux semble insignifiant, néanmoins, son évolution est remarquable car il a été triplé par rapport à l’année précédente, ce qui mérite d’être retenu. Les encours de fin d’années présente une hausse de 45 pour cent. La part de la microfinance dans les activités bancaires reste, toutefois, insignifiante. Elle se situe à 2,22 pour cent de celles des établissements de crédit traditionnels, nonobstant la multiplication de l’effectif de la population touchée. Les dépôts et les crédits en représentent respectivement 1,55 et 3, 43 pour cent.

2.4. La situation financière

D’après les données disponibles, la santé financière du secteur affiche ces dernières années une évolution favorable tout au moins sur la base de la masse bilancielle. Les activités de crédit tout comme celles des dépôts connaissent une croissance régulière d’année en année. Malgré l’augmentation des autres formes de dépôts, ceux à vue en constituent plus de 60 pour cent de l’ensemble. Le portefeuille de crédits continue à s’améliorer, la culture de crédit commence à s’instaurer même dans les régions dans lesquelles les débiteurs rechignaient auparavant à respecter les échéances. Néanmoins, des efforts restent à fournir pour réduire le niveau des arriérés de paiement à 30 jours car le taux de délinquance se situe encore pour l’ensemble du secteur mutualiste à presque 8 pour cent ces dernières années. L’analyse individuelle montre toutefois que quelques IMF sont en meilleure santé. Les IMF respectent les normes prudentielles applicables aux établissements de crédit et, à l’exception de quelques unes, sont préparées à des ratios plus sévères. En effet, des ratios spécifiques aux activités de microfinance sont en cours d’élaboration afin de tenir compte des conditions particulières au secteur. Au niveau des résultats, les revenus nets d’intérêt qui constituent le principal produit des IFM connaissent une progression liée à l’accroissement du volume des crédits distribués et des intérêts sur les BTA. En y ajoutant les frais d’études de dossiers et autres honoraires, les résultats opérationnels sont d’autant plus favorables. Mais, comme de leur part, les charges administratives, notamment le coût de l’assistance technique, sont aussi assez conséquentes, l’autonomie fonctionnelle n’est pas encore atteinte dans certains réseaux (trois sur les neuf agréés). Le résultat net du secteur est à peine positif mais en amélioration. Cela est toutefois à relativiser dans la mesure où, prises individuellement, certaines IMF peuvent se passer d’assistance financière. En somme, au moins trois grands réseaux d’ IMF agréés sont aptes à faire le lien entre la microfinance et le réseau bancaire de par le volume de leurs activités et la taille de leurs opérations individuelles. Confiantes dans leur gestion, les banques classiques leur apportent les compléments de financement pour leurs opérations de crédit. Les relations d’affaires commencent à se tisser avec les banques. Par ailleurs, grâce aux efforts de certaines IMF suite à l’accroissement du volume de dépôts mobilisés, l’excédent de leurs ressources internes leur permet de financer le budget du Trésor Public pour leur participation au marché des Bons du Trésor. De plus, leur expérience et leur professionnalisme leur permettent d’intégrer le marché financier.

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3. L’avenir de la microfinance malagasy La microfinance est en bonne voie, l’effectif de la population ciblée a été largement dépassé. Cependant l’illusion de cette bonne marche ne doit pas cacher les risques liés à la fragilité des réseaux notamment mutualistes. Ces difficultés ne sont pas seulement d’origine interne mais proviennent aussi de facteurs exogènes. Quelques éléments de réponse ont déjà été apportés mais que l’on sait non encore suffisants pour l’atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté.

3.1. Les difficultés à surmonter

Le développement de la microfinance est rendu difficile du fait non seulement de comportements inhérents au secteur mais aussi de l’interférence de certaines décisions qui ne concourent pas à la bonne santé des IMF.

3.1.1. Les difficultés d’origine interne

Les problèmes de gouvernance

Les problèmes de gouvernance apparaissent régulièrement reportant d’autant l’appropriation des réseaux par les nationaux. En effet,

--les élus qui doivent vaquer leurs occupations pour assumer des fonctions auprès des réseaux à titre bénévole, deviennent de moins en moins motivés, --la rotation trop fréquente des techniciens traduit l’incapacité des IMF à fidéliser leurs agents qui se laissent tentés par des offres plus sécurisants, --les appuis financiers sont souvent absorbés par les honoraires de l’assistance technique. Face au contraste avec leur condition, les adhérents ne se sentent souvent pas concernés par l’avenir de leurs réseaux.

Les crises de croissance

Les crises de croissance se transforment en blocage mettant en jeu l’avenir des IMF. --Certaines institutions affiliées à la structure de regroupement et se sentant aptes à fonctionner par leurs propres moyens, cherchent à se désaffilier alors qu’en fait, elles n’ont en pas la capacité, d’où une perturbation au sein du réseau ; --des difficultés sont constatées une fois que le réseau devient plus étendu et que le contrôle interne ne suit pas. Ainsi, le système d’autogestion qui laisse le pouvoir de décision à des dirigeants élus non avertis, a été à la source d’une détérioration rapide du portefeuille de crédits, entraînant la fermeture de plusieurs caisses et, par la suite, un dysfonctionnement au niveau de l’institution. Les pertes ainsi engendrées ont érodé les fonds propres disponibles. Un début de redressement n’a pu avoir lieu sans l’intervention de la CSBF qui a dû mettre le réseau sous administration provisoire ;

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--l’extension des zones d’implantation a été parfois priorisée par les opérateurs au détriment du transfert de compétence. Ce qui perpétue la dépendance du réseau vis-à-vis d’appui technique extérieur ; --la quasi inexistence de ressources longues ou d’épargne stable limite les activités des IMF. De plus, les IMF hésitent à prêter et préfèrent plutôt placer les dépôts en bons du Trésor que de les transformer en crédits ; --l’externalisation de certains services du fait de l’extension de l’IMF, semble nécessiter l’intervention de prestataires extérieurs. Des précautions sont toutefois à prendre pour faire face aux risques de dilutions de responsabilité ou de main-mise du prestataire sur le réseau.

3.1.2. Les facteurs exogènes

Le dilemme entre vocation sociale et pérennité

L’équilibre entre vocation sociale et pérennité du réseau n’est pas facilement maîtrisable.

--La mise à disposition du public de produits financiers à des taux concessionnels subventionnés ou bonifiés à des fins sociaux est certes avantageux pour la population ciblée. Cependant, ce procédé ne joue pas en faveur du développement de l’institution mais entraîne plutôt des distorsions de concurrence à l’intérieur du secteur, surtout dans les zones où des IMF sont déjà présentes ; --La liberté des taux occasionne des profits non justifiés et non équitables aux institutions qui se concentrent dans les zones urbaines et les grandes agglomérations, aux dépens de celles qui sont installées dans les zones reculées et plus risquées, soucieuses de remplir leur vocation sociale ; --Les actions de soutien non concertées et quelquefois les incohérences mettent en péril la santé des IMF : l’importation de riz pendant la période des récoltes a entraîné une chute des prix fatale à l’établissement qui a financé la riziculture.

La quasi inexistence de concurrence

La quasi-inexistence de concurrence joue à l’encontre du respect de la déontologie de la microfinance.

--L’arrivée d’institutions fortement capitalisées à but lucratif, dont le volume des chiffres d’affaires et la confiance des bailleurs de fonds contribuent à la réduction des coûts des services offerts par rapport à ceux des IMF déjà en place qui n’ont pas les mêmes avantages, perturbe la concurrence ; --La situation monopolistique consécutive à la répartition initiale des zones d’implantation constitue un frein à l’amélioration de la qualité des services et de la gestion des IMF ; --L’inexistence d’initiatives locales, faute de ressources, ralentit l’atteinte de l’objectif car la microfinance risque de devenir une industrie qui profite plutôt aux nantis et limite l’accès des pauvres.

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3.2. La recherche de dispositif plus efficace La solution idéale pour soutenir la stratégie gouvernementale de lutte pour la pauvreté réside dans la création d’institutions de microfinance viables et pérennes qui répondent aux besoins de financement des ruraux. La poursuite de l’appui qui a été accordé au secteur est primordiale sans laquelle la mise en confiance des paysans envers ces IMF ne peut aboutir. D’autres dispositions ont été prises au niveau de la CSBF et des IMF pour mieux sécuriser le secteur.

3.2.1 La prévention des risques de surendettement

Dans le cadre de la prévention des risques de surendettement de la clientèle vu la multiplication des caisses et pour leur permettre de mieux sélectionner les bénéficiaires de crédit, une Centrale des risques de la microfinance est en cours de création au niveau de la Banque Centrale. La centrale sera mise à la disposition des établissements de crédit. Il est prévu qu’elle sera gérée provisoirement par la CSBF et intégrée dans la centrale des risques des autres établissements de crédit domiciliée à la Banque Centrale. Elle servira également d’outil de supervision de la CSBF.

3.2.2 La constitution d’une base de données sur les indicateurs de gestion

Le suivi de la santé des institutions et de leur fonctionnement sera par ailleurs contrôlé plus régulièrement par la CSBF grâce à la constitution d’une base de données sur les indicateurs de gestion des institutions et de l’ensemble du secteur de la microfinance. La base de données permettra non seulement de réaliser une meilleure supervision mais elle pourra également être consultée par les IMF pour se situer par rapport à l’ensemble du secteur.

3.2.3 Les autres balises réglementaires

D’autres balises réglementaires sont en étude ou sont déjà appliquées récemment. Ainsi pour encourager le transfert de compétence, il est désormais interdit à un assistant technique qui a appuyé un réseau pendant plus de 6 mois de prétendre y devenir un exécutif. Par ailleurs, une instruction de la CSBF définit les structures minimales de gouvernance exigées pour chaque niveau d’IMF.

3.2.4 Les réflexions sur l’utilisation des progrès technologiques Des réflexions sur l’utilisation des progrès technologiques pour les négociations de services financiers sont également en cours, afin de pouvoir offrir des services financiers dans les zones enclavées souffrant de l’inexistence d’énergie électrique ou pour diversifier le portefeuille de crédits. En outre, il est prévu de fournir des équipements informatiques aux IMF non pourvues, outils indispensables au meilleur suivi de leur fonctionnement.

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Conclusion Le secteur de la microfinance est aujourd’hui en pleine expansion, stade il est parvenu non sans difficulté. Il contribue désormais au développement du marché financier. Sa santé reste cependant précaire mais elle dispose de plusieurs atouts : la volonté confirmée du gouvernement de continuer d’ en faire l’instrument privilégié de réduction de la pauvreté, la faiblesse du taux de pénétration et les besoins croissants de la population, une demande potentielle élevée, la disposition de bailleurs de fonds à appuyer le développement du secteur, la prise de conscience des intervenants d’avoir un vision commune pour les actions à entreprendre, l’intérêt des investisseurs à opérer dans le secteur… Les conditions semblent être réunies pour atteindre le programme en terme d’implantation de caisse de proximité et d’intensification de la population touchée, à moins d’autres éléments non maîtrisables. L’objectif recherché, cependant, ne se limite pas à l’élargissement,t du secteur mais à en assurer la pérennité afin que les offres de services soient durables et la vulnérabilité de la population réduite. Après une analyse plus approfondie des résultats d’autres préoccupations ont émergé, et des questions y afférents n’ont pas trouvé de réponses :

-les services offerts répondent-ils réellement à l’attente de la population ciblée et contribuent-ils effectivement à la réduction de la pauvreté quand le coût du crédit reste aussi élevé? Comment réduire le taux d’intérêt sans empiéter sur le fonctionnement des IMF ? Dans quelles mesures les banques centrales peuvent-elles apporter son aide au financement des IMF pour que les taux d’intérêt que ces IMF doivent imposer à la population soient plus abordables et contribuent effectivement à l’amélioration de son niveau de vie ? -l’industrie de la microfinance bénéficiera-t-elle uniquement aux investisseurs dont la maximisation du profit risque d’annihiler les efforts entrepris jusqu’ici, dans la mesure où les sociétés, dont le but est essentiellement le lucre, jouissent également des avantages que procure un environnement créé pour répondre à des objectifs qui combinent en même temps une mission sociale ? Quelles peuvent être les solutions équitables ? Sur quels critères doit-on juger la qualité de la microfinance ? -au niveau institutionnel, la mission des autorités de contrôle doit-elle s’étendre à l’accompagnement des réseaux jusqu’à leur maturité ? En effet ; étant donné les conditions de fonctionnement ainsi que le dilemme entre mission sociale et atteinte du profit auquel les réseaux sont confrontés, les autorités de contrôles sont souvent les seules qui soient aptes, du fait de leur indépendance à dénoncer certaines pratiques nuisibles à l’intégrité du secteur.

Ce sont autant de questions qui se posent et pour lesquelles des réflexions doivent être menées pour que la finance africaine du 21ème siècle ne devienne pas un instrument d’enrichissement des riches et ne dévie pas de sa mission de servir l’économie tout en affranchissant les pauvres de leur condition de pauvreté.