Trois lettres à Jacques Derrida - Blanchot.pdf
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Article
Maurice BlanchotContre-jour : cahiers littéraires, n° 9, 2006, p. 61-64.
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« Trois lettres à Jacques Derrida »
Trois lettres à Jacques Derrida Maurice Blanchot
Le 21 juin 1982
Cher Jacques Derrida,
J'essaierai d'être toujours (toujours ? cela ne veut pas dire très longtemps) là où vous êtes, là où vous tentez d'être. Le difficile, voire l'impossible reste notre perspective pratique, le projet qu'il faut poursuivre sans illusion et sans relâche. Vous le savez, nous le savons, même si ce savoir se dissipe sans cesse. Les rapports de la philosophie et de la littérature restent l'énigme et la nécessité, la nécessité incertaine sans laquelle il n'y aurait jamais lieu d'écrire — mais où est ce lieu et écrit-on jamais ?
Cher Jacques Derrida, merci pour votre affection à laquelle la mienne n'est pas seulement une réponse.
Maurice Blanchot
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Cher Jacques Derrida,
Au début d'une semaine peut-être interminable, laissez-moi un instant rompre le silence et vous dire (ainsi qu'à la compagne, réelle, irréelle, du livre) combien il a été étonnant pour moi de retrouver les traces effacées d'un cheminement qui ne m'était plus permis, davantage, de cheminer avec un compagnon qui a su maintenir le cap dans des régions où je risquais de me perdre à jamais, même si, bien sûr et c'est inévitable, la possibilité de se perdre subsiste. Pour ce don qui m'a été fait, non sans péril pour vous-même, par ce livre et par vos livres et par tout ce qui les déborde en même temps, je ne saurais assez exprimer ma gratitude — celle enfin d'avoir été quelque temps votre contemporain. Je n'oublie pas notre première rencontre, les raisons graves et en quelque sorte éthiques de cette rencontre. Il s'agissait d'un signe dans l'incompatibilité et peut-être de sauver une amitié. Que cette amitié soit préservée.
Avec tout ce qui peut se dire de mon affection pour vous
Maurice Blanchot le 10 mars 1986
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Cher Jacques Derrida,
Le livre ? Non pas encore, mais l'amitié le précède.
E.[mmanuel] L.[évinas] qui ne lit plus depuis des années a lu « L'Instant » et a fait des commentaires approfondis. Quelle récompense, m'a dit Michael. Un autre a parlé du « Pas au-delà ».
Vous savez, je serai à vos côtés toujours. Ceux qui voudraient m'éloigner de vous, ne nous connaissent pas.
J'écris avec l'insistance de ce qui nous unit.
Dans la fidélité inexorable
Maurice
(Trancription de trois lettres de Maurice Blanchot, parues dans le Cahier de L'Herne. Derrida, sous la direction de Marie-Louise Mallet et Ginette Michaud, Paris, Éditions de L'Herne, 2004, n° 83, p. 463-464, 469.)
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